le travail dans la performance organisationnelle

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HAL Id: tel-01735778 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01735778 Submitted on 16 Mar 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le travail dans la performance organisationnelle : proposition d’une démarche pour étudier la performance du travail Stephane Deschaintre To cite this version: Stephane Deschaintre. Le travail dans la performance organisationnelle: proposition d’une démarche pour étudier la performance du travail. Gestion et management. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2017. Français. NNT: 2017PA01E004. tel-01735778

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Page 1: Le travail dans la performance organisationnelle

HAL Id: tel-01735778https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01735778

Submitted on 16 Mar 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Le travail dans la performance organisationnelle :proposition d’une démarche pour étudier la performance

du travailStephane Deschaintre

To cite this version:Stephane Deschaintre. Le travail dans la performance organisationnelle : proposition d’une démarchepour étudier la performance du travail. Gestion et management. Université Panthéon-Sorbonne -Paris I, 2017. Français. �NNT : 2017PA01E004�. �tel-01735778�

Page 2: Le travail dans la performance organisationnelle

ECOLE DOCTORALE DE MANAGEMENT PANTHÉON-SORBONNE

ESCPEurope

EcoleDoctoraledeManagementPanthéon-Sorbonne

ED559

LETRAVAILDANSLAPERFORMANCEORGANISATIONNELLE:PROPOSITIOND’UNEDEMARCHEPOURETUDIERLAPERFORMANCEDUTRAVAIL

THESE

Envuedel’obtentionduDOCTORATÈSSCIENCESDEGESTION

Par

StéphaneDESCHAINTRE

Soutenancepubliquele30octobre2017

JURYDirecteurdeRecherche: M.OlivierSAULPIC Professeur ESCPEuropeRapporteurs: MmeAnnickANCELIN-BOURGUIGNON Professeur ESSEC M.PierreFALZON Professeur CNAMSuffragants: M.FabienDEGEUSER Professeurassocié ESCPEurope M.PatrickGILBERT Professeur IAEdeParis,UniversitéParis1Panthéon-Sorbonne M.FrançoisHUBAULT ProfesseurEmérite UniversitéParis1Panthéon-Sorbonne

Page 3: Le travail dans la performance organisationnelle

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Page 4: Le travail dans la performance organisationnelle

3

L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises

danslesthèses.Cesopinionsdoiventêtreconsidéréescommepropresàleursauteurs.

Page 5: Le travail dans la performance organisationnelle

4

Page 6: Le travail dans la performance organisationnelle

5

Atoutescellesetceuxdontletravailcoûte(rait)cher

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Page 8: Le travail dans la performance organisationnelle

7

REMERCIEMENTS

Jetienstoutd’abordàremercierPr.OlivierSaulpic,mondirecteurdethèse.Olivier,jetesuis

infiniment reconnaissantde ta confiance,de ton implicationetde tondévouement toutau

longduprocessus,parfoiscompliqué,delathèse.Atraverslarelationquis’estconstruite,tu

aslargementcontribuéàfaçonnerlechercheurquejesuisaujourd’hui.

Je remercie les rapporteurs de cette thèse, les professeurs Annick Ancelin-Bourguignon et

PierreFalzon.Jevoussuisextrêmementreconnaissantpourvosremarquesetcommentaires

quiontgrandementcontribuéàaméliorerleprésentmanuscrit.

JeremerciePr.FrançoisHubaultdeparticiperàmonjury.CherFrançois,c’estunplaisiretun

honneurde tecôtoyerdepuisdenombreusesannéesdéjà.Tapenséeapporteunventd’air

fraisetvivifiantetconstitueundesressortsessentielsdelaprésentethèse.

JeremercieFabienDeGeuserd’êtreprésentàmon jury.Fabien,mercidem’avoirmontré la

voieavecautantd’enthousiasme.

Je remerciePr.PatrickGilbertd’avoiracceptédeparticiperàce jury,etainsid’en renforcer

l’interdisciplinarité.

Je remercie l’Ecole Doctorale de Management de Panthéon-Sorbonne et le Programme

Doctorald’ESCPEuropedem’avoirpermisde réalisercette thèse. Je remercieenparticulier

HervéLarocheetChristineRocquepourleursoutienetleurimplication.

JeremercielaChaireOrganisation,LeadershipetSociété–SociétéGénéraleESCPEuropepour

lefinancementdontj’aibénéficié.Jeremerciel’ISGdem’avoirpermisdeterminercettethèse

dansdebonnesconditions.

Laprésente thèsen’auraitpaspuêtrepossible sans lesentreprisesquim’ontaccueillies. Je

remercieenparticulierMonsieurJeanC.,PDG,etMonsieurFabriceB.,DRH,dem’avoirouvert

lesportesdeleursentreprisesrespectives.MerciégalementàMadameClémenceG.pourson

accompagnementadministratifetopérationnel chezBoutiquesAéroports. Je remercieenfin

toutes les personnes que j’ai rencontrées dans ces entreprises. Ouvriers, vendeurs ou

managersde toutniveau, vousavez tolérémaprésence,mesquestions,mesdemandes. Je

Page 9: Le travail dans la performance organisationnelle

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vous suis extrêmement reconnaissant d’avoir bien voulu partager avecmoi votre travail et

votreexpérience.

J’ai aussi eu la chance de bénéficier d’un accueil bienveillant, d’une écoute attentive et de

conseilsavisésauprèsdeClaireDambrin,PhilippeDobler,FrançoisFourcade,FrançoiseGiraud,

Jean-PierreGrande, CarlaMendoza,JérémyMoralès,PhilippeZarlowski,EmmanuelZilberberg.

J’aiégalementunepenséepourmesanciensprofesseursàHEC,MichelFIOLetAndreùSOLE,

quisontmespremiers«passeurs»versl’ergonomie.

Enfin,que seraitcette thèse sansmescompagnonsde route?Merciàvouschers touteset

tousdu (feu) 6ème étageoud’ailleurs,pour tous lesbonsmomentsque j’aipupasser avec

vous:Andrew,Anissa,Arthur,Emma,François,Isa,Pilar,maisaussiBruno,Nora,JC.

Ungrandmerciaussiàvous,messupercollègues,pourvosencouragementsrépétéspendant

ladernièrelignedroite:AliceA,AliceZ,Amélie,Céline,Emmanuel,Hicham,Oussama,Narjès,

Sabrina,Sébastien,ettouslesautres.

Merciaussià tousmesamisquim’ontsoutenudès ledébut (d’ailleurs,certainsysontpour

quelquechosedanscettehistoire…)etduranttoutescesannées:Cyrille,Emilie,Olivier,Manu

&Caro,Chiwhi&Vincent,Xav&Cécile,Antoine&Alex.

Unemention spéciale pourmes relecteurs:AliceA,Alice Z, Cyrille,Didier,Hicham,Marie-

Claude,Marie-Christine,Oussama, Sébastien.

Meschersparents,jevousremerciedelaconfiancequevousavezaccordéeduranttoutmon

parcoursacadémique,etnotammentlorsquecedernierapuprendreuntourinattendu.

Jeremerciemafillequiasuaccepterquesonpapatravaillesisouventàlamaison.

Mes toutesdernièrespenséesvontà la femmedema vie,quim’aencouragé,accompagné,

soutenu,choyéetsupportétoutau longdecettethèse.Machérie,une foisencore,tum’as

permisdemedépasser,etjereçoiscelacommeuneimmensemarqued’amour.

Page 10: Le travail dans la performance organisationnelle

9

SOMMAIRE

Préambule.......................................................................................................................17

INTRODUCTIONGENERALE......................................................................................19

CHAPITRE1–LETRAVAIL,BASEDEDEFINITIONPOURUNOBJETDIFFICILEA

APPREHENDER.........................................................................................................28

Introduction....................................................................................................................28

1 Letravail,unobjetdifficileàappréhender.........................................................28

1.1 Pluralitésémantiqueetconceptuelledutravail:nécessitédechoisirunpointdevue

29

1.1.1 Aperçudelapluralitésémantiqueconceptuelledutravail...................................29

1.1.2 Lechoixdupointdevuedesentreprises..............................................................30

1.2 Desobstaclesà l’étudedutravail:incorporation,indéfinitionetdisparitiondu

travail..............................................................................................................................31

1.2.1 Incorporationdutravail.........................................................................................31

1.2.2 Ladoubleindéfinitiondutravail(Hubault,1999)..................................................32

1.2.3 Letravail,objetderechercheensciencesdegestion?........................................33

2 Propositiond’unebasededéfinitionpourletravail...........................................36

2.1 Shimmin(1966)......................................................................................................36

2.2 Noon&Blyton(2002)............................................................................................37

2.3 Notredéfinitiondebase:Méda(2004)..................................................................38

Conclusionsduchapitre1........................................................................................40

CHAPITRE2–APERCUDETRAVAUXENECONOMIEETGESTIONLEGITIMANTDE

S’INTERESSERALACONTRIBUTIONDUTRAVAILDANSLESORGANISATIONS...........42

Introduction....................................................................................................................42

1 Premièresconsidérations:réductionsd’effectifsetquestionssurletravail.......43

1.1 Lecontextederéductionsd’effectifs......................................................................43

1.2 Lesquestionsposéessurletravail..........................................................................44

2 Quelscoûtet«valeur(s)»autravail.................................................................45

2.1 Lecoûtdu«travail»,définitionetdifficultés........................................................45

2.1.1 Définition...............................................................................................................45

Page 11: Le travail dans la performance organisationnelle

10

2.1.2 Difficultésinhérentesaucoûtdutravail................................................................46

2.2 Lesalaire,principaldéterminantdelademandedetravail?Revuedequelques

anomaliesenéconomie...................................................................................................48

2.2.1 Lesalaired’efficience............................................................................................48

2.2.2 L’élasticité-prixdutravail.......................................................................................49

2.2.3 Lesalaireminimumetle«paradoxedesfast-foods»..........................................50

2.3 Une«valeur»autravail?.....................................................................................52

2.3.1 Letravail,uncoûtsansvaleur?.............................................................................52

2.3.2 L’immobilisationdeschargesdepersonnel...........................................................53

3 Lacontributiondutravailàtraverslaproductivité?..........................................54

3.1 Définition(s)delaproductivité...............................................................................55

3.1.1 Unpeud’histoire...................................................................................................55

3.1.2 Unratiosurletravail…..........................................................................................56

3.1.3 …Oudesratios?...................................................................................................56

3.2 Critiquesdelaproductivité....................................................................................59

3.2.1 Unratioconceptuellementvalide?.......................................................................59

3.2.2 Quel«travail»danslaproductivité?...................................................................60

3.2.3 Synthèsedescritiques...........................................................................................61

4 L’individucommesourcedeperformance.........................................................61

4.1 Encomptabilité:deshumanassetsàl’employeeworth.........................................62

4.2 Lecontrôledegestionsociale................................................................................63

4.2.1 Historique,positionnementetdéfinitionducontrôledegestionsociale.............63

4.2.2 Lapossibilitéouverteencontrôledegestionderecherchessurletravail............67

4.2.3 Cequinousdistingueducontrôledegestionsociale............................................68

4.3 Lagestiondesressourceshumaines(GRH).............................................................69

4.3.1 UnaperçudelaGRH..............................................................................................69

4.3.2 QuelquestravauxenGRHsurlaperformanceindividuelle...................................73

5 Verslaperformancedutravail...........................................................................75

5.1 Aquelleperformanceletravailcontribuerait-il?...................................................75

5.2 Définitiondeperformancedutravail.....................................................................77

Conclusionsduchapitre2........................................................................................78

Page 12: Le travail dans la performance organisationnelle

11

CHAPITRE3–LESAPPORTSDEL’ERGONOMIEANOTRERECHERCHE.......................80

Introduction............................................................................................................80

1 L’ergonomie,sciencedutravail–définitionetprincipauxcourants...................80

1.1 Définitiongénéraledel’ergonomie........................................................................80

1.2 Historiquedel’ergonomieetprincipauxcourants..................................................81

2 Modalitésd’associationentreergonomieetcontrôledegestion.......................83

2.1 Commensurabilitéentreergonomieetcontrôledegestion....................................83

2.2 Destravauxpionniersmobilisantergonomieetcontrôledegestion......................85

3 Deuxcaractéristiquesprincipalesdutravailenergonomie,etleursconséquences

pourladéfinitiondutravail.....................................................................................86

3.1 Lacaractérisationfondatrice:l’écarttâche/activité...............................................86

3.1.1 L’écarttâche/activité.............................................................................................86

3.1.2 Distinctiond’avecdiscretionetcatachrèse...........................................................88

3.2 Lavariabilitéintrinsèquedutravail........................................................................90

3.3 Complémentsergonomiquesàladéfinitiondutravail...........................................92

4 Deuxapportsdelanotiond’activité..................................................................93

4.1 Letravailopérationnaliséparl’activité..................................................................93

4.2 Leseffetsutilesdel’activitépourlesorganisations................................................94

Conclusionsduchapitre3........................................................................................97

CHAPITRE4–QUESTIONDERECHERCHEetPREMIERSDEVELOPPEMENTS..............99

Introduction....................................................................................................................99

1 Questionderecherche.......................................................................................99

2 Unerecherchenormative................................................................................100

3 Rendrecomptedelaperformancedutravail–Propositiond’uncadreanalytique

103

3.1 Pourquoiuncadreanalytique?............................................................................103

3.2 Quelcadreanalytique?.......................................................................................104

3.3 Validitéducadreanalytiqueproposé...................................................................106

3.4 Définitiondescatégoriesducadreanalytique......................................................107

Conclusionsduchapitre4......................................................................................109

Page 13: Le travail dans la performance organisationnelle

12

CHAPITRE5–METHODOLOGIEDELARECHERCHE.................................................110

Introduction..................................................................................................................110

1 Démarchemethodologiquegénérale...............................................................110

1.1 L’étudedecas–présentationgénérale................................................................111

1.1.1 Définitionsetcaractéristiquesgénéralesd’uneétudedecas.............................111

1.1.2 L’étudedecas–uneméthodologiepertinentepournotrerecherche...............112

1.1.3 L’étudedecas,unedémarchelégitimedansnotrechampderecherche...........114

1.2 Présentationsuccincteetjustificationdenosdeuxcas........................................114

1.2.1 Pourquoideuxcas?Etpourquoicesdeux-là?...................................................114

1.2.2 Caractérisationetunitédenoscas......................................................................115

1.2.3 Contraintesd’accèsauxcas.................................................................................116

2 Méthodesdecollectedesdonnées..................................................................118

2.1 Présentationgénéraledesméthodesdecollecte.................................................119

2.2 Méthodesprincipales...........................................................................................121

2.2.1 Entretienssemi-directifs......................................................................................121

2.2.2 Collectededocuments........................................................................................128

2.2.3 Observationsnonparticipantes...........................................................................130

2.2.4 Verbalisation/échangeinformel........................................................................139

2.3 Méthodessecondaires.........................................................................................141

2.3.1 Observationsderéunions....................................................................................141

2.3.2 Lesrestitutions....................................................................................................143

2.3.3 Journalderecherche...........................................................................................144

2.4 Méthodestertiaires.............................................................................................145

2.4.1 Listedequestions................................................................................................145

2.4.2 RecherchessurInternet.......................................................................................146

2.4.3 Collected’objetsdivers........................................................................................147

3 Traitementetexploitationsdesdonnées.........................................................149

3.1 Traitementdesdonnéesbrutes............................................................................149

3.2 Exploitationdesdonnées.....................................................................................151

Conclusionduchapitre5.......................................................................................153

Page 14: Le travail dans la performance organisationnelle

13

CHAPITRE6–CASBOUTIQUESAEROPORTS...........................................................155

Introduction..........................................................................................................155

1 PrésentationdeBoutiquesAéroports..............................................................155

1.1 Informationsgénérales........................................................................................155

1.2 Présentationgénéraledespointsdevente...........................................................156

1.2.1 Conditionsdechoixdesboutiques......................................................................157

1.2.2 Boutiques«Core»...............................................................................................157

1.2.3 Boutique«Mode»..............................................................................................158

1.2.4 L’organisationenboutiques................................................................................159

2 LesdiscourschezBoutiquesAéroports............................................................161

2.1 Undiscoursorganisationnel:ladémarchedevente.............................................163

2.1.1 Présentationgénérale.........................................................................................163

2.1.2 Lescénariodevente............................................................................................164

2.1.3 Phrasesd’accueiletattitudesdevente...............................................................167

2.1.4 Fairerespecterlescénariodevente:lesvisites-mystère...................................169

2.1.5 AnalyseetinterprétationdeladémarchedeventedeBoutiquesAéroports.....171

2.2 Lesdiscoursdesmanagersdeproximité...............................................................173

2.2.1 Letravaildevendeurselonlesmanagersetleursadjoints.................................173

2.2.2 Lerôledutravaildesvendeursdanslaperformance..........................................191

2.2.3 Synthèsesurlesdiscoursdesmanagersetmanagersadjoints...........................196

3 LesmesureschezBoutiquesAéroports............................................................198

3.1 Lechiffred’affaires(CA).......................................................................................198

3.2 Lepaniermoyen(PM)..........................................................................................198

3.3 Ladémarqueinconnue.........................................................................................199

3.4 Lamesuredelaconformitéàladémarchedevente–scoredevisite-mystère.....199

4 DespratiquesmanagérialeschezBoutiquesAéroports....................................201

4.1 Lesrécompensesliéesaurespectduscénariodevente........................................202

4.2 Lespratiquesdesmanagersvisantàinfluencerlaperformanceenboutiques......204

4.2.1 Commentremédieràdesproblèmesponctuelsdeperformance?....................204

4.2.2 Versuneindividualisationdelaperformance .....................................................209

4.3 Synthèsesurlespratiquesmanagériales..............................................................212

5 Synthèsesurlesmesures,discoursetpratiquesmanagériales.........................213

Page 15: Le travail dans la performance organisationnelle

14

6 L’activitéchezBoutiquesAéroports.................................................................217

6.1 Caractérisationdel’activitédesvendeurs............................................................218

6.1.1 Unemobilisationcorporelle….............................................................................218

6.1.2 …orientéeverslesclients(lespassagers)….......................................................219

6.1.3 …etverslesproduits….......................................................................................220

6.1.4 …auservicedel’organisation.............................................................................221

6.2 Analyseetinterprétationdesituations................................................................222

6.2.1 Situationn°1:ventedecigares..........................................................................223

6.2.2 Situationn°2:unaccueilimpoli?.......................................................................228

6.2.3 Situationn°3:tempsetmécontentement.........................................................231

6.2.4 Situationn°4:tempsetventecomplémentairepresqueratée.........................234

6.2.5 Situationn°5:vendeuseoumagasinière?.........................................................236

6.2.6 Situationn°6:vendreàplusieurs.......................................................................240

6.2.7 Situationn°7:ventesans(quasimentaucun)conseil........................................242

6.2.8 Situationn°8:desproduitsabandonnés............................................................244

6.3 Synthèsedel’activitédesvendeurs......................................................................246

Conclusionsduchapitre6......................................................................................249

CHAPITRE7–CASINDUSTRIEROUE.......................................................................254

Introduction..........................................................................................................254

1 Présentationd’IndustrieRoue.........................................................................254

1.1 Informationsgénérales........................................................................................254

1.2 Stratégieetenjeuxspécifiquesd’IndustrieRoue..................................................256

1.2.1 Positionnementstratégique:flexibilitéetréactivité..........................................256

1.2.2 L’enjeudelasurvieàcourttermepourrembourserdesdettes.........................261

2 LesmesureschezIndustrieRoue.....................................................................263

2.1 PanoramadesindicateurschezIndustrieRoue....................................................263

2.2 LesindicateursdeproductivitéchezIndustrieRoue.............................................266

3 DesdiscoursmanagériauxchezIndustrieRoue................................................272

3.1 Lesécartsdeproductivitédansl’atelier...............................................................273

3.1.1 Localisation desécartsdeproductivité...............................................................273

3.1.2 Quellesexplicationsauxécartsdeproductivité?................................................275

Page 16: Le travail dans la performance organisationnelle

15

3.1.3 Synthèsesurlesécartsdeproductivité...............................................................283

3.2 Discourssurlaqualité..........................................................................................285

4 DespratiquesmanagerialeschezIndustrieRoue.............................................287

4.1 Embauched’unresponsablequalité.....................................................................288

4.2 Dusureffectifdansl’atelier..................................................................................290

4.2.1 Chiffragedusureffectif........................................................................................290

4.2.2 Desraisonstechniquesausureffectif..................................................................291

4.2.3 Lesureffectifestutile..........................................................................................292

4.2.4 Attendrepourajusterleseffectifs.......................................................................292

4.2.5 Desressourcesparfoistropajustées...................................................................293

4.2.6 Analyseetinterprétationsdusureffectif.............................................................294

4.3 Ilfaudraitpouvoirobserver.................................................................................297

4.4 SynthèsesurlespratiquesmanagérialeschezIndustrieRoue..............................299

5 L’activitéchezIndustrieRoue..........................................................................301

5.1 Situationn°1:commentcompterl’activité?........................................................301

5.1.1 Situationobservéele4mars2013àl’usinage....................................................301

5.1.2 Analyseetinterprétations...................................................................................302

5.2 Situationn°2:où sefaitledélaidelivraison?......................................................304

5.2.1 Présentationdelasituation.................................................................................304

5.2.2 Analyseetinterprétation.....................................................................................305

6 Synthèsesurlesmesures,discours,pratiquesetactivitéchezIndustrieRoue..307

Conclusionsduchapitre7......................................................................................308

CHAPITRE8–DISCUSSION,LIMITES,CONTRIBUTIONS...........................................311

1 Discussionetcontributions..............................................................................311

1.1 Discussionetcontributionsautourdenotrecadreanalytique..............................311

1.1.1 Uncadreanalytiqueoriginalcommeréponse àlaquestionderecherche.........311

1.1.2 Despossibilitésd’extensiondupérimètred’utilisationducadreanalytique......314

1.2 Letravail,objetderecherchelégitimeencontrôledegestion..............................317

1.3 Unaccèsàdelargesreprésentationssurlaperformance.....................................319

Page 17: Le travail dans la performance organisationnelle

16

1.4 Discussionetcontributionrelativesàlaprescriptiondutravail............................321

1.4.1 Contributionàladéfinitiondelaprescriptionautraversdepratiques

managériales....................................................................................................................321

1.4.2 Objectifsdeperformanceetauto-prescription...................................................324

1.4.3 L’adhésionàlaprescriptionchezBoutiquesAéroports.......................................326

1.5 Activitécollectiveetperformancedutravail........................................................327

2 Limites.............................................................................................................329

2.1 Desaspectsdutravailquenousnégligeonsdanscettethèse...............................329

2.2 Limitesrelativesàlacatégoriepratiquemanagérialeducadreanalytique...........330

2.3 Deslimitesrelativesàlacollectedesdonnées.....................................................331

3 Perspectivesderecherche...............................................................................332

CONCLUSIONGENERALE........................................................................................333

BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................335

ANNEXES...............................................................................................................343

ANNEXE1:Guided’entretienV1...................................................................................344

Page 18: Le travail dans la performance organisationnelle

17

Préambule

La recherche présentée ici est fortement animée par des raisons personnelles qui

tiennentàmesparcours intellectueletprofessionnelantérieursà l’entréeen thèse.

Cesdeuxraisonscontribuentàexpliquerleprojetdanslequel jem’inscris.

Durantmesplus jeunesannéesd’étudesàHEC, le cours«Théorieet sociologiedes

organisations» m’a extrêmement intéressé. J’ai été fasciné par l’analyse socio-

techniquedesorganisations.La lectureducélèbrepapierdeTrist&Bamforth(1951)

surlaméthodedetailledanslesminesdecharbonm’acomplètementbouleversé.J’en

gardeencoreunsouvenirému aumomentoùj’écrisceslignes.Jemesuisditalorsque

TristetBamforth avaient tout compris: il faut aller voirdansquelles conditions les

gens travaillent pour comprendre la capacité de production d’une mine, ou, plus

généralement,d’uneentreprise.Premièrerévélation!

A la finducursusHEC, j’avaisuncertainsentimentd’inaboutissement.Jemesentais

désarmépourpréserver la«ressourcehumaine»quiavait l’airsidéterminantedans

la réussited’uneentreprise. Jevoulaisalors faireunDESSenRessourcesHumaines,

maissurlesconseilsM.FioletA.Solé,mesprofesseurs,m’oriententversunDESSen

ergonomie.Jen’airetenuquequelquesphrasesdemonpremierrendez-vousavecF.

Hubault: l’ergonomie cherche à concilier «conditions de travail et conditions du

travail», et «tout problème au poste de travail relève d’un conflit de gestion».

Seconde révélation! J’avais rencontré un univers intellectuel qui répondait àmes

propresquestionnements. Lemoyende la conciliationdevientalorsunengagement

intellectuel:celuideporterlesproblèmesdutravailsurleterraindelagestion.

Armédecesconvictions,jesuisembauchéaprèsmonDESSentantqu’ergonomedans

uneusinedefabricationautomobile.Lecontexteglobalet lespremierschantierssur

lesquels j’interviens douchent mon enthousiasme: il n’est question que de

productivité, c’est-à-dire de diminution du nombre d’ouvriers sur la chaîne. Par

ailleurs, lecontexteorganisationnel introduituncloisonnementavec l’aspectquime

Page 19: Le travail dans la performance organisationnelle

18

semblait important: «l’accès à la gestion», c’est-à-dire au système de contrôle de

gestion,doncauxdonnéeséconomiquesvalidantlesdécisionsdeproductivité.

J’ai cru pouvoir retourner ce contexte grâce à une mobilité au sein du «service

financier»decettemêmeusine,d’abordàlacomptabilité(entantquechef),puisau

contrôledegestion.Danscepérimètre, l’accèsaux«chiffres »étaitcertesplusaisé,

maislesconséquencessurletravailm’étaientdésormaisinvisibles.

Parailleurs,lecontextedeproductivitén’avaitnullementfaibli,etjemesuisretrouvé

ensituationdedevoirmoiaussi«réaliserdelaproductivité»dansmonservice.Enà

peineunan,deuxpostesde comptable(33%,toutdemême)avaientétésupprimésà

l’occasion de départs en retraite. Le plus troublant dans cette «productivité»

obligatoire,c’estque laquestiondumaintiend’undespostesn’a jamaisétéposée–

commes’ilétait«naturel»quelenombred’effectifsbaissât.

Etpuis,commej’avaisbienœuvrépourlaproductivité,çaétéautourdemonpostede

faire l’objet d’une «productivité»: un chef pour 3 ou 4 comptables, c’est trop…

Quellerécompense!Autrechoc.

Après, l’arrivéeencontrôledegestion,principalementsur la«massesalariale»,m’a

permis de constater quelques comportements «absurdes» alimentés par la

comptabilité analytique de l’entreprise. Dans ces années où le «sureffectif» était

partout, certaines filiales du groupe préféraient embaucher des intérimaires «qui

coûtaientmoinscher»quelessalariésdenosusines!Cetypedesituationarenforcé

ma conviction que le système de calcul de coûts joue un rôle déterminant dans la

manièredontuneentreprisegèreseseffectifs.

Aufinal,jeressentaispeudemotivationàcontinuermacarrièredanscetteentreprise,

tirailléentre lagestiond’uncôtéet l’ergonomiede l’autre.C’estalorsque l’enviede

reveniràmesquestionnements fondamentaux s’est faite sentir… J’aialors choiside

débuterunethèse,cellequejevousprésente.

Page 20: Le travail dans la performance organisationnelle

19

INTRODUCTIONGENERALE

Laprésentethèseportesur laperformancedutravail,c’est-à-diresur lacontribution

dutravailàlaperformancedesorganisations.Ellepuisesasourcedansdesquestions

empiriquesillustréesparlesproposdecedirigeant:

«Nousnousapercevons,constatecedirigeant,qu’iln’yaplusderèglespour recréercesemploisdontnouspercevons l’utilité �citésplushautdans letexte:chauffeurs,gardiensdenuit,documentaliste…�. Ils’agitd’emploisnondirectementproductifs,qui seront assimilés àdes fraisgénéraux.Orlatendancespontanéedeceuxquijugentlagestionestdecompteren chiffred’affairespar salariés,età juger les fraisgénérauxcomme le signe d’unemauvaise gestion.». (Philippe Joffard, PDG deLafuma,citédansGinsbourger,1998,p.200).

L’extrait ci-dessus exprime la difficulté qu’éprouve ce PDG à expliquer selon des

critèresde«bonnegestion»,l’utilitéd’emploisqu’ilsouhaiterecréer.Cecisignifieque

pour lesemplois considérés, iln’estpasenmesurede justifier selon les critèresde

gestionencours,cequevaapporter,àsonentreprise,letravailquiseraréalisédansle

cadredecesemplois.

LesproposdePhilippe Joffard éclairent comment laquestionde la contributiondu

travail à la performance se pose concrètement dans les organisations.Qu’en est-il

danslalittérature?

La littérature en contrôle de gestion s’intéresse très peu au travail. Sur un plan

théorique, Lorino (1995)pointeun«paradigmedu contrôle» (p.21)dans lequel le

travailestsupposéstableettransparent,donctraitéparomission.

Une approche plus normative part de l’hypothèse que la performance des

organisations est par nature multidimensionnelle et en déduit la nécessité de la

modéliser (Lebas, 1995; Giraud& Zarlowski, 2011; Löning& al., 2013). Le niveau

d’analyse est alors organisationnel. Le pilotage opérationnel de cette performance

cherche à relier les objectifs auxmoyens nécessaires pour les atteindre (Giraud&

Zarlowski,2011;Löning&al.,2013).Maissans l’exclure,cesdémarchesn’identifient

Page 21: Le travail dans la performance organisationnelle

20

pas formellement le travailen tantque tel comme levierdeperformance– toutau

plusmentionnent-ellesdesmoyenshumains,ouajoutent-ellesde laprescription.Par

ailleurs, les moyens envisagés représentent généralement une consommation de

ressources, c’est-à-dire un coût (Mendoza& al., 2009), qu’il faudrait rapporter à la

valeur créée (Lorino, 2003). Malleret (2009) a cependant mis en évidence de

nombreusesdifficultésdansl’articulationeffectiveducouplecoûts-valeur.Danscette

perspective plus normative, la performance du travail reste donc difficilement

identifiable.

Dansuneperspectiveempirique,lalittératurelaplusprochedenotrethématiqueest

celle sur le contrôle de gestion sociale (Martory, 2012; Alcouffe & al., 2013;

Cappelletti,2006). Le contrôlede gestion sociale s’intéresse aux individus au travail

dansuneperspectivedeperformancepourl’organisation.Denombreusesdimensions

sontalorsétudiées:catégories,statuts,compétences,productivité,accidents,etc.Ces

dimensions concernent les individus au travail dans une logique d’indicateurs

généraux.Parconstruction,elless’approchentinsuffisammentdecequelesindividus

fontconcrètementdanslesorganisations–àsavoirleurtravail.

Ainsi, selon plusieurs approches, le contrôle de gestion n’apporte pas de réponse

directeàlaquestiondelaperformancedutravail.

L’ergonomieest la«sciencedutravail»(IEA,2000).Cettedisciplineétudie letravail,

etviseconjointementdeuxobjectifs:bien-êtreindividueletperformancedusystème

(IEA,2000;Falzon&Mas,2007;Dul&al.,2012).Defait,lalittératureenergonomie

modélisedemanièrethéoriqueetgénériqueleseffetsutilesdutravail(Hubault,1999),

tantpour l’individuquepour l’entreprise (Guérin& al.,1991;Hubault&al.,1996;

Leplat,2000).Toutefois, ilest classiquement reprochéà l’ergonomiede s’intéresser

prioritairementaubien-êtredesindividus(Perrow,1983;Falzon&Mas,2007;Dul&

Neuman,2009).Parailleurs,Hubault (1999) constateque laperformancedu travail

resterelativementindéterminée:

«�…�lesentreprisesontàfairefaceàunedoubledifficulté:-unerelative indéfinitionéconomiquedutravail,liéeàladifficultédecomprendre la contribution du travail à la création de la valeuréconomique;

Page 22: Le travail dans la performance organisationnelle

21

-unerelativeindéfinitionorganisationnelledutravail,liéeàladifficultéde comprendre comment le travail permet à l’entreprise de «faireface…»et luidonne lesmoyensde tenirses«rendez-vous» [Zarifian,95].»(soulignéparl’auteur).

Aussi,même si l’ergonomie entend étudier le travail en lien avec le bien-être et la

performance,ilsemblequelelienaveclaperformancenécessited’êtreapprofondi.

Les sciences de gestion comportent d’autres disciplines (GRH et comptabilité,

notamment),etsontinstitutionnellementprochesdel’économie.Ennousintéressant

àceschamps,nousconstatonsqu’ilsn’apportentpasnonplusderéponsedirecteàla

questiondelaperformancedutravail.

Tout d’abord, un tout petit nombre de travaux en économie et gestionmobilisent

directement lanotiondeperformancedutravail(Rocca,2009;Jawadi,2010;Jawadi

&BoukefCharki,2011).ChezRocca (2009), laperformancedu travail relèved’«une

réquisitiondescompétences»dessalariés.»(p.16),c’est-à-direexigerquelessalariés

mettentenœuvrecequ’ilssaventetpeuvent faire.Pour Jawadi (2010)et Jawadi&

BoukefCharki(2011), laperformancedutravailtraduit le«niveaudeconformitépar

rapportauxnormesetaux standardsd’évaluation �…�.» (Jawadi,2010,p.289).Ces

travaux s’appuient en fait sur une conception prescriptive de la performance du

travail: la contribution du travail consiste à se conformer à ce qui est requis ou

demandé. Comme l’a montré l’ergonomie, cette conception est partielle, voire

erronée,carletravailréaliséparlesindividuss’écartegénéralementdelaprescription

(Cazamian&al.,1996; Falzon,2004b).Autrementdit, laperformancedu travailne

peutselimiteràuneexécutiondelaprescription.

Si l’économie classique considère que le salaire constitue le point d’équilibre entre

l’offre et la demande de travail, certains travaux témoignent que des entreprises

peuvent, de manière structurelle ou conjoncturelle, maintenir ou augmenter leur

Page 23: Le travail dans la performance organisationnelle

22

demandeen travailmalgré l’augmentationdusalaire.Gautié (1998)mentionne trois

mécanismesdans cetteperspective: le salaired’efficience,uneélasticitéprix-travail

faibleou absente,ou encore le «paradoxedes fast-foods»qui voit les embauches

augmenter conjointement à l’augmentation du salaire minimum. Ces mécanismes

dénotentquedesentreprisespeuventtrouver un intérêtàsupporter l’augmentation

ducoûtdutravailsansajuster leurseffectifsà labaisse.Ainsi, leniveaudesalairene

détermineraitpassystématiquementlademandeentravail.Cecisuggèred’unpointde

vue général que les entreprises peuvent être capables de mettre en rapport un

(sur)coûtdutravailavecunequelconquevaleurquecedernierapporterait.Toutefois,

ce rapport resteenvisagéetpostuléàunniveauorganisationnel sans indication sur

sonidentificationplusconcrète.

Toujours dans une approche économique, la productivité permettrait peut-être

d’approcherlaperformancedutravail.Laproductivitésedéfinitgénéralementcomme

lerapportentreunoutputetletravail(Brémond&Gélédan,1990;Beaujolin,1995).A

traversdifférentstypesd’output(quantitéproduite,valeurajoutée,chiffred’affaires,

etc.), laproductivitépourraitainsitémoignerde lacontributiondutravailàcertaines

dimensions de la performance. Toutefois, l’élaboration de ce ratio génère de

nombreuses difficultés. D’une part, l’output ne résulte pas uniquement du travail:

d’autres facteurs, en particulier l’outillage, sont en jeu (Marx, 1867; Lorino, 1989;

Thévenet,1999;Stuebs&Sun,2010).Autrementdit, laproductiviténepermetpas

d’appréhender lacontributionspécifiquedutravail.D’autrepart, ledénominateurne

correspondpasvéritablementàdutravail:ilpeuts’agirdetemps(Taylor,1911;Marx,

1867),d’effectifsphysiques(Brémond&Gélédan,1990),ouencored’ETP1(Alcouffe&

al., 2013). Etant données ces difficultés, la productivité ne peut représenter une

réponseàlaquestiondelaperformancedutravail.

Enfin, l’individu est souvent considéré comme une source de performance dans les

organisations. En comptabilité, le courant Human Resources Accounting considère

1EquivalentTempsPlein.

Page 24: Le travail dans la performance organisationnelle

23

ainsi que les individus sont des «actifs humains» dont il faut déterminer la valeur

(Hermansson, 1964; Flamholtz, 1971; Roslender & Dyson, 1992). Dans la logique

comptable(Eglem&al.,2010),lesactifsaugmententlavaleurglobaledel’entreprise.

L’individuestégalementconsidérécommeunesourcedeperformancedanslechamp

de lagestiondesressourceshumaines (Thévenet,1999;Tremblay&Sire,1999).Par

ailleurs, de nombreux travaux se sont intéressés à la performance individuelle au

travailà traversplusieursaspects,notamment:quantitéetqualitéde travail fourni,

productivité, la capacité à innover (Avolio& al., 1990; Suliman, 2001; Stajkovic&

Luthans,2001).

Ces littératuresse focalisentsur l’individuau travaildans lesorganisations,maispas

surletravailproprementdit.Ilsn’apportentdoncpasderéponsedirecteàlaquestion

de laperformancedu travail.Cependant,ces travauxmontrant les individuscomme

sourcedeperformancerenforcent la légitimitéànous intéresserà lacontributionde

leurtravailàlaperformance.

Au-delà de ce constat, l’ensemble des travaux que nous venons d’évoquermontre

qu’aucunchampderecherchen’estvéritablementconstituéautourdelaperformance

du travail: les recherchesportent surdesobjets sensiblementdifférents (le travail,

l’activité, l’individu, la performance) à partir d’approches distinctes (comptables,

ergonomiques,économiques,etc.).Telleque lacitationduPDG le laisseentendre, la

questionde lacontributiondutravailsembletoutefoisporteused’enjeuxrelatifsà la

connaissance plus générale du fonctionnement des entreprises, notamment: les

modalitésd’atteintede laperformanceorganisationnelleet lesprocessusdedécision

touchantàl’emploi.

Laconceptualisationdutravailetde laperformancesontrelativementcomplexes.Le

travail infuse de nombreux champs théoriques (psychologie, économie, ergonomie,

sociologie,etc.).Deplus, letravailest incorporéaux individusqui leréalisent,cequi,

en termesméthodologiques, nécessite une approche spécifique – en l’occurrence,

cellede l’ergonomie (Cazamian& al., 1996;Guérin& al., 1991; Falzon, 2004a). La

Page 25: Le travail dans la performance organisationnelle

24

performance, quant à elle, reste difficile à cerner (Lebas, 1995), et dispose de

caractéristiquesextrêmementvariées:elledésigneàlafoisleprocessusetlerésultat,

elleestcontingenteetmultidimentionnelleauniveaude l’organisation(Bourguignon,

1997;Lebas,1995;Bessire,1999).

Envertudupeud’attentionconsacréeà laperformancedutravaildans larecherche,

et de la complexité des notions de travail et de performance, nous formulons une

questionderechercheouverteàviséeméthodologique:

Commentrendrecomptedelaperformancedutravaildanslesorganisations?

Ilnoussembleeneffetquecompte-tenude l’étatde l’artsur lesujet, ils’agitde la

premièreétapepourpouvoirrépondreauquestionnementquifondenotreprojetque

nousavonsillustréparlacitationduPDGendébutd’introduction.

Lestermesdenotrequestionderecherchesontdéfiniscommesuit:

�� La performance du travail est la contribution du travail à la performance

organisationnelle ou plus simplement, ce qu’apporte le travail aux

organisations.

�� Le travail est une activité humaine, coordonnée, rémunérée, consistant à

mettreen formeunecapacitéouundonnépour l’usaged’autrui,demanière

indépendanteou sous ladirectiond’unautreenéchanged’une contrepartie

monétaire;l’activitéestencadréeparlatâchequin’épuisejamaislavariabilité

dessituationsrencontrées.

�� Par «rendre compte» nous entendons faire émerger et restituer la

contribution du travail à la performance. Cela fera l’objet d’une méthode

spécifiquequenousprésentonsci-dessous.

�� «�O�rganization isdefinedasany institutionfromwhichonereceivescashfor

servicesrendered.»(Bennis,1966b,p.35).

Page 26: Le travail dans la performance organisationnelle

25

Notre démarche de recherche est donc normative (Allain, 2010; Gendron, 2013;

Malmi & Granlund, 2009; Tsang, 1997; Zarlowski, 2000). Elle vise à proposer des

réponsesopérationnelles,maisaussiàintéresserleschercheursencontrôledegestion

àlaperformancedutravailenproposantuneméthodepourétudierlaperformancedu

travail.

Nous rendons compte de la performance du travail à travers un cadre analytique

original que nousmobilisons dans deux études de cas. Ce cadre a pour objectif de

capteretrestituercequepeutrecouvrirlaperformancedutravail.Encohérenceavec

la complexitédesnotionsdeperformance etde travail, le cadredoitpermettrede

capteretrestituerleplusdedimensionspossiblesdelaperformancedutravail.

L’ergonomieconstitueunapportdéterminantdansl’élaborationducadre,puisqu’elle

a développé une démarche pour étudier le travail à travers l’activité (Guérin& al.,

1991; Cazamian & al., 1996; Falzon, 2004a). Afin d’accéder à ce qui pourrait

constituer lacontributionou lesbénéficesapportéspar letravail, lecadreanalytique

intègreunpointdevuedetypemanagérial (Ginsbourger,1998;Roslender&Dyson,

1992)quisecaractérisepardesmesures,desdiscoursetdespratiquesmanagériales

dont la justification est puisée dans la littérature sur la performance (Cooper &

Ezzamel,2013;Giraud&Zarlowski,2011;Modell,2012).Lecadreanalytiqueprendla

formesuivante:

Chacune des quatre catégories a pour vocation d’apporte un éclairage sur la

performancedutravail.

Performancedutravail

Discours

Pra+quesmanagériales

Ac+vité

Mesures

Page 27: Le travail dans la performance organisationnelle

26

Cecadreanalytiqueestmobilisédansdeuxétudesdecasafind’entester lavalidité.

Lesdeuxentreprisesdenos cas sont:unePME industriellequi conçoit, fabrique et

commercialisedesrouesenacier,etunefilialed’ungroupecotédans lesecteurdes

servicesquiexploitedesmagasins«duty-free»dans lesaéroports.Dans lepremier

cas, letravailétudiéfutceluidesouvriersde l’atelierdefabrication;dans lesecond,

c’estletravaildesvendeursquifutétudié.

Lecadreanalytiquestructurelacollecteetl’analysedesdonnéesdescas.Nousavons

recouru à quatre principalesméthodes de collecte qui permettent d’informer les

catégoriesducadre:entretienssemi-directifs,observationsdel’activité,verbalisations

ensituationsdetravail,etcollectededocuments1.Dans l’analysedesdonnées,nous

nousintéressonsauxliensentrelescatégoriesdenotrecadred’analyse.

Nous identifions trois principales limites à cette thèse. Tout d’abord, l’approche de

notreobjetd’étude, laperformancedutravail,négligedanssesanalysesdesaspects

individuelsetsociauxdutravail.Ensuite,entermesdeméthodegénéraledecollecte,

lacatégoriepratiquemanagérialedenotrecadreanalytiquepeutrecouperlesdiscours

etl’activité.Enfin,silaquantitédedonnéessemblesuffisante,elleauraittoujourspu

êtrecomplétée.

Lathèseestorganiséedelamanièresuivante.Lechapitre1montrequeletravailest

unobjetde recherchedifficileàappréhender,etproposeunebasededéfinitionau

travail.Lechapitre2estconsacréauxtravauxensciencesdegestionetenéconomie

qui légitimentdes’intéresserà lacontributiondu travaildans lesorganisations. Ilse

terminepar ladéfinitionde laperformancedu travail. Le chapitre3est consacré à

l’ergonomie, dont il identifie les apports à notre recherche. Au chapitre 4, nous

énonçonsnotrequestionde rechercheetdévelopponsdes implications immédiates.

Lechapitre5estdédiéànotreméthodologie.Leschapitres6et7sontconsacrésànos

1Nousavonségalementrecouruàd’autresméthodesdecollectequenousdétaillonsdans lechapitreconsacréàlaméthodologie.

Page 28: Le travail dans la performance organisationnelle

27

deuxcas.Lechapitre8expose ladiscussion, lescontributionset limitesde la thèse,

ainsiquelesperspectivesderecherche.Uneconclusiongénéraleclôtl’ensemble.

Page 29: Le travail dans la performance organisationnelle

28

CHAPITRE1–LETRAVAIL,BASEDEDEFINITIONPOURUNOBJET

DIFFICILEAAPPREHENDER

Introduction

Cechapitreviseàproposerunebasededéfinitionautravailquiestun objetdifficileà

appréhender.

Nous montrerons en section 1 que le travail est un objet difficile à appréhender

(Section 1). D’une part, ce concept est partagé par de nombreuses disciplines

scientifiques, et contient donc unemultitude de significations (1.1); cette diversité

nous conduira à préciser le choix de notre angle d’étude. D’autre part, certains

obstaclessedressentlorsquel’onsouhaiteétudierletravail(1.2):ilestincorporéaux

individus qui le réalisent (1.2.1), les entreprises peinent à définir sa contribution

(1.2.2), et il est relativement absent des recherches en sciences de gestion (1.2.3).

Nous indiquerons alors la manière dont nous envisageons de contourner ces

difficultés.

Ensection2,nouscompareronsplusieursdéfinitionsdutravailissuesdelalittérature,

etadopteronscommedéfinitiondebasecelleproposéeparMéda(2004).

1� LETRAVAIL,UNOBJETDIFFICILEAAPPREHENDER

Nousmontronsdanscettesectionque letravailestunobjetdifficileàappréhender.

Cettedifficultés’expliquepardeuxraisonsenparticulier.D’unepart, letravailrelève

de nombreux champs sémantiques et conceptuels (1.1.1).Nous pensons qu’un des

moyens de contourner cette difficulté est de préciser le point de vue que nous

adoptons (1.1.2). D’autre part, le travail semble relativement indéfini pour les

organisations(1.2.1),etassezpeuétudiéensciencesdegestion(1.2.2).

Laprécisiondes concepts s’inscritdansunedémarchede recherchenormativeque

nousjustifieronsauchapitre4.

Page 30: Le travail dans la performance organisationnelle

29

1.1� Pluralitésémantiqueetconceptuelledutravail:nécessitédechoisir

unpointdevue

1.1.1� Aperçudelapluralitésémantiqueconceptuelledutravail

Nousnousattaquonsàunobjetcomplexe,etnous savonsque la routequimèneà

«une»définitiondutravailestémailléededifficultés.Noon&Blyton(2002,p.338)en

précisent certaines: “Engagingwith complexity is time-consuming, costly, confusing

andfrequentlydisillusioning,yet it istheonlysatisfactorywayofexploringwork.”.Si

notreprojetn’estpas«l’explorationdu travail»pour lui-même,Lallement (2007,p.

44)soulignenéanmoinsque ladéfinitiondutravailestparticulièrementdifficile,tant

les approches sont nombreuses et larges. Il qualifiemême le travail d’ «objet qui

résiste si farouchement à l’embrigadement nominal» (p. 47). Examinons quelques

tentativesd’«embrigadementnominal».

Ilest largementadmisque l’étymologieduterme«travail»renvoieàun instrument

de tortureà troispieds, le«tripalium» (PetitRobert,1993).Dans le sens commun,

travail est souvent associé, dans cette perspective au labeur, à la peine, même

pendantlaphasedetravail lorsdel’accouchement.Pournoscontemporains,letravail

s’opposegénéralementaujeu,auxloisirs.

Lesdisciplinesdessciencessocialesfaisantréférenceautravailsonttrèsnombreuses.

Pourenciterquelquesunes:

�� Philosophie,

�� Médecinedutravail,

�� Economie:travailvs.capital;offreetdemandedetravail,

�� Psychologiedutravail,

�� Droitdutravail,

�� Sociologiedutravail.

Au travers ce court inventaire, plusieurs aspects relatifs au travail émergent en

particulier: le travail est une activité constitutive de l’homme dans une certaine

Page 31: Le travail dans la performance organisationnelle

30

traditionphilosophique,letravailestunfacteurdeproductionenéconomie,letravail

estunréseauderelationssocialesensociologiedutravail1.

Cecourt inventairesoulignetoute ladiversité,communeetacadémique,associéeau

terme de travail.Nous ne pouvons embrasser, dans le cadre de cette thèse, toute

cette diversité entourant le travail2 . Nous exposons et justifions dans la section

suivantelepointdevuequenousadoptonssurletravail.

1.1.2� Lechoixdupointdevuedesentreprises

AvecMéda(2004),nouspensonsquenousvivons«�…�dansunesociétéoùlanorme

estdetravailler,oùlesrevenuss’acquièrentmajoritairementparletravail,oùletravail

occupeuneplaceetuntempstrèsimportant�…�»(p.34),cequifaitdenotresociété

unesociétéfondéesurletravail.

Cefaisant,nousremarquonsqueletravailintervientàtroisniveauxd’unesociétédans

sonensemble: l’Etatet l’individu,mentionnésdans l’extraitci-dessus,maisaussi les

entreprises,oud’unemanièreplusgénérale,lesorganisations.Ilexistedenosjoursde

nombreux écrits concernant lesdeuxpremiersniveaux. Ellesont trait à laplacedu

travaildansnossociétés,etsonintérêtgénéral;elless’attachentplutôt,étantdonné

lecontexteéconomique,àlaquestionduchômage(Eymard-Duvernay,2012).Dupoint

devueindividuel,lesrecherchessontégalementlégionets’intéressentencemoment

à laquestiondesrisquespsycho-sociaux.Doncdenotrepointdevue, lesrecherches

surletravailseconcentrentsurlespointsdevueglobal(lasociété,l’Etat)etindividuel.

Le point de vue qui serait intermédiaire, celui des organisations, reste quant à lui

largementsous-exploré3.

Deplus,letravailestcommunémentetclassiquementconsidérécommeunfacteurde

production(Bellut,1990),c’est-à-dire qu’ilestcenséproduirequelquechosepour les

1Nous visons ici à illustrer la diversité conceptuelle autour du travail. Nous sommes parfaitementconscientsquenousgommonsdenombreusessubtilitésdesdisciplinesquenousprésentonsainsi.2Qui,commeauraitpuleformulerBergson,tendàdiluerleconceptmême.3Eymard-Duvernay(2012)constitueunetimidepercéeverslepointdevuedesorganisations:l’unedesrecherchesprésentéesétudielespratiquesderecrutementselonlesemployeurs.

Page 32: Le travail dans la performance organisationnelle

31

entreprises.Autrementdit, ilest légitimedechercheràétudier letravaildupointde

vuedesorganisations.C’estdonc selon lepointde vuedesorganisationsquenous

étudionsletravaildanscettethèse.

Leniveauorganisationnelquenousadoptonspourétudierletravailcorrespondenfait

auniveauauquellesrecherchesensciencesdegestion,etnotammentencontrôlede

gestion,seplacentclassiquement.Ainsi,notrerechercheportantsurletravails’inscrit

légitimementdanslechampdessciencesdegestion.

Maintenantquenousavonsexposéetjustifiélepointdevuequenousadoptonspour

étudierletravail,ilnousfautprécisertroisobstaclesquisedressentsurnotrevoiede

recherche: l’incorporation du travail, la double indéfinition du travail pour les

entreprises,etlefaitqueletravailaitétépeuétudiéensciencesdegestion.

1.2� Des obstacles à l’étude du travail: incorporation, indéfinition et

disparitiondutravail

1.2.1� Incorporationdutravail

Le fait que le travail soit un facteur de production a notamment conduit les

économistes à préciser la nature de ce facteur. Considérons tout d’abord le grand

économistepenseurdu travailpour lequel:«L’usagede la forcede travail, c’est le

travail proprement dit.» (Marx, 1867, p. 199, nous soulignons). Autrement dit, le

travailcorrespondàl’utilisationdelaforcedetravail.Etlaforcedetravailsedéfinitde

lasorte:«Parforcedetravail,oupuissancedetravailnousentendons lerésuméde

toutes les capacités physiques et intellectuelles qui existent dans la corporéité, la

personnalité vivante d’un être humain �…�.» (p. 188). Donc, chezMarx (1867), le

travails’inscritdanslecorpshumain.

Cettecaractéristique restemaintenuedansunevisioncontemporaine.Gautié (1998)

nous indique ainsi que: «Le facteur travail n’est pas un facteur homogène. Les

Page 33: Le travail dans la performance organisationnelle

32

catégoriesdetravailsontsupposéessedifférencierenfonctiondeleurcapitalhumain.

Ce terme désigne l’ensemble des caractéristiques productives incorporées au

travailleur, en premier lieu sa santé et sa formation.» (p. 8, nous soulignons). De

même,Kaufman(2010)constateque:«�…�laborisembodiedinhumanbeings�…�.»

(p.79).

Lesextraitsprécédentsnouspermettentd’identifierunespécificitédu travail: ilest,

ausenspropre,incorporéàl’individu.

Cettespécificitéconstitueunobstacle,carellesignifiequ’ilestimpossibled’étudierle

travaildemanièredirecte.Les individusquitravaillentfontécranà l’étudedutravail,

mais conditionnent la possibilité de l’appréhender. L’étude du travail doit donc

procéderdemanière indirecte–parl’intermédiairedesindividusquileréalisent.

Il semble difficile de contourner cette spécificité toute particulière du travail. En

revanche, une des clés de l’accès au travail réside vraisemblablement dans la

méthodologie déployée. Nous verrons dans le chapitre 3 comment l’ergonomie

opérationnalise le travail; notreméthodologie s’inscrira donc grandement dans la

démarcheergonomique (cf.chapitre5).

1.2.2� Ladoubleindéfinitiondutravail(Hubault,1999)

Hubault(1999,p.4)dresseleconstatque:«quelesentreprisesontàfairefaceàune

doubledifficulté:

−� unerelativeindéfinitionéconomiquedutravail,liéeàladifficultédecomprendre

lacontributiondutravailàlacréationdelavaleuréconomique;

−� une relative indéfinition organisationnelle du travail, liée à la difficulté de

comprendre comment le travail permet à l’entreprise de «faire face…» et lui

donne les moyens de tenir ses «rendez-vous» [Zarifian, 95].» (souligné par

l’auteur).

Selon Hubault (1999), la double indéfinition du travail se pose comme telle aux

entreprises,et constitue la«doubledifficulté»à laquelleelles sont confrontées. Le

constatd’Hubault (1999)relèved’une incompréhensionde lamanièredont letravail

Page 34: Le travail dans la performance organisationnelle

33

concourtàlaréussitedesentreprises.Etcetteincompréhensionsemblegénéréeparle

travail lui-même, qui porterait en lui les éléments empêchant d’accéder à ce qu’il

apporteauxentreprises,quecesoitentermeséconomiquesouorganisationnels.

UneillustrationdesdifficultésàétudierletravailnousestdonnéeparHoogenboezem

&Hoogenboezem(2005).Ilsétudientl’introductiondemesuresdeperformancedans

la police néerlandaise, et notent une difficulté majeure dans la démarche: «In

addition,policeworkseemsespeciallyaversetotargetssincepolicedonotonlyacton

crimes they see, but also prevent an unknown number of crimes by simply being

somewhere,andthatnumberisimpossibletogauge�…�:‘Sincetherearenofigureson

crimesthatdonotoccurbecauseuniformedofficersarepatrollingthestreets,crime

statisticstelluswhatthecriminals,notthepolice,aredoing’(Reuss-Lanni,1983,p.

93).»(pp.568-569,noussoulignons).

La double indéfinition du travail définie par Hubault (1999) nous permet donc de

mieux comprendre en quoi le travail constitue en lui-même un objet difficile à

appréhender.Nousverronsdans lechapitre3enquoi lerecoursà l’ergonomiepeut

nouspermettredelecontourner,enpartiedumoins.

Nousconsacrons laprochaine sectionàundernierobstacle: la relativedésaffection

dessciencesdegestionpourletravail.

1.2.3� Letravail,objetderechercheensciencesdegestion?

Barley&Kunda(2001)ontconstaté,dansuneperspectivehistorique,ledésintérêtdes

chercheursenorganisationpourletravail.Ilsattribuentcedésintérêtàtroisraisons(p.

81). La première tient à l’émergence des théories systémiques, au premier rang

desquelles la théorie sociotechnique 1 . En seconde place vient la normalisation

méthodologiqueversdesdonnéesquantitativesparnatureplusabstraites.Etenfin,la

spécialisation des chercheurs dans des champs particuliers autour du travail,

notamment: l’organisation, lesemplois, les relations industrielles, la sociologieet la

1Ceci semble d’ailleurs paradoxal, car les travaux fondateurs de la socio-technique se situaient auniveauleplusopérationnelpossible(cf.Trist&Bamforth,1951).

Page 35: Le travail dans la performance organisationnelle

34

psychologieautravail.Cettespécialisationagénérédesagendasderecherche distincts

ettrèsspécifiques.

Ces trois raisons au désintérêt pour le travail ont conduit à créer des «images

pétrifiées du travail» («Petrified images ofwork», Barley & Kunda, 2001, p. 82),

principalement issues de l’ère industrielle: « Evidence that our concepts of work

remainrootedinindustrialismcanbefoundinthelanguageweusetotalkaboutwork,

in the images of occupations that serve as archetypes for our theories, and in the

formal systems in which we classify work.» (id., p. 82). Barley & Kunda (2001)

interrogentainsi ladistinctionentre travailmanuelet intellectuel,àmesureque les

usinesdisparaissent(p.83).Parexemple,lacompréhensiondutravailàlachaînereste

largementdébitricedelaséquencedufilmLestempsmodernesdeCharlieChaplin.Ce

sontalorslesidéaux-typesdutravailquelesauteursquestionnent(p.83).Enfin,Barley

& Kunda (2001) notent qu’en dépit de révisions successives, les statistiques états-

uniennessur letravailregorgentdeprécisionssur les«colsbleus»,etmoinssur les

autrestypesdetravail:«�…�itisstillthecasethatwecanpresentlymakemuchfiner

distinctions among blue-collarwork than amongmanagerial, clerical, service, sales,

professional,andtechnicalwork.»(id.,p.84).

OutreleurfocalisationsurlesOrganizationStudies,Barley&Kunda(2001)remarquent

que: «Issues ofwork are generally relegated to colleagues in human resource or

productionmanagement,wherework processes are usually treated as problems of

personnelmanagementandlogistics.»(p.81).Barley&Kunda(2001)soulignentainsi

que d’autres champs des sciences de gestion qui auraient pu étudier le travail (les

ressources humaines ou le management des opérations) semblent se restreindre,

respectivement,aumanagementdeshommesetfemmes,etàlalogistique1.

Si leconstatdeBarley&Kunda (2001)sembleêtrequelquepeuélargicommenous

venonsdelevoir,lechampducontrôledegestionresteabsentdeleurpropos.Ilnous

faut alors nous tourner vers des théoriciens du contrôle de gestion pour entrevoir

comment le travail est appréhendé dans ce champ. Lorino (1995) identifie un

«paradigmeducontrôle»(p.21)quireposesurdeuxhypothèses: lasimplicitéet la

1Nousreviendronsspécifiquementsurlagestiondesressourceshumainesauchapitre2.

Page 36: Le travail dans la performance organisationnelle

35

stabilité. Au sein de ce paradigme, «Le contenu concret de l’activité humaine, en

termes d’actions et de savoirs, est supposé modélisé, stable et transparent: le

contrôlepeutdoncletraiterparomission(sous-entendresapriseencompte,comme

une chose évidente) �…�.» (Lorino, 1995, p. 23). Comme nous le verrons

ultérieurement dans ce chapitre (section 2), ce «contenu concret de l’activité

humaine,entermesd’actionsetdesavoirs»correspondautravail.Ensomme,selonle

paradigmeducontrôledeLorino(1995),lecontrôledegestionometdeconsidérerle

travailcommeunobjetderechercheentantquetel,puisqu’ilconstitueunparamètre

figé («modélisé, stable et transparent»). Si ce paradigme ne peut être considéré

comme le seulen contrôlede gestion, ilest certainement significatifde lamanière

dont lecontrôledegestiontraitedutravail. Ilpourraitd’ailleursexpliquer lefaitque

nousn’ayonsquasimentpastrouvédepublicationssurletravaildanscechamp.

Lestravauxquenousvenonsd’évoquermettentainsien lumière lefaitque letravail

estunobjetquiaététrèspeuétudiéensciencesdegestion. Ilsnouspermettentde

comprendrequeletravail,entantquetel,reste«pétrifié»,doncsous-conceptualisé,

danscedomaine–enparticulierpourlecontrôle degestion.Afindepouvoirétudierle

travaildansnotrerecherche,ilnoussemblealorsnécessairederecouriràdestravaux

extérieurs aux sciences de gestion, principalement en ergonomie, mais aussi en

sociologiedutravail.

Barley & Kunda (2001) appellent à reprendre les recherches sur le travail dans le

champ des Organization Studies, ce qui légitime l’ancrage de notre recherche en

sciences de gestion. En dépit du paradigme du contrôle de Lorino (1995), nous

considéronscomme légitimed’étendre l’appeldeBarley&Kunda (2001)aucontrôle

degestion.Nousreviendronssurcetaspectdansnotrediscussionauchapitre8.

Nousvenonsd’exposerdanscette sectionplusieursobstaclesqui sedressent faceà

l’étudedu travail: lapluralité sémantiqueet conceptuelledu travail, l’incorporation

auxindividus,ladoubleindéfinitionquilecaractérisedanslesentreprises,etsaquasi-

disparitiondesrecherchesensciencesdegestion.Concomitammentàl’exposédeces

obstacles,nousavonsintroduitlamanièredontnouspensonslescontourner:ennous

Page 37: Le travail dans la performance organisationnelle

36

focalisantsurlesorganisations,etennousappuyantsurdesdisciplinesextérieuresaux

sciencesdegestion–l’ergonomieenparticulier.

Nous proposons désormais une base de définition du travail qui s’inscrit dans la

perspectivequenousavonsadoptée:celledesentreprises.

2� PROPOSITIOND’UNEBASEDEDEFINITIONPOURLETRAVAIL

Danscettesection,nousanalysonslesdéfinitionsgénéralesdutravailquenousavons

pu releverdansdespublicationsdont lebutconsisteeffectivementàétablirceque

recouvre letravail.NousdébutonsparcelledeShimmin(1966),puiscelledeNoon&

Blyton (2002), et enfin celle deMéda (2004). Nous proposerons tour à tour une

critiquedecesdéfinitionspourjustifierquenousretenonscelledeMéda(2004).

2.1� Shimmin(1966)

Shimmin (1966) constate les limites des définitions traditionnelles en vogue à son

époque (difficulté à distinguer le travail du jardinage, ou encore du jeu). Shimmin

(1966)définitalorsletravaildelasorte:

«Work, then,may be regarded as employmentwithin the social andeconomic system which is perceived by the individual as his mainoccupation,bythetitleofwhichheisknownandfromwhichhederiveshisroleinsociety.»(p.197).

Pournotrerecherche, ladéfinitionproposéeparShimmin (1966)comportequelques

faiblesses.Premièrement,elleseplaced’unpointdevuerésolumentindividuel.Certes

le travail confère un rôle et un statut sociaux aux individus,mais ce n’est pas la

perspectivequenousavonsadoptée(cf.supra1.1.2).Deuxièmement,Shimmin(1966)

définit le travail comme un emploi. L’emploi se distingue du travail par le fait qu’il

détermine les conditions externes de réalisation du travail (horaires, qualifications,

rémunération,etc.).Pourreprendre,àcestade,destermesdeMarx(1867)quenous

Page 38: Le travail dans la performance organisationnelle

37

avons précédemment mentionnés, disons que le l’emploi ne reflète pas l’usage

concretdelaforcedetravail;c’est-à-direqu’ilnereflètepasletravail.

Pour ces raisons,nousne retenonspas ladéfinitionde Shimmin (1966)pournotre

recherche.

Examinonsàprésentunesecondedéfinitiongénérale.

2.2� Noon&Blyton(2002)

Dans leur projet de capturer les «réalités du travail» (Realities ofwork), Noon&

Blyton(2002)reprennentetadoptentladéfinitionsuivantedutravail:

«A more useful definition is provided by Thomas (1999: xiv) whoidentifiesthreecomponentsessentialtowork:1Workproducesorachievessomething(itisnotandendinitself).2Workinvolvesadegreeofobligationornecessity(itisataskseteitherbyothersorbyourselves).3Work involves effort and persistence (it is not wholly pleasurable,althoughtheremaybepleasurableelementstoit).»(p.3).

Si laperspectivedeNoon&Blyton (2002)estplutôt individuelle, ladéfinitionqu’ils

reprennent entre en résonance avec laperspectivedes entreprisesquenous avons

précédemmentévoquéeau1.1.2:siletravailproduitquelquechose, c’estqu’ilestun

facteurdeproduction.Ladéfinitionci-dessusprésentetoutefoisquelquesaspectsqui

neconviennentpaspournotrerecherche.

La seconde composante est partiellement satisfaisante pour notre propos. Nous

partageons bien sûr le constat que le travail relève d’une nécessité ou d’une

obligation.Enrevanche,notreanglenesesituepasdans l’approchedetype«atask

setbyourselves».Sansautreprécision,cetravailauto-commandéouvre,selonnous,

àlapossibilitédutravaildetypedomestiqueréaliséparlesindividuseux-mêmespour

eux-mêmes:cuisine,bricolage, jardinage,ménage,etc.Cetravaildomestiqueestpar

natureexcluduchampdel’entreprise,quiestl’anglequenousadoptons.

Par ailleurs, la définition adoptée par Noon & Blyton (2002) omet un élément

importantconcernant le travaildans lesentreprises:encontrepartiede leur travail,

Page 39: Le travail dans la performance organisationnelle

38

lesindividusperçoiventunerémunération.Envertudesdébatsrécurrentssurlecoût

du travail 1 , la dimension rémunératrice du travail (pour l’individu, et donc

conceptualisé comme un coût pour l’organisation) nous semble indispensable pour

êtreretenuedansladéfinitiondutravailquenousadopterons.

AinsinousneretenonspasladéfinitiondutravailadoptéeparNoon&Blyton(2002).

NousnousintéressonsdésormaisàladéfinitiondeMéda(2004),quiconstitueranotre

définitiondebasedutravail.

2.3� Notredéfinitiondebase:Méda(2004)

Dans son projet de définition du travail,Méda (2004) distingue trois déterminants

historiques:

i.� Le travail comme facteur de production, hérité de l’économie politique, et

Smith(1776)enparticulier.

ii.� Letravailcommeessencedel’homme,«synonymed’œuvre»(p.20)audébut

du19èmesiècle.

iii.� Enfin,avecl’avènementdusalariatàlafindu19èmesiècle,letravaildevientun

systèmededistributiondesrevenus,desdroitsetdesprotections.

Cestroisdéterminantsposentselonelledesdifficultés:«Cethéritagenondémêlé�les

troispointsci-dessus�expliquequenousneparvenionspasànousaccordersurune

définition simpledu travail,ni à choisirentreunedéfinition«extensive» (le travail

commetouteactionhumaine difficileetporteusedetransformation)etunedéfinition

plusrestreinte(letravailcommeparticipationrémunéréeà laproductiondebienset

services).»(Méda,2004,p.24).Identifiantlesdifficultésdel’une(unconceptappliqué

à«tout»est-ilencoreunconcept?)etdel’autre(omissiondedimensionsmajeures),

Méda(2004)proposeladéfinitiongénéralesuivante:

«Nous considérerons donc ci-après le travail comme une activitéhumaine, coordonnée, rémunérée, consistant àmettre en forme unecapacitéouundonnépour l’usaged’autrui,demanière indépendante

1Quenousaborderonsauchapitre2.

Page 40: Le travail dans la performance organisationnelle

39

ou sous la direction d’un autre en échange d’une contrepartiemonétaire.»(p.31).

La lecture de cette définition implique plusieurs remarques. La définition ci-dessus

s’appuie sur l’«activité humaine» qui renvoie à ce que les individus réalisent

concrètement.Cettenotionpermetdoncd’envisagerd’étudierletravail–àtraversce

quelesindividusréalisent.Deuxièmement,ladéfinitiondeMéda(2004)placele travail

dans lesentreprises: ilestcoordonné, rémunéréet«sous ladirectiond’unautre».

Troisièmement,«mettreen formeunecapacitéouundonnépour l’usaged’autrui»

renvoieà l’aspect ‘facteurdeproduction’dutravailquenousavonsdéjàmentionné.

Cet aspect renforce la cohérence avec le point de vue des entreprises.

Quatrièmement, la définition précédente semble reposer sur une redondance,

concernantlesfluxmonétaires:«rémunération»et«enéchanged’unecontrepartie

monétaire». Iln’estpasgênantpournousque ladéfinition insiste sur ladimension

économique du travail. Enfin, la définition deMéda (2004) ouvre au périmètre des

entreprises unipersonnelles («de manière indépendante»). Même si nous

n’étudieronspasce typedecas,cetteperspectiveouvertenegênenullementnotre

démarchederecherche.

Envertudesonaspect individuelancrédansuneorganisation, ladéfinitiondeMéda

(2004) convient tout à fait pour notre recherche. A ce stade, nous adoptons donc

commedéfinitiondebasedutravail:

«uneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreenforme une capacité ou un donné pour l’usage d’autrui, de manièreindépendante ou sous la direction d’un autre en échange d’unecontrepartiemonétaire.»(Méda,2004, p.31).

Malgré tous ses avantages, cette définition constitue une base de départ qui sera

complétée, comme nous le verrons au chapitre 3, par des notions issues de

l’ergonomie.Nous justifierons alorspourquoi ilnousestnécessairede compléter la

définitiondutravail.

Page 41: Le travail dans la performance organisationnelle

40

Cettedernièresectionaproposéunedéfinitiondebasepourletravail.Nousconcluons

désormaislechapitre.

CONCLUSIONSDUCHAPITRE1

Cechapitrevisaitàproposerunedéfinitiondebaseautravail.Nousavonsmontréque

letravailestunenotiondifficileàappréhenderpourplusieursraisons.Toutd’abord,le

travail renvoie à une pluralité d’aspects (individuels, sociaux, philosophiques,

économiques, etc.) qu’il est complexe d’aborder simultanément (cf. 1.1.1). Nous

faisonslechoixdenousconcentrersurlesaspectsquitouchentlesorganisations,eten

particulier ce que le travail leur apporte. En effet, le travail est communément

considérécommeun«facteurdeproduction»,maislepointdevuedesorganisations

est rarement étudié (cf. 1.1.2). En outre, nous avons identifié quelques obstacles à

l’étudedutravail(cf.1.2):lefaitqueletravailnepuisseêtreétudiéqu’autraversdes

individusquileréalisent,lefaitquelescontributionsdutravaildanslesorganisations

soientdifficilement identifiables,et le faitque le travail soitunobjetpeuétudiéen

sciences de gestion. Conjointement à l’identification de ces obstacles, nous avons

évoquélespistespourlescontourner.Pourcela,nousnousappuieronsprincipalement

surl’ergonomie.

Par comparaison avec d’autres définitions générales du travail, nous avons ensuite

adoptécommedéfinitiondebasedutravailcellequiestproposéeparMéda(2004):

«uneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreenforme une capacité ou un donné pour l’usage d’autrui, de manièreindépendante ou sous la direction d’un autre en échange d’unecontrepartiemonétaire.»(Méda,2004, p.31).

Outre le faitqu’elles’appuiesurceque les individusréalisent («activitéhumaine»),

cettedéfinition inscrit le travaildans lesorganisationsau traversdes considérations

Page 42: Le travail dans la performance organisationnelle

41

économiques et hiérarchiques qu’elle contient (cf. 2.3). Elle est donc en cohérence

avecnotreprincipalangled’étude–celuidesorganisations.

Page 43: Le travail dans la performance organisationnelle

42

CHAPITRE2–APERCUDETRAVAUXENECONOMIEETGESTION

LEGITIMANTDES’INTERESSERALACONTRIBUTIONDUTRAVAIL

DANSLESORGANISATIONS

Introduction

Ce chapitre viseàmontrerenquoi ilest légitimede s’intéresserà ceque le travail

apporteauxorganisationsàpartirdetravauxenéconomieetsciencesdegestion.Le

travailentantquetelétantpeuétudiéensciencesdegestion(cf.1.2.3duchapitre1),

nousnepouvonsnous inscrireclairementetprécisémentdans telou telcourantde

recherche.Ainsi,nousconvoquonsdesréférencesquinemanientpasentreelles les

mêmesconcepts.Letableautrèséclectiquequenousdressonsnepermettradoncpas

de les faire toutes dialoguer, malgré une structuration thématique. Par ailleurs,

nombred’entreellesn’utilisentpasleconcept«travail»,etpourcellesquil’utilisent,

lesensn’estpasnécessairementceluiquenousavonsadoptéauchapitre1.Nousnous

efforcerons alors de déconstruire les notions utilisées afin demontrer en quoi ces

travauxlégitimentdes’intéresseràlacontributiondutravaildanslesorganisations,et

afind’identifierleslimitesdeleurapport.Nousneprétendonspasproduireunevision

exhaustive.

Ce chapitre débutera par quelques considérations de sens commun relatives aux

réductionsd’effectifs.La section2 s’intéresseraauxnotionsdecoûtetdevaleurdu

travail.Nousétudieronsensection3 laproductivité.Lasection4seraconsacréeaux

travaux considérant l’individu comme une source de performance. La section 5 est

dédiéeauxnotionsdeperformanceetdeperformancedutravail.

Page 44: Le travail dans la performance organisationnelle

43

1� PREMIERESCONSIDERATIONS:REDUCTIONSD’EFFECTIFS ETQUESTIONS

SURLETRAVAIL

Cette sectionmontre en quoi des situations assez communes peuvent susciter des

questionnements sur l’utilité du travail, et donc sa contribution dans l’entreprise.

Aprèsavoirsoulignélecontexteactuelderéductionsd’effectifs(1.1),nousexplicitons

lesquestionsquecesdernièressoulèventàproposdutravail(1.2).

1.1� Lecontextederéductionsd’effectifs

Dans la France de l’après-crise 2008-2009, le contexte de la thèse est fortement

marqué par les réductions d’effectifs. Ne serait-ce qu’en consultant l’application

smartphoneduMondesurladuréedenotrerecherche,nousavonsrecueilliplusd’une

centaine d’articles annonçant, rapportant ou anticipant des réductions d’effectifs

principalementenFrance.

Il ne semble pas, pour autant, que cette situation soit strictement conjoncturelle.

Hubler&Schmidt(1999)reproduisentenFranceuneméthodologieempiriqueutilisée

àmaintesreprisesauxEtats-Unis: l’évolutiondesrendementsanormaux(de l’action)

en lien avec des annonces «RH» dans la presse. Trois situations relatives aux

ressources humaines sont étudiées: le changement de dirigeant, le climat social

(«relationsindustrielles»selonlesauteurs)etlesplansderestructuration,situations

pour lesquelles les auteurs identifient des stratégies offensives (anticipation) et

défensives (réaction à une baisse de commandes, par exemple). Sur les

restructurations, Hubler & Schmidt pointent dans leurs résultats: «Seules les

décisionsperçues(ouprésentées?) commeanticipativesreçoiventunéchofavorable.

Ceconstatestàdoubletranchant: ilestrassurantausensoù l’actionnaire neréagit

pas systématiquement et mécaniquement de manière positive aux suppressions

d’emploi.Il estaussiinquiétantausensoùilrisqued’inciterlesentreprisesàmettreen

œuvre de manière continue, récurrente et chronique un processus de réduction

d’effectifs �…�.» (p. 164). Le témoignage de Richard ARMAND,membre du comité

exécutif de Péchiney, renforce l’inquiétude émise par Hubler & Schmidt (1999),

puisqu’il pointe une sorte de mécanisme continu de réduction d’effectifs:

«Malheureusement, l’expériencemontre que dans nombre de cas, il faut bientôt

Page 45: Le travail dans la performance organisationnelle

44

recommencer. Pourquoi? �Parce� que, de le leur côté, les concurrents ont fait de

même:toutlemondeseretrouvealorssurlamêmelignequ’aucoupd’avant,prêtà

unenouvellebaissedeseffectifs.»(Débat«Viedesaffaires»,1994,p.21).

Enfin, le contexte de réductions d’effectifs de type offensif ne constitue pas une

spécificité française:«However, increasinglycommon isthetendency foremployers

toannounceredundanciesasacost-cuttingmeasureevenattimeswhenthebusiness

andtheeconomicoutlookarebuoyant.»(Noon&Blyton,2002,p.43).

Ce fort contextede réductiond’effectifs suscite, commenous allons le voirdans la

sectionsuivante,desquestionsrelativesautravaildespersonnes.

1.2� Lesquestionsposées surletravail

La réduction nette d’effectifs (donc non compensée par des embauches

quantitativement identiques), nous l’avons vu, est lourde de conséquences aux

niveaux individuel, social et national. Mais elle interroge également sur ce que

faisaientcesindividusdansl’organisation.Autrementdit,laréductionnetted’effectifs

posedemultiplesquestionsrelativesautravailquelesindividuseffectuaient.Envoici

quelques-unes:

§� Etait-ilinutile?

§� Etait-ilquantitativementinsuffisantpour«remplir»unposte?

�� Sil’entrepriseconstataitunecapacitédetravaildisponible,n’aurait-elle

paspul’affecteràd’autresfonctions,missions?

§� Devient-ilrépartientred’autrespostesinternesàl’entreprise?

�� Celasignifie-t-ilalorsquecesautrespostesdisposaientd’unecapacité

disponibledetravail?

�� Etqu’ilsn’auraientpuêtreemployésàd’autresmissionsoufonctions?

§� Devient-ilsous-traité?

�� Voiredélocalisé?

Page 46: Le travail dans la performance organisationnelle

45

Les questionnements ci-dessus restent très élémentaires et s’adressent à des plans

différents (individuels,organisationnels,nationaux). Ilssoulignentque laquestionde

l’utilitédutravail1danslesorganisationsmérited’êtreposée.

Après ces premières réflexions, intéressons-nous aux valeurs que peut prendre le

travail.

2� QUELSCOUTET«VALEUR(S)»AUTRAVAIL

Cettesectiontraitede«valeur»conféréeautravaildanslesorganisations.Lanotion

devaleurestpolysémique.Nousdébuteronsenanalysantl’unedesprincipalesvaleur

queprendletravaildanslesorganisations:soncoût(2.1).Nousmontreronsalorsque

cet indicateurrestetrèséloignédecequ’ilestcenséreprésenter.Nousprésenterons

ensuitedes travauxenéconomie (2.2)quimontrentque le salairene constituepas

l’uniquedéterminantde lademandeen travail.Encomptabilité-contrôledegestion,

certainstravauxsoulignentlanécessitédeconsidérerlavaleurcrééeenregardducoût

constaté (2.3). Ces travaux en économie et comptabilité-contrôle de gestion

confortent de manière indirecte la légitimité à s’intéresser à la question de la

contributiondutravailàlaperformance.

2.1� Lecoûtdu«travail»,définitionetdifficultés

Dans cette section, nous définissons d’abord le coût du travail (2.1.1) avant d’en

exposerlesdifficultésdeprincipes(2.1.2).

2.1.1� Définition

Quel que soit le courant concerné, la littérature consultée semble converger sur la

définition du travail. Pour Katz (1979), le coût du travail relève des «wages and

pensions» (p. 510). Pour Gautié (1998, p. 84): «Coût du travail = cotisations

1Dénominationtemporaire.Nousintroduironsplusavantdanscechapitrelanotiondeperformancedutravail.

Page 47: Le travail dans la performance organisationnelle

46

patronales+salairebrut».Danssonétudesurlastructureducoûtdutravail,Barkume

(2010)identifiedes«quasi-fixedemploymentcosts»quicontiennent:

«vacationandholidaypaidleave,paidsickleave,otherpaidleave(e.g.for juryduty),shiftdifferentialpayments,bonusesunrelatedtoworkerhours or output, severance payments, supplemental unemploymentinsurance, health insurance, life insurance, sickness and accidentinsurance, long-term disability insurance, defined benefit retirementcontributions, federal and state unemployment insurance taxes» (p.142).

L’étudedeStuebs&Sun(2010)s’appuiesurunebasededonnéesquiintègredansle

coûtdutravail lesélémentssuivants:«�…�total laborcostsandrelatedexpenses. It

includes salaries,wages, incentive compensation, other benefit plans, payroll taxes,

pension costs, and profit sharing.» (Note 15 p. 280). Enfin, Alcouffe & al. (2013)

assimilentcoûtdutravailetmassesalariale,cettedernièrecomprenant lesdifférents

typesderémunérationetlescotisationspatronalesafférentes.

Danscestravaux,ladéfinitionducoûtdutravailvarie quelquepeudanssesmodalités,

mais converge autour de la rémunération (salaires fixe et/ou variable, primes,

intéressement, etc.) et des cotisations sociales afférentes. D’un point de vue

comptable, ce sont des charges de personnel. Autrement dit, le coût du travail se

rapportefondamentalementauxindividusquiperçoiventlarémunération.

Examinonsdésormaislesdifficultésqueposecettedéfinitionducoûtdutravail.

2.1.2� Difficultésinhérentesaucoûtdutravail

Lapremièredifficultéinhérenteaucoûtdutravailtientàlavariabilitéduphénomène.

Outre lesquestionsdepérimètresdechargesetdemodalitésdecalcul,Bellut(1990)

identifieque:

«Mêmedansuneproductiondesérierodée,lesproblèmestechniques,lafatigue,l’environnement…fontfluctuerlecoûtunitaireentreledébutetlafindelajournée.Faceàunetelleréalité,parlerd’uncoût(estiméou constaté) en donnant un seul chiffre risque de restreindre laperceptionduproblème.»(p.170).

Page 48: Le travail dans la performance organisationnelle

47

Ce serait trahir le propos deBellut (1990) que de lui conférer une posture critique

radicale.Devant la difficulté qu’il soulève, il suggère «d’associer à la valeur la plus

probablelacourbededistributioncorrespondante.».(id.,p.170).Ceprojetdecalcul

combinatoireprésupposeune loide fonctionnementquenousnepartageonspas. Il

resteenrevancheintéressantdenoteravecluilaquestiondelafiabilitédelamesure

sousunangle intéressant: lavariabilité intrinsèquedeceque l’onsouhaitemesurer.

Comme nous le verrons au chapitre suivant, cette variabilité intrinsèque s’applique

parfaitementautravail.

La secondedifficulté relativeau coûtdu travail tientà saprécision conceptuelle. La

définition du coût du travail semble en effet négliger une distinction opérée

notammentparMarx(1867). Cedernierdifférencieletravaildelaforcedetravail.La

force de travail est une marchandise qui s’échange sur un marché: «Et cette

marchandise spécifique, le possesseur d’argent la trouve sur le marché: c’est la

puissance de travail, ou encore la force de travail.» (Marx, 1867, p. 188). Elle est

fourniepar le travailleur,etestpayéepar le salaire.Quantau travail, il correspond

chezMarx(1867)àl’usagedelaforcedetravail:«L’usagedelaforcedetravail,c’est

letravailproprementdit.»(p.199).LadistinctionproposéeparMarx(1867)entre le

travailetlapersonnequileréalisemontrequelecoûtdutravailnepeutêtreassimilé

auxchargesdepersonnel.

Tout au plus, ces dernières en représentent une composante. En effet, le travail

mobiliseetconsommedesressourcesdel’entreprisepour,parexemple,fabriquerun

produit.Afinde restituer cetteutilisationdes ressources,DeGeuser (2006) suggère

d’intégreraucoûtdutravail«�les�chargesnécessairespourpermettreautravaildese

mobiliser.»(p.25).Commelemontrelasectionprécédente,cettesuggestionn’apas

encore infusé la littérature,etsouligne lemanquedeprécisiondans ladéfinitiondu

coûtdutravail.

Lesdifficultésmisesenévidenceicisoulignentladifficultéàcirconscrirel’objetdecoût

(Mendoza& al.,2009)qu’est le travail,et à lemesurer.Elles soulignent àbiendes

Page 49: Le travail dans la performance organisationnelle

48

égards le fait que le travail est difficile à appréhender, notamment au travers

d’indicateurs.

Nousnousintéressonsdésormaisàquelquestravauxenéconomiequisoulignentque

lesalaireneconstituepasnécessairementleprincipaldéterminantdelademandeen

travail.

2.2� Lesalaire,principaldéterminantde lademandedetravail?Revue

dequelquesanomaliesenéconomie

Enéconomie, lesalairereprésente lepointd’équilibreentre l’offreet lademandede

travail (Gautié, 1998; Kaufman, 2010). Certains développements nuancent quelque

peucettemodélisationclassiqueenmontrantqu’uncoûtdutravailplusélevéque le

marchénedéterminepasnécessairement lademandeentravail.Nousnevisonspas

l’exhaustivité. Nous nous consacrons aux travaux qui nous semblent les plus

intéressantspourappuyernotrerecherche.Danscetteperspective,nousexposerons

successivement dans cette section: le salaire d’efficience, l’élasticité-prix et le

paradoxedesfast-foods.

Ces mécanismes suggèrent notamment que les entreprises seraient en mesure

d’identifierune«valeur»autravailquipourraitcompensersonsurcoût.Cettevaleur

représenterait alors la contribution du travail à la performance, c’est-à-dire la

performancedutravail.

2.2.1� Lesalaired’efficience

Lesalaired’efficienceviseenparticulieràcontrebalancerunproblèmed’agence:«On

peutalorsmontrerque l’employeura intérêtà fixerun salaire supérieurà celuidu

marché, faisantainsicourirun risquedepertede revenusicelui-ciest licenciépour

avoirété surprisen trainde«flâner»,et l’incitantpar làà fournir l’effort requis.»

(Gautié,1998,p.16).

Page 50: Le travail dans la performance organisationnelle

49

Lesalaired’efficienceestdoncunmécanismed’incitationdanslequeluneorganisation

choisit de payer un salaire supérieur par rapport aumarché pour limiter un coût

d’opportunité (baissedeproductivité,désorganisation,etc.).Nous comprenonsbien

que laperspectivedusalaired’efficienceviseàréduireuncoûtglobal.Cependant, la

vérification concrète de l’équilibre (voire du gain) ainsi obtenu reste empreinte de

doutes–peut-oneffectivementsupprimertoute«flânerie»?Autrementdit,lesalaire

d’efficiencesuggèrequ’uneorganisationpourraitconsentiràuntravailquicoûteplus

cher sans que l’équilibre ni les gains résultant de ce «salaire d’efficience» soient

certains. Cela ouvre à notre sens à des questions intéressantes sur le fait que les

entreprisespeuventconsidérer unecertainevaleurautravailendépitd’unsurcoût.

Intéressons-nousdésormaisàl’élasticité-prixdutravail.

2.2.2� L’élasticité-prixdutravail

L’élasticitésedéfinitdelasorte:«D’unemanièregénérale,l’élasticitéd’unevariableY

àunevariableXestlerapportdelavariation relativedeYàlavariationrelativedeX

�…�.»(Gautié,1998,p.24).SiXvariede1%,lecalculd’élasticitépermetdedéterminer

si Y varie aussi de 1%, ou de moins, ou de plus. Gautié (1998) avertit de deux

précautions à prendre. Premièrement: «L’élasticité ne mesure qu’une corrélation

statistique.» (p. 24), et non une causalité. Deuxièmement, préciser l’horizon

temporel:«Eneffet, lesajustementsnes’opèrentpastousà lamêmevitesse.Ainsi,

parexemple, àniveaudeproductiondonné, la substitutiondu capital au travail au

niveau de l’entreprise ne prend effet que progressivement, à l’occasion du

renouvellementdesmachines.»(id.,p.25).Autrementdit,l’intervalletemporelentre

lavariationdeXetlavariationdeYconditionneleschancesdeconstater(ounon)une

corrélation.

A l’issue de la revue de travaux dans ce champ, Gautié (1998) dresse le constat

suivant:

«L’ensembledes résultatssuscitecependantdenombreuses réserves.D’une part ils sont établis pour la plupart d’entre eux à partir dedonnées sur l’industrie manufacturière �minoritaire�. D’autre part et

Page 51: Le travail dans la performance organisationnelle

50

surtout, d’une étude à l’autre les résultats peuvent varier selon leniveaud’agrégationetselonlepays,maisaussi,cequiplusgênant,pourun même pays et pour un même niveau d’agrégation, selon lesspécifications retenues de la demande de travail et la mesure desdifférentes variables et paramètres, ainsi que selon la périoderetenue.» (p.28);LaFrance faisant figuredecasspécifiquemontrant«l’absenced’élasticitéde lademandedetravailàsoncoûtauniveaumacroéconomique�…�.»(p.29,noussoulignons).

Gautié (1998)conclutalorspar:«Au total,malgréungrandnombrede travaux,de

nombreuses incertitudes subsistent quant à l’influence du coût du travail sur sa

demande.»(p.31).

Selonnous, l’incertitudeentourant«l’influenceducoûtdu travailsursademande»

selon lesmots de Gautié caractérise un phénomène dans lequel l’arrivée et/ou le

maintien de travailleurs dans une organisation soit le fruit d’un arbitrage entre

plusieurs critères, dont le coût du travail. Ceci suggère encore que les entreprises

pourraientmettreenrelationletravailetsoncoûtavecunecertainevaleurcréée.

Terminonscettepartieens’intéressantauparadoxedesfast-foods.

2.2.3� Lesalaireminimumetle«paradoxedesfast-foods»

Aumilieudesannées1990,plusieurstravauxrelatifsausalaireminimumontproduit

des résultats surprenants.Gautié (1998) nomme ce phénomène «Le paradoxe des

fast-foods»(p.42):

«KatzetKrueger (1992)ont suiviunéchantillonde fast-foodsdans leTexas pour étudier leur réaction aux importantes hausses du salaireminimumentre1989et1991(entout,de3,35dollarsà4,25dollars),enmême temps que l’instauration du subminimum wage pour lesteenagers,s’élevantà85%dusalaireminimumpendantlessixpremiersmois d’embauche. Les résultats sont assez peu conformes à ceuxattendus.Trèspeuderestaurantsonteurecoursausubminimumwage,pourdes raisonsd’équitéentre salariés.Deplus,unepart importantedes fast-foods qui accordaient un salaire à l’embauche supérieur àl’anciensalaireminimuml’ontaugmenté,pourmaintenirl’écartaveclenouveausalaireminimum.Enfin,etsurtout,lesauteursnedécèlentpasd’effet négatif de cette forte augmentation du salaire minimum surl’emploidesjeunes,etmettentmêmeenlumièredeseffetsinverses.»(Gautié,1998,p.42).

Page 52: Le travail dans la performance organisationnelle

51

Les résultats de cette étude (confortés par les études complémentaires de Card&

Krueger(1995),visantàcontrôlerlavariable«prixdevente»,notamment)montrent

qu’uneaugmentationdeprèsde27%dusalaireminimumn’apasd’effetdestructeur

sur l’emploi, et auraitmême eu un effet favorable. Ce phénomène pour lemoins

étonnantn’a eude cessede secouer la communauté académique en économie. Les

virulentsdébatsdébordentmêmedescomitésderédactiondesrevuesscientifiqueset

s’invitentdans lapresse1pourtenterd’expliqueroudediscréditercesrésultats.Bien

évidemment,leprotocolesuiviparKatz&Krueger(1992)puisCard&Krueger(1995)

estdiscutable.Gautié (1998)noteainsique leséchantillonsne tiennentpascompte

desrestaurantsquiauraientferméenraisondecesmêmesaugmentationsdusalaire

minimum.

Ce qui nous semble intéressant au regard de notre recherche tient à deux choses.

D’unepart, ledébatentreéconomistes surce sujet seperpétueencore,c’est-à-dire

que lesrésultatsdesétudes initialesn’ontpasététotalement invalidés.D’autrepart,

et c’est là lepoint leplus importantpournous, ces travauxmontrentque certaines

organisationspeuventaugmenter lecoûtdutravailetsimultanémentaugmenter leur

demande en travail, c’est-à-dire embaucher.Celaouvredesperspectives sur le lien

entre le coûtdu travailet cequ’ilapporteauxentreprises.Plus généralement, cela

ouvre à des questionnements sur le lien entre le travail et la performance

organisationnelle:commentdesfast-foodsont-ilspu«résister»àl’augmentationdu

coût du travail? La productivité a-t-elle augmenté?Ou les prix?Ont-ils réduit les

marges? etc. En un sens, le paradoxe des fast-foods conforte l’intérêt à étudier la

contributiondutravailàlaperformance.

Nousvenonsdepasserenrevuedanscettesectiondesmécanismeséconomiquesqui

soulignentquelesalairen’estpasl’uniquedéterminantdelademandeentravail.Ces

mécanismes suggèrent que les entreprises seraient en mesure de percevoir ou

d’identifierunecertaine«valeur»àuntravaildontlecoûtestsupérieur.Cettevaleur

renvoie à la contribution du travail que les entreprises pourraient percevoir ou

identifier, quel que soit le coût de ce dernier. Lesmécanismes que nous avons ici

1LeMondedes19-20janvier2014etdu11février2014;TheEconomistdu24/11/2012.

Page 53: Le travail dans la performance organisationnelle

52

exposés légitimentdonc,demanière indirecte, l’intérêtàétudier laperformancedu

travail.

Pourterminer,examinonsàprésentdestravauxquinouspermettentdeconsidérerde

manièreplusdirectequeletravailpourraitapporterunecertainevaleur.

2.3� Une«valeur»autravail?

Danscettesection,nousnous intéressonsàdestravauxdans lechampcomptabilité-

contrôledegestionquisuggèrequeletravailpeutapporterunevaleuràl’entreprise.

Nous débutons par les travaux en contrôle de gestion, avant d’aborder ceux en

comptabilité.

2.3.1� Letravail,uncoûtsansvaleur?

Unepartiede la littérature en contrôlede gestion s’intéresse au lien entre coût et

valeur: «Le pilotage économique de l’entreprise doit s’intéresser auxmouvements

relatifsducoûtetdesfonctionnalitésobtenues(la«qualité»,lavaleur),sachantqu’en

règlegénéralelesdeuxtermesbougerontsimultanément.Ilestdoncassezsuperficiel,

voire dangereux, de théoriser lesmouvements du coût et de la valeur demanière

séparée.» (Lorino, 1995, p. 129). Cette articulation entre le coût et la valeur

caractériseraitmêmelaperformance:«Laperformancedel’entrepriseestfondéesur

le couple valeur-coût,mettant en relation la valeur produite (valeur) et la valeur

détruite (coût). Lesdeux termesde ce couple sont indissociables (ilne s’agit,nide

minimiser les coûts,nidemaximiser la valeurproduite,maisd’optimiser le rapport

entrelesdeux).»(Lorino,2003,p.4).

Ces extraits soulignentqu’il est légitime etpertinentde s’intéresser en contrôlede

gestion, à la «valeur» qu’apporte un coût spécifique, c’est-à-dire, en ce qui nous

concerne,àlacontributiondutravail.

Toutefois, le couple coût-valeur dont il est question ici est envisagé au niveau de

l’organisation. Laperformancequ’il caractériseest cellede l’entreprise,etnon celle

Page 54: Le travail dans la performance organisationnelle

53

d’unfacteurspécifique–letravail,enl’occurrence.Parailleurs,cerapportcoût-valeur

comporte de nombreuses difficultés conceptuelles et opérationnelles, en particulier

parcequelavaleurestunconceptempruntdefaiblesses.Malleret(2009)relèveainsi

que leconceptdevaleurrenvoieà l’usageetà l’échange(prix),que lavaleurestune

construction sociale, et que sa perception peut également varier selon les clients.

Autrementdit,lavaleurestunconcepttrèslargedifficilementopérationnalisable.

Les critiques autour du couple coût-valeur n’entament pas l’intérêt théorique à

s’intéresser à ce qu’un coût apporte à l’entreprise. Elles pointent les difficultés qui

émaillentcetypededémarche,etsuggèrentdemobiliserunconceptmoinslargeque

celuidevaleur.

Intéressons-nous désormais à la traduction comptable de la valeur qu’apporte le

travail.

2.3.2� L’immobilisationdeschargesdepersonnel

Quelques recherchesencomptabilitémontrentquecertaineschargesducomptede

résultatseraientlégitimementintégrablesàl’actifdubilan,en-dehors desconventions

déjà applicables. C’est-à-dire que les travaux en ce sens considèrent que certaines

chargesducomptederésultatcouvrentdans lesfaitsunepériodesupérieureàcelle

de l’exercicecomptable;ellesdevraient,alors, selon la logiquecomptable (Eglem&

al.,2010)être imputéesà l’actifdubilanpourêtreensuitedépréciées surplusieurs

exercicescomptables.

L’articledeBallester& al. (2002) fournitunbon exemplede ce typededémarche,

appliquée aux chargesdepersonnel. Il vise àdéterminerquellepartde chargesde

personnel devrait être considérée comme un investissement en capital humain, et

quelpourcentagededépréciationdevraityêtreattribué.Enadaptant lemodèlede

«residualincomevaluation»(Ohlson,1995),lesauteursdéterminentrespectivement

16%(deschargesdepersonnel)et34%(dedépréciation).

Page 55: Le travail dans la performance organisationnelle

54

Lestravauxmentionnés icimontrentqu’unepartdeschargesdepersonneldevraient

être comptabilisés au bilan 1 , c’est-à-dire augmenter la valeur comptable de

l’entreprise (Eglem & al., 2010). Cette logique comptable souligne, à travers les

chargesdepersonnel,que les individuspeuventcontribueràaugmenter lavaleurde

l’entreprise.Autrementdit,cestravauxdanslechampdelacomptabilitédénotentque

le travail que réalisent les individus dans les organisations peut contribuer à

augmenterlavaleurdel’entreprise.

Certes,laperspectivecomptableserestreintàl’horizondel’exercicecomptable,mais

elle conforte en un sens l’intérêt à s’intéresser à la question de la contribution du

travaildanslesorganisations.

Nousnoussommes intéressédanscettesectionàdes travaux relatifsà lavaleurdu

travaildans lesorganisations. L’unedespremièresvaleursqueprend le travaildans

uneorganisationestcelledesoncoût.Nousavonsalorsexplicitécequerecouvre le

coûtdutravail,etnousavonsconcluquecetindicateurrestaitassezéloignédecequ’il

estcenséreprésenté.

Nous nous sommes ensuite appuyé sur un sens plus positif à la notion de valeur.

Certains travaux en économie suggèrent que le travail pourrait créer une valeur

supérieure à son coût, puisque dans certaines situations, le salaire ne semble pas

constituer l’uniquedéterminantde lademandeentravail.Dansdesperspectivesplus

théoriques,nous avonsensuitemobilisédes travauxen comptabilitéet contrôlede

gestionquilégitimentdeconsidérerlavaleurencontrepartied’uncoûtdonné.

Lasectionsuivanteestconsacréeàlaproductivité.

3� LACONTRIBUTIONDUTRAVAILATRAVERSLAPRODUCTIVITE?

Cettesectionétudie laproductivitéetconclurapar lefaitque laproductiviténepeut

représenterlacontributiondutravailàlaperformance.Nousdéfinissonstoutd’abord

laproductivité,avantd’enénoncerdescritiques.1Cet aspect révèle une autre difficulté relative au coût du travail (cf. supra 2.1.2): quelle part dessalairesetcotisationsreprésenteeffectivementuncoût?

Page 56: Le travail dans la performance organisationnelle

55

3.1� Définition(s)delaproductivité

3.1.1� Unpeud’histoire

Au regarddesétudeshistoriquesquipeuventêtreconduites, laproductivitésemble

être un concept assez «contemporain». Dans leur étude des mines de charbon

pendant la Révolution Industrielle britannique (1760-1850), Fleischman & Macve

(2002) notent à plusieurs reprises un déficit de documentation sur la productivité:

«However, labour efficiencywasnot yet a scientific input tobeoptimised through

objectivecalculation.» (p.141).Par lasuite, leurconstatestencoreplusmarquant:

«�…� what ismost noticeable about the treatment of labour costs in themining

records is the relative lack of attention to and sophistication in assessing labour

productivity.»(p.144).Fleischman&Macve(2002)sontparfaitementconscientsque

l’absencedetracesdanslesarchivesresteinsuffisantepourproduireunejustification,

et cemalgré un faisceau de recherches concordantes (cf. pp. 136-137). Leur thèse

semblenéanmoinscohérenteaveccertainesconceptionsthéoriquesenvigueurdans

leurpériodederéférence.IlenvaainsideSmith(1776)quifondepourtantsonœuvre,

et donc la «Richesse desNations», sur la «Division du travail» (qui est l’objet du

premier chapitredu livrepremier)et sonexempledésormais célèbrede la fabrique

d’épingles1. Pour Smith (1776, p. 11): «Cependant, la division du travail, dans la

mesure où elle peut être introduite, cause dans chaque art une augmentation

proportionnelledespuissancesproductivesdutravail.».Pourabonderdanslesensde

Fleischman&Macve(2002),ladéfinitionproposéeparSmith(1776)contientcertesun

élémentdecalcul(laproportionnalité),maisdansunsenspeu«sophistiqué»,dansla

mesureoùlesassiettesdecalculsontabsentes,quecesoitpourcalculerla«division

du travail» ou sa contrepartie, «l’augmentation des puissances productives». Sur

cettecontrepartie,justement,l’accentportefinalementsurl’augmentationglobalede

laproduction,etnon,commenous leverronspar lasuite,surunratiodeproduction

rapportéeàundénominateur.

1Selon JM. Servetqui assuré ladirection scientifiquede lanouvelle traduction, cetexempleest trèslargementreprisd’unarticledeD’AlembertetDiderotdansL’Encyclopédie.

Page 57: Le travail dans la performance organisationnelle

56

Notrepropos«historique»visaitsimplementàéclairerl’acception«moderne»dela

productivité en tant que ratio. Examinons à présent l’acception «moderne» de la

productivité.

3.1.2� Unratiosurletravail…

L’acception«moderne»consisteàconsidérerlaproductivitésouslaformed’unratio.

Cetteconceptionestdéjààl’œuvrechezTaylor(1911),dontilfaitl’unedesconditions

de la prospérité: «�…� the greatest prosperity can exist only as the result of the

greatestpossibleproductivityofthemenandmachinesoftheestablishment–thatis,

wheneachmanandeachmachineareturningoutthelargestpossibleoutput;�…�.»

(p.12).Taylor(1911)conçoitdoncunratioquiseraitla«productionparmachine»ou

la «production par individu». D’une certaine manière, notre conception de la

productivité, touten restantun ratio,s’estélargieàdescatégoriesplus larges:«La

productivité,onlesait,estlerapportd’unoutputsuruninput.»(Jacot,1999,p.78).Il

semble cependant acquis que la productivité s’applique préférentiellement, voire

«naturellement»et«exclusivement»autravail:«Lorsquel’onparledeproductivité

sans précision, on envisage généralement la productivité du travail.» (Bremond &

Gélédan,1990,p.313).Beaujolin(1995)montrequelamiseenœuvredelaréduction

d’effectifss’appuieprincipalementsurdescalculsdeproductivitéetqu’«�à�cetégard,

un élément nous a en premier lieu frappé: nombre de personnes rencontrées

entendaient,derrièreceterme,le seulconceptdeproductivitédutravail.»(p.62).

3.1.3� …Oudesratios?

Leprojetdecettesous-sectionconsisteplutôtàillustrerladiversitédesratiosditsde

productivité,qu’àendresserun inventairecomplet.Cetaperçunouspermettra tout

demêmedepointerunequestionconceptuelle relativeà l’objetde laproductivité:

est-cebiendutravailquel’onmesure?

Page 58: Le travail dans la performance organisationnelle

57

L’apparente simplicité de la productivité masque quelques questions techniques:

«Maismêmelaproductivitédutravailn’estpasdéfinieparuneseulemesuremaispar

plusieurs indicateurs.» (Bremond & Gélédan, 1990, p. 313). Ainsi ces auteurs

rappellentladéfinitionstatistiquedelaproductivitédutravail(p.314,soulignéparles

auteurs): «Pour l’INSEE, la productivité apparente du travail mesure l’efficacité

productivedestravailleursemployésparlerapport:

Valeurajoutée

Effectifsemployés».

SelonBachet(1995),c’estceconceptquidéfinitlaproductivitédérivéedesthéoriesde

F.W.Taylor:«Letypedeproductivitétaylorien-fordienconstituesansdoutelaforme

laplus repérablequeproduit la gestion industrielle. Il se caractérisepar le concept

économiquede«productivitéapparentedutravail»�…�.»(p.152).

Bremond&Geledan (1990) distinguent en outre la «productivité physique» de la

«productivitéenvaleur».Laproductivitéphysiquesemblelargementredevabledela

mesure du temps. Malgré les propos de Bouffartigue & Bouteiller (1999) selon

lesquels: «�…� le temps de travail immédiat cesse d’être le principal ressort de la

performance�…�.»(citésparAllain&Gervais,2008,p.126),l’utilisationdutempsde

travailresteunepréoccupationgénéraledanslesentreprises:«Ascurrentmanagerial

interest in bell-to-bell working and similar practices illustrates, this issue of non-

productive work time continues to be a significant one for twenty-first century

management aswas the case for their nineteenth century counterparts.» (Noon&

Blyton, 2002, p. 109). On sait bien que l’une des motivations à l’origine du

«managementscientifique»deF.W.Taylors’ancredanslaluttecontrelafainéantise

des travailleurs:«Thenatural lazinessofmen isserious �…�.» (Taylor,1903,p.32).

Mais plus encore, ce dernier abhorre le «systematic soldiering»1(id., p. 32), qu’il

définitpar:« �…�thedeliberateobjectofkeepingtheiremployersignorantofhowfast

workcanbedone.»(ibid,p.33).Danslacontinuitédesonmémoirede1895«APiece

1Leterme«soldiering»estde l’anglaisaméricainetduregistre familier.Ladéfinitionqu’endonne ledictionnaire Oxford est la suivante: «Work more slowly than one’s capacity»(http://www.oxforddictionaries.com/definition/american_english/soldier,pageconsultée le25/06/14).Onpourrait,enperdantlaréférenceaucontextemilitaire,letraduirepar«traînasser».

Page 59: Le travail dans la performance organisationnelle

58

RateSystem»,Taylor(1903) insistesur lamesuredestempsunitaires,quideviendra

l’un des piliers 1 de ses Principles of Scientific Management (Taylor, 1911). La

productivitéconstituebienl’objectifrecherchépuisquesaméthode dedétermination

destempsstandardcomportecinqétapes,dont:

«Fourth.Eliminateall falsemovements,slowmovements,anduselessmovements.Fifth. After doing awaywith all unnecessarymovements, collect intoone series the quickest and best movements as well as the bestimplements.»(Taylor,1911,pp.117-118).

Cetteméthodededéterminationdes temps standard constitue toujours labasedu

calcul de «l’engagement» des postes de travail à la chaîne dans l’industrie

automobile; cet engagement s’exprime par le ratio «temps opératoire standard /

tempsdecycle».

SiF.W.Taylorestfortementassociéàlamesuredestemps,ils’inscritlargementdans

uncouranthéritédeMarx(1867,p.354):«Paraugmentationde laforceproductive

dutravail,nousentendronsici,demanièregénérale,unemodificationdansleprocès

detravailquifaitqueletempsdetravailrequissocialementpourlaproductiond’une

marchandise est raccourci �…�.». Si le terme «productivité» n’est pas ici employé,

l’extrait permet tout de même d’y lire un ratio de type quantité / temps;

l’«augmentationdelaforceproductive»permettantd’augmenterlerésultatduratio

grâceàladiminutiondudénominateur.

Sil’ons’essayeàunehumbletypologie,MarxetTaylornousontpermisdeprésenter

des indicateurs de productivité physique de type «temps / temps» et «quantité /

temps».

Encequiconcerne laproductivitéenvaleur,Alcouffe&al. (2013)nousdonnentun

aperçu des indicateurs qui peuvent être utilisés: «Les indicateurs de productivité

retenussontengénéral:Chiffred’affaires/effectifsETP,Valeurajoutée/effectifsETP

(ou masse salariale chargée + frais de personnel externe intérimaire), Résultat

d’exploitation/ETP…»(p.140-141).

1Malgrécequecertainsouvragespourtantsérieuxexposent,lamesuredestempsneconstituepasl’undesquatreprincipesformulés parTaylor(1911).

Page 60: Le travail dans la performance organisationnelle

59

Cettesous-sectionnous apermisd’illustrerladiversitédesratiosditsdeproductivité,

sanschercheràendresseruninventairecomplet.Laprochainesectionestconsacréeà

l’examendescritiquesdelaproductivité.

3.2� Critiquesdelaproductivité

Cettesection formuleunecritiquede laproductivitéendeuxpoints.Elles’interroge

toutd’abord lavaliditéduratioavantdequestionnercomment letravailyestdéfini.

Unesynthèseclôtlasection.

3.2.1� Unratioconceptuellementvalide?

Jacot (1999) reconnaît que: «Toute mesure de la productivité soulève donc

d’énormesquestionsquitouchenttantaunumérateurqu’audénominateur.»(Jacot,

1999, p. 78), et au rapport qui les lie. Ginsbourger (1998) nous laisse entendre

«qu’une productivité strictement volumique �…� ne rend compte que très

sommairementdelavaleurajoutéepardutravailàl’entreprise.»(p.129).Cepropos

compromet donc la capacité de bon nombre d’indicateurs dits de productivité à

restituercequ’apporteletravail.Selon lesstrictsproposdeGinsbourger,levolumede

production, pourtant préconisé par Chevalier & Dure (1993, p. 5 – cf. supra), est

illégitime.Lechiffred’affairespouvantêtredéfinicommeunvolumemultipliéparun

prix(devente), les indicateursproposésparAlcouffe&al.(2013)perdentégalement

deleurpertinenceàrestituerquelquechosedutravail–cf.supra).

Par ailleurs, quel que soit la production, l’output ou le résultat considéré, le travail

constitue l’unedescomposantesconcourantà laréalisation.Or ladifficultéàséparer

le «capital» du «travail» dans la production semble acquise depuis longtemps et

maintesfoisconfortéedepuis.Marx(1867)noteainsi:«Laproductivitédutravailne

dépendpasuniquementdelavirtuositédutravailleur,maisencoredelaperfectionde

ses instruments.»(p.383).Lorino(1989)renchérit:«L’hypothèsedeséparabilitédu

capitaletdu travailestdemoinsenmoinscompatibleavec l’imbricationétroitedes

deux«facteurs»dansunearchitecturetechnico-organisationnelleintégrée.»(p.169).

Page 61: Le travail dans la performance organisationnelle

60

Thévenet (1999,p. 6) tient lemêmediscours enouvrant àune certainemodernité

dans les «outils»: «Mais un nombre croissant de personnes voient la technologie

interveniràunpointteldansleurtravailqu’ilestdeplusenplusdifficilededistinguer

cequirelèvedelapersonneoudel’outil,quecesoitunautomatedeproductionouun

ordinateur.» (p. 6). Enfin, tout dernièrement, Stuebs& Sun (2010) admettent une

limite majeure dans le projet de corréler la réputation d’une entreprise à sa

productivitédu travail:«Disaggregating and isolating laborproduction from capital

production is a limiting challenge if not impossible.» (p. 279). Autrement dit, le

numérateur du ratio de productivité ne contient pas uniquement ce qui provient

uniquementdutravail.

Interrogeons-nousdésormaissurletravailcontenudanslaproductivité.

3.2.2� Quel«travail»danslaproductivité?

Les ratiosdeproductivitéprécédemment identifiésau3.1 intègrentdiverséléments

pour restituer le travail: du temps, des effectifs physiques et/ou équivalent-temps-

plein(ETP).

Chevalier & Dure (1993) considèrent que le volume de travail reste effectivement

difficileàdéfinir:

«�…�sil’estimationduvolumedeproductionnesoulève,enapparence,pasdedifficulté insurmontable, commentdéfinir le volumede travaileffectué?Est-ce levolumehoraire total,quiprendraitnotammentencompte les heures supplémentaires et les heures effectuées par lestravailleurssousCDDouen intérim?Oudoit-onse limiteraunombred’employéspermanents?»(pp.5-6).

La difficulté identifiée tient principalement au fait que le «volume de travail» ne

correspond pas tout à fait à du travail. Les valeurs mentionnées constituent

simplement des approximations du travail qui restituent partiellement l’activité

humaine(cf.chapitre1)déployéeparlesindividusdanslesorganisations.

Ainsi, au-delà de la diversité des types de ratios de productivité qui peuvent être

définis(cf.supra3.1.3),cettesectionasoulignélefaitledénominateurnecorrespond

pasvéritablementàdutravail.

Page 62: Le travail dans la performance organisationnelle

61

3.2.3� Synthèsedescritiques

Au terme de ce parcours en terres de productivité, nous avons montré que la

productivité se définit par un ratio (rapport) exclusivement centré sur le travail. La

critiquedeceratioapermisdemettreenévidencesesnombreusesfailles(techniques,

conceptuelles)relativesàladéfinitiondesnumérateuretdénominateuretàlamiseen

rapportde l’unavec l’autre.Ace stade, ilnousapparaîtque laproductivitéenelle-

mêmen’estpasenmesurede restituerunequelconque contributiondu travailà la

performance1.

Aprèsavoirécarté laproductivitécommemanièrede représenter lacontributiondu

travailà laperformance, intéressons-nousàdesrecherchesquivoientdans l’individu

unesourcedeperformance.

4� L’INDIVIDUCOMMESOURCEDEPERFORMANCE

Cettesectionviseàmontrerqueplusieurschampsdelittératureconsidèrentl’individu

comme source de performance dans les organisations. Ces travaux renforcent

indirectementl’intérêtdenotrequestionnementautourdelacontributiondutravailà

laperformance.En revanche, ilsne s’intéressentpas,précisément, au travail.Cette

sectionportetoutd’abordsurlacomptabilité(4.1),puislecontrôledegestionsociale

(4.2)etenfinlagestiondesressourceshumaines(4.3).

1Et avec Lorino (1989), nous invitons les décideurs au sens large à: «dépasser les indicateurs deproductivitédutravailhéritésdupassé.Ceux-cipeuventavoireneffetdeseffetspervers.Ils incitentàmener une politique d’automatisation à outrance, sans veiller suffisamment aux conséquences enmatièred’emploi,declimatsocial,dequalitédesproduits,derotationdesmatièresoud’utilisationdesmachines.»(p.100).

Page 63: Le travail dans la performance organisationnelle

62

4.1� Encomptabilité:deshumanassetsàl’employeeworth

Cette section s’intéresse plus particulièrement au courant Human Resources

Accounting (HRA).

Vers la findesannées1960,Likerta fortementcontribuéàpopulariser l’idéequ’une

organisation humaine dispose d’une valeur. Likert (1967) déplore cependant que

l’informationsurlavaleurdel’organisationhumainenefigurepasdanslescomptesde

l’entreprise. Enmentionnant une recherche effectuée quelques années auparavant

par Hermansson (1964), Likert va ainsi contribuer à développer un courant de

recherchesen comptabilité connu sous lenomde«HumanResourcesAccounting»

(HRA).

Lecourant s’est structuréautourde laquestionde lavaleurquedevraientavoir les

«actifs humains», c’est-à-dire, dans les faits, les individus (Flamholtz, 1971). Les

évaluationssesontarticuléesautourdecoûtsd’opportunité(Hekimian&Jones,1967;

Roslender & Dyson, 1992), de valeur actuelle nette (VAN) de services rendus

(Hermansson,1964;Flamholtz,1971),decoûtsde remplacement (Flamholtz,1971;

Carper&Posey,1976).Desbilanspouvaientalorsêtreconstituésafindeconnaîtreles

éventuellesvariationsdela«valeurRH»danslescomptes(Ogan,1976).Ladémarche

strictementcomptableducourantHRA futcopieusementcritiquée (Tsay,1977),eta

finalementobtenupeude résultats (Roslender&Dyson,1992).Pour sa renaissance

danslesannées1990,lecourants’estensuitestructuréautourd’unerevue,leJournal

of Human Resources Costing and Accounting, qui a paru de 1996 à 2012. Il est

désormais voué à alimenter les recherches portant le capital humain et intellectuel

(Roslender, 2012). Toutefois, une partie de ce courant se maintient dans une

perspectivecritique(Roslender&Stevenson,2009;Roslender&al.,2015).

D’une manière générale, ce courant de recherches considère que les ressources

humainesconstituentunevaleurpourl’entreprise,etilchercheàl’évaluer.Ilsouligne

ainsi que les individus contribuent à la performance telle que mesurée par la

comptabilité: générationde chiffred’affairesetde fluxde trésorerie, limitationdes

coûts (d’opportunité, de remplacement), et contribution au bénéfice. A travers la

contribution des individus à la performance (comptable) des entreprises, nous en

Page 64: Le travail dans la performance organisationnelle

63

inféronsque les individus,etalors leur travail,peuventêtre sourcedeperformance

pour lesorganisations.D’ailleurs, certaines recherchesdu courantHRA suggèrent le

travaildemanièreassezexplicitesanstoutefoisemployerceterme.Flamholtz(1971)

cherche ainsi à déterminer la valeur des «services rendus» par l’individu à

l’entreprise.

Intéressons-nousàprésentaucontrôledegestionsociale.

4.2� Lecontrôledegestionsociale

Nousdéfinissonstoutd’abordlecontrôledegestionsociale(4.2.1)avantd’enmontrer

les apports pour notre recherche (4.2.2) et de souligner ce qui nous en distingue

(4.2.3).

4.2.1� Historique,positionnementetdéfinitionducontrôledegestionsociale

Le contrôle de gestion sociale s’applique aux ressources humaines. Son

positionnementledistinguecependantdesrecherchesquimêlentcontrôledegestion

et ressourceshumaines (cf.Berland&Gervais,2008)1.BernardMartoryest la figure

incontournableducontrôledegestionsocialeenFrance.C’est laraisonpour laquelle

nousconsacronsàsesécritsuneplaceprépondérante,maisnonexclusive.

Martory (1999) inscrit lecontrôledegestionsocialedans la lignéedestravauxsur la

comptabilité des ressources humaines (Human Resources Accounting), eux-mêmes1Cesdeuxauteursdistinguenteneffetdeux«sous-ensembles»danslesrecherchesmêlantcontrôledegestionet ressourceshumaines. Le«premier sous-ensemble s’intéresseau rôledesaspectshumainsdans le fonctionnement des outils» (Berland & Gervais, 2008, p. 14). On y trouve des recherchesportantsurl’implicationdupersonneldanslamiseenplaced’outils,surl’appropriationd’outilsparlessalariés, le rôle des outils dans le changement organisationnel, etc. Le «second sous-ensemble sepréoccupe de l’incidence des pouvoirs extérieurs à l’entreprise ou des nouveaux pouvoirs dansl’entreprise sur lespratiquesde contrôle» (Berland&Gervais,2008,p.15). Il rassembledes travauxportant sur l’institutionnalisationdedémarches etmodesde calculs, et leurdiffusion. En somme, larecensionopéréeparBerland&Gervais (2008) articuledes recherches confrontant la techniquedesoutils de gestion au système social dans lequel ils s’insèrent (ou non). Il ne s’agit nullement derecherchesencontrôledegestionportantsurles«ressourceshumaines»(leshommesetlesfemmes)entantquetelles.

Page 65: Le travail dans la performance organisationnelle

64

issus,selonlui,despremierstravauxsurlecapitalhumaindanslapremièremoitiédes

années 1960.Mais il voit aussi dans le contrôle de gestion sociale une «approche

élargieducontrôledegestion�visant�l’abolitiondesfrontièresentrel’économiqueet

le social �…�.» (Martory, 1999, p. 174). Le contrôle de gestion sociale emprunte

d’ailleursàl’analysesocio-économiquedéveloppéeparl’ISEOR1(Martory,1999,2012,

2015)2.

C’est certainement la raison pour laquelle, plus récemment,Martory (2012, 2015)

positionne sa démarche dans des mutations couramment évoquées: «abandon

progressifd’un système taylorien» (p.1),«nouveaux regards sur le travail» (p.2),

«L’évolution des sources de performance» (p. 3), ou encore «Lamobilisation des

ressources humaines» (p. 3), particulièrement au travers de l’engagement des

salariés.

Danscecadre,lecontrôledegestionsocialesedéfinitdelamanièresuivante:«C’est

unsystèmed’aideaupilotagesocialdel’organisationayantpourobjectifdecontribuer

à la gestion des ressources humaines dans leurs performances et leurs coûts.»

(Martory, 2012, 2015, p. 6)3. Le contrôle de gestion sociale se caractérise par des

démarches etméthodesqui sont résuméesdans le tableau suivant (Martory,2015,

tableau1p.9):

1 Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations. Depuis, l’ISEOR, au travers deCappelletti (2006), a fondé un «contrôle de gestion socio-économique», que nous présenteronsultérieurement.2Martoryparlealorsde«créationdevaleur».3Martory(2012,2015)mêleenfaittroisformulationsquisontenfaitextrêmementproches(‘contrôlede gestion sociale’, ‘contrôle social’ et ‘contrôle de gestion des ressources humaines’): «nousappellerons ««contrôle social», �…� l’ensemble desmodalités du contrôle des salariés dans leursactivitéset leurperformance.»(Martory,2012,2015,p.6);autrementdit: le««contrôlesocial»oucontrôledegestiondesressourceshumaines�…�.»(Martory,2012,2015,p.6).

Page 66: Le travail dans la performance organisationnelle

65

Lecontrôledegestionsocialedéveloppedoncdesapprochesetdesoutilsconcernant

lessalariésd’uneorganisationdansuneperspectiveà lafois individuelleetagrégée:

suivi et planification des effectifs, formation, rémunérations et masse salariale,

conditionsdetravail,etc.Ilsetraduitdanslesfaitsparlamiseenplacedebudgetsde

frais de personnel, de calculs et d’analyses de lamasse salariale, d’indicateurs de

performance.

Surcedernierpoint,Martory(2012)développecequ’ilconsidèreêtreconstitutifd’une

«performanceàlongtermemesuréeparl’évaluationdesprogrèshumains»(p.229).

Huitgammesd’indicateurssontalorsproposéespar Martory(2012):

§� «Lesindicateursdeproductivité�,dont:�valeurajoutée/effectifsETPoumassesalarialechargée+fraisdepersonnelexternes;»(p.230);

§� «Les indicateursdemisesous tensiondes ressourceshumainespour lacréation de valeur�, dont:� nombre d’incidents (production etcommercialisation)dusàunmanquedefiabilitéindividuelleoucollectivedes ressources humaines en termes de compétences, disponibilité,motivation;gravitédesincidents�;�»(p.230);

§� «Attractivitéde l’entreprise�,dont:� tauxdemaintiendu personnel;»(p.230);

§� «Développementdescompétencesetintégrationd’intelligenceexterne�,dont:�renouvellementdelapyramidedesâges;»(p.230-231);

§� «Développementsocial�,dont:�%dedépensesdeformationparrapportausecteur;»(p.231);

§� «Evolutionduclimatsocialetrisquedeconflictualité»(p.231);

Tableau 1 : Les démarches et les méthodes du contrôle de gestion sociale

NIVEAU STRATÉGIQUEPILOTAGE DU DÉVELOPPEMENT ET DES

GRANDS ÉQUILIBRES SOCIO-ÉCONOMIQUESÀ LONG TERME

NIVEAU OPÉRATIONNELPILOTAGE SOCIO-ÉCONOMIQUEÀ MOYEN ET À COURT TERME

Axes d’action Démarches – Méthodes Axes d’action Démarches – Méthodes

ORGANISATION Évolution de l’organisationMise en œuvre desflexibilités

PILOTAGESOCIAL

– Gestion individuelle– Suivi des dysfonctionne-ments– Conditions de travail

EMPLOI –COMPÉTENCES

Projection des effectifset compétencesPlanification des ressourceshumainesPolitique de formation

ALLOCATION ETDÉVELOPPEMENTDES RESSOURCES

– Gestion des effectifset des temps– Formation– Gestion des compétenceset des carrières

IMPACTFINANCIERMASSE SALARIALE

Mesure des coûts sociauxÉvolution des systèmesde rémunérationsPilotage de la masse salariale

PILOTAGEÉCONOMIQUE

– Paie– Rémunérations– Budgets de fraisde personnel– Suivi de la masse salariale

PERFORMANCES Suivi des performancessocio-économiquesPolitique d’intéressement

Page 67: Le travail dans la performance organisationnelle

66

§� «Indicateursdedysfonctionnement»(p.231):turnover,absentéismeetaccidentéisme;

§� «Capacitédeflexibilité�,dont:�tauxdemobilitéinterne;»(p.231).

Alcouffe& al. (2013)parlentquant à euxde «contrôlede gestion au servicede la

direction des ressources humaines» (p. 109), qui s’articule autour de la prévision

(planification)etdusuivibudgétairedeseffectifs,de la rémunération (p.114);de l’

«évaluation des unités opérationnelles et desmanagers» (p. 114) –motivation et

récompenses;etdu«développementd’outilsdepilotageRH» (p.115), comme les

tableauxdebordsociaux.Lamiseenplaced’indicateurs«sociaux»danslecadred’un

pilotageopérationneloustratégiquedesressourceshumainesconcernelaformation,

le turnover, l’absentéisme, les compétences, les indicateurs de productivité (cf. p.

141), ou encore l’égalité homme-femme (p. 143).Dans une vision peut-êtremoins

systématique, les thématiquesabordéesparAlcouffe&al. (2013)sontextrêmement

prochesdecellesdeMartory(2012,2015)etpeuventyêtreassimilées.

Ces dernières années, dans la suite des travaux de l’ISEOR, s’est développée la

terminologie «contrôle de gestion socio-économique», initiée dans les travaux de

Cappelletti(2006).

Lecontrôledegestionsocio-économiquesedéfinitdelamanièresuivante:

«Enrésumé, lecontrôledegestionsocio-économiqueestcentrésur lamesure qualitative, quantitative et financière des dégradations deperformance sociale. Il permet à partir de cette mesure initiale, demesurer les gains de valeur ajoutée, ou réduction des coûts cachés,engendrés par les réductions de dysfonctionnements, quicorrespondentàdesgainsdesatisfactionsociale.Demême, ilpermetdemesurer l’impact qualitatif, quantitatif et financier d’une décisiontouchant la performance sociale. Le contrôle de gestion socio-économiqueestdonccentrésurlamaîtrisedelaperformancesocialeetsonimpactsurlaperformanceéconomique�afin�d’aiderlesmanagersàpiloter laperformancesocialeavecefficacitéetefficience,enéclairantdefaçonqualimétriquelesliensentresatisfactionsocialeetcréationdevaleuréconomique.»(Cappelletti,2006,pp.142-143).

Ainsi articulé autour de la performance sociale, le contrôle de gestion socio-

économiquesetraduitconcrètementpar:«lamiseenplacedescinqindicateursdela

Page 68: Le travail dans la performance organisationnelle

67

performancesociale,selonlemodèlesocio-économique,danslestableauxdebordde

pilotage des managers �…�.» (Cappelletti, 2006, p. 143). Dans le modèle socio-

économique, les cinq indicateurs de performance sociale sont: «absentéisme,

accidentsdutravail,rotationdupersonnel,défautsdequalité,écartsdeproductivité

directe.» (Cappelletti, 2006, p. 142). Ils sont associés à des dysfonctionnements de

l’organisation, et manifestent des «coûts cachés, ou pertes de valeur ajoutée»

(Cappelletti,2006,p.142).

En synthèse, le contrôle de gestion sociale s’inscrit dans le cadre du contrôle de

gestion,ets’intéresseauxindividusdansl’organisation(ressourceshumaines)sousde

multiples aspects, majoritairement chiffrés (nombre, catégorie, coût, productivité,

statut, compétences, âge, accidents, rotation, etc.), dans une perspective de

performancepourl’organisation.Lepointdevueadoptésurlesindividusrelèvedece

qu’ils sont (nombre, catégorie, statut, etc.) et de ce qu’ils représentent (coût,

compétences,accidents,etc.).

Avantqued’exposercequinousdistingueclairementducontrôledegestionsociale,

nousprésentonsdes réflexionsqu’ilsusciteetquinoussemblent intéressantespour

notrerecherche.

4.2.2� Lapossibilitéouverteencontrôledegestionderecherchessurletravail

Tout d’abord, le contrôle de gestion sociale relie individus et performance

organisationnelledanslechampducontrôledegestion,toutenouvrantlapossibilité

decentrerlesproblématiquessurletravail.Martory(2012,2015,p.6)penseeneffet

que lesméthodesencontrôle degestionsocialedoiventdévelopper:«lecalculdes

coûts–apparentsoucachés–résultantdutravailetceluidesavantagesassociés;».

Cetteperspectivemettantenbalancecoûtsetavantagesrésultantdutravails’illustre

dans les développements autour d’une «logique de contribution/rétribution»

concernant la rémunération du salarié.Martory (2012) définit la contribution de la

manièresuivante:

Page 69: Le travail dans la performance organisationnelle

68

«Toutsalariécontribuedetroisfaçonsàlacréationdevaleur�:�parlamise en œuvre de ses compétences�,� par ses performancesindividuelles et, de plus en plus souvent, par sa participation à uneperformance collective, c’est-à-dire son aptitude à s’impliquer et àdévelopperde l’efficacitéetdel’efficience�,�parsonengagementdansladurée�,àsavoir:� latraductiondusoucide l’entreprisedemainteniruncertainnombredesalariésdansunengagementdurabledefaçonàbénéficierdeleurscompétencesdansletemps.»(p.89).

Sur les deux premières «façons», la sémantique de l’extrait («mise enœuvre»,

«participation»,«développerdel’efficacitéetdel’efficience»)appelleuntermequi

n’estpasemployé: letravail.Ainsi,ceseraitpar l’intermédiairedesontravail,que le

salarié contribue principalement à la création de valeur 1 . En s’intéressant à la

rémunérationdes individus,Martory(2012)fondedonc l’intérêtdes’intéresser,dans

le champ du contrôle de gestion, au travail des individus comme contributeur à la

performancedesentreprises.

Examinonsàprésentcequinousdistingueducontrôledegestionsociale.

4.2.3� Cequinousdistingueducontrôledegestionsociale

Al’issuedu3.1.1,nousavionssynthétisélecontrôledegestionsocialedelasorte:le

contrôledegestionsociales’inscritdanslecadreducontrôledegestion,ets’intéresse

aux individus dans l’organisation (ressources humaines) sous demultiples aspects,

majoritairementchiffrés (nombre,catégorie,coût,productivité,statut,compétences,

âge, accidents, rotation, etc.), dans une perspective de performance pour

l’organisation. Le point de vue adopté sur les individus relève de ce qu’ils sont

(nombre, catégorie, statut, etc.) et de ce qu’ils représentent (coût, compétences,

accidents,etc.).

1Nous ne développerons pas plus avant le fait que l’engagement dans la durée peut être considérécommeunargumentsupplémentairede lacontributiondutravailà lacréationdevaleur («bénéficierdeleurscompétencesdansletemps.»).

Page 70: Le travail dans la performance organisationnelle

69

Malgrécertainsaspectsquitouchent letravail, l’objetcentralducontrôledegestion

sociale est constitué des salariés individuels et/ou agrégés, pour ce qu’ils sont ou

représentent.Pournotrepart,nous nousintéressonsauxsalariéspourcequ’ilsfont–

leurtravail–danslesorganisations,etauxconséquencesquiendécoulent.

Nouspouvonsdireenconclusiondecettesectionque lecontrôledegestionsociale

s’intéresseàundomainequiestprochedunôtre,maisnéanmoinsdistinctentermes

d’objet (les ressources humaines pour le premier, le travail pour le second) et de

méthode (indicateur, chiffrage, vs. démarche qualitative). Nous ne pouvons donc

expressément inscrire notre recherche au sein du contrôle de gestion sociale.

Néanmoins,cedomainenouspermetd’asseoirlalégitimitéàouvrirdesrecherchessur

letravailencontrôledegestion.

4.3� Lagestiondesressourceshumaines(GRH)

Avant de faire état des travaux en gestion des ressources humaines (GRH) qui

montrentque l’individu représenteunesourcedeperformancepour l’individu,nous

proposonstoutd’abordunaperçudelaGRH.

4.3.1� UnaperçudelaGRH

Essayer de caractériser la GRH est une entreprise complexe qui nécessiterait de

nombreux approfondissements. Pour les besoins de cette thèse, nous proposons

d’approcherlaGRHselondeuxangles:desmanuelsetunedescriptiondesthèmesde

recherche. En effet, lesmanuelsproposent généralementune synthèsepositivequi

permet d’expliciter le champ couvert par une discipline. Nous mobilisons

principalement sur quatre manuels francophones et anglo-saxons rédigés par des

auteursreconnusdanscettediscipline.Etantdonnéquenoussouhaitonsrestituerune

visionactuellede laGRH,nousavonsconsultédeséditionsrécentesdecesmanuels.

Page 71: Le travail dans la performance organisationnelle

70

PourlesthèmesderechercheenGRH,nousnoussommesappuyéssurdestravauxde

synthèseduchamp.

Peretti(2013)définitlaGRHdelasorte:

«La gestiondes ressourceshumaines est l’ensembledes activitésquipermettent à une organisation de disposer des ressources humainescorrespondantàsesbesoinsenquantitéetqualité.»(p.1).

Armstrong&Taylor(2014)énoncentdeleurcôtéque:

«Human resource management (HRM) is a comprehensive andcoherent approach to the employment and development of people.HRM can be regarded as a philosophy about how people should bemanaged,whichisunderpinnedbyanumberoftheoriesrelatingtothebehaviourofpeopleandorganizations.»(p.1).

Enfin,pourNoe&al.(2015),lagestiondesressourceshumainesrecouvre:

«Humanresourcemanagement(HRM)referstothepolicies,practices,and systems that influence employees’ behavior, attitudes andperformance.»(p.5).

Entre autres choses, ces définitions soulignent que laGRH s’intéresse aux individus

dans lesorganisations, sousdemultiples aspects, etnotamment:quantité,qualité,

comportement,performance.Nousreviendronssurcetaspectdeperformancedansla

sectionsuivante.

Parmilesouvragesconsultés,Cadin&al.(2012)proposentunedéfinitionquelquepeu

différente,puisqu’ellementionnespécifiquementletravail:

«Unedisciplinedes sciences socialesconsistantàcréeretàmobiliserdes savoirsvariésutilesauxacteursetnécessairespourappréhender,comprendre, négocier et tenter de résoudre les problèmes liés à larégulationdutravailhumaindanslesorganisations.»(p.25).

Cadin&al.(2012)neproposentpasdedéfinitiondu«travailhumain».Alalecturede

l’ouvrage, il semble toutefoisque leurperspective s’articule,commedans lesautres

manuels,autourdesindividus.LesthèmesabordésparCadin&al.(2012)sonteneffet

similairesàceuxdePeretti(2013),Armstrong&Taylor(2014)etNoe&al.(2015),et

relativementclassiques:lesrelationsprofessionnelles,lesemploisetcompétences,la

rémunération,lerecrutement,l’évaluationdesindividus,lagestiondescarrièresetla

formation.

Page 72: Le travail dans la performance organisationnelle

71

Ces dernières années, plusieurs publications ont cherché à décrire le champ de la

recherche en GRH (Gervais & al., 2006; Point & Retour, 2009;Martin & Poilpot-

Rocaboy, 2012). Les approches ont étémultiples, que ce soit en termes de corpus

mobilisé(articlespubliés,ouvrages,actesdecongrès),dedémarchedecatégorisation

(auteurs, thématiques, méthodologies), ou encore de période étudiée (plusieurs

années,momentponctuel).Cestravauxdressentdoncunpanoramatrèshétérogène

de larechercheenGRH. Iln’endemeurepasmoinsqu’ilsapportentunaperçudece

champ de recherche. En croisant leurs approches, plus d’une vingtaine de thèmes

principauxsedégagentdecestravaux1:

Principauxthèmesdégagés

Gervais&al.(2006)

Point&Retour(2009)

Martin&Poilpot-Rocaboy(2012)2

Implication X X XCulture/Valeurs X XMotivation XGestiondescompétences X X X(Gestiondes)rémunérations X X

Evaluationsocio-économique X Formesorganisationnelles XApprentissage XTransversalité XEpistémologieetméthodologie X ManagementstratégiquedesRH X Organisationdutravail XRéductionsd'effectifs X XPerformance XGestiondescarrières X XModèlesdeGRH XEvaluationdesRH XInnovationetcréativité XFormation XManagementdesconnaissances X

1Lescroixdutableauindiquentlaprésenceduthèmeconsidéré.2Selonletableau1p.75issudeWebofScience/catégorie"mainstream".

Page 73: Le travail dans la performance organisationnelle

72

Santé(dontstress)autravail X

Conduiteduchangement X

Encohérenceaveclesdéfinitionsproposéesdanslesmanuelsconsultés,lesthèmesde

recherche dans cette discipline s’articulent des notionsmajoritairement autour de

l’individu (implication,motivation, formation, etc.). La recherche enGRHdéveloppe

également des thématiques organisationnelles qui font également partie des

définitionsrelevées(cf.notammentCadin&al.,2012etArmstrong&Taylor,2014).

Parmitouslesthèmesidentifiésdansletableau,quatreretiennentnotreattention,car

ilssemblentprochesdenotrerecherche:évaluationsocio-économique,organisation

du travail, réductiond’effectifsetperformance. Ilnous fautdésormaisdétailler leur

contenuafindenouspositionnerparrapportàeux.

Sous l’appellation «évaluation socio-économique», Gervais & al. (2006) font

référenceauxtravauxdel’ISEORcitésdansdesrecherchesenGRH.Ilsnecaractérisent

doncpasuncourantspécifiquederechercheenGRH;doncnousne lesconsidérons

pascommetelnonplus.

Aproposdes thèmes«organisationdu travail»et«réductiond’effectifs»1,Point&

Retour(2009)indiquentque:

«Les articles consacrés à l’organisation du travail analysent enparticulierlesthèmesdel’autonomieautravail,del’enrichissementdestâches,ouencoredel’empowerment,desconditionsdetravailetdelagestion de projet. Les sujets traités au sein du groupe « emploi » serapportentnotammentauxsuppressionsouauxréductionsdeseffectifsdans le cadre de plans sociaux et de restructurations, un grouped’articlesàrelireencestempsdecrise.»(pp.98-99).

Larubrique«performance»s’intéressedutableauà«deuxquestionsessentiellesde

laGRH:sonrôlestratégiqueetsaperformance.Elleinviteàréfléchiràlacontribution

de la fonction RH �…�.» (Point & Retour, 2009, p. 99). Le thème «performance»

sembledoncfocalisésurlaGRHelle-même,etnonsurletravail.Parconséquent,notre

thèsenes’inscritpasdanscethème.

1Quirenvoientauthème«emploi»chezPoint&Retour(2009).

Page 74: Le travail dans la performance organisationnelle

73

L’aperçude laGRHquenousproposonsàpartirdemanuelsetdes thématiquesde

recherchedépeintunedisciplinedont l’objetd’étude leplusprochedenotre thème

est l’individu au travail. En ce sens, certains thèmes que nous développons dans la

sectionsuivantemettentenévidenceque l’individuestsourcedeperformancedans

lesorganisations.

Toutefois,ànotresens,l’approchedelaGRHnesemblepassecentrerdirectementsur

letravailquelesindividusréalisentdanslesorganisations.Commenous lemontrerons

auchapitresuivant,notrerecherches’inscriraplusspécifiquementdans ladémarche

dela«sciencedutravail»-l’ergonomie.

4.3.2� QuelquestravauxenGRHsurlaperformanceindividuelle

Nous restituons dans cette section quelques travaux en GRH sur la performance

individuelle.

Thévenet (1999) établit une synthèse des évolutionsmajeures pour conclure que:

«Plusencore,cesévolutionsontcommepointcommundemettrelapersonneencore

plusaucentredel’efficacitédel’entreprisequ’ellenel’ajamaisété.»(p.7).Dansleur

étude sur les systèmes de rémunération, Tremblay& Sire (1999) rappellent ce qui

sonne comme une évidence: «Comme si on pouvait donner une rémunération à

quelqu’un sans s’occuper de la valeur qu’il crée. Peut-on perdre de vue que la

rémunérationestavanttoutunacteéconomique?»(p.136).

De manière plus générale aux constats dressés ci-dessus, il existe un courant

internationalde recherchesquis’articuleautourdeworkperformance.Cecouranta

faituneunique incursiondans le champ comptabilité-contrôledegestion (Harrell&

Stahl, 1984). Selon Saint-Onge & Haines (2007), work performance se traduit en

françaispar«performanceautravail».C’estlaraisonpourlaquellenousn’assimilons

Page 75: Le travail dans la performance organisationnelle

74

pascettenotionàlaperformancedutravail1.Nousdétaillonsci-aprèscertainstravaux,

maislebutn’estpasd’endresserunpanoramaexhaustif.Noussoulignonssurtoutce

qu’ilsapportentàcettethèse.

Les recherches autour de la performance au travail s’intéressent notamment aux

déterminants individuels de cette même performance. Ces derniers peuvent être

psychologiques (Blumberg&Pringle,1982;Porac&al.,1983;Charles-Pauvers&al.,

2007),comme lapersonnalité, l’envieou l’intérêtpour letravail(job). Ilssontparfois

sociaux(Porac&al.,1983;Stajkovic&Luthans,2001),enlienaveclescollèguesoula

hiérarchie (reconnaissance sociale, par exemple). La chance (Porac& al., 1983) ou

encore l’environnement de travail (Harrell & Stahl, 1984) peuvent également

contribuer. Enfin, certains travaux s’intéressent auxmodulations de la performance

individuelleautravail,enfonctiondel’âgenotamment(Avolio&al.,1990).

La performance au travail est définie ou mesurée sous de nombreux angles:

«quantity, quality, and accuracy of individuals’ work, and their job knowledge,

efficiency and overall performance.» (Avolio & al., 1990, p. 412). Suliman (2001)

reprend laqualitéet laquantité,maisyajoute la«readinessto innovate»(p.1051).

Stajkovic&Luthans(2001)s’intéressentenparticulieràl’«employeeeffectiveness».

Silesapprochessontvariées,ellesindiquentquelesindividuscontribuentdemultiples

manièresàlaréussitedeleurorganisation.Encesens,ilsétayentainsilesprécédents

constatssurl’individucommesourcedeperformance.

Aveccette revuede travauxenGRH,nous terminons la sectionquivisaitàmontrer

que l’individuestconsidérédansplusieurscourantsderecherchecommeunesource

de performance pour l’organisation (comptabilité, contrôle de gestion sociale et

gestiondesressourceshumaines).

Cestravauxnetraitentpasdirectementdutravail.Rappelonstoutdemêmequenous

avonsdéfiniletravailcommeuneactivitéhumainequis’effectuenotammentdansles1Cecisouligneaupassagetoute ladifficultéqu’ilpeutyavoiràtraduiredestermespourtantcourantsd’unelangueàuneautre.

Page 76: Le travail dans la performance organisationnelle

75

entreprises(cf.chapitre1).Aussi, ilsemblecohérentdeconsidérerquesilesindividus

sont source de performance pour les organisations, c’est principalement grâce au

travailqu’ilsréalisent.Ainsi, lestravauxquenousavonsprésentésdanscettesection

légitiment laquestionde la contributiondu travailà laperformance.A ce stade, ils

n’apportentpasd’élémentsurlamanièredontcettequestionpourraitêtreétudiée.

Pour continuer à instruire cettequestion, laprochaine section explore lanotionde

performancedutravail.

5� VERSLAPERFORMANCEDUTRAVAIL

Cettesectionviseàdéfinirlaperformancedutravail.Avantcela,ilconvientd’expliciter

cequerecouvrelanotiondeperformance.

5.1� Aquelleperformanceletravailcontribuerait-il?

L’objectifdecettesectionestdedéfinirlaperformancetellequ’elleestgénéralement

admisedanslalittératureencontrôledegestion.

Lebas (1995) reconnaît que le concept de performance est semé d’embûches. Il

indiqued’ailleursque l’on tend à confondre:«lemotperformanceet les concepts

d’efficacité(atteindrel’objectif)etd’efficience(consommationminimalederessources

pouratteindre l’objectif).»(Lebas,1995,p.138).Deplus,Lebas(1995)avertitqu’«Il

ne faut en aucun cas confondre la performance avec le(les) indicateur(s) ou la(les)

mesure(s)quiladécri(ven)t.»(p.144).

Ceci étant dit, examinons à présent la performance de manière positive. Selon

Bourguignon(1997),letermeperformancereposesur«troissensprimaires»(p.90):

«succès», «résultat de l’action» et «action» (p. 90). Ces sens sont souvent

combinés:

«Dans laplupartdesusagesdumotengestion,performancecontientsimultanément deux de ces sens primaires. L'association la plus

Page 77: Le travail dans la performance organisationnelle

76

fréquenteestcelledurésultatpositifdel'action.»(Bourguignon,1997,p.91,soulignéparl’auteur).

Cette association n’interdit nullement de considérer la performance à un niveau

individuel, comme dans la performance sportive (Bourguignon, 1997). Toutefois, la

performance en contrôle de gestion se définit principalement au niveau

organisationnel:

«D'une façon générale, la performance désigne la réalisation desobjectifsorganisationnels,quellesquesoient lanatureet lavariétédeces objectifs. Cette réalisation peut se comprendre au sens strict(résultat, aboutissement) ou au sens large du processus quimène aurésultat(action)�…�.»(Bourguignon,1997,p.91).«Actionsquiconcourentauxfinalitésde l’organisation,rapportéesauxmoyensmisenœuvredansceprocessus.» (Giraud&Zarlowski,2011,p.39).

Ces définitions explicitent plusieurs caractéristiques de la performance. La

performanceestrelative,encesensqu’elledépenddesobjectifsoufinalitésdécidés;

elle n’existe pas de façon intrinsèque (Lebas, 1995) ni absolue (Bessire, 1999). Par

ailleurs, la performance comporte généralement de multiples dimensions, qui

émergent à travers les différentes parties prenantes de l’organisation (Giraud &

Zarlowski, 2011). L’affirmation du caractère multidimensionnel de la performance

permet de pointer les limites des approches trop ou exclusivement financières

(Johnson&Kaplan,1987;Giraud&Zarlowski,2011;Löning&al.,2013).

Cesmultiplesdimensionspeuventsetraduiredansunemodélisation.Deuxdémarches

demodélisationsontparticulièrementconnues:celledetype«Balancedscorecard»

(Kaplan & Norton, 1996) et la démarche «OVAR» 1 (Fiol & al., 2004). Ces deux

démarchesvisentàassurer lepilotagestratégiqueetopérationnelde laperformance

organisationnelle(Löning&al.,2013)enexplicitant lesobjectifsde l’organisation, les

mesurespermettantdesuivrelaprogression,etlesmoyensenvisagés.Cesdémarches

peuvent être regroupées sous la notion de «modèle de performance �qui� articule

axes d’action et finalités par des relations de cause à effet.» (Giraud& Zarlowski,

1Objectifs,Variablesd’Action,Responsables.

Page 78: Le travail dans la performance organisationnelle

77

2011,p. 39). Les axesd’action sontdéfinis comme étantde:«grandesdimensions

opérationnelles sur lesquelles on peut agir et qui concourent aux finalités de

l’organisation.»(Giraud&Zarlowski,2011,p.39).

Les travaux précédents explicitent la performance à laquelle le travail pourrait

contribuer. Ils’agitd’uneperformanceorganisationnellequiestmultidimensionnelle

etspécifiqueauxentreprisesconsidérées.Cetteperformancepeutfaire l’objetd’une

modélisation plus oumoins aboutie dans ces organisations, au travers d’objectifs,

d’indicateurs (financiers et non financiers) et demoyens associés. Lamodélisation

dontilestquestionn’exclutnullementletravail.Enrevanche,sonpositionnementau

niveau organisationnel rend délicate l’identification de liens directs avec le travail.

Notre projet vise en particulier à chercher certains de ces possibles liens afin de

restituerlacontributiondutravail.

Nousproposonsdanslasectionquisuitnotredéfinitiondelaperformancedutravail.

5.2� Définitiondeperformancedutravail

Cette sectionapourbutdedéfinir laperformancedu travail.Nousprésentons tout

d’abord les quelques travaux en économie et sciences de gestion qui s’articulent

explicitementautourdelanotiondeperformancedutravail.

S’inscrivantdansuneperspectiveéconomique,Rocca(2009)définitlaperformancedu

travailde lasorte:«�…� laperformancedutravail,assezpeuvérifiéedans la logique

exécutoired’uncontratentreacteurs(théoriedel’agence),tendàêtrebasée,nonpas

surdesobjectifsprécisésetlimités,maissur,cequenousqualifionsdès2001,comme

«une réquisition des compétences» des salariés.» (p. 16). Cette réquisition des

compétencesdessalariéstémoigned’uneexigenceàcequelessalariésappliquentce

qu’ilspeuventetsaventfairedanslesorganisations.

Jawadi (2010) et Jawadi&BoukefCharki (2011) s’intéressent à la performance des

équipesvirtuelles.Dansces recherches, laperformancedu travail traduit le«niveau

de conformitépar rapportauxnormesetaux standardsd’évaluation �…�.» (Jawadi,

Page 79: Le travail dans la performance organisationnelle

78

2010, p. 289). Plusieurs indicateurs permettent de l’évaluer, dont: «la qualité du

résultat»,«l’efficience»,«lesprofits»ouencore«la créationdevaleur» (Jawadi,

2010,p.289;Jawadi&BoukefCharki,2011,p.49).

Ces travauxsont intéressantsparcequ’ilsmanifestentque lanotiondeperformance

dutravailestunobjetderecherche.Jawadi(2010)etJawadi&BoukefCharki(2011)

proposentenoutredesapprocheschiffréespourl’évaluer.

Toutefoisilss’inscriventdansuneperspectivequinecorrespondpastoutàfaitànotre

projet. D’une part, ces travaux s’inscrivent dans une logique de prescription: la

conformitéàcequiestdemandéproduitlaperformancedutravail.Or,commenousle

montreronsdansleprochainchapitre,letravailnepeutpasuniquementseconcevoir

comme une exécution de la prescription. D’autre part, comme nous venons de le

montrer,laperformanceneselimitepasàdesapprocheschiffrées.

Aussi, nous proposons une définition de la performance du travail qui intègre les

dimensions de la performance relevées dans la section précédente – niveau

organisationnel,multidimensionnalité,contingence,actionetrésultat:

Laperformancedutravailestlacontributiondutravailàlaperformance

organisationnelleouplussimplement,cequ’apporteletravailauxorganisations.

Danscettedéfinition,letravailrestedéfiniselonladéfinitionadoptéeauchapitre1.

Nousconcluonsàprésentcechapitre.

CONCLUSIONSDUCHAPITRE2

Cechapitreavaitpourbutdelégitimerlaquestiondelaperformancedutravail,c’est-

à-direlacontributiondutravailàlaperformanceorganisationnelle,àpartirdetravaux

issus de notre champ académique (sciences de gestion) ou proche de ce dernier

(économie).Acetégard, lesnotionsmobiliséesdansces travauxne sontpas toutes

similaires entre elles, que ce soit en termes d’appellation ou de signification.Nous

Page 80: Le travail dans la performance organisationnelle

79

noussommesalorsefforcésdepréciserlesnotionsetlesapprochesafind’indiqueren

quoicesdernièresconstituentunappuipournotrerecherche,maisaussienquoielles

s’endistinguent.

Nous avons tout d’abord montré que les réductions d’effectifs suscitent des

questionnements sur l’utilité du travail (section 1).Nous avons par la suitemontré

qu’au-delà du coût qu’il représente, le travail semble pouvoir revêtir une certaine

valeur pour les organisations, que ce soit à partir d’approches économiques

empiriques,oud’approchesgestionnairesplusthéoriques(section2).Enraisondeses

faiblesses inhérentes, nous avons ensuite montré pourquoi nous écartons une

approchedelaperformancedutravailàtraverslaproductivité(section3).Lasection4

s’est évertuée à montrer que l’individu est source de performance dans les

organisations,àpartirdetravauxencomptabilité,contrôledegestionetgestiondes

ressources humaines. La section 5 a permis de préciser ce que recouvre la

performance,afindeproposernotredéfinitiondelaperformancedutravail:

Laperformancedutravailestlacontributiondutravailàlaperformance

organisationnelleouplussimplement,cequ’apporteletravailauxorganisations.

Comme nous l’avons souligné dans chaque section, les travaux mobilisés ici

n’apportent pas de réponse directe à cette question: le travail ne représente pas

toujoursl’objetcentraldecesrecherches(individu),oubienilestconsidérédansune

perspective restreinte (facteur de production en économie, assimilable à la

prescription).Quiplusestcesrecherchesn’indiquentpasspécifiquementcommentun

lienentreletravailetlaperformancepourraitêtreétabli.

Page 81: Le travail dans la performance organisationnelle

80

CHAPITRE 3 – LES APPORTS DE L’ERGONOMIE A NOTRE

RECHERCHE

INTRODUCTION

Avantd’aborderdemontrerlesapportsdel’ergonomieànotrerecherche,ilconvient

de présenter cette discipline (section 1), et il est nécessaire d’établir la validité du

rapprochemententreergonomieet contrôledegestion (section2). La section3est

ensuiteconsacréeauxapportsconcernantlacaractérisationetladéfinitiondutravail.

Avant de conclure, la section 4 détaillera deux apports l’activité en ergonomie:

l’opérationnalisationdu travailpar l’activité,et leseffetsutilesde l’activitédans les

organisations.

1� L’ERGONOMIE, SCIENCE DU TRAVAIL – DEFINITION ET PRINCIPAUX

COURANTS

1.1� Définitiongénéraledel’ergonomie

Ilest toujoursdifficilededéfinirunediscipline scientifiquepuisque, commenous le

verrons,plusieurscourants,ouorientations, latraversent.L’InternationalErgonomics

Association(IEA), l’associationqui fédère lessociétéssavantesdédiéesà l’ergonomie

danslemondeanéanmoinsadoptéen2000unedéfinition«quiconstituelaréférence

internationale.»(Falzon,2004b,p.17).Ladéfinitiondel’IEAestlasuivante:

«Ergonomics (or human factors) is the scientific discipline concernedwith the understanding of interactions among humans and otherelementsofasystem,andtheprofessionthatappliestheory,principles,dataandmethodstodesigninordertooptimizehumanwell-beingandoverallsystemperformance.Practitionersof ergonomics and ergonomists contribute to thedesignand evaluation of tasks, jobs, products, environments and systems inordertomakethemcompatiblewiththeneeds,abilitiesandlimitationsofpeople. Ergonomicshelpsharmonizingthingsthatinteractwithpeopleintermsof people’sneeds,abilitiesandlimitations.

Page 82: Le travail dans la performance organisationnelle

81

Derived from theGreekergon (work)andnomos (laws) todenote thescienceofwork,ergonomicsisasystems-orienteddisciplinewhichnowextends across all aspects of human activity. Practicing ergonomistsmust have a broad understanding of the full scope of the discipline.That is, ergonomics promotes a holistic approach in whichconsiderations of physical, cognitive, social, organizational,environmentalandotherrelevantfactorsaretakenintoaccount.»(IEA,2000-2015,website04/09/15).

Ladéfinitionci-dessusjustifiesurquelquesaspects,lerecoursàcettedisciplinedansle

cadredecettethèse.Elleétablittoutd’abordquel’ergonomieestlasciencedutravail.

Ensuite, comme cela fut récemment confirmé par Dul & al. (2012)1, l’ergonomie

adopteuneapprochesystémiqueintégrantdenombreuxcritères (physiques,cognitifs,

organisationnels,environnementaux,etc.).Enfin,l’ergonomieviseàoptimiserlebien-

êtreetlaperformanceglobaledusystème.Dul&al.(2012)précisentcequerecouvre

la performance: «productivity, efficiency, effectiveness, quality, innovativeness,

flexibility, (systems) safety and security, reliability, sustainability» (p. 379).Ainsi, la

définition de l’ergonomie montre que cette discipline scientifique est légitime et

pertinentepourétudierletravailàunniveauorganisationnelousub-organisationnel.

Intéressons-nousdésormaisà l’histoiredecettediscipline,etauxprincipauxcourants

quil’animent.

1.2� Historiquedel’ergonomieetprincipauxcourants

Brefhistorique

Noulin (1992) et De Geuser (2006) attribuent la première utilisation du terme

«ergonomie»àunPolonais,Jastrzebowski,dansletitred’undesesouvragede1857:

Esquissede l’ergonomieou sciencedu travail,basée sur les véritésde la sciencedu

travail.L’ergonomies’orientealorsplusparticulièrementverslaphysiologiedutravail

1Mêmesicepapieragénéréundébat(cf.notammentNathanael&Marmaras,2012).

Page 83: Le travail dans la performance organisationnelle

82

dont JulesAmar (1879-1935)est lagrande figure1.En1913, ilprend ladirectiondu

laboratoiredephysiologieindustrielleduCNAM.

Noulin(1992)etDeGeuser(2006)s’accordentàdirequelaSecondeGuerreMondiale

catalyse les rapprochements entre physiologistes et psychologues 2 d’une part, et

ingénieurset techniciensd’autrepart.1949est«ladate reconnuepourmarquer la

naissancede l’ergonomie»(Noulin,1992,p.24),puisquec’estcellede lacréationde

l’Ergonomic Research Society. Pourtant, les années 1950 voient la domination du

courant socio-technique (Trist & Bamforth, 1951). Ce courant s’épuise peu à peu

(Barley&Kunda,2001),cequipermetà l’ergonomiedeseconstituercommechamp

institutionnel.L’IEAtientsapremièreassembléegénéraleen1961,marquantainsi le

débutdesesactivités(IEA,2015,website04/09/15).LaSELF(Sociétéd’Ergonomiede

Langue Française) est quant à elle fondée en 1963.Dans ce sillage, l’ergonomie se

constituecommechampacadémiqueàpartentière.

Principauxcourants

Si les différentes parties prenantes de l’IEA ont pu s’accorder sur une définition

commune, il est possible de distinguer deux grands courants dans l’ergonomie

contemporaine(Noulin,1992).

Lepremierpencheversuneergonomie«technologie» (Noulin,1992,p.25)quivise

principalement une amélioration des conditions de travail à partir de méthodes

expérimentalesen laboratoire.Ce courantprévautdans lespaysanglo-saxonsetau

Japon. De Geuser (2006) identifie deux grandes orientations dans ce courant plus

général:uneergonomietechniciste(pourl’améliorationdesoutils)etuneergonomie

productiviste(envued’unrésultatéconomiquemeilleur).

Lesecondgrandcourantestditde«langue française»,car ilnaîten Belgiqueeten

France.Pourcecourant,l’ergonomiedoitétudierletravailsurleterrain,ensituation,

et non plus spécifiquement en laboratoire. L’ergonomie de langue française 3 se

distingue en outre par le fait qu’elle considère l’activité déployée par les individus

1Ilestconsidérécommele«pèredelabiomécanique»(Noulin,1992,p.24).2Héritiersdel’EcoledesRelationsHumaines.3Précisonsque l’ergonomiede languefrançaisen’estpasuniquementreprésentéepardesergonomesfrancophones. De même, tous les ergonomes francophones n’adoptent pas nécessairement cetteperspective.

Page 84: Le travail dans la performance organisationnelle

83

commeuneréponseàdemultiplescontraintes:physiques,techniques,économiques,

organisationnelles,etc.(Falzon,2013b;Laville,2004).

Nous inscrivons notre recherche dans l’ergonomie de langue française1pour deux

raisons.Elleconstitued’unepartnotre formation initialedans lecadreduDESSque

nous avons obtenu.D’autre part, nous verrons dans les sections 3 et 4 du présent

chapitreenquoil’ergonomieestlégitimedansnotrerecherche.Avantcela,lasection

2 justifieque l’ergonomiepeut,d’unpointdevuegénéral,s’associeraucontrôlede

gestion.

2� MODALITES D’ASSOCIATION ENTRE ERGONOMIE ET CONTROLE DE

GESTION

Cettesectionviseàmontrerque lesdeuxchampsscientifiquesquesont l’ergonomie

etlecontrôledegestionpeuventêtreassociésdansunedémarchederecherche.Nous

montronstoutd’abordqu’ilssontcommensurables,c’est-à-direqu’ilexisteaumoins

unethématiquecommuneauxdeuxdisciplines(4.1).Nousexposonsensuitequelques

travauxpionniersenlamatière(4.2).

2.1� Commensurabilitéentreergonomieetcontrôledegestion

Lacommensurabilitéentreergonomieetgestionestreconnuepardeschercheursdes

deuxdisciplines.Karwowski(2005)parlede«Congruencebetweenmanagementand

ergonomics» (p. 457) 2 . Dans leur panorama des «voisinages disciplinaires de

1Par simplification, nous utiliserons désormais le terme «ergonomie» avec le sens «ergonomie delanguefrançaise».2Pourcela,Karwowskirevientàuneréférencesouventcritiquéeetdécriée:F.W.Taylor.Toutenétantporteur d’un projet productiviste, Taylor s’intéresse également à la santé des travailleurs. Le projetproductivistedeTaylors’énonceainsi:

«Whattheworkmenwantfromtheiremployersbeyondanythingelseishighwages,andwhatemployerswantfromtheirworkmenmostofallisalowlaborcostofmanufacture.These two conditionsarenotdiametricallyopposed tooneanotheraswouldappearat firstglance.»(Taylor,1903,p.22)«Thepossibilityofcouplinghighwageswithalowlaborcostrestsmainlyupontheenormousdifference between the amount of work which a first-class man can do under favorablecircumstancesandtheworkwhichisactuallydonebytheaverageman.»(Taylor,1903,p.24)

Page 85: Le travail dans la performance organisationnelle

84

l’ergonomie»,Leplat&Montmollin(2004)identifientles«sciencesdelagestion»au

même titre que la «biologie humaine» ou encore la «psychologie du travail». Le

Traitéd’Ergonomie(Cazamian&al.,1996)placequantàluilagestiondansunelogique

d’intervention. Hubault & Fiol (1996) y relatent et analysent un cas d’intervention

conjointeentreacadémiquesergonomesetgestionnaires.Laperspectiveestmotivée

parlaraisonsuivante:«L’ergonomieconstitueainsil’axedel’intervention,selonune

démarche clinique qui, posant que dans le travail convergent les questions qui

structurent toute l’entreprise,appelle lagestion,clinicienneelleaussi,à la foispour

nourrir la compréhension de ce processus de diffusion et pour instruire les choix

capablesd’entirerunpartitransformateurde l’organisation.»(Hubault&Fiol,1996,

p.674,noussoulignons).Hubault&Fiol(1996)tirentdecetteexpériencelapossibilité

de «croiser les regards» (p. 700) de deux manières. La première («approche

concrète»,id.,p.700)estplutôtséparatrice:ellesecaractériseparune«opposition

des formes»,une«différenced’objet»etune«juxtapositiondespointsdemire»

(fig.10p.701).Laseconde («approcheanalytique»)estplutôt intégratricecar,tout

enactantl’«oppositiondesméthodes»etla«confrontationdespointsdevue»,elle

insiste sur une «convergence d’objet» (fig. 11 p. 701). Dans la continuité de ces

travaux,DeGeuser (2006)apuétablirla«Légitimitédutransfertdeconnaissancede

l’ergonomieverslemanagement»(p.35).Lemanagementpeutdésormaissenourrir

del’ergonomie.

La «convergence d’objet» dont parlent Hubault & Fiol (1996) semble s’articuler

autourdelaperformance.Rappelons-le,l’ergonomieapourobjectifde:«tooptimize

humanwell-being and overall system performance.» (IEA, 2000-2015). Pour Falzon

(2004b,p.23):«Laspécificitédel’ergonomierésidedanssatensionentre�ces�deux

LeprojetproductivistedeTaylors’intéresseaussià lasantédestravailleurs.Desonpointdevue–etc’estlàunedivergencenotoired’avecl’ergonomietellequenousl’entendons,cettepréservationpasseparl’exécutiond’unetâchebien(«scientifiquement»)conçue:«Thistaskspecifiesnotonlywhatistobedonebuthow it is tobedoneand theexact timeallowed fordoing it. �…� it shouldbedistinctlyunderstoodthatinnocaseistheworkmancalledupontoworkatapacewhichwouldbeinjurioustohishealth.» (Taylor, 1911, p. 39, nous soulignons). Le respect de cette consigne passe notamment parl’énonciation de règles de port de charge et d’engagement: «For example,when pig iron is beinghandled(eachpigweighing92pounds),afirst-classworkmancanonlybeunderload43percent.oftheday.Hemustbeentirely free from loadduring57percent.of theday.» (Taylor,1911,p.57).Taylor(1911)parlealorsderecuperation(p.59).

Page 86: Le travail dans la performance organisationnelle

85

objectifs.».Cesdeuxobjectifsontétérécemmentréaffirmésdanslesconclusionsd’un

groupedetravailinternationalmandatéparl’IEA:«HFE�HumanFactors/Ergonomics�

focusesontworelatedoutcomes:performanceandwell-being.»(Dul&al.,2012,p.

379).Cette réaffirmation contient selon nousune nouveauté. Performance et bien-

êtredeviennentdesobjectifsconjoints,etnonplussimplementenbalance–ceque

peuvent laisserentendre«l’optimisation»de l’IEA(2000-2015)et la«tension»chez

Falzon(2004b).

Biensûr,desdivergencesentreergonomieetcontrôledegestionpeuventsubsisterà

propos de la performance 1 . La performance constitue néanmoins un point de

rencontre qui marque le fait qu’ergonomie et contrôle de gestion sont

commensurables.

Après avoir souligné la commensurabilité entre ergonomie et contrôle de gestion,

nous présentons des travaux pionniers ayant articulé ergonomie et contrôle de

gestion.

2.2� Destravauxpionniersmobilisantergonomieetcontrôledegestion

Nous exposons ici quelques travaux pionniers mariant ergonomie et contrôle de

gestion.

Hubault&Fiol(1996)ontconjointementmisenœuvreunedémarched’intervention

qui articulait ergonomie et contrôle de gestion au sein d’une entreprise privée de

transportspublics.Commeévoquéprécédemment,ilsontconcludecettedémarchela

possibilitéde«croiserlesregards»(Hubault&Fiol,1996)entreergonomieetcontrôle

de gestion dans une perspective de convergence. La thèse de De Geuser (2006)

renforce la convergence envisagée par Hubault & Fiol (1996) et s’appuie sur une

démarcheergonomiqueportantenparticulier sur les instrumentsdegestionutilisés

pardesmanagers.Enfin,en considérant le champComptabilité-Contrôle-Auditdans

1Falzon&Mas (2007) proposent d’ailleurs plusieurs «Pistes pour une approche ergonomique de laperformance»(p.733,noussoulignons).

Page 87: Le travail dans la performance organisationnelle

86

sonensemble,Guénin(2008)metenœuvreunedémarcheergonomiquepourétudier

letravaild’auditeurlégal.

Ces travaux mêlant ergonomie et contrôle de gestion montrent que la démarche

ergonomiqueadéjàétémiseenœuvredansnotrechamp,etquecettemiseenœuvre

afait l’objetd’unevalidationscientifique. Ilsconfortentdonc la légitimitéàmobiliser

l’ergonomiedanslecadredecettethèse.

Nous venons de légitimer d’un point de vue général le recours à l’ergonomie pour

notrerecherche.Lasectionquisuitprésentelesapportsconcernantlacaractérisation

etladéfinitiondutravail.

3� DEUXCARACTERISTIQUESPRINCIPALESDU TRAVAIL EN ERGONOMIE, ET

LEURSCONSEQUENCESPOURLADEFINITIONDUTRAVAIL

Dans cette section, nous exposons deux caractéristiques principales du travail en

ergonomie. Leur identificationestutileetpertinentepournotre recherche carelles

vontnousconduireàcompléternotredéfinitioninitialedutravail(cf.chapitre1),afin

depréciser le concept. La section2.1 se consacre à la caractérisation fondatricede

l’ergonomie;lasection2.2s’intéresseàlavariabilitéintrinsèquedutravail.Lasection

2.3exposeralamanièredontnouscomplétonsladéfinitioninitialedutravail.

3.1� Lacaractérisationfondatrice:l’écarttâche/activité

Nousdéfinissons toutd’abordà lacaractérisation fondatricede l’ergonomie: l’écart

tâche/activité (2.1.1). Nous distinguerons ensuite cet écart de deux notions assez

proches:lacatachrèseetladiscretion(2.1.2).

3.1.1� L’écarttâche/activité

Dans le champde l’ergonomie, le travailest abordéparunedistinction fondatrice:

l’écart entre le travail prescrit et le travail réel (Guérin& al., 1991;Hubault& al.,

1996;Falzon,2004b).Letravailprescritprendgénéralementladénominationdetâche

Page 88: Le travail dans la performance organisationnelle

87

oudeprescription,l’activité1désignantletravailréel:«Latâcheestcequiestàfaire,

cequiestprescritparl’organisation.L’activitéestcequiestfait,cequiestmisenjeu

parlesujetpoureffectuerlatâche.»(Falzon,2004b,p.24).Ils’agitlàd’unedéfinition

de base. Les développements sont en effet nombreux. Falzon (2004b) établit par

exempleune revuedes travauxayantconduità l’explicitationdedifférentesnatures

de tâche: explicite, implicite, comprise, appropriée, effective. Hubault & al. (1996)

explorent quant à eux les dimensions relatives à l’activité: instrumentale,

opérationnelleetexistentielle.

Nombred’ergonomesadmettentque l’identificationd’unécart tâche/activité relève

d’unconstatsommetoutebanal(Hubault&al.,1996).C’estpourtantlàquerésidela

spécificitéde l’ergonomiede langue française.L’écartdevienteneffetobjetd’étude

entantquetel:«L’intérêtduconceptd’activitén’estdoncpastantdenommerune

différencemaisdedonner sensà l’écartqu’elle construit.» (Hubault&al.,1996,p.

289).Leconceptd’activitéoccupeainsilechampergonomique.

Laspécificitédel’écarttâche/activitéestenoutrereconnueen-dehorsdel’ergonomie.

Dejours(2000)enfaitl’apologie:

«Cettedisciplinefaitalorsétatd’unedécouvertefondamentale(LavilleDuraffourg, 1973): l’existence d’un décalage irréductible entre tâcheprescriteetactivité réellede travail.Cedécalage,démontrable jusquedanslestâcheslesplusmorcelées,considéréescommetâchesdestricteexécution, est à différencier du décalage plus connu, avancé par lasociologie, entre organisation formelle et organisation informelle. �…�Dans ladistinction faitepar l’ergonomie,en revanche, lacontradictionne se situeplus seulementdans les rapportsdepouvoir,elle resurgitdansl’ordremêmedelatechnique.Jusquedanslesmodesopératoires,dans l’ordonnancementdesgestes,dans l’engagementdescorps,danslesprocessusd’explorationouderecueild’information,latechniqueesttoutentière traverséepar lacontradiction.» (p.213-214,soulignéparl’auteur).

1Certainsauteursutilisentparfois«activitédetravail»,pourbiendistinguerd’unautretyped’activité.

Page 89: Le travail dans la performance organisationnelle

88

Lamiseenévidenced’unécarttâche/activité (outravailprescrit/travailréel)comme

caractérisation fondatrice du travail nous permet de situer la spécificité de

l’ergonomie.Ellenouspermetégalementdecomprendrequel’activité(letravailréel)

sedéploieparrapportàlatâche.Latâchefournitdoncuncadrequel’activitétendà

dépasser–d’oùl’apparitiond’unécart.

Ilnous sembleàprésent légitimede situer l’écart tâche/activitépar rapportàdeux

notionsquiluisontproches:lacatachrèseetladiscretion1.

3.1.2� Distinctiond’avecdiscretionetcatachrèse

L’objectifdecettesectionestdedistinguerl’écarttâche/activitédedeuxconceptsqui

ensontproches:ladiscretionetcatachrèse.Débutonspar«catachrèse».

SelonClot(1997),leconceptdecatachrèse,héritédelalinguistique,sedéfinitcomme

suit:«C’est l’usaged’unmotquireçoitunautresensdansunesituationoù l’onn’a

pas trouvémieux pour dire ce que l’on voulait dire.» (p. 113-114). Il donne ainsi

l’exemplede«brasde fauteuil».Deschercheursenergonomiesesontemparésdu

terme «catachrèse» pour décrire des situations d’utilisation d’outils dans un sens

inhabituel (Faverge,1977;DeKeyser,1982). La catachrèsedénotedonc l’utilisation

d’un outil différente d’une utilisation «normale» ou du moins «prescrite». La

catachrèse caractérisedoncun casparticulierde l’écart tâche/activité – l’utilisation

d’unoutil.

Examinons à présent le concept de discretion. L’utilisation originelle de ce terme

remonteauxtravauxd’EliottJaques.Shimmin(1966)soutientqueJaquesapporteune

distinction clarificatrice: «�the� distinction between the ‘prescribed’ and the

‘discretionary’aspectsofwork�…�.»(Shimmin,1966,p.199).Formuléeencestermes,

1Terme anglophone. En français, discretion renvoie traditionnellement à l’autonomie (Cadin & al.,2012;Martory,2012).

Page 90: Le travail dans la performance organisationnelle

89

ladistinctionproposéepar Jaquesestsimilaireàcelleétablieenergonomieentre le

travailprescritetletravailréel.Maisquereprésenteeffectivementladiscretion?

S’appuyant toujours sur les travaux de Jaques (1965), Shimmin (1966) explicite le

concept:«Theprescribedelementsofajobsetthelimitstowhatapersononthejob

maydo,thecontentofhisworkaboutwhichhe is leftnoauthorisedchoice;within

theselimitshehastousediscretionanddecideforhimselfthebestcoursesofaction

in a given situation.» (p. 199). Bien des années après, Noon & Blyton (2002) en

donnentladéfinitionsuivante:«�…�thediscretioninwork:thisreferstotheextentto

whichanemployeehastheabilitytoexercisechoiceoverhowtheworkisperformed,

decidingsuchaspectsasthepace,quality,quantityandschedulingofwork.»(p.166).

Cesextraitsplacent ladiscretiondirectementauseinde laprescription.Ladiscretion

vient toutd’abordcomblerunvidedans laprescription («within these limits»chez

Shimmin),oumarquerunediscretionconcédée(«theextenttowhich»,chezNoon&

Blyton). Ensuite, de manière plus subtile, elle vient s’ajouter à la prescription en

devenantunerèglepourShimmin(«hehastousediscretion»,noussoulignons).

Cetaspectprescriptifde ladiscretionestd’ailleursreprisdans lestravauxportantsur

lescompétences(skills).PeuaprèslapublicationdestravauxdeJaques,Hazlehurst&

al.(1969)mènentuneétudesurlescompétencesdesouvriersdanslecontexted’une

automatisationnaissante.Ilsmesurentalors5niveauxdecompétence.Leniveau1des

compétencesdiscrétionnairesaffirme:«Contentofjobentirelyprescribed.Employee

toldwhat todoandhow todo itandhasnochoiceas toprocedures.» (p.181).Ce

niveau1necontientenfaitaucunediscretion.Lesniveaux2à5suivants intègrent la

discretion à la prescription: «Requires little discretion �…�» (niveau 2, p. 181), ou

encore «Requires the use of considerable discretion �…�» (niveau 5, p. 182). La

discretiondevientainsiunélémentconstitutifdelaprescription1.

Autermedecetterevueduconcept,ladiscretionendosseuneperspectivelargement

prescriptive, encastrée dans la tâche pour en combler ses vides, ou la constituer

1Celaconfine àl’injonctionparadoxaledutype:«Soyezautonome!».

Page 91: Le travail dans la performance organisationnelle

90

partiellement.Pourrevenirà ladistinctionopéréeenergonomie, ladiscretionrelève

doncdelatâche,etnon,commenousaurionspunousyattendre,del’activité.

Nous avons donc proposé dans cette section une définition positive de la

caractérisationfondamentaledutravailenergonomie,etunedéfinitionennégatif,en

distinguant l’écartprescrit/réeldesnotionsdecatachrèseetdiscretion.Laprochaine

section expose la seconde caractérisation ergonomique que nous intégrons: la

variabilitéintrinsèquedutravail.

3.2� Lavariabilitéintrinsèquedutravail

Outrelefaitqueletravailréeldiffèredutravailprescritcommenousvenonsdelevoir,

l’ergonomie repose surune conceptiondynamiqueetprocessuelle,doncmouvante,

du travail. Cette perspective s’appuie sur une expérience de la résistance dans le

travail:

«Dansletravail,aucontraire,riennepeutêtreprévuaudépartpourlaraison que c’est au coursmême de l’action que sont découverts lesprogrammesefficaces:l’actequi,rencontrantunerésistanceimprévue,échoueàmaîtriser lematériau, retourneà l’opérateur, se réfléchitenlui1, l’instruitdu faitdecetéchecmême2et l’inciteà reformulerdansson imaginaire lesdonnéesduproblèmepourdécouvrirunenouvelleissue.»1(Cazamian,1996b,p.42).

L’expérience de résistance dont il est question dans cet extrait montre que la

réalisationdutravailnepeutêtreentièrementprévueapriori.

Cette imprévisibilité caractéristique tientégalementà ceque les individusau travail

représententeux-mêmesdes sujetsdevariabilité.Guérin&al. (1991,p.81),notent

ainsi:«Le«travailleurmoyen»n’existepas.Hommeoufemme,plusoumoinsjeune,

petitougrand, dotéd’unebonnevueouporteurde lunettes,chaquepersonneaen

outre saproprehistoire, sapropreexpérience.».Deplus, la chronobiologiemontre1Apportonsquelquesprécisions.Lanote1del’extraitprécisep.42lesdeuxsensdutermeréfléchir.Lanote2p.42insistesurl’intérêtdel’échec«quiformeettransformel’opérateur».Enfin,l’utilisationduterme«programme»s’inscritdanslecontexted’unecritiquedu«cybernétisme»(cf.hautp.42).

Page 92: Le travail dans la performance organisationnelle

91

que notre état de forme varie au cours de la journée, suivant, notamment, la

temporalitédessécrétionshormonales:lesrythmescircadiens,qui«setraduisentpar

desétats fonctionnelsvariablesaveclesheuresdelajournée.»(Guérin&al.,1991,p.

82).Ainsi,lafatiguesurvientàdifférentsmomentsdelajournée1,etnonuniquement

lesoiraumomentdesecoucher.Cesvariationscircadiennessedoublentderythmes

courantsurdespériodesplus longues (semaines,mois,etc.),ets’ajoutentdoncà la

diminutionde certaines fonctionsphysiologiques (biomécaniques,pulmonaires,etc.)

oucognitives(Guérin&al,1991,p.83)dueauvieillissementdetoutunchacun.

Ainsi,energonomie,letravailsecaractériseparsatotaleimprévisibilitéapriori:

«�A�ucun travailauthentiquenepeutêtreorganiséde l’extérieur,pardes tiers; ceci, comme on l’a vu, pour la double raison qu’étantinvention continue, le travail n’est pas programmable au départ etqu’étantréguléparlessensationsinternes–defatiguenotamment–ilnepeutêtreconvenablementmoduléqueparcelui-làseulquidisposedecetteinformation,c’est-à-direparl’intéressélui-même.»(Cazamian,1996b,p.57).

La dimension de variabilité introduite ici délaisse la vision d’un travail qui serait

principalementroutinier,tantdanssesobjectifsetmoyensquedanssaréalisation.Au

contraire, le travail est confrontation avec une résistance, une imprévisibilité. Par

conséquent,l’échecpeutsurvenirdansletravail.

Autermedecettecaractérisationdutravailenergonomie,lasectionsuivanteexpose

lescomplémentsquenousapportons,danscetteperspective,àladéfinitioninitialedu

travail(cf.chapitre1).

1L’undesaspects lesplusmarquantsdecesrythmescircadiensest leréflexepostprandial,quidénotel’assoupissementd’aprèsdéjeuner (que l’on ait bu,ounon,du café!). Si en Franceon suivaitnotrerythmebiologiquecommelefontcertainspaysd’Asie,ceréflexepostprandialsetraduiraitenmomentsassumésdesiesteautravail.

Page 93: Le travail dans la performance organisationnelle

92

3.3� Complémentsergonomiquesàladéfinitiondutravail

L’ergonomienousouvredoncdesperspectivespourdéfinir,etappréhender,letravail.

Nous avons vu d’une part que la tâche constitue un cadre pour l’activité (2.1.1).

D’autrepart,letravailsecaractériseparuneintrinsèquevariabilité(cf.2.2).

Cescaractéristiquesétaient formellementabsentesde ladéfinition initialedu travail

(cf. chapitre 1) que nous rappelons: «Nous considérerons donc ci-après le travail

commeuneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreenforme

unecapacitéouundonnépour l’usaged’autrui,demanière indépendanteousous la

directiond’unautreenéchanged’unecontrepartiemonétaire.»(Méda,2004,p.31).

Au-delà de l’aspect formel, deux raisons nous poussent à faire apparaître les deux

caractéristiquesidentifiées.Premièrement,ladéfinitiondeMéda(2004)reposesurle

conceptd’activité,dont lesmodalitésde réalisation sont larges.Ainsi, l’activitépeut

être considérée, dans une vision mécaniste, comme la simple exécution d’une

commandeoud’uncontrat(«mettreenformeunecapacitéouundonnépourl’usage

d’autrui, demanière indépendante ou sous la direction d’un autre»).Or une telle

conceptionmécanisteestorthogonaleàlaperspectivedéveloppéeparl’ergonomie.

Deuxièmement, lavariabilité intrinsèquedu travailorientera laméthodede collecte

desdonnées.

Ainsi,afinquenotredéfinitiondutravails’inscriveprécisémentdanscetteperspective

ergonomique, nous complétons la définition deMéda (2004).Nous y ajoutons une

phrasequipositionne l’activitédans le champ ergonomique: l’activité est encadrée

par la tâche qui n’épuise jamais la variabilité des situations rencontrées. Cette

formulation intègre les deux principales caractéristiques identifiées dans les deux

sectionsprécédentes:l’écarttâche/activité,etlavariabilitéintrinsèque.

Enconséquence,ladéfinitiondutravailquenousadoptonsdanscettethèseest:

Uneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreenformeune

capacitéouundonnépourl’usaged’autrui,demanièreindépendanteousousla

directiond’unautreenéchanged’unecontrepartiemonétaire;l’activitéest

encadréeparlatâchequin’épuisejamaislavariabilitédessituationsrencontrées.

Page 94: Le travail dans la performance organisationnelle

93

Danscettesection,nousavonsidentifiédeuxcaractéristiquesprincipalesdutravailen

ergonomie,quinousontconduitàcompléterladéfinitioninitialedutravail.Lasection

suivanteexplicitedésormaisdeuxautresapportsdel’ergonomiepourcettethèse.

4� DEUXAPPORTSDELANOTIOND’ACTIVITE

Cettesectionexposedeuxapportsrelatifsauconceptd’activitéenergonomie:lefait

que l’activitéopérationnalise le travail (4.1),et leseffetsutilesde l’activitédans les

organisations(4.2).

4.1� Letravailopérationnaliséparl’activité

Lasection2dénoteenfaitquelesnotionsdetravailetd’activitésontproches.Notre

définitiondutravails’appuieeneffetsurl’activité–danslesmodalitésquenousavons

précisées ci-dessus. Ladifférencequiexisteentre lesnotionsde travailetd’activité

relève d’une distinction «théorie-pratique». Autrement dit, l’activité représente

l’opérationnalisation du concept de travail.Guérin& al. (1991) reconnaissent que:

«Les dimensions techniques, économiques, sociales, du travail n’existent à

proprementparlerquepar l’activitéqui lesmetenœuvreet lesorganise.» (p.49,

nous soulignons). De plus, Hubault & al. (1996) soulignent qu’en termes

méthodologiques:«L’analysede l’activité �est�uneanalysecliniquedu travail.» (p.

307).

Ainsi, nous considérerons dans cette thèse que le travail s’opérationnalise par

l’activité. Nousverronsauxchapitres6et7cequecelaimpliquepournotredémarche

de recherche.Pour l’instant,examinons lesecondapportde l’ergonomiepournotre

thèse.

Page 95: Le travail dans la performance organisationnelle

94

4.2� Leseffetsutilesdel’activitépourlesorganisations

L’identificationdel’écartentrelatâche(letravailprescrit)etl’activité(letravailréel)a

conduit les ergonomes à s’interroger sur la nature et la signification de cet écart

(Hubault&al.,1996).Larencontreentretâcheetactivitérelèvede laconfrontation,

voire d’un conflit, de deux logiques (Hubault & al., 1996): une logique technico-

organisationnelle,d’unepart,quivadéfinirlatâcheetaveclesconditionsd’exécution

etdereporting,etunelogiqueduvivantquivatenterd’yrépondretoutenrépondant

àd’autresbuts telsque lasanté, leconfort, lasatisfaction, lescompétences (Falzon,

2004b).Apartirdececonflitdelogiques,etdansleprolongementdesfondementsde

l’ergonomie(approcheglobaleetobjectifsconjointsdeperformanceetbien-être),va

se développer une modélisation plus ou moins sophistiquée. Cette modélisation

intègrebienévidemment lesfacteursdéterminantsdechaque logique,maisaussi,et

surtout–pournotrepropos, ceque l’activité (donc le travail)produit– ses«effets

utiles»,enparticulierpourlesorganisations.

Nous présentons ci-après troismodélisations sans prétendre à l’exhaustivité. Elles

noussemblentsuffisammentsignificativesetexplicitesdecettemodélisation.

LamodélisationdeGuérin&al.(1991,p.48)prendlaformesuivante:

Page 96: Le travail dans la performance organisationnelle

95

Guérin & al. (1991) formalisent le conflit de logiques par la rencontre entre un

«opérateur» (c’est-à-direun individuqui travailleetqui s’inscritdansunehistoire:

âge,expérience,fatigue,etc.)etune«entreprise».L’entreprisedéfinitetinstaureles

élémentsdelatâche(objectifs,outils,cadences,consignes,espacesdetravail,etc.).La

rencontreseformaliseparun«contrat»quiestparnature incomplet,etunetâche1

qui l’estaussi.Leconflit se synthétisealorsdans l’activitéde travail2quigénèredes

conséquencespourchacundesdeuxélémentsdusystème:l’opérateuretl’entreprise.

Ces conséquences sont tant positives (compétences, production) que négatives

(accidents,non-qualité)3.

Falzon(2004b,p.27)adaptequantàluiunmodèlesimilairedeLeplat(2000):

Sous des dénominations quelque peu différentes, on retrouve dans cemodèle de

fortessimilitudesavecceluideGuérin&al.(1991):

«A un moment donné, l’opérateur est dans un certain état deconnaissances (formation,âge,expérienceacquise),de santégénérale(maladie, déficiences, âge, etc.) et de santé instantanée (effet desrythmes circadiens, du moment de la journée, de l’astreinte, de lafatigue,du stress). La tâche se caractérise,de façonpermanente,par

1Guérin&al.(1991)fonticiunedistinctionentretâchesprescritesettâchesréelles.C’estunemanièrederendrecompted’unpremierniveaud’écartentre,parexemple,unefichedeposteetlesorientationsdonnéesauquotidienparlemanager.Nousnedévelopperonspasplusavant.2Pardistinctionavecuneactivitésportiveouludique.3Lemodèleneprévoitnullementquelesconséquencesnégativessurviennentsystématiquement.

Page 97: Le travail dans la performance organisationnelle

96

desbuts,unniveaud’exigence,desmoyens,des critères à respecter,etc.,etdefaçoninstantanéeparuneconsigneparticulière,parlachargedu moment, etc. L’activité résulte d’un couplage entre conditionsinternes et conditions externes. L’activité produit des effets relatifs àl’opérateuretrelatifsàlatâche.»(Falzon,2004b,p.27).

Les effets de l’activité sur l’opérateur sont notamment relatifs à la santé (fatigue,

maladiesprofessionnelles,etc.)etauxcompétences(id.,p.27).Lesconséquencessur

latâcheportentprincipalementsurlaperformance(ibid.,p.28).

La modélisation de Falzon (2004b) adaptée de Leplat (2000) fait en revanche

clairementapparaîtreuneétapequiétaitsous-entendue,voiremasquée,chezGuérin

&al. (1991): l’étapededoubleévaluation (interneetexterne).Cetteétape indique

quel’activités’ajusteencoursderéalisation.Ainsi:

«sil’activitéconduitàunefatigueexcessive,ouàuneposturepénible,l’opérateuradaptesonactivité(rythmeoumodeopératoire)defaçonàréduire l’astreinte �…�.De même, côté tâche, la comparaison entreperformance visée et performance effective peut aboutir à: �…� unconstat d’atteinte des objectifs pouvant pourtant aussi aboutir danscertainscasàdesmodificationsdel’activité,afindedégagerdesmargesdemanœuvre,d’éviteruneaccentuationdesexigences,etc.» (Falzon,2004b,p.28).

Autermedecetaperçu,nousretenonsprincipalementquel’ergonomieconceptualise

les effets utiles de l’activité, tant pour les individus que pour les organisations. En

corollaire, l’identification des effets utiles de l’activité (qui, rappelons-le,

opérationnaliseletravail)nouspermetd’envisagerd’appréhenderparcebiaisceque

letravailapportedanslesorganisations.Danscetteperspective,l’ergonomieapporte

unélémentdéterminantànotrerecherche,élémentquenousn’avonspastrouvédans

lestravauxenéconomieousciencesdegestion.

Ilsembletoutefoisquel’arrimagedeseffetsutilesàlaperformanceorganisationnelle

pose encore des difficultés. D’une part, l’ergonomie ne semble pas suffisamment

orientéedanssespratiquesverslaperformance(Bourgeois&Hubault,2005;Falzon&

Mas,2007;Dul&al.,2012).Ilnousfautrappelerd’autrepartladoubleindéfinitiondu

Page 98: Le travail dans la performance organisationnelle

97

travail (Hubault, 1999),qui caractériseunedesdifficultésmajeuresdans l’étudedu

travail–cf.chapitre1.

Nous concluonsdésormais le chapitre consacré aux apportsde l’ergonomie ànotre

recherche.

CONCLUSIONSDUCHAPITRE3

Cechapitreamontrétoutl’intérêtdemobiliserl’ergonomiedansnotrerecherche.En

tantquesciencedu travail, l’ergonomieseposeenpremier lieucomme ladiscipline

incontournablesur letravail (section1).Plusspécifiquementnousnouspositionnons

danslecourantdel’ergonomiedelanguefrançaisequiestcentréeautourdel’activité

(cf.supra1.2).

Nousavonsensuitejustifié le faitque l’ergonomiepouvaitêtremobiliséeencontrôle

degestion.Ergonomieetcontrôledegestionsontcommensurables,etdesrecherches

lesmobilisantontdéjàétéconduites(section2).Nousavonsensuitedétaillé l’apport

de l’ergonomieen termesde caractérisationetdéfinitiondu travail (section3).Cet

apportnousaconduitàcompléternotredéfinitiondutravail(cf.3.3)pouraboutirà:

Uneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreen

forme une capacité ou un donné pour l’usage d’autrui, de manière

indépendante ou sous la direction d’un autre en échange d’une

contrepartiemonétaire.L’activitéestencadréeparlatâchequin’épuise

jamaislavariabilitédessituationsrencontrées.

Nous avons enfin détaillé les apports relatifs au concept d’activité en ergonomie

(section 4). Premièrement, l’activité opérationnalise le travail. Deuxièmement,

l’ergonomie identifie les effets utiles de cette activité dans les organisations.Nous

verronslesconséquencesdecesapportsdanslechapitreconsacréànotrequestionde

recherche,etdanslechapitredédiéàlaméthodologie.

Cesapportsnedoiventpasnonplusnégliger le faitque le lienentre le travailet la

performanceorganisationnellerestepeudocumentéàcejourenergonomie.

Page 99: Le travail dans la performance organisationnelle

98

Al’issuedecechapitre,noussommesdésormaisenmesured’énoncernotrequestion

derechercheetdeconsidérerlesdéveloppementimmédiatsqu’elleappelle.

Page 100: Le travail dans la performance organisationnelle

99

CHAPITRE 4 – QUESTION DE RECHERCHE ET PREMIERS

DEVELOPPEMENTS

Introduction

Cechapitre formule toutd’abord laquestionde recherchequi structure laprésente

thèse (section 1). Il précise ensuite les modalités de notre recherche normative

(section 2). En section 3, nous proposons le recours à un cadre analytique afin de

structurerlaréponseànotrequestionderecherche.

1� QUESTIONDERECHERCHE

Leschapitresprécédentsontmontréque lesrecherchesactuellesn’apportentpasde

réponsedirecteà laquestionde laperformancedu travail.Certaines littératuresen

sciencesdegestionetenéconomielégitimentcettequestion(cf.chapitre2),maisces

travaux ne formalisent pas de lien concret entre le travail et la performance.

L’ergonomieétudie le travail (cf. chapitre3),mais son rattachementempiriqueà la

performanceorganisationnelleresteencorepeudocumenté.

Cesconsidérationsnouspermettentdeformulernotrequestionderecherche:

COMMENTRENDRECOMPTE

DELAPERFORMANCEDUTRAVAIL

DANSLESORGANISATIONS?

Ilconvientàprésentd’endéfinirlestermes.

La performance du travail est selon le chapitre 2: la contribution du travail à la

performance organisationnelle ou plus simplement, ce qu’apporte le travail aux

organisations.

Danscettedéfinition,letravailestdéfinicomme :Uneactivitéhumaine,coordonnée,

rémunérée, consistant àmettre en forme une capacité ou un donné pour l’usage

d’autrui,demanière indépendanteousous ladirectiond’unautreenéchanged’une

Page 101: Le travail dans la performance organisationnelle

100

contrepartiemonétaire; l’activité est encadrée par la tâche qui n’épuise jamais la

variabilitédessituationsrencontrées(cf.chapitre3).

Par«rendrecompte»nousentendons«faireémergeret restituer» lacontribution

du travail à la performance. Cela fera l’objet d’uneméthode spécifique que nous

présentonsensection3duprésentchapitre.

Nousadoptonsladéfinitionsuivanted’uneorganisation:«�O�rganizationisdefinedas

any institutionfromwhichonereceivescashforservicesrendered.»(Bennis,1966b,

p. 35, note). Même si cette définition élargit quelque peu le champ, elle reste

cohérenteauchoixquenousavonsfaitdenousplacerdupointdevuedesentreprises

(cf.1.1duchapitre1).

La formulation de notre question de recherche nous inscrit dans une démarche

normative.Nousenprécisonslesmodalitésdanslasectionsuivante.

2� UNERECHERCHENORMATIVE

La formulationdenotrequestionderecherchecontientuncaractèrenormatif.Nous

précisonsicicequenousentendonsparlà,etquellesconséquencescelaimpliquepour

notrerecherche.

Tout d’abord, nous écartons un sens de «normatif» qui est spécifique à la

comptabilité, et étranger à l’objet de notre recherche: la production de normes

comptablesdanslecadred’uneépistémologiepositiviste(Jeanjean&Ramirez,2008).

Unerecherchenormativesedistinguegénéralementparsesobjectifsdeproductionde

connaissance,tantparlanaturedelaconnaissanceproduite,queparl’audiencevisée.

Débutonspar l’audience.Gendron (2013) reprendune typologiedeBurawoy (2005)

qui classe l’audience visée par la recherche en «académique» ou «extra-

académique». En fonction de l’audience à laquelle s’adresse la recherche, cette

Page 102: Le travail dans la performance organisationnelle

101

dernière peut alors être qualifiée de «professionnelle (conventionnelle), critique,

prescriptive («policy») et grand public.» (Gendron, 2013, p. 144). Les recherches

prescriptives(normatives)etgrandpublicvisentuneaudienceextra-académique,àla

différencededeuxautres.Tsang(1997)considèreluiquelesrecherchesprescriptives

visentprincipalementdespraticiens(p.77);cecipourraitalorsrapprochercetypede

recherches d’une recherche «professionnelle (conventionnelle)» et alors devenir

«académique»,selonlestermesreprisparGendron(2013).D’ailleurs,iln’estpasrare

quelespublicationsderevuesscientifiquesformulentdesrecommandationsàl’égard

de leurs pairs, par exemple en termesméthodologiques (Baxter& Chua, 1998) ou

épistémologiques (Chapman, 2012). L’audience de la recherche ne semble pas non

pluscaractériserlesrecherchesnormatives.

Lesthéoriesnormativessontgénéralementopposéesàd’autrestypesdethéories.Les

théoriesexplicativesvisentàexpliquerdesphénomènes (Allain,2010)ens’appuyant

sur des relations de causes à effets (Mattessich, 1995); alors que les théories

normatives ont pour objectif de formuler des prescriptions pour représenter des

phénomènes (Allain, 2010). Ces dernières relèvent de la «recherche instrumentale

�qui�met l’accentsur lesmoyensd’atteindrecertainesfinsmaissanss’interrogersur

lesdites fins�…�.» (Gendron,2013,p.143),paroppositionauxrecherchesréflexives.

Enfin, les recherches de type normatif sont souvent distinguées des recherches

descriptives, en ce sens qu’elles contiennent des jugements de valeur (Mattessich,

1995;Tsang,1997).

Laclassificationopéréeci-dessusnoussemblecependantsimpliste;d’unepartparce

que certains auteurs discutent les dichotomies utilisées.Mattessich (1995) propose

une méthodologie normative-conditionnelle qui intègre les causalités de théories

explicatives(«positiveconceptualrepresentation»,Fig.1p.276).Tsang(1997)défend

lanécessitéd’itérations entre recherchesdescriptives etprescriptives afind’obtenir

une«bonne théorie» (p.86).Allain (2010)admetenfinque les théoriesnormatives

permettent l’élaborationet l’améliorationdethéories,etdoncàcetitre,remplissent

Page 103: Le travail dans la performance organisationnelle

102

lemême rôlequedes théories explicatives (cf. Fig.3,p.20).Par ailleurs, Zarlowski

(2000)réfuteladistinctionentrefaitsetvaleurs.

D’autre part, deux termes s’entrecroisent dans les textes précédents(normatif et

prescriptif),qu’ilnoussemblepertinentdedélier.Anotreconnaissance,seulZarlowski

(2000)établitunedistinctionentrecestermes–lesautresauteurslesutilisantcomme

synonymes,oumettantenavantl’unoul’autredecesaspectssansréféreràunsens

particulier.Zarlowski(2000)metenœuvredeuxapproches:

�� Une approche dite normative qui consiste «à reconstituer les étapes de la

modélisationayantaboutiàlaformulationdecespropositions�établiesparla

construction d’un indicateur�, afin d’en évaluer la cohérence interne et

d’identifier les hypothèses sous-jacentes.» (p. 142). Nous appelons cette

approche«déconstruction».

�� Une approche dite prescriptive «orientée vers la définition d’un ensemble

cohérent de règles destiné à servir de support à l’action.» (p. 139). Nous

appelonscetteapproche«recommandation».

D’autres travaux confortent la distinction de ces deux volets, déconstruction et

recommandation1.Malmi & Granlund (2009) s’y inscrivent explicitement dans leur

appel à s’appuyer surdes théoriesnormatives:«There is aneed to explicateused

constructs,theirrelationshipsandunderlyingreasonsandtodevelopmorecontingent

claims about their applicability.» (p. 611). Les trois premiers besoins identifiés par

Malmi & Granlund (2009) relèvent de la déconstruction; le quatrième des

recommandations. Allain (2010) identifie quatre intérêts à formaliser des théories

normatives, qui relèvent également de la déconstruction («mettre à jour les

hypothèses instrumentales», p. 374) et de la recommandation («Améliorer la

modélisationdescoûtsdanslesecteurdesservices»,p.375).

En synthèse,nous inscrivonsnotre thèsedansunedimensionnormativeau sensoù

elle permettra de déconstruire et de recommander – c’est-à-dire, notamment:

reconstruire. Le volet déconstruction couvre principalement notre approche

1Même si les deuxmouvements ne sont pas systématiquement abordés par toutes les recherches.Tsang(1997),parexemple,metl’accentsurlevolet«recommandation».

Page 104: Le travail dans la performance organisationnelle

103

théorique.Ennousintéressantàlaperformanceetautravail,nousavonsrencontréde

multiples approches qui parfois, sous un même vocable, désignent des choses

différentes.C’estlaraisonpourlaquellenousnoussommesefforcésauxchapitres1et

2 de préciser les notions mobilisées. Dans cette même perspective, l’appui de

l’ergonomieànotrerecherchenécessitaitd’examinerlesconditionsderapprochement

entre l’ergonomie et le contrôle de gestion. Le volet recommandation concerne

particulièrement les partiesméthodologiques et empiriques, que nous développons

ensuite. La section suivante constitueunpremierpasen ce sens,puisqu’elle justifie

l’élaborationd’uncadreanalytique.

Enfin,notre recherchenormatives’adresseautantàuneaudienceextra-académique

qu’àuneaudienceacadémique.

Aprèsavoirprécisécequerecouvrenotredémarchenormative,nousproposonsdans

lasectionsuivanteuncadreanalytiquequistructureralaréponseànotrequestionde

recherche.

3� RENDRE COMPTEDE LA PERFORMANCE DU TRAVAIL – PROPOSITION

D’UNCADREANALYTIQUE

Cette section vise à justifier le recours à un cadre analytique (3.1), à expliciter et

validersoncontenu(sections3.2et3.3,respectivement)etàdéfinirlescatégoriesqui

lecomposent(3.4).

3.1� Pourquoiuncadreanalytique?

L’élaboration de cadres d’analyse semble regagner de l’intérêt dans les sciences de

gestion.Warnier&al.(2015)lancententoutcasunappelencesens:«Cetarticlevise

àpromouvoir le cadred’analyse commeunproduit importantde la recherche et à

inciter les chercheursengestionàyporterplusd’attention.» (p.70),au lieude se

concentrer sur l’élaboration de théories ou d’outils. Se servir d’un cadre d’analyse

Page 105: Le travail dans la performance organisationnelle

104

n’estdoncpassaugrenu.Warnier&al. (2015, tableau1p.68)donnent ladéfinition

suivanted’un cadred’analyse:«Ensemblede variablespertinentesen interrelation

maisdontlesrelationsnesontpasdéterminées».

Pourétudierlaperformancedutravail,nousavonseffectivementbesoinde«variables

pertinentes». Nous avons précédemment défini la performance du travail parce

qu’apporteletravailauxorganisations.Enfaisantcela,nousavonsd’abordreliédeux

concepts(performanceettravail)complexesetmultidimensionnels–cf.chapitres1et

2.Acelas’ajoute lefaitque«performance»et«travail»nécessitentunemédiation

pour pouvoir être étudiés concrètement. Pour le travail, lamédiation passe par les

individus qui réalisent le travail – voir chapitre 3. Pour la performance, c’est le

«management» qui joue le rôle de médiateur, en établissant un modèle de

performance (Giraud & Zarlowski, 2011) plus oumoins formel et formalisé. Cette

médiationnécessaire imposealors l’utilisationdecatégoriesconnexes («variables»,

selonWarnier&al.;2015)quipermettentd’accéderconcrètementà laperformance

dutravail.Cesontcescatégoriesquicomposerontlecadreanalytique.

Deuxièmement,envertudupeud’attentionaccordéàlaperformancedutravail,nous

nepouvonsdéterminerapriorilanaturedesrelationsentrecesdifférentescatégories.

Enfin,notrecadred’analyseserviraàstructurer lacollecteet l’analysedesdonnées.

Cesaspectsseronttoutparticulièrementdéveloppésdans leschapitres5,6et7.Les

partiesconsacréesànosdonnéesmettrontalorsenévidence les interrelationsentre

lescatégories–tellesqu’ellesyapparaissent.

Auvudeceséléments,ilnoussembledoncpertinentdeproposeruncadreanalytique

pourrendrecomptedelaperformancedutravail.Ilnousfautdésormaisexpliciterles

catégoriesquilecomposeront.

3.2� Quelcadreanalytique?

Quelles seraient donc les catégories constitutives du cadre analytique? Dans cette

section,nouslesfaisonsémergeravantdeconfronter,danslasectionsuivante,notre

cadred’analyseàlalittératureexistante.

Page 106: Le travail dans la performance organisationnelle

105

En tantqu’opérationnalisationdu travailetde seseffetsutiles (cf.chapitre3), ilest

nécessaired’intégrerl’activitéaucadreanalytique.

Par ailleurs,plusieurs travaux invitent à considérerque lahiérarchied’unemanière

généraledisposed’unpointdevuesurlacontributiondutravail.Dansleurquêtevers

l’employee worth, Roslender & Dyson (1992, p. 326) posent en effet la question:

«what is it that senior management actually view as constituting worth in their

employees?». Et sur un aspect plus général,Ginsbourger (1998, p. 9) questionne:

«Ne faut-il pas alors s’interroger sur lamanière dont la contribution du travail est

évaluée–évaluationdontunedesformeshistoriquesestlaproductivité–etenvisager

les effets de cette évaluation sur les raisonnements et les décisions touchant à

l’emploi.». Dans cet extrait, Ginsbourger suggère également quelques catégories

managérialesquinoussemblentintéressantes:des«évaluations»viadesindicateurs

(la productivité) et des «raisonnements et décisions». Les caractéristiques de la

performance (cf. section 5 du chapitre 2) suggèrent enfin que la formulation de la

performancepeuts’appuyersurdesproposorauxouécrits.

Unefoislesfinalitésorganisationnellesexpriméesverbalementetdemanièrechiffrée,

ilconvientdelesmettreenœuvreparl’intermédiairedesmanagers.Ils’agitlàd’une

desdéfinitionsclassiquesencontrôledegestion(Anthony,1988).Cettemiseenœuvre

nécessiteraenparticulierdesactionsdelapartdesmanagers.

Nousproposonsdoncd’utiliser lescatégoriesdemesures,discoursetpratiquespour

rendrecompted’unpointdevuedetypemanagérialsurlaperformancedutravail.

Ainsi,nousétudieronsletravailetsesapportspourlesorganisations–saperformance,

autraversdequatrecatégories:mesures,discours,pratiquesetactivité.Envoiciune

représentationgraphique:

Page 107: Le travail dans la performance organisationnelle

106

Confrontons désormais ce cadre avec la littérature existante, afin d’en conforter la

validité.

3.3� Validitéducadreanalytiqueproposé

Les deux sections précédentes nous ont permis de légitimer le recours à un cadre

analytique qui s’exprimerait par les quatre catégories que nous avons nommées. Il

noussembledésormaisnécessaired’étayersavalidité.

Anotreconnaissance,iln’existedanslalittératureaucuncadreanalytiqueregroupant

formellementnosquatrecatégories (mesures,discours,pratiquesetactivité)autour

delaperformancedutravail.

Enrevanche,lapartieplusmanagérialedenotrecadreanalytique(discours,mesures,

pratiques) trouvedeséchosdans la littérature,notammentencomptabilité-contrôle

degestion.Plusieursdesescatégoriesysontmobilisées,plusoumoinsdirectement.

Ainsi,Cuganesan& al. (2007,note1p.907):«are interested inhowmanagement

discourse produces objects such as ideas, concepts and policies and shapes

management practices within organisations as a result.». Discours et pratiques

managérialessontdoncmobilisésdanscestravaux.Abrahamsson&al.(2011)étudient

commentunindicateurqui«vireaurouge»aentraînélaformulationd’unenouvelle

orientationstratégiqueetdesactionsencesens(constitutiondeprojets).Discourset

mesuressont icimobilisés,etdansunemoindremesure,despratiques.Davie(2005)

Performancedutravail

Discours

Pra+quesmanagériales

Ac+vité

Mesures

Page 108: Le travail dans la performance organisationnelle

107

exposecommentundiscoursetdespratiquesdepréférence racialede lapartde la

direction d’une entreprise fidjienne ont pu être confortés par un recours à des

données comptables.Modell (2012) étudie un cas longitudinal selon 3 phases. Les

deuxpremièrespeuventêtre résuméesde la sorte:undiscours stratégiqueaétabli

des indicateurs qui n’ont pas entraîné les changements souhaités (le contrôle

budgétaireestresté inopérant). Ici,cesontdoncdiscours,mesureset (l’absencede)

pratiques qui sont mobilisés. Cooper & Ezzamel (2013) s’intéressent au Balanced

Scorecard d’une firme multinationale car: «it is intended to convert talk about

strategy (e.g., strategies related toglobalization) intoa setofmeasuresand targets

thatwillproduceactionsandinitiatives.»(p.295).

Enfin, lesquatrecatégoriesducadreanalytiquesesontprogressivementétabliesau

contact des terrains de recherche et de la littérature exposée précédemment.

L’utilisation effective de notre cadre analytique sur nos terrains de recherche

représentedoncl’undesenjeuxdecettethèse,etconfèreraunevaliditéopératoireau

cadred’analyse.Pourcela,nousexpliciteronsd’abordcommentnotreméthodologie

s’articuleautourducadreanalytique (cf.chapitresuivant).L’analysedenosdonnées

permettraensuited’enmobiliserlescatégories.

Ilesttempsdedéfinirlescatégoriesdenotrecadreanalytique.

3.4� Définitiondescatégoriesducadreanalytique

Notre cadre analytique partage des éléments avec des recherches récentes. Le

discours est particulièrement présent, constituant souvent l’objet central de la

recherche (Cuganesan & al, 2007; Boje & al., 2004). Nous avons parfaitement

conscienceducaractèreperformatifdudiscoursetqu’àcetitre, ilpeutsubsumerde

nombreusescatégoriesd’analysedesorganisations.Toutefois,concernantnotreobjet

derecherchequiestàcejourpeuétudiéensciencesdegestion,ilestpossiblequeles

managerspuissentnepasexprimer toutcequ’ilsse représententsur laperformance

dutravail,etquesimultanément,ilsengagentdesactionsqui,justement,manifestent

unereprésentationdelaperformancedutravail.Ilnoussembleainsilégitimedeposer

Page 109: Le travail dans la performance organisationnelle

108

cettehypothèsedans lecadredecette thèse,etdoncdedistinguer analytiquement

discoursetpratiquesmanagériaux.

Par ailleurs, nous avons indiqué que les catégories s’étaient également établies au

contactdenos terrainsde recherche.Nousproposonsdonc ci-dessousnospropres

définitions à trois catégories de notre cadre analytique. Dernière remarque:

«pratique»disposerad’unsensétendupermispar la littérature (actionet intention

managériale,cf.Ahrens&Chapman,2007)sur lequelnousreviendronsen limitesde

cettethèse.

Nousadoptonsdonc lesdéfinitionssuivantes:

�� Mesure: tout indicateurpouvantprendreune valeur chiffrée,utilisé au sein

d’uneorganisationspécifique.

�� Discours: toute expression écrite ou orale dont l’émetteur relève d’une

positionmanagériale. Précisons que cette catégorie permet de recueillir ces

expressionsdanstoute leurdiversité,etnevisepasà lessynthétiserdansun

éventuel«discoursmanagérialunique».

�� Pratique managériale 1 : Action ou ensemble d’actions entreprises ou

envisagées surunpérimètredonné (équipe, service, catégoriedepersonnel,

entreprise,etc.),parunouplusieursmembresdelahiérarchie;cesactionsne

sontpasnécessairementponctuelles,etpeuvents’inscriredansladurée.

�� Activité:«L’activitéestcequiestfait,cequiestmisen jeupar lesujetpour

effectuerlatâche.»(Falzon,2004b,p.24).

Nousterminonscechapitreparuneconclusion.

1Afindenepasalourdir letexte, l’adjectif«managériale(s)»neserapassystématiquementaccoléauterme «pratique(s)». Pour autant, les pratiques dont nous parlerons dans la suite de cette thèsecorrespondrontuniquementàdespratiquesmanagériales.

Page 110: Le travail dans la performance organisationnelle

109

CONCLUSIONSDUCHAPITRE4

Cechapitread’abordpermisde justifieretformulernotrequestionderecherche,et

d’endéfinirlestermes.Notrequestionderecherches’énonceainsi:commentrendre

comptedelaperformancedutravaildanslesorganisations?

Notrequestionderecherches’inscritdansuneperspectivenormative.Acetitre,nous

avons explicité la démarche qui structurera lamanière de «rendre compte» de la

performancedu travail.Nousélaboronsun cadre analytiqueoriginal s’appuyant sur

des catégories issues présentes dans la littérature en contrôle de gestion et

ergonomie: mesures, discours, pratiques managériales et activité. Ces quatre

catégoriess’articulentautourdelaperformancedutravail.

Le chapitre suivant montrera comment le cadre analytique structure notre

méthodologiederecherche.

Page 111: Le travail dans la performance organisationnelle

110

CHAPITRE5–METHODOLOGIEDELARECHERCHE

Introduction

Le présent chapitre a pour but de présenter et justifier laméthodologie que nous

avons déployée dans notre recherche. A l’instar de Bessire (1999) et Ahrens &

Chapman (2006), nous distinguonsméthodologie etméthodes.Notreméthodologie

relève de l’étude de cas (section 1). Nos méthodes de collecte sont variées et

articulées autour du cadre analytique présenté au chapitre précédent (section 2).

Enfin,nousexposonslamanièredontnousavonstraitéetexploiténotrematériaubrut

(section3)avantdeconclure.

1� DEMARCHEMETHODOLOGIQUEGENERALE

Cettepremièresectionviseàmontrerenquoil’étudedecasconstitueunedémarche

méthodologielégitimeetpertinentepournotrerecherche.Dansunepremièresection,

nousrépondonstoutd’abordàdesquestionsgénérales:

�� Qu’est-cequ’uneétudedecas(1.1.1)?

�� Enquoicetteméthodologieest-ellepertinentepournotrerecherche(1.1.2)?

�� S’agit-il d’une méthodologie légitime et reconnue en contrôle de gestion

(1.1.3)?

Ensuite,nousaborderonsdespointsspécifiquesauxdeuxcasquenousavonsétudiés:

�� Pourquoideuxétudesdecasetpourquoicesdeuxcasenparticulier(1.2.1),

�� Caractérisationetunitédenoscas(1.2.2)

�� Descontraintesd’accès(1.2.3).

Page 112: Le travail dans la performance organisationnelle

111

1.1� L’étudedecas–présentationgénérale

1.1.1� Définitionsetcaractéristiquesgénéralesd’uneétudedecas

Il existe de nombreuses définitions d’une étude de cas, qui renvoient à des

caractéristiques assez variées. Nous relevons ici certaines d’entre elles, que nous

rattacheronsànotrerechercheaupoint1.1.2suivant.

Selon Yin (2009), les études de cas visent à explorer un phénomène contemporain

danssoncontexte,alorsquelesfrontièresdecephénomènesontrelativementfloues.

Ainsi, les études de cas semblent légitimes dans le cas de recherche de type

exploratoire, dans lesquelles la définition d’un phénomène, par exemple, constitue

l’enjeumêmedelarecherche.

Dansuneperspectiveproche,Stoeker (1991)utilise lesétudesdecaspourexpliquer

demanière globale lesdynamiquesd’uneunité socialeparticulière surunepériode

déterminée, qui peut être historique. Procéder de la sorte permet notamment de

pouvoir avoir accès,par exemple, àune information quin’est accessiblequ’au sein

d’uneentité spécifique,ouquin’estpas structuréepourpouvoirêtrediffusée telle

quelleàdestiers.Ainsi,lesétudesdecassemblentparticulièrementconvenirlorsque

plusieursniveauxd’analyseauseind’unemêmeunitésocialesontimbriqués.

Comme le soulignent notamment Dul & Hak (2008), les études de cas peuvent

permettred’étudierplusieursphénomènesoucas.Cesphénomènesoucaspeuvent

être étudiés simultanément ou successivement, à des fins, notamment, de

comparaison.

Sicertainescaractéristiquesetmodalitéspeuventfluctuer, ilestgénéralementadmis

que lesétudesde casmettentenœuvredesméthodesqualitativesde collectedes

donnéestellesquedesentretiens,lacollectededocuments,etc.(Dul&Hak,2008).

Lasectionquisuitlégitimelerecoursàl’étudedecascommeméthodologiegénérale

decollectepournotrerecherche.

Page 113: Le travail dans la performance organisationnelle

112

1.1.2� L’étudedecas–uneméthodologiepertinentepournotrerecherche

Nous explicitons dans cette section les caractéristiques des études de cas (cf. ci-

dessus)quis’appliquentànotrerecherche.

� Rechercheexploratoire

Commenousl’avonsindiquéau chapitreprécédent,peudetravauxontétémenéssur

laperformancedutravail.D’autrepart,nousproposonsd’étudier laperformancedu

travailautraversd’uncadreanalytiquequiestluiaussinovateur,etdontilconvientde

tester la possibilité demise enœuvre. Par ces aspects, notre recherche revêt un

caractèreexploratoire.

Ø� Phénomèneetcontexteinséparables

En tant qu’activité humaine, le travail est principalement situé, contingent aux

conditionsorganisationnelles,socialesetmatériellesdesaréalisation.Defait,letravail

estinséparableducontextedanslequelilprendplace.Ilenvademêmepourceque

nous appelons la performance du travail, puisqu’elle se caractérise par une

contribution aux objectifs de l’organisation, eux aussi contingents (cf. supra la

définitiondelaperformance).

Ø� Plusieursniveauxd’analyse

Par construction, notre cadre analytique s’intéresse à deux niveaux d’analyse: un

niveaumanagérial (qui sedécomposeraenplusieurs«étageshiérarchiques», selon

l’organigramme) et un niveau «d’exécution», c’est-à-dire sans responsabilité

d’encadrement.

Ø� Accèsàl’information

Lesdonnéessur laperformancedu travail tellequenous l’entendonsne font l’objet

d’aucunepublicitévolontairedelapartdesentreprises.Eneffet,ellesrelèventnonde

lacomptabilitéfinancière,maisdelacomptabilitédegestionetducontrôledegestion

quisontprincipalementorientésversunusageinterne(Mendoza&al.,2009;Giraud

&Zarlowski,2011).L’accèsàl’informationnécessitedoncd’êtreprésentauseind’une

organisation. Qui plus est, l’information sur laquelle nous nous appuyons n’est

Page 114: Le travail dans la performance organisationnelle

113

nullementnormalisée. Illustronsparunexemple:un tauxhorairediviseuncoûtpar

une durée de travail,mais chaque entreprise est libre de déterminer les éléments

concretsentrantdanslecalcul(avecousanschargespatronales,élémentsvariablesde

rémunération,etc.).

Parailleurs, l’informationquenousrecherchonsn’estpasnécessairementstructurée.

Ilseraitainsiétonnantquedesorganisationsstructurentdéjàleursréflexionetdébat

sur le travail et sa performance selon le cadre analytique proposé. C’est donc au

chercheurdetrouverpuisrassemblerlesdonnéesquil’intéressent.

Ø� Desméthodesqualitatives

En corollaire des points précédents, nos démarches de collecte des données ne

peuvent pas s’appuyer sur des méthodes quantitatives. L’intrication entre le

phénomène que nous souhaitons étudier et son contexte rend l’identification de

variables indépendantes particulièrement délicate. En outre, il n’existe aucune

informationpublique,cequiinterdittoutrecoursàdesbasesdedonnées.

Procéderparquestionnaires seraitpossiblemaisnos conceptset catégoriesentrent

difficilementdansuneéchelledeLikert:«Estimez laperformancedutravailsurune

échellede1à7(1étaitlemoinssatisfaisant;7leplussatisfaisant)»…Enoutre,nos

questionnaires nécessiteraient de nombreux commentaires libres de la part des

répondants, afin qu’ils décrivent et définissent, par exemple, les indicateurs qu’ils

utilisent, ou ce qu’ils font dans telle ou telle situation. Outre le temps passé

certainement rédhibitoire, des questionnaires de ce type livreraient unemasse de

donnéesqualitatives.

Pour finir, accéder à une activité par des méthodes quantitatives est absolument

impossible.

Nosméthodesde recherche serontdoncqualitatives,et ceciachèvede légitimer le

recours à l’étude de cas pour notre recherche.Nous exposerons nosméthodes de

collectedesdonnéesplusavantensection2.Avantcela, lasectionsuivante légitime

l’étudedecas danslechampducontrôledegestion.

Page 115: Le travail dans la performance organisationnelle

114

1.1.3� L’étudedecas,unedémarchelégitimedansnotrechampderecherche

Mêmes’ilnes’agitpasdelaméthodologielapluscourante,lesrecherchesencontrôle

de gestionont souvent recours àdes étudesde cas,que ce soitdans la littérature

internationaleou francophone:Ahrens&Chapman (2004,2007),Cooper&Ezzamel

(2013), Modell (2012), Abrahamsson & al. (2011), Cuganesan & al. (2007), Davie

(2005),Ancelin-Bourguignon& al. (2013), Sebti&al. (2015). L’étudede cas comme

méthodologiegénéralederechercheconstituedoncuneméthodologie légitimedans

lechampducontrôledegestion.

Aprèsavoirexposé lesraisonsgénéralesquinousontengagédansuneétudedecas,

nousjustifionsdanslasectionsuivantelechoixdenoscas.

1.2� Présentationsuccincteetjustificationdenosdeuxcas

Dans cette section, nous présentons de manière succincte nos deux cas, et nous

justifions le recours à ces deux cas (1.2.1), avant de les caractériser (1.2.2), et

d’explicitercertainescontraintesd’accès.

1.2.1� Pourquoideuxcas?Etpourquoicesdeux-là?

Notre recherche s’appuie sur deux cas d’entreprise. Le premier est une PME

industriellede la régiond’Angers fabriquantetcommercialisantdes roues (équipées

ou non de pneus); son effectif est d’environ 20 personnes. Nous l’appellerons

IndustrieRoue. Le second casestune filialed’ungrandgroupe cotéà laBoursede

Paris(SBF120)présentdanslecommerceetlesmédias.Lafilialeconsidéréefaitpartie

de la branche «travel retail» du groupe, et exploite des points de vente dans des

aéroportsenFranceetdanslerestedumonde.EnFrance,elleemploieenviron2500

personnespour350pointsdevente.Nousl’appelleronsBoutiquesAéroports.

Le choix de cas est toujours discutable. Nous avons pu bénéficier de l’accès à ces

organisations au travers de hasards de rencontres ou d’opportunités de mise en

contact.

Notre expérience professionnelle antérieure nous rend familier avec l’industrie au

traversd’unegrandeentrepriseduCAC40.L’accèsàunePMEindustrielleetàsonPDG

Page 116: Le travail dans la performance organisationnelle

115

représentaitalorsunterrainderechercheparticulièrementintéressantetprometteur.

Eneffet,meneruneanalysemulti-niveauxentredesopérationnelset leursdirigeants

est difficile dans une grande entreprise. De plus, le tout premier contact

(téléphonique)avec lePDGa fait ressortirdeuxélémentsà«contre-courant»dece

quenousavions jusque-làrencontré:uneembauchesurunposteadministratifet la

possibilitéde«payerdesgensà rien foutre,sic’estpourgagneren réactivité»1.La

singularité d’Industrie Roue nous a incité à collecter des données dans une autre

organisation.Une incursiondans le largesecteurdes«Services»noussemblaitalors

pertinente,afind’ytrouverdesorientationsquipouvaientêtredifférentes.Grâceàun

contact professionnel, nous avons pu obtenir un rendez-vous avec le DRH de

BoutiquesAéroportsquiaacceptédenousaccueillir.

Nousavonsalorscherchéunegrandeentreprise,etavonsretenuBoutiquesAéroports.

Nosdeuxcassecaractérisentprincipalementpar le faitqu’ilssontextrêmes,quece

soit par la taille des organisations (chiffre d’affaires, effectifs, etc.) ou le secteur

d’activité(industrie,services).Danslamesureoùnousvoulionsmettreenœuvreune

grille d’analyse, il nous a semblé intéressant de choisir deux cas extrêmement

différents.

Commenotrerechercheviseàtesterl’applicationd’uncadreanalytique,iln’étaitpas

nécessaire à ce stade demultiplier les études de cas (quels que soient les critères

retenus)pourcouvrirunspectrepluslarge.

1.2.2� Caractérisationetunitédenoscas

Outrelesdifférences,nosdeuxcassonttraverséspardescaractéristiquescommunes.

Cesontcescaractéristiquesquiontjustifiél’intérêtd’ycollecterdesdonnées:

�� Unecatégorienombreusedepersonneldont letravailestaucœurdu métier

del’entreprise:fabricationderouespardesouvriersdansuncas,etventede

produitspardesvendeursdansl’autre;

�� Unencadrementhiérarchiquedecemêmepersonnel;

1EntretienPDG,6février2012.

Page 117: Le travail dans la performance organisationnelle

116

�� L’existence de modes opératoires standardisés (gammes opératoires chez

IndustrieRoue;démarchedeventechezBoutiquesAéroport);

�� Unepressionéconomiquecertaine:boutiquesconcédéesdanslesaéroportset

PMEenLBO(leveragedbuy-out);

�� L’existenceetl’utilisationd’indicateursrelatifsautravail(productivité,objectifs

commerciaux,relevésdetempsopératoires,auditsnotés,etc.).

Ces caractéristiques communes sont intéressantes pour notre recherche pour trois

raisons.Premièrement, le travail (d’ouvrier,devendeur)étudié supportedesenjeux

déterminants pour chacune des entreprises (cœur demétier) dans le cadre d’une

pression économique. Deuxièmement, les caractéristiques communes à nos cas

permettentlamiseenœuvredenotrecadreanalytique:letravailquenousétudions

estencadrépardesniveauxhiérarchiquesquiutilisentdesindicateurssurletravailet

disposentdemargesdemanœuvre(plusoumoinsgrandessuivantlesniveaux)surce

mêmetravail–attributiondestâches,despriorités;embauche,licenciement;etc.Un

pointdevuemanagérialarticuléautourdemesures,discoursetpratiquespeutdonc

émerger.Parailleurs,letravailestaussiencadréparuneprescription(majoritairement

écrite) ouvrant la possibilité de constater des écarts constitutifs de l’activité.

Troisièmement, et corollairement, les caractéristiques de nos cas ont facilité la

réplicationdenosméthodesdecollectedesdonnées.

Pourterminercettesection,nousvoudrionspréciser lescontraintesd’accèsàchacun

denoscas.Cescontraintesexpliquentpourquoilacollectededonnéesfutcondensée,

etpeutparaître,deprimeabord,notammentpour lesobservations, limitée–nousy

reviendrons dans les limites de cette thèse. La description de nos méthodes et

l’analyse de nos cas montreront en outre en quoi les données recueillies sont

suffisantes.

1.2.3� Contraintesd’accèsauxcas

L’accès aux deux entreprises a rencontré deux types de contraintes spécifiques. La

premièreest l’éloignement: l’entreprise IndustrieRoueétaitsituéeà300kmdenos

lieuxde résidence.En tenantcomptedenoscontraintespersonnelles,nousyavons

Page 118: Le travail dans la performance organisationnelle

117

séjournéhuitfoisen21mois,pourdesduréesallantdedeuxjoursàunesemaine.Les

aéroportsdeBoutiquesAéroports(RoissyetOrly)étaientbienplusprochesdenotre

résidence,mais dépendants du délai d’acheminement que ce soit en voitureou en

transportsencommun.

Lasecondecontrainteconcernelesconditionsd’accèsauxmagasinsdétaxés.Accéder

auxzonesd’embarquementdesavionssansêtrepassagerestfortementréglementé,

d’autantplussil’onn’estpasunsalariérégulierd’uneentrepriseyopérant.Depuisles

attentats du 11 septembre 2001, la réglementation en la matière s’est d’ailleurs

sensiblementrenforcée.

Lesmagasinsdétaxéssetrouventdansl’enceintedelaZSAR(ZonedeSécuritéàAccès

Règlementé) d’un aéroport. Pour y pénétrer sans escorte, il faut être titulaire d’un

Titre deCirculationAéroportuaire (TCA, aussi appelé «badge» - dénomination que

nous utiliserons dans la suite). Pour notre situation, deux types d’accès étaient

possibles:

�� Badge temporaire Blanc d’une validité de 7 jours, délivré après enquête de

policeetvalidationd’uneformationde3heures1.

�� Badge temporaire Vert d’une validité de 24 heures, nécessitant au porteur

d’êtreaccompagné.

Pour se rendre dans trois boutiques différentes sur Roissy et Orly, nous avons pu

bénéficierdedeuxbadgesblancs,unpourRoissyetunautrepourOrly.Lebadgeblanc

apermisdepasserunesemainecomplèteetcontinuedansdeuxboutiques.Compte

tenudesdélaisde renouvellement2, iln’apasétépossibledebénéficierd’unautre

badgeblanc surRoissypour la troisièmeboutique.Nous avons alorsbénéficiéd’un

badgevertpourdeuxpériodesdistantesd’unmois:3joursendécembre2013,puis2

jours en janvier 2014. Comme indiqué plus haut, ce badge présente de plus fortes

contraintes – notamment pour nos interlocuteurs des Boutiques Aéroports, car il

nécessited’êtreaccompagnéenZSAR,c’est-à-direenprésenced’unaccompagnateur

1Dansnotrecas,laformationeutlieule06/11/2013.2EmaildeRRHdu16/10/2013.

Page 119: Le travail dans la performance organisationnelle

118

permanentformellementidentifié1.Savaliditéde24heuresnécessitedelerécupérer

etrestituerchaquejouraupostedelaPAF(Policedel’AiretdesFrontières)2.

A part ces contraintes géographiques et administratives, l’accès au terrain de

recherchen’aéténullementbridéourestreint.

Nous venons de montrer dans cette section que la méthodologie d’étude de cas

s’applique adéquatement à notre recherche, en raison notamment du caractère

relativement exploratoiredenotre recherche,de l’intrication entre le travail et son

contexte et de l’absence d’information structurée (cf. 1.1.2). Nous avons ensuite

justifié le recours àdeux casd’entreprisespour réaliser la collectedenosdonnées

(section 1.2). Nous avons alors privilégié l’exploration d’univers différents selon la

taille,lesecteuretlemétierrespectifsdechaqueorganisation.Cescasextrêmesetà

certains égards déviants se structurent néanmoins autour de cinq caractéristiques

communesetdéterminantesquiontpermis laduplicationdesméthodesdecollecte.

Tout au plus nous sommes-nous adaptés à des contraintes géographiques et

administratives.

Aprésentquenousavons légitimé l’étudedecascommedémarcheméthodologique

générale, nous exposons et justifions dans la section suivante, les méthodes de

collectededonnéesquenousavonsmisesenœuvre.

2� METHODESDECOLLECTEDESDONNEES

Nousprésentonsdanscettesection lesméthodesmisesenœuvrepourcollecter les

données sur lesquelles repose notre thèse. Ces méthodes s’inscrivent dans la

méthodologie d’étude de cas que nous avons présentée précédemment. Nos

méthodes sont fortement structurées par la manière de «rendre compte de la

1 Il est toléré d’être accompagné d’une autre personne portant un badge permanent, mais laresponsabilitédel’accompagnateurformelresteengagée.2Enfait,lespoliciersrencontrésnousontlaisséconserverlebadgependantles2ou3jours.

Page 120: Le travail dans la performance organisationnelle

119

performancedu travail».Lesméthodesdecollecteutiliséess’articulentdoncsur les

quatrepôlesdu cadreanalytique (mesures,discours,pratiquesetactivité) constitué

autourdela«performancedutravail»quienconstituelenoyaufédérateur.

Nousavonsmobiliséen tout10méthodesdecollecte,dontnousallonsstructurer la

présentation en 3 niveaux – selon leur importance décroissante: méthodes

principales,secondairesettertiaires.

Cette section sedécomposede lamanière suivante.Aprèsune courteprésentation

synthétique de nos méthodes de collecte (2.1), nous exposons tour à tour nos

méthodes principales (2.2), secondaires (2.3) et tertiaires (2.4). Dans chacune des

sections, nous décrivons les réalisations et les conditions de mise en œuvre des

méthodes.Lorsquecelaestnécessaire,nousdévelopponscertainsaspectsparticuliers

relatifsà laméthodeouà l’entreprisevisitée.Chaque sous-section consacréeàune

méthodespécifiquecontient les raisonspour lesquelles laméthode fututiliséedans

notrerecherche.

2.1� Présentationgénéraledesméthodesdecollecte

Les méthodes de collecte utilisées s’articulent autour des quatre pôles du cadre

analytique(mesures,discours,pratiquesetactivité).Lafigureci-dessousproposeune

représentationgraphiqueethiérarchiséedesméthodesquenousavonsutiliséespour

collecternosdonnées,etpour lesméthodesprincipales, lesrelationsavec lesquatre

catégoriesdenotrecadre:

Méthodesprincipales

Méthodessecondaires

Méthodestertiaires

Discours Pra+ques Ac+vitéMesures

Verbalisa+on,échangeinformel

Listedeques*ons

Observa*onderéunions

Journalderecherche

Res*tu*ons

Entre+ensemi-direc+f

Collected'objetsdivers

Recherchesweb

Collectededocuments

Observa+onnonpar+cipante

Page 121: Le travail dans la performance organisationnelle

120

Nousdétaillonsci-aprèslecontenudecesdifférentesméthodes.Avantcela,précisons

quelquespoints:

�� Nousdistinguons3niveauxpournos10méthodesde collectedesdonnées:

principal,secondaireettertiaire.Cestroisniveauxsontdéfinisparl’importance

(décroissante) des données collectées au travers des méthodes qui les

composent. Sans vouloir entrer dans une catégorisation trop précise, disons

quel’importancedenosméthodess’apprécieàtraversl’apportdecesdonnées

ànotre recherche; corollairement, l’importancedesméthodes s’apprécie au

travers du temps passé à la collecte et au travers de lamasse de données

collectées.

�� Les flèches désignent l’orientation principale desméthodes que nous avons

misesenœuvre.Ainsi, l’entretiensemi-directifa-t-ilétéutilisépour informer

mesures,discoursetpratiques.Verbalisationetéchange informelontquantà

eux contribué à informer l’activité, etc.Nous reviendrons par la suite sur la

signification de ces flèches, lorsque nous présenterons en détail chaque

méthode.

�� Comme nous le verrons ci-après au 2.3, les méthodes secondaires sont

égalementorientéesverstelleoutellecatégorieducadreanalytique.Afinde

nepasencombrerlafigure,nousnelesreprésentonspasici.

�� Lesméthodesdites tertiairesne sontpas spécifiquementorientéesvers telle

ou telle catégorie du cadre analytique. Elles ont pu contribuer à plusieurs

d’entreelles (la«listedequestions»,notamment),mais,plusgénéralement,

elles permettent d’instruire le contexte des organisations constituant notre

terrain.

�� La collectede l’ensembledesdonnées a été réaliséeparun seul chercheur.

Dans le cadre de la formation doctorale suivie, nous avons été formé à de

nombreusesméthodesqualitatives,dont lesentretienssemi-directifs.Lamise

enpratiqueeut lieuaudébutdenotre collecte, surdesentretiensquenous

qualifions d’exploratoires. Nous reviendrons sur ce point dans la section

consacrée aux entretiens. Pour les observations non participantes et les

verbalisations,nousavonsmisenœuvreunedémarchepratiquéelonguement

et à maintes reprises durant 5 ans d’activité en tant qu’ergonome, avant

Page 122: Le travail dans la performance organisationnelle

121

d’entrerendoctorat. L’unede cesexpériencesadonné lieuàunevalidation

universitaire(Deschaintre,2002).

Nousprésentonsci-aprèsnosméthodesprincipales.

2.2� Méthodesprincipales

Nosméthodesprincipalessontaunombredequatre:entretiensemi-directif,collecte

dedocuments,observationnonparticipanteetverbalisation/échange informel.Elles

sontdirigéesverslesquatrecomposantesdenotrecadreanalytiquecommesuit:

Nousexplicitonsetdétaillonsci-après lecontenu decesméthodes:entretienssemi-

directifs (2.2.1),collectededocuments (2.2.2),observationsnonparticipantes (2.2.3)

et verbalisations/échanges informels (2.2.4). L’ordred’apparition icine constitue en

rien une hiérarchisation selon la prépondérance que chaqueméthode a pu revêtir

pournotrerecherche.

2.2.1� Entretienssemi-directifs

Nousdécrivons toutd’abord lesentretiensquenousavons réalisés (2.2.1.1),puis le

guided’entretiens(2.2.1.2).Nousjustifionsensuitepourquoinosentretiensinforment

notrecadreanalytique(2.2.1.3)etlaperformancedutravail(2.2.1.4).

2.2.1.1� Présentationdesentretiens

Lesentretienssemi-directifsquenousavonsréalisésvisaientàrecueillirdesdonnées

concernant les mesures, discours et pratiques de notre cadre analytique. Nos

interlocuteurspourcesentretienssemi-directifsétaientprincipalementdes individus

Méthodesprincipales

Discours Pra+ques Ac+vitéMesures

Verbalisa+on,échangeinformel

Entre+ensemi-direc+f

Collectededocuments

Observa+onnonpar+cipante

Page 123: Le travail dans la performance organisationnelle

122

en positionmanagériale (PDG, DRH, responsable demagasin, chef d’équipe, etc.).

Nousavonségalementconduitdesentretiensavecdes individus rattachésà la ligne

managérialesanspouvoirhiérarchiquedirect;c’estlecasnotammentduresponsable

qualitéd’IndustrieRoue,oudesfonctionnelsRHetcontrôledegestionchezBoutiques

Aéroports.

Nousavonsréalisé36entretiens,d’uneduréemoyennede51minutes,soitenviron30

heures d’entretiens. Ils sont présentés dans le tableau ci-dessous, dans l’ordre

chronologiquedeleurréalisation:

Quatre entretiens ont un statut particulier, car ils ont été réalisés avec des

interlocuteurs n’appartenant pas aux deux organisations qui constituent nos cas. Il

s’agitdes entretiens:

�� n°2et5,réalisésavecleDirecteurRégionald’unebanque;

�� n° 6 et 7, réalisés avec un dirigeant retraité d’une entreprise privée de

transportpublic.

Descriptif*des*entretiens

N° Code*Répondant Sexe Fonction Entreprise Date TypeDurée*

(min)Enregistrement

1 PDG M PDG Industrie/Roue 06/02/12 Téléphonique Non

2 DR M Directeur/Régional Banque 20/03/12 Présentiel 65 Non

3 PDG M PDG Industrie/Roue 26/03/12 Présentiel 105 Non

4 PDG M PDG Industrie/Roue 27/03/12 Présentiel 22 Non

5 DR M Directeur/Régional Banque 02/04/12 Téléphonique 10 Non

6 Xdir M Dirigeant/retraité Transport/Privé 26/04/12 Présentiel 60 Non

7 Xdir M Dirigeant/retraité Transport/Privé 15/06/12 Présentiel 90 Non

8 PDG M PDG Industrie/Roue 18/06/12 Présentiel 39 Oui

9 PDG M PDG Industrie/Roue 18/07/12 Présentiel 84 Oui

10 PDG M PDG Industrie/Roue 19/11/12 Présentiel 30 Oui

11 CA M Chef/d'atelier Industrie/Roue 19/11/12 Présentiel 35 Partiel

12 RTF M Responsable/technique/et/fabrication Industrie/Roue 20/11/12 Présentiel 47 Oui

13 RTF M Responsable/technique/et/fabrication Industrie/Roue 21/11/12 Présentiel 30 Non

14 PDG M PDG Industrie/Roue 27/11/12 Présentiel 39 Non

15 RQ M Responsable/Qualité Industrie/Roue 01/03/13 Présentiel 55 Oui

16 PDG M PDG Industrie/Roue 05/03/13 Présentiel 37 Oui

17 PDG M PDG Industrie/Roue 29/05/13 Présentiel 34 Oui

18 DRH M Executive/VP/HR/&/Comm Boutique/Aéroport 25/06/13 Présentiel 45 Non

19 MA1 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 19/11/13 Présentiel 44 Oui

20 MA2 F Manager/adjoint Boutique/Aéroport 21/11/13 Présentiel 33 Oui

21 M1 F Manager Boutique/Aéroport 21/11/13 Présentiel 51 Oui

22 MA3 F Manager/adjoint Boutique/Aéroport 22/11/13 Présentiel 74 Non

23 MA4 F Manager/adjoint Boutique/Aéroport 22/11/13 Présentiel 54 Oui

24 MA5 F Manager/adjoint Boutique/Aéroport 04/12/13 Présentiel 35 Non

25 MA6 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 04/12/13 Présentiel 22 Non

26 M2 M Manager Boutique/Aéroport 04/12/13 Présentiel 80 Non

27 MA6 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 09/01/14 Présentiel 32 Non

28 MA7 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 10/01/14 Présentiel 46 Oui

29 MA8 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 21/01/14 Présentiel 85 Non

30 MA9 F Manager/adjoint Boutique/Aéroport 23/01/14 Présentiel 30 Non

31 MA10 M Manager/adjoint Boutique/Aéroport 23/01/14 Présentiel 44 Non

32 M3 M Manager Boutique/Aéroport 24/01/14 Présentiel 90 Non

33 M2 M Manager Boutique/Aéroport 06/02/14 Téléphonique 25 Non

34 RRH F Responsable/Ressources/Humaines Boutique/Aéroport 21/05/14 Présentiel 60 Oui

35 CDG M Contrôleur/de/gestion Boutique/Aéroport 13/06/14 Présentiel 75 Non

36 CDG M Contrôleur/de/gestion Boutique/Aéroport 20/06/14 Présentiel 90 Non

Page 124: Le travail dans la performance organisationnelle

123

Cesquatreentretienseurent lieutôtdans leprocessusderecherche.Leurviséeétait

donc d’abord exploratoire quant à l’écho que pourrait trouver notre projet de

recherche auprès de dirigeants. L’entretien n° 2 a aussi permis de tester le guide

d’entretien.Deuxièmement, ces contacts cherchaientà sonder lapossibilitéd’ouvrir

unterrainpluslargedanslesorganisationsconcernées.

ChezIndustrieRoue,lesentretienssemi-directifsontété conduitsavecl’ensemblede

lalignehiérarchique1.

ChezBoutiquesAéroports,nousnoussommesconcentréssurlahiérarchiedepremier

niveau en boutiques: managers adjoints et managers, que nous avons tous

rencontrés2.Pourdes raisonsdedisponibilitésetdeconcentrationdepérimètres,nous

n’avons pas rencontré la hiérarchie supérieure aux managers, c’est-à-dire ni les

ResponsablesOpérationsni laDirectionopérationnelle3.Cetteabsencenenuitpasà

l’exploitationducasBoutiquesAéroports,carnousavonsdéjàrencontré13managers

et managers adjoints. Enfin, nous avons rencontré des managers des fonctions

supportsdeBoutiquesAéroports(RessourcesHumainesetContrôledegestion)pour

aborderdesaspectsplusgénéraux.

Auregarddenosdeuxétudesdecas,cesontdonc32entretienssemi-directifsquiont

étéréalisés,etdontnousdécrivonslamiseenœuvreci-après.

Lacollecteproprementdites’estdérouléededeuxmanières:entretiensenregistrés

ou non. Lorsque ce fut possible, l’enregistrement était réalisé grâce à l’application

dictaphone d’un smartphone. Dans les cas où nos interlocuteurs ont refusé

l’enregistrement,nousavonsprocédéparprisedenotes laplusexhaustivepossible

durantl’entretien.

1Cf.organigrammed’IndustrieRoueau1.1duchapitre8.2Adeuxmanagersadjointsprès:l’unenraisonderoulementsàl’opposédesnôtres,etl’autreenraisond’unevacancesurleposte.3Cf.organigrammeopérationneldeBoutiquesAéroports, au1.2.4duchapitre7.

Page 125: Le travail dans la performance organisationnelle

124

Troisentretiens(prisedecontactoudesuivi)ontdûêtreconduitspartéléphone.Tous

lesautreseurent lieuenprésentiel.L’entretienen face-à-faceaprisdenombreuses

formes,etainvestidenombreuxlieux:

�� Bureaux(parfoisaumilieud’unatelierbruyantoudansdesbureauxpartagés),

�� Sallesderéunion,

�� Bars,restaurantsetcantines,

�� Sallesd’embarquement,

�� Voiture.

Lesentretiensenprésentielontégalementinvestidifférentsmomentsd’unejournée,

pourtenircomptedesdisponibilitésdenosinterlocuteurs.Leplustôtquenousayons

réaliséadébutéà6h35dumatin;leplustardaterminéà21h10.Certainseurentlieu

aprèsunephaseouunejournéed’observations,àl’heuredudéjeuneroudansl’après-

midi. Certains entretiens ont dû être conduits en deux fois afin d’aborder tous les

élémentsquinoussemblaientindispensables.Ils’agitnotammentdesentretiensavec

PDG(n°3et4),RTF(n°12et13),MA6(n°25et27),M2(n°26et33)etCDG(n°35et

36).

2.2.1.2� Guided’entretienetquelquesévolutions

Préalablementàlatenuedesentretiens,nousavonsréaliséunguided’entretienquise

trouve en annexe 1. Sans considérer les étapes d’introduction et de conclusion, ce

guided’entretien comporteen faitdeux thématiquesprincipales. Lapremièreporte

sur les indicateurs qui concernent globalement l’entité de notre interlocuteur et le

travaildans cettemêmeentité. La secondeporte sur lemodèledeperformancede

l’organisation,et sur laplacequiestaccordéeau travail.Cettepremièreversiondu

guide d’entretien est fortement polarisée sur les indicateurs et la performance de

l’organisationenlienavecletravail.

Parailleurs,notrequestionnementvisaitàfaireémergerdesreprésentationsconnexes

aux indicateurs.Leguided’entretiencontientdesquestionsportantsur«l’histoire»

desindicateurs(évolutionspassées),etsurlasatisfactiondenosinterlocuteursàleur

égard.Danslethèmedelaperformance,leguided’entretienprévoitdesquestionssur

lesactionsenvisageablespouraméliorerlaperformance,ouencoresurlesévolutions

Page 126: Le travail dans la performance organisationnelle

125

passées ou envisagées concernant les effectifs. En intégrant ces questions, nous

faisions l’hypothèse que nos interlocuteurs pourraient nous faire part de

représentationsquis’écartentdes indicateurs.Pourrenforcercetaspect,nousavons

cherchéàcomprendrelesraisonset/oumotivationsdenosinterlocuteurs.Danscette

perspective,unequestionexplicative(«Pourquoi….?»)succèderégulièrementàune

questiondescriptive.

Cettepremièreversionduguided’entretiensetrouvedoncencohérenceavecnotre

rechercheportantsurlacontributiondutravailàlaperformance.Leguided’entretien

aétéadapté lorsdenotreprésencesur leterrainselontrois logiques: lamaturation

denotreprojet,laqualitédenosinterlocuteursetlafréquencederencontre.

Danslapremière,nousenvisagionsunecartographiedesindicateursexistantdansles

organisations,afind’en induire lepoidsaccordéau«travail».A ce titre, la listede

questions portant sur «Les Indicateurs» se situe en seconde position. Ce thème

constituaitdonc lepremier thèmeabordéaprès lesprésentationset le contextede

l’interlocuteur. Nous nous sommes vite aperçus que cette cartographie était

déroutante(ausenspremier)etchronophage.Sinousavonsconservécethème,nous

l’avonsensuitedéplacéendernièrepositionafindedégagerdu tempspouraborder

desthèmesindispensablesavecnosinterlocuteurs:letravailetsesmesures.

Enoutre,nousavonssuppriméetreformuléquelquesquestions initiales.Laquestion

«Votre entreprise voit-elle dans le travail un coût?» et ses corollaires ont été

supprimés car nous l’avons jugée trop abstraite et directe. La question «Pour

améliorer laperformance (autravail),surquels indicateurspouvez-vous influer?»1a

quant à elle été reformulée pour se centrer, par exemple sur la performance d’un

magasinetlerôledeséquipesdevendeursdansl’atteintedecetteperformancechez

BoutiquesAéroports.

La dernièremodification notable concerne l’apparition d’une section «Le travail de

vendeur»,pours’adapteraucasBoutiquesAéroports.Dansunpremiermouvement,

elles’articuleautourd’unedescriptionduetd’unjugementsur letravaildevendeur.

Puisellemetletravailenrapportavecuneprescription(ladémarchedevente).1Levocable«performanceau travail»n’a faitqu’uneapparition fugacedansnosguidesd’entretien.DèsledébutduterrainchezIndustrieRoue,nousparlionsdéjàperformancedutravail.

Page 127: Le travail dans la performance organisationnelle

126

La seconde logique d’adaptation a consisté à adapter le guide d’entretien aux

spécificitésdesmissionsetresponsabilitésdenosinterlocuteurs.Illustronsànouveau

avec le guide d’entretiens des managers et adjoints chez Boutiques Aéroports.

L’adaptation concerne la population de travailleurs concernés (les «vendeurs»), le

jargoninterne,etlepérimètredelaperformance(un«magasin»,etnonl’entreprise

dans laglobalité).Demême,nousavonsconstituédanscetteorganisationunguide

d’entretien quasi-spécifique pour les interlocuteurs fonctionnels (RH et contrôle de

gestion).ChezIndustrieRoue,nousavonségalementadaptéleguided’entretienpour

les fonctions «uniques»: le PDG, le responsable technique et production et le

responsablequalité.Malgré leurspécificité,cesguidesd’entretiens’articulentautour

de la même trame; ils approfondissent certains aspects, ou abordent les mêmes

thèmessousunanglelégèrementdifférent.

Latroisième logiqued’adaptationtientà lafréquencedesrencontres.Nousavonseu

la possibilité de rencontrer certains interlocuteurs plusieurs fois, sur une longue

période. Dans cette situation, le guide d’entretienmet l’accent sur l’évolution du

contextedepuis ladernièrerencontreetrevientsurdesévénementsd’une«histoire

commune». Cette situation concerne particulièrement la PME industrielle, dans

laquellenousavons purencontrer lePDGplusieurs fois.Leguided’entretienavec le

PDG pour la seconde visite dans cette entreprise (juin 2012) contient ainsi les

questionssuivantes:

1.� Y a-t-il des éléments, des propos, des choses des précédents entretiens sur

lesquellesvousvoudriezrevenir(corriger,ajouter)?

2.� Contextedel’entreprise

2.1.�Quelleestl’activitédevotreentreprisedepuismars?

2.1.1.� Quelsimpactscelaa-t-ilsurvotreentreprise,votreorganisation?

2.2.�Quellesperspectivesd’activitéenvisagez-vous?

2.2.1.� Quelsenseraientlesimpactssurvotreentreprise,votreorganisation?

3.� Indicateurs

3.1.�Votreeffectifa-t-ilévoluéparrapportàmars?

3.1.1.� Sioui,pourquoi?

Page 128: Le travail dans la performance organisationnelle

127

3.2.�Commentontévoluélesindicateursdeproductivitédutravailenatelier?

3.2.1.� Quellessontlesraisonsàcetteévolution?

Maintenantquenousavonsexposénotreguided’entretien,expliquonsenquoinos

entretiensinformentdescatégoriesdenotrecadreanalytique.

2.2.1.3� Pourquoilesentretiensinformentdiscours,mesuresetpratiques

Dans lafigureprécédente,nous indiquonsque lesentretienssemi-directifs informent

lesmesures,discoursetpratiques.Nousallonsexpliciterdequellemanière.

Silastructureetcertainesquestionsontpuévolueraucoursdenotrerecherche,nos

guidesd’entretiencomportaienttroistypesdequestionnementsrécurrents:

a.� Unquestionnementpermettantde(faire)parlerdemesuresrelativesautravail

au sens large: «Quels indicateurs mesurent le travail?», «Quelle a été

l’évolutiondeseffectifs…?»,etc.Cetypedequestionnementinstruitplutôtla

dimension«mesures»denotrecadreanalytique.

b.� Unquestionnementportantsurdesinterprétationsoujugements:«Etes-vous

satisfaitsdecesindicateurs?»,«Qu’est-cequ’unbontravail?»,«Etes-vousà

l’optimum�deseffectifs�?»,«Qu’est-cequifaitunebonnejournée?»,etc.Ce

type de questions constitue unmoyen de faire parler de la performance de

différentes façons. Elles informent en particulier la catégorie «Discours» de

notrecadreanalytique.

c.� Un questionnement «projectif» pour lequel notre interlocuteur doit se

projeterversune situation future:«Pour remédieràunemauvaise journée,

quepouvez-vousfaire?»,«S’ilyavaitplusdevendeurs,vendrait-onplus?»,

«Projetez-vousderéaliserdesembauches?»,etc.Cetypedequestionnement

entreplutôtdans la catégorie«Pratiques»en tantqu’intentionmanagériale

(Ahrens&Chapman,2007).

Page 129: Le travail dans la performance organisationnelle

128

2.2.1.4� Enquoi les thèmesabordésdans lesentretiensportentsur la«performance

du travail»:

Indéniablement, le thème structurant de nos entretiens1est celui du travail. Et ce

thème se décline en plusieurs aspects qui s’articulent autour de ce que le travail

apporteauxorganisations (sa«performance»,donc, tellequenous l’avonsdéfinie).

Enpremierlieu,nousavonscherchéàsavoircommentletravailetsesapportsétaient

mesurés(indicateurs).Nousavonsensuitecherchéàcapterquellespouvaientêtreles

attentesmanagériales(bon/mauvaistravail).Enfin,nousavonscherchéàsaisirlerôle

que nos interlocuteurs managériaux attribuaient au travail dans l’atteinte d’une

performance organisationnelle (rôle de l’équipe de vendeurs dans l’atteinte des

objectifsde vente;plusde vendeurs=plusde ventes?;perspectivesd’embauches

et/ouderéductiond’effectifs).

Les éléments que nous venons de présenter explicitent la pertinence de notre

méthoded’entretiensauregarddenotrerecherche.Nousdétaillonsdésormaisnotre

méthodedecollectededocuments.

2.2.2� Collectededocuments

Par document, nous désignons en effet par «document» toutmatériau physique

imprimésurdupapier,ettoutedonnéetransmiseparvoieélectroniquequipeutfaire

l’objetd’uneimpression.Nousavonsainsicollecté2:

� Tableauxdebord,

� Plaquettecommerciale,

� Documentstechniques,

Ø� Tableauxd’analyseetdesynthèse,

� Ordresdefabrication,

Ø� Fiched’anomalie,

Ø� Plansdelocaux,1Autraversdel’étudedesguidesd’entretiens,pourcettepartie.2Nousvisons l’exhaustivité,mêmesinousn’avonspascollectétouscesdocumentsdansnosdeuxcasd’entreprise.Ilestparfoisdifficiledecatégoriserletypededocumentauquelnousavonseuaccèssanslenommerexpressément,etainsimettreenpérillaconfidentialité.

Page 130: Le travail dans la performance organisationnelle

129

� Descriptifsdepostes,

Ø� Analysesécrites,

� Organigrammes,

Ø� Accordsd’entreprise,

� Photos1,

� Duplicatadeticketsdecaisse,

Ø� Fichesd’évaluationinterne,

Ø� Documentsconstitutifsdedémarchesinternes(qualité,vente,etc.),

Ø� Gammes,instructionsetmodeopératoires,

Ø� Relevésdetemps,

� Programmedefabrication,

Ø� Fichesd’inventaire,

Ø� Elémentsderémunération,

Ø� Référentielsmétiers.

Les documents ci-dessus ont été collectés dans le cadre du projet de recherche

convenuavec l’entreprise visitée,dont la confidentialitéestgarantie. Les conditions

d’accès à ces documents présents sur le lieu de travail (atelier ou boutique) ne

permettaientpas laphotocopie systématique.Nousavonsdonceffectuédesphotos

decertains,etunefoisunfilm–étantdonnée latailleduditdocument,à l’aided’un

smartphone.

Nous avons très ponctuellement procédé à la copie manuelle de documents. Par

exemple,nousavonspuaccéderauxcomptesdel’entrepriseIndustrieRouepourdeux

exercices (2011 et 2012). Nous n’avons pas obtenu l’autorisation d’en obtenir un

exemplaire, mais nous en avons reproduit quelques parties à des fins d’analyse

ultérieure.ToujourschezIndustrieRoue,nousavonspuconsulter etprendreennotes

quelques archives récentes relatives àdes fabrications récurrentesquenous avions

observées. Dans tous les cas de ce type, nous avons scrupuleusement veillé à la

reproductionfidèledesditsdocuments.

1Ils’agitdephotographiesréaliséespardesmembresdel’organisationconcernée.

Page 131: Le travail dans la performance organisationnelle

130

Commeindiquéprécédemment,lacollectededocumentsnouspermetd’informerles

mesures,lesdiscoursetl’activitédenotrecadreanalytique.Lesdocumentsquenous

avonscollectésnousapportentenpremierlieudesinformationssurlesmesures,c’est-

à-diresurlesindicateurs,notammentceuxportantsurletravail,quisontutilisésdans

lesorganisationsquenousavonsétudiées.Lestableauxdebordetanalyses,accords

d’entreprise et éléments de rémunération entrent dans cette catégorie. Les

documents collectés complètent dans un second temps les propos qui ont pu être

tenus lors des entretiens semi-directifs. C’est le cas notamment des documents de

politique générale (démarches «qualité» ou «vente»). Enfin, ils constituent une

source d’accès à la prescription1dans les entreprises que nous avons étudiées. Les

gammes,instructionsetmodesopératoiressontainsinécessairespourétudierensuite

l’activité(detravail).

Les documents collectés permettent également d’informer le contexte des

organisations pendant notre présence, mais aussi d’éclairer certaines situations

ponctuelles auxquelles nous avons assisté. Illustrons par deux exemples: chez

Industrie Roue, nous avons collecté une «fiche d’anomalie» qualité relative à un

problème survenu aumoment de notre présence. Chez Boutiques Aéroports, nous

avonscollectédestickets decaisseassociésàdesparcoursdeclientssignificatifs.

Nousexposonsensuitenotreméthoded’observations.

2.2.3� Observationsnonparticipantes

Dans cette sous-section, nous présentons tout d’abord nos observations non

participantes demanière générale (2.2.3.1).Nous détaillons ensuite comment nous

avonseffectivementprocédé(2.2.3.2)avantd’expliquerenquoilesobservationssont

reliéesauxpratiquesetàl’activité(2.2.3.3).

1Maisloind’êtrelaseule.

Page 132: Le travail dans la performance organisationnelle

131

2.2.3.1� Présentationgénérale

Nous présentons désormais notre troisième méthode principale de collecte de

données: les observations non participantes. Nous tenons à l’expression «non

participantes»,quandbienmêmenousadmettonsquenotreprésencesurleslieuxde

travail relève d’une «participation » aux situations observées. Il est effectivement

arrivé, par exemple, que des passagers nous considèrent comme unmembre de la

boutique1;cessituationsrestenttoutefoismarginales.Par«nonparticipantes»,nous

entendons le fait que notre présence dans les organisations ne visait nullement à

concourir à leurs objectifs de performance, et n’était soumise à aucun lien

hiérarchiqueoucommercial.D’ailleurs,nousn’avionsaucun statutadministratif–ni

contratdeprestation,nicontratdetravail,niconventiondestage,etc.

Le terme«observations»semblequantà luiconsacré,alorsquenotreprésencesur

leslieuxdetravailamobilisé,certeslavue,maisaussilesquatreautressens–nousy

reviendronsau3.2.3.2duprésentchapitre.

Ladescriptionexhaustivedenosobservationsestindiquéedansletableausuivant:

1Auquelcasnousavonsorientélespassagersverslapersonnelaplusàmêmedelesrenseigner.

Page 133: Le travail dans la performance organisationnelle

132

Chez Industrie Roue, le périmètre d’observations fut le travail des opérateurs dans

l’atelier (usinage, soudure,peinture,etc.),à l’exceptiond’uneobservationduPDGà

sonbureau.ChezBoutiquesAéroports,nousavonsobservé letravaildesvendeurs–

pourunetrèslargepartenrelationcommercialeaveclaclientèle,maisaussiquelque

peuencaisseouenréunion.

Latotalitédenosobservationsnonparticipantes1s’élèvedoncà182,6heures,nettes

despauses,réunionsetentretiensquiontpusedéroulerpendantnotreprésencechez

Industrie Roue et Boutiques Aéroports. Rapportée à la durée légale du travail en

France, ladurée totaledenosobservations représente26 joursouvrables cumulés,

soitplusd’unmoisàtempscomplet.

1 Par la suite, nous omettrons l’expression «non participante(s)» afin d’alléger la lecture. Nos«observations�…�»resteronttoutefoisnonparticipantes.

Descriptif*des*Observations*non*participantes

Entreprise Lieu Nature Date Durée*(h)

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 19/06/12 7,6

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 20/06/12 5

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 18/07/12 5,35

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 19/07/12 6,17

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 19/11/12 5,05

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 20/11/12 8,5

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 21/11/12 5,5

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observation*du*PDG*établissant*son*tableau*de*bord 26/11/12 2,33

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 04/03/13 3,45

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 05/03/13 7,8

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 06/03/13 10

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 07/03/13 9,5

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 08/03/13 1,45

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 29/05/13 3,3

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observations*dans*l'atelier 30/05/13 0,5

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*ParfumsNCosmétiques 18/11/13 5,5

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*ParfumsNCosmétiques 19/11/13 6,75

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*ParfumsNCosmétiques 20/11/13 7,6

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*ParfumsNCosmétiques 21/11/13 6,2

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*ParfumsNCosmétiques 22/11/13 5,1

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*Mode 02/12/13 7,35

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*Mode 03/12/13 5,03

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*Mode 04/12/13 8,05

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*Mode 09/01/14 7,12

Boutiques*Aéroports Roissy Observations*boutique*Mode 10/01/14 7

Boutiques*Aéroports Orly Observations*boutique*AlcoolsNTabacNGastronomieNCigares 20/01/14 7

Boutiques*Aéroports Orly Observations*boutique*AlcoolsNTabacNGastronomieNCigares 21/01/14 6,1

Boutiques*Aéroports Orly Observations*boutique*AlcoolsNTabacNGastronomieNCigares 22/01/14 7,35

Boutiques*Aéroports Orly Observations*boutique*AlcoolsNTabacNGastronomieNCigares 23/01/14 7,55

Boutiques*Aéroports Orly Observations*boutique*AlcoolsNTabacNGastronomieNCigares 24/01/14 7,4

TOTAL 182,6

Page 134: Le travail dans la performance organisationnelle

133

2.2.3.2� Lesobservationsdel’activité

Ø� Amplitudeetaccès

Lesobservationsdesituationsdetravailsontsuffisamment longuesetrépétéespour

nous permettre de bien appréhender l’activité des personnes observées1. Dans le

cadre des contraintes indiquées au 1.2.3 du présent chapitre, les observations ont

couvert la totalitéde l’ouverturedesorganisationsconcernées surnotrepériodede

présence:4h45pourleplustôtet23h30pourleplustard–aucundeslieuxdetravail

concernésn’ouvrant surunhorairedenuit.Aucuneobservationn’aété réalisée les

samedietdimanche.L’amplitudecouverteparlesobservationspermetd’accéderàla

plusgrandevariétépossibledesituations,etd’êtreleplusexhaustifpossiblequantau

contenudutravaildevendeur.

Nousexpliciteronslesconditionsdechoixdesboutiqueslorsquenousprésenteronsle

casBoutiquesAéroports.

Ø� Modalitésconcrètesdecollecte

Nousétions libresdenosdéplacementsdans lepérimètreconvenu,avecune légère

restriction pour le périmètre Mode de Boutiques Aéroports: nous devions être

accompagné d’un responsable de la boutique pour entrer et quitter la zone

d’embarquement – un «accompagnateur». Théoriquement même, nous devions

toujours être àproximitéde cemême accompagnateurpendantnotreprésence en

boutiques.Maiscelane futpas lecas:nos interlocuteursnousontaccompagnéà la

boutiqueMode,puis sont retournésà leursoccupations dansd’autresboutiquesde

leurpérimètre2.Cettelibertéestfavorableàl’observation.

Lacollectedesdonnéesd’observationsaprocédéparprisedenotesavecstylosbille

surbloc-notes.Chaquefeuilledubloc-notesestmarquéedeladatedujouretdeson

numéro cardinal en haut à droite, afin de faciliter l’identification et la recherche

1Auneexceptionnotable:l’observationduPDGétablissantsontableaudebord.Ilfautdirequecetteobservationvisaitàmieux comprendre lesmesuresutilisées,etnonà rendre comptede l’activitéduPDG.2Cesconditionsd’accèssontéminemmentcontraignantespourlesaccompagnateurs,quejeremercieànouveauicipourleurdévouement.

Page 135: Le travail dans la performance organisationnelle

134

ultérieures.Demême,chaqueobservationcontientaminimaleshorairesdedébutet

defin,ettrèssouvent,deshorairesintermédiaires.Noterleshorairesdesobservations

noussembledéterminantdanslamesureoùilssynthétisentunlargecontexte(fatigue

dumatin,dusoir;roulementdespauses;etc.),etpermettentplusgénéralementde

rendrecompted’uneduréederéalisation.

La prise de notes en situation peut s’avérer délicate (écrire en se déplaçant) ou

hasardeuse(mauvaisecompréhensionsur l’instant).Nousprésentonsensection3du

présentchapitreletraitementeffectuésurlesdonnéesd’observationsafindefaciliter

leurexploitationultérieure.

Laprisedenoteestdétailléeaumaximumetcontiententoutpremierlieucequenous

avonspuvoir:desgestes,desmouvements,desdéplacementsdelatotalitéducorps

(ycompris la têteet lesyeux,donc).Lesgestes,mouvementsetdéplacements sont

associés à un environnement qui est également consigné: produits, outils,

emplacements,lieux,affichages,etc.Auseind’unesituation,nousnoussommesaussi

évertuésàremarqueretnoterdes«stigmates»(ou«traces»)laisséspar l’activitésur

lematérieletsurlesindividus:annotations,usures,coupures,cicatrices,etc.

EnuneoccasionchezIndustrieRoue,nousavonseurecoursànotresmartphonepour

réalisertroisfilmsdupeintreavec l’accordexprèsde cedernier.L’utilisationdefilms

futmotivéeparladifficultéàdécrirelemodeopératoirespécifiquedupeintre.

Outrelavue,l’observationmobiliseenfaitlatotalitédessensdel’observateur,àdes

degrés divers. L’ouïe est ainsi très souventmobilisée, car les personnes observées

réagissentauxdiversélémentssonoresquilesentourent:lebruitd’unemachine,les

échanges des collègues environnants, un bruit de pas, etc. – sans compter les

échangesdans lesquelsun individuobservéestdirectement impliqué: leséchanges

avec lesclientspour lesvendeurs,parexemple.Laprisedenotescontientdoncdes

conversations,indiquelessignauxsonores1,lesinterjections,etc.

1Dumoinsceuxauxquelsnousavonsétésensibilisés.Voiciuneanecdote:justeaprèsavoirdéposédespalettesauposted’usinage,lecaristed’IndustrieRouepartpourleposted’emboutissageavecsoncaràfourches, situé à une dizaine demètres de là. A notre question de savoir pourquoi il s’est rendu àl’emboutissage,lecaristerépond:«T’aspasentendu?».L’opérateurenposteàl’emboutissagel’avaitenfaitappelé.Quelquesminutesplustard, lemêmeévénementsereproduisit,etnousavonsalorssudétecterlesignal.

Page 136: Le travail dans la performance organisationnelle

135

Le toucher fut égalementmobilisé dans lamajorité des cas, ne serait-ce que pour

serrer lamain en disant ‘bonjour’, tenir le carnet d’observations, ou être assis aux

côtésdelapersonneobservée.Ilrestedirectementreliéauxsituationsdetravailque

nous avons rencontrées. Ainsi, le toucher fut sollicité par des projections (huile de

coupe, soudure), des sensations (froid, air, chaleur), et des expériences tactiles

(bavuresdeperçage,grenaille, tissus,cuir),principalement. Ici, lapropreexpérience

de l’observateur permet d’éprouver des choses similaires à celles des individus

observés,etrenseignesurlessituationsdetravail.

L’odorat est spontanément sollicité (tous les lieux ont une odeur, en particulier les

lieux fermés), même s’il n’est pas systématiquement déterminant. Dans notre

recherche, nous avons été confrontés à des odeurs de solvants, huile, soudure,

parfums,cigaresetnourriture,principalement.Une foisencore, l’attentionàcesens

permetd’embrasserpluslargementl’activitéobservée.

Legoûtn’aété sollicitéquedans laboutiqued’Orly,où l’onnousaoffertquelques

sucreries–etdoncni alcool,ni tabacs,ni caviar… Etantdonné le contextedenos

observations, cegoûtn’avaitquepeude lienavec le thèmedenotre recherche.Ce

momentdepartagerestenéanmoinsunemarqued’intégrationauprèsdespersonnes

côtoyées.Nousreviendronssurcepointau2.5.3denosméthodes tertiaires.

Ainsi,lesnotesd’observationsrendentcomptedecequenoscinqsensontpucapter.

IlnousfautsignalerquechezIndustrieRoue,certainssensontétéaltérés,neserait-ce

que de façon légère, par le port des équipements de protection individuelle

obligatoires:lunettesdesécuritéetbouchonsd’oreilleenparticulier.

Ø� Confianceetdistance–lesattitudesobservateur/observés

L’observateurquinote«tout»danssonbloc-notessuscitenaturellementlaméfiance,

voireladéfiance.Ilpeutaisémentêtreassimiléàun«contrôleur»,un«auditeur»,un

«espion»,un«flic»,d’autantquesaprésenceestautoriséeparla«hiérarchie».De

tellesreprésentationsconstituentdesbarrières,sachantquel’observationdépendtrès

largement du bon vouloir des personnes observées. Dans ce cadre, les stratégies

d’évitement peuvent être nombreuses: pauses rallongées, plainte à la hiérarchie,

réunions«privées»ou«confidentielles»,etc.

Page 137: Le travail dans la performance organisationnelle

136

Noussommesparfaitementconscientden’avoirpasnécessairementréussiàgagnerla

confiancedetoutes lespersonnesrencontrées.Voicinéanmoins lesélémentsmisen

œuvre pour réduire la méfiance. En ce qui concerne tout d’abord l’obtention de

l’assentimentdespersonnesconcernées:

�� Lahiérarchiequinousaccueillaitnousaprésentéà l’ensembledesmembres

présents. Souvent, nos interlocuteurs mettaient l’accent sur le statut

d’étudiant, et sur le fait que nous n’allions rester que quelques jours à une

semainedansleurpérimètre.

�� Nous nous présentions ensuite individuellement aux personnes que nous

souhaitions observer pour la première fois, en insistant sur le fait que nous

cherchionsàconnaîtreleurtravail1pourunmémoired’étude2,quenousallions

prendredesnotesqui resteraientanonymesetconfidentielles,quenous leur

poserionsdesquestions,etquenouscherchionsàdérangerlemoinspossible.

A la fin de ce premier échange direct, nous demandions d’ailleurs si nous

pouvionsresteraveceuxunpetitmoment.

�� Enfin, au fur et àmesure des contacts, nous n’avons pas fui les questions

directesquinousétaientadresséespar lespersonnesobservées,notamment

cellessurleniveaud’études.

Aprèsl’assentimentdespersonnes,l’unedesconditionsdepoursuitedesobservations

est de «ne pas déranger» les personnes qui, justement, travaillent. «Ne pas

déranger»estillusoire,étantdonnéquenoussommesprésents,quenousposonsdes

questions, et que, parfois, nous interférons avec certains mouvements ou

déplacements. En revanche, faire en sorte de déranger lemoins possible rassure la

hiérarchie et facilite la relation avec les personnes observées. Au cours de nos

observations, ‘déranger le moins possible’ s’est résolu dans la distance avec les

personnesobservées.Précisonstoutdesuitedeladistanceestavanttoutvariable;ce

n’est en rien un «périmètre de sécurité». Tant chez Industrie Roue que dans les

1Pourdesraisonsévidentesde«contamination»duterrain,jenementionnaispaslaperformancedutravail.2Jen’aipasévoquéspontanémentlathèse,ledoctoratni leniveaud’étude,afind’éviteraumaximumladistancequecelapeutengendrer.

Page 138: Le travail dans la performance organisationnelle

137

BoutiquesAéroports,nousavonsétéàlafoisproche(auxcôtés)etéloigné(d’aumoins

unmètre) de la personne que nous étions en train d’observer. L’éloignement, ou

plutôt, lamiseenretrait,permetd’appréhender l’activitédanssonensembletouten

laissant, justement, de l’espace – en particulier chez Industrie Roue où des pièces

encombrantes sont manipulées. La proximité est nécessaire pour observer des

opérations plus minutieuses (un contrôle qualité, ranger un rouge à lèvres, etc.).

L’observateurestdoncdynamiquependant lesobservations.Lesphasesdeproximité

etd’éloignementsesuccèdent.

Chez Boutiques Aéroports, l’observation de l’activité de vendeur intégrait

obligatoirement un tiers extérieur à l’organisation, physiquement présent et en

interaction avec la personne que nous observions: le passager-client. Dans ces

circonstances, nous avons considéré que nous devions effectivement déranger le

moins possible, voire pas du tout afin d’accéder à l’activité. Nous avons alors eu

recours àplusieurs stratagèmespour resterassezprochedes vendeuret client afin

d’entendre leurséchangestoutenétantabsentde leurs interactionspar leregard. Il

nousfauticipréciserlesdeuxraisonsquinenousontpaspermisd’assisterpleinement

àcesinteractions.Premièrement,l’absencedetoutengagementformelauprofitdela

société Boutiques Aéroports nous interdisait de porter un badge «En Formation»1

afin d’approcher les clients. Deuxièmement, nous n’envisagions pas d’informer

oralementdesclientsdéjàpresséssur lesraisonsetconditionsdenotreprésenceen

boutique.

Lesprincipauxstratagèmesutilisésfurentalors:

Ø� Tournerledosauxclientetvendeur.Surtoutlorsqu’ilyabeaucoupdemonde,

celapermetd’êtretrèsprocheetd’entendredistinctementleséchanges.Ilest

enrevancheimpossibledevoirquoiquecesoit.

Ø� Sepositionnerjustederrièreleclient(danssondos)toutenétantorientévers

le vendeur. Les propos du client sont moins audibles, mais les gestes et

mouvementsduvendeursontvisibles.

1D’ailleurs,leportd’untelbadgeauraitnécessitédesuivreuneformationàl’accueildelaclientèle,carlespersonnes«enformation»peuventêtresollicitéesparlesclients-mystères.

Page 139: Le travail dans la performance organisationnelle

138

Ø� Se positionner de l’autre côté de la gondole1et se tourner vers les client et

vendeur,leregard«absorbé»parlacontemplationdesproduits.

2.2.3.3� Lesobservationsinformentactivitéetpratiques

Nos observations non participantes sont directement reliées à deux catégories de

notre cadre analytique: l’activité et les pratiquesmanagériales. Pour l’activité, nos

observations se sont concentrées sur le travail des ouvriers, vendeurs et

ponctuellementcaissiers–trois fonctionsdépourvuesdepositionmanagériale.Nous

nous sommes attachés à décrire le travail dans son extension la plus grande:

variabilité des tâches effectuées et diversité des situations rencontrées. Ainsi, nos

observationsontcouvertchaqueétapeduprocessusdefabrication(del’emboutissage

à l’expéditionplus la logistique interne),et chaque zone spécifique à l’intérieurdes

boutiques. Un cycle complet de fabrication chez Industrie Roue comporte 8 à 10

étapes.Saufsur lepérimètreModeobservé, lesmagasinsdeBoutiquesAéroportsse

composaient de 3 (Parfums-Cosmétiques) à 6 (Alcools-Tabacs-Gastronomie-Cigares)

zones spécifiquesdécoupées selon le typedeproduitsou leurmerchandising.Dans

chaque organisation, nous avons réalisé nos observations selon deux axes:

longitudinaloutransversal.Lesobservationslongitudinalesontpermisdecollecterdes

«histoires»de fabricationoude clients.Nous avons alors suivides fabricationsde

rouesurlatotalitédeleurprocessus2,etdespassagersdeleurentréedanslaboutique

à leur sortie.Dans ces cas-ci,nousnous sommesdéplacésd’étapeenétapesoude

zone en zone au gré de nos fabrications ou clients. Ce type d’observations permet

d’obtenir une vision d’ensemble de l’organisation du travail. Les observations

transversalesétaient«postées»c’est-à-direàuneétapespécifiquede la fabrication

(l’usinage par exemple) ou avec un vendeur d’une zone spécifique (vins et

champagnes,grandesmarquesdeparfums,etc.).Cetyped’observationscomplète le

premiercar ilpermetd’accéderà l’activité réaliséeen-dehorsd’un ‘tempsproductif

pur’ (changementde fabrication,nettoyage,etc.)ouen-dehorsde laprésenced’un

client (réassort, rangement, etc.). La durée des observations transversales n’a pas

1Danslesboutiquesobservées,lesgondolesfontmaximum1,60mètredehaut.2Oupresque,carl’étaped’expéditionétaitsouventsoumiseauxaléasdutransporteurexterne.

Page 140: Le travail dans la performance organisationnelle

139

excédé la demi-journée par unité d’observation. Il est arrivé, chez Boutiques

Aéroports, que des observations soient transversales et longitudinales – nous les

dénommonsalors«complètes». Ils’agitdecasdeclientsaccueillisetprisencharge

parunseulvendeur (parfois jusqu’à l’encaissement).Ce typed’observations joueun

grandrôledanslacompréhensiondel’activitédevendeur.

Atravers lesobservations,nousavonsaussiessayédesaisirceque letravailapporte

aux organisations, c’est-à-dire comment le travail concourt aux objectifs

organisationnels,àlaperformanceorganisationnelle,auxquelsnousavionsaccèsavec

lesautresméthodesdecollecte.Nosobservationssesontdoncattachéesàconsigner

lesélémentsrelatifsàcetteperformancedansdenombreusessituationsobservées:

chronométragede cycleetétapesde fabrication,modesopératoirepour laqualité,

montants vendus, formules de politesse, etc. Ce sont précisément ces éléments en

regarddel’activitéobservéequipermettentd’instruirelaperformancedutravail.

Des managers ont participé dans leur rôle hiérarchique à certaines situations

observées,tantchezIndustrieRouequechezBoutiquesAéroports.Danscescas-là,les

élémentsconsignésdansnotrebloc-notesrelèventdespratiquesmanagériales1.

Seulel’observationduPDGd’IndustrieRouecherchaitplutôtàinformerlesindicateurs

(mesures)quicomposentsontableaudebord.Ils’agitlàd’uneexception.

Exposons à présent notre méthode de collecte des verbalisations et échanges

informels.

2.2.4� Verbalisation/échangeinformel.

Lesverbalisationsetéchangesinformelsontétécollectéspendantnotreprésencechez

Industrie Roue et Boutiques Aéroports. Ils sont spontanés ou provoqués. Ils sont

généralement constitutifs des observations non participantes. Mais nous avons

quelquescasquin’ensontpas.Nousavonsfaitlechoixdenepaslesdénombrer,carla

1 A certains égards, cela relève aussi de l’activité des managers, qui n’était pas l’objet de notrerecherche.Nousyreviendronsdans les limitesdenotrethèse.Précisonségalementquedenombreuxmanagersontréaliséuneactivitéd’ouvrieroudevendeurpendantnotreprésence.

Page 141: Le travail dans la performance organisationnelle

140

quantitédedonnéesdecetypeprésentefinalementpeud’intérêt.Notrecollectelesa

en revanchedistinguésdesentretiensetobservations,cequinouspermettrade les

identifierprécisémentlorsquenousexploiteronsnosdonnées.

Les verbalisations explicitent en direct ou en différé des éléments de l’activité des

personnesobservées.ChezIndustrieRoue,lesouvriers ontpunousexpliquercequ’ils

étaiententrainderéaliseretpourquoi,etc.ChezBoutiquesAéroportsenrevanche,la

présencedetiers(clients)interdisaitcela.Lesverbalisationsétaientalorsanticipatrices

(description théorique par les vendeurs) ou rétrospectives («débriefings» de

situationsspécifiques).Cesélémentsontfait l’objetd’uneprisedenotessur l’instant

deleurénonciation.

Par échanges formels, nous entendons conversation spontanée et non structurée

entre le chercheur et un ou plusieurs interlocuteurs, qui rend délicate la prise de

notes: soitparceque la conversation se tientàunendroitpeupropice (ascenseur,

couloir,vestiaire,etc.);soitparcequeletonengagérelèved’unecertaineconfidence

que laprisedenotesbriserait.Dansces situations,nousavons repoussé laprisede

notesàlafindel’échange,afind’exploiteraumieuxlesouvenirimmédiat.Notreprise

denoteexplicitelefaitqu’ils’agissedesouvenirs.

Que ce soit pour les verbalisations ou les échanges informels, il est arrivé que des

souvenirsrejaillissentultérieurementàlaprisedenotes.Lorsquecelasurvenait,nous

lesavonsconsignésenprécisantleurcaractèrede«souvenir».

Les verbalisations et échanges informels informent l’activité, parce qu’ils

appartiennentmajoritairementauxphasesd’observationsnonparticipantes,etqu’ils

portentdirectementsurcequelesopérateursfont,ferontouontfaitdansleurtravail.

Demanière plus anecdotique, les verbalisations et échanges informels informent le

contextegénéraldesorganisationsquenousavonsvisitées,etnes’insèrentdoncpas

directementdansnotrecadreanalytique.

Nous venons donc d’exposer nos quatre principales méthodes de collecte des

données.Nousexposonsdanslasectionsuivantenosméthodessecondaires.

Page 142: Le travail dans la performance organisationnelle

141

2.3� Méthodessecondaires

Nous identifionstroistypesdeméthodessecondairesutiliséesdansnotrerecherche:

les observations de réunions, les restitutions et le journal de recherche. Elles

informent lescomposantesdenotrecadreanalytiquecommeprésentédans lafigure

suivante:

Nous détaillons ci-dessous le contenu de cesméthodes: observations de réunions

(2.3.1),restitutions(2.3.2)etjournalderecherche(2.3.3).

2.3.1� Observationsderéunions

Nousavonsobservé8réunionspendantnotreprésencesur leterrain,de25minutes

chacuneenmoyenne.Ledétailsetrouvedansletableauci-dessous:

L’observationderéunionsfut,àl’instardesobservationsdel’activité,nonparticipante

Nousavonsprocédédelamêmemanièrequepourlesobservationsdel’activité:prise

de notes, en observant un silence absolu. Lorsque cela s’est avéré pertinent, nous

avonscherchéàrevenirsurcertainsévénementssurvenusoupropostenuspendantla

réunion lorsd’échangesultérieursavec lespersonnes concernées.Nosnotes relient

alorsexplicitementleséchangesàtelleobservationderéunion.

Méthodes)principales

Méthodes)secondaires

Discours Pra+ques Ac+vitéMesures

Verbalisa+on,échangeinformel

Observa4on)de)

réunions)

Journal)de)

recherche)

Res4tu4ons)

Entre+ensemi-direc+f

Collectededocuments

Observa+onnonpar+cipante

Descriptif*des*Observations*non*participantes*de*réunions

Entreprise Lieu Nature Date Durée*(h)

Industrie*Roue ZI*Ecouflant,*Angers Observation*de*la*réunion*"Plan*de*production" 04/03/13 0,6

Boutiques*Aéroports Roissy Observation*de*réunion*:*2*briefings 18/11/13 0,6

Boutiques*Aéroports Roissy Observation*de*réunion*:*2*briefings 19/11/13 1,5

Boutiques*Aéroports Roissy Observation*de*réunion*:*1*briefing 21/11/13 0,25

Boutiques*Aéroports Roissy Observation*de*réunion*:*1*briefing 22/11/13 0,2

Boutiques*Aéroports Orly Observation*de*réunion*:*1*briefing 24/01/14 0,42

TOTAL 3,57

Page 143: Le travail dans la performance organisationnelle

142

Nos observations de réunion ont principalement porté sur les échanges entre les

participants, en notant également les disposition et attitudes des individus. En une

occasion,chezIndustrieRoue,ilaétépossibled’enregistrerlesproposéchangés.Cette

réunion a alors été entièrement retranscrite. Chez Boutiques Aéroports, les

«briefings» que nous avons observés ont été l’occasion de nous présenter aux

équipes présentes. Il s’agit là de l’unique occasion où nous avons pris la parole

pendantlesréunionsobservées.

L’observation de réunions fut opportuniste, ce qui explique la faible ampleur des

donnéescollectéesdanscecadre.Chez IndustrieRoue, l’observationde réunioneut

lieuau toutdébutd’unesemainecomplèted’observationsdans l’atelier.Ellenousa

permis d’augmenter notre compréhension des priorités de production qui

rythmeraientlecontextedenosobservations.ChezBoutiquesAéroports,commenous

l’avons dit, les briefings observés ont été l’occasion de nous présenter aux équipes

concernées.Deuxraisonsexpliquentlefaiblenombrede«briefings»1observés.D’une

part, ils n’ont aucun caractère obligatoire. D’autre part, nous n’étions pas

nécessairementprésentauxmomentsoùilssesontdéroulés.Ainsi,nousavonspuen

observer6dansunseulmagasin (Parfums-CosmétiquesdeRoissy),aucundanscelui

delaMode,etunseuldanslemagasind’Orly.

L’observationderéunionsestreliéeauxquatrecatégoriesdenotrecadreanalytique,

maisàchaque foisd’unemanière informative,commeunedonnéequinesuffitpas

nécessairement à elle seule. C’est la raison pour laquelle cette méthode reste

secondairedansnotrerecherche.

Lamatièrepremièrede laréunionest laparole. Ilestdoncévidentque lesréunions

observéessoientreliéesauxdiscoursdenotrecadreanalytiquesurlaperformancedu

travail.Atitred’exemple,laréunionsurleplandeproductionaenpartieportésurla

«productivité»deteloutelopérateursurdespostesdetravailjugéscritiques.

Si l’activité fait l’objetd’échangesen réunion, la réunionest l’occasiondedéfiniret

transmettre des priorités aux équipes. Ces priorités sont constitutives de la

1SelonladénominationquileurestattribuéechezBoutiquesAéroports.

Page 144: Le travail dans la performance organisationnelle

143

prescription(mêmesielleestdanscecasponctuelle)quioriente l’activitéultérieure.

Ainsi,ilaétédemandéauxvendeurslorsd’unbriefingdevendreenprioritéunarticle

spécifique–enl’occurrence,uncoffretdeNoëlcontenantduparfum.

L’apportauxpratiquesmanagérialesestdouble.D’unepart,l’observationderéunions

constitue une observation du travail demanager (quel que soit le niveau).D’autre

part, certains éléments collectés en réunion relèvent des intentions managériales

constitutives, comme nous l’avons explicité au chapitre précédent, des pratiques

managériales.

Enfin, les réunions observées ont manipulé des indicateurs, qui entrent dans la

catégoriemesuresdenotrecadreanalytiquesurlaperformancedutravail:desdurées

defabrication,deschiffresd’affaires,pourcentagesderéalisation,etc.

2.3.2� Lesrestitutions

Les restitutions constituent un moment pendant lequel le chercheur expose sa

compréhension des situations de travail observées aux interlocuteurs de

l’organisation, et de fait, la confronte. En tout, cinq restitutions formelles ont été

organisées,d’uneduréemoyenned’environuneheure.Ellessontprésentéesdans le

tableauci-dessous:

Les restitutions se sont déroulées de deuxmanières. En raison de l’extrême petite

taillede l’organisation(20personnes)etde laspécialisationdechaqueopérateur,un

exposésurdessituationsdetravailparticulièrespouvaitromprel’anonymatgarantià

chacun. Nous avons alors opté pour une synthèse générale sous la forme d’un

documentde8pagesquenousavonsprésenté.ChezBoutiquesAéroports,nousavons

effectivementréaliséunexposérelatifauxsituationsdetravailobservées.

Malgré notre souhait initial, aucune des restitutions ne s’est faite en présence des

personnesobservées(ouvriers,vendeurs).Lesrestitutionsontdoncétéadresséesàla

DescriptifdesRestitutions

Entreprise Lieu Nature Date Durée(h)IndustrieRoue ZIEcouflant,Angers Synthèseglobale 26/11/13 1

BoutiquesAéroports Siège,LaDéfense Restitutionsurlesobservationsenboutiquesetladémarchedevente 21/05/14 1

BoutiquesAéroports Roissy RestitutiondesobservationsenboutiqueParfums-Cosmétiques 16/06/14 1

BoutiquesAéroports Roissy RestitutiondesobservationsenboutiqueMode 24/07/14 1

BoutiquesAéroports Orly RestitutiondesobservationsenboutiqueAlcools-Tabacs-Gastronomie-Cigares 05/08/14 0,75

TOTAL 3,75

Page 145: Le travail dans la performance organisationnelle

144

hiérarchie:PDGchezIndustrieRoue,DRHetmanagers,etsouventmanagersadjoints,

chez Boutiques Aéroports. La restitution du 21/05/14 chez Boutiques Aéroports

poursuivaitdeuxobjectifs:rendrecomptedesobservationsréalisées,maiségalement

susciter des réactions sur notre compréhension de la démarche de vente (la

prescription).

Nousavonsprocédé,pourlesrestitutions,delamanièresuivante:unexposédenotre

partsurlabased’undocumentremisànosinterlocuteurs,puiséchangesaveceuxau

coursdesquelsnousavonsprisdesnotes.Cesnotesontétéreluesetéventuellement

complétées(avecunstylodecouleurdifférente),peu detempsaprèslesrestitutions.

Nous n’avons pas procédé à un enregistrement. Toutefois, nous avons en deux

occasionsréaliséundébriefingoraldecesrestitutionsenregistrésursmartphone.Les

notes ainsi que les enregistrements ont été par la suite remis au propre dans un

documentspécifique.

L’apportmajeur des restitutions concerne l’activité. Le contenu des exposés livrait

notrevisiondutravaildesvendeurs,visionquenouscherchionsàconfronter,etdonc

àvaliderauprèsdenosinterlocuteurs.Leséchangeslorsdecesrestitutionsontrempli

cerôleetontpermisdeprécisercertainsaspects,notammentsurlaprescription.Les

restitutionsont égalementpermisd’actualiser le contexteorganisationnel (situation

commerciale,etc.),ainsiqueceluidenos interlocuteurs (changementsdepérimètre,

etc.).

2.3.3� Journalderecherche

Notre journal de recherche contient différents types d’informations: planning de

périodes d’immersion, souvenirs d’observations et/ou d’échanges, impressions,

informationsponctuellesglanéesçaetlà.Ilaégalementprisdesformesvariées:prise

de notes en marge des observations ou entretiens, documents rédigés, notes et

enregistrements sur smartphone. Ilne s’agitdoncpasd’un registrenuméroté,mais

d’unesuccessiondefichiers.Nousavonsdénommécesfichiers«Notesdiverses»de

manièregénérique,enprécisantparfoisladateoul’occasiondecréationdecefichier.

Page 146: Le travail dans la performance organisationnelle

145

Le journalde rechercheainsiconstituéaeupourvocationd’expliciterdenombreux

aspectsducontexteorganisationneldenotreimmersiondanschaqueorganisation:le

contextedesobservationsnonparticipantes,desentretiens,desdocumentscollectés,

parexemple.

Sansêtreprépondérant, le journalderecherchepermetd’informerprincipalement le

pointdevuemanagérialdenotrecadreanalytique(mesures,discoursetpratiques)en

apportantdesinformationscomplémentairesàcellespréalablementobtenues.Iln’ya

qu’au coursdenotredernière immersion chez IndustrieRouequenous avonsnoté

quelquesélémentsrelatifsà l’activité,aprèsunecourteprésence1dans l’atelierpour

saluerlesouvriers.

Aprèscetterevuedenosméthodessecondaires,nousprésentonsdans lasectionqui

suitnosméthodesditestertiaires.

2.4� Méthodestertiaires

Nousidentifionstroistypesdeméthodestertiairesquenousexposonstouràtour:la

liste de questions (2.4.1), les recherches web (2.4.2) et la collecte d’objets divers

(2.4.3).Parconstruction,lesméthodestertiairesn’étaientpasdirectementreliéesaux

catégories de notre cadre analytique. Elles ont pour but d’augmenter notre

compréhensiongénéraledescasquenousavonsétudiés.Nousexposonsci-dessousce

quenousavons réalisédans chacunede cesméthodes.Nousdébutonsavec laplus

importante:lalistedequestions.

2.4.1� Listedequestions

Pour chacune des organisations dans lesquelles nous nous sommes immergé, nous

avons constitué une liste unique de questions, que nous avons alimentée et

consomméeaufuretàmesuredenotreprésencedanslesorganisations.Chaqueliste

dequestionsestdoncunoutilde travail,quenousavonsutilisédedeuxmanières.1Aucuneobservationn’étaitprévuelorsdecetteimmersion.

Page 147: Le travail dans la performance organisationnelle

146

Tout d’abord en synthèse des entretiens et observations: nous avons ajouté les

questionsquenous«aurionsdû»poser,oudumoins,quiémergeaientàlarelecture.

Deuxièmement,dans laphasedepréparationdesfutures immersionsourencontres:

la listedequestionsétait reprisepourcompléter leguided’entretien,pourorienter

lesobservationsouencorepourlisterlesdocumentsàcollecter.

Il seraitprésomptueuxd’affirmerque les listesdequestions sontàce jourépuisées

pour chaque organisation. Et ce pour plusieurs raisons. Si l’accès aux organisations

nous fut relativement ouvert, certains types d’informations nous furent refusés

(comptabilité analytique, certaines archives, etc.). De plus, certaines questions

semblent aujourd’hui décalées1 au regard de notre recherche («Quel est le rôle

informeldeX?»nousdemandions-nouschezIndustrieRoue),etn’aurontdoncpasde

réponse directe. Enfin, certaines questions n’ont pu être posées faute d’occasions

(observerànouveauunefabricationspécifique)oudetempsavecnosinterlocuteurs.

Au final, l’organisation de notre immersion a priorisé les questions qui nous

paraissaient les plus importantes; les questions résiduelles restentmarginales pour

notrerecherche.

2.4.2� RecherchessurInternet

Nousregrouponssouscetteappellationlesrecherchesquenousavonseffectuéessur

lessites internetdechaqueentreprise,oudans lecadred’une rechercheplus largeà

partirdemots-clés.Nousdistinguonsdeuxtypesderechercheweb,suivantquel’accès

ausiteinternetétaitpublicounon.

Ø� Sitewebenaccès public

Chaque recherche sur un site internet public fut synthétisée dans un document

spécifiquecontenant les informationscollectéesainsique ladateet lesadressesURL

dessitesconsultés.Letableauci-dessousenfournitundescriptifdétaillé:

1Pournepasdirefarfelues.

Page 148: Le travail dans la performance organisationnelle

147

Ces différentes recherches sur internet ont permis d’avoir accès aux informations

suivantes: articles de presse en ligne, présentation de l’entreprise, organigrammes,

concurrence, documents techniques et administratifs. D’unemanière générale, ces

informationsconcernentlecontexteglobaldenoscas.

Ø� Sitewebenaccès privé

Chez Boutiques Aéroport, la totalité ou presque des documents afférents à la

démarchedeventeestaccessibleviaunsitewebprivé,c’est-à-direaccessibleviades

identifiantsde connexionetunmotdepasse.Nous avonspubénéficierd’un accès

illimitéàcetteressourcegrâceauxinformationsqueleDRHnousavaitcommuniquées.

Surcetespacewebprivé,deuxrecherchesontétémenéesàdesfinsdecollecte:

Globalement, les documents ainsi collectés concernent la démarche de vente en

vigueur (prescription du travail de vendeur) et l’émulation interne à l’entreprise

(«challenge»annuel)relativeàcettedémarchedevente.Cetterecherchesurinternet

nousapermisdeconstituerunfondsdocumentairevisantàéclairerlaprescriptionde

l’activité. Désormais,ce fondsdocumentaires’intègreànotrecollectededocuments,

quenousavonsdétailléeenméthodeprincipale.

2.4.3� Collected’objetsdivers

Nousavonsenfincollectédiversobjets,quiconcernentplutôtdessouvenirsquedes

donnéesdirectementutiles ànotre recherche. Toutefois,nous considéronsque ces

objetsontleurplacedansl’inventairedenosméthodesdecollecte,carchacund’entre

Descriptif*des*Recherches*web*public

Entreprise Date Nb*pages

Industrie*Roue 18/06/12 9

Industrie*Roue 10/09/12 3

Industrie*Roue 22/11/12 2

Industrie*Roue 11/07/13 1

Boutiques*Aéroports 07/03/14 15

TOTAL 30

Descriptif*des*Recherches*web privé

Entreprise Date Nb*documents*collectés

Boutiques)Aéroports 13/11/13 10

Boutiques)Aéroports 08/01/14 8

TOTAL 18

Page 149: Le travail dans la performance organisationnelle

148

euxévoquespontanémentlasituationdanslaquelleilfutobtenu:cesontenfaitdes

«cadeaux».Nouslesdétaillonsci-dessous:

Voicienquelquesmotscequenousévoquentcesdifférentsobjets:

�� Leséquipementsdeprotection individuellenousrappellent lebruit incessant

etfatiguantde l’atelier,certainesambiancesd’airsaturé(peinture, lavage)et

lesprojectionsrégulières(huile,soudure).

�� Le cordon de badge nous rappelle l’odeur de «cocotte» 1 inhérente aux

parfumeries.D’ailleurs,prèsd’unanaprès,cetteodeuresttoujoursprésente,

mêmesielles’estatténuée.

�� Lagrenaille,leséclatsdecouchesdepeinture,lesédimentd’apprêtsetl’hélice

de jouetnousrappellentbiensûr lespostesdetravail.Cependant,cesobjets

évoquent surtout le souvenir des personnes qui nous les ont confiés,

personnesquiparcegesteont témoignéde lagénérositédontellesont fait

preuvependantlesobservations,etdelaconfiancequ’ellesnousont,dansle

mêmetemps,accordée.

Ces objets révèlent donc plutôt des aspects de contexte à notre recherche, et plus

particulièrementauxobservationsnonparticipantesde l’activité.Dans lasectionqui

leurestconsacrée,nousavionsdéjà renducomptedu fortcaractèreexpérientielde

touteobservation,aveclamobilisationdescinqsens.Lesobjetsquenousdécrivonsici

luiconfèrentencoreunpeuplusdeprofondeur.Parconséquent,sicesobjetsn’ont

pas de lien direct avec la performance du travail considéré, ils ont tout demême

vocationàinformerl’activitédanssonensemble.

1Lemotestdemonépouse.Merciàtoid’avoirtoléréque jerentreà lamaison imprégnédeparfumsquin’étaientpaslestiens …

Descriptif*des*objets*divers

Entreprise Nature*des*objets

Industrie*roue Equipements*de*protection*individuelle*:*bouchons*d'oreille,*masque,*lunettes

Industrie*roue De*la*grenaille*dans*un*film*plastique*de*paquet*de*cigarettes

Industrie*roue 3*éclats*de*couches*de*peinture*provenant*de*crochets*de*suspension

Industrie*roue 1*morceau*de*sédiment*d'apprêt

Boutiques*Aéroports Un*cordon*pour*badge*C*boutique*ParfumsCCosmétiques

Boutiques*Aéroports Une*hélice*de*jouet*C*boutique*AlcoolsCTabacsCGastronomieCCigares

Page 150: Le travail dans la performance organisationnelle

149

Nous venonsdeprésenter lesdifférentesméthodesde collectedenosdonnées. La

sectionsuivanteestconsacréeautraitementetàl’exploitationdecesdonnées.

3� TRAITEMENTETEXPLOITATIONSDESDONNEES

Laprésentesectionsedécoupecommesuit:nousexposonsd’abord lamanièredont

nous avons traité nos données brutes (3.1), puis lamanière dont nous les avons

exploitées(3.2).

3.1� Traitementdesdonnéesbrutes

Nous nous concentrons ici sur le traitement des données brutes que nous avons

recueillies par l’intermédiaire de nos principalesméthodes de collecte: entretiens,

observations,verbalisationsetcollectededocuments.Nousdétaillonssuccessivement

ci-après, le traitement de nos entretiens, observations, verbalisations/échanges

informelsetdocuments.

�� Lesentretiens

Tous les entretiens enregistrés ont été intégralement retranscrits. Au total, nous

disposons donc de 14 retranscriptions sur les 32 entretiens qui eurent lieu chez

IndustrieRoueetBoutiquesAéroports.

Outrelaprisedenoteslaplusexhaustivepossibledurantl’entretien,nousavons,pour

lesentretiensnonenregistrés,reluattentivementnosnotesjusteaprèslesentretiens

concernés.Cettephasederé-immersionaété l’occasiondepréciseretcompléter les

notesquenousavionsprisesdurant l’entretien. Lesannotationsquenousavonspu

ajouter après l’entretien ont été écrites avec un stylo ou un crayon de couleur

différenteafindelesdifférencierdesnotesprisesenentretien.

Que les entretiens aient été enregistrés ou non, nous avons formulé, à l’issue de

chaque entretien, un certain nombre de remarques portant sur le contexte de

l’entretien(l’ambiance,nos impressions,etc.).Cesremarques,écritesouenregistrées

sur dictiPhone, ont été intégrées au document de l’entretien dans un encart

spécifique.

Page 151: Le travail dans la performance organisationnelle

150

�� Lesobservations

Commenousl’avonsmentionnéau2.2.3duprésentchapitre,nosobservationsontété

consignéessous laformedenotes.Chaquepagedenotesainsiprisesestréférencée

selon la date du jour d’observation et un numéro de page. Nous recommencions

chaquejourlanumérotationdespages.

A l’issue des observations quotidiennes, nous avons attentivement relu les notes

prises, soit plus tard dans lamême journée pour des observations ayant eu lieu le

matin,soitlelendemainavantdereprendrenosobservations.Al’instardesentretiens,

cette relecture immersive nous a permis de préciser et compléter nos notes

d’observations, mais aussi de susciter des points à confirmer ultérieurement. Les

annotationsajoutéesaprès lesobservationsfigurentdansunecouleurdifférenteafin

delesdistinguer.

Nos notes d’observations comportent ponctuellement des remarques de notre part

sur lecontexte,desquestionnements,nos réflexions,etc.Cecontenuaétéencadré

dans la prise de notes afin de le différencier des notes d’observations proprement

dites.

�� Lesverbalisationsetéchangesinformels

Commenous l’avonsditau2.2.4duprésentchapitre, lesverbalisationsetéchanges

informelsproviennentessentiellementdenosobservations.Dans ce cas, laprisede

note identifie cette expression orale soit par des guillemets soit par une courte de

phrasedutype‘Xditque’.ChezBoutiquesAéroports,nousavonségalementcherchéà

avoir un retour de la part des vendeurs après leur interaction avec des clients

spécifiques;nous avons appelé cela ‘débriefing’.Nousenmentionneronsquelques-

uns dans la restitution de l’activité (cf. chapitre 6 en particulier). Les verbalisations

étant partie intégrante des notes d’observations, nous avons procédé au même

traitement que pour ces dernières, à savoir: relecture immersive avec annotations

identifiables.

Page 152: Le travail dans la performance organisationnelle

151

Les verbalisations et échanges informels qui n’eurent pas lieu durant des périodes

d’observation n’ont jamais pu être enregistrés, et ont donc été traités comme des

entretiensnonenregistrés.

�� Lesdocuments

Nousn’avons effectué aucun traitementparticulier afinde restituer le contenudes

documents collectés. Marginalement, et afin de garantir la confidentialité et/ou

l’anonymat, nous avons masqué certaines informations des documents que nous

restituonsdans laprésentethèse.Lesétudesdecasdeschapitres6et7fontétatde

deux situationsde ce type, indiquéesennotedebasdepage: le remplacementdu

nom de l’entreprise dans un document, et lamodification du nom du document-

source.

A présent que nous avons fini d’exposer comment nous avons traité nos données

brutes,nousdévelopponsci-aprèslamanièredontnouslesavonsanalysées.

3.2� Exploitationdesdonnées

Nousdétaillonsdanscettesection ladémarchequenousavonssuiviepourexploiter

nosdonnées,et,infine,lesrestituersousformed’étudesdecas(cf.chapitres6et7).

Entermesdepérimètre,ladémarchequenousexposonsiciconcerneprincipalement

les données issues des entretiens et des observations. Les documents et

verbalisations/échanges informels ont constitué une source complémentaire venant

confirmer,nuancerouinfirmerl’exploitationdesentretiensetnotesd’observations.

Dansunepremièreétaped’exploitationdenosdonnéesà l’issuede lacollecte,nous

avons élaboré un document que nous avons appelé une «trame». Dans chaque

entrepriseétudiée,nousavonsélaboréunetramepourlesentretiensetunepourles

observations. Nous disposions ainsi de quatre trames. Chaque trame constitue un

résumédétaillédespropos tenusdans chaqueentretien,ouun résumédétaillédes

Page 153: Le travail dans la performance organisationnelle

152

notes de chaque jour d’observations. Chaque trame indique également de façon

précise la référence des propos ou prises de notes1, afin de faciliter le retour aux

donnéesdebase.

Cettepremièreétaped’exploitationdesdonnéesapermisdedégagerquelquesgrands

thèmesabordésdurantchaqueentretien2,et,pourlesobservations,deregrouperdes

élémentsayantunpointcommun:unehistoiredeclientssurplusieurspagesdenotes,

desobservationsdumêmesecteurdefabricationfaitesàdeuxmomentsdelajournée,

etc.

Outre la constitution d’un matériau de travail synthétique, cette première phase

d’exploitationdenosdonnéesnousapermisdenousré-immergerdansnosentretiens

etobservations.

Une fois ces trames constituées, nous sommes passés à la seconde phase

d’exploitation de nos données. Pour cette phase, les trames ont constitué notre

matériaudetravail.Nousnousréférionsauxdonnéesdebaseafindevalider,invalider

ouencorenuancerlesproposquenousenvisagionsdetenir.

L’objectif de cette phase d’exploitation était, en réponse à notre question de

recherche, de rendre compte de la performance du travail en articulant le cadre

analytiquedéveloppé(cf.chapitreprécédent).

Notredémarchederechercheétantnormative,nousnevisionspasnécessairementà

rendrecomptedelaperformancedutravaildanslesmoindresdétails.Nousvisionsen

revanche à montrer premièrement que notre design de recherche permettait

effectivementderendrecomptede laperformancedutravail,etdeuxièmementque

fairecelapouvaitprésenterunintérêtscientifique,académiqueouencoremanagérial.

Durantcettesecondephase,l’exploitationdesentretiensaétéquelquepeudifférente

de celle des observations. L’exploitation des entretiens s’est structurée de façon

émergente autour des thématiques présentes dans les guides d’entretien qui

pouvaientpermettred’articuler lescatégoriesdenotrecadreanalytique: lerôledes1Datedel’entretienetpaginationouchronométrage,et datedel’observationetpagination.2Orientésencelaparleguided’entretien,cf.supra2.2.1duprésentchapitre.

Page 154: Le travail dans la performance organisationnelle

153

vendeursdans laperformance, lescommentairessur lesécartsdeproductivitédans

l’atelier, que faire pour réduire les écarts constatés, etc. Ceci nous a permis de

distingueranalytiquementcequirelevaitdescatégoriesdenotrecadreanalytique(en

l’occurrence:mesures,discoursetpratiques),surlabasedesdéfinitionsadoptéesau

chapitre précédent. Cette distinction analytique a préparé la restitution des cas.

Durantcettephase,nousnoussommesfréquemmentréféréauxdocumentsquenous

avionscollectésafindeconsoliderledécoupageanalytique.

L’exploitationdesobservationsaaussiétéorientéeparlarecherchedesituationsqui

permettraient d’articuler les catégories de notre cadre analytique, c’est-à-dire des

situations dans lesquelles ces différentes catégories pouvaient être mobilisées

simultanémentpourenfairesens.Cettedémarchefutcomplétéeparuneperspective

issue de l’ergonomie: la recherche de situations dans lesquelles il est possible de

décelerun certainécartavec laprescription.Nousavonsprocédéde la sorteparce

que, rappelons-le, l’écart travailprescrit / travail réelest constitutifde l’activité (cf.

chapitre3surl’ergonomie).Ainsi,entermesdecritèresdesélectiondessituations,la

possibilitéd’articulernoscatégoriesanalytiquess’estdoubléedecelledediscuter,à

toutlemoins,unepartdeprescription.

Nous avons désormais terminé d’exposer le traitement et l’exploitation de nos

données.Ilesttempsdeconclurece chapitreconsacréàlaméthodologie.

CONCLUSIONDUCHAPITRE5

Leprésentchapitreaexposéetjustifiénotreméthodologiederecherche.Nousavons

eurecoursàl’étudedecasnotammentparcequel’objetquenousétudionssetrouve

inclusdanssoncontexte(laperformancedutravail),etquel’informationrelativeàcet

objet n’est pas immédiatement disponible (cf. 1.1). Nous avons étudié deux cas

d’entreprises.Lesdeuxentreprisessontformellementtrèsdifférentesl’unedel’autre

(une PME industrielle et une filiale d’un groupe du secteur des services), mais

possèdent des caractéristiques communes permettant d’étudier la performance du

travail:dupersonneltravaillantdirectementpourlecœurdemétierdel’entrepriseet

Page 155: Le travail dans la performance organisationnelle

154

des indicateursdeperformance relatifs au travail,notamment (cf. 1.2).Nous avons

doncpudéployertoutesnosméthodesdecollectedanschacundescas.Nosméthodes

de collecte sont structurées par le cadre analytique que nous avons présenté au

chapitre précédent. Elles sont également classées par niveau d’importance. Nos

méthodesprincipalessont:entretienssemi-directifs,observationsnon-participantes,

verbalisations/échanges informelsetcollectededocuments.Nousavonsdétailléces

méthodes au 2.2 et montré en quoi elles permettent d’informer les différentes

catégories du cadre analytique. Les études de cas combinent souvent diverses

méthodesdecollectededonnées.A travers lesdifférents rôlesqu’elles jouentdans

notrerecherche,nouspensonsque l’ensembledenosméthodesdecollectesouligne

notreproximitéaveclesentreprisesétudiées.

Nousavonsenfinexposé lamanièredontnousavons traitéetexploité lesdonnées

brutesrecueillies(section3).

Page 156: Le travail dans la performance organisationnelle

155

CHAPITRE6–CASBOUTIQUESAEROPORTS

INTRODUCTION

Ce chapitreest consacréà l’étudedu casBoutiquesAéroports,quinouspermetde

montrer comment rendre compte de la performance du travail à travers le cadre

analytiquequenousavonsdéfiniauchapitre4.

Tout comme notre méthodologie (chapitre 5), la restitution et l’analyse de nos

donnéesserontstructuréesselonlecadreanalytique.Aprèsuneprésentationgénérale

de l’entreprise Boutiques Aéroports (section 1), nous restituons et analysons

successivementlesdiscours(section2),mesures(section3)etpratiquesmanagériaux

(section4).Nousproposonsensuiteunesynthèsedenospremièresanalyses(section

5), avant de restituer et d’analyser l’activité en section 6. Une conclusion clôt le

chapitre.

1� PRESENTATIONDEBOUTIQUESAEROPORTS

LaprésentationdeBoutiquesAéroportsprocèdeendeuxétapes.Nousdonnonstout

d’abord des informations générales sur l’entreprise (1.1). Puis nous présentons les

pointsdeventeaxuquelsnousavonseuaccès(1.2).

1.1� Informationsgénérales

Boutiques Aéroports est une filiale d’un groupe français coté à la Bourse de

Paris,présentdanslesecteurdesservices.Sonactivitésedérouledansledomainedu

«travelretail»aéroportuaireenFranceetdanslemonde.Plusconcrètement,ils’agit

despointsdeventeprésentsdans lesaéroports,qu’ilssoientsituésenzoned’accès

toutpublic(doncs’adressantaussiauxaccompagnants)ouenzoned’embarquement

etdetransit,oùilssontalorsdédiésauxpassagersettrèsgénéralement«dutyfree».

Les points de vente situés dans un aéroport donné font l’objet de concessions

consentiespar lepropriétaire foncier (généralement, l’exploitantde l’aéroport)àun

opérateur.Chaqueconcessiondepointdeventefait l’objetd’unappeld’offres initial

Page 157: Le travail dans la performance organisationnelle

156

ouderenouvellement.Lastructurationdusecteurtelquenous l’avonsconnueentre

2013et2014nécessite lacréationd’unesociété joint-venturedont l’actionnariatest

également réparti entre l’entreprise opératrice et l’exploitant de l’aéroport. Cette

situation implique que Boutiques Aéroports est elle-même «maison-mère» et

actionnaire de nombreuses filiales qui ont pour objet la gestion opérationnelle des

pointsdevente.Notreétudes’estdoncconcrètementdérouléeauseind’unedeces

filialesdanslesdeuxprincipauxaéroportsdeParis.

Dans les faits, c’est bien la filiale et samaison-mère qui assurent l’exploitation des

points de vente: travaux d’embellissement, direction du personnel 1 ,

approvisionnementdesproduits, encaissementdu chiffred’affaires, etc. Le casque

nous présentons porte donc sur l’entreprise dans laquelle se déroule l’activité

commercialedanssonensemble.Decequenousensavons,l’exploitantaéroportuaire

adopte un positionnement de décideur, donneur d’ordre et contrôleur. En

conséquence, nous n’avons pas cherché à approfondir outre mesure du côté de

l’exploitantaéroportuaire.

1.2� Présentationgénéraledespointsdevente

Boutiques Aéroports regroupe ses points de vente sous plusieurs enseignes. Notre

rechercheaprisplacedansdeuxd’entreelles,l’uneconsacréeàlamode,etl’autreà

des produits de gammes variées (parfums, cosmétiques, alcools, tabac, confiserie,

etc.). Ces deux enseignes correspondent à une segmentation interne, entre les

activitésdites«Core»pour«CoreBusiness»2(cœurdemétier)et«Mode».

Lepositionnementdesdeuxenseignesestrésolumenthautdegamme,ets’appuiesur

l’imagede«Paris,capitaleduluxeetduplaisir»3.Onytrouvelesmarquesassociées:

Hermès, Longchamp, Guerlain, Petrossian 4 , Hédiard, Hennessy (Cognac), etc. Les

donnéescollectéesl’ontétédanstroispointsdevente,quenousprésentonsci-après.

Chez Boutiques Aéroports, les points de vente s’appellent «boutique». Nous

utiliseronsdésormaiscetteappellation.1Lafilialeetsamaison-mèresupportentdonclesresponsabilitésquiendécoulent.2Nousdétaillonsplusavantlestypesdeproduitscorrespondantau«Core».3Notrelibreinterprétation.4Surtoutconnupoursoncaviar.

Page 158: Le travail dans la performance organisationnelle

157

1.2.1� Conditionsdechoixdesboutiques

Compte-tenu des contraintes d’accès aux zones d’embarquement, le choix des

boutiquesaviséàconcilierdeuxcontraintespournotrerecherche:appréhenderune

largedegammede situationsetdeproduitsdansunminimumde temps.Ainsi, les

boutiques que nous avons observées couvrent une large palette de produits et

bénéficientd’unelargeaffluence.

Parailleurs,lesmanagersdesboutiquesdanslesquellesnousavonsobservéontdonné

leuraccordànotreprésence.

Au final, les trois boutiques du périmètre de notre recherche sont de «bonnes»

boutiques.D’unepart,ellesgénèrentdebons résultats financiers1.D’autrepart, les

managersquilesdirigentsontréputésetreconnus:M1jouitd’unegranderenommée

tantparsonanciennetéquesescompétences,M2aparticipéavecsuccèsàunprojet-

pilotesurl’organisationRH,etM3estenpositiondemanagerà30ansàpeine.

1.2.2� Boutiques«Core»

Surcepérimètre,deuxboutiquesrelevantdemétiersdifférentsontparticipéàl’étude.

Elles sont toutes deux situées en «zone internationale», donc la tarification est

principalement«dutyfree».

Lapremièreestuneboutiquedite«PC»pour«Parfums-Cosmétiques».Ellesesitue

dansl’aéroportdeRoissy,dansunsatellitedeterminal.Ysontproposésexclusivement

desparfums,desproduitsdemaquillage(rougeàlèvre,mascara,etc.)etdesproduits

desoinspourlapeau(crèmesdejour,denuit,pourlevisage,mains,corps,etc.).Trois

zonescomposent laboutique.Unezonedite«marquescathédrales»,aucentre,qui

regroupedegrandesmarquesde luxefrançaises; lesmarquescathédralesproposent

lestroistypesdeproduits.Unezone«parfums»quinecontientquedes flaconsde

parfum fabriqués par de nombreuses marques françaises et internationales à

l’exclusion des marques cathédrales. Pour finir, une zone «soins» qui propose

exclusivementlesproduitsdesoin évoquésci-dessus.

1Entretiens,13et20juin2014,pp.4-5.

Page 159: Le travail dans la performance organisationnelle

158

Lasecondeestuneboutique«ATGC»pour«Alcools,Tabacs,Gastronomie,Cigares».

EllesesitueàOrly-Sud.Lesproduitsquiysontvendusreprésententunepaletteplus

large que précédemment. La partie «Alcools» comprend plusieurs secteurs, qui

correspondent également àundomained’expertisede vente: vins et champagnes,

whiskiesetalcoolsforts.Ladénominationdusecteur«vinsetchampagnes»suffitàla

décrire.Outre leswhiskiesdetoutesmarques, lesecondsecteurproposedesalcools

detypevinscuits,vodka,gin,etc.Enfin, lesalcools fortscontiennentprincipalement

du cognac, car cet alcool semarie bien avec les cigares. La boutique propose les

cigares dans un local spécifique et fermé: une cave à cigares, car ces produits

nécessitentuneconservationàtempératureethygrométriecontrôléesetprécises.Les

cigaresproviennentdemultiplesorigines(Cuba,Nicaragua,etc.)etsontproposésdans

des formatsvariés (longueuretdiamètre).Lesecteur«cigares» estdoncdistinctde

celuides«tabacs»quipropose principalementdescigarettesenconditionnementde

uneàtroiscartouches;denombreusesmarquessontreprésentées.Aux«tabacs»,on

trouveégalementunrayon«tabacélectronique»,dutabacàrouleretàpriser.Enfin,

la «Gastronomie» se scinde en trois parties. La confiserie propose des biscuits,

bonbons,gâteaux,barres,boîtesettablettesdechocolat;unepartiedecesproduits

relèved’unpositionnementhautdegamme(Valhrona)etestdoncpositionnéprèsde

lagastronomie.Cettedernièreproposeenoutreducaviar,dufoiegras,dufromage,

pourl’essentiel.Enraisondelaclientèlequifréquentecetteboutique,unrayonhalal

estproposé,etcontientunassortimentdesproduitsdeconfiserieetgastronomie.

1.2.3� Boutique«Mode»

Laboutique«Mode»estsituéedans l’aéroportdeRoissy-Charles-De-Gaulle,ausein

del’undesterminaux.Toutenétantenzonedited’embarquement,elleestplacéeen

zone«Schengen»,cequisignifiequelesprixpratiquéssontgénéralement«TTC».

La boutique est structurée parmarques. L’éventail des produits proposés est très

varié:cela s’étenddes foulardsauxchaussuresenpassantpar leschemises,vestes,

cravates,polos,pantalons, sacs (àmain,de voyage),portefeuille,porte-monnaie,et

mêmedesbijoux.Suivant lessaisons,certainsproduitsapparaissent (gants,bonnets,

pulls)puissontremplacésauprofitd’autres(casquettes).

Page 160: Le travail dans la performance organisationnelle

159

1.2.4� L’organisationenboutiques

Leshorairesd’ouverturedesboutiquesdanslesterminauxnécessitentlaprésencede

plusieurséquipesenroulement.Danscellesquenousavonsvisitées,troiséquipesse

relaient:matin,«inter» (correspondantàdeshorairesplusconventionnelstype7h-

15hou10h-18h)etsoir.Lalignehiérarchique-typeestlasuivante1:

Les auxiliaires de vente (AV) ont pour rôle quasi-exclusif de tenir une caisse en

boutique. Ilssontcommunémentdénommés«caissiers».En fonctionde l’affluence,1Entretien RRH du 21/05/2014. Sur l’ensemble de la ligne hiérarchique, les différents postes sontoccupés par des hommes et des femmes. Par simplification, nous utiliserons unmasculin génériquepourchaqueposte.Danslalignehiérarchique-type,leDirecteurGénéraldirigelajoint-ventureentreBoutiquesAéroportsetl’exploitantdel’aéroport(dansnotrecas:AéroportsdeParis)–cf.1.1précédent.

Boutique

DirecteurGénéral

DirecteurGénéralAdjointOpéra4ons

ResponsableOpéra4ons

Manager

ManagerAdjoint

Conseillerdeventeet/ouauxiliairedevente

Page 161: Le travail dans la performance organisationnelle

160

ilspeuvent être affectés àd’autres tâches (réassort, étiquetage, etc.). Leurnombre

variede0(boutiqueMode)à2paréquipeenCore.

Lesconseillersdevente(CV)sontprésentssurlasurfacedeventeafinderenseignerla

clientèleetconseillerà lavente. Ilssontcommunémentdénommés«vendeurs»,et

généralementcompétentssur latotalitéde laboutique.Ilexistecependantquelques

nuances sur le«Core». EnParfums-Cosmétiques, les vendeurs sontprincipalement

«BC» (Beauty Consultant), c’est-à-dire spécialisés sur une marque ou un groupe

détenantplusieursmarques.EnAlcools-Gastronomie-Tabacs-Cigares,desexpertssont

identifiésselon letypedeproduits,mêmesichaquevendeurconnaît l’ensembledes

produits1.Lenombredeconseillersdeventeparéquipevarieenfonctionde lataille

delaboutique.Pourlesboutiquesobservées,l’effectifdevendeurss’étendaitde2en

Modeà13-142enCore.Ilfautenfinsignalerquetouslesvendeurssaventetpeuvent

tenirunecaisse.

Lemanageradjointreprésentelahiérarchiedepremierniveau3,présenteenboutique.

Ilaunrôled’encadrement,decoordinationetd’animationd’uneéquipecomposéede

conseillers de vente et/ou d’auxiliaires de vente. L’équipe peut être répartie sur

plusieurs boutiques selon le périmètre. En Mode, par exemple, quatre boutiques

composent le périmètre de responsabilité 4 , dont celle dans laquelle nous avons

effectuénosobservations.

Lemanagerconstituel’encadrementdedeuxièmeniveau.Sonpérimètreestconstitué

d’une ou plusieurs boutiques, et il encadre les différentsmanagers adjoints de son

périmètre.Saprésenceenboutiqueestvariable,étantdonnéquesonbureausesitue

en-dehorsdelaboutique.

Les managers sont rattachés à des Responsables Opérations qui ont sous leur

responsabilitéunensembledeboutiques (soit ‘core’,soi ‘mode’)surun terminalou

1Dans la suite de cette thèse nous parlerons de ou de BC afin d’être fidèle à nos données. Cettedistinctionn’introduirapasdedistorsiondansl’analyse,carcesontdesvendeurs.2Acertainespériodesdelajournée(généralement,lorsdefortesaffluences),l’équipedeconseillersdevente est complétée par quelques «hôtes et hôtesses» rattachés à une entreprise spécialiséemandatée par Boutiques Aéroports. Nos observations n’ont porté que marginalement sur cettecatégoriedetravailleurs.3La boutique ATGC disposait également d’un «référent» par équipe positionné entre lemanageradjointet lesCV/AV. Ils’agissaitalorsd’unvendeurquidont lesattributshiérarchiquesse limitaientàunecoordinationdebase:roulementdespauses,réassort,etc.4Danscecas,lemanageradjointnepeutêtrecontinuellementprésentdanstouteslesboutiques.

Page 162: Le travail dans la performance organisationnelle

161

surunaéroport.Cesresponsablesopérationssonteux-mêmesrattachésauDirecteur

Général Adjoint Opérations, différent selon le métier ‘core’ ou ‘mode’. Ces deux

fonctionssontrattachéesauDirecteurGénéral.

L’organisation formelle et catégorielle en boutiques se double d’une organisation

spécifique sur les caisses.Certes, lesauxiliairesde venteoccupentdes caisses.Mais

leurnombreest insuffisantpourgarantirauxclients,entoutepériodede la journée,

unpassageencaissefluide–outoutdumoins,pouréviteruneattentetroplongueen

caisse.Alorschaque jourselonunroulementdécidépar lahiérarchie,desvendeurs1

tiennentunecaisseen tantque titulaire,aumême titreque lesauxiliairesdevente.

Surcespériodes,lesvendeurssontalorsquasi-exclusivementdescaissiers.Unsecond

niveau de caisse est en outre défini: il s’agit de caisses qui seront tenues par les

vendeursdans lesmomentsde forteaffluence.Lesvendeurs tiennentalors lacaisse

qu’unepartiedutemps,lerestedutempsétantconsacréàlaprésencesurlazonede

venteàconseiller lesclients.Quecesoiten tantque titulaireou renfort, le typede

caisse concerné contient de l’argent liquide nominativement attribué, et dont les

personnessontresponsables.

Surlepérimètre‘core’,nousavonsrencontréuntroisièmetypedecaisse:lescaisses

dites «flash» qui permettent un encaissement uniquement par carte bancaire. Ce

typedecaisseesttrèsflexible,carellepeutêtreutiliséepardifférentespersonnesau

coursd’unemême journée:desvendeursnon titulairesd’unecaisse,maisaussides

managersadjointsencasdetrèsforteaffluence.

2� LESDISCOURSCHEZBOUTIQUESAEROPORTS

Nous avons adopté dans le chapitre 4 la définition suivante de discours: toute

expressionécriteouoraledontl’émetteurrelèved’unepositionmanagériale.

Pour lecasBoutiquesAéroportsquinousoccupe,nous faisons ladistinction,dans la

restitution de nos données, entre un discours organisationnel et les discours de

managersdeproximité.Cettedistinctionprovientenpremier lieude la collectedes

1CV,ouBC(BeautyConsultant)enParfums-Cosmétiques.

Page 163: Le travail dans la performance organisationnelle

162

donnéesbrutes: lediscoursdemanagersdeproximitéprovientdes entretiensque

nous avons réalisés; le discours organisationnel provient des documents que nous

avonscollectés.

En second lieu, ces deux types de discours n’ont pas lamême portée. Le discours

organisationnela,pardéfinition, uneportéepourl’ensembledel’entrepriseBoutiques

Aéroports; celuiquenousétudions spécifiquementexposeeneffet ladémarchede

vente de l’entreprise. Si les discours des managers de proximité, par leur

accumulation,peuventavoiruneportéeplusgénérale, ilsn’enrestentpasmoinsdes

représentationsexprimées surunpérimètreplus restreintque l’entreprisedans son

ensemble.

Lediscoursorganisationneletceluidesmanagersdeproximitérelèventd’uneposition

managériale.Pourlepremier,nousvenonsdeledire,ilexposeladémarchedevente

del’entreprise.Parconséquent,cediscoursexprimelepointdevuedeladirectionou

hiérarchie(entenduesausens large),sur lamanièredontuneventedoitsedérouler.

Pour lesecondtypedediscours,celatientd’abordà laqualitédenos interlocuteurs,

quisontpardéfinitiondesmanagersdeproximité.

Ensuite,commenousleverronsdanscettesection,ilexistedenombreusespasserelles

entrelesdeuxtypesdediscoursàproposdutravail.Nousexposeronsparexempleque

les discours desmanagers reprennent et s’appuient sur le discours organisationnel

pourcaractériserletravaildevendeur.

Comme nous le verrons dans les analyses qui suivent, les discoursmobilisent des

indicateurs (mesures) utilisés chez Boutiques Aéroports. Afin de faciliter la lecture,

nous anticipons quelque peu la section 3 et présentons dès maintenant, et

succinctement, les deux indicateurs qui sont couramment mentionnés dans les

discoursmanagériaux:

�� Chiffred’affaires(CA);

�� Paniermoyen(PM):surunepériodedonnée,ils’agitduchiffred’affairesdivisé

parlenombredeticketsdecaisse.

Page 164: Le travail dans la performance organisationnelle

163

La section se découpe comme suit: nous présentons et analysons le discours

organisationnel(2.1),puislesdiscoursdesmanagersdeproximité(2.2).

2.1� Undiscoursorganisationnel:ladémarchedevente

Danscettesection,nousétudionsundiscoursorganisationnelspécifique:ladémarche

deventedeBoutiquesAéroports.Nousprésentonsdansunpremiertempslesaspects

générauxdecettedémarchedevente(2.1.1).Puisnousprésentonssuccessivementles

éléments qui la composent: le scénario de vente (2.1.2), les phrases d’accueil et

attitudes de vente (2.1.3), et enfin le processus de visite-mystère (2.1.4). Nous

terminons cette section par nos analyses et interprétations de ce discours

organisationnelqu’estladémarchedevente(2.1.5).

2.1.1� Présentationgénérale

Boutiques Aéroports dispose d’une démarche structurée de la relation avec la

clientèle, applicable aux conseillers de vente. Comme nous allons le voir, cette

démarchesertdenombreuxobjectifs,quis’attachentcertesà lavente (prescription,

évaluation), mais aussi au «management» (animation des équipes de vente, par

exemple), ou encore à la durée des concessions accordées1. La démarche de vente

mise enœuvre par Boutiques Aéroports date de 2006, mais fait suite à d’autres

démarchesdumêmetypequiavaientantérieurementcoursdansl’entreprise.

NousprésentonsladémarchedeventedeBoutiquesAéroportsavecuncertaindegré

dedétail2carelleconstitue,commenousallonslevoirunélémentcentralenlienavec

letravaildesvendeurs.

Selon le site internetprivédeBoutiquesAéroports, cettedémarche revêtplusieurs

rôles:

1Entretiens , 13 et 20 juin 2014, p. 8: les (bons) scores aux visites-mystère, couplés à d’autresconditions, permettent d’obtenir un allongement de la durée de concession, parfois pour plusieursmois.2Cettedémarche interneestappeléeparunacronyme chezBoutiquesAéroports.Afindegarantir laconfidentialité,nousn’utiliseronspascetacronyme.Nousseronsparfoisobligésdemodifierlenomdesdocumentsauxquelsnousnousréférons;demême,nousneferonspasapparaîtrecetacronymedanslesproposdenosinterlocuteurs.

Page 165: Le travail dans la performance organisationnelle

164

i.� «programme de qualité de service �…� afin d’assurer le même niveau de

satisfactionclientattenduetdévelopperlesventesavecefficacité.»

ii.� «marque de fabrique, véritable savoir-faire des équipes commerciales qui

différencie�l’entreprise�desautresopérateursdutyfree.»

iii.� «standardquireprendles5momentsdevente�…�.»

iv.� «unchallenge»1.

Lescinqmomentsdevente indiquésdanscedocumentsont:«ouvrir»,«sourire»,

«considérer», «accompagner» et «remercier». Les définitions en sont les

suivantes:

�� «Ouvrirdonneenvieauclientderentrerdanslaboutique.»

�� «Sourireétablitunclimatdeconfiance,etplaced’emblée leclientdansune

atmosphèrerassurante.»

�� «Considérercrééunevéritablerelationavecleclient,fondéesurl’écouteetla

compréhension des attentes. Cela permet de découvrir ses goûts, ses

motivationsetsesbesoins.»

�� «Accompagner permet de conseiller le client et de le faire évoluer vers

d’autres achats. Cela repose sur une connaissance des produits et de

l’environnementcommercial.»

�� «Remercier fidélise et donne envie au client de revenir dans les points de

venteoudeparlerenbiendel’enseigne.»2

Cescinqmomentsdeventestructurentun«scénariodevente»quenousprésentons

ci-après.

2.1.2� Lescénariodevente

C’estaveccedocument3queprendforme lapartie«standardisée»de ladémarche:

«Le scénario de vente est la base du programme �de vente.� Il récapitule les bons

1Documentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.1.2Sourcedescinqcitations:Documentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.2.3Pouruneexpositionplus claire,et cemême si lemêmedocument combine lesdeuxaspects,nousséparonslaprésentationdeladémarchedeventestandardiséeetcelledel’évaluationassociéeàcettedémarchedevente.L’aspect«évaluation»seraprésentéplusavantensection3duprésentchapitre.

Page 166: Le travail dans la performance organisationnelle

165

gestes et paroles d’un vendeur �…� et constitue ainsi le document de référence de

notre démarche de qualité de service.»1. Le scénariode vente représente donc un

élémentimportantdelaprescriptionetdel’évaluationdutravaildevendeur.

Commenous leverronsdans lasectionsuivante,des«phrasesd’accueiletattitudes

devente»lecomplètent.

Lescénariodevente2estdécoupéen3parties3,regroupant les5momentsdevente

exposésprécédemment:

1)� Lapriseenchargeetl’accueilduclient:«S’Ouvrir»4et«Sourire».

2)� Rechercherlesbesoinsetlesmotivations:«Considérer»et«Accompagner».

3)� Lafindel’entretienetlaprisedecongé:«Remercier».

Pourchacundescinqmomentsdevente,cequiestattendudechaquevendeurest

spécifié.Danslasection«S’Ouvrir»,ilestattendudelapartdesvendeurs(conditions

additionnelles)5:

�� Unsignedebienvenueestadressélorsdel’entréeduclientoulorsqu’ilattend

d’êtreservi:sourire,signedetête,salutation,formuledepolitesse.

�� Sicesigneest«souriantetchaleureux»,

�� Unvendeurabordespontanémentleclient.

Lasection«Sourire»stipule(conditionsadditionnelles):

�� «Le vendeur vous accueille avec un geste ou une formule d’accroche

(adaptationlocale)»,

�� enregardantlapersonne,

�� enadressantunsourire,

�� enajoutant«Monsieur/Madameouuneformuledepolitesse»6.

1Documentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.3.2Documentinterne,Scénariodevente.pdf.3Unequatrièmepartiesertàl’évaluationlorsdesvisites-mystère –cf.infra2.1.4.4Nousnotonsiciunglissementde«Ouvrir»à«S’Ouvrir»,quenousn’analyseronspasplusavant.5Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.16Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.2,soulignédansledocumentinterne.

Page 167: Le travail dans la performance organisationnelle

166

Lasection«Considérer»explicite(conditionsadditionnelles)1:

�� levendeuridentifiecequeleclientrecherche,

�� endemandantàquiest-cedestiné,

�� àquelleoccasion,

�� ens’enquérantdesgoûtsdelapersonneàquiestdestinéeleproduit,

�� levendeurestàl’écoute,attentifauxproposduclient,

�� levendeurreformulelebesoinduclient.

Dans la section «Accompagner», les aspects suivants sont précisés (conditions

additionnelles)2:

�� levendeurfaitunepropositionadaptée,

�� qu’ilargumente(enfonctiondescaractéristiquesduproduit),

�� defaçonpersonnalisée(rapprochéedubesoinexprimé),

�� levendeurfaitdécouvrirleproduit(essai,miseenmain…),

�� ilfaitréagirleclient(lefaits’exprimersurlespropositions),

�� le vendeur propose des produits «complémentaires ou supplémentaires»,

«encitantouenproposantunoudesproduits»,

�� levendeurquestionnesurleshésitations(référenceauscénario),

�� puisrassureenévoquantlescaractéristiquesévoquées,oud’autres,

�� silevendeurgardeuneattitudepositivemalgrélerefus3.

Enfin,lasection«Remercier»stipule(conditionsadditionnelles)4:

�� levendeurremerciedelavisite,

�� dit«aurevoir»,

�� enregardantle client,

�� ensouriant,

�� enajoutantuneformulecomplémentaire(«bonvoyage»,…).

1Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.3.2Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.3.3Les conditions de réalisation de la visite-mystère excluent catégoriquement tout achat de produit.Nousyreviendronsdanslasection2.1.4quisuit.4Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.4.

Page 168: Le travail dans la performance organisationnelle

167

Lescénariodeventecontientdoncdefortsélémentsdeprescription.Ilestcomplété

pardeuxdocumentscontenant«Lesphrasesd’accueil»et«Les5attitudes».Nous

lesprésentonsavantdenousintéresserauprocessusd’évaluationdeladémarchede

vente:lavisite-mystère.

2.1.3� Phrasesd’accueiletattitudesdevente

Les phrases d’accueil sont présentées sous la forme d’un kit 1 «à destination de

l’ensemble des équipes de vente»2permettant de «coacher vos conseillers sur les

bonnes attitudes» 3 . Ce sont donc les managers (et adjoints) qui en sont les

destinataires initiaux.Laprésentationdukitrappelle:«Donnerenvieaupassagerde

resterdans laboutiqueetétablirunclimatdeconfiancefavorableà l’achatsontnos

priorités.»4.Entroisdiapositives,lekitdonnedesexemplesdephrases-typeselonles

thèmes suivants traduits en anglais: «Hospitality», «Building a climate of trust

favourabletomakingasale»et«Introducingamorecompetentsalesadvisortothe

client» 5 . Les phrases-type sont présentes dans cinq langues: tchèque, français,

polonais,espagnoletanglais6.

Les attitudes de vente se présentent également sous la forme d’un kit7. Elles sont

regroupéesselonles5momentsdeventedéjàvusetindiquentdescomportementset

des intentionnalitésattendus.Nousprésentonscertainsdeces itemsdans letableau

ci-dessous.Nousyindiquonsparticulièrementdesélémentsdeprescriptionquiseront

repris dans l’analyse de nos observations; demême nous indiquons les items qui

complètentlescénariodeventeprésentéci-dessus.

1Documentinterne,phrases_daccueil.pdf.2Documentinterne,phrases_daccueil.pdf,p.2.3Documentinterne,phrases_daccueil.pdf,p.2.4Documentinterne,phrases_daccueil.pdf,p.2.5Documentinterne,phrases_daccueil.pdf,p.3-5.6Documentinterne,phrases_daccueil.pdf,p.3-5.7Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf.

Page 169: Le travail dans la performance organisationnelle

168

SECTIONDELADEMARCHEDE

VENTE

ITEMS«ATTITUDES»

OUVRIR1

«Tournerleregardversl’entréedelaboutique»«Sepositionneràl’entréedelaboutique»,«Serendredisponible(abandonnertoutestâchesautres)»,«Semontrersansjamaiss’imposer�…�».

SOURIRE2

«Adopter une attitude physique engageante (présentation,comportement)»,«�…�donnersonregardetsonsourire!»,«Personnaliser la phrase d’accueil en fonction du type declientetcequ’ilfait».

CONSIDERER3

«Etreàl’écouteetnepascouperlaparoleauclient»«Poserdesquestionsutiles,attendrelesréponses»«Comprendre les motivations du client (cadeau, besoin,plaisir,…)»«S’assurer d’avoir bien compris les intentions du client enreformulant de façon synthétique (une phrase) lesinformationsfourniesparleclient»«S’adapteraurythmeetvocabulaireduclient»

ACCOMPAGNER4

«Projeterleclientdanslefuturavecleproduit»«Présenter des produits auxquels il n’avait pas pensé avecmontéeengamme»«Ne pas utiliser les formules: ‘Ce sera tout?’, ‘Avez-vousbesoind’autrechose?’»

REMERCIER5

«Accompagnerleclientaupointd’encaissement»«Proposer un service plus (service DCC, emballage cadeau,parfumage…)»«Effectuerl’encaissementsinécessaire»«Penseràprésenterlesautresboutiquesdugroupe»«Nepasseprécipiterpourprendrecongé»

1Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf,p.2.2Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf,p.3.3Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf,p.4.4Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf,p.5.5Documentinterne,�Démarchedevente�_Attitude.pdf,p.6.

Page 170: Le travail dans la performance organisationnelle

169

Laspécificitédudocumentsurlesattitudesdeventetientaufaitqu’illielesattitudes

deventeavecdesindicateurs:

§� Les attitudes recensées dansOuvrir, Sourire etRemercier «Augmente�nt� le

tauxdetransformationetstopratio».Lestopratioreprésentelepourcentage

de passagers qui sont entrés dans une boutique donnée, par rapport au

nombre total de voyageurs. Le taux de transformation représente le

pourcentagedepassagersayantachetépar rapportaunombredepassagers

étantentrésdansuneboutique1.

§� LesattitudesliéesàConsidéreretAccompagnercontribuentà«Développerle

panier moyen». Mais ce n’est pas tout. Celles associées à Considérer

contribuent également à «monter en gamme». Celles associées à

Accompagner permettent de «développer �…� le chiffre d’affaires et la

fidélisation».

Nous présenterons plus en détail les indicateurs de chiffre d’affaires et de panier

moyen à la section 3 du présent chapitre. A ce stade, il est simplement utile de

constater que la démarche de vente chez Boutiques Aéroport contient demanière

inhérenteuneréflexionsursacontributionàdesindicateursprincipalementfinanciers.

Ladémarchedeventeestdoncclairementfinalisée.

Continuons à présenter la démarche de vente avec les visites-mystère, avant de

présenterlechallengequiendécoule.

2.1.4� Fairerespecterlescénariodevente:lesvisites-mystère

Lescénariodeventequenousavonsprécédemmentprésentéau2.1.2sertégalement

de support d’évaluation à un audit de conformité effectué par une personne

extérieureàl’entrepriseBoutiquesAéroports2.Cetaudits’appelleunevisitemystère,

et l’auditeurunclientmystère.Nousexposons ici leprocessusdevisitemystère; la

1Dans les faits, seul le stop ratio est calculé chez Boutiques Aéroports, selon la formule suivante:«nombredetickets/nombredepassagersaudépart»-lenombredepassagersaudépartétantfournipar l’exploitantde l’aéroport(Entretiens des13et20 juin2014,p.5et8).Cecalculmêleenfaitstopratio et taux de transformation, faute d’informations disponibles sur le nombre de passagers quipénètrent en boutiques (Entretiens des 13 et 20 juin 2014, p. 8). En conséquence, nous ne nousattarderonspassurcesindicateursdansl’analyse.2Documentinterne,�Démarchedevente�.pdf,p.3.

Page 171: Le travail dans la performance organisationnelle

170

visite-mystère donne lieu à l’établissement d’un score sur la base d’un barème

présentéau3.4duprésentchapitre.

Boutiques Aéroports mandate une société prestataire de «clients mystère»

professionnels1afin de réaliser les visites-mystère. Chaque boutique de Boutiques

Aéroports est auditée au moins 5 fois dans l’année (5 visites-mystère) selon un

planningdiffusésurlesiteinternetdédié.Ceplanningindiquelemoisdurantlequella

visite-mystère aura lieu. Les exigences concernant les boutiques que nous avons

observéessonttoutefoissupérieures:lavisite-mystèrealieutouslesmois.

Unevisite-mystèresedérouledelamanièresuivante:leclientmystèreentredansla

boutiqueetsefaitpasserpourunpassagervoulantacheterunproduit.S’ensuitalors

une interaction, articulée autour des étapes du scénario de vente (cf. 2.1.2), et

scénariséeviades«Consignesenquêteurs»2incorporéesau scénariodevente.A la

différencedeclientsdits«normaux»,leclientmystèreainterdictiond’acheter3.

Afinde conserver ladiscrétionde l’audit, le clientmystèrenepeututiliser sa grille

d’évaluation (le scénario de vente) ouvertement devant les vendeurs. La

documentationdeladitegrilleintervientdoncaprèsqueleclientmystèreestsortide

laboutique.Outre lesélémentscontribuantà lanotation(quenousexposeronsdans

lasection3duprésentchapitre), lescénariodeventecomporteplusieursquestions

«Hors notation». Lapartie«S’ouvrir» contientainsi4questions«Horsnotation»,

qui permettent de donner des éléments de contexte lorsque l’accueil n’est pas

immédiat4.Le scénariodeventecontientunequatrièmepartie intitulée«Ambiance

1Ledocument«CharteQualitéEnquêteurs�…�» (p.1)de l’entrepriseprestataire indiquenotammentque lesenquêteursrecrutésontgénéralement15ansd’expériencedanscetyped’auditdans lemilieuaéroportuaire,etqu’ilsconnaissentlagrilled’évaluationparcœur.2Documentinterne,Scénariodevente.pdf.Parexemple,pourl’étape«Considérer»,ilestdemandéauvisiteurmystèrede restervaguequantaubesoin,denepaspréciser immédiatementque c’estpouroffrir(p.2).3Document«Briefingenquêteur»,p.2.Laraisonofficiellementdonnée indiqueque lesboutiquessetrouventenzonedétaxéeoùlesachatssontstrictementréglementés.Nousvoyonsuneseconderaison:lors du passage en caisse, tout passager doit produire sa carte d’embarquement, ce que le clientmystèrenepeutévidemmentfaire…Ilrisqueraitalorsd’êtredémasqué.4Documentinterne,Scénariodevente.pdf,p.1.Parexemple:siaucunvendeurn’aadressédesignedebienvenue,ilestdemandépourquoi;silevisiteurmystèredoitattendrequ’unvendeurviennelevoir,ilestdemandépourquoi,etcombiendetempsiladûattendre.

Page 172: Le travail dans la performance organisationnelle

171

générale de l’entretien», qui constitue un espace de débriefing à chaud guidé par

quatrequestions1.Ilestdemandéauxvisiteursmystèrederendredes«commentaires

de fin de �…� visite(s) �…� factuels et détaillés.»2. Enfin,même si le clientmystère

rencontredesconseillersdevente3,lerapportnecomporteaucunnom,seulementla

dateetl’heuredelavisite-mystère.

2.1.5� AnalyseetinterprétationdeladémarchedeventedeBoutiquesAéroports

Ladémarchedeventesematérialiseparuncorpusdetextesprésentantetdéfendant

lepointdevuede l’organisation sur lamanièrede réaliserunevente. Il s’agitdonc

d’undiscoursorganisationnel.

Commenousl’avonssoulignédanslesparagraphesprécédents,ladémarchedevente

chez Boutiques Aéroports s’articule notamment autour de deux axes: le

développementdesventes4et lecomportementdesvendeursvis-à-visde laclientèle

(«sourire»,«remercier»,attitudesde vente,phrased’accueil).Par construction, la

démarchedeventecontientdoncdesobjectifsetattentesémanantdeladirectionde

BoutiquesAéroports.Lediscoursémanantdeladémarchedeventequenousvenons

deprésenteradoncunevocationdeprescriptionà l’égarddutravaildevendeur(cf.

2.1.2).Entantquediscoursorganisationnelprescriptif,ladémarchedeventeexprime

plutôt lepointdevuedumanagement.Nousconsidéronsdoncque ladémarchede

vente, au-delà de constituer un discours organisationnel, constitue un discours

managérial prescriptif. C’est ce dernier aspect que nous retenons comme élément

principaldeladémarchedeventedanslecadredecettethèse.

Lediscoursprescriptifdeladémarchedeventesedoted’uncontrôledesonrespect–

la visite-mystère. Si le scénario de vente, comme nous l’avons vu, constitue la

1Document interne, Scénario de vente.pdf, p. 4. Il est par exemple demandé si le dialogue avec levendeur futchaleureux,sidesvendeursdiscutaiententreeux,sidesvendeursmontraientdessignesd’agacement.2Document«Briefingenquêteur»,p.2.3Aumoinsun(e),semble-t-il,etrarementplusdetrois,carilestdemandéd’effectuerl’auditlorsquelaboutiqueestrelativementpeufréquentée(Document«Briefingenquêteur»,p.2).4Lepremierrôledeladémarchedeventeest:«programmedequalitédeservice�…�afind’assurerlemême niveau de satisfaction client attendu et développer les ventes avec efficacité.» (Documentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.1,noussoulignons).Cf.supra2.1.1.

Page 173: Le travail dans la performance organisationnelle

172

référence de la démarche de vente (à destination des vendeurs), et le support

d’évaluation(àdestinationdesauditeurs),ladémarchedeventeetsonauditreposent

sur un périmètre quelque peu décalé. Par construction, le visiteur-mystère a

interdictiond’acheterquoiquecesoit.Parconséquent,certainesattitudesdeventene

peuvent être auditées; c’est le cas par exemple, dans la section «Remercier» de

«Accompagner le client au point d’encaissement» et «Effectuer l’encaissement si

nécessaire» (cf.2.1.3).Ainsi,par rapportauxobjectifsgénérauxde ladémarchede

vente (cf. 2.1.1), l’audit via la visite-mystère restemuet quant à celui qui semble

premier,àsavoirledéveloppementdesventes.

Enregarddenotrecadreanalytique,ladémarchedeventeestintéressanteàplusieurs

titres. Tout d’abord, la démarche de vente est un discours qui exprime une

prescription,souvent trèsdétaillée,decequedoivent réaliser lesvendeurs (phrases

d’accueil,attitudesdevente).Ence sens,cediscoursétablituneactivité ‘référence’

quiviseàservirdemodèle.Lediscoursdeladémarchedeventemodélisel’activitédes

vendeurs. Ensuite, le discours de la démarche de vente est sous-tendu par de

nombreux objectifs (cf. 2.1.1), certains d’entre eux renvoyant directement aux

mesuresdenotrecadreanalytique:lechiffred’affaires,ouencorelescoreobtenuàla

visite-mystère.

Avecladémarchedevente,noussommesdoncenprésenced’undiscoursmanagérial

quimobilise activité (sous l’angle prescriptif,mais avecmoult détails) etmesures.

Nouspercevonsque lesmesuresoccupentun rôle structurantdans cediscours, en

tantqu’aboutissementdeladémarchedevente:réaliserlechiffred’affairesàtravers

l’activitédevente (prescritepar lediscoursde ladémarchedevente),etobtenir la

satisfaction clientviaunevisite-mystèreétablissantun scorequi reflète ledegréde

conformitédel’activitéàlaprescription(nousreviendronssurcedernierpointau3.4

duprésentchapitre).Dans lemêmeordred’idées,nouspercevonségalementque la

démarchedeventepeutpermettre1d’améliorerlaperformanceauregarddeplusieurs

mesures: le chiffre d’affaires et le paniermoyen (lorsque la vente est réalisée), le

scoreobtenuàlavisite-mystèreetpar-là,lescoredelaboutique(cf.infra4.1).1Notreproposrestenuancécar,commenous l’avonsprécédemmentsouligné, l’auditde ladémarchedeventenepermetpasdecontrôlerdirectementlaréalisationduchiffred’affaires.

Page 174: Le travail dans la performance organisationnelle

173

Nousvenonsdeprésenterunpremier typedediscoursquenousavons relevé chez

Boutiques Aéroports: une démarche de vente manifestant un discours

organisationnel.Nousconsacrons laprochainesectionauxdiscoursdesmanagersde

proximité:managersetmanagersadjointsdeboutiques.

2.2� Lesdiscoursdesmanagersdeproximité

L’objectifdecettesectionestdemontrer lamanièredont lesmanagersexplicitent la

performancedutravaildevendeur.Cetteexplicitationseraétudiéesousdeuxangles

successifs: la caractérisation du travail de vendeur, et le rôle du travail dans la

performance.Nouslivrerons,pourchacundecesangles,uneanalysespécifique.

En raison de la taille prise par la présentation des données concernant la

caractérisationdu travaildesvendeurspar lesmanagersdeproximité, lasection qui

s’y consacre est formellement découpée en deux temps: d’abord la restitution des

données,puisl’analyseetl’interprétationdecesdonnées.Untelformalismen’estpas

indispensablepourlesecondanglesurlaprépondérancedutravail.

Nousdébutonsci-dessousparlacaractérisationdutravailselonlesmanagersetleurs

adjoints.Puisnousétudions le rôledu travaildans laperformance.Nous terminons

cettesectionparunesynthèsedesdiscoursdesmanagersdeproximité.

2.2.1� Letravaildevendeurselonlesmanagersetleursadjoints

2.2.1.1� Caractérisationdutravaildevendeurparlesmanagersetleursadjoints

Cesontlesréponsesàquelquesquestionsparticulièresdenotreguided’entretienqui

nous permettent de présenter les caractéristiques du travail de vendeur selon les

managers1:

Ø� Enquoiconsisteletravaild’unvendeur?

Ø� Qu’est-cequ’unbontravaildevendeur?1Ainsitoutescelless’yrapportantquiontpuêtreformuléesaumomentdeséchanges.

Page 175: Le travail dans la performance organisationnelle

174

�� Unmauvais?1

Enposantcetypedequestions,nousavonsrecueilliunemultitudedereprésentations

qui se recoupent (partiellement), se complètent (parfois), voire s’opposent.Pouren

fairesens,nousregrouponslesproposdenosinterlocuteursselonlanaturedeceque

les vendeurs fontoudoivent faire.Nous identifions ainsi6naturesdifférentes,que

nousprésentonsci-dessousen6tableaux:résultatdelavente,client,relationclient2,

caisse3,produits,hiérarchie/pairs.

A l’intérieurdechaquetableau, lescolonnesregroupentdesthématiquesprochesou

identiques.Lenombredeces thématiques fluctueselon les tableaux. Ils’étendde1

pourlacaisseà6pourcequiconcerneleclient,notamment.Dansunsoucidelisibilité,

nous synthétisons chacune de ces thématiques par un titre. A des fins de justesse

grammaticale et lexicale, nous ajoutons parfois un verbe aux termes effectivement

employés.

Lorsque les verbatims de nos interlocuteurs sont très longs, nous en proposons un

libellésynthétiquedansletableau,etlesverbatimscompletssontpositionnésennote

debasdepage.

1Ilestànoterque lesquestionssur lebon (mauvais) travaildevendeurontvitedérivévers«bonetmauvais vendeurs».Celleportantsur les indicateursdemesuredu travailadérivévers«l’évaluationdesvendeurs»demanièretrèsexplicitepourcertainsinterlocuteurs.Danscescas-là,nosinterlocuteursfaisaientréférenceàunbonoumauvaisvendeurgénérique,sansciternominativementtel outel.Nousnenousattarderonsdoncpasplussurceglissement.2Cettesous-classeviseuniquementàfaciliterlaprésentationdesitemsrelatifsauclient.Ellen’apaslestatutderésultat.3Nousplaçonsdélibérément la caisse àpart,parcequ’elle cristallisedesenjeuxorganisationnels surlesquels nous reviendrons. Elle cristallise aussi des enjeux symboliques et identitaires (un certaindéclassement,parexemple),quidépassentl’objetdecettethèse.

Page 176: Le travail dans la performance organisationnelle

175

Tableau1:Caractérisationdutravaildevendeurselonlavente

ManagerouManagerAdjoint

Vendredesproduitscomplémentaires

Vendre

MA1 Conseillerdanslaperspectivedevendreunproduitcomplémentaire1

Conseilleretvendre2

MA2 Créerlebesoinpourdesventescomplémentaires3

MA6 Faireduchiffred’affaires4

MA8 Développerlesventescomplémentaires5

MA9 Ventescomplémentaires6 Êtrebriefésurleschiffres(chiffred’affaires,paniermoyen,rupturedestocks)7

MA10 Vendreleproduitsupplémentaire8 Vendre9

M3 Ventesadditionnelles,«cross-selling»10

Participeraudéveloppementdesventes11

Cettepremièrecaractérisationdutravaildesvendeursmetl’accentsurlavente,eten

particuliersursonrésultat:l’achatparleclient.Commel’exprimetrèsbienMA10,les

vendeurs«sontlàpourvendre,paspourautrechose.»12;illeurfaut«faireduchiffre

1«Donceffectivementonvavousconseiller �…�.Doncnotreservicec’estavant tout,ça.C’estde,depercevoir lesbesoinsdu clientet…etde luiexpliquer.En tout casde luiprésenternosproduits, lacomplémentaritédenosproduits.Etsiçapeuteffectivement…luiapporterunplus.�…�Ets’ilveutfaireuncadeauaussic’est…luivendreaussileproduitcomplémentaireetluiexpliquerpourquoiceproduitcomplémentaireilest,ilest,ilest…complémentaireet…»(EntretienMA1,p.9)2«leur…premièretâchec’estd’accompagner leclient.Voilà.Etcepourquoielles…C’est leurmissionpremière,c’estde…c’est lavente.C’estconseiller,c’estconseillèredeventeavant tout.» (EntretienMA1,p.6).3«Et…avoirunebonnedécouverte,donc luiposer lesquestionsnécessaires,neserait-ceque:«oùest-ce qu’il voyage?», parce que derrière ils vont se demander… ils vont préparer leurs ventescomplémentaires,ilvoyage,tiensilvoyageausoleil,jevaispeut-êtreluiproposer…unecrèmesolaire.Ilvavoirde la famillequ’ilapasvudepuis longtemps, jevais luiproposer…unpetitcadeauenplus,enfinvoilà.Aprèsc’estvraiment…delatechniquedeventeenfait,vraimentallerdans,dansledétail,lequestionnement,ladécouvertedubesoin.Etmêmesileclientn’apaspenséqu’ilenavaitbesoin,c’estcréerlebesoin.»(EntretienMA2,p.3).4EntretienMA6,04/12/2013,p.1.5EntretienMA8,p.10.6EntretienMA9,p.8.MA9ajoute:«Unbonvendeurdonneenvied’achetermêmesi…»(p.9).7EntretienMA9,p.8.Surlesstocks,MA9précise:«Nejamaisproposerunproduitqu’onn’apas.»(p.8).8EntretienMA10,p.24.MA10ajoute:«mêmesipasbesoin.»(p.24).9«Ilssontlàpourvendre,paspourautrechose.»(EntretienMA10,p.27).10EntretienM3,p.5.Etd’ajouter:«Onestlàpourlebusiness.»(p.5).11EntretienM3,p.5.12EntretienMA10,p.27.

Page 177: Le travail dans la performance organisationnelle

176

d’affaires», confirme MA6 1 . Il semble cependant que cette caractérisation reste

insuffisante.Bonnombredenosinterlocuteursonteneffetmisenavant lanécessité

deréaliserdesventescomplémentaires,c’est-à-direobtenirl’achatdeproduitsquele

clientn’avaitpasinitialementenvisagés:«Et…avoirunebonnedécouverte,donclui

poser lesquestionsnécessaires,neserait-ceque:«oùest-cequ’ilvoyage?»,parce

quederrièreilsvontsedemander…ilsvontpréparerleursventescomplémentaires,il

voyage, tiensilvoyageausoleil,jevaispeut-êtreluiproposer…unecrèmesolaire.Il

vavoirde la famillequ’ilapasvudepuis longtemps, jevais luiproposer…unpetit

cadeauenplus,enfinvoilà.Aprèsc’estvraiment…de latechniquedeventeenfait,

vraiment aller dans, dans le détail, le questionnement, la découverte du besoin. Et

même si le client n’a pas pensé qu’il en avait besoin, c’est créer le besoin.»

(EntretienMA2,p.3,noussoulignons).

Tableau2:Caractérisationdutravaildesvendeursparrapportauclient

Managerou

Manageradjoint

Ecouteretconseiller

S’adapter

Offrirunservice

Suivreladémarchedevente

Satisfaireleclient

Fidéliser

MA1 Percevoirlesattentes2

S’adapterauclient3

Rassurer4

MA2 Découvrirleclient5

S’adapterauclient6

1EntretienMA6,04/12/2013,p.1.2«Doncnotreservicec’estavanttout,ça.C’estde,depercevoirlesbesoinsduclientet…»(EntretienMA1,p.9).3«Voilà,donc,oui,ilfauts’adapterenpermanence,ilfauts’adapterenfonctiondechacun.Maisçaon…onenparle souvent… lors…des…briefingsaussiavec leséquipes.Dans lamanièred’aborder leclient.Etqu’onatousdesclientsdifférents.»(EntretienMA1,p.10).4MA1:«Doncc’estimportant…defairerêverleclientetde…delerassurerdanssonachat.»StéphaneDESCHAINTRE:«Parcequec’estsouventbeaucoupd’argent.»MA1: «Oui. Ce sont des sommes conséquentes. Ce sont des sommes conséquentes et oui,effectivementdoncc’est importantqu’ilparte…avec… lesentimentd’avoirdépensé,d’avoir faitdebellesdépenses.»(EntretienMA1,p.11).5StéphaneDESCHAINTRE:«Oui,unbontravaildevendeur.»MA2:«Euhc’estavanttoutunepriseencharge,uneconsidérationdesbesoinsduclient.»StéphaneDESCHAINTRE:«D’accord.»MA2:«Etvraimentaller…dansladécouverteduclientpourlesatisfaireaumieux.Voilà,c’estvraimentça.»(EntretienMA2,p.2).6«Toutdépendduclientdéjà,voilà.S’adapterauclient, toutdépendduclientauquel ilsontaffaire.Maisçapeutêtreunclienttrèspressé,doncs’adapter justementaucôté«voilà jesuispressé, ilfautquevousfassiezvite».(EntretienMA2,p.3).

Page 178: Le travail dans la performance organisationnelle

177

(Suitedutableau

2)

Ecouteretconseiller

S’adapter

Offrirunservice

Suivreladémarchedevente

Satisfaireleclient

Fidéliser

MA4 Ecouteretconseiller1

Suivreladémarchedevente2

MA5 �N’avoir�aucunapriori3

MA7 Laventeestunservice4

Satisfaireleclient5

MA9 Bienconseiller6

Adaptersoncomportement7

MA10 Conseillerleclient8

Offriruncertainservice9

M1 Êtredansladémarchedevente10

M2 Suivreladémarchedevente11

Satisfaireleclient12

M3 Conseilleretvendre1

Fidéliser2

1«Après…c’estunequalitéd’écoute,deconseil …»(EntretienMA4,p.4).2«Voilà!c’est…ceque…on…nous…précisebien:c’est…qu’il faut…suivrecettedémarche �devente�,pourmontrerqueon…onavraiment…bahcequ’ondemande,lespointslesplusimportants:qu’est-cequec’estunevente?c’estquoid’accueillirquelqu’undansnosboutiques?»(EntretienMA4,p.5).3«Ilnefautavoiraucunapriorisurlesclients.»(EntretienMA5,p.2).4«Alorsletravaildevendeur…C’estdéjàpourmoiune…C’estunenotiondeservice.»(EntretienMA7,p.3).5StéphaneDESCHAINTRE:«Quandêtes-vousenmesurededirequ’unvendeurafaitdubontravail?»MA7:«Quandenpremierlieu…Quandleclientestsatisfait…entreguillemets,dela,delaprestationqu’ilaeue…Venteoupasventeàvraidire.»(EntretienMA7,p.6).6EntretienMA9,p.8.Etd’ajouterqu’ilfautposerles«bonnesquestions»(p.8).7«Ilyatouteunegestuelle.Suivantlesnationalitésdesclients,ilnefautpasêtretropprès.»(EntretienMA9,p.10)8EntretienMA10,p.24.Etd’ajouter:«Pourpouvoirconseiller,ilyatoutuntasdequestionsàposer.»(p.25).9Ilfautrecevoirleclientselonsesattentesd’uncertainservice(EntretienMA10,p.24).10«C’estfaire�lescénariodevente(acronymeinterne)�,c’est…Ouitoujoursavoiràl’espritd’être�dansle scénariodevente (acronyme interne)�vis-à-visdenotreclientèle,çac’estvrai.» (EntretienM1,p.13).11Accueillir,prendreencharge,serviretremercierleclient(EntretienM2,04/12/2013,p.3).12«S’assurerqueleclientreparteaveclesourire.»(EntretienM2,04/12/2013,p.3).

Page 179: Le travail dans la performance organisationnelle

178

Cette seconde caractérisation du travail de vendeur s’articule autour du client. En

termesd’occurrences,c’est l’écouteet leconseilquisemblentêtre lespluspartagés

parnosinterlocuteurs:

StéphaneDESCHAINTREOui,unbontravaildevendeur.MA2Euhc’estavanttoutunepriseencharge,uneconsidérationdesbesoinsduclient.�…�Etvraimentaller…dans ladécouverteduclientpour lesatisfaireaumieux.Voilà,c’estvraimentça.3

Dans cet extrait, et au-delà de l’écoute et du conseil,MA2 rejoint certains de ses

collèguesquiconfèrentàlasatisfactionduclientunrôlespécifique:«S’assurerquele

client reparteavec le sourire.» (EntretienM2,04/12/2017,p.3).Nos interlocuteurs

mettentégalement l’accentsur lanotiondeservice:«Alors le travaildevendeur …

C’est déjà pourmoi une… C’est une notion de service.» (EntretienMA7, p. 3). Ce

servicepeutsetraduirepourcertainsparlerespectdeladémarchedevente(cf.M2),

ouparuneindividualisationdelapriseencharge:«Voilà,donc,oui,ilfauts’adapter

enpermanence, il faut s’adapteren fonctionde chacun.Maisçaon…onenparle

souvent…lors…des…briefingsaussiavecleséquipes.Danslamanièred’aborderle

client.Etqu’onatousdesclientsdifférents.»(EntretienMA1,p.10,noussoulignons).

Enfin,M3 a exprimé une dimension particulière au travail de vendeur: celle de la

fidélisationduclient4.

1EntretienM3,p.5.2EntretienM3,p.5.3EntretienMA2,p.2,noussoulignons.4Quisemblecontenirunebonnepartdesthématiquesexpriméespar lesautresmanagersetadjoints.N’ayantaucunedonnéecomplémentaire,nousnepoursuivonspasl’analysedecettethématique.

Page 180: Le travail dans la performance organisationnelle

179

Tableau3:caractérisationdutravaildesvendeursselonlerelationnelclient.

ManagerouManageradjoint

Etablirunclimatde

confiance

Communiquer,

échanger

Accueillir

MA1 Créerunclimatdeconfiance1

Êtreenpermanencedansl’échange2

MA2 Créerunclimatdeconfiance3

MA4 Bienaccueillir4MA5 Êtresouriantet

agréable5MA6 Avoirunebonne

relationclient6

MA7 Mettreenconfiance7 MA8 Créerunerelation

spécifique,personnalisée8

Recevoirleclientetsourire9

MA9 Sourireetêtreaimable10

MA10 Accueillirimpeccablement,etremercier11

M1 Créerunerelationpersonnalisée12

1«Donceffectivementc’estdeleprendreenconsidérationdanssonétatglobal.Etpourquoipasnepasutiliser ces informations-là pour l’approcher, pour l’aborder et puis tout ça pour créer un climat deconfianceaveclui.Ouidonccréerunclimatdeconfiancedoncçac’estimportant.»(EntretienMA1,p.10).2«Et… puis… c’est unmoment partagé. C’est de la communication.On l’écoute et puis… on luidemandesonavis.Fautqu’ilyaunéchange.Voilà,c’estunéchange enpermanence.»(EntretienMA1,p.10).3«Unedécouverteclient,çavaallerpar…unquestionnement,çavaallerparunclimatdeconfiance,établirunclimat,unrelationnelserein,confiant…dynamiqueaussi,pasresterdanslamonotoniemais…voilàessayerde créerune…un…un terraind’entente,un climatde confianceavec le, le client.»(EntretienMA2,p.3).4«Onveutvraiment laqualitéauniveaude l’accueil:de l’accueilenelle-même,du…savoiraccueillirparunbonjour,unsourire,montrerqu’onestdisponible.»(EntretienMA4,p.4).5«Ilfautêtresouriantetagréableavectouslesclients.»(EntretienMA5,p.2).6EntretienMA6,04/12/2013,p.1.7«Donc là ilyavraiment, ilya vraimentcettenotiondeserviceetsurtoutdemettre…de mettreenconfianceparcequedesfoissur,onpeutêtrestressé,pourunvol,enfinvoilà.Avanttout,c’est,pourmoic’estça,c’estvraimentle,le,le,laqualitédeservice,etla,lamiseenconfiancede…dupassager,dufuturclient.»(EntretienMA7,p.5-6)8EntretienMA8,p.10.9Avecleclient(EntretienMA8,p.10).10EntretienMA9,p.8.MA9ajoute:«C’estleB.A.-ba.»(p.8).11EntretienMA10,p.24.12«De communiquer son enthousiasme, enfin de… et puis créer aussi l’animation dans la boutique.Parcequ’onaquandmêmeunbeloutilaveccetteboutique.Ilyadesespacesoùonpeutmaquiller…despersonnes,oùellespeuvents’asseoir.�…�Là,jeveuxdirec’estquedubonheur.Ilsont,surtoutsurlesmarques cathédraleoù ilsont les3axes �parfums, cosmétiques,maquillage�.Donc là ilspeuvent

Page 181: Le travail dans la performance organisationnelle

180

(Suitedutableau3)

Etablirunclimatde

confiance

Communiquer,

échanger

Accueillir

M3 Communiquer,etêtreencontactavecleclient1

Accueillir2

Commenousl’avonsditprécédemment,cettecaractérisationdutravailcentrée surle

relationnel client constitue une sous-classe, que nous dissocions pour faciliter la

lecturedenosrésultats.

Danscettecaractérisationdutravailcentréesur lerelationnelclient, lesdiscoursdes

managersetmanagersadjoints s’articulentautourde troisdimensions. Lapremière

met en avant la création d’un climat de confiance avec le client: «Donc là il y a

vraiment,ilyavraimentcettenotiondeserviceetsurtoutdemettre…demettreen

confianceparcequedesfoissur,onpeutêtrestressé,pourunvol,enfinvoilà.Avant

tout,c’est,pourmoic’estça,c’estvraimentle,le,le,laqualitédeservice,etla,lamise

enconfiancede…dupassager,dufuturclient.»(EntretienMA7,p.5-6).Cettemiseen

confiance s’accompagne souvent d’une relation plus personnelle avec le client,

qu’exprimentplusspécifiquementMA1etM1:

�� «Donceffectivementc’estde le�leclient�prendreenconsidérationdansson

état global. Et pourquoi pas ne pas utiliser ces informations-là pour

l’approcher,pour l’aborderetpuis toutçapourcréerunclimatdeconfiance

avec lui. Oui donc créer un climat de confiance donc ça c’est important.»

(EntretienMA1,p.10).

�� «Ils�lesvendeursetvendeuses�ont,surtoutsurlesmarquescathédraleoùils

ont les 3 axes �parfums, cosmétiques, maquillage�. Donc là ils peuvent

s’exprimer sur les 3 axes et mettre la cliente dans de bonnes conditions,

l’inviteràs’asseoir,luiproposerunmaquillageflash.»(EntretienM1,p.13).

En termes d’occurrences, la seconde dimension qui s’exprime a trait à lamanière

d’accueillir le client,de semontrer souriant etpoli avec lui: «On veut vraiment la

s’exprimersurles3axesetmettrelaclientedansdebonnesconditions,l’inviterà s’asseoir,luiproposerunmaquillageflash.Ilfautqueçasoit rapideparcequ’onsaitqu’ilsprennentunavion.Doncilyaquandmêmedesgenspressés.Maisilyaaussidesgensentransit.»(EntretienM1,p.13).1EntretienM3,p.5.2EntretienM3,p.5.

Page 182: Le travail dans la performance organisationnelle

181

qualitéauniveaudel’accueil:del’accueilenelle-même,du…savoiraccueillirparun

bonjour,unsourire,montrerqu’onestdisponible.»(EntretienMA4,p.4).

Enfin, la troisième dimension à cette caractérisation renvoie à la communication, à

l’échange,àl’interactionavecleclient:«Et…puis…c’estunmomentpartagé.C’est

delacommunication.Onl’écouteetpuis…onluidemandesonavis.Fautqu’ilyaun

échange.Voilà,c’estunéchangeenpermanence.»(EntretienMA1,p.10).

Tableau 4: caractérisation du travail des vendeurs par lesmanagers centrée sur la

caisse

ManagerouManagerAdjoint TenirlacaisseMA1 Fairedelacaisse,malheureusement1MA6 Encaisser2M3 Encaisser,maîtriserlacaisse3

Parconstruction,cettecaractérisationdutravailcentréesurlacaisseestextrêmement

précise,et s’articule autourd’unedimension, à savoir:encaisser.Comme l’exprime

MA1, le travail de vendeur consiste à être affecté, sur une vacation complète, à la

caisseetnonàlavente:«Etlà,aujourd’hui,onest,ontourneavecuneauxiliairede

ventepar,paréquipe.Ona…6caisses.Donc6caisses,uneauxiliairedevente.Onest

obligés, bien évidemment de mettre les ambassadeurs et les ambassadrices en

caisse.» (EntretienMA1, p. 13). Cette affectation est souvent perçue demanière

négative (cf.MA1). Tenir la caisse nécessite de connaître les procédures liées au

1MA1: «�E�t puis de la caisse malheureusement. Malheureusement aussi de la caisse, elles sontamenéesàfairede lacaisse.Alorsquandonestsurdespériodesestivales, l’été,onadesrenfortspardes,descontratsàduréedéterminée.Etdoncilssontaffectésàlacaisse.Doncçalessoulage,ellessontsoulagéesde,decesaspects-là.Etlà,aujourd’hui,onest,ontourneavecuneauxiliairedeventepar,paréquipe.Ona…6caisses.Donc6caisses,uneauxiliairedevente.Onestobligés,bienévidemmentdemettre lesambassadeurset lesambassadricesencaisse.Et jepenseque…c’estdifficilede,de faireautrement.Etpuis sionne satisfaitpas lesclients,enmême tempsc’estdesventesquine sontpasfaites,donc…quelquepartleursproduitsnesontpasvendusaussi.»StéphaneDESCHAINTRE:«Pourquoivousditesquec’estmalheureusementqu’il fautqu’on lesmetteencaisse?Pourquoimalheureusement?»MA1:«Pourquoilemotmalheureusement?»StéphaneDESCHAINTRE:«Oui.»MA1:«Parcequedéjàellesne le,ellesn’aimentpastropallerencaisseparcequ’elles,ellesestimentqueleur…premièretâchec’estd’accompagnerleclient.�…�Etc’estvraiquel’encaissementpeut-êtreparfoisprisaussipour…comme…quelquechosedenégatif.»(EntretienMA1,p.13)2EntretienMA6,04/12/2013,p.1.3EntretienM3,p.5.

Page 183: Le travail dans la performance organisationnelle

182

contrôledesfluxd’argent liquide,etengage laresponsabilitédeceluioucellequien

estletitulaire.

Comme nous le verrons en étudiant l’activité des vendeurs, tenir la caisse peut

également revêtirunaspectplusponctuel,àsavoirencaisserunclientspécifiqueau

termed’unéchanged’achat1.

Tableau5:caractérisationdutravaildesvendeursenlienaveclesproduits

ManagerouManagerAdjoint

Connaîtrelesproduitsetles

marques

Respecterlemerchandising

Tenirlelinéaire

Effectuerleréassort

MA3 Connaîtrelesmarquesetproduits2

Respecterlemerchandising3

Avoirunlinéairebientenu4

MA4 «Vérifierlesplansmerch’»5

Tenirlelinéaire6

Rechargerlesproduits10

MA5 Connaîtrelesproduits7

Êtreminutieuxdanslesmarques8

MA6 Respecterlemerchandising9

Effectuerleréassort10

MA7 Avoiruneaffinitépourlemerchandising11

MA9 Recharger12

Pour lesmanagers que nous avons rencontrés, le travail de vendeur recouvre des

aspectsquiconcernent lesproduits. Ilsecaractérised’abordpar laconnaissancedes

1Voirenparticulierlasituationn°1.2EntretienMA3,p.22,enajoutant:«C’estprimordialpourlavente.»(p.22).3EntretienMA3,p.21et22.4EntretienMA3,p.21et22.Enprécisant:«propre»,«prixaffichés»(p.22).5EntretienMA4,p.6.6«c’estquelqu’unquivaêtredynamiquesurleterrain;quiva…avoir…onvadire,l’œilpartout,c’est-à-dire:unproduitmalplacé,valereplaceraubonendroit;unproduitquimanqueuneétiquette,c’est,nous lesignaler:‘Ilmanqueuneétiquette’,onva imprimer lesétiquettes.Ilmanque leproduiten lui-même:yauntroudanslelinéaire:‘tiens,yaunerupturesurceproduit?’,ilmanqueletesteur,ouletesteur est vide… �…� C’est quelqu’un qui va être dynamique sur terrain: y a de la poussière, �…�recharger…lescoffretsdemaquillage,deparfums,recharger…lescoffretsdeNoël,parexemple;allerenréserverecharger…»(EntretienMA4,p.6)7EntretienMA5,p.1.8Enprécisantquecelaportesurlescollectionsetlemerchandising(EntretienMA5,p.1).9EntretienMA6,04/12/2013,p.1.10EntretienMA6,04/12/2013,p.1.11«Etpuisendernier lieu, ilyaaussi le, le… l’autre côténonquantifiableaussi,maisquin’estpasnégligeable,c’estvraimentsur le…surtoutcequiesttenuede laboutique, le… lesaffinitéspour lemerchandising,pourproposerdeschoses,voilà.»(EntretienMA7,p.10).12EntretienMA9,p.11;etd’ajouter:«Icic’esttrèsphysique,ilfautlesrechargerlesalcools.»(p.11).

Page 184: Le travail dans la performance organisationnelle

183

produits et des marques proposés dans la boutique (MA3 etMA5). A cet égard,

certainsmanagersinsistentsurlaprésentationdesproduits(le«merchandising»),qui

estdéfinieparlesmaisons-mèresdesmarques.Commel’indiqueMA7,ilrestepossible

defairedespropositionsdeprésentation:«Etpuisendernierlieu,ilyaaussile,le…

l’autrecôténonquantifiableaussi,maisquin’estpasnégligeable,c’estvraimentsurle

… sur toutcequiest tenuede laboutique, le… lesaffinitéspour lemerchandising,

pour proposer des choses, voilà.» (Entretien MA7, p. 10). Ensuite, deux autres

dimensionssedégagent,‘tenirlelinéaire’et‘effectuerleréassort’.Letravailconsidéré

danscesdimensions recouvredemultiplesaspects,queMA4 résumeparfaitement:

«…avoir…onvadire,l’œilpartout,c’est-à-dire:unproduitmalplacé,valereplacer

au bon endroit; un produit quimanque une étiquette, c’est, nous le signaler: ‘Il

manque une étiquette’, on va imprimer les étiquettes. Ilmanque le produit en lui-

même:yauntroudanslelinéaire:‘tiens,yaunerupturesurceproduit?’,ilmanque

le testeur, ou le testeur est vide… �…� C’est quelqu’un qui va être dynamique sur

terrain:yade lapoussière, �…� recharger… lescoffretsde maquillage,deparfums,

recharger … les coffrets de Noël, par exemple; aller en réserve recharger …»

(EntretienMA4,p.6).

Tableau6:caractérisationdu travaildesvendeurspar rapportà lahiérarchieetaux

pairs

Managerou

ManagerAdjoint

Avoirl’espritd’équipe

Êtreprésent

etponctuel

Êtredynamiqueetmotivé

S’impliquer

Être

autonome

Respecterlesrègles

MA2 Avoirl’espritd’équipe1

Êtreprésent2

1«Plutôtvis-à-vis,oui,de lahiérarchie,oualorsde l’équipe,mêmeauseinde l’équipe,unrespectauseindel’équipe,ou…unindividutrop…troppersonnel,outropégoïste.Enfinvoilàilfautaussi…nouson aime bien ici on a un vrai esprit d’équipe, qu’on essaye d’entretenir et de dissiper s’il y a desmalentendus,çaarrive,onestprincipalementununiversde…féminin,donc ilyatoujoursdespetiteshistoiresqu’onessayededissiper,et…detravaillerdansun…dansunesprit…ouais…»(EntretienMA2,p.10).2«Alorsaprèsilyalecôté…comportementalaussi,cequejedisais,tout,tout…Onpeutêtreunbonvendeur,unexcellentvendeuretfairesonchiffre,et…etêtreabsent troismoissurquatreou,enfinvoilà. Le temps qu’on est là on le fait correctmais il peut y avoir d’autres problématiques liées aucomportementàcôté.»(EntretienMA2,p.10,noussoulignons).

Page 185: Le travail dans la performance organisationnelle

184

(suitedutableau6)

Avoirl’espritd’équipe

Êtreprésent

etponctuel

Êtredynamiqueetmotivé

S’impliquer

Être

autonome

Respecterlesrègles

MA3 Fairepreuvededynamisme1

MA4 Sanction-nerlesretards2

Êtredynamique3

MA5 Avoirl’espritd’équipe4

Montrerdelamotivation5

Montrersescompétences6

Apprendreparsoimême7

MA6 Êtreflexible,àl’heure8

Êtremotivé9 Prendredesinitiatives10

Etreautonome11

Porterl’uniforme12

MA7 Apporteràl’équipe13

«proposerdeschoses»14

MA8 Nepasêtreenretard15

Nepasinsulter16

MA9 Nepasêtreenretard1

Respecterlesrègles2

1Etmotivation(EntretienMA3,p.22).2«Etmoi à chaque fin demois ou aumilieu demois, je reprends, et on voit les gens qui ont tropd’écarts,onvoitlesgensquiontdesretardsàcemoment-làaussi…donconrevoitlesgensaussipeut-être.Lesretards,lesretards,c’est…arriverenretardtoutsimplement.C’estvraimentles…c’est,c’estpas vraiment, enfin, c’est dumanagement si on veut,mais c’est … c’est vraiment bah voilà à unmoment: si, sion respectepas les, lesbases,… faut sanctionner, faut reprendre lesgens… faut lesrevoir,leurdirequ’est-cequivapas.»(EntretienMA4,p.3).3«�…�fauttoujourssemontrerdynamique,enboutique.»(EntretienMA4,p.6).4EntretienMA5,p.1.5EntretienMA5,p.1,enajoutant:«Montrerqu’onaenvie.»(p.1).6Aproposdeslanguesétrangères,desgammesdeproduits(EntretienMA5,p.1).7Etvoirseslacunes(EntretienMA5,p.1).8EntretienMA6,04/12/2013,p.1.9EntretienMA6,04/12/2013,p.1.10EntretienMA6,04/12/2013,p.1.11Etinvesti(EntretienMA6,04/12/2013,p.1).12Etavoirunebonneprésentation,êtresérieux(EntretienMA6,p.1).13«Et…etentroisième lieu, ilyaaussi…tous lesà-côtésquinepeuventpasêtrequantifiés,quinepeuventpasêtrechiffrés,maisde la… l’apportde lapersonne,auseinde l’équipe. Je f’, je raisonnebeaucoupentermesd’équipe.Pourmoic’est,c’estprimordial.Donc…je,jemetsunpointd’honneuràcequevraimentque,queleséquipessoientunmini,unmaximumsoudéesentreellesetvoilà,et…etchacunasonrôleàjouerdedans.»(EntretienMA7,p.10).14EntretienMA7,p.10.15EntretienMA8,p.11.16EntretienMA8,p.11.

Page 186: Le travail dans la performance organisationnelle

185

(suitedutableau6)

Avoirl’espritd’équipe

Êtreprésent

etponctuel

Êtredynamiqueetmotivé

S’impliquer

Être

autonome

Respecterlesrègles

M1 Avoirlaniaque3

M3 Avoirl’espritd’équipe4

Êtreassidu5

Prendredesinitiatives6

Alleraudelàduposte7

Avoirunétatd’espritsurlaqualité8

Danslacaractérisationdutravaildevendeurretracéeci-dessus,lesmanagersetleurs

adjointsexprimentdesdimensionsrelativesaucomportementdesvendeursvis-à-vis

de leurs pairs et de la hiérarchie. Ces dimensions couvrent l’organisation

administrative(lerespectdesrègles,etplusparticulièrementcellesde laprésenceet

de la ponctualité souvent évoquées), l’intégration dans un collectif (avoir un esprit

d’équipe), et l’implication individuelle des vendeurs (autonomie, implication,

motivation).

2.2.1.2� Analysesetinterprétations

Les tableaux ci-dessus contiennent les propos de nos interlocuteurs managers et

managers adjoints, en réponse àdesquestions centrées sur cequ’estun travailde

vendeur; lesquestionsposées intégraientégalementdesdimensionsextrêmes sur

leurreprésentationdutravail:‘qu’est-cequ’unbon,unmauvaistravaildevendeur?’

Les discours que tiennent nos interlocuteurs sur le travail des vendeurs semblent

premièrementassezattendus. Ils indiquenteneffetque levendeurvend(tableau1),

interagitavecunclient(tableaux2et3),encaisse(tableau4)ets’occupedeproduits

1 Sanctionnés lors de l’évaluation annuelle des vendeurs, lorsqu’ils sont fréquents et injustifiés(EntretienMA9,p.10).2EntretienMA9,p.9.Cequicomprendleverrouillagedelacaisseencasdepause(p.9),etdesattentesd’uncomportementsansviolenceniagressivité(p.10).3«�…�des vrais vendeurs, vrais, vrais vendeurs, avec cetteniaquede,de…de vouloir vendreetdeprendreplaisiràvendre�…�.»(EntretienM1,p.13).4Comprenantlapolyvalence,etlefaitd’être«fédérateur»et«leader»(EntretienM3,p.5).5Quiestintégréedanslesprimesdesvendeurs(EntretienM3,p.5).6EntretienM3,p.5.7EntretienM3,p.5.8EntretienM3,p.5.

Page 187: Le travail dans la performance organisationnelle

186

(tableau 5). Pourtant, certaines de ces caractéristiques comportent de nombreuses

thématiques,quisontautantdedimensionssensiblementdifférentes.Ainsi, letravail

en lien avec le client se caractérise par des dimensions allant de l’adaptation à la

fidélisation,enpassantnotammentparleconseiletladémarchedevente.Concernant

les produits, la caractérisation du travail couvre la propreté et le remplissage du

linéaire,maisaussiladispositionattrayanteetlaconnaissancedesproduits.Atravers

cette diversité, les discours de nos interlocuteurs proposent une caractérisation du

travaildesvendeursricheetlarge,toutenétantsouventprécise1.Ilssignifientalorsla

complexité des représentations managériales qui s’articulent autour du travail de

vendeur.

La dernière caractérisation du travail par lesmanagers et adjoints (tableau 6)met

l’accentsurunaspectunpeuplusparticulier:lecollectifreprésentéparlahiérarchie

et les pairs. Lesmanagers et leurs adjoints parlent alors de respect des règles (en

particulier, celles de ponctualité), d’esprit d’équipe, demotivation et d’autonomie.

Dans cette optique, le travail de vendeur implique de collaborer avec d’autres

vendeurs,etdefairepreuvedemotivationetd’autonomie.

Lacaractérisationdutravailtellequ’elleressortdanslestableauxprécédentsexprime

égalementlesattentesdenosinterlocuteursvis-à-visdutravaildevendeur.Ainsi,MA1

nousditque:«C’est leurmissionpremière,c’estde…c’est lavente.»(entretien,p.

6).Par rapportauclientetau relationnelavec lui,MA4nous indiqueque:«c’est…

qu’ilfaut…suivrecettedémarche�devente.�»(entretien,p.5).Ensuite,surlesautres

thématiques, lesmanagers et leurs adjoints explicitent, entre autres, «faire de la

caisse» (tableau4),«respecter lemerchandising» (tableau5)et«Allerau-delàdu

poste»(tableau6).Nousconsidéronsdoncquelesthématiquescaractérisantletravail

devendeurchezBoutiquesAéroportsrelèventdelaprescriptiondecemêmetravail.

1Notons ici que la représentation riche et large ne provient pas spécifiquement de notre démarched’analyse.Eneffet,les6tableauxquenousavonsprésentésnesontpasdesmatricesdiagonales.C’est-à-direque,àderaresexceptions, lesthématiquesqui lescomposentcorrespondentàdesproposd’aumoinsdeuxmanagersdeproximitédifférents.Enoutre,aucundestableauxn’estsegmentéselondesmanagersdeproximité rencontrés.C’est-à-direque lesdiscoursd’unmanagerdeproximitédonnéseretrouventdansdes tableauxdifférents:ceuxdeMA1se trouventainsidans4 tableaux,ceuxdeM3dans5tableaux,etc.

Page 188: Le travail dans la performance organisationnelle

187

Al’aunedenotrecadreanalytique(cf.chapitre4),lacaractérisationdutravailparles

managersetleursadjointscontientplusieursélémentsintéressants.

Toutd’abord,lesmanagersetmanagersadjointsexplicitentl’intérêtdecetravailpour

l’organisation:vendre,conseiller,rassurer,satisfaire,encaisser,fidéliserleclient,tenir

le linéaire (propreté, réassort), etc. Au travers de ces multiples aspects, nos

interlocuteursexpriment lesbénéficesquepeutapporter le travaildevendeur chez

BoutiquesAéroports,notamment:duchiffred’affaires (vendre), lasatisfactionde la

clientèle, ou encore une bonne présentation des boutiques (propreté, réassort). Ils

expriment donc par leurs discours ce que recouvre la performance du travail de

vendeurchezBoutiquesAéroports.

Parmitouslestableaux,unethématiquenousasembléparticulièrementmarquante:

il s’agitde celle concernant lesventes complémentairesdans le tableau1.Eneffet,

une partie significative de nos interlocuteurs1mentionne comme rôle du travail de

vendeurd’apporterdesventescomplémentaires,c’est-à-direinciterleclientàacheter

d’autresproduitsqueceuxpour lesquels ilétaitvenudans laboutique.L’importance

accordée aux«ventes complémentaires» invite ànousposer laquestion suivante:

représenteraient-elles finalement ce que la hiérarchie identifie comme apport

déterminantprovenantdutravaildesvendeurs?Autrementdit, la«performancedu

travail» sematérialiserait,dupoint de vuede lahiérarchie, dans la réalisationdes

ventes complémentaires. Si tel était le cas, cela signifierait également que la vente

«normale» (par opposition: sans «produit complémentaire», c’est-à-dire ne

comportant que les produits pour lesquels le client est entré dans la boutique)

recouvreassezpeud’enjeux.Certainsdenosinterlocuteursreconnaissentmalgrétout

que lavente,mêmeen«déroulant» ladémarchedevente, n’estpassystématique2.

Toutefois, nous ne pouvons négliger cette forte prégnance des ventes

complémentairescommeunsigned’uneorientationmarquée.

16surles13interviewés,soitprèsde50%.2Parexempledans l’extraitsuivant:«Etaufinal,enfinmettonsquemoi jesoisunvendeurdébutant,j’applique�ladémarchedevente�àlalettre,jeréussislaventeàtouslescoups?(rires)Ceseraitparfait(rires)!Nonparcequ’onabiensûrtoujoursdesfreinsàlavente…Tout,toutdépend…devotrefaçondeproposerleschoses,auclientdelesintercepter.Maisvoilà,lestechniquesdevente,sinontouslescommerciaux réussiraient…leursbénéfices.»(EntretienMA2,p.5).

Page 189: Le travail dans la performance organisationnelle

188

Endépitdecetteorientationplusmarquée,unesynthèsedelaperformancedutravail

regroupant toutes les dimensions contenues dans les tableaux précédents s’avère

délicate.Celasemblemettreenévidenceque laperformancedutravailestunobjet

aux contours et dimensions variés. A cet égard, la performance du travail semble

difficileàmodéliser.

Cependant, en analysant les discours au prisme desmesures et de l’activité, il est

possibled’accéderàd’autresélémentsdelaperformancedutravail.Lamiseenœuvre

de notre cadre analytique permet alors demieux comprendre ce que recouvre la

performancedutravail.

Les discours des managers et adjoints contiennent, nous l’avons déjà dit, des

descriptionsfinesdutravaildevendeur1:

�� Surlaproximitéavecleclient(MA9,tableau2),

�� Surlefaitderassurerleclient(MA1,tableau2),

�� Surlarelationaveclesclients(sourire,remerciement–tableau3),

�� Surlatenuedulinéaire(propreté,étiquettes,produits–cf.tableau5).

Ces descriptions fines renvoient à l’activité des vendeurs, en tant que catégorie de

notrecadreanalytique.

Parailleurs,letableau1contenantlesitemscaractérisantletravaildesvendeursselon

l’aspectmesuresdenotrecadreanalytique.Dansce tableau,nos interlocuteurs font

effectivementréférenceàdesindicateurs(chiffred’affaires,paniermoyen–quenous

présentonsendétailàlasection3duprésentchapitre)relatifsauxdeuxthématiques

relevées,àsavoir:‘vendre’et‘vendredesproduitscomplémentaires’.

Ainsi, les discours desmanagers et de leurs adjoints sur le travail comportent des

élémentsrelevantdescatégoriesactivitéetmesures.

1D’autresénoncés,aucontraire,abordent l’activitéd’unemanièreplus large,maisavecdesénoncésprécis et concrets: «être au service du client», «s’adapter», «percevoir les attentes des clients»,«mettreenconfiance»,«respecterlemerch’»,etc.Lesdescriptionsfinesetprécisesdutravailparlesmanagers tiennent certainementau faitque laplupartdenos interlocuteursont été vendeursavantd’occuperunepositionhiérarchique.Toutefois, leparcoursdecarrièrenenous semblepasexpliquertotalement le faitquedesélémentsdedétail soientévoquésàproposdu travaildesvendeurs,alorsque, comme le montrent les tableaux précédents, de nombreuses autres dimensions existent –notammentchiffrées.

Page 190: Le travail dans la performance organisationnelle

189

Activité etmesures s’articulentmême au sein des discours. Comme l’explique par

exempleMA2,lesventescomplémentairesnécessitentunquestionnementdétailléde

lapartdesvendeurs(uneactivité):«�…�poserlesquestionsnécessaires,neserait-ce

que:«oùest-cequ’ilvoyage?»,parcequederrière ilsvont sedemander… ilsvont

préparer leurs ventes complémentaires, il voyage, tiens il voyage au soleil, je vais

peut-êtreluiproposer…unecrèmesolaire.Ilvavoirdelafamillequ’ilapasvudepuis

longtemps, je vais lui proposer… un petit cadeau en plus, enfin voilà.Après c’est

vraiment…de la techniquede vente en fait, vraiment allerdans,dans ledétail, le

questionnement, ladécouvertedubesoin.Etmêmesi leclientn’apaspenséqu’ilen

avaitbesoin,c’estcréerlebesoin.»1.

Danscetextrait,nouspercevonsbienquel’activitéestorientéepourproduireuneffet

surunemesure:lequestionnementviseàfaireacheterunproduitsupplémentaireau

client,pourainsigénérerduchiffred’affairesetimpacterlepaniermoyen.

Nousmanquons toutefoisd’éléments concernant lepointdedépartdudiscoursde

l’extrait: serait-ce en fait l’objectif de ventes complémentaires qui introduit une

activitévisantà l’atteindre?Danscecas, lesmesuresstructureraient lesdiscourssur

l’activité. Ouserait-cel’inverse,c’est-à-dire:l’activitérelativeauxtechniquesdevente

(commelementionneMA2)contient-ellelapossibilitédedéfinirunindicateurportant

sur sa réalisation?Dans ce cas, la richessedudiscours sur l’activitépermettraitde

définird’autresindicateurs–etainsi,possiblement,améliorerlepilotage.

Apartirdecemêmeextrait,etpourprolongerlesquestionsci-dessus,onpeutmême

seposerunequestionplusgénéralequinoussembleintéressante,carelleconfèreune

dimensionplus largeà lamesure.Eneffet,onpeutsedemandersi, lesmesures,dès

leurcréationoudéfinition,n’ontpastendanceàcontenirlamanièredelesalimenter,

c’est-à-dire à supposer, du moins en partie, une activité qu’elles capteraient ou

cristalliseraient.Expliquonsparexempleàpartirducasd’uncréateurd’entreprise.Si

cedernierenvisaged’atteindre telniveaudechiffred’affaires, ilnoussembleque la

définition de cet objectif entraîne l’identification d’un certain nombre d’actions2à

1EntretienMA2,p.3.Lesélémentsrelatifsà l’activité(ici,questionnementetréflexion)sontsoulignésd’untrait,etceuxconcourantauxmesuressontengras.2Quiconstituentalorsl’activitédel’entrepreneurenquestion.

Page 191: Le travail dans la performance organisationnelle

190

réaliserpouratteindrecetobjectif: faireconnaître l’entreprise (créeruneplaquette,

un site internet ...), démarcher les clients potentiels, etc. Toutes ces actions

constituentalorsl’activitédel’entrepreneur enquestion.Alorsdanscetteperspective,

le niveau de chiffre d’affaires envisagé (lamesure), contient et présuppose, dès sa

création,uneactivitéquisemetenœuvrepour l’atteindre.C’estainsique lechiffre

d’affairescristalliseraitl’activitéquicontribueàleréaliser.

Sinousnepouvonsicitrancherentreceshypothèses,l’extraitci-dessusmontrequela

mise en œuvre de notre cadre analytique peut susciter des questionnements

intéressants sur les possibles liens entre les catégories qui le composent – comme

nousvenonsdelefaire.

Pour terminer cette sous-section, nous voudrions revenir sur le tableau 6 qui

caractériseletravaildesvendeursparrapportàlahiérarchieetauxpairs.Lediscours

managérialouvreiciàunedimensionplus«sociale»delaperformancedutravail.Les

managers et adjoints expriment en particulier leur souhait d’avoir une bonne

ambiancedetravaildanslesboutiques(espritd’équipe,retards,comportement),sans

mentionner d’impact sur les ventes. Dans ce volet, la place de l’activité est

ambivalente.Elleestd’uncôtéimmédiatementcontenuedanscertainspropos(surle

présentéisme ou le comportement, notamment). D’un autre côté, elle semble plus

marginaledans les thématiques relevantde«l’espritd’équipe»,du«dynamisme»,

ouencoredela«motivation».

Les thématiques contenues dans le tableau 6 précédent permettent également de

décelercertainestensionsdanscequiestattendudutravail.Parexemple,MA2laisse

clairemententendrequeréaliserlechiffred’affairesn’estpassuffisant:«Alorsaprès

ilya lecôté…comportementalaussi,ceque jedisais,tout,tout…Onpeutêtreun

bonvendeur,unexcellentvendeuretfairesonchiffre,et…etêtreabsenttroismois

surquatreou,enfinvoilà.Letempsqu’onestlàonlefaitcorrectmaisilpeutyavoir

d’autresproblématiquesliéesaucomportementàcôté.»(EntretienMA2,p.10,nous

soulignons).Nous pouvons comprendre de ce verbatim qu’unmanager pourrait se

Page 192: Le travail dans la performance organisationnelle

191

séparerd’unvendeurenraisondesesabsencesrépétées,etcemalgrésesexcellents

résultats.

Certes, ces thématiques peuvent se traduire concrètement dans l’activité; par

exemple, le «dynamisme» peut se manifester dans l’intonation du «bonjour»

adresséauclient,dans ladémarcheduvendeur,danssarapiditéàranger le linéaire,

etc.; l’esprit d’équipe peut par exemple semanifester dans le transfert de tâches

entrecollègues1.Toutefois, lesdescriptionsquenousavonscollectéesmanquentde

précision et de concret à ce sujet. Certaines ne relèvent pas non plus du travail

(l’absence). En-dehors des frictions qui pourraient ressortir, nous ne développerons

donc pas plus avant, dans le cadre de cette thèse, les analyses et interprétations

concernantlesthématiquesdutableau6précédent.

Al’issuedecetteprésentationde lacaractérisationdutravailparlesmanagersetleurs

adjoints,etdesanalysesquiendécoulent,ilnoussemblenécessaired’exposerlerôle

prépondérantquelesmanagersetleursadjointsattribuentautravaildesvendeurs.

2.2.2� Lerôledutravaildesvendeursdanslaperformance

Après la caractérisation du travail, notre questionnement auprès desmanagers et

managers adjoints a cherché à comprendre le rôle que ces derniers pouvaient

attribuer au travail des vendeurs, dans l’atteinte de la performance. Notre guide

d’entretiencomportaitenparticulierlesquestionssuivantes:

§� Ladémarchedeventeest-elleimportantedansletravailauquotidien?

§� Quelrôlealetravaildevotreéquipedansl’atteintedesobjectifsdevente?

§� S’ilyavaitplusdevendeurs,onvendraitplus?Etréciproquement?

§� Etes-vousàl’optimumentermesd’effectifs?

1Cedontnousrendonsnotammentcompteau6.2.6duprésentchapitre.

Page 193: Le travail dans la performance organisationnelle

192

Au fildeséchanges,nousavonspuajusternotrequestionnementpourparexemple,

demanders’ilsuffitd’appliquerladémarchedeventepourvendreunproduitousiles

produitspouvaientsevendresansvendeur(commeenlibre-service).

Plusdelamoitiédenosinterlocuteursattribuentexplicitementauxvendeurs1unrôle

prépondérant ou primordial dans l’atteinte de la performance chez Boutiques

Aéroports.Letableausuivantexplicitelespropostenus.

Tableau7:lerôleprépondérantdesvendeursdansl’atteintedelaperformance

ManagerouManagerAdjoint

Discours

M1 Lesproduitsnesevendraientpassansvendeur,parceque leconseilestindispensable:gammevaste,produitstechniques2.

M2 Lerôledesvendeursest«trèsgrand»,tantdans l’accueil (enréférenceaustopratio)quedansleniveaudupaniermoyen3

M3 «Cesont lesconseillersdeventequifont laperformance.»,et lepaniermoyenestunindicateurdelaperformanceduvendeur4.

MA6 «Lesvendeursontunegrandepart.C’esteuxquifont,c’estpasnous.»5MA7 «Mais…legrosduboulot,c’esteuxquilefont.C’estsûr.Moijesuisjuste

làpourmettrelecadre,pourmettre,pourêtreladirectionunpeu,deceversquoionveutaller.»1

1Laformulationdemesquestionscontenaitle«travaildevendeur»ou«travaildevente».Mais,selonles caractéristiques du travail, la dissociation d’avec l’individu est des plus compliquées. Mesinterlocuteursontdoncsystématiquementdérivévers«lesvendeurs».2StéphaneDESCHAINTRE:«Est-cequec’estdesproduitsquisontenfaitauto-vendeurs,ouest-ceques’iln’yavaitpasdevendeur,ilssevendraientquandmême?»M1:«Non.Cen’estpaspossible.L’axeparfums,àlalimite,onaimeouonn’aimepas.Unparfumc’estvrai:on aimeouonn’aimepas. Euh… Le soin, la cliented’aujourd’hui, je veuxdire elle est très aucourant,trèsàl’affût…desmagazines,decequisefaitsurlesmarchés.Maisjeveuxdire…Vousavezvu lagammeestvaste.Doncmoijememetsà laplacede lacliente:j’arrive,jeveuxunecrème,maisquelle crème?Qu’est-ce que j’attends? Il y en a tellement!Non, on a besoin de spécialistes pourconseiller.Dans les soins,onnepeutpas fairede l’àpeuprès,parceque… comme jevousdisais, laclienteestà l’affût,detoutcequisepasseentermesd’innovationspour lessoins,etc…elleveutdesrésultatsetlà,iln’estpasquestiondesetromper.�…�Lemaquillage,c’estpareil.C’estpareil,onaimeouonn’aimepasauniveaudescouleurs,mais…ilfautsavoirtravaillerlescouleurs,ilfautsavoirposer,jenesaispas,unmascara,uneombreàpaupières.Enfinilfautmaitriserdestechniquesdemaquillage,etj’imaginemêmepasuneboutiquesansspécialiste,dansnotreunivers.»(EntretienM1,p.16).3EntretienM2,06/02/2014,p.2.M2préciseque lesvendeurssontaucontactdesclientsetques’ilsn’accueillentpas,lestopratiodiminue(p.2).M2ajouteensuitequeleconseillerdeventeaunimpactimportantsurlepaniermoyen(p.3).4EntretienM3,p.8.M3ajoutequ’enraisond’objectifsambitieuxetd’aléas,lesCVn’ontpasvraiment«lamain»surlechiffred’affaires;maisplussurlepaniermoyen,qu’ilconsidèred’ailleurscommeun«indicateurdelaqualitédeperformanced’unconseillerdevente»(p.8).Plustard,M3confirmetoutennuançant que le «rôle le plus important c’est les conseillers de vente car ils ramènent le chiffre�d’affaires�.Maisderrièreilyaunmanagement.»(p.11).5EntretienMA6,09/01/2014,p.14.

Page 194: Le travail dans la performance organisationnelle

193

(suitedutableau7)

Discours

MA8 lesvendeursontun «rôleprimordial:toutpassepareux. Ilssurveillent,ilsfontlesventes…»2.«Après, c’est la force du vendeur, sa compétence de vendeur qui faitqu’onaboutit»3àunevente.

MA10 Lesvendeursfont lechiffred’affaireset lepaniermoyen4.Et lorsque lesvendeurs ont le temps de s’occuper des clients, le panier moyen estsupérieur5.

Lesdiscoursrapportésdansletableauprécédentétablissentlerôleprépondérantdes

vendeurs, et donc de leur travail dans l’atteinte de la performance chez Boutiques

Aéroports.Laprincipaledimensionmiseenavantdanscerôleprépondérantdutravail

est cellede la vente6. Lesmanagerset leursadjoints l’exprimentdirectementetau

traversdedeuxindicateursutiliséschezBoutiquesAéroports:lechiffred’affairesetle

panier moyen 7 . Certains managers et adjoints expriment d’autres aspects de la

performancequi rappellent ladémarchedevente (leconseilchezM1, l’accueilchez

M2). EtMA8 évoque la surveillance de la boutique. Le travail des vendeurs auquel

nousnousintéressonschezBoutiquesAéroportsestdoncconsidéréparlesmanagers

etleursadjointscommeunélémentdéterminantdelaperformancedel’organisation.

Ce faisant, nos interlocuteurs complètent ce que le travail de vendeur apporte à

BoutiquesAéroports,c’est-à-direlaperformancedutravailde vendeur.

Auregarddesdiscourstenus,letravailsecaractérisecommeunélémentdéterminant

au travers de la vente.Malgré notre questionnement (cf.M1), nos interlocuteurs

négligent de nombreux aspects qui peuvent également impacter les ventes:

l’emplacement ou l’agencement des boutiques, les produits proposés, ou encore la

1EntretienMA7,p.13.2EntretienMA8,p.13.3EntretienMA8,p.10.4«LevendeurfaitleCA;iln’yapasqueleclient.»(EntretienMA10,p.27).5EntretienMA10,p.27.Constatportantsur«lesjoursoùilyamoinsdemonde.».6Cf.égalementletableau1ensection2.2.1duprésentchapitre.7 Nous rappelons que la présentation détaillée des indicateurs utilisés chez Boutiques Aéroportsinterviendradanslasection3quisuit.Pourfaciliterlacompréhensionàcestade,lepaniermoyenest:lechiffred’affairesdiviséparlenombredeticketsdecaisse.

Page 195: Le travail dans la performance organisationnelle

194

caisse1.Cesaspectsrelèventpourtantdecaractéristiquesdutravaildevendeurqueles

managerset leursadjointsonteux-mêmesexplicité (cf.2.2.1supra)2.Pourexpliquer

ceparadoxe,nouspouvons iciavancer l’hypothèse selon laquellenos interlocuteurs

auraient,à travers lesnotionsdeperformanceabordées,négligéououblié l’éventail

descontributionsdutravail,pourfocalisersurl’uned’entreelles–lavente.Ilestaussi

possible que dans le cadre de questions intégrant la notion de performance, la

dimensionchiffréedelaventeaitprisl’ascendantetqu’alors,cettedimensionocculte

lesautresreprésentationspossiblesdelaperformancecommelaqualitédeservice,le

relationnelavec leclient, laconnaissancedesproduits,etc.L’ascendanceprisepar la

mesuredans lesreprésentationsde laperformancerenforce l’intérêtàs’intéresserà

l’activitépourrendrecomptedelaperformancedutravail.

Attribuerautravailunrôleprépondérantdans laperformancepourraitavoircomme

effet pervers d’attribuer, en retour, le manque de performance au travail. Nos

interlocuteurs reconnaissent certesque laperformance attenduen’estpas toujours

atteinte,maisilsn’attribuentpascemanquedeperformanceautravail.Aucontraire,

même,ilsidentifientspontanémentdesaléascontrelesquelsnieuxnilesvendeursne

peuventquoiquecesoit.Envoiciquelquesexemples:grèves(extérieuresàBoutiques

Aéroports)3,modifications d’affectations de vols ou de compagnies aériennes à un

terminal4,ouencorele«budgetdesclientsquinesuitpas»5.Certainsadmettentque

mêmeenfaisantsontravail, laventen’estpassystématique.C’est lecasnotamment

dans l’extrait ci-dessous, où, sur sollicitation, MA2 admet que l’application de la

démarchedeventeneconduitpassystématiquementàunevente:

StéphaneDESCHAINTREEt au final, enfin mettons que moi je sois un vendeur débutant,j’applique�ladémarchedevente�à la lettre, jeréussis laventeàtouslescoups?(rires)

1Nousanalyseronsplusendétaillerôledelacaissedanslaventelorsquenousanalyseronsl’activitédesvendeurs.2A ce stade,nouspouvonsémettrequelqueshypothèsesquant à cesoublis:notrequestionnementarticulantla«performance»apeut-êtreintroduitunefocalisationsurdesindicateurs;l’articulationdetouslesaspectsconcourantàlaventeestpeut-êtreextrêmementdifficile.3EntretienM3,p.8.4EntretienMA7,p.14.5EntretienMA10,p.27.

Page 196: Le travail dans la performance organisationnelle

195

MA2Ceseraitparfait(rires)!Nonparcequ’onabiensûrtoujoursdesfreinsàlavente…Tout,toutdépend…devotrefaçondeproposer leschoses,auclientde les intercepter.Maisvoilà, les techniquesdevente, sinontouslescommerciauxréussiraient…leursbénéfices.1

En synthèse de notre analyse ci-dessus, nous pouvons dire que les managers de

proximitédéfinissentdeuxfacettesautravail:l’unequiestpositive(laprépondérance

dansl’atteintedelaperformance),etl’autrequin’estpasnégative(lanon-atteintede

laperformancen’estpas imputéeautravail).Encombinant lesdeuxfacettesdurôle

du travail dans la performance, nous considérons que lemanagement de premier

niveauélaboreunpointdevuesurletravailquiestdoublementpositif.D’unepart,en

indiquanttoute l’importancedutravaildans l’atteintede laperformance, lediscours

managérial, chez lesmanagers de premier niveau, confère une valeur positive au

travail 2 . D’autre part, la non-atteinte de la performance n’est pas non plus

exclusivementattribuéeau(manquede)travaildesvendeurs.

Nous insistons ici sur ce résultat, car nous n’étions pas certains, en débutant cette

thèse,que le travaildeventepuisse revêtir,dans lesdiscoursmanagériaux,un rôle

aussi déterminant. En effet, nous avions rencontré dans une expérience

professionnelle antérieuredesmanagersdepremiersniveaux (chefsd’unité et chef

d’atelier), dont le discours n’était pas aussi redevable au travail accompli par les

subordonnés(desouvriers,enl’occurrence).

Nousnousattachonsdésormaisàuneautreanalyse,articulantplusprécisément les

catégoriesdenotrecadreanalytique.Commedanslasectionprécédente,lesdiscours

contiennent icideséléments relevantdesmesuresetde l’activité.Dans lesdiscours

explicitanticiqueles«vendeursfont»laperformance(cf.M3,MA6,MA7),lechiffre

d’affaires(cf.M1,MA8,MA10)oulepaniermoyen(cf.M2,M3,MA10),ilnoussemble

1EntretienMA2,p.5.2Donc,sansleréduireàuncoût.

Page 197: Le travail dans la performance organisationnelle

196

quelesmesuresservent1àcapter,àsynthétiserl’activitédesvendeurs.Mêmesinous

avons fait état de discoursmanagériaux relativement fins sur l’activité (cf. 2.2.1.1),

mesuresetactivitésemblentmobiliséesdans lesdiscoursci-dessusdansunerelation

assez spécifique. L’activité est d’un côté mobilisée directement pour montrer son

impactsur lesmesures.Parexemple,MA10nousditque lorsque lesvendeursont le

temps de s’occuper des clients, le panier moyen est supérieur. D’un autre côté,

l’activitéseconfondpratiquementavec lamesure.MA8ditparexemplequ’«ils�les

vendeurs�fontlesventes».Ilnoussembledanslesdeuxcas,quel’activitéseplaceen

premier, comme prémisse de la performance qui en découle(ra), dans un

enchaînementplusoumoins immédiat.Ainsi,danscesdiscours, l’activitéduvendeur

viseàgénérerunimpactsurunemesure.Autrementdit,laperformancedutravailqui

sematérialise constituepeut-être la caractérisationpremièrede laperformancedu

travail:unehypothèsedelienentrel’activitéetlamesure.Cequipourraitsetraduire

parunevaleurchiffréedecequ’apporteletravailàl’organisation.

2.2.3� Synthèsesurlesdiscoursdesmanagersetmanagersadjoints

Dans cette section nous avons concentré l’analyse sur les discours tenus par les

managersetmanagersadjointssurletravaildevendeur.Toutenétantprescriptive,la

caractérisationdutravaildevendeurpar lesmanagerset leursadjointscomportede

nombreusesdimensions,quenousavonsarticuléesentableaux: lavente, leclientet

sonrelationnel, lacaisse, lesproduits, lahiérarchieet lespairs.Cettecaractérisation

richesecomplèted’unereconnaissancedel’importancedéterminantedutravail dans

l’atteinte de la performance. Cette importance semble d’ailleurs positive à double

titre: dans l’identification de ce qu’apporte le travail à la performance, et dans

l’attributionde lanon-performance àdes aléasextérieurs–mêmepartiellement.A

travers ces éléments, les discours managériaux montrent ce que le travail des

vendeurs apporte chez Boutiques Aéroports – donc la performance du travail des

1Oucherchent?

Page 198: Le travail dans la performance organisationnelle

197

vendeurs. Les dimensions de la performance du travail évoquées par lesmanagers

sontnombreuses,etnousconsidéronsquelasynthèseenestdélicate.

L’explicitationparlesmanagersdecequerecouvrelaperformancedutravailmobilise

lescatégoriesactivitéetmesuresdenotrecadreanalytique.Al’issuedecetteanalyse,

nouspercevonsqu’autraversdesdiscoursmobilisantactivitéetmesures,ladimension

«vente» est très importante dans l’atteinte de la performance chez Boutiques

Aéroports,enparticulier sous l’aspectmarquantde«ventes complémentaires» (cf.

2.2.2).Pourcetaspect, lediscoursexprimépourraitconstituer laquintessencede la

performancedutravail:unlienentrel’activitéetlamesure,quipourraitconstituerun

chiffragedecequ’apporteletravailàl’organisation.

La mobilisation du cadre analytique semble également permettre de susciter des

questionnements intéressantssur laplacedesmesuresdans lesdiscours.Ainsi, ilest

légitime de se demander si les discours des managers n’ont pas tendance à se

structurerautourdemesures,alorsmêmeque lesmanagersontparailleursexplicité

leurconnaissancesouvent intimede l’activitédevendeur.Commenousvenonsde le

voir au 2.2.2, lorsqu’il y a un lien avec la «performance», les représentations

expriméesparlesmanagersetadjointssemblentplusréductrices.

Enfin,dansuneperspectivedegénérationd’hypothèse,nousnoussommesinterrogés

à partir de l’articulation activité/mesures, sur la possible capacité intrinsèque des

mesures à cristalliser l’activité (ou tout dumoins une part) qui les alimentera (cf.

2.2.1.2).

A l’issuedecetterestitutiondesdiscourschezBoutiquesAéroports,nousprésentons

lesmesuresdanslasectionquisuit.Cetteprochainesectionseral’occasiondepréciser

lesindicateursque nousavonsparfoismentionnésàproposdesdiscours.

Page 199: Le travail dans la performance organisationnelle

198

3� LESMESURES CHEZBOUTIQUESAEROPORTS

Dufaitducentragedenotreétudedecas, lesmesuresdontnousparlonssontcelles

qui relèventde laperformancedesboutiques.Enboutique,quatre indicateurs sont

mis en avant1. Les trois premiers sont d’ordre financier (chiffre d’affaires, panier

moyen,démarqueinconnue2)etledernierdécouledeladémarchegénéraledevente

(lesscoresdevisites-mystère).

3.1� Lechiffred’affaires(CA)

La performance des boutiques s’apprécie d’abord selon le chiffre d’affaires3 , qui

détermineaussilebonuscommercial(prime)consentiauxconseillersdeventeselonle

degré d’atteinte de l’objectif. Derrière le terme «chiffre d’affaires», il faut plus

précisément entendre le chiffre d’affaires hors taxes, net des remises, rabais et

réductions4consentiesauxclients.

3.2� Lepaniermoyen(PM)

Le second indicateur de performance en boutiques est le panier moyen. Il est

communément admis en boutiques que le panier moyen représente la dépense

moyenneeneurosréaliséeparchaqueclient.Leterme«client»est icitrompeur.En

effetlecalculréeldupaniermoyenest:

Chiffred’affaires

Nombredeticketsdecaisse5

Siunclientgénèreparexempledeuxticketsdecaisseàquelquesminutesd’intervalle,

il sera considéré comme deux clients. En raison du mode de calcul, l’indicateur

«paniermoyen»estégalementdénommé«ticketmoyen»6.

1Outrecesquatre indicateursquitraversenttoute l’organisation, ilexistebiensûrd’autres indicateurs(chiffre d’affaires par passager, masse salariale sur chiffre d’affaires, etc.). Toutefois, ces derniersfocalisentpeul’attentionenboutiques,mêmecelledesmanagers.2Ladémarqueinconnuecorrespondàunécartdestockdontlaraisonn’estpasclairementidentifiée.Levoldeproduitsestsouventprésumé.3EntretiensCdG,13et20juin2014,p.4et9.4VerbatimMA1,notesd’observationsdu20/11/2013,p.14.5EntretiensCdG,13et20juin2014,p.8.6EntretiensCdG,13et20juin2014,p.8.

Page 200: Le travail dans la performance organisationnelle

199

Pourque le calcul soitpertinent, ilestnécessairequenumérateuretdénominateur

concernentlamêmepériode(jour,semaine,mois,année,etc.).

Danscertainesboutiquesoucertainssecteurs1,un«indicedevente»estdéterminé

parallèlementaupaniermoyen.L’indicedeventecorrespondaunombred’articlespar

ticketdecaisse2.D’unecertainemanière,ils’agitd’unindicateurdepaniermoyensans

prix.

3.3� Ladémarqueinconnue

Letroisièmeindicateurdelaperformanceenboutiqueestladémarqueinconnue3.La

démarqueinconnuecorrespondàunécartdestockdontlaraisonn’estpasclairement

identifiée,même si le vol de produits est souvent présumé. Elle s’inscrit dans une

problématiqueplus largedesuividesécartsdestocketde leurcoût4,quellesqu’en

soientlesraisons:dégradation,casse,etc.

Ladémarque inconnueestmesuréeeneuros,mais l’objectifest formuléen rapport

avec leniveaude chiffred’affaires:environ0,4–0,5%du chiffred’affairespour la

périodequinousconcerne5,6.

3.4� Lamesure de la conformité à la démarche de vente – score de

visite-mystère

Ladémarchedeventeconstituelaréférencedeladémarchedequalitédeservicede

BoutiquesAéroports1etpermetuneévaluationchiffréeautraversdevisites-mystère2.

1Nousl’avonsnotammentrencontrédanslesboutiques«Mode».2EntretiensCdG,13et20juin2014,p.8.3 Par abus de langage, la démarque inconnue est souvent dénommée «démarque» par nosinterlocuteurs:cf.entretiensCdG,13et20juin2014,p.11.4EntretiensCdG,13et20juin2014,p.9.5EntretiensCdG,13et20juin2014,p.9.6Le contexte de notre présence chezBoutiquesAéroports était fortementmarqué par la démarqueinconnuedanslesdeuxboutiques«Core».Nousnoussommesalorsaperçudesenjeuxsymboliquesetémotionnelsquesuscitecetindicateur:lesécartsconstatésnécessitentdesinventairesnocturnestouslesmois qui épuisent les équipes de vente, et la présomption de vol génère une suspicion internedélétère pour les collectifs de travail. La démarque inconnue, lorsqu’elle est installée, focalise alorstouteslesattentions.

Page 201: Le travail dans la performance organisationnelle

200

Lesscoresobtenuslorsdechacunedesvisites-mystèreconstituentdonclequatrième

indicateurdeperformanceenboutiques.Laqualitédeserviceestévaluéesurlabase

deladémarchedevente.

Danslescénariodevente,cequiestattendudelapartdesvendeurs3estlibellésous

formedequestionsquigénèrentunenotationen fonctiondes réponses consignées

par le clientmystère. Le scénario de vente «évalue 38 éléments de l’accueil et du

service en boutique. Seuls 29 donnent lieu à l’attribution de 42 points au total. La

valorisation de ces points conduit à 400 points pour une vente parfaite �…�.»4. La

décompositiondespointsestlasuivante5:

POINTSQUESTIONNAIRE

POINTSVALORISES

Coefficientdepondération

6Ouvrir 8 80 10

Sourire 6 80 13,33

Considérer 8 80 10

Accompagner 15 80 5,33

Remercier 5 80 16

TOTAL 42 400 9,52

En analysant le tableau ci-dessus, nous pouvons constater que chaquemoment de

vente jouit du même nombre de points valorisés dans le score total de la visite

mystère, soit 80 points par moment de vente. En revanche, le coefficient de

pondérationquenouscalculonsmontreque lavalorisationdes pointsquestionnaire

diffère selon les moments de vente. Il varie en effet du simple au triple si l’on

considèrelesdeuxextrêmes:«Accompagner»à5,33et«Remercier»à16.Selonle

DRHdeBoutiquesAéroportsauquelnousavonssoumiscetteanalyse7,lebarèmeaété

constituépourdeuxraisonsprincipales:

1Cf.supra2.1.1.2Cf.supra2.1.4.3Cf.supra2.1.2.4Documentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.3.5Reproductiond’undocumentinterne,�démarchedevente�.pdf,p.3.6Cettecolonnerelèvedenotrepropreanalyse.Cecoefficientestobtenuparlerapportentrelespointsvalorisésetlespointsquestionnaire:(Pointsvalorisés)÷(Pointsquestionnaire).7Notesdelarestitutiondu21mai2014.

Page 202: Le travail dans la performance organisationnelle

201

1/ sanctionner en cas de négligence dans la relation avec le client (politesse,

amabilité),puisque lafortepondérationsur lesmomentsOuvrir,Sourire,Considérer,

Remercierfaitalorsperdredenombreuxpoints.

2/ souligner le fait que la vente (Accompagner) est plus dure et nécessite plus

d’efforts,d’oùunepondérationmoindrequipénalisemoinsencasd’échec.

Le score obtenu lors des visites-mystère permet également de sanctionner

positivement,puisqu’ilsertderéférencedansl’attributionderécompensesauniveau

des boutiques. Le processus d’attribution des récompenses sera examiné en détail

justeaprès,au4.1duprésentchapitre.

4� DESPRATIQUESMANAGERIALESCHEZBOUTIQUESAEROPORTS

Auchapitre4,nousavonsdéfini lespratiquesmanagérialesde lamanièresuivante:

Action ou ensemble d’actions entreprises ou envisagées sur un périmètre donné

(équipe, service, catégorie de personnel, entreprise, etc.), par un ou plusieurs

membres de la hiérarchie; ces actions ne sont pas nécessairement ponctuelles, et

peuvents’inscriredansladurée.

Dans cette section,nousnous intéressons à certainespratiquesmanagérialesen ce

qu’elles peuvent éclairer la performance du travail de vendeur chez Boutiques

Aéroports. Nous débutons avec la pratique visant à récompenser, au niveau

organisationnel,lerespectdeladémarchedevente.Puisnousexposonsetanalysons

des pratiques demanagers de proximité. Il s’agira d’abord des pratiques visant à

remédier à des problèmes ponctuels de performance, puis d’une pratique

d’individualisationdelaperformance.Unesynthèseclôtlasection.

Page 203: Le travail dans la performance organisationnelle

202

4.1� Lesrécompensesliéesaurespectduscénariodevente1

Nousdécrivonsetanalysonsdanscettesectionunepratiquequisedéploieauniveau

del’organisation.

Commenousvenonsde lementionnerau3.4 ci-dessus, ladémarchedevente chez

BoutiquesAéroportspermetd’octroyerdes récompensesauxéquipesde vente. La

récompense laplusemblématiqueest laparticipationàunvoyageoffertetorganisé

par l’entreprise.Ellerésultede l’organisationd’un«challengecommercial»2quivise

deuxobjectifs:«Déployer les ‘bonnes’attitudescommerciales»,et« Développer les

compétences ‘ventes’deséquipesboutiques»3.Cechallenge s’appuie sur lesvisites

mystèreetsurtoutsurlesscoresquiendécoulent,afind’établirunclassementannuel

desboutiques.Lerangdesboutiquesconditionnelaparticipationauvoyage4.

Le scorede chaqueboutique est calculé en additionnant le scorede chaque visite-

mystère.Maischaquevisite-mystèredisposed’uncoefficientspécifique,de1pour la

premièrevisitede l’annéeà7pour lacinquième5.Lespointsainsigagnéss’appellent

des«étoiles»6etleurtotalnepeutexcéder7400.

Laparticipationauvoyageestaccordéeaux15meilleuresboutiquesdel’année7.Pour

l’année2013,auseindecesboutiquesétaientconviésàpartir:

«- Les15managersdesboutiquesgagnantes.

- Unmanageradjointparboutiquegagnante.Ils’agiradumanageradjointayant

obtenulesmeilleursrésultats�…�.

- 2ou3conseillersdeventeparboutiquegagnantesparticiperontégalementau

voyage�…�.Ils’agiradesconseillersdeventeayantobtenulesmeilleursrésultats�…�

1Documentinterne,recompenses.pdf.2Documentinterne,challenge.pdf,p.1.3Documentinterne,challenge.pdf,p.1.4Documentinterne,reglement.pdf,p.3.5Coefficient 2 pour la deuxième, 3,5 pour la troisième, et 5 pour la quatrième (Document interne,reglement,p.2).Au-delàdelarégularité,lechallengerécompensedoncaussilaprogressionduscoreaucoursdel’année.6Documentinterne,reglement,p.2.7Documentinterne,reglement,p.3.Ceciconcerneplusspécifiquementl’année2013.

Page 204: Le travail dans la performance organisationnelle

203

lors des 2 suivis annuels. Ils devront également avoir été présents tout au long du

challenge.»1.

Demanièreplusrégulière,lescoredesvisites-mystèreconditionneleversementd’un

bonusspécifique,lebonuscommercial,qui«rétribue leseffortsdeséquipesdevente

pourdévelopperlaqualitédeserviceattendue.»2.Ils’appliquetantauxconseillersde

ventequ’auxmanagersadjoints.Lebonuscommercial«estattribuéàpartirde96%de

l’objectif;quiestfixéà300points.»3.Ilestmensuelets’élève,parexempleen2013

pourles auxiliairesetconseillersdevente,à20eurospourunscorede300pointsetà

45eurospourun scorede400points4.

Au travers des récompenses présentées ci-dessus, Boutiques Aéroports cherche à

obtenirdesvendeursqu’ilsseconformentà ladémarchedevente.Autrementdit, la

contribution alors attendue du travail – c’est-à-dire sa performance – relève de la

conformitéàlaprescription.

En regard de notre cadre analytique, il est intéressant de remarquer ici que les

mesuresstructurentl’activitéens’intégrantàlaprescription.Pourviserlaconformité,

lapratique iciprésentéemobilise l’activitéen l’encadrantpardesmesures: lescore

brutde lavisite-mystère (cf.3.4)sanctionne laconformitéde l’activitédesvendeurs

vis-à-visduscénariodevente; ilentredans letotaldespointsquepeutobtenirune

boutique, et ouvre au versement d’un bonus commercial. D’autre part, l’horizon

annuel 5 du challenge et la récurrence du bonus commercial visent à continuer

d’orienter l’activitévers laconformitéà ladémarchedevente.Ainsi,c’estautravers

1Documentinterne,reglement,p.3.2Documentinterne,recompenses.pdf,p.3.3Documentinterne,recompenses.pdf,p.3.4AccordNAO2013.pdf,p.8.5 Nous comprenons de la pondération croissante des scores aux visites-mystère que BoutiquesAéroportschercheégalementàrécompenserlaprogressiondesboutiquessurl’année.Celanousinviteà nous interroger sur la possibilité d’effets pervers visibles notamment en début d’année, périodependantlaquelleleserreurscoûtentpeucherdupointdevueduscoretotal.

Page 205: Le travail dans la performance organisationnelle

204

decesdeuxtempsdemesureque l’activitésetrouveencadréepar lesmesuresdans

cettepratiquemanagérialederécompense.

4.2� Lespratiquesdesmanagersvisantà influencer laperformanceen

boutiques

L’objectifdecettesectionestdemontrerletyped’actionsquelesmanagerspeuvent

envisager pour influencer la performance en boutiques. Nous étudierons

successivementcequisemetenplacepourremédieràdesproblèmesponctuelsde

performance1,ainsiqu’unedémarched’individualisationdelaperformance.

4.2.1� Commentremédieràdesproblèmesponctuelsdeperformance?

Notreguided’entretiencomportaitdeuxquestionsportantsur la représentationpar

lesmanagers de proximité d’une bonne (respectivementmauvaise) journée. Si nos

interlocuteurs développaient leur représentation d’une mauvaise journée, nous

demandionsalors:‘Pourremédieràunemauvaisejournée,quepouvez-vousfaire?’.

Dans cette section, nous nous consacrons plus particulièrement à la restitution des

actions envisagées par lesmanagers de proximité pour remédier à une ‘mauvaise

journée’. Ce faisant, lesmanagers fontétatdecequenousappelonsdespratiques

managériales2.

Commençons par exposer les nombreuses et diverses difficultés du quotidien

auxquelleslesmanagersetleursadjointsdoiventfaireface:

«Mauvaise journée?Ceseraientdesproblèmes techniques,ducoup.Desproblèmestechniques,descaissesquibuggent…maisça,çaarrive.Descaissesquibuggent,del’absentéisme…uneéquipepastrès…pastrèsimpliquée…Oui,donctoutcequipeutfaireque…nous,managersadjoints…onestamenésàfairedel’urgence…etonn’estpasdansla…

1Constitutifsd’une«mauvaisejournée»selonnotrequestionnementlorsdesentretiens.2Nous avons rappelé la définition de «pratiquesmanagériales» en introduction de la section 4. Cf.égalementlechapitre5.

Page 206: Le travail dans la performance organisationnelle

205

perspective ou dans la projection. Pourmoi unemauvaise journée…c’estça.Maisnormalement…àpartlesproblèmestechniquesetçaonn’estpas…onn’estpasàl’abri…normalementtous,touscesaspects-làon lesanticipe.Dans lesplannings, je faisais lesplannings,onessayaitd’anticiperunab’,uneabsence,onessayaitd’anticiperunpeutoutçaaussi,constitutiondeséquipes...Unemauvaise journée,qu’est-cequeça pourrait être?De sentir qu’on aurait pumieux faire et qu’on…qu’onne l’apasfait.�silence�D’avoirdesclientsmécontents.Çanousarrive.»(EntretienMA1,p.14,noussoulignons).

Outrelesaspectstechniques,organisationnels(absencesetmotivation)etrelationnels

(avec les clients), MA1 explicite le regret de n’avoir pas pu mieux faire. Comme

d’autresdesescollèguesleconfirment1,ceregretconcernelemanqued’atteintedela

performance.Pourcesmanagersetmanagersadjoints,lemanquedeperformancese

manifeste particulièrement au niveau de deux dimensions de la performance: le

chiffred’affairesetlaqualitédeservice2.

Dansletableauquisuit,nousexposonslesactionsquemanagersetmanagersadjoints

disent ou pensent pouvoir apporter lorsqu’ils constatent un écart par rapport aux

niveauxde chiffred’affairesetdequalitéde service attendus.Nousexposonsdonc

leurspratiquesmanagérialesvisantàretrouverunniveaudonnédeperformance.

Tableau8:pratiquesmanagérialespourretrouverleniveaudeperformance

ManagerouManagerAdjoint

Dimensiondeperformanceen

écart

Pratiquesmanagérialesvisantàretrouverlaperformance

MA2 Chiffred’affaires Motiverindividuellementetcollectivementpardeschallenges3

MA4 Chiffred’affaires Faireunchallengecollectif4

1MA2,MA4,MA5,MA6,MA7,M1.2Commenous l’avonsvuprécédemmentau3.4duprésentchapitre, lescorede lavisite-mystèreestunemesuredelaqualitédeservice.3«Alors c’est à nous de faire en sorte justement que … la situation se renverse, et d’essayer dechallengerleséquipessionpartd’unchiffrenégatifcatastrophique.Voilàc’est,c’estfaireensorteque… que justement, essayer de dynamiser par des challenges individuels, collectifs … de briefer,d’entretenirlamotivationenfait.»(EntretienMA2,p.6,noussoulignons)4MA4: «bah si c’est le chiffre, bah faire des challenges (rires), dès qu’on peut parce que des fois,reboosterl’équipeça,çaaideaussi.»StéphaneDESCHAINTRE:«C’estarrivédéjà:parcequeendébutd’équipe,riendeparticulier,etvousfaitesunchallenge?»

Page 207: Le travail dans la performance organisationnelle

206

(suitedutableau8)

Dimensiondeperformanceen

écart

Pratiquesmanagérialesvisantàretrouverlaperformance

MA7 Chiffred’affaires Motiverl’équipe1M1 Chiffred’affaires Motiverindividuellementetcollectivementpar

deschallenges2MA2 Démarchedevente Etabliretfaireappliquerdesplansd’action

collectifsetindividuelsprécisportantsurlesconsignes3

M1 Démarchedevente Faireintérioriserlesconsignesenmettantlesvendeursenpositiondeclients4

MA4:«Ouaisc’estdéjàarrivé,notammentsur…j’aisouvenirentoutcaspourl’équipede�MA1�,uneanimation�surunparfum�oùonarrivait,onavaitdumalàyarriver,ilachallengél’équipeetlesgensont,sontrentrésdedanset…ont faitunbonchiffresurunematinée.»(EntretienMA4,p.15,noussoulignons).1«Pour,pour…Non,fautpositiver.Jenesuispas…çanevapasmeminer.Jeveuxdireunejournéeoùlechiffreiln’estpasfait,…onvaresterpositif,on…voilàavecl’équipeonvasedirebonok,làonf’,çan’apasmarché,…onvavoircequ’onvamettreenplacepourdemain,voilà.�…�Euh…Concernant,concernantcequiest lechiffre,entoutcas l’indicechiffré,… le levierque j’aic’estque je,moi jesuisdéjàprésent,jesuisledéroulementde…delajournéeet…çapermetmoidesfoisderemobiliserunpeu leséquipes.Desfoisonpeutavoiruncoupdemou,onesttous,onàtousàunmoment,onn’estpas tousà100%aumêmemoment…et tout le temps.Et…moi j’int’, justementc’est làoù jedoisintervenir,pour,pourremobiliserunpeulestroupes,pour…pouroui,pourremotiver,pouressayerde,de…derendreletrucunpeuplus…pasludique,mais…presque.Et…çalà-dessus,moi,ouij’ai…j’aiun levier…Onestencore,onestsurde l’humain.Parcequ’onestvraimentsurde lacommunicationavec leséquipes.Pareil,pour laprésence.Cen’estpasde laprésence justepourde laprésence,c’estque…Çanouspermetaussidesuivreçaetdepeut-être…de…de,de,deremédierà…aufaitqueçapeutêtrejustementunemauvaisejournée…àlafindelajournée,quoi.Donc…là-dessus,ouiilya,ilyadesleviers.»(EntretienMA7,p.12-13,noussoulignons).2«Enfinbiensûr,c’estmieuxdefairelechiffre,maissionaunbonpaniermoyen,sionaréussiàallereuh…S’ilyaunchallengemisenplaceetque tout lemondearéussiàatteindrecechallenge,quemalgrétoutonn’apasfait lechiffre,effectivementc’estdommage.Mais… jeveuxdireçaa leméritequandmêmequeleschallengesmisenplaceontétéatteints,quetoutlemondeafait lemaximum.Voilà.»(EntretienM1,p.15,noussoulignons).3«Alorsonessayedetravaillerpastoutensemble,c’estvraiqu’ilyabeaucoupdepoints,onnepeutpasêtresuperaupointsurtouslesnombreuxfocus,donconessayedetravaillerpointparpoint.Tiensparexemple…alorssoitindividuel,soitencollectif.Parexemplelàladernièrevisite-mystère,onaloupél’accueil,bononvatravaillerl’accueil.Alorssystématiquementtouslesclients,vousallezlesaccueillir,etdans les troisminutesquisuivent,vousallez retournerverseux, leurdemanders’ilsontbesoin,«enquoipuis-jevousaider?»,unequestionouverte…Siunevendeuseenparticulieronluiafaitun,un coaching �sur ladémarchede vente (acronyme interne)�,elle a besoin de travailler un point enparticulier,onvaluidonnerundélai,onvaluidirealors«est-cequetuesd’accord,onvatravaillercepoint-làenparticulierensemble,parcequetout lerestetumaitrises,cepoint-làenparticulier ilestàdévelopper chez toi.Donc on va faire en sorte, comment, est-ce que je peux t’aider, de quoi tu asbesoin?»,etonvaessayerde lemettreenapplication.C’estvraimentdes,despoints,des lignesdeconduitepoureux… savoir cequ’ilsdoivent faire, comment ilsdoivent levivre,pour représenteraumieuxlasociété.»(EntretienMA2,p.4,noussoulignons).4«Desfoisilnefautpasgrand-chose.(Rires)Donc…Etdoncducoup…oui,mettreunpland’actionsenplace tout de suite… je ne sais pas, ça peut être… Il y a peut-être eu la veille des dérives �sur ladémarchedevente(acronymeinterne)�.Là,onlesfaitsortirdelaboutiqueetdire«voilàqu’est-cequetuvois?Regardecommentvousêtesperçues».Parcequelefaitd’êtrededans,souvent,enfait,ilsneserendentpascompte.Donc là, j’aidemandéàmesadjointsdefairesortir.Bon là, ilsontdumalà lefaireparcequ’onestenpérioded’inventaire,etc…maisdefairesortirundeleursvendeurs,et dedire

Page 208: Le travail dans la performance organisationnelle

207

Les pratiques décrites dans le tableau précédent visent à résoudre un déficit de

performance (chiffre d’affaires ou démarche de vente) en cherchant à orienter

l’activité–donc,pourunepart,en cherchantà lamodifier. Ilnoussemblequecette

orientation procède de deux manières. Premièrement, les pratiques managériales

visent à centrer l’activité sur le respectdes consignes – c’est-à-dire l’applicationdu

scénariodevente1,selonM1.Autrementdit,lespratiquesconcourenticiàaugmenter

laconformitédel’activitéàlaprescription.Commel’activitésedéfinitenpartieparun

écart à la prescription, les pratiquesmanagérialesmobilisent ici l’activité pour, en

quelquesorte,lanier.

Deuxièmement, les pratiquesmanagériales visent à «motiver», «remobiliser», ou

encore«rebooster»lesvendeurs.Celaconcernesurtoutlechiffred’affaires,maispas

uniquement.Cespratiquesmanagérialescherchent iciàcréerde l’activitéde lapart

desvendeurs.Onpourraitmêmedirequ’ellescherchentàaugmenter,àdévelopper,

voireà intensifier l’activitédesvendeurs.Parexemple,MA2seprojettesurunnon-

respectdeladémarchedeventeetnousindiquelesconsignesqu’elledonneraitàson

équipe:«Alorssystématiquementtouslesclients,vousallezlesaccueillir,etdansles

troisminutes qui suivent, vous allez retourner vers eux, leur demander s’ils ont

besoin,«enquoipuis-jevousaider?»,unequestionouverte…»(EntretienMA2,p.

4,noussoulignons).

Lorsqueleproblèmeconcernelechiffred’affaires,lapratiquecourantesembleêtrele

«challenge»(cf.MA2,MA4etM1dans letableau8de laprésentesection).Au-delà

duchallengedirectement liéà ladémarchedevente (cf.4.1), lesmanagerset leurs

adjointsont lapossibilitéde fixerdesobjectifs locaux internesà laboutique,voireà

l’équipe2. Les challenges sont individuels ou collectifs; le challenge individuel va

distinguer le vendeurquiauraobtenu lameilleure réalisation; le challenge collectif

distingue l’équipe dès lors que tous les vendeurs ont accompli leur part. Les

«voilà,qu’est-ceque tuvois toiquand tuarrives? Imagineque tues lepassager,que tues leclient,qu’est-cequetuvois?»pourqu’ilsse rendentcomptedes,qu’ilyadesattitudesnéfastes.Voilà.»(EntretienM1,p.15,noussoulignons).1Cf.supra2.1.2.2CommeleditMA4.

Page 209: Le travail dans la performance organisationnelle

208

récompenses à ces challenges peuvent être immédiates ou différées, et prennent

souventlaformedegoodies:unrougeàlèvres,unecrèmedesoin,etc.Lechallenge

visedoncà focaliser l’activitédeventesurunproduitou typede produitparticulier

afin de générer du chiffre d’affaires; la focalisation passe par une incitation (la

perspectivederécompense).

Les pratiques que nous venons de présenter éclairent d’un nouvel angle le

«dynamisme» ou «l’enthousiasme» qui étaient caractérisés dans les discours des

managers(cf.supra2.2.1.1,tableau6).M1parleainside«vraisvendeurs,vrais,vrais

vendeurs, avec cette niaque de, de … de vouloir vendre et de prendre plaisir à

vendre»1.MA2demandequantàellede:«creuser,d’allervraiment…au-devantdes

cl’,desbesoinsduclient.»2.MA3 assignecomme rôleauvendeurde:«pousser sa

marque,mais ilne fautpasoublier les autresproduitsde laboutique.»3.Ces trois

illustrations introduisentunedimension quin’étaitpasclairementressortieàtravers

nosquestions sur lacaractérisationdu travaildevendeur:unecertaine ‘agressivité’

vis-à-visduclientafindegénérerduchiffred’affaires.

Dans ces pratiques, la performance du travail s’articule autour de l’activité et des

mesures. Ce qui semble plus caractéristique ici, c’est l’objectifmanagérial visant à,

d’une certainemanière, faire ‘redoubler d’effort’ les vendeurs afin de générer du

chiffred’affaires–globalement,oupouruntypedeproduitparticulier.L’activité4que

requiert cette pratique semble de nature différente de cellementionnée dans les

discourscaractérisantletravaildevendeur(cf.supra2.2.1auprésentchapitre).

Cetteagressivitélaisseparailleurssupposerlaprésence,danslesreprésentationsdes

managers,d’aumoinsdeuxniveauxd’engagementde l’activitéconcernant lavente:

l’un serait ‘normal’ et l’autre ‘agressif’. Nos données ne nous permettent pas de

développerplusavant,maisnoustenonsnéanmoinsàsoulignerquenousaccédonsà

cettehypothèseconcernantlesreprésentationsparl’analysedespratiquesetnondes

1EntretienM1,p.13,noussoulignons.2EntretienMA2,p.3,noussoulignons.3EntretienMA3,p.21,noussoulignons.4Ici,lamobilisationdel’activitéestànouveauambivalente,carils’agitd’uneprescriptionaccrue.

Page 210: Le travail dans la performance organisationnelle

209

discours. Cette situation conforte, à notre sens, la légitimité à distinguer

analytiquementdiscoursetpratiques, etàtenterdecerner laperformancedutravail

pardifférentsanglescommenouslefaisonsenmettantenœuvredesméthodespour

documenterlesdifférentescatégoriesdenotrecadre.

4.2.2� Versuneindividualisationdelaperformance

Dans certaines boutiques, les managers mesuraient la performance à un niveau

individuelautraversde l’indicedeventeparvendeuretdupaniermoyendechaque

vendeur.Cettepratiqueestassezaboutiesur lepérimètreMode.Sur lesdeuxautres

périmètres,ellesedéveloppe.Nousillustreronsdonccettepratiqued’individualisation

delaperformanceprincipalementàpartirdel’exempledelaboutiqueMode.

M2,managerdelaboutiqueMode,nousafourniunfichierdesuivideseséquipesde

venteavecdeux indicateurs: l’indicedevente (nombred’articlesvenduspar ticket)

par vendeur et le panier moyen rapporté à chaque vendeur 1. Pour calculer ces

indicateurs,lefichier2présentesurunepérioded’unan(2013)lechiffred’affairesnet

HT,saproportiondanslechiffred’affairesdelaboutique,lepaniermoyen,lenombre

detickets,laquantitévendueetl’indicedeventedechaquevendeur(se)3.Lesdonnées

sont triéespar indicedeventedécroissant. L’indicedeventeest l’indicateur leplus

importantdecefichiercarilsertdebaseàlafixationd’objectifsannuelsauxvendeurs.

Pour la période qui nous occupe, l’objectif fixé parM2 est de +5% sur l’indice de

vente4.

Tel qu’il est construit, le fichier présente plusieurs difficultés internes que nous ne

développonspas5, car ellene sontpaspertinentespour l’analysede cettepratique

managériale.

1EntretienM2,04/12/2013,p.5.2SousformatExcel,vraisemblablementissu duprogicieldegestionutiliséchezBoutiquesAéroports.3Lesmêmes informationssontégalementdisponiblespour lestroisautresboutiquesdupérimètredeM2dansdesongletsdifférents.4EntretienM2,04/12/2013,p.4.5Certainespersonnesonttravaillédansplusieursboutiquesavecdesrésultatsdifférents.Parexemple,une vendeuse est créditée d’un indice de vente de 1,34 dans la boutique deMode où nous avonsséjourné–elleestalorsavant-dernière(7èmesur8).Dansunesecondeboutique,sonindicedeventeestde1,28et3èmesur6;etdansunetroisième,de1,73,toujoursenétant3ème(sur18cettefois-ci!).Dans

Page 211: Le travail dans la performance organisationnelle

210

Débutons l’analyseparcequinoussembleévident:cettepratiquemanagérialevise

expressément l’individualisationde laperformance; l’indicede venteestdéterminé

nominativement pour chaque vendeur du périmètre de M2. Cette pratique

managérialeest largement structuréepardesmesures,dont certaines sont,dans le

langagedeBoutiquesAéroports,des indicateursdeperformancesuivisauniveaude

chaqueboutique(paniermoyen,chiffred’affaires).Atraverslelienpratique-mesures,

quepeut-oncomprendredelaperformancedutravail?

M2aconstruit le fichierdontnousavonsparlédansuneoptiquemanagériale: fixer

des objectifs aux vendeurs de son périmètre (+5% pour la période que nous avons

connue).Cequisembledonc important,c’estque lesvendeurspuissentvendreplus

deproduitsauxclients.Atraverscela,lemanagerattendquel’activitédesesvendeurs

conduiseàuneaugmentationdunombredeproduitsvendus-etcequelquesoitleur

prix.Cettereprésentationdelaperformancedutravailsefocalisealorssuruneactivité

générantduchiffred’affaires (mesures).Elleconforteégalementune représentation

de la performance du travail centrée sur la vente et en particulier sur la vente

complémentaire(cf.2.2),parl’intermédiairedunombredeproduitsvendus.

Nous avons indiqué que le fichier deM2 comporte le paniermoyen par vendeur.

Toutefois, malgré le fait que le panier moyen soit un indicateur officiel de la

performanceenboutiques (cf.3.2), cet indicateurn’estpas choisi,dans lapratique

managérialequinousoccupe,pourlafixationd’objectifs.Nousn’avonspuapprofondir

cettequestionauprèsdeM2.Cequenoussavonsenrevanche,c’estque l’indicateur

depaniermoyenpeutgénérerdeseffetspervers.Ainsi,dansunesituationdonnée,un

vendeurpourraitnepassesentirincitéàvendreunproduitdontleprixestinférieurà

l’objectifdepaniermoyenparcequelemontantdeceproduitdiminuerait,justement,

cesconditions,quellesconclusionspeut-ontirer,tantd’unpointdevueabsolu(quelestson indicedevente?) que relatif (est-ce une «bonne vendeuse» par rapport aux autres?)?Deuxièmement, si lapériodecouvertepar lefichierestannuelle, lefichierestenrevanchemuetsur lapériodeeffectivedeprésence des vendeurs au cours de cette année 2013: arrivée en cours d’année?Arrêtmaladie oucongématernité?Cettepériodeeffectivepeuts’avérerdéterminantedanslescoredel’indicedeventesi le vendeur est absent lors des périodes de fortes ventes. En outre, le fichier nementionne pasl’alternancematin/soirquipeutinfluersurl’indicedevente.

Page 212: Le travail dans la performance organisationnelle

211

lepaniermoyendelaboutique1.L’identificationdeceteffetperversrenforceànotre

sens ce que nous avons conclu au paragraphe précédent: dans la pratique

managériale d’individualisation de la performance, la représentation de la

performancesefocalisesuruneactivitégénérantduchiffred’affaires.

A travers l’individualisation de la performance, nous pouvons également nous

interrogersurlelienentrelamesureetl’activitéquiaétéeffectivementréalisée.Par

construction,lesdonnéesquisontinscritesdanslefichierdeM2condensentl’activité

desvendeursquiapermisd’aboutirauchiffred’affaires,aunombredetickets,etau

nombre d’articles vendus, indiqués. Le fichier indique qui est l’auteur de l’activité.

Mais en raison de l’organisation en boutiques, comment être sûr que tel ou tel

vendeurabienréalisé lavente,ets’ilétaitseulà l’avoir fait?Eneffet,comme l’ont

décritlesmanagersdeproximité,onconfierégulièrementunecaisseàunvendeur(cf.

2.2.1.1).Or lescaissessontattribuéesàuntitulairedésignéetenregistrécommetel.

Donc, quelle que soit la personne qui ait convaincu le client d’acheter un produit

quelconque, le vendeur qui est titulaire de la caisse apparaîtra comme le vendeur

duditproduit.Ainsi,danscettepratiquemanagériale, lesmesurescondensentcertes

uneactivitédevente,maisenfaisantcela,ilsemblequel’informationsurleprocessus

conduisantàlamesureseperde:levendeurinscrita-t-iléchangéavecleclientetl’a-t-

il convaincu, ou l’a-t-il simplement encaissé? La pratique d’individualisation de la

performancesembleperdredevuelanaturedel’activitéquiagénérélesmesures.En

un sens, le lienmesure-activité semble rompu2.Une telle situationpourraitgénérer

deseffetsperversmanagériauxdirects:parexemple,uneévaluationplusfavorablede

laperformanced’unvendeurAaudétrimentd’unvendeurBalorsque levendeurA

aurait‘simplement’encaissélesclientsdeB.

1Nousn’avonsrien observédelasortemaisdesvendeursnousenontparlé.Nousnediscuteronspasicile faitque ce raisonnement soitperformatif: lesobjectifsdepaniermoyendépendentenpartiedesréalisationsobtenues.Aforcede vendredesproduitschers, ilestprobableque lesobjectifsdepaniermoyensoientrelevés.2Etcemêmesi le fichierrapporte,parconstruction, lesproduitsvendussous lenomdesvendeurs. Ils’agitenfaitd’uneconcomitanceetnond’unecausalité.

Page 213: Le travail dans la performance organisationnelle

212

Pourlesujetquinousanimeici,lamiseenévidenced’unetellecoupuredelienentre

mesuresetactivité renforce l’intérêtd’étudier l’activitédesvendeurs–cequenous

feronsensection6duprésentchapitre.

Nousproposonsci-dessousunesynthèsedespratiquesmanagérialesquenousavons

étudiées.

4.3� Synthèsesurlespratiquesmanagériales

Les pratiques managériales que nous avons étudiées dans cette section nous ont

permisd’éclairerlaperformancedutravaildevendeurchezBoutiquesAéroportssous

plusieurs angles.A travers les récompenses (4.1) et les consignes rappelées par les

managersdeproximité(4.2.1), laperformancedutravailrelèvede laconformitéà la

prescription. Dans cette perspective, les pratiques managériales font référence à

l’activité pour, d’une certaine manière, la nier: elles visent à réduire l’écart à la

prescription,constitutifdel’activité.

Nous avonségalementmisenévidenceune situationpratiquementopposéeoù les

managersdeproximitécherchaientcettefois-ciàdévelopper,àintensifierl’activitéde

leursvendeursgrâce,notamment,àdes incitations (les«challenges»).Acetégard,

nousnous sommes alorsdemandé si l’activité intensifiéepar lesmanagers étaitde

mêmenaturequ’uneactivitéquipourraitêtreconsidéréecomme«normale».Enfin,

l’individualisation de la performance à travers l’indice de vente nominatif (4.2.2)

rappellequelareprésentationdelaperformancedutravailchezBoutiques Aéroports

resteégalementfocaliséesurlavente,etsurtoutlaventecomplémentaire.Ceconstat

faitéchoàcertainsdiscoursmanagériaux(cf.2.2).

L’analysedespratiquesd’intensificationde l’activité apermisdemettreen lumière

une dimension qui n’avait pas spontanément émergé dans l’analyse des discours

managériaux:unecertaineagressivitérequisedelapartdesvendeursafindegénérer

duchiffred’affaires.L’émergencedecetaspectlégitimeladistinctionquenousavons

Page 214: Le travail dans la performance organisationnelle

213

opérée dans notre cadre analytique, entre discours et pratiques. Elle conforte par

conséquentlapertinencedenotrecadreanalytique.

Enfin, plusieurs pratiques que nous avons étudiées ici sont structurées par des

mesures (conduisant à des récompenses ou appuyant l’individualisation de la

performance), tout en faisant référence à l’activité des vendeurs. En étudiant la

relation mesures-activité contenue dans la pratique d’individualisation de la

performance, nous avons mis en lumière une situation dans laquelle le lien était

rompu: à partir de lamesure qui condense l’activité réalisée, il est impossible de

savoirqueltyped’activitéaeffectivementconduitàcettemesure(processuscomplet

deventeousimpleencaissement?).Au-delàdepossibleseffetspervers,lacoupuredu

lien renforce l’intérêt à étudier le travail des vendeurs, c’est-à-dire l’activité,

conjointementauxautrescatégories ducadreanalytique.

Après les avoir analysées spécifiquement et individuellement, nous procédons ci-

dessousàunesynthèseportantsurlesdiscours,mesuresetpratiquesquenousavons

étudiéeschezBoutiquesAéroports.

5� SYNTHESESURLESMESURES,DISCOURSETPRATIQUESMANAGERIALES

Les sections précédentes portant sur les discours, mesures et pratiques nous ont

permis d’exposer un point de vue managérial sur la performance du travail de

vendeur.Nousavonsdéveloppélecontenudecepointdevue,delacaractérisationdu

travaildevendeurauxeffortsentreprispoureninfluencerlaperformance,enpassant

par lesmesures de performance.Notre démarche nous a ainsi permis d’accéder à

différentesreprésentationsdelaperformancedutravail.

Lesmultiplesélémentsquenousavonscollectésgénèrentunereprésentationricheet

largede laperformancedu travailde vendeur chezBoutiquesAéroports. Selonnos

managersdeproximité,cettereprésentationdelaperformancedutravaildevendeur

Page 215: Le travail dans la performance organisationnelle

214

s’étendde lavente,bien sûr,aunettoyage (linéaireetboutique),enpassantpar le

réassort et l’échange avec la clientèle – pour ne rappeler que quelques éléments

présentéssupraau2.2.1.1.A traverscesreprésentations,nouspouvonsconstater la

fine connaissance que les managers peuvent avoir du travail de vendeur. Certes,

nombredenosinterlocuteursontexercélemétierdevendeurauparavant,maiscette

finesse renvoie également à laprécisionde laprescription formelle: cettedernière

détailleparexempledesattitudesetphrasestype(cf.2.1.3).

Atraversnosanalyses,nousavonsnotammentpumontrercombienlesrelationsentre

mesures et activité peuvent être multiples au sein des discours et pratiques

managériaux. Ceci semble montrer que la modélisation du travail et de sa

performance,mêmeparquelques individusqui le connaissentpour l’avoirpratiqué,

resteextrêmementcomplexe.Ladifficultéàmodélisersuggère ici,d’unpointdevue

plusthéorique,quelaperformancedutravailestplutôtprotéiforme.

Dans une perspective d’intervention, cet aspect protéiforme ne semble nullement

empêcherdediscuterdelaperformancedutravaildanslesentreprises;ilsepourrait

mêmequecetaspectprotéiforme facilite leséchangesetréflexionsetquesurcette

base, il soit possible d’élaborer une représentation collective de la performance du

travail.

Atraversunepartiedesdiscours(démarchedeventeetrôledutravaildesvendeurs

dans la performance) et des pratiques (individualisation de la performance,

notamment), il nous semble qu’il existe une certaine convergence autour de la

performance du travail commemoyen de générer une vente et surtout, une vente

complémentaire.Cetteconvergencesestructureautourd’unemesure particulière(le

chiffred’affaires,essentiellement).Cecilaissepenserque,mêmeauprèsdepersonnes

qui connaissent le travail dont il est question, les mesures auraient le pouvoir

d’éclipser des représentations plus larges et qualitatives sur le travail et sa

performance1.

1Anotreconnaissance, Jarniou (1982)avaitabordécettequestionde façonexclusivement théorique.Nosrésultatsabondenticidanssonsenspourcequiconcerneletravail.

Page 216: Le travail dans la performance organisationnelle

215

Lamise enœuvre de notre cadre analytique présentée ici amontré comment les

catégoriesdiscours,mesuresetpratiquespeuvent interagirets’articulerautourde la

performance du travail. Nous pensons que la mobilisation de ce cadre sur une

situationconcrèteétablitsonopérationnalité.

L’émergencede‘l’agressivité’desvendeursvis-à-visdesclientsàtravers despratiques

(cf.4.2.1) etnon à traversdesdiscours confortepar ailleurs lapertinencede cette

distinctionpourétudierlaperformancedutravail,cequin’étaitpasévidentapriori.

Enétablissantdesliensavecl’activitéàpartirdesdiscours,mesuresetpratiques,nous

renforçons la légitimitédenotrecadreanalytiqueàarticuler l’activitéconjointement

auxdiscours,mesuresetpratiques.

Enfin,enconfrontantdiscours,mesuresetpratiquesautourd’unmêmethème,notre

cadre analytique semble faciliter lamise en évidencede tensionsplus systémiques.

Faireémergerdestensionsd’ordregénéralgrâceaucadreanalytiqueneconstituepas

l’objectif principal de cette thèse. Nous nous contentons donc de mentionner ci-

dessouscertainesdecestensionsàpartirdesdiscours,mesuresetpratiquesquenous

avonsprécédemmentprésentésetanalysés:

�� Desdiscoursmanagériauxmettentenavant l’espritd’équipe (2.2.1.1,tableau

6) alors qu’une pratique d’individualisation de la performance se développe

(4.2.2).

�� Ladémarchede vente vise enparticulier àdévelopper les ventes (cf.2.1.1),

mais l’auditde son respect (la visite-mystère)nepeutpas,par construction,

évaluer la capacitédepersuasionni la forcede convictiondes vendeurs (cf.

2.1.5).Deplus,certainsmanagersdeproximitéadmettentquel’applicationde

ladémarchedeventeneconduitpassystématiquementàunevente(cf.2.2.2).

�� Lapratiqued’individualisationde laperformance semblemettreenévidence

unecertainecontradictionentredeuxmesures(lechiffred’affairesetlepanier

moyen),lepaniermoyenpouvantcontribueràdiminuerlechiffred’affaires(cf.

4.2.2). Par ailleurs, la démarque inconnue et le score de visite-mystère sont

assez rarement évoqués dans les discours desmanagers de proximité. Cela

Page 217: Le travail dans la performance organisationnelle

216

pose la question de la capacité à articuler des plans d’actionsmanagériaux

autourdecesdeuxindicateurs.

Nous voudrionsdésormais soulignerunpoint concernant laprescriptiondansnotre

cas.ChezBoutiquesAéroports,elleapparaîtdansplusieursdimensionsdenotrecadre

analytique. La démarche de vente en constitue la base (cf. 2.1). La prescription est

aussiprésentedanslesdiscoursmanagériauxàproposdelacaractérisationdutravail

de vendeur (‘respecter les règles’, cf. 2.2.1.1). Lesmanagers prescrivent aussi des

comportementsoudesactionsauxvendeursafinderemédieràunécartconcernantla

démarchedevente(cf.4.2.1).Enfin,certainesmesuressontliées àlaprescription:le

score de la visite-mystère qui sanctionne la conformité d’exécution du scénario de

vente; ou encore le chiffre d’affaires, qui constitue quasiment un objectif

individuellement assignable (cf. 4.2.2). A ce stade, le constat que nous dressons

soulèvedeuxcorollaires.

Bien que nous n’ayons pas concentré notre analyse sur la prescription demanière

spécifique,notrecadreanalytiquepermetdel’appréhender.Ilsemblemêmel’ouvrirà

d’autres dimensions telles que les pratiques. A notre connaissance, l’ergonomie a

jusque-làappréhendélatâcheàpartirdediscoursformels(textesouentretiensavecla

hiérarchie).Nousyreviendronsdanslapartiediscussiondelaprésentethèse.

Deuxièmement,ledispositifmanagérialautourdelaprescriptionmetenévidenceun

assezfortcontrôleparlescomportementsetparlesrésultats.Pourautant,cecontrôle

relativementfortnesemblepasdonnerlieuàunefrancheoppositioninterne.Lorsde

notre présence en boutiques, nous n’avons pas entendu de critiques concernant la

rigidité ou la standardisation de la démarche de vente, par exemple. De même,

l’activitédes vendeurs semble relativement conforme avec ladémarchede vente –

c’estd’ailleursunpointsurlequelnousreviendronsendiscussiondecettethèse.

Nos analyses précédentes pourraient aider à comprendre comment un certain

équilibre se construit autourde ladémarchede vente.Certes,nous savonsque les

boutiques du périmètre qui nous concerne reçoiventmensuellement la visite d’un

client-mystère. Mais, en rapport avec le nombre de clients transitant dans les

boutiques, l’audit ‘sanction’mensuelne représentequ’une infimepartde l’activité.

Page 218: Le travail dans la performance organisationnelle

217

Celalaissedoncdepossiblesmargesdemanœuvreauxvendeurspours’écarterdela

démarchedevente1sansêtreaudité.Deplus, l’anonymisationdu rapportdevisite-

mystère garantit à chaque vendeur une certaine ‘impunité’ en cas d’écart.

Parallèlement à cela, lesmanagers de proximité que nous avons rencontrés n’ont

jamaisrejeté lanon-atteintede laperformancesur lesvendeurs;aucontraire, ils les

exonèrentspontanémentdetouteresponsabilité (cf.2.2.2).Ainsi,l’équilibresemblese

jouerauniveaude lamiseenœuvreducontrôleeffectif(assez lâche)etd’uncertain

reculde lapartdesmanagersdeproximitéconcernant lanon-performance.Lepoint

que nous venons de développer illustre une autre utilisation de notre cadre

analytique: cedernierpermetdedonnerdesélémentsd’interprétationde la façon

dontunensemblededispositifsdegestionopèreenpratique.

Les discours, mesures et pratiques au sein de Boutiques Aéroports, comme nous

l’avonsprécédemmentdit,exprimentprincipalementlepointdevuemanagérialsurla

performancedutravail.Pourterminernotrerevuede laperformancedutravaildans

l’étude du cas Boutiques Aéroports, nous nous attachons désormais à restituer et

analyserl’activitédesvendeurs.

6� L’ACTIVITECHEZBOUTIQUESAEROPORTS

L’analysede l’activitésedérouleraentroistemps.Nousprésentonsdansunpremier

tempslacaractérisationdel’activitédesvendeurstellequenousl’avonsprésentéeàla

hiérarchie de Boutiques Aéroports lors de restitutions (6.1). Cette caractérisation

confère une vue d’ensemble du travail des vendeurs.Dans un second temps, nous

concentronsnotreanalyse surdesaspects trèsparticuliersdenosobservationsafin

d’appréhender la performance du travail de vendeur (6.2). Les analyses que nous

développons à ce propos s’écartent d’une restitution classique en ergonomie. Elles

1Nousexpliciteronscertainscasdanslasection6duprésentchapitre.

Page 219: Le travail dans la performance organisationnelle

218

articulentdescatégoriesdenotrecadreanalytiqueenvuedemettreenévidencedes

liensentreelles.Nousprocédonsainsiafinde rendrecomptede laperformancedu

travail.Enfin,nousproposonsunesynthèsesurl’activitédesvendeurschezBoutiques

Aéroports(6.3).

6.1� Caractérisationdel’activitédesvendeurs

Lacaractérisationde l’activitéquenous rapportons iciest issuedenosobservations

directes en boutiques. Elle a également fait l’objet d’une confrontation avec la

hiérarchiequinousaaccueillie (siègeetboutiques)au coursdequatre restitutions.

Ces restitutions ont été l’occasion de valider notre compréhension du travail de

vendeur. Elles ont aussi permis de préciser et développer certains aspects. La

caractérisation que nous proposons constitue donc une représentation partagée de

l’activitédesvendeurs.Larestitutionquenousproposonsci-dessousviseàdresserun

panoramadel’activitédesvendeurs,avantdenousconcentrersurdessituationsplus

spécifiques(6.2).

6.1.1� Unemobilisationcorporelle…

Même si ce premier constat peut paraître banal, il va sans dire que l’activité des

vendeurs mobilise très largement l’ensemble du corps. Il faut «Parler, écouter,

sourire, regarder, (se) mouvoir, se souvenir», avions-nous indiqué dans nos

documentsde restitution.Lecomptagedes termesmontrequ’il s’agitd’uneactivité

concentréesurlatête,qu’ellesoitmusculaire(sourire)oucérébrale(sesouvenir1).Le

terme «(se) mouvoir» renvoie à de nombreuses situations dans lesquelles les

vendeursmarchent(oupiétinent),sebaissent,portent,touchent,montrent.

1Que ce soitpour reconnaîtreun client (observations du 21/11/13,p. 9),oupour se rappelerde laréférencequimanquedanslelinéaire(Observationsdu23/01/24,p.2).

Page 220: Le travail dans la performance organisationnelle

219

Cettemobilisationcorporelles’intensifieensituationde«rush»,c’est-à-dire lorsque

de nombreux clients sont présents dans la boutique et sollicitent fortement le

personnel1.

6.1.2� …orientéeverslesclients(lespassagers)…

La mobilisation corporelle que nous venons de présenter s’adresse à un public

particulier:lesclients2,3.

Vis-à-visdespassagers,donc, l’activité se concentre autourde troispôlesquenous

illustreronsparlasuite.Cesont,telsquenouslesavionsrestitués:

�� Renseigner,

�� Conseiller,

�� (Faire)Encaisser.

Renseignerunpassagerconstitueuneétapeassezcourteetpeutprendredemultiples

formes. Ilportemajoritairementsur lesproduitsproposésenboutique (enATGC,on

serenseignesouventsur les«droitsd’achat»encigarettesetalcools,parexemple).

Mais il arrive que les vendeurs soient interpelés pour indiquer où se trouvent les

toilettes,lesportesd’embarquement,unepharmacie,lasortie,etc4.

Dans le cas où le passager s’avère plus intéressé par les produits disponibles en

magasin,laphasede«conseil»débute(cf.supradémarchedeventeau2.1).Lorsque

lepassagerchoisitunproduit,ildevientclientlorsdeladernièrephasedel’activitéqui

consisteàencaisser(typeMode)ouplutôtàfaireencaisser(ATGCetPC).

L’activité tournée vers lespassagersnaîtde laprésencedesproduits. Les vendeurs

exercentdoncuneactivitétournéeverslesproduits.

1Cf.situationn°5au6.2.5duprésentchapitre.2Et ce même si les clients ne constituent pas l’unique «public». Les interactions entre collèguesmobilisentbiensûrlecorps.3En faitde clients,nousdevrionsplutôtparlerde«passagers», car,une foisencore, lepassagernedevient client qu’après son passage en caisse. «Client» étant le terme générique employé par nosinterlocuteurs,nousl’utiliseronsfréquemment,mêmesitel«client»n’aeffectivementrienacheté.4ObservationsMode du 02/12/13 p. 13: deux renseignements donnés, sur les correspondances etconditionsd’achat.

Page 221: Le travail dans la performance organisationnelle

220

6.1.3� …etverslesproduits…

Lesvendeursmettentenœuvredemultiplesactionsconcernantlesproduits:

�� Remonter,

�� Réassortir/Réapprovisionner,

�� Ranger,

�� (ré-)Étiqueter,

�� Inventorier,

�� Commander,

�� Nettoyer.

Précisonscertainstermes.«Remonter»consisteàorganiser lesproduits(quitteàen

rajouterquelques-uns)defaçonàcequelelinéaireapparaisseleplusremplipossible

etquelesproduitssoientplusaccessibles.Certainsutilisentleterme«facing».Nous

avons pu voir deuxmanières de faire: si les produits disponibles sont au fond du

linéaire,alors ilssontramenésvers lebord(Parfums).Si lesproduitssontennombre

insuffisantpouroccuperl’espace,ilssont«étalés»pourcouvrirleplusdesurfacede

linéairepossible(casdestablettesenATGC).

«Réassortir/Réapprovisionner»consisteàrajouterdesproduitsdanslelinéaire,soit

à partir de stocks intermédiaires disponibles en boutiques (tiroirs, placards et

réserves), soit à partir des livraisons régulières. Dans cette catégorie d’activité, les

vendeurs réalisent, lors de modifications dans les collections présentées, le

réarrangementdesproduits selon lenouveau«planmerchandising»;cecinécessite

deretirertouslesproduitsdéjàexposéspourlesremplacerpardenouveaux1.

Le rangement comporte deux sous-activités: le rangement en réserve des produits

surnuméraires livrés en boutique et le rangement des produits déplacés voire

éparpillésparlespassagers.

Lacommandeestsouventlimitéeàlapropositiondeseuilsdecommandeenfonction

desstocksdisponiblesetdesopérationspromotionnellesencours.C’estunesituation

quenousavonsplutôtrencontréeenboutiquePC.

1Nousavonspuobservercetyped’activitédans laboutiqueMode:celaconcernaitenparticulierdessacsaccrochésaumuretdeschaussuresdisposéessurunetable.

Page 222: Le travail dans la performance organisationnelle

221

Enfin,lenettoyageconcernelesproduitsdemanièredirecteetindirecte.Lesproduits

peuventêtredirectementnettoyés(époussetés),notammentlorsqueleurrotationest

plutôtfaible.Demanière indirecte, lesvendeursse livrentaunettoyagedes linéaires

portantlesproduits.UneentreprisedeménageestmandatéeparBoutiquesAéroports

pournettoyerlessolsetl’extérieurdesprésentoirs,maispasleslinéaires.Autrement

dit, l’entreprisedenettoyagenemanipulepas (ouquasimentpas) lesproduits.C’est

dans la boutique de Mode que le nettoyage fut le plus organisé pendant notre

présence. Dans les deux autres boutiques, le nettoyage est pratiqué pendant une

baissedefréquentation,parnatureplusaléatoire.

Dans le jargon de l’entreprise, l’ensemble de ces actions s’intitule: «faire du

fonctionnel».

C’estpouretautourdesproduitsquelesvendeursutilisentleplusbras,jambesetdos.

Les trois caractéristiquesmises en évidence jusque-là s’accomplissent au servicede

l’organisation.

6.1.4� …auservicedel’organisation1.

Notrecaractérisationrevêtlesaspectssuivants:

�� Convaincre,

�� S’adapter(patience/précipitation;distancerelationnelle),

�� Exploiterlepotentieldesclients,

�� Collaborer,

�� Résisteràl’ennui,

�� S’interrompre.

Lacaractérisationquenousvenonsdeproposerdressedoncun largepanoramades

composantes de l’activité de vendeur telle que nous avons pu l’observer et la

1Danslesrestitutions,nousutilisionsletermede«performance»parcequenousfaisionsdirectementréférence aux quatre indicateurs utilisés chez Boutiques Aéroports pour en rendre compte: chiffred’affaires,paniermoyen,scoredevisites-mystèreetdémarqueinconnue.Afindenepasembrouillerlalecture,nouspréférons iciparlerd’un«serviceà l’organisation»quise trouveévaluéparcesquatremêmesindicateurs.

Page 223: Le travail dans la performance organisationnelle

222

confronterà lahiérarchie rencontrée.Lasectionsuivanteestdésormaisconsacréeà

l’étudedesituationsparticulières.

6.2� Analyseetinterprétationdesituations

Nous restituonsdanscettesection8situationsparticulièresquinouspermettentde

rendre compte de la performance du travail de vendeur. La restitution de chaque

situationprocèdera endeux temps:d’abord ladescriptionde la situation telleque

nousl’avonsobservée,puislesanalysesetinterprétationsquenousentirons.

Ades finsd’anonymisationdenosdonnées,nous introduisonsdesprénoms fictifset

génériques pour tous les vendeurs et vendeuses que nous avons rencontrés. Ainsi,

nous restituons l’observationde l’activitéde«Serge»,«Marie»,«Paul»,etc.Très

souvent,desprénoms identiquess’appliquentàdes individusdifférents.Nousavons

bien conscience de réduire ainsi la diversité des données collectées (en termes de

parcoursprofessionnel,d’expérience,depersonnalité,etc.des individus rencontrés),

maisnousnepensonspasquecelanuiseàlaqualitédesdonnéesquenousrestituons.

Aucontraire,notrechoixméthodologiquepermetainsidecentrerlasituationnonpas

sur la personne elle-même1, mais sur le travail de vendeur pris à la fois dans la

singularitédessituationsquenousrestituons,etdanslagénéralitéliéeàleurcaractère

exemplaire.Enfin,nouspensonsquelechoixquenousfaisonsfaciliteralalecturedes

situationsquenousétudions.

De manière évidente, nous n’avons pas eu accès aux données personnelles des

passagerset clientsquenousavons rencontrésenboutiques,etqui fontpartiedes

situationsobservées.Afindedistinguercespersonnes,nous leuravonsattribuéune

lettre, ce qui nous a permis, dans certains cas, de suivre leur parcoursmême en-

dehorsdes interactionsavec lesvendeurs.La restitutiondesdonnées faitdoncétat,

1Ce qui n’était pas l’objet de notre étude. De plus, cela réduit le risque d’ouvrir, comme cela estfréquentdanscetypedecompte-rendu,àunjugementdel’individului-mêmesurlefaitd’avoirbienoumalfait.

Page 224: Le travail dans la performance organisationnelle

223

lorsque cela est nécessaire, de ce type de code associé aux passagers présents en

boutiques.

6.2.1� Situationn°1:ventedecigares

6.2.1.1� Présentation de la situation observée le 22 janvier 2014 dans la boutique

ATGC/Orly

16h34:Serge,conseillerdevente,vaouvrirlacaveàcigarespourunclient1.L’homme

veutdes«Partagas»,maisnesesouvientplusdumodule2.«C’estpourquelqu’unqui

n’estpasfortuné.C’estlesmoinschers,normalement.»expliqueleclientàSerge.Ce

dernierrépond:«Partagas,c’estvague:çavadeCigarillosàLusitaniens.».«Jevais

l’appeler.» propose le client. «Comme ça je peuxmieux vous orienter.» conforte

Serge.

16h36: le client est au téléphone et lui passe Serge afin de connaître lemodule

souhaité.Aprèsunsilence3,l’hommerappelleetcolleletéléphoneàl’oreilledeSerge,

etexpliqueaucommanditaireque lemodulesouhaitén’estplusdisponible. Leclient

prendalorsuneboîtedecigaresetraccroche.MaisSerge lui indiquequecetteboîte

necorrespondpasdutoutausouhaitducommanditaire.Leclientrappellealorsson

commanditaire;Sergeprendalorsletéléphonequeleclientluimetsurl’oreille.Après

unéchange,Sergerépète letypedecigaresouhaité:«RoméoetJulietteNo.3».Le

client demande alors à Serge: «Dites-lui combien ça coûte.». Serge en prend une

boîteetsortdelacavepourvérifierleprixàlacaisseflashquisetrouveàproximité.

Mais ilva finalementàsacaisse4.Deretour,Serge indique leprixetprécisequeces

cigaressontvendusavectube5.Maislecommanditaireneveutpasdetubes.Touten

ouvrant la boîte pour vérifier, Serge remarque: «Ah bah c’est pas les numéros 3

1Pendant notre période d’observations, le détecteur demouvement commandant l’ouverture de laportedelacaveàcigaresestdéfectueux.Celanécessiteuneouverturemanuelledelapartdupersonnelafinquelesclientspuissentyaccéder.2Formatducigare(diamètre,longueur,etc.).3Laconversationaétécoupée.4Lacaisseflashétaitverrouilléeparunautreutilisateur.Selonunplanningdéfini,Sergetientcejour-làunecaissederenfort,quisesituequelquesmètresplusloin.5Chaquecigaredelaboîteestconditionnédansuntube,cequiaméliorelaconservationetletransport.

Page 225: Le travail dans la performance organisationnelle

224

alors.»;puisà l’attentiondu client:«Jevoispas cequ’ilveut.». Le client reprend

alorssoncommanditaireautéléphone,etchoisituneboîteaprèsuncourtéchange.

A lacaisse,Sergepropose:«Ilvous fallaitautrechose?duchocolat?…».Leclient

répond: «Des chocolats.». Serge sort un panier etmet les cigares dedans. Serge

propose aussi «Whisky?» et le client répond: «Jack Daniel’s». Devant son

hésitation,Sergerassure leclient:«Oui jevousaccompagne, jeferme juste laporte

�delacave�.Etc’estlemêmemagasin,vouspouveztoutpayerd’uncoup.».

Sergeetleclientserendentd’abordauxwhiskies.Sergevantelesméritesdel’édition

limitée Jack Daniel’s, que le client choisit. Serge accompagne ensuite l’homme aux

chocolats:d’abordauxpromotionsdelatourMilka,queleclientneprendpas.«çaje

saisquelesenfantsaimentbien;làvousavezdesM&M’s»commenteSergelorsdela

présentation des produits. Ils terminent auxMinimars, où Serge conforte: «Ouais,

c’est sympa, ils vontêtregâtés.».Une fois le tour terminé,Serge indique:«Venez

avecmoi,jevousfaisencaisseraufond.»1,etproposedetoutpayerenunefoispuis

desortirdeuxfactures,l’uneétantpourlecommanditaire.

Pendant la transaction de carte bancaire, Serge emballe les achats et dédie un sac

spécifique pour les cigares. Il édite ensuite un autre ticket de caisse2que pour les

cigares.Leclientajoute:«Iln’yaquelescigares.».

16h50:Sergetendlesdeuxsacsetdit:«Envousremerciant.».

Leclientvérifie,etconstatequec’estunduplicataduticketdecaisse:«C’estpourça

quejevoulaispayerendeuxfois!».Ilneveutpasquesoncommanditairevoiel’achat

dewhisky3. Serge propose de couper le ticket, afin de ne faire apparaître que les

cigaresetleschocolats,carilnepeutpaséditerdeticketuniquementpourlescigares.

Sergeproposeégalementunautresac,queleclientaccepte.

16h52:leclientvientdepartir.Letotaldesesachatsestd’environ150€.

Alasuitedecetépisode,uncourtdébriefingapuavoirlieuavecSerge:

«Leprix �des cigares�est faux:89€affichés contre91€payés.Yenaqu’unqu’est

commeça,etilafalluquejetombesurcelui-là!».

1C’est-à-direà«sa»caisse.2Qu’onappelleaussi«duplicata».3Leclientetlecommanditairesontprobablementdeconfessionmusulmane.

Page 226: Le travail dans la performance organisationnelle

225

Surlescigares:«çaaétéchaud.Jevoyaispasd’issue.C’estcommesiildisait:‘Jeveux

uneRenault.’,sansaucuneautreprécision.».

Sur le ticket de caisse: «Déjà, je voulais qu’il paye tout d’un coup pour le panier

moyen. Et lui voulait pas qu’on voie l’achat d’alcool.Mais je voulais pas le piéger,

j’avaispascompris,moi.».

6.2.1.2� Analyseetinterprétationdecettesituation

�� Unecompréhensionquinevapasdesoi

La situationquenous venonsd’exposer illustre lesdifficultésde compréhensiondu

besoin par le vendeur qui peuvent survenir. Ici, nous avons un trio (vendeur –

passager/client–commanditaire)quirencontreplusieursdifficultés.Lapremièretient

au manque de précision de la demande du commanditaire, associé au manque

d’expertise en lamatière du passager/client. C’est d’ailleurs pour cela que le client

confiesontéléphoneportableauvendeur.Làsesitue lasecondedifficulté: la liaison

téléphoniqueest imparfaite(elles’interromptnotammentunefois),etentre leclient

etsoncommanditaire,laconversation sefaitenpartieenarabe.Enfin,surleticketde

caisse, leclientn’apasclairementexposésonsouhaitdemasquer l’achatd’alcoolau

commanditaire.

Rapportonsdésormais lasituationquenousavonsexposéeàcequiestattendu par

l’organisation – la prescription. Les verbatims du vendeur après cet épisode nous

permettentdesaisirquel’étape«Considérer»duscénariodeventenevanullement

de soi. Cette étape est présentée comme: «Considérer crée une véritable relation

avec leclient, fondéesur l’écouteet lacompréhensiondesattentes.Celapermetde

découvrirsesgoûts,sesmotivationsetsesbesoins.» (Document interne, �démarche

de vente�.pdf, p. 2). Dans notre situation, le client déjà est incarné par deux

personnes: le commanditaire et le passager. De plus, le commanditaire est

physiquementinaccessible.Parailleurs,levendeurfaitfaceàunedifficultédelangue1.

Enfin, l’identificationducontenudubesoins’étiresurune longuephasetoutau long

de laquelle levendeursedemandes’ilvaeffectivementarriveràcomprendreceque

1Lefrançaisn’estpaslalanguematernelledupassagernicelleducommanditaire.

Page 227: Le travail dans la performance organisationnelle

226

veutlecommanditaire(«çaaétéchaud.Jevoyaispasd’issue.»nousditSerge).Dans

cettesituation,levendeurseretrouveen-dehorsdetoutcadre(standard,prescrit)car

l’énoncédubesoin («Roméoet Juliettenuméro3»)heurte ses références connues

(«sanslestubes»).

�� Les«indicateursinducteursd’activité»

Parrapportànotrecadreanalytique,l’activitémiseenœuvreparSergemaximiseles

mesuresdeperformance:lechiffred’affairesetlepaniermoyen.

Sur le chiffre d’affaires, l’erreur d’affichage non remarquée par le client/passager

permet de facturer au (nouveau) prix supérieur de 2€.De plus, Serge propose des

ventescomplémentairesqueleclientaccepte,enachetantpourenviron60€enalcool

et chocolats. Ainsi, le client a acheté pour 150€ (environ), dont 91€ pour un

commanditaire. Si l’on exclut l’erreur d’affichage, la proposition de Serge a permis

d’augmenterlechiffred’affairesréalisésurceclientde65%environ.

Encorollaire,nousabordonsiciunequestiondélicate:celledesavoirsileclientaurait,

sansl’activitédéployéeparSerge,toutdemêmeachetédesproduitscomplémentaires

(les mêmes?) pour ce même montant. La situation décrite ici ne permet pas de

trancher, mais nous inclinons à considérer que l’intervention de Serge est

déterminante.D’unepartparcequ’auxchocolats,Sergeprendeffectivementletemps

deluiprésentertouslesproduitslesplusattractifs,etd’envanterlesuccèsauprèsdes

enfants.D’autrepart,surlewhisky,Sergevanteune«éditionlimitée».

Dupointde vuedupaniermoyen, l’activitéde Sergeestbienplusdéterminante. Il

admet,lorsdenoséchangesultérieurs,savolontéd’encaisserlatotalitédesachatsdu

clientsurunmêmeticket:«Déjà, jevoulaisqu’ilpayetoutd’uncouppour lepanier

moyen.». L’activitédeSergepermetdoncàlaboutiqued’obtenirunpaniermoyende

150€(environ)pourceclient;lepaiementendeuxfoisauraitdonnéunpaniermoyen

de (91+59)/2 = 75€ (environ) pour ce client1. Selon nos informations, l’objectif de

1RappelonsquedupointdevuedesindicateursutiliséschezBoutiquesAéroports,leraisonnementquenoustenonsestimpossible.Lepaniermoyenestcalculéendivisantlechiffred’affairesparlenombredetickets,nonparlenombredeclients,mêmesilenomdesclientsfigurantsurlacarted’embarquementestunedonnéedisponible.

Page 228: Le travail dans la performance organisationnelle

227

paniermoyen pendant nos observations se situait aux alentours de 57€. Ainsi, S.

réalise un paniermoyen quelque 2,5 fois supérieur à l’objectif.On peut également

remarquerquemêmedans lecasd’unpaiementendeuxfois, leclientauraitpermis

dedépasser l’objectifdepaniermoyende laboutique.Maisdanscetteboutique, les

cas de «clients» (ou «tickets») inférieurs à l’objectif sont nombreux; il est alors

aisément compréhensibleque Serge ait souhaitémaximiser lepaniermoyen sur ce

client.

La volonté du vendeur d’encaisser le client en une fois lui fait prendre des risques

relatifs à la satisfaction de ce client. L’incompréhension sur le type de cigares (que

nous avons présentée précédemment) s’est doublée d’une incompréhension sur le

typede«duplicata»qu’obtiendraitleclient,enraisondelaprésenced’alcool.Cequi

faitque l’échangeaprèspaiementa failli s’orienterversun scandale.Dans lamême

veine,l’erreurd’affichagenonremarquéemetlevendeurdansuncompromisentrela

légalité (faire payer le prix affiché) et les objectifs internes de performance. Nous

considéronsdoncque l’activitéquichercheàatteindre lesmesuresdeperformance

nécessite une moindre considération d’éléments pourtant importants – en

l’occurrence:laloietlasatisfactionclient.

�� Démarchedevente:guided’activité«débordé».

Si nous n’avons pas pu noter tous les propos énoncés par Serge1, nous pouvons

remarquerqueladémarchedeventeguidel’activitéduvendeur.Lasituationrelevée

permeteneffetde suivreàgrands traits les3dernièresphasesde ladémarchede

vente:Considérer,AccompagneretRemercier.Laphasede«considération» relève

précisémentde l’incompréhensionquenousvenonsd’analyser.Nousn’yreviendrons

doncpasici.

Après cela, Sergeproposed’autresproduits (alcoolet chocolats). Laproposition (et

donc le succès espéré) de ventes complémentaires fait partie de la phase

«Accompagner»dans ladémarchede vente (cf. supra scénariode venteau2.1.2).

1Nous n’avons pas pu relever tous les verbatims de Serge pendant la situation que nous avonsprésentée (notamment ceux ce référant à la politesse), parce que nous nous sommes intéressés aucontenuargumentatif.

Page 229: Le travail dans la performance organisationnelle

228

Serge accompagne alors son client aux whiskies puis en confiserie, tout en lui

présentantet suggérantd’autresproduits.Enfin, Sergeencaissepersonnellement le

client, ce qui relève de la phase «Remercier»: «Accompagner le client au point

d’encaissement», «Effectuer l’encaissement si nécessaire» (cf. supra 2.1.3). Au

travers de la situation décrite, nous pouvons donc identifier clairement certaines

étapesdeladémarchedevente.

Pourautant,cettedémarchen’estnullementunscriptdefilmoudethéâtre,puisque,

nousl’avonsexposé,ellen’estd’aucunsecourslorsdelaphased’incompréhensionsur

lescigares1.Lescénariodeventejouedoncicilerôled’unetrameoud’unguide,dont

nousidentifionsaisémentlesoccasionsdanslesquellesl’activitéle«déborde».

6.2.2� Situationn°2:unaccueilimpoli?

6.2.2.1� Présentationde la situation rencontrée le24 janvier2014dans laboutique

ATGC/Orly:

Ilestpeuaprès7hdumatin.Troispassagershommessetrouventdevantleswhiskies

et ont commencé à choisir une bouteille de Chivas de 12 ans d’âge à 36€. Serge,

conseillerdevente, s’introduitalorsdans leurdiscussion:«Prenezcela,c’estmoins

cher.»,enleurmontrantunautreconditionnement.Lestroishommess’interrompent,

examinent laproposition.L’und’eux, jeune,rétorque:«Commentçamoinscher?y

ena2!?».Sergeexpliquealorsquecequ’ilproposeest3€moinscheretqu’enplus,il

yaunesacocheencadeau.Ilvanteenoutrelasacoche:sesbandoulières,sonformat

A4,etc.Atelpointquelejeunequiarétorquédemande:«EllepasseenformatA5?

Elleestdécapotable?».S’ensuitunéchangesurletonhumoristiqueavecSerge.Puis

le jeune demande à l’un des plus âgés du groupe: «T’en veux, sinon j’en prends

une?».Ilss’expliquentetdécidentdeprendrelesdeuxbouteillesensacoche,à69€.

Ilspartentverslacaisseaprèsdessalutations.

1Deplus, le scénariodeventeenvisageunclient,alorsqueSerge fait ici faceàdeuxclientspour lescigares:lepassageretlecommanditaire.

Page 230: Le travail dans la performance organisationnelle

229

6.2.2.2� Analysesetinterprétationsdecettesituation

�� L’argumentationsurleprixunitaire

Lasituationci-dessusdécrituncasclassiqued’argumentationsur leprixd’achatd’un

lot, en comparaison du prix d’achat des produits séparément. Dans notre cas, la

différenceestde3€cardeuxbouteillesunitairesvalent72€et le lotdedeux69€.En

outre, notre cas se double de la présence d’un cadeau (la sacoche), qui, de fait,

augmenteladifférencedeprix–mêmes’ilestimpossibled’acheterlasacochesansles

bouteilles.

C’est un type d’argumentation que nous avons surtout rencontré dans lemagasin

ATGCetdansunemoindremesure,dans laboutiquePC(sur lescoffrets).Lesventes

decigarettesreposentprincipalementsurcesarguments(3cartouchesachetéesenlot

vs3x1cartouche).

�� Influenceduvendeurdéterminante

La situation que nous présentons montre la forte influence de l’activité sur les

indicateursdeperformancefinanciers.Elleétaitsuggéréedans l’exempleprécédent;

elle est explicite ici1. L’intervention de Serge change radicalement les conditions

d’achat des trois hommes. Elle permet d’ouvrir une possibilité qui n’avait pas été

explorée jusque-là:celleque l’hommeâgépuissesouhaiterunebouteille;d’ailleurs,

cette possibilité reste une issue jusqu’à la fin.De plus, laméfiance fut la première

réactionfaceàlapropositiondeSerge:«Commentçamoinscher?yena2!?».

Enraisondusuccèsrencontréici,l’activitéproduituneprogressionfulgurantedupoint

de vue des indicateurs. On assiste grâce à l’intervention du vendeur à un quasi-

doublement du chiffre d’affaires (+ 92% environ), puisqu’il passe de 36€ à 69€. En

outre,l’activitéduvendeurpermeticidedépasserl’objectifdepaniermoyen(toujours

de 57€ environ à cette date) 2 ,3 . Dans l’exemple ici présenté, l’activité est donc

déterminante dans l’amélioration substantielle des mesures (financières) de la

1Bienévidemment,lespassagersclientsrestentlibresd’acheterounon.2Cet objectif de paniermoyen agit en fait comme un seuil pour les vendeurs: ils/elles cherchent àl’atteindrepourchaqueclientdontilss’occupent(cf.ObservationsATGC,20et21/01/14,notamment).3Même si nous n’avons pas suivi ces clients jusqu’à l’encaissement, nous pouvons affirmer cela: leproduitachetén’estpasdéconditionnable. Ilsera doncpayéenune fois,etcemêmesichacundes3clientspayeses(éventuels)achatsséparément.

Page 231: Le travail dans la performance organisationnelle

230

boutique et donc de l’entreprise. Cependant, cette amélioration substantielle est

atteinteendépitdustandardenvigueurdanscettemêmeentreprise.

�� En-dehorsdeladémarchedevente

Si lasituation décriteserévèleêtreunsuccèsdupointdevuedesmesuresutilisées

(chiffred’affairesetpaniermoyen),ellemontreégalementdefortsécartsparrapport

àladémarcheetlescénariodevente.

Leplusgrandécartsesitueauniveaude l’entréeendiscussiondeSerge.Boutiques

Aéroportsinsisterégulièrementsurlesrèglesdepolitesseàobserverenboutiques.A

cepropos,lesétapesOuvrir,SourireetRemercierontunpoidstrèsimportantdansle

scorede la visite-mystère: environ 60% (cf. 3.4).Dans le casquenousprésentons,

nouspouvons chercher en vain les«phrasesd’accueil»oumêmeencore l’attitude

ouvertequidevraitprécédertoutéchangesurlesbesoinsetlesproduits:iln’yenn’a

pas1. Le vendeur s’introduit brutalement dans la conversation des trois hommes:

«Prenez cela, c’estmoins cher.». Son intervention interrompt leur conversation,et

l’oriente vers la proposition qu’il formule.D’ailleurs, cette interruption semble peu

appréciéeduclientquirétorque:«Commentçamoinscher?yena2!?».Ilsemble

ainsi que dans cette situation, la politesse la plus simple soit négligée tout en

développantlaperformancedel’entreprise2.

Ce constat nous amène à interroger d’une autremanière les liens entre discours

managériaux,activitéetmesures.Lapolitesseestaffirméedans lescénariodevente

(cf.2.1.2duprésentchapitre)etouvertementexplicitéeparcertainshiérarchiques3.

Ellerelèvedoncd’undiscoursmanagérial.Danslasituationquenosprésentonsici,la

performancedutravailmarqueraitalorsuneprisededistance,voireuneopposition,

aveclesdiscoursmanagériauxpouratteindrelaperformance4.L’identificationdecette

1Ilnes’agitpasicid’uneomissiondanslaprisedenotes.2Sil’onexclutlescoredesvisites-mystère.Ladémarqueinconnuen’estpasconcernéeici.3 «C’est quoi d’accueillir quelqu’un dans nos boutiques? C’est tout bête, c’est comme accueillirquelqu’unchezsoi…fautaussi,lapolitesse!»(EntretienMA4,p. 5).4Nousnepouvonsconclurequecettenégation/oppositionestnécessaireà l’atteinterécurrentede laperformance–enparticulierparcequenousavonsmontrésur l’exempledeSergeauxcigares,que ladémarchedeventeguideégalementl’activité.

Page 232: Le travail dans la performance organisationnelle

231

oppositionnouspermetd’illustrerplusieurschoses.Premièrement,ilsemblequequel

quesoitl’effortconsenti1,lamodélisationdelaperformancedutravailrestepartielle.

Deuxièmement, elle montre le rôle ambivalent des discours managériaux dans la

performancedutravail. Ilsconstituentcertesdesguidespour l’activité (cf. l’exemple

des cigares), et en ce sens ils permettent l’accomplissement de la performance (au

traversdesmesures,notamment).Toutefois,s’extrairedecesguidespeutmalgrétout

garantir, voire développer, la performance. L’interrelation entre activité et discours

n’estdoncpasunivoque,encesensqu’ilsneconstituentqu’unemanièred’atteindrela

performanceenvisagée2.

Si l’on revient à la situation de vente décrite précédemment, il nous semble que

l’opposition de l’activité au discours managérial représente une autre manière

d’exprimerl’écartprescrit/réelclassiqueenergonomie.Danslemêmetemps,àl’aune

de notre cadre analytique, il nous semble que le triangle discours-activité-mesures

permet d’affiner la composition de l’écart. Si l’activité s’oppose aux discours

prescriptifs,elleadhèreen revancheàcertainsobjectifsdeperformance (mesures):

chiffred’affairesetpaniermoyen.

6.2.3� Situationn°3:tempsetmécontentement

6.2.3.1� Situationobservéele21novembre2013danslaboutiquePC/Roissy

Il est environ 6h40 du matin. Il y a beaucoup de monde dans la boutique,MA2

(manageradjoint)vientderéparer lacaisse laplusprochedubureau.Ellem’informe

que:«Làc’estvrai,onestjustes.Leshôtessesvontarriverdansunquartd’heure.».

6h47: de retour de la zone Soins,Marie, Beauty Consultant, est abordée par une

femmeMmeVchezChanel.Elle la renseigne,puisvont toutes lesdeuxchezYSLoù

MmeVachèteunproduit.Marieinsistequelquepeupourunproduitcomplémentaire,

mais lacliente rétorque:«J’aipas le temps.».Marie rappellealors:«Vousvouliez

unecrèmehydratante?».Devantsonrefus,Marieluiindiquelacaisselaplusproche,

1Nousavonsmontréen détaillafinessedelaprescriptioninhérenteauscénariodevente.2 Ceci pose directement la question du rôle de la prescription dans les organisations. Nous nedévelopponspasplusavant,carcettequestiondépasselecadre decettethèse.

Page 233: Le travail dans la performance organisationnelle

232

celle des soins: «Alors la caisse est là-bas.».Dans la queue,MmeV s’impatiente.

Marie la conduit alors vers la caisse du bureau, à l’autre bout dumagasin.Devant

l’affluence,Marie fait lamoue et aide sa collègue en caisse pour accélérer le flux.

Pendantcetemps,MmeVademandéàpasserdevantuneautrecliente.

6h53:MmeVpayesonachat(environ25€)etsortdumagasin.

J’interpellealorsMarie:«C’estchaud?»,luidis-je.«Unpeu.»merépond-elle.

Plustard,nousavonspuéchangerquelquesinstantsaveclavendeuseMarieàpropos

delasituationci-dessus.Lavendeuseatenulespropossuivants:

«Fautpasse laisserattendrirpar ‘j’aiunavionàprendre’,carc’est lecasdetout le

mondeici.».

Mariem’indiqueaussiquelechoixinitialdelacaisseenzonedesoinsétaitdélibéré:

«Voilà,ellem’avaitditqu’ellevoulaitunecrèmehydratante.Commec’estàcôté, je

l’aiamenéeetluiaiprésentée.Maisellem’aditaprès-coupqu’elleétaitallergiqueau

parabène, et toutes nos crèmes sont au parabène. Alors du coup, vu qu’il y avait

vraiment du monde, je l’ai aiguillée vers l’autre caisse, vu qu’elle était vraiment

pressée.».

6.2.3.2� Analyseetinterprétations

La tension relationnelle entre Marie et sa cliente provient de plusieurs choses.

Premièrement, le faitd’êtrepresséneconstituepasunargumentdéterminantpour

êtreserviplusrapidementdansunaéroport.Parailleurs,c’estparfoisunargumentqui

est utilisé par les passagers ou clients pour se soustraire à un questionnement

supplémentairede lapartdesvendeurs. IlestdonccompréhensiblequeMarieysoit

peusensibleenpremièreapproche.Deuxièmement,l’activitésetrouvecontraintepar

letemps:pourpouvoirrépondreauxattentesdesclients,ilestnécessairedeprendre

dutemps.Maries’évertuedoncàrépondreauxattentesentermesdeproduitsdansle

moinsdetempspossible;deplus,ellechoisit lacaisse laplusproche.Apartirde là,

Maries’efforced’écourterletempsd’attentedeMmeV,enl’accompagnantversune

autrecaisseetenaidantsacollègueencaisse.

Page 234: Le travail dans la performance organisationnelle

233

A notre sens, le «conflit temporel» inscrit dans la situation ci-dessus illustre une

activité tournée pour une large part vers les mesures. Résister quelque peu à la

pression temporelle énoncée par un client vise tant à répondre à ses attentes

exprimées(lacrèmehydratante)qu’àprofiterdecetterelationétabliepourproposer

d’autresproduits (ventescomplémentaires).Apartirdumomentoùcesdeuxétapes

ontabouti(mêmesansachatcomplémentaire),l’activitésefocalisesurlaréductiondu

tempsd’attenteencaisse.Cette focalisationpermetd’atteindreconjointementdeux

objectifs.Lasatisfactiondelacliente,quiamanifestédel’impatience,enconstituele

premier.Lesecondpeuts’exprimerde lasorte:«réduire le temps improductif».La

présencedenombreuxpassagersetclientsdéborde l’équipeenplace(«Làc’estvrai,

onest justes. Leshôtessesvontarriverdansunquartd’heure.», confie lamanager

adjointeenconstatantl’affluence).Sil’accompagnementencaisseconfèreuneimage

hautde gamme à laboutiqueet faitpartie à ce titredes«5 attitudes» (cf.2.1.3),

l’attente qui en résulte en cas de forte influence représente une contrainte: les

vendeursnepeuventpass’occuperd’autresclients.D’ailleurs,dansnotrecas,dèsque

Mme V est partie, Marie renseigne déjà une nouvelle cliente chez Armani.

L’empêchement à s’occuperd’autres clients représented’une certainemanièreune

pertepotentielledechiffred’affairessupplémentaire,alorsquelechiffred’affairesdu

clientque l’onaccompagneestassuré –quasiment,dumoins.Dans cette situation,

l’activiténoussembletouteentièretendueverslesobjectifsinternesdeperformance

financièreen réalisantdeux choses:exploiteraumieux le tempsdisponibleavec le

client pour augmenter son panier d’achat, et diminuer au maximum la durée

d’accompagnement d’un client qui a terminé ses achats. La performance du travail

consisteenunemiseenœuvreeffectivedecesdeuxlogiques.

Page 235: Le travail dans la performance organisationnelle

234

6.2.4� Situationn°4:tempsetventecomplémentairepresqueratée

6.2.4.1� Situationobservée1le20novembre2013danslaboutiquePC/Roissy

Ilestenviron17h30.Marie(BCenzonesoins)s’apprêteàaccompagneruneclienteen

caisse, mais c’est finalement une collègue qui s’en charge. A ce moment-là, une

femme,MmeG,l’abordepourunmascara,etsemetàluiparler.

17h42:Mme G est toujours avecMarie. Deux collègues se joignent à elles: l’une

apporteunpanierpoury placer lesproduitschoisis; l’autrevante lesméritesd’une

autremarque.MmeG:«Ok,bonbah jevaisvousessayerça.».Marierassuresur la

possibilitédecombiner différentesmarques.Lescollèguess’éloignentalors.

PuisMmeGdemandeunglossnaturelquinecollepas.Mariefaitessayerunproduit.

MmeG:«çacolle.».

Marie:«Ahc’estçaquevousn’aimezpas!?».Marieproposealorsuneautregamme,

hydratante, qui ne colle pas du tout: «Vous voulez l’essayer?».Mme G essaye

devantunmiroir.Elleneleprendpasetexprimealorssesregretsànepastrouverun

rougeàlèvresquiluiconvienne.

MmeG:«Jeregardel’heure,parcequ’on parle,onparle…».Marieluiproposealors

unparfum;ellerefuse.Mariel’accompagnealorsàlacaisse,maisàlacaisse,MmeG

sesouvientqu’ellevoulaitsentiruneAquaAllegoria�unparfumdeGuerlain�.Elless’y

rendent.

DeretouràlacaisseavecuneAquaAllegoria,MariesalueMmeG,luisouhaite«bon

voyage»etva luichercherungift�cadeau�deKenzo.MmeGremerciependantque

Marieendétaillelecontenu.Marielasalueànouveauets’écarte.

17h58:MmeGpartenayantachetépour250€environ.

Al’issuedecettesituation,nousavonspuéchangeraveclavendeuseMarieàpropos

de cette situation: «Elle avait besoin pour elle et sa fille. Au début, elle était

concentréesursafille,paspourelle.Etpuisaprès,elleétaitpluslibérée.».

1Réflexivitéàproposdecettesituationprécise:nousavonsmanqué ledébutdeséchangesparcequenousn’étionspasàproximitédirecte.Danslasuite,nousnoussommesplacéàproximitésansêtrecolléà elles afin de ne pas briser la relation. Et comme il y avait très peu demonde à cemoment-là, ladiscrétionn’étaitpastrèssimpleàmettreenœuvre.C’est laraisonpour laquellenousn’avonspaspulessuivrechezGuerlain.

Page 236: Le travail dans la performance organisationnelle

235

Sur leparfum:«A la caisse,elle s’est rappeléequ’elleavaitbesoind’unparfum.».

Pourtant,Marieavaitclairementproposéunparfum.«Engénéralceque je fais: je

cibleenfonctiondes3axes�maquillage,parfum,soin�dans lepanier.Commeça j’ai

une vente complètemême si c’est pasmamarque. Elle avait déjà un soin et du

maquillage.».�C’estlaraisonpourlaquelleMarieaproposéunparfum.�

Sur letempspassé,30minutesenviron:«Elleavaitregardésamontre.Sic’esttrop

long,leclientneprendpas.Parfois,ondemandecombiendetempslesgensont,pour

savoircequ’onpeutfaire.».

6.2.4.2� Analyseetinterprétations

�� «Beaucoup»detemps

Le contraste entre cette situation et la précédente est saisissant: pour environ 6

minutes,MmeVestpressée,alorsqueMmeGsesouciedel’heureenviron20 minutes

après le début des échanges! Le contexte s’y prête mieux, dans la mesure où

l’affluence est ici bienmoindre que dans le cas précédent: la très faible affluence

autorisemêmeleregroupementde3vendeuses(2BCet1hôtesse)autourdeMmeG.

Puis,pourdesraisonsquinoussont inconnues, laclientedisposaitdeplusdetemps,

etsouhaitaitleconsacreràcertainsachats.

Nous souhaitions ici illustrer la variabilité de la plage temporelle à laquelle les

vendeurs doivent s’adapter. A tel point, nous confie Marie, que: «Parfois, on

demandecombiendetemps lesgensont,poursavoircequ’onpeut faire.».Etainsi

éviter les éventuelles frictions ou désagréments. Comme souligné par le terme

«parfois»,cetypedequestionnementsembleoccasionnel.Dans lasituationdécrite,

Marienementionnepasavoirposécettequestion.Aucontraire, laclienteexprimeà

unmomentdonnésonsoucidutempsquipasse,etnondutemps«négocié»quilui

resterait.

Page 237: Le travail dans la performance organisationnelle

236

Cepointnousamèneàconsidérerqueladuréedelarelationentreunvendeuretun

passager-client est rarement déterminée antérieurement à la prise de contact, ni

mêmedèsledébutdelarelation1.Elleestdoncàdécouvrir.

�� Echecpossibledesventescomplémentaires malgrélebesoin?

Alafindelasituationci-dessus,Marieproposeunparfumquelaclienterefuse.Mais

peuaprès,laclientesesouvientqu’elleveutsentirunparfum.Notreprisedenotesest

suffisammentpréciseetdétailléepourquenouspuissionsdévelopper.

Cettecourtesituationmontreque l’activitédéployéeauraitpunepasseconcrétiser

par une vente complémentaire, alorsmême que la cliente en avait besoin. Si nous

pensonsquecettesituationsurvienttrèsrarement,ellemetenévidencelafragilitédu

lienquiconduitdel’activitédevendeuràlaventeeffective.

6.2.5� Situationn°5:vendeuseoumagasinière?

6.2.5.1� Situationobservéele9janvier2014danslaboutiqueMode/Roissy

Il est environ 14h45. Un couple asiatique entre et s’adresse à Sonia. Ils veulent

beaucoup de sacs Longchamp. Sonia (CV) part en réserve chercher les quantités

désirées.Marie(CV)aidealorsaupliagedecessacs.

14h53: le couple presse pour encaisser car l’embarquement de son vol est

«immédiat».Mais Sonia n’arrive pas à trouver la totalité des sacs demandés. Le

coupleenchoisit13.

L’homme du couple continue à presser: on entend les appels à l’embarquement.

Marieaidetoujoursàemballerlessacs,etfaitainsipatienterunecliente.

14h57: ilyaencoredesantivolsàenlever…Marieest interpeléepar2clientesqui

veulentconnaîtreunprix�chezRepetto�.

14h58:l’hommeasiatiquerappellequelevolestencoursd’embarquement.Lecouple

payesespremiersachats.

1D’ailleurs,cetaspectdelarelationaveclaclientèlen’estnullementabordédansladémarchedevente.Nousnepouvonsdoncdiresil’initiativeponctuelledeMarieenconstitueounonuneentorse.

Page 238: Le travail dans la performance organisationnelle

237

14h59: lecoupleasiatiquedemandedessachetssupplémentairespourensuite faire

lescadeaux.MarieàSonia:«Tu leur donnesunepochette?»�dessacsà l’effigiede

Longchamppourtransporterlesproduitsachetés�.EtSoniaendonne13.

L’hommeredemandeunepochetteàSoniaquirepartenréserve.La femmequantà

elleentrepresqueenréserve,pourdemanderunmodèlecomplémentaire.

15h01:lafemmeasiatiqueachoisi5sacssupplémentairesd’unautremodèle.

LaclientedeMariequipatientaitdemandeàessayerchezZadig&Voltaire.

L’hommeasiatiquedemandeàsafemmedesepresser.Ilfauttoujoursretirer

lesantivols;c’estMariequis’encharge.

15h03: le couple asiatique vientdepayer,est saluéparMarieet Sonia. Ilquitte la

boutiqueencourantpratiquementpourallerembarquer.

Lecoupleasiatiqueaachetépour1167€,endeuxpaiements.

Immédiatement après que le couple asiatique a quitté la boutique, nous avons pu

échangeraveclesvendeuses:

Marie: «C’estmalheureux, pour une vente comme ça, on n’amême pas un sac

Longchamp�àdonnerencadeau�.».

Sonia:«Ellevoulaitleplusquej’avaisensacsnoirs.».

6.2.5.2� Analyseetinterprétations

�� Unesituationhorsnormes

Lasituationquenousprésentonsci-dessousestsingulièreàbiendeségards.Elleest

d’une très forte intensité, tantpour les clientsquepour lesvendeuses.Pendant les

quelques20minutesdeprésenceducoupleasiatiquedanslaboutique,lesvendeuses

sedémènent:Soniafaitplusieursallersretoursdanslaréservepourtrouverle«plus

desacsnoirs»possible.Mariefaitauplusvitepourenleverlesantivolsetemballerles

sacs. Du côté du couple asiatique, l’inquiétude grandit àmesure que les appels à

l’embarquementsefontplusinsistants.

Mais il leur faut toujoursplusde sacs (casdumodèle complémentaire :5 sacs). Les

quantitésachetéessontextrêmementsignificatives:18sacsentout,cequetraduitle

Page 239: Le travail dans la performance organisationnelle

238

montant total des achats. D’ailleurs, les achats du couple asiatique approchent les

quotasdéfinisparcertainesmarques,danslebutd’éviterlacontrefaçon.

�� Est-ceune«vente»?

Commenousl’avonssignalé,lasituationdécriteestexceptionnelle;àuntelpointque

l’onpeutsedemandersiellerelèved’une«activitédevendeur».Bienévidemment,

l’activitéestréaliséepardesconseillèresdevente,etconduitàsatisfaire lesbesoins

exprimés par les clients, tant en termes de quantités achetées que de vitesse

d’exécution1.Maiscorrespond-elleàlareprésentation d’une«vente»chezBoutiques

Aéroports?

Dupointde vuedes indicateursdeperformance internes àBoutiquesAéroports, la

situationdécriteestunevente,etmêmeune«bellevente»commedisentcertains

managersouadjoints.D’abord, ilest indéniablequ’ilyaeuunetransactionentre les

clientsetBoutiquesAéroports:contreunesommed’argent,lesclientsontobtenudes

produits. De plus, avec une moyenne de 583,5€ par ticket, cette vente dépasse

largement lepaniermoyende laboutique2.Concernant lechiffred’affaires, l’objectif

du jour s’élevait à environ 3700€; la situation que nous décrivons ci-dessus en

représenteplusde30%!3Si lesmesuresconfèrentà lasituationdécrite lestatutde

vente,qu’enest-ildupointdevuedel’activité?

Par leregretqu’elleexprimesur l’absencedecadeauàproposeraucoupleasiatique

(les«meilleurs»clientsdu jour?),Mariesuggèrequ’il(lui)manquequelquechoseà

cette«vente».Quecette«vente»(termeutiliséparMarie)n’enn’estpeut-êtrepas

tout à fait une. Il est vrai que l’activité déployée s’écarte de la partie «vente» du

scénariodevente4.Notamment,cettepartieviseàdécouvrir lesmotivationsd’achat

duclient:àquiestdestiné leproduit,pourquelleoccasion,connaître lesgoûtsde la

personne;età reformuler. Ilenestdemêmepour laphase«Accompagner»5.Ces

1Etcemalgréunetensioncroissante.2Surl’ensembledel’année2013,lepaniermoyens’élevaità118€(cf.fichierenvoyéparM2).3Notons que ce jour-là, l’objectif fut largement dépassé, avec un chiffre d’affaires réalisé à environ7500€(cf.notesd’observationdu10/01/2014p.7).4Elles’écarteenparticulierdecequiestattenduenquestionsQ8b,Q8c,Q8detQ10(«Considérer»)duscénariodevente.5Notre prise de note ne permet pas de se prononcer sur les 3 autres phases (O, S, R) qui relèventd’ailleursde l’accueilduclient,plutôtquedelaventeproprementdite.

Page 240: Le travail dans la performance organisationnelle

239

questions visent à savoir si: le produit proposé par le vendeur est adapté, si la

propositionestpersonnaliséeetargumentée,s’ilyaunemiseenmainduproduit,sile

vendeur sollicite l’avis du client sur le produit, s’il y a proposition de produits

complémentaires.Autrementdit, la«vente»décriteprécédemment futréaliséepar

lesvendeurssansmettreenœuvrelesquestionnementsconstitutifsd’uneventeselon

la démarche de vente. Etant donnée la précipitation des clients, il semblemême

raisonnable de considérer que le passage par ces questions aurait été contre-

productif: ilestprobableque le faitdeposercesquestionsaurait risquédenepas

réaliserlavente,etdoncdeperdreduchiffred’affaires.

Enextrapolant, lerôledesdeuxvendeusesdanscettesituationconfine,àunrôlede

magasinier (aller chercher en réserve et approvisionner selon les quantités

disponibles) d’une part, et à un rôle de caissière (encaisser, retirer les antivols et

emballerlesproduits)d’autrepart.

Dans le cas présent, nousmettons en évidence un cas assez singulier: une vente

accompagnéedevendeurssansactivitédevente.Ceparadoxeémergedelalecturede

lasituationautraversdenotrecadreanalytique,etdelaconfrontationquienrésulte.

L’activitédéployées’écartedudiscoursprescriptifsur ladémarchedevente,etpour

autant, se traduitparunemesurepresqueexceptionnelle.Dans lemême tempsoù

l’activités’écartedudiscoursmanagérialsurlavente,elles’écarteaussidecequepeut

êtreunvendeurouunevendeusechezBoutiquesAéroportsalorsqu’elleestréalisée

pardespersonnesayantlestatutdevendeur.Danscettesituation,laperformancedu

travailde vendeur revient àdéployerune activitéd’un autre type, s’approchantdu

rôledemagasinierd’unepart,etdecaissierd’autrepart.

L’exempleci-dessusmontreainsiunenouvellefoisl’intérêtdenotrecadreanalytique.

Page 241: Le travail dans la performance organisationnelle

240

6.2.6� Situationn°6:vendreàplusieurs1

6.2.6.1� Situationobservéele20novembre2013danslaboutiquePC/Roissy

16h34:2femmesasiatiquesentrentetvontsurlestandClinique.

Rebecca(unehôtesse)discuteavecunepersonnedechezClarins.Marie,CVen

caisse,passeleSwiffersurlestandL’Oréal.

16h35:Sonia (CV)a vu les2 clienteset intervient.Elle lesprenden chargepuis va

chercherRebeccacarelleneconnaîtpassuffisammentlesproduits.

Dans la foulée,Marie s’interrompt pour pouvoir encaisser. Sonia reprend alors le

Swiffer.

6.2.6.2� Analyseetinterprétations

�� Coopérationtousazimuts

Lacoopérationcommecaractéristiquedu travaildevendeurestplutôtunesurprise.

Eneffet, lesvendeursont tendanceàêtre répartisdemanièreàcouvrirchacunune

zone («zoning»). En outre, le scénario de vente suggère une relation individuelle:

entreunvendeuretunclient.Maisdonc,commel’illustrelacourtesituationci-dessus,

lescoopérationssontrégulièresenboutique.

Ici,nousavonsparchanceunconcentrédecoopérations:unevendeuse,unehôtesse2

etunecaissière (CVencaisse)se relaientpour,d’unepart,s’occuperdeclientes,et

d’autre part pour faire du fonctionnel (leménage). La coopération s’effectue donc

entredifférentsstatuts,etdifférentesentreprises.C’estpourcetteraisonquenousla

qualifionsde«tousazimuts».

Dansl’exempleci-dessus,lacoopérationnetientenrienàunequelconquedémarche

bureaucratiqueoudeparcellisationdutravail.Aucontraire,elles’auto-organisedans

l’activité selon la disponibilité et l’expertise. Reprenons notre exemple: si Sonia

1Ilexistebiensûrdesantagonismesentrelesindividus,quisontparfoisexacerbésparlerattachementàdesmarquesspécifiquesconcurrentes lesunesdesautres.Lesmanagersetadjointsnousontparlédurisqueoudel’existenced’une«guerredesmarques»(sous-entendu:entrelesvendeuses),maisnousn’enn’avonspasobservéd’exempleprobantdanslecadredecettethèse.2Hôtes et hôtesses sont des vendeurs engagés par une société d’intérim. Ils sont présents pourrenforcerleséquipespendantlespériodesdeplusforteaffluence.

Page 242: Le travail dans la performance organisationnelle

241

accueille d’abord les clientes et s’affaire enfin auménage, c’est parce qu’elle est

immédiatementdisponiblepourcela.SiRebeccarenseignelesclientes,c’estenraison

desonniveaud’expertisesupérieursurlesproduitsconcernés.Cetteorganisationest

biensûrfavorableàBoutiquesAéroports:ellegarantitlapertinenceduconseildélivré

aux clients, tout en assurant la démarche d’accueil. Dans les cas de plus faible

affluence commedansnotre situation,ellepermet ausside réaliserd’autres tâches

toutens’occupantcontinuellementdesclients.

�� Coopérationvs.performanceindividuelle

Le point 4.2.2 du présent chapitre a présenté le développement d’une pratique

managériale chez Boutiques Aéroports qui vise à individualiser la performance, au

traversnotammentd’unindicedeventeparvendeurouvendeuse.

Lacoopérationquenousprésentons icimetenévidence lesdifficultésàconcevoir la

performance comme individuelle. Elle intervient ici entre individus rattachés à des

structures juridiques différentes, alors que le résultat de l’activité de l’hôtesse (le

chiffre d’affaires) n’est comptabilisé que dans l’une des entreprises (Boutiques

Aéroports).Mêmes’ilestpossibled’identifierquidel’hôtesseouduvendeur«fait»la

vente, les indicateurs qui en découlent poseront un problème de consolidation.Au

niveaudupérimètre locald’unmanager,c’est lechiffre d’affairesréaliséuniquement

parchaquemembredesonéquipequiimporte;donccelaexclutleshôtesethôtesses.

AuniveauduDRH, c’estun indicateurde«CA /Masse Salariale»quiest suivi1. Le

chiffred’affaires considéréestalors celuidonnépar la comptabilité;donc celuiqui

incorporelechiffred’affairesréaliséparleshôtesethôtesses.Carc’estlemêmetype

de chiffred’affairesqui sertd’objectifs annuels,et sur lequel managers, adjointset

vendeurssontobjectivésetrécompensés.

Danscettesituation,noscatégoriesnouspermettentd’identifierunedivergenceentre

pratique,mesure et activité. Comme nous l’avons dit au 4.2.2 du présent chapitre,

l’individualisationsertauxmanagersetadjointsàdéfinirdesobjectifsauxvendeuses

etvendeursdeleurpérimètre.Auregarddescoopérationsmisesenévidencedansla

situation ci-dessus, la pratique d’individualisation risque de se tromper de deux

1EntretienDRHdu25/06/13,p.1.

Page 243: Le travail dans la performance organisationnelle

242

manières.Premièrement,cettepratiqued’individualisationde laperformanceécrase

de fait les coopérationspourne retenirqu’une vendeuse contributrice. En ce sens,

l’individualisationconcentre laperformancesurun individu,au lieude larépartirsur

tous les contributeurs. Deuxièmement, et compte-tenu de l’intégration d’une

vendeuse qui se trouve en-dehors du périmètre hiérarchique des managers et

adjoints, l’individualisation risque aussi de rendre la performance de l’équipe plus

optimiste:lechiffred’affairesobtenuseraitdivisépar,enl’occurrence,unevendeuse

demoins,cequiconduitàaugmenter lechiffred’affairesmoyenobtenuparchaque

vendeurouvendeusedel’équipe.

Ainsi, l’activitémontre des coopérations entre vendeurs, alors que lesmesures et

pratiques managériales associées les occultent. C’est ce que nous qualifions de

divergence.Lamiseenévidencedecettedivergencedécoulede l’étudedutravailet

delaconfrontationentreellesdescatégoriesdenotrecadreanalytique.

6.2.7� Situationn°7:ventesans(quasimentaucun)conseil

La situationquenousprésentonsdésormais revêtun caractère spécifique.Eneffet,

nous décrivons ci-dessous une vente durant laquelle les vendeurs n’interviennent

pratiquementpas.Par conséquent,nousnepourrons,parnature,nous livreràune

analyse détaillée de l’activité de vendeur dans cette situation. L’analyse que nous

faisonssurcettesituationseradoncspécifique.

L’analysedecettesituationrestelégitimeici,carcedétourennégatifpermetdemieux

comprendrelescontoursdecequeletravaildevendeurpeuteffectivementproduire.

Cette compréhension est donc constitutive du fait de rendre compte de la

performancedutravail.

6.2.7.1� Situationobservéele20novembre2013danslaboutique PC

Ilestpeuaprès19h,etMarie,BCencaissece jour-là,apporteunpanieràuncouple

asiatiqueJ,quisetrouveenzonesoinsdevantlesproduitsEstéeLauderetKenzo.

Page 244: Le travail dans la performance organisationnelle

243

19h13: les clients J semblent chercher un produit particulier,mais personne n’est

alorsdisponiblepourlesrenseigner.

19h32:lesclientsJsontdésormaisaustandTheBodyShop,lepanierrempli.Soniaest

alors laseulevendeusesurzonesurunemoitiédeboutique,etseule lacaissede la

zone parfum est ouverte1. Un clientm’interpelle pour un renseignement2, que je

réorienteversRebeccaquirevientdelacaisseflashsituéeaucentredelaboutique.

19h39:aucunevendeusesurunemoitiédeboutique,carSoniaestencaisseflash.

19h42:lesclientsJsonttoujoursdanslestandTheBodyShop.

19h48: les clients J tournent toujours dans lemagasin. Ils ont demandé quelques

informationsàSonia,maisont refusé le conseil:«Ilsm’ontditqu’ils regardaient.»

m’indiqueSonia.

19h52: les clients J sontànouveau chezTheBodyShop,puisquittent ce standet se

dirigentverslacaisseducentre,quiferme.Lesclientssedirigentalorsverslacaissedu

bout,enzoneParfums.

19h58: lesclients Jontpayépour330€environpour18articles,dontdesproduits

EstéeLauder,L’Oréal,TheBodyShop,Essie3.

6.2.7.2� Analysesetinterprétations

Cettesituationreflètelapossibilitédevente,alorsqueleséchangesavecleclientsont

desplusréduits,voireinexistants.Ici,larotationdespausesprovoqueunesituationde

diminutiondepersonnelsurlasurfacedevente,etdoncréduitlapossibilitédelapart

desvendeurs,d’alleraucontactdesclients.Deplus, lesclientsrepoussent lecontact

en indiquantqu’ils regardent.Laquasi-absencedecontactconduitcependantàune

vente qui est satisfaisante en termes de chiffre d’affaires et de paniermoyen, au

regarddesobjectifsalorsenvigueurchezBoutiquesAéroports.

Pour revenirànos catégories,nousvenonsdoncdeprésenterune situationoùune

performanceestmesuréealorsqu’uneactivitédeventeyaàpeine(voirenullement)

contribué.Contrairementàcequenousavionsexposéprécédemment,lasituationci-

1Cettecaissesesitueàl’opposédelazonesoins.2La faible présence s’explique par le début des pauses accordées aux vendeuses et caissières. Enparticuliercesoir-là,lasecondepauseconcernetouteslescaissières.3Commeindiquésurleduplicatadeticketdecaissequenousavonscollecté.

Page 245: Le travail dans la performance organisationnelle

244

dessusreprésentealorsunerupture(absencedelien)danslarelationentreactivitéet

mesure.

Puisqu’aucuntravailneconduità laperformancemesurée,nouspouvonsdireque la

performance du travail est absente dans la situation ci-dessus; pour autant, la

performanceorganisationnelleesteffectivementprésente.

6.2.8� Situationn°8:desproduitsabandonnés

6.2.8.1� Situationobservéele23janvier2014danslaboutiqueATGC

8h41: Marie, vendeuse, aborde une femme dans le rayon Confiserie: «Bonjour

Madame! Vous cherchez quelque chose?». La cliente répond qu’elle cherche des

chocolatsàoffrir.

Marie luiprésente les chocolatsAfterEight.«C’est super cher»dit la cliente.Marie

présentealorsdesproduitsFerrero,que laclienteprend. Marieemmèneensuite sa

clienteauxchocolatsGodiva;laclienteveutencoreregarder,etMariefinitparLindt.

La cliente est intéressée par Lindt.Marie lui propose un sac qui est normalement

donnépour30€d’achats.ElleluiproposeànouveaudeschocolatsAfterEight,maisla

clienteneveutpasdementhe.Laclienteprendalorscongé.

Aproposdececontact,nousrecueillonspeuaprèslespropossuivantsdeMarie:

«C’était laborieux. Elle voulait de gros conditionnements à bas coûts. Elle pensait

trouver,commebeaucoup,lesgrandesboîtesdechocolatqu’ontrouvedanslagrande

distribution.

�PourLindt�,c’est lesacqui l’adécidéeàacheter leballotinà25€.Ellea finalement

prisaussiunsacTobleroneenpromotionà15€environ.».

8h57:alorsqu’elleattendàlacaisse,laclienterevientdanslerayonetreposelesac

deToblerone;puisellecontinueàattendre.

Toutenétantautéléphone,ellesedirigeensuitevers lescigarettesélectroniquesau

rayonTabacs,oùelleseraaccompagnéeparSerge.

9h06:laclientepaie,remercieetquittelaboutique.

Page 246: Le travail dans la performance organisationnelle

245

J’apprendsducaissier1quelaclienteapayéendeuxfois.

Marien’apasvuquelaclienteareposélesacdechocolats.Jeluiapprendslorsquela

clienteestpartie,etsaréactionestlasuivante:

«Fallaitmeledireavant,jeseraisalléelavoir.MaiselleavaittoujourslesLindt?�En

l’occurrence,oui, en référence au sacpromotionnel consentiparMarie�.Ah ça, ici,

fautpas les laisserréfléchir, lesfaireattendreencaisse.C’estpasbienceque jedis,

maisc’estlecommerce.».

Puisaprèsavoirprisdes renseignementsauprèsde ses collègues,Mariem’indique:

«Enfait,elleaprisdescigarettesélectroniquesà30€.Elleapréféréprendreçaplutôt

quedeschocolats.Puisauniveaudubudget….».

6.2.8.2� Analyseetinterprétations

La cliente réalisedeuxachats:des chocolatsetdes cigarettes.Nous centronsnotre

analysesurlepremierpourlesraisonssuivantes:

�� Ilmetenscèneunabandondeproduitauquelnousavonsassisté,

�� Le second achat relève vraisemblablement d’une commande, comme le

laissentpenserl’échangetéléphoniqueetlepaiementendeuxfois.

L’achatdechocolatsnouspermetd’illustrerquelarelationentreactivitéetmesureest

loind’êtreautomatique,ousystématique.Certes, l’activitédéployéepar lavendeuse

Marieconduitàuneperformancemesuréepar l’organisation(lechiffred’affairesdes

chocolats Lindt); mais notre observation permet d’identifier que l’activité de la

vendeuse permettait d’escompter un chiffre d’affaires supérieur (de 15€ environ),

puisque la cliente s’était saisie des chocolats finalement reposés, et attendait à la

caisse avec. Dans cette situation, une partie de l’activité de la vendeuse ne se

concrétise pas dans une mesure de la performance organisationnelle (le chiffre

d’affaires, ici).Autrementdit, lamesurenereflètepastotalement laperformancedu

travailquiestdéployé.

1Unvendeurpassantsavacationencaissecejour-là.

Page 247: Le travail dans la performance organisationnelle

246

Ceconstatàpartirdel’activitéconfortenosconclusionsàproposdel’individualisation

de laperformance,àsavoirque le lienentreactivitéetmesurepeutêtrerompu (cf.

4.2.2).

Il induitégalement,en retour,unstatutparticulierà l’activité.Le faitde reposer les

produits rend l’activité inutile, car cela ramène à un point identique, avant que

l’activiténesoitdéployée.

Enfin,lasituation8quenousvenonsdeprésenteretd’analyserillustreassezbien,du

pointdevuede l’entreprise, lanécessaire fluiditédupassageen caisse:au-delàde

générerdel’agacement,l’attenteencaissesemblepropice,commeleconfieMarie,à

unmoment de réflexion qui peut conduire le client à renoncer à acheter certains

produitschoisisauparavant.

6.3� Synthèsedel’activitédesvendeurs

Les 8 situationsparticulièresquenous venonsdeprésenter, analyser et interpréter

fournissentplusieurs élémentspermettantde rendre comptede laperformancedu

travail. En premier lieu, ellesmontrent que le travail contribue effectivement à la

performanceorganisationnelle,etquecettecontributionsetraduitenparticulierdans

desindicateursdeperformance:lessituations1à6seterminenttoutesparunachat

qui augmente le chiffred’affaires, et, selon lesmontants engagés, lepaniermoyen

également.

Sous l’anglede l’impactsurdes indicateurs, lessituations7et8mettentenévidence

une certaine fragilité de la contribution du travail: dans la situation 7, le chiffre

d’affairesestréalisésans interventionsignificatived’unvendeur;dans lasituation8,

unepartde l’activitéduvendeurnegénèrepasd’achat.Autrementdit, l’impactde

l’activité de vente sur des mesures n’est pas systématique. Nous développons

quelquesréflexionssurcepointplusavantdanscettesection.

Les8situationsmontrentensecondlieulesmodalitésdiversesparlesquellesletravail

contribue à la performance. Pour une part, l’activité s’inscrit dans les discours

managériaux,prescriptifsetdescriptifs:ladémarchedeventeconstitueunguide,les

Page 248: Le travail dans la performance organisationnelle

247

vendeurs jouentunrôle importantdans lavente, lesvendeursécoutent,conseillent,

s’adaptentauxclients,etc.L’activités’enécarteégalement(l’impolitesserelativedela

situation2,uneventeen-dehorsde ladémarchedans lasituation5),etfaitémerger

desdimensionsquin’avaientpasétérelevéesautraversdesdiscours,despratiquesou

encoredesmesures.Deuxsituationsmettentainsienévidencel’incompréhensionqui

peutexisterentre lesvendeursetlesclients(situations1et4).Lasituation1etdans

unemoindremesure,lasituation8mettentenlumièrequelaventeenboutiquepeut

concernerunepersonnequin’estpasphysiquementprésente:lecommanditaire.Les

tensions que nous rappelons ici 1 apparaissent à travers la mise en relation des

catégoriesdenotrecadreanalytique.Ceciconfortel’intérêtetlalégitimitéàarticuler

discours,mesures,pratiquesetactivitédansunmêmecadreanalytique.

Malgréleurnombrelimité,lessituationsquenousavonsprésentéesetanalyséesont

ouvert à une diversité qui nous semble complexe à synthétiser. Ceci renforce le

caractère difficilementmodélisable, ou protéiforme, de la performance du travail –

quenousavonsdéjàévoquéensection5duprésentchapitre.

Cette complexité de la performance du travail,même dans les cas où un achat se

produit,questionneaussilesreprésentationsmanagérialessous-jacentesdecequ’est

une «vente». Dans une perspective d’intervention, lamise en évidence de cette

complexitépourrait,parexemple,faireévoluercertainesreprésentations.Ellepourrait

égalementavoirune influence surdesaspectsmanagériauxplusconcretscomme la

définitiondepostedevendeur,oumêmelaformationdesvendeurs.

Noussouhaitonsdésormaisrevenirsurlefaitquel’impactdel’activitédeventesurles

mesures (le chiffre d’affaires, en particulier) n’est pas systématique.Autrement dit,

l’activitédevendeurnegénèrepas,demanièrecertaine,unchiffred’affaires.Puisque

nous avons déjàmontré des situations où l’activité de vente contribue au chiffre

d’affaires,leconstatquenousdressonsnousinviteànousposerlaquestionsuivante:

1Etquenousavonsplusprofondémentanalyséesauparavant,pourchaquesituation.

Page 249: Le travail dans la performance organisationnelle

248

où le chiffred’affaires se réalise-t-ildemanière certaine?Même si cela se situeen

limitedenotrepérimètred’observations,nous identifionsquec’estencaisseque le

chiffred’affairesseréalisedemanièrecertaine,etcequellequesoitl’activitédevente

quiauraétédéployée1.C’estainsiletravaildecaissier2quiréaliselechiffred’affaires

defaçoncertaine.

Cette conclusion nuance, voire contredit en partie, un certain discoursmanagérial

portant sur le rôle du travail de vendeur dans la performance chez Boutiques

Aéroports (cf. supra2.2.2).Cediscoursmettait en avantque«les vendeurs font la

performance»alorsquenousprésentonsdessituationsdanslesquelleslevendeurne

faitpas laperformance:vente sans conseil (cf.Situation7au6.2.7)etabandonde

produits(cf.Situation8au6.2.8).Enconfrontantdiscoursetactivité,nousidentifions

une tension qui porte finalement sur le rôlemême du travail des vendeurs dans

l’atteintedelaperformance(enpremierlieu,lechiffred’affaires).

Laconclusion sur la réalisationcertaineduchiffred’affairesnous sembleégalement

intéressanted’unpointdevueacadémique.Nousmettonseneffetenévidenceque

notredémarchederecherchevisantàétudier letravailetsaperformancepermetde

localiser, à partir de l’activité, la réalisation d’une partie de la performance

organisationnelle,etd’identifierletravailquienestàl’origine.Ilnoussemblequece

résultatpourraitgrandement intéresser lacommunautéderechercheencontrôlede

gestion. Nous développerons plus avant ce point dans le chapitre dédié à nos

contributions.

Aveclaprésentationetl’analysedel’activitédeventenousterminonslarestitutiondu

casBoutiquesAéroports. Ilnous restedésormaisà conclure, cequiest l’objetde la

sectionsuivante.

1Qu’ellesoitquasimentabsentecommedanslasituation7,oueffectivementprésentedanslasituation8.2Quipeutêtreeffectuépardes vendeursdemanière structurée (vacationpasséeen caisse)ouplusponctuelle (caisse flash). Lesmanagersdeproximitépeuventégalementencaisseren caisse flash.Cf.supra1.2.4pourdeplusamplesdétails.

Page 250: Le travail dans la performance organisationnelle

249

CONCLUSIONSDUCHAPITRE6

Nous organisons les conclusions du cas Boutiques Aéroports autour de trois points

successifs:laperformancedutravail,lecadreanalytiqueetletravail.

1.� Conclusionssurlaperformancedutravail

Notreméthodologiedecollecteetd’analysedesdonnéesnousapermisd’expliciterde

nombreuses dimensions que pouvait recouvrir la performance du travail chez

BoutiquesAéroports.Nousavonseneffetpuexposerdequelle(s)manière(s)letravail

observé (l’activité) concourt à la performance telle que mesurée chez Boutiques

Aéroports.De lamêmemanière, nous avonsmontré que les discoursmanagériaux

contiennent des éléments sur la performance du travail – c’est-à-dire qu’ils

représentent lamanièredont le travail contribue (oupeut contribuer) auxobjectifs

organisationnels.Lesdiscoursmanagériauxquenousavons recueillisplacentainsi le

travail au cœur de la performance. Enfin, nous avons vu comment les pratiques

orientent,ou cherchentàorienter, l’activitéafinde contribuerà laperformancede

BoutiquesAéroports.

En ce sens, nous pensons avoir contribué à rendre compte de la performance du

travail, et ce faisant, à atténuer quelque peu la double indéfinition économique et

organisationnelledutravail(Hubault,1999)–cf.chapitre1.

SurlabaseducasBoutiquesAéroportsquenousvenonsderestituer,lamiseenœuvre

de notre cadre analytique a permis de mettre en évidence la richesse de la

performancedu travaildevendeurs.En retour, l’explicitationde cette richesse chez

Boutiques Aéroports n’entraîne pas de changement particulier dans la définition

conceptuelledelaperformancedutravailadoptéeauchapitre2.

Page 251: Le travail dans la performance organisationnelle

250

2.� Conclusionssurlecadreanalytique

Lamiseenœuvreducadreanalytiquedanslarestitutiondesdonnéesquenousavions

collectées établit l’opérationnalité de ce cadre. Par ailleurs, l’utilisation du cadre

analytique permet de mettre en évidence comment ses catégories constitutives

peuvents’articulerentreelles,etalors illustrer lamanièreceque laperformancedu

travailrecouvre(cf.pointprécédent).

Notre cadre analytique articule trois catégories assez communes en sciences de

gestionetenparticulierencontrôledegestion(mesures,discours,pratiques)1,etune

catégorieissuedel’ergonomie(l’activité).L’introductiondel’activitéestdéterminante

danslecasquenousvenonsdeprésenter,carellepermetdevoirdesphénomènesqui

seraient sinon restés dans l’ombre. Les situations que nous avons restituées ont

notamment montré que la compréhension mutuelle entre le vendeur et le client

constitue un enjeu de la vente (cf. Situation 1 au 6.2.1). L’éventail des situations

présentéesdévoileégalementunecertainetensiondans lacontributiondutravailde

vendeurà laperformancedeBoutiquesAéroports,dans lamesureoùcedernièrene

génèrepasunchiffred’affaires,parexemple,de façoncertaine–à ladifférencedu

travaildecaissier.

Lamise enœuvre du cadre analytique dans le cas Boutiques Aéroportsmontre la

possibilitéd’articulerune catégorie issuede l’ergonomieavecd’autresprésentesen

sciences de gestion. L’articulation effective de la catégorie activité avec les autres

conforte donc la commensurabilité entre ergonomie et contrôle de gestion (cf.

chapitre3).Elleconforteégalementlestravauxderechercheprécédentsquivisaientà

articuler,sicen’estintégrer,ergonomieetcontrôledegestion(Fiol&Hubault,1996;

DeGeuser,2006).Enfin,elle légitime lapoursuitedu rapprochemententrecesdeux

disciplines.

Lamise enœuvre du cadre analytique autour de la performance du travail a fait

émergerdestensionsàunniveauplussystémique.Eneffet,nousavonspumettreen

1Cf.chapitre4.

Page 252: Le travail dans la performance organisationnelle

251

évidenceunecertaineincohérenceentredesdiscoursmanagériauxquivantentl’esprit

d’équipe des vendeurs, et une pratique d’individualisation de la mesure de

performance des vendeurs. En outre, nos observations renforcent l’incohérence en

montrant lescoopérationsquipeuvent intervenirentreplusieursvendeursetcaissier

(cf.Situation6au6.2.6).Apartirde l’activité, les tensionsémergentenconfrontant

l’activitéàcertainesreprésentationsmanagérialessous-jacentes.Cefutnotammentle

casdanslasituation1(au6.2.1),oùnotreobservationmontrequelacompréhension

mutuelleentre levendeuret le«client»constitueunenjeude larelationclient.De

même, nous avons fait émerger une tension relative au rôle effectif du travail de

vendeurdanslaperformance,enmontrantquec’estletravaildecaissierquigénèrele

chiffred’affairesde façon certaine. L’identificationde ces tensionsàunniveauplus

systémique souligne les possibilités qu’offre notre cadre analytique. Ceci laisse par

ailleurs entrevoir la possibilité de mobiliser notre cadre analytique autour de

problématiquesassezgénérales.

3.� Conclusionssurletravail

Nousavonsmontréauchapitre1queletravailétaitunobjetrelativementpeuétudié

ensciencesdegestion.LecasBoutiquesAéroportsmontrelalégitimitéàconsidérerle

travailcommeunobjetderecherchedanscesdisciplines.

Nous montrons en effet que les managers développent des représentations et

réflexions intéressantes sur le travail de leurs subordonnés. En particulier, les

managersdeproximité fontétatd’unepluralitédedimensions (parfoisquelquepeu

conflictuellesentreelles)du travaildevendeur.Ace titre, ilsexprimentparfoisune

représentationpluslargequecellequiseconcentresurdesaspectschiffrésdutravail1,

cettedernièreétantpeut-êtreplusfréquenteauxniveauxhiérarchiquessupérieurs.Il

noussembleainsipossibledeparlerdutravailavec lesacteursorganisationnels,afin

d’étudier, par exemple, les différences de représentations selon les niveaux

hiérarchiques.

1Lecoût,parexemple.

Page 253: Le travail dans la performance organisationnelle

252

Par ailleurs, il nous semble que la recherche en contrôle de gestion pourrait

s’intéresserautravail.Apartirde l’étudede laperformancedutravailsousplusieurs

angles, nous avons pu accéder à des représentations et phénomènes sur la

performancedeBoutiquesAéroports.Lacaractérisationdutravaildevendeurpar les

managersdeproximitéexposenotamment lamanièred’aborder la relationavec les

clients,etdénoteselonnousdesreprésentationsassezgénéralessurlamanièredont

l’entreprise doit satisfaire ses clients. Les situations restituées soulignent toute la

diversitéque recouvreune «vente».Cettediversité restituéepourraitpermettre à

l’entreprise qui s’en saisirait, de revoir les critères d’évaluation des vendeurs,

d’enrichir la formationdesvendeurs,ouplusgénéralement,d’engagerune réflexion

surcequeconstitueunevente.

Parailleurs,autraversducasBoutiquesAéroports,nousmontronsdansquellemesure

letravail contribueetpeutcontribueràlaperformanceorganisationnelle.Acetitre,à

l’issue de recherches ultérieures sur le travail, le contrôle de gestion en tant que

disciplineacadémiquepourraitenmesuredemieuxappréhenderceque recouvrent

les «leviers» de la performance organisationnelle. Dans le contexte de Boutiques

Aéroports il serait par exemple possible d’étudier les questions suivantes:

l’augmentationduchiffred’affairespasse-t-elleparuneaugmentationdunombrede

vendeurs, de caissiers? Constate-t-on une corrélation entre les scores des visites-

mystèreetleniveaudechiffred’affairesatteint?

Par ailleurs, notre étude sur le travail des vendeurs a permis d’apporter quelques

éléments relatifsà la localisationde laperformance–au travers,notamment,de la

réalisation du chiffre d’affaires. Il nous semble que l’étude du travail dans les

organisationspourraitcontribueràmieuxcomprendreoùetcommentlaperformance

organisationnelle se réalise. La connaissance issue des recherches portant sur ces

thématiqueetquestionspourrait,parexemple,aider lesentreprisesàmieuxallouer

leursressourceset/oumieuxatteindreleursobjectifsorganisationnels.

Enfin,afinderépondreànotreproprequestionnement,nousavonsdûdans lecadre

decettethèse,élaboreretdéployeruneméthodederechercheoriginale,quis’articule

autourdesquatrecatégoriesdenotrecadreanalytique:discours,mesures,pratiques

Page 254: Le travail dans la performance organisationnelle

253

etactivité.Cettedémarchepourraitservirdeguideàdesrecherchesultérieuressurle

travail,etparticulièrementensciencesdegestion.

Page 255: Le travail dans la performance organisationnelle

254

CHAPITRE7–CASINDUSTRIEROUE

INTRODUCTION

Le présent chapitre est dédié à l’étude du second cas de notre thèse: une PME

industrielle que nous dénommons Industrie Roue. En raison de la petite taille de

l’entreprise, le PDG occupe une place prépondérante dans cette entreprise. C’est

pourquoil’étudedecasquisuitluiaccorderaunegranded’importance.

L’étudeducasIndustrieRoues’inscritdanslacomplémentaritéaveclecasBoutiques

Aéroports qui a précédé, plutôt que dans la comparaison. Aussi, même si nous

appliquerons lemêmecadred’analyse,cequirelèvede l’activitéchez IndustrieRoue

apparaîtmoinssignifiant, etseramoinsdéveloppéici.

Le chapitre est organisé de la manière suivante. Nous présentons tout d’abord

l’entrepriseIndustrieRoue(section1)avantd’étudierlecasauprismedenotrecadre

analytique:lesmesures(section2),lesdiscours(section3),lespratiques(section4)et

l’activité(section5).Nousproposonsunesynthèsedecetteanalyse(section6)avant

deconclure.

1� PRESENTATIOND’INDUSTRIEROUE

1.1� Informationsgénérales

IndustrieRoueestunepetiteentrepriseindustrielledel’ouestdelaFrance.Sonchiffre

d’affaires de 2011 est de 4,6millions d’euros, pour un effectif de 18 salariés hors

intérimau31/12/2011.

L’activitéprincipaled’IndustrieRoueestlafabricationderouesenacieràpartird’une

jantenueetd’undisquequ’elleemboutit,usinepuissoudeàlajante.Lesrouesainsi

assembléessontensuiteapprêtéesetpeintesauxcouleurssouhaitéespar lesclients.

Lesrouesfabriquéesserventàdesusagesspécifiques:lesclientssontdesentreprises

de transport,de génie civil,ouencoredematériel agricole. IndustrieRouepropose

égalementd’autresprestationsàcôtédecetteactivitéprincipale:montagedepneus

et équilibrage, réparationde roues, ventedepiècesdétachées, etc. Enfin, Industrie

Roueadéveloppéuneactivitédenégoce(achat-reventederouesassemblées).

Page 256: Le travail dans la performance organisationnelle

255

Sonorganigrammependantnotreprésenceestlesuivant1:

IndustrieRoueadéjàune longuehistoire.Elleaétécrééeen1925autourdeParisà

partird’unbrevetsurdesrouesenbois.Audébutdesannées1990,danslecadredela

désindustrialisationdelapetiteceinturedeParis,l’entreprises’installedansleGrand-

Ouest.En2010,elleest rachetéepar l’actuelPDG, selonunmontage financier type

«LeveragedBuyout»(LBO):

Etant donné la centralité du PDG dans cette entreprise, nous donnons quelques

élémentsde sonparcoursprofessionnel.DiplômédePolytechnique etdes Ponts et

Chaussées,lePDGaexercédifférentesfonctionsdedirectiondansl’industrielourdeet

deprocess,avantdefaireunMBAàHEC.Ilaensuitedirigéuneentrepriseindustrielle

de250personnespendant7ans,avantdereprendreIndustrieRoue.

1Lesflèchespleinessymbolisentles lienshiérarchiques.Cellesenpointillés,lesliensfonctionnels.

Direc&onPDG

Responsable

Qualité

Prépara&ondeCommande

Logis&que/

ApprovisionnementServiceauclient

ResponsableAchatetLogis&que

Chefd'atelier

SupportàlaProduc&on(Maintenance,

améliora&on,agentpolyvalent)

ResponsableTechnique&Fabrica&on

ComptabilitéetGes&onduPersonnel

ResponsableCommercial

OPERATEURS

StructurecapitalistiqueIndustrieRoue

80%

80%

100%

20%

IndustrieRoue

HoldingPDG

Holdingdereprise

Fondsd'inves@ssement

PDG

Page 257: Le travail dans la performance organisationnelle

256

A l’issuede laprésentationde ces informationsd’ordre général sur IndustrieRoue,

examinonsdésormaislastratégieetlesenjeuxspécifiquesdecetteentreprise.

1.2� Stratégieetenjeuxspécifiquesd’IndustrieRoue

Nousprésentonsdans cette section la stratégieet lesenjeux spécifiquesd’Industrie

Roue.Cecinouspermetdepréciserdesélémentsdecontextestructurants,auxquels

nos analyses ultérieures du cas se réfèreront – tant pour lesmesures, discours et

pratiques, que pour l’activité. Nous commençons par présenter le positionnement

stratégiqued’IndustrieRoue(1.2.1),puissesenjeuxspécifiques(1.2.2).

1.2.1� Positionnementstratégique:flexibilitéetréactivité

Voiciunextraitd’uneplaquettecommercialed’IndustrieRoue:

Ce document1met l’accent sur deux caractéristiques principales de l’offre Industrie

Roue:

�� Laflexibilitédesproduitsentermesdetaille(diamètresde8’’à57’’,soitde20

cm à 1,45 m environ), de spécification («roues standards, ou selon

préconisations»), et niveau de prestation («modification de voie»,

«gonflage»,«équilibrage»,«peinturespéciale»,etc.).

1A part l’anonymisation du nom de l’entreprise, nous n’avons apporté aucune modification à cedocument.

Page 258: Le travail dans la performance organisationnelle

257

�� Laréactivitéparl’intermédiairede«délaiscourts�…�enconstanteréduction»

etdes«expéditionsquotidiennes».

Nousdévelopponsci-aprèschacundecespoints,endébutantparlesdélais.

Lesdélais courtsne représententpasqu’un argument commercial. Ils sont,pour le

PDG,aucœurdesastratégie:

PDGINDUSTRIEROUE�…�C’estculturelpourmoi.Etdedirebenquelssontlesmoyensqu’onadesedifférencierde laconcurrence,yenaunc’est ledélaibonfautyaller!Sachantaussiqu’onvoitbienque lesclients,c’est toujoursplusvite,doncheu…onaccompagneaussiunmouvementquidoitexister.Mais à un moment donné c’est d’arriver à créer une barrière pourpouvoircommuniquerdessus.‘Doncvoilà,nousonvouslivre…c’estles48hchronodeLaRedoute,c’est’…c’estd’avoir,et,etd’obtenircheznous une forme de certitude de ce qu’on est capables de faire. Et àpartirdelàd’avoiruneconfianceetdepouvoirdélivreruneassurance…auclient.�…�StéphaneDESCHAINTREHm,hm,pardon.Etdepuisquevousêtes là,vousêtesrestéssurcettevisiondélai?PDGINDUSTRIEROUEOui.�…�StéphaneDESCHAINTRED’accord.Ok.Doncsi jecomprendsbien,vous,vousconsidérez,enfin,vousallezcontinuersurcettevision…?PDGINDUSTRIEROUEOui.1

Quelquesmoisaprès, lePDGconforte l’undespointsévoquésdans le longextraitci-

dessus. Il considère effectivement que les délais courts représentent un moyen

d’acquérir de nouvelles commandes: «Ce qui est certain aussi, c’est que dans le

1EntretienPDG18/07/12,pp.27-29.

Page 259: Le travail dans la performance organisationnelle

258

mêmetemps,onaeuunefortetendanceàbaisserlesdélaisparcequec’estaussiun

moyend’acquérirdescommandes.»1.

La flexibilitéprésentéedans laplaquette commerciale sous lesdimensionsde roues

que l’entreprise peut fabriquer se décline néanmoins sous d’autres aspects chez

IndustrieRoue.LaflexibilitésecaractériseparcequelePDGdésignepar«service»2:

ce sontprincipalement lespetites séries,c’est-à-dire lescommandesunitairesd’une

quantité inférieureouégaleà8roues.Eneffet, lePDGvoitdans lespetitesséries le

salutdesonentreprise,uneconditiondesasurviesurlelongterme3.Ilvoitlespetites

séries comme le«nerfde laguerre»:«lenerfde laguerre c’estquandmême les

petitescommandes!»4.Etced’autantplusquelePDGconstatedemeilleuresmarges

surcetypedecommandes:«Sionregarde…yade,1anetdemi2ans,…lespetites

commandesmoinsde8roues,c’est lesordresdegrandeurs,hein,qu’ilfautr’tenir…

faisaient 32% sur chiffre d’affaires, et 30% de lamarge.Maintenant c’est 40% du

chiffred’affaireset41ou42%delamarge.Donc,on,ellesmargentunpeumieux.»5.

Dans le jargond’IndustrieRoue,cespetitesséries (oucommandes)sontdénommées

«détail» - en opposition aux «affaires» de 8 roues et plus. Cette segmentation

provientdesconditionsdelacommande.Lescommandesinférieuresà8rouesdoivent

être livrées dans les deux semaines6. En termes de prix, et pour simplifier1, nous

1EntretienPDG19/11/2013,p.2.2EntretienPDG26/03/2012,p.3.3StéphaneDESCHAINTRE:D’accord.Doncçaveutdirequeenfinvousavez…enFranceilyaquequelquesentreprisescommelavôtrequifontcemétier-là,parcontreauniveaumondialvousavezuneconcurrenceassezacharnée?PDG:Yena,maisyenaquisont…quisontrelativementgros,hein.Quiont,quiontlasouplessepour…doncla seule chose qui… fait… que on puisse continuer à vivre, c’est les petites séries.Parceque lesgrosses séries dans 10 ans on en n’aura plus! Donc faut arriver à se reconfigurer sur les petites.(EntretienPDG18/07/12,p.32,noussoulignons).4EntretienPDG19/11/2013,p.2.5EntretienPDG19/11/2012,p.6.6«Oui,alors…les,ledétail,cesonttouteslescommandesdemoinsde8roues,etlesaffairesc’estlescommandesdeplusde8roues.�silencepourquejenote�Quinerépondentpasauxmêmesexigencesquecesoitentermesdedélai,ouquecesoitentermesdeprix,d’ailleurs.�…� C’est-à-direquemoinsde8 roues il fautavoir livréenmoinsdedeux semaines.Au-delàde8 rouesengénéral ce sontdes

Page 260: Le travail dans la performance organisationnelle

259

retiendronsqueladifférenceentredevisetaffairestientprincipalementàl’existence

d’unenégociation.Lesaffairesfontl’objetde«devis»2,alorsqueledétails’appuiesur

desprixcatalogue,les«tarifs»3.

La flexibilitédu serviceproposépar IndustrieRoue sedéclineégalement au travers

d’une diversification des prestations offertes aux clients. Certaines sont d’ailleurs

mentionnéesdans laplaquettecommercialeprécédemmentprésentée (parmielles:

«modification de voie», «renforcement de roues», «réparation», etc.). Ces

prestationscomplémentairespeuventavoirunintérêtstratégique.Ilenestainsidela

réparation: «Mais … sachant que la réparation c’est pas lemêmemétier que la

fabrication, heu … et que si on raisonne … enfin moi je raisonne en termes de

stratégie, ça nous rapportera,ça pourra nous rapporter peut-être de la fabrication,

maisentoutcasçanousmetsurunmarchéoùyamoinsdeconcurrence.Etçanous

permetdedévelopperuneimagedespécialiste.»4

Ladiversificationdesprestationsoffertesestparailleursévolutive.LePDGaévoqué

avec nous un service complémentaire qui n’est pas mentionné dans la plaquette

commerciale: lenégoce.Pourcetteactivité, IndustrieRoue joueuniquement le rôle

d’intermédiaired’achat5.

Enfin, la flexibilité semanifesteauniveaude l’étatd’espritduPDG,qui formuleun

pointdevueextrêmealorsquelacriseéconomiqueenFrances’installe:«Entermes

deperspectives,on saitpas,onnavigueàvue.On s’adapte…aux commandes,aux

demandesdesclients.Etcommejel’aidéjàdit,onest,onn’aqu’unecertitudec’est

l’incertitudeetdoncondoits’yadapter.C’estunmodede…demanagementc’est

affaires…etonestdansunmodederelationplusindustrielavecdesgensquiprévoientcequ’ilsont…àfaire.»(EntretienPDG18/06/2012,p.11).1L’entretienPDG18/06/2012p.15apporteplutôtde laconfusionsur les liensdétail-tarifsetaffaires-devis.Cetteconfusionpersistantenenuitniàlacompréhensionniàl’analyseducas.2EntretienPDG18/06/2012,p.4-5.3Id.,p.4-5.4EntretienPDG18/07/2012,p.26,noussoulignons.5EntretienPDG18/06/2012,p.12.

Page 261: Le travail dans la performance organisationnelle

260

être toujours capable de prendre une commande quand elle se présente. C’est …

aujourd’huic’estçanotre…missionpremière.»1.

Enfait,cetteflexibilitéextrêmedoitsurtoutsecomprendrepremièrementcommeune

réaction à un contexte incertain – ce que nous venons de voir, et deuxièmement

commeuneoscillationautourd’uncapavantuneéventuelleinflexionoumodification

dececap:

StéphaneDESCHAINTREDonc j’imaginequ’aujourd’huivous réagissezpar rapportàdes signesoudessignauxqui,quisoitvousconfortentdanscettevision…soit lafragilisentunpeu?PDGINDUSTRIEROUEOui,onestconfrontés…onestconfrontésauretourdu,du,du…decequ’onnousrenvoie,soitentermesdecommandes,soitentermesde…dedevisquinesetransformentpas.Puisaprèson…suivantçaauj’,augrédesmarées…bah,on…onprenddespositionsdansun sensoudansunautre.StéphaneDESCHAINTREFinalement, ce travail d’évaluation, si je peux appeler ça comme ça,vouslefaitestouslesjoursoupresque?PDGINDUSTRIEROUEBahoui !Chaque,chaqueminute,en fonction…on intègreuncertainnombredechoses,onsedit‘tiens,faudraitpeut-êtrequ’onailledanscesens-là,qu’onfassecommececi,qu’onfassecommecela’.StéphaneDESCHAINTREEtheu,lelendemain,çapeutêtrerebeloté?PDGINDUSTRIEROUEC’est, c’est pas … non, non! C’est pas … c’est pas remis en causesystématiquement,c’estun…c’estuncursuscontinu…oùçasuit…çasuit son cours au gré des informations qu’on a, et on adapteprogressivement notre raisonnement en fonction de ce que l’on voit.Maisonn’estpas…enfinçaseraithyperdangereux, ‘fin (craquementde siège), c’est pas que ce serait dangereux, ça serait mêmeincompréhensible si tous les jours on changeait d’avis… les gens qui

1EntretienPDG18/06/2012,p.2,noussoulignons.

Page 262: Le travail dans la performance organisationnelle

261

sontautourdemoi, ilsdiraient‘maisattends…hier ilnousademandéça,maintenant il nous demande le contraire?!’Donc, donc c’est un,c’estun continuum, etpuisprogressivementon fait évoluer les… lesgensdansunedirection.1

En synthèse, et surtout par la voix de son PDG, la différenciation stratégique

d’Industrie Roue s’articule donc autour de deux axes: la flexibilité (des produits et

servicesproposés)et laréactivité(délaiscourts).Examinonsdésormaisunenjeuplus

spécifiquechezIndustrieRoue:lasurvieàcourttermepourrembourserlesdettes.

1.2.2� L’enjeudelasurvieàcourttermepourrembourserdesdettes

La survie à court terme se focalise autourdesmarges:«Maismoi j’considère… je

mesure les chosespar les…margesqui rentrent.Parceque c’est çaquipermetde

financertoutlereste.Chargeànousaprèsd’êtreleplusefficacepossiblesurc’qu’ona

rentré…encommandes.»2.

D’ailleurs,début2013,lePDGexprimesoninquiétudesurlesmarges,etencorollaire

surlerésultat:

«Onn’estpas… lecontexteestpasbon,hein.Heu… jediraiqu’onsebatsurdesaffairesàcoûtmarginal.C’est jamaistrèsbon.Donconvapeut-être charger la société, donc, apparemment on sera mieux entermes de chiffre d’affaires, mais en termes de résultat … on estbeaucoupmoins… l’année2012c’estuneplus,c’est leplus…mauvaisrésultatd’exploitationsurlasériehistoriquequemoij’aiquicommenceen2006.Heu…etalorsbonyacertainsélémentsd’explication, qu’ilyaeffectivementquelesgrosclients,onn’apaspumonterlesprix,qu’onaeudesaugmentationsdeprixdematièrespremièrestrèsimportantes…donconvacorrigerunpetitpeuçacetteannéemais…pas,pastantqueça…etpuisona…benonaunclientquiavaitune…trèsgrosvolume,avantque jereprenne laboîte,etquiavait lesmeilleuresmargesde lasociété,doncçaaplombélesmarges.Etçaçac’estpastropvuen2011parcequ’onaeuuneappel,une superaffaire,quiétait très trèsbien

1EntretienPDG18/07/2012,p.26.2EntretienPDG19/11/2012,p.6-7.

Page 263: Le travail dans la performance organisationnelle

262

vendue par �le responsable commercial�,mais qu’on n’a pas tous lesans,quoi.Doncpourmoilàcetteannéejeconsidèrequeon,on…afaitun budget en légère augmentation, mais qui tient compte d’uneaugmentationdenégoceassezsignificative,quepour lemomentnousneréalisonspas!Doncjesaispassionyarrivera,et…deuxièmement,sur une difficulté, enfin sur, sur une augmentation des prix unitairespourtoutcequiestdela,dudétailtrèssignificative,del’ordrede10à15%.Doncavecça j’espère…améliorer lamarge,améliorer lerésultatd’exploitation, mais pas au niveau de ce qu’on a connuhistoriquement.»1.

Au-delàde lasurvie immédiatede l’entreprise, lePDGvoitau traversdesmarges la

possibilité de «financer tout le reste»2.Qu’est-ce que «tout le reste»? «Tout le

reste» renvoiebienévidemmentà la couverturedes charges fixeset/ou indirectes,

mais surtout, semble-t-il,auxdettescontractéespour le rachatd’IndustrieRoue (cf.

supra, la structure financière):«Cequim’empêcheradedormir, c’est si j’étaispas

capablederemboursermesdettes.Çapeutarriver,hein!Maispourlemomentc’est

pas lecas.Donc jen’enn’aiplusque5ans, j’aiplusque5ansaveccerisque.Après,

bonbah,après,ilfautgagnerdel’argentpourquelasociétépuissevivre.Etlàpourle

moment il faut qu’elle dégage du résultat pour pouvoir rembourser ses dettes.

Voilà!»3.

A notre sens, donc, la recherche du profit revêt dans notre cas un caractère

doublementexistentiel,c’est-à-diretantpourl’entrepriseIndustrieRouequepourson

PDG.C’estlaraisonpourlaquellenousidentifionslasurviepourrembourserlesdettes

commeunenjeuspécifiquechezIndustrieRoue.

Nousterminonsaveccetenjeudesurvielaprésentationd’IndustrieRoue(section1).A

partirde lasectionsuivante,nousnousconsacronsà l’analyseducas IndustrieRoue.

Nousdébutonsl’analyseparlesmesures.

1EntretienPDG05/03/2013,p.15-16.2EntretienPDG19/11/2012,p.6-7.3EntretienPDG18/07/2012,p.34-35.

Page 264: Le travail dans la performance organisationnelle

263

2� LESMESURESCHEZINDUSTRIEROUE

De nombreux indicateurs sont utilisés chez Industrie Roue. Ils proviennent

principalement de trois sources: les tableaux de bord du PDG que nous avons pu

collecter, lestableauxd’affichageprésentsdans l’entreprise,et lesentretiensavec le

management d’Industrie Roue – le PDG, mais aussi les responsables qualité et

technique.Nousdressonstoutd’abordlepanoramadecesindicateurs(2.1),avantde

nouspencherplusparticulièrementsur les indicateursquiconcernent letravail(2.2).

Lasection2.2proposeraégalementuneanalysedel’indicateurdeproductivité.

2.1� PanoramadesindicateurschezIndustrieRoue

Touslesindicateursdontnousavonspuavoirconnaissanceautraversd’entretiensou

de documents sont recensés dans les tableaux ci-dessous. Le premier tableau

concernelesindicateursprésentsdanslestableauxdebordutilisésparlePDGetdont

nous disposons d’une copie. Le second concerne les indicateurs utilisés mais non

présentsdanslestableauxdebord.Nousenavonseuconnaissanceparl’intermédiaire

de sources diverses (entretiens, de documents les mentionnant, ou encore

d’observations)quenousindiquons.Encequiconcernelesentretiens,nousintégrons

àcetableaulesindicateursissusdequestionsdutype«Dequelsindicateursdisposez-

vous?».

Devantlarelativeprofusiondesindicateurs,nousavonsprocédéàdesregroupements,

selonlanaturedecequelesindicateursrenseignent.

Les indicateurs sontconstruitsetdocumentésen interne.Tous les indicateurs inclus

dans letableaudebordduPDG(1ertableau)sontconstruitsetalimentéspar lePDG

lui-même1.Nous savons également que le responsable qualité (RQ) documente les

1EntretiensPDGdu18/06/12pp.14-15,etdu18/07/12pp.23-24.

Page 265: Le travail dans la performance organisationnelle

264

indicateurs liés aux non-conformités de fabrication 1 : coût des fiches anomalies

clôturées,répartitiondescodes-causes,desresponsabilitésetdeslieux(cf.tableau2,

regroupement«Qualité»).

Tableau1:listedesindicateursprésentsdanslestableauxdebordcollectés2

1EntretienRQdu05/03/2013,p.21.2Dans le tableau, laclassificationen«Délais»,«Commercial»et«Maind’œuvre»estdenotre fait.Deuxièmement,lesnotesinclusesdansletableausontexplicitéesjusteen-dessousdutableau.

Tableaudebord1 Tableaudebord2 Tableaudebord3 Tableaudebord4Période Juin2012 Novembre2012 Juin2013 Novembre2013Nbindicateurs 13 15 8 8

Délaiàl'enregistrementdétail<3semmoyenne4semaines

Délaiàl'enregistrementdétail<3semmoyenne4semaines

Délaiàl'enregistrementpourdétail<3sem(moyenne4semaines)2

Délaiàl'enregistrementpourdétail<3sem(moyenne4semaines)

EVOLUTIONDURETARD/DELAIINITIALEMENTACCEPTE

EVOLUTIONDURETARD/DELAIINITIALEMENTACCEPTE

IRD5AFFAIRES(pst8à64roues)IRDNEGOCEDétail(pst<8roues)

IRDNEGOCEDétail(pst<8roues)

IRDNEGOCEDétail(pst<8roues)

IRDNEGOCEDétail(pst<8roues)

IRDDétailàJ+1(pst<=8rouesHorsXXX)4

IRDDétailàJ+1(pst<=8rouesHorsXXX)

IndiceRéalisationdesDelaispourleDETAILàJ,J+1&J+3(HorsXXX)

IndiceRéalisationdesDelaispourleDETAILàJ,J+1&J+3(HorsXXX)

Delaimoyenàl'ENREGISTREMENTAFFAIRES(pstdeplusde8roues)

Delaimoyenàl'ENREGISTREMENTAFFAIRES(pstdeplusde8roues)

Delaimoyenàl'ENREGISTREMENTDETAIL(pstjusqu'à8roues)

Delaimoyenàl'ENREGISTREMENTDETAIL(pstjusqu'à8roues)DelaiàL'ENREGISTREMENTXXXMoyenne4semaines

NbdeRouesdedétailenretard NbdeRouesdedétailenretard NbdeRouesdedétailenretardEnregistrementsFABRICATIONMoyennehebdosur8semaines

EnregistrementsFABRICATIONMoyennehebdosur8semaines

CAenregistrépourFABRICATIONMoyenneHebdosur8semaines

CAenregistrépourFABRICATIONMoyenneHebdosur8semaines

Cumul12moisPostesetQtepouraffairesdeplusde8roues

Cumul12moisPostesetQtepouraffairesdeplusde8roues

Cumul12moisPostesetCApouraffairesdeplusde8 roues

Cumul12moisPostesetCApouraffairesdeplusde8roues

Cumul12moisPostesetQtepourlescommandesdedétail<=8roues

Cumul12moisPostesetQtepourlescommandesdedétail<=8roues

Cumul12moisPostesetCApourlescommandesdedétail<=8roues

Cumul12moisPostesetCApourlescommandesdedétail<=8roues

QTEderouesfabriquéesetvendues

QTEderoues fabriquéesetvendues

ACHATS:RatioACHATSDEJantes/CAPRODUCTIONROUES

Utilisationdesheuresdeprésence(TempsGamme/tempsdeprésence)

Utilisationdesheuresdeprésence(TempsGamme/tempsdeprésence)Moyenne3mois1

Utilisationdesheuresdeprésence(TempsGamme/tempsdeprésence)Moy.3mois3

Utilisationdesheuresdeprésence(TempsGamme/tempsdeprésence)Moy.3mois

Partdesheuressupplémentairesdansheures

Partdesheuressupplémentairesdansheures

1Evolutioncertainementdueàl'unedemesremarquesdejuillet2012surlalisibilitédel'indicateurantérieure.

2Sousuntitresimilaire,lesdonnéessynthétiséesdiffèrentparrapportauxprécédentes,sansremettreencausel'analysequenousenfaisonsàcestade.3Lalégèremodificationdutitren'affecteaucunementlesdonnéesprésentéesparcetindicateur,quirestentidentiquesauxpériodesprécédentes.4LesXXXremplacentlenomd'unclientexpressémentnommé.5IRDsignifie:"Indicederéalisationdesdélais".

DELAIS

COMMERCIAL

MAIND'ŒUVRE

Page 266: Le travail dans la performance organisationnelle

265

Tableau2:listed’indicateursmentionnésen-dehorsdestableauxdebordcollectés1

Unepartiedesindicateursprésentsdanscestableauxs’inscriventsanssurprisedansla

stratégie et les enjeux spécifiques que nous venons de présenter (cf. 1.2): délais,

margespourrembourserlesdettes(regroupementscommercialetfinancier).

Toutefois, deux dimensions émergent de ces indicateurs. La première concerne le

regroupement «main d’œuvre», qui contient des indicateurs liés à la productivité

dans l’atelier, sous diverses facettes: temps gamme / temps de présence, CA par

heuretravaillée,etc.Sontégalementprésentsdansceregroupementunindicateurde

suivi des heures supplémentaires (2 occurrences dans les tableaux de bord) et un

indicateurd’accidentalité2.Cettedimension«maind’œuvre»n’estpasapparuedans

lesenjeuxdeperformancechezIndustrieRoue,maissembles’yrattacherparcertains

aspects. Certains indicateurs s’attachent à des aspects temporels, en lien avec les

«délais»,etd’autresaux«marges».

1Le«regroupement»estdenotrefait.2Quenousn’avonspascollecté.

Regroupement Libellédel'indicateur Source Commentaires

Facturationenvolumeetchiffred'affaires EntretienPDG26/03/2012,ObservationPDG26/11/2012

Analysedesclients EntretienPDG26/03/2012Analysedesrupturesdestock ObservationPDG26/11/2012

FABRICATION PlandeproductionEntretienPDG26/03/2012,ObservationPDG26/11/2012

LePDGconsidèreleplandeproductioncommeunindicateur.

Margebrute EntretienPDG26/03/2012Résultatcomptable EntretienPDG26/03/2012Trésorerie EntretienPDG26/03/2012Cash-flowdisponible/Dettes EntretienPDG18/06/2012 Indicateursuiviparlesbanques.Ratioentrelescapitauxpropresetl'endettement EntretienPDG18/06/2012 Indicateursuiviparlesbanques.Produitsauxmargesinsuffisantes EntretienPDG18/07/2012

CA/heurestravaillées(deprésence)dansl'atelier EntretiensPDG26et27/03/2012,ObservationPDG26/11/2012

Letempspointésurletempsgamme EntretienPDG26/03/2012Lecomparatifentrelesheurespointées(letempspassédéclarésurlespièces)etlesheurespayées(tempsdeprésence)

EntretienPDG26/03/2012 ATT:trèssimilaireà"Utilisationdesheuresdeprésence",maislogiqueàdiscuter.

Tempsgamme EntretienRTF20/11/2012Tempspointé EntretienRTF20/11/2012CApartêtedepipe ObservationPDG26/11/2012Tauxdefréquencedesaccidentsdutravail PolitiqueQualité Aucundocumentcollecté.

Productivité PolitiqueQualitéAucundocumentcollectéhorsnotesdiversesdu19-21/11/2012.

Coûtdesfichesanomaliesclôturées EntretienPDG18/07/2012,Notesdiverses19-21/11/2012

Répartitiondesresponsabilités EntretienPDG18/07/2012,Notesdiverses19-21/11/2012

Enmars2013(cf.notesdiverses),cetindicateurpréciseégalementlecoûtdechaqueresponsabilité.

Répartitiondeslieuxoùlanon-conformitéestdécelée EntretienPDG18/07/2012,Notesdiverses19-21/11/2012

Répartitiondescodescausessurlesfichesanomaliessoldées EntretienPDG18/07/2012,Notesdiverses19-21/11/2012

Lenombredelitigesrapportéaunombredelivraisons PolitiqueQualité Aucundocumentcollecté.

COMMERCIAL

MAIND'ŒUVRE

QUALITE

FINANCIER

Page 267: Le travail dans la performance organisationnelle

266

Lasecondedimensionquiémergeconcerne laqualité,composéedecinq indicateurs

permettant une analyse assez fine (localisation, causes, coût, proportion) des non-

conformitésdécelées.Acestade,ladimensionqualitésembleassezpeuintégréeàla

stratégieglobaled’IndustrieRoue. Ilestprobablequecelatienneà la jeunessede la

démarchequalitéengagée,puisqueleresponsablequalitéaétéembauchétrèspeude

tempsavantnotrearrivéechezIndustrieRoue–nousreviendronssurcetteembauche

plusavantensection4.

Dans le cadre de notre recherche, il est nécessaire de détailler plus avant les

indicateursdeproductivitéquenousvenonsdementionner.Nousconsacronsdoncla

section2.2àl’étudedesindicateursdeproductivitéutiliséschezIndustrieRoue.

2.2� LesindicateursdeproductivitéchezIndustrieRoue

Comme indiquédans les tableauxde lasectionprécédente, lecalculdeproductivité

s’effectueselondeuxmanières:chiffred’affairesrapportéàdesheuresoueffectifs,et

tempsréalisésurtempsprévuoudisponible.Lepremiertyped’indicateursrelèveen

partiedelaperformanced’untravailcommercial(lesuccèsàobtenirdescommandes)

quidépasse lepérimètrede cette thèse, carnousn’avonspasobservé le travaildu

commercial.Nous allons donc nous concentrer sur le second type d’indicateurs de

productivité.Notre relevédes indicateurschez IndustrieRoue (tableaux1et2de la

section 2.1) indique 3 indicateurs formels rapportant un temps prévu à un temps

réaliséoudisponible:

�� «Utilisationdesheuresdeprésence(Tempsgammesurtempsdeprésence)»,

aussiappelé«efficience».

�� «Tempspointésurletempsgamme»,

�� «Comparatifentrelesheurespointéesetlesheurespayées».

Letempsgammecorrespondàladuréedefabricationprévuedanslemodeopératoire

(lagamme);letempspointécorrespondàladuréederéalisationd’unegamme,notée

Page 268: Le travail dans la performance organisationnelle

267

par l’opérateur1. Pour connaître la durée de réalisation, les opérateurs peuvent se

référerauxhorlogesprésentesdansl’atelier2,ouutiliserleurmontre3.

Le PDG suit très régulièrement (mensuellement ou presque 4 ) l’indicateur temps

gamme /tempsdeprésence.Cedernieresteffetprésentdanschaquetableaudebord

auquelnousavonseuaccès.Encherchantàcomprendresaconstruction,nousavons

constatéque,malgrél’appellation,c’estdutempspointé,etnondutempsgamme,qui

estintégrédanscetindicateur.

StéphaneDESCHAINTREDoncsurcetindicateur,doncutilisationdesheuresdeprésence,tempsdegammesurtempsdeprésence.�…�.Alors,maquestion…Enfaitmesquestions tournentautourde lamanièredont,dontvouscollectez lesinformations.Alafois,parexemple,lesheuresdumois.PDGINDUSTRIEROUEAlors les, lesheuresdumois,d’uncôté j’ai lesheures deprésence,quisontca,co’,comptabilisées…jourparjour,semaineparsemaine.Doncje sais chaque semaineet chaquemois combiend’heureson aeudeprésencedansl’atelier.StéphaneDESCHAINTRED’accord.PDGINDUSTRIEROUEEtpuispourcequiestdestempsdegammeetbienonregardetouslesbordereaux…enfin lesOFde fabrication, sur lesquels yaunpointagequi est saisi quotidiennement. Et ça nous donne un temps global …pointé.StéphaneDESCHAINTREDoncun…enfinuntempsdegammeenl’occurrence?PDGINDUSTRIEROUEOui un temps pointé sur gamme. Parce qu’un temps de gamme engénéralc’estplutôtuntempsstandard.Etpuisvoilà.�…�

1Enraisond’éventuelleserreursdesaisie,letempspointénecorrespondpasexactementàladuréedefabricationdelagamme.2EntretienRTF,20/11/2012,p.20.3EntretienPDG,18/07/2012,p.11,etEntretienCA,19/11/2012,p.9.4EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.2.

Page 269: Le travail dans la performance organisationnelle

268

StéphaneDESCHAINTRED’accord.Et les, lesheuresquisontcomptabilisées,ellessontrelevéesparl’encadrementdel’atelier?PDGINDUSTRIEROUEAhnon!C’estlesopérateursquisurchaqueOFdisentj’aipassétantdetempsenopération.StéphaneDESCHAINTREOui,d’accord.Surlesheurespointées.Surlesheuresdeprésence?PDGINDUSTRIEROUEC’estl’agentdemaitrisedel’atelier.StéphaneDESCHAINTRED’accordqui…PDGINDUSTRIEROUEC’estcequisertàfairelapaye.StéphaneDESCHAINTRED’accord. Donc de toute manière c’est la même, la même sourced’information.Et…etparcontre,yaquandmêmeunpointquin’estpastrèsclairpourmoisur…Vousrécupérez le, le, letempsgammedechaquefabricationouletempspointé?PDGINDUSTRIEROUELetempspointé…surlagamme.StéphaneDESCHAINTRED’accord. Donc si, s’il y a une gamme qui fau’, faut … mettons 60minutes…PDGINDUSTRIEROUEEtbiens’ilsenmettent72,onpointe,oncons…idèresoix’,les72.StéphaneDESCHAINTREEtdoncvousconsi,vousconsidérezici72detempsdegamme.C’estçaquej’entends?PDGINDUSTRIEROUE

Page 270: Le travail dans la performance organisationnelle

269

Oui.1

Celongéchangenouspermetd’établirtroischoses.Premièrement,ilindiquelanature

des informations qui sont utilisées dans l’indicateur «Utilisation des heures de

présence(Tempsgammesurtempsdeprésence)»:

�� Letempspointéetnonletempsgamme;

�� Lesheuresdeprésenceservantdebaseàlapaye.

Deuxièmement,faisantprimerletypededonnéessurladénomination,nousretenons

alors que l’indicateur «utilisation des heures» est un indicateur du type temps

pointé/tempsdeprésence.Cecisignifiequeparmi les3 indicateursformels identifiés

plus haut, deux d’entre eux sont en fait identiques: «Utilisation des heures de

présence (Tempsgamme sur tempsdeprésence)»et«Comparatifentre lesheures

pointées et les heures payées». Nous pouvons donc nous concentrer sur deux

indicateursseulement.

Troisièmement, lePDG indiquedanscetéchangeque lemodedecollectedu temps

pointéestdéclaratif:cesontlesopérateurseux-mêmesquinotentletempspointésur

un document papier2, avant que ces informations soient saisies3dans le logiciel de

gestiondeproduction.Lemodedecollectedutempspointén’assurepasl’objectivité

ensoide lamesure,maiscelanegênenullementnotredémarchederecherche,car

nousnousintéressonsàlamanièredontlesindicateurssontmobilisésparlesacteurs

pourappréhenderlaperformancedutravail.

Pour finir sur l’utilisation des indicateurs, le PDG suit donc aussi l’indicateur temps

pointésur le tempsgamme,maisd’unemanièreplusponctuelle4.D’ailleurs, le ratio

ainsi calculé est proche de 15. Cela signifie donc, que numériquement, les temps

1EntretienPDG,29/05/2013,p.7-8.2Surl’ordredefabrication(OF)directement,ousurunefeuilleassociéeàl’OF.3Parunetiercepersonneayantunefonctionadministrative.4EntretienPDG,29/05/2013,p.9.5EntretiensPDGdu26/03/12,p.2,du05/03/13p.14etdu23/05/13,p.7-10.Nousn’avonspaseuaccèsàcetindicateur.

Page 271: Le travail dans la performance organisationnelle

270

gamme et temps pointé sont identiques … Là réside certainement la source du

malentenduquenousavonslevéprécédemment.

Le Responsable Technique & Fabrication (RTF), quant à lui, mène des analyses

ponctuellessurlesécartsentreletempspointéetletempsgamme,mêmes’ilaffirme

n’utiliseraucunindicateursynthétique1.

Ainsi, laproductivité chez IndustrieRoue semesureau traversdedeuxaspects:un

ratiod’utilisationdesheuresdisponibles (tempspointé / tempsdeprésence)etdes

écarts entre le temps pointé et le temps gamme. Etant donnée sa prégnance,

l’indicateur«Utilisationdesheures»constituelaréférenceconcernantlaproductivité

chez IndustrieRoue.C’estdoncau traversdecet indicateurque laproductivitésera

abordéedanslasuitedecechapitre.

Nous présentons ci-dessous la dernièremise à jour de l’indicateur «Utilisation des

heures»àlaquellenousavonseuaccès.Cegraphiquecouvrenotammenttoutenotre

périodedecontactavecIndustrieRoue(février2012ànovembre2013).

Ilest construit surunebasemensuelle (axedesabscisses),quipermetd’indiquer la

totalitédesheurestravailléesmensuellementdanslesecteurdefabrication2(axedes

ordonnées à gauche) sous la forme de barres. Il présente ensuite une courbe (en

rouge)quireprésente lamoyennesur3moisglissantsducoefficientd’utilisationdes

heuresdeprésence(tempsgamme3diviséparlesheuresdeprésence).Leniveaudece

coefficientsetrouvesur l’axedesordonnéesàdroite.Enfin, legraphiquereprésente

l’objectif d’utilisation des heures (80%, lus sur l’ordonnée à droite), par une ligne

droite4(envert).

1EntretienRTF,20/11/2012,p.23-25.2Donc,comme indiquédans legraphique:sans lesheurestravailléesdesdeuxpersonneschargéesdelalogistiqueinterne.3NousutilisonsladénominationinterneàIndustrieRoue.Maisils’agitenfaitdetempspointécommeexpliquéprécédemment.4Nousn’avonspasd’explicationconcernantlaverticalitédelaligne«Objectif»àpartird’octobre2013.Celanenuitnullementàlarestitutiondenotrecas.

Page 272: Le travail dans la performance organisationnelle

271

La courbe rougedans le graphique ci-dessus indiquedont leniveaudeproductivité

(«CoefUtilisationdesheures»)réalisésurprèsde3ans:dejanvier2011ànovembre

2013. On peut remarquer tout d’abord que la productivité n’atteint jamais ni ne

dépassel’objectifde80%(lignedroiteverte)surlapériode.Elleresteen-deçàde75%.

Deuxièmement, le niveau de productivité a sensiblement oscillé deux extrêmes: le

point bas est de 54% (environ) en septembre 2012, et le point haut s’élève à 74%

(environ) en juillet 2011. Ce sont ces variations et écarts de productivité qui

susciterontlesexplicationsduPDGquenousrestituonsetanalysonsensection3.1.

Avantcela,nousvoudrions terminerparuneanalysede l’indicateur«Utilisationdes

heures».Que nous dit cet indicateur sur les représentationsde la performance du

travail? Par construction, il rapporte le temps passé à fabriquer des roues (temps

pointé)autempsdisponible(tempsdeprésence).Ilcherchedoncàévaluerlapartde

l’activitéconsacréeà lafabricationderoues.Decepointdevue, l’apportattendudu

travailestceluid’uneactivitéconsacréeàlafabricationderoues.Ilapparaîtrad’autant

plus grand que le coefficient d’utilisation des heures sera proche de 1 – voire au-

dessus…Alors,laperformancedutravailapparaîtrad’autantplusélevéequecemême

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Page 273: Le travail dans la performance organisationnelle

272

indicateurseraprochede1.Lecoefficientd’utilisationdesheuresvéhiculeainsiune

représentation de la performance du travail qui tend à lamaximisation du temps

consacréàlafabricationdesroues.

En ce sens, le coefficient d’utilisation des heures porte peut-être en lui-même les

germesd’unecertaine insatisfactionàproposde laperformancedu travail:comme

l’indique legraphiqueprésentéplushaut,mêmeenatteignant l’objectifdéfinipar le

PDG,lecoefficientd’utilisationdesheuresneserajamaisqu’à0,8(ou80%).Ilsouligne

ainsi leniveaudutempsenunsens«perdu»,ànepasfabriquerdesroues.Comme

nous lemontrerons dans la section suivante lorsque nous restituerons les discours

managériaux relatifs aux écarts de productivité, l’insatisfaction que nous évoquons

resteassezlargementabsentechezIndustrieRoue.

La section 2 était consacrée à la présentation desmesures utilisées chez Industrie

Roue.Nousnousconsacronsdésormaisàlarestitutiondesdiscoursmanagériauxchez

IndustrieRoue.

3� DESDISCOURSMANAGERIAUXCHEZINDUSTRIEROUE

La présente section est consacrée à la restitution de discours managériaux chez

IndustrieRoue.Pourmémoire,nous appelonsdiscoursmanagérial toute expression

écriteouoraledont l’émetteur relèved’unepositionmanagériale.Etantdonnées la

taille de l’entreprise et l’importance de la figure du dirigeant, les discours du PDG

serontprédominantsdanslarestitutionquenousproposons.

Lesdiscoursquenousrestituonssont issusd’unquestionnementportantsur lecycle

d’affairesd’IndustrieRoue,approfondiselonlesévènementsouécartsmentionnéspar

lePDG.Deuxthématiquesrelativesautravailenressortent,quenousétudionstourà

tour:lesécartsdeproductivité(3.1),etlaqualité(3.2).Chacunedecessous-sections

proposerauneanalysedesdiscoursmobilisés.

Page 274: Le travail dans la performance organisationnelle

273

3.1� Lesécartsdeproductivitédansl’atelier

Nousétudionsdanscettesection lesdiscoursmanagériaux–principalementduPDG,

relatifs aux écarts de productivité tels qu’ils apparaissent au travers des deux

indicateursdesuiviquenousavonsprécédemmentprésentésau2.2.Afindepréciser

lepérimètre,nousnousintéressonsd’abordàlalocalisationdesécartsdeproductivité

(3.1.1),puisà leursexplications (3.1.2).Pourterminer,nousproposonsunesynthèse

portantsurlesécartsdeproductivité(3.1.3).

3.1.1� Localisationdesécartsdeproductivité

Rappelons pour débuter que l’atelier est découpé en six secteurs de fabrication:

emboutissage,usinage-perçage,soudure,lavage,grenaillageetpeinture.

Malgré sa position en bout de chaîne (pour un cycle standard de fabrication), la

peinture génère rarement d’écarts de productivité. Il y a deux raisons à cela. La

premièreestadministrative: iln’estpasdemandéauxopérateursdenoter lestemps

de réalisation. Alors, lors du traitement administratif de l’OF (cf. supra 2.2), la

personneenchargedelasaisiesaisitentantquetempspointésaulavage-grenaillage

etenpeinture,lestempsgammedecesmêmesopérations1.Parconstruction,donc,il

nepeutyavoird’écartentre les tempsgammeetpointéspour lapeinture–àmoins

d’uneerreurdesaisie,quiseraalorscorrigée.

Laseconderaisonestorganisationnelle,maisrelativementmystérieusepour leRTF2:

«Enpeinture,quandonregarde lefichierd’ordonnancement,engénéraldesfoison

estdans le rouge,maisen fait, il �lepeintre�yarrive trèsbien! �S�uivanten fait les

tempsdegammequiontétédonnés,etlescapacitésqu’onaenface…c’estsouvent

enpeinture�qu’�onestdanslerouge,doncla,lapeintureengénéralons’en,c’estpas

là-dessus…yadesmomentsoù… c’estungoulot,voilà, ça s’entasse,mais… c’est

assez…çadépendenfaits’ilyabeaucoupdechosesàlaveretgrenailler.Parcequey

1Ilss’élèventen l’occurrenceà7minutesparrouepour le lavage-grenaillage,età7minutesparrouepour la peinture, avec un temps de changement de fabrication de 10 minutes (Entretien RTF,20/11/2012,p.9).2ResponsableTechniqueetFabrication.Cf.organigrammeau1.1duprésentchapitre.

Page 275: Le travail dans la performance organisationnelle

274

adespiècesquisontpluslonguesàlaveretgrenaillerparcequ’ellesontbeaucoupde

graisse…etsi larouepass’,onperdénormémentdetemps.»1.Ainsi,nousconfie le

RTF,lapeintureestplusefficientequeprévu,etnecausedoncquetrèsrarementdes

écartsnégatifsdeproductivité.2

Comme l’expose le RTF, le secteur lavage-grenaillage consomme souvent plus de

tempsqueprévu.Pourautant,cettesurconsommationnesetraduitpasdansunécart

de temps pointé par rapport au temps gamme, car il n’est pas non plus exigé de

pointagedestempspourcesdeuxsecteurs.Autrementdit, ilestadministrativement

impossible de générer des écarts de temps au secteur lavage et grenaillage. Les

analysesdeproductivité (écartsde temps)àproprementparlerneconcernentdonc

pasnonpluscesecteur.Enrevanche,ilestconnudumanagementquecesecteurpeut

devenirunpointbouchondanslecycle defabrication.

Comme en témoigne l’échange ci-dessous, les analyses chiffrées de productivité ne

s’appliquentqu’àdeuxsecteurs–l’usinage(quicomprendleperçage)etlasoudure:

RTFAlors l’emboutissage lestempsdegamme,aujourd’hui… j’ai, j’aipeut-être…desfois30secondesdedifférence…sur lestemps.Jem’amusepasàchangerquoique,sachantquec’estpasun…posteoùengénéral,c’est pas un goulot… y a des périodes où là, comme en cemomentparceque,voilà,yadesrouesmétro,…ya…yadel’emmanchement,oudeschosescommeça,doncoù,souventonadespics…maisonlespasse,quoi.StéphaneDESCHAINTRED’accord.Doncenfaitl’analyseelleportesurl’usinage,leperçageetlasoudure?RTFOuais…usinageetsoudure.StéphaneDESCHAINTREUsinageetsoudure?parcequeperçage,c’est…c’estaussi…?

1EntretienRTF,20/11/2012,pp.9-10.2Cf.Observationderéunion«Plandeproduction»du04/03/2013,etEntretienPDGdu05/03/2013,p.3.

Page 276: Le travail dans la performance organisationnelle

275

RTFEssentiellement.C’estdansl’usinage.1

Le fait que l’emboutissage ne génère pas d’écarts de temps significatifs est

probablement idiosyncratique,car iln’yaqu’unopérateurtitulairequidisposed’une

grande expérience sur ce poste. Les temps gamme sont certainement ajustés par

rapportàlui.

Cequ’ilimported’identifierdanslalocalisationdesécartsdeproductivité,c’est,dans

lesfaitsetparconstruction, leurfaiblepérimètreentermesdeprocess:deuxsecteurs

surlessix2.L’usinageetlasoudurerestentlesplus«peuplés»,puisqu’ilscomptent6

opérateurs;lesquatreautresn’encomptentqu’unchacun.

Ainsi, le périmètre des écarts de productivité tels que révélés par les indicateurs

utilisés(cf.2.2)contientdeuxétapes:usinage-perçageetsoudure.

Ilnous semblaitnécessairededébuter laprésentationdescausesetexplicationsdu

manque de productivité en identifiant les étapes de fabrication concernées.

Désormais,nousdétaillonslesraisonsdelasous-productivité.

3.1.2� Quellesexplicationsauxécartsdeproductivité?

LesexplicationsrelativesauxécartsdeproductivitéémanentduPDGd’IndustrieRoue,

puisquelesécartsapparaissentdansl’indicateur«utilisationdesheuresdeprésence»

issudutableaudebordduPDG(cf.supra2.2).Quatretypesd’explicationémergent:

lescaractèresindividuelsdesopérateurs,lesdéplacementsauposte,lavariabilitédes

produits, et la réduction des délais. Nous les présentons et les analysons

successivementetseloncetordre,dansdessous-sectionsdistinctes.

1EntretienRTF,20/11/2012,p.17.2Commenousl’avonsindiquédanscettesection,lesautressecteursrestent«souscontrôle»,certainsl’étantpard’autresmoyens,commel’expérience(pourlelavage-grenaillageetlapeinture).

Page 277: Le travail dans la performance organisationnelle

276

3.1.2.1� Caractèresindividuelsdesopérateurs

Dans lesproposduPDG, lesécartsdeproductivités’expliquenttoutd’abordpardes

caractères individuels des opérateurs. Les échanges avec le PDG nous permettent

d’identifierdeuxcaractèresdecetypechezIndustrieRoue.

Le premier concerne l’efficience des personnes: «Et puis après y a un coefficient

d’efficiencedespersonnes!…quiestcequ’ilest!etquiestpas,quiestloind’êtrede

100%!Donc y aussi ce facteur qui peut jouer.»1.Durant lemême entretien, nous

revenonsultérieurementsur l’explicationdumanquedeproductivité.LePDGprécise

alorssesidées:«Non.J’pensequec’estlié…àuncertainniveaud’intérim…doncdes

gensmoins… aguerris!»2.Derrière le coefficient d’efficience, il semble qu’il faille

comprendreundegréd’expertisedanslemétier,quiconduitàtravaillerplusvite.

LediscoursduPDGsemblepartagédanslalignehiérarchique,toutenélargissantàun

phénomèned’ancienneté.Lechefd’atelierremarqueainsiqu’il faut«faireattention

aux jeunes, qui mettent des temps �pointés� bizarres.» 3 . Ces temps pointés

«bizarres» sont tout simplement largement supérieurs à ceux quemettraient des

expérimentés.LeRTFtientquantà luiundiscourssimilaireàceluiduchefd’atelier:

«Fautsavoirfairelapartdeschoses…�ya�desopérateursquisontplusrapidesque

d’autres…doncaprès faut…voilà!c’est…une…exemple,maisçac’estpasdesa

fautenonplus… �Untel�…voilà! ilestapprenti, ilcommence,normalque…voilà!

quandilestàsonposte,ilpassebeaucoupplusdetemps.Après,moi,jepeuxpasme

permettredemettresurmagamme…sontempsàluiqu’ilapassé.Fautquejefasse

lapartdeschosesentresic’étaient�lestroissoudeurstitulaires�…etluiquoi.»4.

Lesecondcaractèreindividuelconcernelacapacitéàfairevarierlerythmedetravail:

«Doncilfautqu’onarriveàunsystèmeoùonsoitcapablesdemodulerla sortiepar rapport à lademande.Alorsqu’aujourd’hui c’est chaquesemaine:100!Doncsiàunmomentdonné j’enregistre500…surunmois,tantquej’aire’,j’aipasunmoisà300j’m’ensorspas.Puisqueon

1EntretienPDG,19/11/2012,p.3.2EntretienPDG,19/11/2012,p.12-13,noussoulignons.3EntretienCA,19/11/2012,p.9.4EntretienRTF,20/11/2012,p.7.

Page 278: Le travail dans la performance organisationnelle

277

créeunevague,etaprès toutesten retard!Alorsquesivousavez lapossibilitédepasserà500toutdesuiteetàredescendreà300derrière,c’estbon.C’est très théorique,mais…c’est,c’est làaussioùse fait laproductivité. Parce que sinon vous allez faire des heuressupplémentairespouressayerd’atteindrevos500–vousyarrivezpastoujourstrèsbien!…vousallezprendredes intérimaires,puisfaut lesformer,etpuisbah… vous voyez ceque je veuxdire!Etpuisquandvous devez descendre à 300 vous descendez de toute façon à 300puisqueyapasd’autrechoseàfabriquer!Maislesgensvouslespayeztoujours!Et ilss’habituentàun rythmequiestplusbas.Etsi lemoisd’après vous devez remonter à 500, y arrivent à pas, ils arrivent àmonterqu’à400!C’estpasdelamauvaisevolonté,c’estsimplement…c’est…naturel.»1.

A travers les caractères individuels des opérateurs, les discoursmentionnés ici font

référenceàcequelesopérateursfontousontcensésfaire,etàlamanièredelefaire

(habileté,rapidité,expérienceetexpertise liéeà l’ancienneté).Entolérantdesécarts

parrapportàuneprescription(detemps,principalement),lediscoursmanagérialfait

clairementréférenceàl’activitédesopérateursdel’atelier.

Ilesttoutefoisànoterquelesmesuresparaissentextrêmementimportantesdansles

discours.Ilss’articulenteneffetautourdenotionstellesque‘coefficientd’efficience’,

des références à de la productivité (respect du temps prévu), et des niveaux de

production2.Ilnoussemblecomprendrequecediscoursappuyépartantdemesures

vise, d’une certaine manière, à modéliser l’activité productive. Le coefficient

d’efficiencedespersonnesserviraitàévaluer ‘auplus juste’ laproductivitédutravail

de tel opérateur. De même, l’historique des niveaux de production permettrait

d’estimerleniveaudeflexibilitédansl’atelier,etdonclacapacitédeproductionliéeà

l’activitédesopérateurs.

Nouspensonsquecettetentativedemodélisationde l’activitéproductivepeutnous

renseigner sur une représentation de ce qu’apporte le travail d’opérateur chez

1EntretienPDG,19/11/2012,p.4-5.Lesoulignementtraduitl’insistancedenotreinterlocuteur.2Lesmesures‘coefficientd’efficiencedespersonnes’et‘niveauxdeproduction’nefontpaspartiedesindicateurs auxquelsnous avonseu accèsdemanière formelle à travers les tableauxdebordou lesquestions spécifiques lors d’entretiens. A ce titre, ils ne figuraient pas dans le panorama précédent(section2).Leurintroductioniciàpartird’undiscoursduPDGpermetd’enrichirlesreprésentationssurlaperformancedutravail,commenousl’expliquonsensuite.

Page 279: Le travail dans la performance organisationnelle

278

IndustrieRoue.Laperformancedutravailseraitdeproduire lesquantitéssouhaitées

selonuntaux(pré)défini.

Nous nous consacrons désormais aux écarts de productivité causés par des

déplacements.

3.1.2.2� Lesdéplacementsaupostedetravail

Lesécartsdeproductivitésontégalementdus,selon lePDG,àdesdéplacementsau

postedetravail.Cesdéplacementssontnécessairesà laréalisationdespièces,mais,

semble-t-il,pasoupeuoptimisés:«Doncyaaussicefacteurquipeutjouer.Etquiest

unfacteurqu’aujourd’huionnemaîtrisepaspar…enfinqu’onnemaîtrisepasbien…

par… lagéographiede l’atelier.C’est-à-direque lesgenssontpas… liésàunposte.

Doncyadesdéplacements,yades…recherchesdepièces,… toutçaçamangedu

temps.»1.

Unéchangeultérieurrevientsurcesconsidérations:

PDGINDUSTRIEROUEEtdoncvousavez4soudeursetquevousenvoyez…toujoursàchaquefoisque3…çaveutdire,quiyenaun,ilspassent25%deleurtempsàautrechose!etceteraetcetera.StéphaneDESCHAINTRED’accord.Laquestionc’estqu’est-cequec’est,qu’est-cequeceautrechose!?(rires)PDGINDUSTRIEROUEHm. Oui. C’est souvent tout ce qui les embête: les temps dedéplacements, les… le fait que le poste est pas bien aménagé, qu’ilmanquedesproduits…etcetera!Qu’ilssontpasbienalimentés!2

Cequinous semble intéressantdanscesextraits,c’estque lediscoursduPDGpour

expliquer la sous-productivitéabordedes causesphysiques très concrètes. L’activité

1EntretienPDG,19/11/2012,p.3.2EntretienPDG,19/11/2012,p.8-9.

Page 280: Le travail dans la performance organisationnelle

279

quiestévoquée iciestdoncassezprécise:«recherchedepièce»etaménagement

despostes,notamment.

LediscoursduPDGmeticienrelationdesmesuresavecl’activité.Lesmesures(écarts

deproductivitéentempspointé/tempsgamme,ici)enconstituentlepointdedépart.

Puis, le discours expliquant ces écarts convoque l’activité demanière assez précise

commenousvenonsdeledire.

Il nous semble que dans cette relation, le discours du PDGmet en évidence que

l’activité déborde en partie lesmesures. En effet, si le déplacement constitue une

explication de l’écart de productivité, cela signifie que le déplacement dure plus

longtemps que prévu. Ainsi, par construction, la durée de déplacement prévue ne

contient qu’une partie de l’activité liée au déplacement1. Il semble alors que nous

arrivionsàunphénomèneunpeuparadoxal:unepartdel’activitésetrouvemiseen

avantdansle discoursduPDGpourexpliquerunécartsurdesmesures,alorsquecette

mêmepartdel’activitéestexcluedupérimètredelamesure.

Ceparadoxemarquepeut-êtreicilaperformancedutravail:accomplirlatâchequelle

quesoitlamesured’écartquiendécoule(ra).

Intéressons-nousàprésentàlatroisièmecaused’écartsdeproductivité:lavariabilité

desproduits.

3.1.2.3� Lavariabilitédesproduits

Auseindecettecaused’écartsdeproductivité,ondistinguetoutd’abordlavariabilité

intrinsèque des produits: «�…� on est soumis à la difficulté liée … à la taille de

l’entrepriseetàlacon’,àla…variabilitédesproduitsquifaitque…onnemaîtrisepas

suffisamment lacharge,à l’avance.C’est-à-direqueonpensequeonvadépenser…

100heures,etpuisonvasouventendépenserplutôt110que100.Etrarement95.»2.

Selon cespropos, la variabilitédesproduits génèreun écartdeproductivité car les

estimationsdetempsdefabricationsontgénéralementinférieuresautempseffectif.

1Lapartd’activité inclusepeutêtrenulle, si,parexemple,aucun tempsdedéplacementn’estprévudanslagamme.2EntretienPDG,19/11/2012,p.2.Lesoulignementtraduitl’insistancedulocuteur.

Page 281: Le travail dans la performance organisationnelle

280

Lemanquedeproductivité s’expliqueaussiparunautreaspectde lavariabilitédes

produits:lemixdefabrication(oudecommandes).Lemécanismeenestlesuivant:

«Bahlaproductivitéatendanceàlégèrementsedégrader.�…�Heuliéeàdes…liéeàdescommandes(craquementdesonsiège)quiontunmix…surlesdifférentesmachinesquiestunpeudifférentdelanormale…c’quifaitqueheu...unsecteursaturépeuameneràunedégradationdela productivité des autres secteurs qui sont plus assez alimentés.�L’indicateur�quisedégrade leplus,c’est… l’indicateurquimesurelesheureseffectivementutilisées,puisqu’onseretrouveavecdesgensquiàunmomentdonnén’ontpasassezde,detravail.Et…comptetenudeladifférencedesmétiersqu’ona,onnepeutpaslesfaire…onpeutpasleurfairefaireunautremétierqueceluiquiestle...�leur�.Pourdonnerun exemple, si à unmoment donné on a des roues qui consommentbeaucoupdesoudure,heu,benpendantqu’onsoudecesroues-là, lesautressecteurssontpassuffisammentalimentés,…etdonconpayedesheuresquisontpasobligatoirementbienutilisées.»1

Bien que relatifs à la variabilité des produits, nous sommes en présence de deux

discoursassezdistinctsdansleursmodalités.

Lepremiersembletrèslargementstructuréparlesmesures,puisqu’ilestuniquement

question de l’écart entre la durée de fabrication prévue, et celle qui est réalisée.

Malgrécela,lamesurequiestmentionnéeparlePDG(lenombred’heures)seréfère

assezdirectementà l’activitédesopérateurs,même si lediscours restemuetquant

auxcausesdel’écartentreladuréeprévueetladuréeeffective.

En tant que discours largement centré sur lesmesures, ce premier discours sur la

variabilité intrinsèque des produits s’inscrit vraisemblablement dans le projet

modélisateurdontnousavonsparléau3.1.2.1.

Dans le second discours, l’activité est placée au cœur de l’explication de la sous-

productivité.Lediscoursmentionneexplicitementcequelesopérateurspeuventfaire

etnepeuventpasfaire,selon lemétierqu’ilsconnaissent.Lavariabilitédesproduits

1EntretienPDG,18/06/2012,p.3.

Page 282: Le travail dans la performance organisationnelle

281

génèrealorsunécartdeproductivitéencequ’ellenécessiteunequantitéde travail

dansuneproportiondifférentedecequelesopérateurssontenmesurederéaliser.Ce

discoursduPDGmobilisel’activitédemanièreassezconcrèteafind’expliquerlasous-

productivité.

Pour finir larevuedesexplicationsauxécartsdeproductivité, lasectionsuivanteest

consacréeàlaréductiondesdélais.

3.1.2.4� Laréductiondesdélais

Nous l’avons vuprécédemment au1.4,proposerdesdélais courts correspond àun

positionnement stratégique et à un axe de performance. Le PDG d’Industrie Roue

analysequecetaxedeperformanceentraîneunebaissedelaproductivité:

«�O�n n’est pas dans un processus industriel sur 40% de notreproduction.Puisquec’estdudétail,cequ’ilfautc’estêtreleplusréactifpossible, et être capable de répondre très vite. Doncfondamentalement,sijenevisaisquelaproductivité,jepensequejeferaisuneerreurparceque…j’optimiseraiscequiestpasàoptimiser.Cequiyaàoptimiserc’estdepouvoirrépondreauclienttrèsvite.Etdoncçaçaveutdirequequelquepart il fautaccepterde fairede lasous-productivité.»1.

Renoncer à de la productivité pour afin de proposer (et tenir) des délais courts

provient non seulement d’une réflexion théorique comme dans l’extrait ci-dessus,

maiségalementd’uneanalysederésultatspassés:

«Làc’est l’indicateurdont jeparlais,doncde l’efficiencehein,c’est letemps gamme divisé par le temps de présence … où on voit qu’ontournemaintenantactuellementà55%.Yaeudespériodesoùonétaità70%.Et là,quandonessaied’analyserplusendétailetcomprendremieux,heu,bahc’est liéà… le choixquiaété fait sur leservice,dediminuerlesdélaisetquiamèneàavoirunpeuplusdemondequece

1EntretienPDG,05/03/2013,p.14,noussoulignons.

Page 283: Le travail dans la performance organisationnelle

282

quieststrictementnécessaire.C’est-à-direqu’onnemetpasenavantlaproductivité;cequ’onmetenavantc’estleserviceauclient.»1.

L’axestratégiquevisantà réduire lesdélaisengendre,selon lesanalysesduPDG,un

déficit de productivité. Et ce déficit de productivité entraîne un sureffectif dans

l’atelier–sureffectifquenousétudieronsensection4duprésentchapitre.

LesprécédentsproposduPDGexprimentune contradictionentredesmesures: les

délais et la productivité. Le PDG choisit de privilégier les délais au détriment de la

productivité.

Il nous semble que l’arbitrage entre cesmesures intervient à l’issue d’unemise en

perspectivedechacuned’elle.Parailleurs,cettemiseenperspectivesembles’appuyer

suruneréférenceàl’activitédesopérateursdel’atelier.

Laréférenceà l’activitéestassezdirectepour lamesuredeproductivité,quimesure

chezIndustrieRoue, lerapportentre letempspassésurdesfabrications,et letemps

disponible.Autrementdit, cet indicateurdeproductivitédonneune représentation2

del’occupationdesopérateursdel’atelier.Pourlesdélais,laréférenceàl’activitéest

plus indirecte.LePDGs’appuie implicitementsur l’opposéde laproductivitécomme

«occupation», à savoir: l’«oisiveté». L’oisiveté relative des opérateurs permet

d’expliquer le faitdeproposerdesdélaiscourts.Eneffet,sur lapériodementionnée

dans l’extraitprécédent, leniveaudeproductivitéà55%comparéà70%signifieque

l’activitédefabricationdesopérateursaétéfaible,maisqu’enrevanche,lesdélaisont

puêtretenus,voireraccourcis,grâceàcesurcroîtd’activitédédiéauxcommandesen

cours.

L’analyseci-dessusnouspermetalorsdemieuxsaisircequerecouvrelaperformance

dutravail.Cequisemble iciplus important,cen’estpastant lefaitque l’activitésoit

productive,mais,paradoxalement,(relativement) improductive–afindegarantirdes

délais courts. Ainsi, il semble que la performance du travail, paradoxalement, se

manifeste iciàtravers l’oisivetérelativedutravail;c’est-à-direàtraversuneactivité

quineproduitpasautantqu’ilseraitpossible.

1EntretienPDG,18/06/2012,p.12-13,noussoulignons.2Trèsimparfaite,quenousavonsdiscutéeprécédemmentdanslechapitre2.

Page 284: Le travail dans la performance organisationnelle

283

Cequi semble aussi remarquabledans cette explicationde lapartdu PDG, c’est la

prisedereculd’aveclamesureimmédiatesurletravail:laproductivité.Lamesurede

productivité n’est pas uniquement considérée pour elle-même dans le discours du

PDG. En effet, elle est aussi abordée par son angle opposé (l’oisiveté); ensuite,

l’oisivetéestrapportéeauxaxesstratégiquesdel’entreprise,afindecomprendrequels

en sont les effets bénéfiques. A notre connaissance, il est assez exceptionnel de

rencontrerundiscoursmanagérialdansuncontexteindustrieldecrisequiremetteun

indicateursurletravaildansunetelleperspective.

Après avoirprésentéet analysé lesexplications auxécartsdeproductivité,nousen

proposonsci-dessousunesynthèse.

3.1.3� Synthèsesurlesécartsdeproductivité

Enpremierlieu,lamiseenœuvreducadreanalytiquenousapermisdefaireémerger

desreprésentationsdelaperformancedutravailàpartirdesdiscourssurlesécartsde

productivité.Surlabasedesdiscoursrestitués,laperformancedutravailoscilleentre

laproductionselonuntaux (pré)défini (3.1.2.1), l’accomplissementde latâchequels

quesoientles écarts(3.1.2.2)etunerelativeoisivetéafindeproposerdesdélaiscourts

(3.1.2.4).Cesquelquesélémentsmontrentdéjà toute ladiversitéquepeutrevêtir la

performance du travail dans une organisation –même petite. Le constat que nous

dressonsiciconforteenquelquesortelecaractèreprotéiformedelaperformancedu

travail que nous avions décelé dans le cas Boutiques Aéroports (cf. chapitre

précédent).

En retour, le caractère protéiforme de la performance du travail dénote l’extrême

difficulté avec laquelle une synthèse pourrait être effectuée, y compris dans une

entreprisedepetitetaille.Anotresens,certainsdiscoursduPDGentémoignent.Nous

avons remarqué à plusieurs reprises comment lesmesures pouvaient structurer les

discoursduPDG.Danscescas-là,ilnoussemblequelePDGselivreàunetentativede

Page 285: Le travail dans la performance organisationnelle

284

modélisation de la performance du travail à travers des données chiffrées. La

justification des écarts en référence au phénomène concret que le PDG cherche à

modéliser (le travail et sa performance) souligne les limites de cette approche

modélisatrice. Enun sens,nousmettons icienévidence àquelpoint l’activitépeut

déborderlesmesuresquicherchentàl’appréhender,etcemêmelorsqu’ils’agitd’une

mesuredetemps–nousreviendronssurcetaspectau5.1duprésentchapitre.

La fréquente référence à l’activité des opérateurs dans les discours se traduit par

l’explicitationdecausesd’écartsquinesepolarisentpassurdescaractèresindividuels

(vitesse,habiletédanslecasquinousoccupe).Lesexplicationsd’écartsouvrentàdes

dimensions plus générales, qu’elles soient notamment organisationnelles

(l’aménagementdespostes–cf.3.1.2.2)ouinhérentesauxproduits(lavariabilité–cf.

3.1.2.3).Leconstatquenousdressonscontrasteaveccequenousavionspupercevoir

d’unesituationprofessionnelleantérieure.

A travers son entreprisemodélisatrice, le PDG d’Industrie Roue nousmontre aussi

toute sa capacité àmettre lesmesures en perspective. L’arbitrage entre délais et

productivité(cf.3.1.2.4)enconstituecertainement l’exemple leplusmarquant.Cette

prisedereculd’avecunemesuredeproductivitédutravailtrancheavec lecaractère

automatisantquecet indicateurpouvaitavoirdansd’autrescontextes relevéspar la

littérature(cf.chapitre2).

L’arbitrage entre délais et productivité nous a également permis de mettre en

évidence certaines tensions dans le modèle de performance d’Industrie Roue.

L’analyse des discours autour de ces tensions a montré également comment ces

dernières pouvaient se résoudre. A l’aune des écarts de productivité, la stratégie

semble,demanièresurprenante,prendre le l’ascendantsur l’enjeudesurvieàcourt

terme(cf.1.2).

Enfin, lesdiscourssur lesécartsdeproductivitéquenousavonsrestituéstouchentà

des problématiques stratégiques (délais) et économiques (marges, fluctuation des

commandes) plus générales à l’entreprise. Il nous semble que ceci montre

Page 286: Le travail dans la performance organisationnelle

285

l’imbrication du travail des opérateurs dans l’atteinte de la performance

organisationnelled’IndustrieRoue,aucôtéd’autrestypesdetravailquenousn’avons

passpécifiquementétudiésdanscetteentreprise:celuidudirigeant,ducommercial,

du responsable technique, du responsable qualité, et plus généralement du travail

administratif.Cette combinaisondedifférents typesde travaildénote selonnous la

centralitédutravailausenslargedansl’atteintedelaperformanceorganisationnelle.

Aprèslarestitutionetl’analysedesdiscourssurlesécartsdeproductivité,laprochaine

sectionestdédiéeauxdiscourssurlaqualitéchezIndustrieRoue.

3.2� Discourssurlaqualité

Nous abordons désormais les discours sur la qualité. Ces discours ont été collectés

auprèsduPDG,alorsquenous l’interrogionssur les indicateursdesuivide laqualité

(cf.2.1).Larestitutiondecesdiscourss’accompagned’unearticulationaveclesautres

catégoriesdenotrecadreanalytique.

Lescausesdenon-qualités’articulentautourdes«erreurshumaines»:

StéphaneDESCHAINTREEt, et sur des aspects techniques, ou plutôt de postes, les, les …comment dire, les retours qualité que vous avez donc de la part desclients, ilssont, ilssont,…est-cequ’ilssont…plutôtsurunsecteurouest-cequ’ilssontdisséminés?PDGIndustrieRoueComment on va dire ça? pfouu. J’dirai qu’ils sont toujours un peudisséminés. Mais … moi je regarde pas trop par secteur deresponsabilitéparce que…çasertàrienune foisque leproblèmeestfait, il faut comprendre pourquoi il s’est produit et puis agir sur lapersonneà lasource.Maisheu…cequ’onvoitc’estquequandmêmedanslaplupartdescasc’estuneerreurhumaine.1

1EntretienPDG,18/07/2012,p.16.

Page 287: Le travail dans la performance organisationnelle

286

Acestade,l’objetn’estpaspournousdediscuterdelapertinencedescausesoudes

conclusions qui en sont tirées. Cependant, la présence d’erreurs humaines chez

Industrie Roue semble éclairer en creux l’importance du travail opérateur dans

l’atteintede la (non)qualité.Ainsi,même si IndustrieRoue constatedesproblèmes

qualité,touteslesfabricationsquiensontdépourvuessignalentaucontraireleparfait

accomplissement du travail – et en particulier du travail opérateur. Ici, la

représentationdelaperformancedutravaild’opérateurs’articuleplutôtautourdela

réalisationdeproduitsconformesauxdéfinitionstechniquesattendues.

D’ailleurs, lorsque lesdéfautsqualitéconstatéstouchent letravail liéà lafabrication,

lesactionscorrectivess’oriententprincipalementautourd’unrappeldesprincipesdu

métier,afind’orienterl’activitédesopérateursencesens:

StéphaneDESCHAINTREEt, dans le cas où ce sont des erreurs humaines, est-ce que vousréintroduisez dans la gamme ou le cycle opérateur des éléments decontrôle,deschoses?PDGIndustrieRoueÇaarrive,maispastoujours.Parcequesouventc’estsurdesprincipesdebasequ’ontpasétérespectés.Doncc’estplutôtderappelerauxgenscommentilsdoiventfaireleurtravail.StéphaneDESCHAINTRED’accord.Vousappelezprincipesdebase,c’est…?PDGIndustrieRoueBenparexemple,c’est…quandonpointeledisqueaveclajante,ilestarrivé…unefoisparcequequelqu’unquiavaitbeaucoup l’habitudeetquin’enavaitplusfaitdepuisunmoment,ben,aétéremis surleposteetpuis il adécalé certains… certainsdisquespar rapport au troudevalve,bononvapasmettresurchaqueOFvérifierqueletroudevalveestbienenfacedutrou,quoi.StéphaneDESCHAINTREHm,hm.D’accord.Çaveutdireque… lesopérateurs ilsont,commentonvadire,… ilssaventcequ’ilsontà faireavec lesélémentsquisontdansl’OF.

Page 288: Le travail dans la performance organisationnelle

287

PDGIndustrieRoueNormalementoui.C’est-à-direqu’avecle,l’OFçadéfinitles…onvadirelespointsparticuliers,puisaprès,benlemétier…c’estdeconnaîtrelesgénéralités. Comme le trou de valve il doit être en face du trou dudisque.Comme… il fautpasqu’ilyaitplusde tantde jeu,et cetera.Parcequeçac’estlemétierdusoudeur.1

Aveclediscourssurlaqualité,nousterminonslarestitutiondesdiscoursmanagériaux

relatifs à la qualité. La section qui suit s’intéresse aux pratiquesmanagériales chez

IndustrieRoue.

4� DESPRATIQUESMANAGERIALESCHEZINDUSTRIEROUE

Nous restituons et analysons dans cette section des pratiques managériales chez

Industrie Roue. Pour mémoire, nous définissons «pratique managériale» de la

manière suivante: action ou ensemble d’actions entreprises ou envisagées sur un

périmètredonné(équipe,service,catégoriedepersonnel,entreprise,etc.),parunou

plusieurs membres de la hiérarchie; ces actions ne sont pas nécessairement

ponctuelles,etpeuvents’inscriredansladurée.

A l’instar des discours que nous venons d’analyser, les pratiquesmanagériales que

nousétudionsseconcentrentsurlePDGd’IndustrieRoue.

La restitution des pratiquesmanagériales chez Industrie Roue s’effectuera en trois

temps:l’embauched’unresponsablequalité(4.1),lesureffectifdansl’atelier(4.2),et

lesouhaitd’observer (4.3).Chacunedesessous-sectionsprésenteraetanalysera les

pratiques dont il est question.Nous élaborons ensuite une synthèse des pratiques

managérialeschezIndustrieRoue(4.4).

1EntretienPDG,18/07/2012,p.17.

Page 289: Le travail dans la performance organisationnelle

288

4.1� Embauched’unresponsablequalité

L’embauche d’un responsable qualité n’est pas à proprement parler une pratique

managériale qui concerne directement le travail des opérateurs. Elle nous semble

néanmoinspertinenteauregarddenotrerecherche,carcommenous lemontrerons

ici, elle révèle des représentations sur la performance du travail – même s’il est

administratif.

Début2012,peudetempsavantnotrearrivéechezIndustrieRoue,lePDGprocèdeau

recrutement d’un responsable qualité. Le PDG reconnaît que cela va «alourdir la

structure» 1 mais également que: «L’embauche du responsable qualité était

nécessairepourattaquerdenouveauxmarchésdontlesniveauxd’exigenceentermes

de longévité, précision sont plus élevés.» 2 . Etant donné le contexte financier

d’IndustrieRoue, lePDGprécise:«L’embaucheétait logiquement financéeparune

commande client; mais ce sera un peu moins car le cahier des charges est plus

contraignant, et on seramoins productifs.»3. Toutefois, le PDG ne limite pas son

raisonnementàdesaspects financiers:«C’estuncoûtsupportépar tous lesclients,

maisquin’estquepourcertains.Etpuisçarenforce lescompétencesde l’équipe,et

permetd’envisagerdesopportunitésderemplacementeninterne.»4.

L’embaucheestunactemanagérialquines’appliquepasàproprementparleràune

activitéactuellemaisàuneactivitéfuture.Encesens,cettepratiques’appuiesurune

conception de l’activité qui se site auxmarges de notre définition du concept (cf.

chapitre4).Ellecontienttoutefoisdesélémentsintéressantspournotrerecherche.

L’intérêtformeldecetteactivitéfuture(l’embauche)semanifesteparlesexigencesde

nouveaux clients. L’embauche est instruite par des calculs («financée par une

commandeclient»)quisontpourtantdéfavorablesetpourraientconduireàl’abandon

de l’embauche: «mais ce sera un peu moins car le cahier des charges est plus

contraignant, et on sera moins productifs.». Ce déséquilibre n’entraîne pas,

1EntretienPDG6février2012,p.1.2EntretienPDG26-27mars2012,p.2.3EntretienPDG26-27mars2012,p.7.4EntretienPDG26-27mars2012,p.6.

Page 290: Le travail dans la performance organisationnelle

289

cependant, l’annulation de l’embauche. Au contraire, l’embauche est maintenue,

confirmée1etmême justifiée par d’autres arguments qui dans le discours du PDG,

contrebalancent le déséquilibre mesuré: le renforcement des compétences et la

possibilitéd’effectuerdesremplacements.

Selon les catégories de notre cadre analytique, nous sommes en présence d’une

pratiquequis’affranchitdesmesures.Eneffet,l’embaucheestmaintenueetpérenne

malgrédescalculsdéfavorables.L’embauchesouligneenfait iciqueceque letravail

du responsable qualité pourra apporter à l’organisation n’est pas nécessairement

chiffrable, tout en étant identifiable. La pratique managériale que nous venons

d’exposermetainsienévidenceque laperformancedu travailpeutêtre identifiable

sansêtrechiffrable,etquelapratiques’alignesurlenonchiffrable.

Ce constat appelle plusieurs conséquences. Premièrement, il montre que pour

appréhender la performance du travail, il est bien nécessaire d’articuler plusieurs

modesd’expressiondecetteperformance. Ici, se focaliser sur lesmesuresn’estpas

suffisantpourexpliquer l’embauche,etainsiappréhender laperformancedu travail.

Enarticulantlesmesuresaveclespratiquesetlesdiscourslesjustifiant,nousobtenons

une compréhension plus riche de la performance du travail. Le constat que nous

établissonsvalidedonclapertinencedenotrecadreanalytique.

Deuxièmement, ilmetenévidence toute ladifficultéqu’ilestpossiblederencontrer

en cherchantàappréhender laperformancedu travail. Identifier laperformancedu

travailsansêtreenmesuredelachiffrersouligne,danslapratiquequenousétudions,

que lePDGarticuledesnotionsqu’ilestdifficileensoidemettreen relation,parce

qu’ellesnesontpastoutesexprimablessousmêmeforme:certainessontchiffrables,

etd’autresnon.LePDGmeticienbalance,faceàunsurcoût,descompétencesetune

hypothétiquemobilitéinterne.Puis,selonunraisonnementquiluiestpropre,ildécide

finalementdeconfirmeretmaintenirl’embauche.

Troisièmement, notre constat montre que malgré les difficultés, il est possible

d’accéder,auprèsdedirigeants,àdesreprésentationsdelaperformancedutravailqui1En novembre 2013, lors de notre dernière visite, le responsable qualité est toujours présent. C’estencorelecasselonlesitewebd’IndustrieRoueconsultéle12/07/2017.

Page 291: Le travail dans la performance organisationnelle

290

dépassentdesmesurestraditionnellesrelativesautravail(lecoût,dansnotrecas).Au

regarddenotreexpérience, cedernierpoint souligne l’exemplaritédu cas Industrie

Roue,etsurtout,desondirigeant.

Maintenantquenousavonsprésentéetanalysé l’embauchedu responsablequalité,

nousnous intéressonsdans lasectionquisuità lapratiqueconcernant lesureffectif

dansl’atelier.

4.2� Dusureffectifdansl’atelier

Cette sous-section est organisée de la sorte. Nous quantifions tout d’abord le

sureffectif(4.2.1).Puisnousdressonslepanoramadusureffectifenquatrepoints:les

raisons techniques (4.2.2), l’utilitédu sureffectif (4.2.3),attendreavantd’ajuster les

effectifs(4.2.4),etdesressourcestropajustées(4.2.5).Pourterminer,nousproposons

nosanalysesetinterprétationssurlesureffectif(4.2.6).

4.2.1� Chiffragedusureffectif

Commenous l’avonsévoquédans lasectionconsacréeauxécartsdeproductivité(cf.

3.1), IndustrieRouesetrouveparfoisensituationdesureffectif.Alorsqu’ildétailleà

notredemande l’évolutiondeseffectifsdanssonentreprise, lePDGs’arrêtesur2011

et 2012: «sur ces 2 années, on a 2 personnes non absolument nécessaires.» 1.

Rappelons qu’à la même période, l’effectif de l’entreprise se compose de 20

personnes2(incluantlePDG).Lesureffectifs’élèvedoncà10%,chiffrequinoussemble

suffisammentsignificatifpourquel’ons’intéresseauxréactionsduPDGàsonégard.

Lechiffragedusureffectifétantterminé,nousendressonsdésormaisunpanoramaen

4 points, avant d’en proposer une analyse au travers de notre cadre analytique au

4.2.6.

1EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.7.2EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.2.

Page 292: Le travail dans la performance organisationnelle

291

4.2.2� Desraisonstechniquesausureffectif

En première approche, le PDG mentionne des raisons que nous qualifions de

«techniques»,ausureffectifquiaétéchiffré.

En effet, dans une petite structure, en raison d’une faible assiette, les variations

d’effectifsdeviennentaisémentsignificatives:«Simplementàunmomentdonné,être

trèsréactifsurcertaineschoses,çapeutêtretrèscoûteux.Etçavousnelefaitespas

payer,doncquelquepart…c’estparcequeonadeseffectifsquisont incrémentaux.

On…quandonaugmentede1,onaugmentede5%,mêmeplus,de7%… lecoût…

salarial. Donc on peut pas faire tout en même temps. On n’est pas dans une

organisation!Sionétait150personnes,toutça,jediraisça…onleverraitmêmepas!

Onn’enparleraitpas.»1.

Dans cetextrait,deux raisons techniques se combinent selonnous. Lapremièreest

relativeà la taillede l’entreprisepourexpliquer lapartsignificativedusureffectif:2

personnesensureffectifsur150représententenviron1,33%desureffectif,alorsque

lesureffectifchezIndustrieRoueestde2sur20–soit10%.

Deuxièmement, le PDG parle d’ «effectifs �…� incrémentaux» en évoquant le

recrutement d’une personne, alors que son besoin en terme d’activité pourrait

s’éleverà0,72.Iln’ajamaisétéévoquélapossibilitéderecruterentempspartiel.

Par ailleurs, le sureffectif chez Industrie Roue n’est pas ciblé sur un poste en

particulier,maissurplusieurs:«leproblèmec’estquec’estdesboutsdepersonnes,

doncc’est,c’estunpeudifficile.Et…pour lemoment,c’estun investissementquia

été fait,quiétaitdans la lignéede2011oùonavaitplutôt tendanceàprendredes

parts demarché, enfin du volume �…�.»2.On comprend bien que, concrètement –

techniquement,laparcellisationdusureffectifrendesaréduction(sielleestenvisagée

…)difficile,voireimpossible.

Toutefois, l’extrait ci-dessus introduit une nouvelle réflexion dans le point de vue

managérialexpriméparlePDG:l’utilitédusureffectif.

1EntretienPDG,18/07/2012,p.25.2EntretienPDG,18/07/2012,p.30.

Page 293: Le travail dans la performance organisationnelle

292

4.2.3� Lesureffectifestutile

Cette utilité se manifeste d’abord (dans l’extrait ci-dessus) par la présence d’une

capacitéquipermetd’absorberuneaugmentationduvolumedecommandes.Mais,

dans une perspective d’offrir des délais courts aux clients, le sureffectif permet

également de la réactivité (qui parfois «coûte cher», comme mentionné

précédemment). Cette réactivité s’entend notamment par le service que le PDG

entendproposerauxclients:«surces2années,ona2personnesnonabsolument

nécessaires.Maissiçarepart…Onestunesociétédeservices,onsedoitd’assurerle

mêmeservicetout letemps.»1.Enoutre, l’utilitécomprend laqualitédespersonnes

concernées.Danslasuite,lePDGmentionnelescompétences2des«2personnesnon

absolumentnécessaires».

Enfin, l’utilité semanifeste non plus exclusivement au travers de ce qu’elle permet

directementpour l’entreprise,maisaussipour ses salariés:«Onpourraitenmettre

un, un, un demoins… si tout lemonde avait la bonne efficacité.Mais… ça serait

tendu!On tirerait trop sur les gens. C’est pas sain sur le long terme.»3.Dans cet

extrait, le PDG se soucie de la santé (physique et psychique) des opérateurs. Il

reconnaît que même avec «la bonne efficacité»4 , l’activité qui résulterait d’une

diminutiond’unopérateurseraittropduresurlelongterme(«Ontireraittropsurles

gens.»).

4.2.4� Attendrepourajusterleseffectifs

Cesmultiples caractèresd’utilitéau sureffectifpermettentde comprendrepourquoi

l’ajustementdeseffectifsnesefaitpasdemanière«automatique».Plusexactement,

lePDGnousaexpriméàmaintes reprises savolontéd’attendreavantd’ajusterà la

baisseleseffectifsselonleniveaudecommandes:«�…�làonrentredansunepériode

devachesmaigresparcequec’est lacrise, j’aipasenviedechangerçatoutdesuite,

1EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.7,noussoulignons.2EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.7.3EntretienPDG,19/11/2012,p.11.4Entendre«efficience»ou«productivité».

Page 294: Le travail dans la performance organisationnelle

293

maissiçadure3-4mois,onprendradesdécisionsderéduire…l’intérim,quoi.�…�On

adumal,enfin,entoutcasmoij’aidumalàprendredesdécisionsinstantanéesparce

quej’aivuunindicateurquiacommencéàchangerdansunsens.Fautqu’ilyenaitun

certainnombrequiaillenttousdans lemêmesensendisantbonbahmaintenant,ça

suffit.»1.

Ce n’est pas par pure philanthropie: la préoccupation d’ajuster les effectifs reste

présente,caràlafind’année,lePDGenvisagesérieusementdediminuerl’intérimde

un2.

4.2.5� Desressourcesparfoistropajustées

Le dernier aspect que nous abordons dans ce panorama du sureffectif est,

paradoxalement,l’insuffisancedesressources.Celaestdû,parfois,aufaitd’avoirtrop

ajustéleseffectifs:

PDGIndustrieRoueEtsinononafaitunbudgetentermesdeproductionà10%en-dessousdel’annéedernière.Sionraisonneenvolumed’activité.StéphaneDESCHAINTREEnvolumed’activité?Ahouid’accord.Doncvousenvisagezpeut-êtreunajustementdes,desressources?PDGIndustrieRoueBahonlesa,onlesaréd’,onlesaajustéesetlàonestplutôtentraindereprendreunpeud’intérimparcequ’onestjusteàlalimite.3

Demême, lorsque l’on évoque les servicesproposés aux clients, lePDG exprime le

souhaitdedisposerdedeuxressourcessupplémentaires:

PDGIndustrieRoueAhnon,yatouslesservices!yalaréparation,lapeinture,lemontagede … de pneumatiques … tout, tout ce qui est en dehors de lafabricationproprementditedes roues.C’estdes chosesqui y avaient

1EntretienPDG,18/07/2012,p.30.2EntretienPDG,19/11/2012,p.12.3EntretienPDG,05/03/2012,p.16.

Page 295: Le travail dans la performance organisationnelle

294

pas, bonbahmaintenant ça y est, peut-être que ça… ça apporte unplus.StéphaneDESCHAINTREEtparrapportauxressourcesquevousavez,est-ceque…vouspensezquevousêtesbiendimensionnés…pourcesservices-là?PDGIndustrieRoueOnn’estjamaisbien…Enfin,oui,oui…onestassezbiendimensionnés.On estdimensionnés en fonctiondes compétencesqui existent et enfonction de ce qu’on peut faire, mais … c’est vrai qu’on aurait 2personnesdeplus, ça seraitmieux.Maisonpeutpas lespayer.Doncfautfaireavec.1

4.2.6� Analyseetinterprétationsdusureffectif

Laprésencede sureffectifau seind’unepetiteentreprisedansuncontextedecrise

économiquen’ariend’anodin.Cequi l’estencoremoins,c’estquecesureffectifsoit

connu,assuméetengrandepartiemaintenupar lePDG.Ilestexpliquéparcertaines

raisonstechniques(«boutsdepersonnes»,«effectifsincrémentaux»),maisilnefait

pas l’objet d’une réduction prioritaire.Au contraire,même, puisque lemaintien du

sureffectif (l’attente avant d’ajuster à la baisse) caractérise plutôt la pratique de

l’entreprise en lamatière. Le PDG reconnaît que ce surcoût peut potentiellement

devenir un avantage commercial (réduction des délais, services proposés,

compétences),voiresocial(préservationdelasanté).

Lapratiquedusureffectifnoussembleintéressanteàplusieurstitres.Ellenouspermet

toutd’aborddemobilisertouteslescatégoriesdenotrecadreanalytiqueautourd’une

performance du travail sur deux horizons, et ceci afin d’accéder à une meilleure

compréhensionde laperformancedu travailpour lePDG.Nousmontronsalorsune

nouvellefoislaportéeinterprétativedenotrecadreanalytique.

Premièrement, avec le sureffectif, discours, mesures, pratique et activité sont

mobilisésen regarddesapportsdu travail.Lesureffectifestdéjàaffairedemesures

(nombredepersonnes)etdepratiquesmanagériales(augmentationouréductiondes1EntretienPDG,18/07/2012,p.27.

Page 296: Le travail dans la performance organisationnelle

295

effectifs).Enoutre, lediscours justifiant le sureffectif renvoieà l’activité selondeux

aspects:lapréservationdelasantédesopérateurs(«Ontireraittropsurlesgens.»1),

etl’intérêtstratégique(fabriquerdanslesdélais,effectuerlesprestationsdeservice).

Deuxièmement,avecleservice,lePDGintroduitunhorizondecontributiondutravail

pluslointain:«Maissiçarepart…Onestunesociétédeservices,onsedoitd’assurer

lemême service tout le temps.»2. Cet horizon plus lointain représente en fait un

niveaudécalédeperformancedutravail:ils’agitd’unapportfutur(oupotentiel).En

cela, lapratiquemanagérialedusureffectifestsimilaireà l’embauche,etconforte le

faitquelaperformancedutravailpeuts’exprimerpardesapportsfutursoupotentiels

(cf.4.1).Toutefois, lapratiquedusureffectifmetégalementenévidence lesapports

immédiats du travail (la réduction des délais, notamment). Nous sommes alors en

présenced’unepratiquemanagérialequiengage laperformancedu travail surdeux

horizons. Ici, laperformancedutravails’exprimeautraversd’unapport immédiatet

futurpourl’entreprise3.

Le sureffectif n’est pas qu’une affaire d’apport potentiel ou futur. Son surcoût est

mesuré(cf.4.2.1).Pourtant,alorsquelescoûtsassociésausureffectifsontactuels,la

perspective d’un apport bénéfique du travail (lié aux clients) joue en faveur du

maintien d’un relatif sureffectif chez Industrie Roue. Ce constat semble mettre en

évidence un certain antagonisme entre les discours et pratiques d’un côté, et les

mesuresde l’autre. Lapratiquedu sureffectifet lediscours la justifiantne sontpas

orientés vers une diminution4du sureffectif. Nous pouvons dire en un sens qu’ils

s’opposentàunemesurequiinformed’unécart(lesureffectif),dontlatentationserait

de le réduire. Par ailleurs, cette relative opposition est étayée par une mise en

perspectivedesmesures:lePDGattendquetouslesindicateursdontildisposeaillent

dans lemêmesensavantdechoisir(cf.4.2.4).Encela, lePDGnous indiquequ’ilsait

pondérer les indicateurs à sa disposition, selon notamment la divergence (ou la

1Etaussi,certainement,quoiquecenefûtpasévoqué,danslebutd’éviterdesabsencesinopinéespourcausedemaladieouaccidentdutravail–causesdedésorganisationinterne.2EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.7.3Sansnierladimension«productivité»(cf.supra2.2et3.1duprésentchapitre).4Toutdumoins,immédiate.

Page 297: Le travail dans la performance organisationnelle

296

convergence) de leur variation 1 . Nous sommes ici en présence d’une pratique

managérialequiagitdemanièreassezindépendantevis-à-visdesmesures.

Ce point souligne une nouvelle fois la complexité qui peut accompagner la

compréhensionde laperformancedu travail. Le PDGmeten relationdes éléments

chiffrables (très souvent, chiffrés) et non chiffrables, alors qu’ils ne se situent pas

nécessairement sur lemême plan (surcoût et réduction des délais, par exemple).

Comme nous l’avions déjà dit à propos de l’embauche, ces éléments sont par

définition,incommensurables:ilsnepeuventêtrerapportésàunecommunemesure.

Selonnous,cettecomplexitérendlesarbitragesetcompromisfragiles,danslamesure

oùlacompréhensiondelaperformancedutravailnerelèvepasd’unelogiqueformelle

quis’imposeraitspontanémentounaturellementàtouslesmanagers.Parexemple,un

autrePDG,dans lemêmecontexteetavec lesmêmesarguments,pourraitconclure

différemmentet,entreautres,choisirde réduire lesureffectifdemanièrebeaucoup

plusdirecte.

CettefragilitémetégalementenévidencelasingularitédelafigureduPDGd’Industrie

Roue.En retour,cettesingularitésouligne l’exemplaritéducasquenous restituons:

noussommesicienprésenced’unepratiquemanagérialedanslaquelleletravailn’est

pasréduitauxmesuresquil’appréhendent,etquimaintientunsurcoût.

Laprochainesectionrestitueladernièrepratiquemanagérialequenousétudionschez

IndustrieRoue:lesouhaitdepouvoirobserver.

1D’unecertainemanière,lePDGs’écarted’unetentationassezpriséedanslemanagement,semble-t-il,deréagiraux«signauxfaibles».

Page 298: Le travail dans la performance organisationnelle

297

4.3� Ilfaudraitpouvoirobserver

Le PDG a plusieurs fois affirmé la nécessité et son intention d’observer ce qui se

dérouledansl’atelier.Ainsi,dèsnotrepremièrerencontre:

StéphaneDESCHAINTREQuelsindicateursmesurentletravail?PDGINDUSTRIEROUE«Il y a déjà ceux présentés. Et puis j’en ai un plus opérationnel:l’observationaufuretàmesurede la journéedetravail.Afinde:faireplusoumoinspartagerlerythme,savoircequisepasse…1

Demême,lorsd’unentretienultérieur:

PDGIndustrieRoueHm, hm. Ce qui faudrait c’est que j’arrive à trouver,mais j’ai jamaisréussiàtrouverdepuislà,doncjepensequej’yarriveraipas…passer…2ou3semainesuniquementdans l’atelier…pourvoircommentçasepasse…dansledétail.StéphaneDESCHAINTRED’accord.PDGIndustrieRoueParcequelàpourlemoment,c’est,moij’aiquedesvuesdesondage…surlespertesdeproductivitéyaleprincipe…de…de,decomptagedesgensquisontauposteetceuxquiysontpas,etpuis…quandvousavezfaitsuffisammentd’observations,z’avez l’pourcentage �bâille�.Etdoncvousavez4soudeursetquevousenvoyez…toujoursàchaquefoisque3…çaveutdire,quiyenaun, ilspassent25%de leur tempsàautrechose!2

Danscesdeuxextraits, lePDGmetenavant sapratiqued’observation«au furetà

mesure de la journée de travail» qui est parcellaire («vues de sondage») et qu’il

souhaiterait compléter par «2 ou 3 semaines uniquement dans l’atelier». Comme

exposé dans le second extrait, les observations ponctuelles visent à estimer un

manque de productivité. En l’occurrence, les «25% de leur temps �passés� à autre1EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.5.2EntretienPDG,19/11/2012,p.8.Lesoulignementcorrespondàl’insistancedel’interlocuteur.

Page 299: Le travail dans la performance organisationnelle

298

chose!»sontattribuésàdesdéplacementsetmauvaisaménagementsdepostes(cf.

supra3.1.2.2). Ilnous fautégalementpréciserquece tauxde25%aprincipalement

vocationàillustrersonpropos:danslecontexte,lePDGn’évoquepasspécifiquement

etprécisémentlasituationréelledansl’atelier.

L’intention d’observer sur plusieurs semaines ce qui se passe dans l’atelier nous

semble intéressante à plusieurs titres. Premièrement, le PDG amontré en d’autres

occasions qu’il pouvait avoir une connaissance assez fine de ce qui se passe dans

l’atelier. Ainsi nous a-t-il indiqué des déplacements aux postes de travail parmi les

causesd’écartsdeproductivité.

Deuxièmement, l’intentionduPDGparaîtparadoxale.Eneffet, lePDG sembleassez

outillépoursavoircequisepassedans l’atelier: ildisposedenombreux indicateurs

sur les délais, la productivité, la qualité, le niveau de production (cf. section 2); il

dispose également d’informations complémentaires lui permettant d’analyser et de

comprendreleséventuelsécarts(cf.section3,pourcequiconcernelaproductivitéet

laqualité);enfin, lataillede l’entreprise luipermetdeserendrefréquemmentdans

l’atelier,mêmes’iljugeiciquec’estinsuffisant.

Troisièmement, l’intentionduPDG cherche à comblerunmanquequ’ilexprime lui-

même:«Cequifaudraitc’estque j’arriveàtrouver,mais j’ai jamaisréussiàtrouver

depuis�…�.»1.Cemanquetraduitànotresens laperceptionquesaconnaissancedu

‘fonctionnement’ de l’atelier est lacunaire et/ou superficielle, et l’intuition qu’une

connaissance plus approfondie à travers l’observation pourrait lui apporter des

éléments importants.Autrementdit, surcedernierpoint,nouspensonsque lePDG

manifestel’impressionquequelquechoseluiéchappeencore–etcemalgrélesoutils

dontildispose.

Atraversnotrecadreanalytique,noussommesicienprésenced’unepratiquetournée

vers l’activité, puisque le PDG cherche à «savoir ce qui se passe»2- c’est-à-dire,

notamment, ce que font les opérateurs. Cette pratique semble en outre émerger1EntretienPDG,19/11/2012,p.8.2EntretiensPDG,26-27/03/2012,p.5.

Page 300: Le travail dans la performance organisationnelle

299

d’une certaine mise à l’écart des mesures existantes, puisque l’ensemble des

indicateursdisponiblesneparaîtpassuffisantpourcomblerlemanqueexpriméparle

PDG1. Enfin, cemanque semble souligner une intuition que des observations dans

l’atelier apporteraient des informations importantes. A notre sens, la pratique que

nousdécrivonsetsa justificationpourraientsignifierquedesenjeuxdeperformance

(enparticulier,puisqu’ilestaussiquestionde«comptage»),encore inconnusoumal

appréhendés par le PDG, se jouent dans l’atelier.Comme le fonctionnement plutôt

artisanaldel’atelierreposeprincipalementsurletravaildesopérateurs,nouspouvons

inférerque lapratiqued’observation de l’atelierdénoteuneétroiterelationentre le

travail et laperformance,quinepeut s’appréhenderuniquementpardesmesures.

Ainsi,lapratiqueduPDGsoulignequelaperformancedutravailpeutsedécouvrirau

travers d’observations. En un sens, elle conforte le fait d’intégrer une catégorie

centréesurl’observation,l’activité,ànotrecadreanalytique.

Laprochaine sectionproposeune synthèse sur lespratiquesmanagérialesquenous

avons précédemment présentées et analysées: l’embauche du responsable qualité

(4.1),lesureffectifdansl’atelier(4.2),etlesouhaitd’observer(4.3).

4.4� SynthèsesurlespratiquesmanagérialeschezIndustrieRoue

Nous venons de présenter et analyser trois pratiquesmanagériales chez Industrie

Roue:l’embauched’unresponsablequalité,laprésenceetlemaintiendesureffectif,

etlesouhaitdepouvoirobservercequisepassedansl’atelier.

Les deux premières pratiques sont assez semblables sur plusieurs points.

Premièrement,ellesmontrentque laperformancedutravailpeutêtreenvisagéesur

un horizon futur. Tant dans l’embauche que dans le sureffectif, il est question de

l’apport futurde l’activité considérée.Deuxièmement, lediscoursde justificationde

cespratiquesmetenrelationdesélémentsquisontàlafoismesurésetnonmesurés.

1LePDGmentionnecertesuncomptage,maisquirésulteraitdel’observation.

Page 301: Le travail dans la performance organisationnelle

300

Danslesdeuxcas,mêmesidesmesuresrelativesaucoûtetàlaproductivitédutravail

opérateur sont mentionnées, les pratiques, appuyées par des arguments non

chiffrables, lesdépassent.Autrementdit, lesargumentsnonchiffrablesen faveurde

l’embaucheetdumaintiendu sureffectifont,dans lediscoursmanagérial,unpoids

plusimportantquelesmesures.Lespratiquesmanagérialesrelativesàl’embauchedu

responsable qualité et au sureffectif nous mettent ainsi en présence d’une

performancedutravailquineseréduitpasauxmesuresdisponibles.Troisièmement,

et en corollaire du point précédent, le discours de justification des pratiques

d’embaucheetdesureffectifmeten lumièretoute lacomplexité inhérenteà lamise

enrapportdedonnéesmesuréesetnonmesuréesàdesfinsdejustificationet/oude

décision.Parnature, cesdeux typesdedonnées sont incommensurables,maisnous

avonspuvoircomment lePDG lesarticuledansune logiquequi luiestpropre.Cette

logique éclaire d’ailleurs certaines contradictions entre la stratégie et l’enjeu de

survie: les surcoûts liés à l’embauche et au sureffectif impactent directement les

coûts,auprofitauprofitd’uneréductionparfoishypothétiquedesdélais(«siçarepart

…»).Enfin,lacomplexitéàlaquellenousavonseuaccèssoulignel’exemplaritéducas

IndustrieRoueàtraverssafigureprincipale:lePDG.

Lapratiqued’observationdansl’atelier,quantàelle,éclaireunaspectparticulierdela

performancedutravail:soncaractèrerelativementimpalpableautrement.Rappelons-

le,malgrél’outillageetlaconnaissancedontildisposesurletravaildesopérateursde

l’atelier,lePDGexprimesonsouhaitd’allerobserverdansl’atelierpoursavoircequ’il

s’ypasse.CelasignifieraitdoncquelePDGpressentquequelquechoseluiéchappe,et

qu’il pourrait le découvrir par des observations. Il nous semble que cette pratique

d’observationchez IndustrieRouerenforce lapertinencedenotrecadreanalytiqueà

articuler l’activitéaucôtédesmesures,discoursetpratiques,afinderendrecompte

delaperformancedutravail.

Cettesectionsur lespratiquesmanagérialesaterminé larestitutiondupointdevue

managérialconstituéautourdesmesures(section2),discours(section3)etpratiques

Page 302: Le travail dans la performance organisationnelle

301

denotrecadreanalytique.Lasectionsuivanteestconsacréeàl’activitéchezIndustrie

Roue.

5� L’ACTIVITECHEZINDUSTRIEROUE

Nous restituons et analysons dans cette section les éléments relatifs issus de nos

observations dans l’atelier. Nous nous concentrons en fait sur deux situations qui

permettent d’interroger en retour d’autres catégories du cadre analytique et la

stratégie d’Industrie Roue. Nous restituons chaque situation dans une section

distincte, en deux étapes: la présentation de la situation, puis les analyse et

interprétation qui en découlent. Comme précédemment pour le cas Boutiques

Aéroports,nousrecourronsàdesprénomsfictifs.

5.1� Situationn°1:commentcompterl’activité?

5.1.1� Situationobservéele4mars2013àl’usinage

13h15:Serge1estàl’usinageettravaillesurlesdeuxtoursàcommandesnumériques.

Il évacue la jante de contrôle pour la fabrication Lohr, et va chercher celle pour la

fabricationBobard.

13h16: Serge démarre le 2ème disque de Bobard dans le tour usinant la partie

intérieure du disque. Puis il évacue le 2ème disque Lohr du tour usinant la partie

extérieurepourleposersurunepalette.Ilévacuelescopeauxdutourextérieur.

13h18:Sergedémarre lecycled’usinageextérieurdu3èmedisqueLohr,après l’avoir

positionnédansletour.Danslemêmetemps,lapremièrepartieducycleintérieurdu

2èmedisqueBobardprendfin:Sergeenlève lecentredudisquequiaététronçonné,

puislancelasecondepartieducycle.

Lestempsdecycletechniquesindiquésparlesmachinessontalors de2minuteset40

secondesenviron,pourchaquecycleBobard,et2minutesenvironpourLohr.

1Ici,Sergeestaussilechefd’atelier.

Page 303: Le travail dans la performance organisationnelle

302

13h21:aprèsavoirretiréetremisundisquedeLohr,etretirélapartietronçonnéede

Bobard,Sergerelanceuncycledechaquemachine.Entempsmasqué,pendantqueles

machinestournent,SergepréparelajantedecontrôledeBobard.

13h25:2èmepartieducycledu3èmeemboutiBobardlancée,et5èmedisqueLohrlancé

(appuis-bouton).Entempsmasqué,Sergeévacuedescopeaux.

5.1.2� Analyseetinterprétations

La situation que nous présentons ci-dessus représente un extrait d’une phase de

production qui a duré près de 2h30, et que nous avons intégralement observée.

Pendantcettedurée,Sergeausinél’extérieurde10disquesLohr,ainsiquel’intérieur

etl’extérieurde10disquesBobard.

L’extraitd’unedizainedeminutesquenousrestituonsestsignificatifdelatotalitéde

cette phase d’usinage. Ilmet en évidence le fait que Serge utilise les deux tours à

commandes numériques pour usiner, sur l’un, l’intérieur du disque, et sur l’autre

l’extérieurdudisque.Dansnotreextrait,Sergealterneentre les fabricationsLohret

Bobard.Lorsque l’usinagedesLohrestterminé1, lesdeuxtoursserontconsacrésà la

fabricationBobard: lesdisquesusinésà l’intérieurserontalorsusinéssur l’extérieur

dans le second tournumérique, et lesdisquesnon encoreusinés serontusinés sur

l’intérieurdanslepremiertournumérique.

L’organisation de Serge dans la situation que nous présentons peut sembler

extrêmementclassiqueàbiendeségards :cedernierdisposededeuxmachines,etles

utilise simultanémentpourusinerdeux typesdedisques.Cequinous intéresse, ici,

c’estlerapportqu’entretientl’activitédéployéeparSergeaveclesystèmedemesure

chez Industrie Roue, et en particulier la productivité. Les deux indicateurs de

productivitéutilisent letempspointédéclarépar lesopérateurs(cf.2.2).Atravers la

situationd’ici, ladéterminationdu tempspointé sembleparticulièrement complexe.

Eneffet,combiendetempsSergea-t-ilpasséàusinerspécifiquementlesdisquesLohr

et lesdisquesBobard?En fait, l’activitéd’usinagedecesdeux typesdedisquesest

1A13h54selonnosnotes.

Page 304: Le travail dans la performance organisationnelle

303

tellement imbriquéequ’elleendevient indissociable.Mêmesurnotresituation, ilest

impossiblededéterminer lestempsd’usinagespécifiquesàchaquefabrication–tout

au plus pouvons nous dire que Serge a usiné 4 disques Lohr et Bobard durant 10

minutes. L’usinage est en effet réalisé simultanément: Serge profite des temps

techniquesd’unemachinepours’occuperde l’autre,maisn’apassystématiquement

terminéàlafind’uncycle,faisantainsi«attendre»l’unedesfabrications.

Certes,IndustrieRoueutiliseunmodedereportingrelativementartisanal.Maisselon

nous, ce n’est pas ce qui détermine la complexité de la mesure du temps de

réalisation, car nous mettons ici en lumière un caractère inhérent à l’activité: la

complexitéàdistinguerlestempsspécifiquesdepartiesconstitutivesdel’activité1.Un

systèmedemesureplusperfectionnéproduirait certesune valeurque l’onpourrait

considérercommeplusapprochante,maiscettevaleurneconstitueraittoutdemême

qu’uneapproximation,etnonunevaleurabsolue.

D’une manière générale, la situation que nous restituons ici questionne donc le

rapport entre l’activité et la mesure qui cherche à la capter. Nous mettons en

particulier en évidence le caractère indissociable d’une activité dédiée à plusieurs

objectifs.

En termes de performance du travail, la situation que nous avons précédemment

décritenous indiqueque laperformancedutravailpourraitnepasêtreentièrement

captéepardesmesures,mêmesimples,évidentesetclassiques–commeletemps.En

outre,même si l’organisationmiseenplaceparSerge sembleplusefficientequ’une

production séquentielle, l’impossibilitéàdissocier le tempsd’usinageLohrdu temps

d’usinage Bobard rend vaine toute détermination d’une quelconque

«surproductivité».Plusgénéralement,celasignifiequ’unsystèmedegestiondonné

pourrait ne pas être en mesure de capter la performance du travail, notamment

lorsqu’elle s’exprime par un indicateur de productivité. Ce point conforte les

conclusionsconcernantlesindicateursdeproductivité,quenousavionstiréesàpartir

d’uneanalysedelalittérature(cf.chapitre2).

1Ici:desduréesspécifiquesd’usinageencasdefabricationsimultanée.

Page 305: Le travail dans la performance organisationnelle

304

5.2� Situationn°2:oùsefaitledélaidelivraison?

5.2.1� Présentationdelasituation

Nousprésentons,demanièresynthétique,lecheminementde10roues«Bobard»(cf.

situation n°1) après l’étape de peinture qui clôt le processus de fabrication. Nous

n’indiquons que les phases durant lesquelles un opérateur s’occupe de ces roues.

Ainsi, à la différence de toutes les autres, la situation que nous présentons ici se

concentrebeaucoupmoinssur l’activitédesopérateurs.Restituerune tellesituation

noussemblelégitimecar,commenousledévelopperonsenanalyse,cecinouspermet

d’illustreruneautremanièred’utilisernotrecadreanalytique.

6mars2013

13h59:les10rouesBobardsontsurleconvoyeurarrêté,peintesetprésentesdansla

zonededécrochage.

14h20: Serge, opérateur de logistique, a fini de retoucher les 10 roues, et de

constituer la palette qui permettra de les transporter. Serge déplace avec un car à

fourcheslapalettecontenantles10rouesdansunezonespécifique,afinqueMaurice,

l’autreopérateurlogistique,puisses’enoccuper.

17h34: Maurice prend la palette de 10 Bobard avec son car à fourches. Etant

descendu, ilréalise l’opérationde filmagede lapalette: ildécoupeduplastiqueà la

machette,puis ledéposeenentourant lapalette, regarde la référencedes roueset

chauffeauchalumeauau-dessus.Puisilmontelapaletteàl’aideducaràfourcheset

chauffeen-dessous.Aprèsavoirredescendulapalette,ilchauffesurlescôtés.

17h43:l’opérationdefilmageterminée,Mauriceremontesursoncaràfourchesetva

déposer la palette de 10 roues Bobard sous le pont face au quai de

chargement/déchargement.

7mars2013

11h28:Maurice termine la préparation des 7 palettes du clientBobard (filmage et

bonsdelivraison).

Page 306: Le travail dans la performance organisationnelle

305

8mars2013

8h30:letransporteurdesrouesBobardentredansl’atelier.

9h11: le transporteura finidechargeretdesigner lespapiers. Il remontedansson

camionets’envaavecsonchargementde7palettesBobard.

5.2.2� Analyseetinterprétation

Lasituationquenousvenonsdeprésenterrestituelecheminementdesrouesàl’issue

duprocessusdefabrication.Ici, lecheminementdes10rouesquenoussuivionstout

particulièrement a duré plus d’1,5 jour (du 6mars 13h59 au 8mars 9h11) – et ce

mêmesiladuréedesopérationslesconcernantnetotalise1h15environ.

Pources10mêmesroues,nousavonspratiquementpuobserverlatotalitéducyclede

fabrication,del’usinage(cf.situationn°1)1àlapeinture.Lafabricationaainsidurédu

4mars12h47au6mars13h59,soitunpeuplusde2jours.

Même s’il est, en l’occurrence, erroné de rapporter le temps d’écoulement après

peinturedu tempsd’écoulementde fabrication2, ilest remarquabledenoterque le

délaidelivraisonauclientdépendaussi dutempsd’écoulementaprèspeinture,quece

soit pour des raisons internes (saturation, par exemple), ou externes (retard du

transporteur).

Lamiseenperspectivequenousréalisonsnouspermetderevenirl’undespiliersdela

stratégie d’Industrie Roue, source d’écarts de productivité et de sureffectif: la

réduction des délais. Le PDG nous a indiqué recourir à plus de personnel que

nécessaire3(d’où la dégradation de la productivité), afin de réduire les délais de

livraisonauxclients.A l’issuedenosobservations,nousconstatonsque la réduction

desdélaispourraitégalementprovenird’uneréductiondutempsd’écoulementaprès

peinture, donc à l’issue du processus de fabrication proprement dite. Or, si la1Ilesten faitassez fréquentque l’étaped’emboutissage soitanticipée.Lesvoilesainsiproduits sontalorsstockéseninterne.L’usinageconstituealorsle«véritable»pointdelancementdelafabrication.2Notamment,parceque les10rouesquenoussuivions faisaientpartied’une importantecommande,dontlespalettesontététerminéesle7mars2013à11h28.3Uniquementenusinageet soudure,puisque lesécartsdeproductiviténe concernentque cesdeuxsecteurs–cf.3.1.1.

Page 307: Le travail dans la performance organisationnelle

306

fabrication fait l’objetd’un suiviparticulierau traversd’indicateurs (cf. section2du

présentchapitre)carellejoueunrôledanslaréductiondesdélais(cf.3.1.2.4et4.2.3),

le levier de réduction des délais relatif à ce qui se déroule après la fabrication ne

semblepasêtre considéré.Cette situationpeut sembler contradictoireen raisonde

l’importanceaccordéeà la réductiondesdélais chez IndustrieRoue (cf.notamment

1.2.1).

L’interprétationquenous faisonsmet en lumière lamanièredont les catégoriesde

notrecadreanalytiquepeuventêtremisesenrelationpourproposerdansl’entreprise,

sinonundiagnostic,toutdumoinsunepistederéflexioncomplémentaire.

Parailleurs,ettoujoursdansuneperspectived’intervention,ilestégalementpossible

de suggérer des propositions à partir de l’analyse émergeant du cadre. Si le temps

d’écoulementaprèsfabricationrevêtuncaractèredéterminantpour laréductiondes

délais, Industrie Roue pourrait peut-être envisager d’allouer des ressources sur la

logistique interne, en complément (voire en remplacement) de ressources

éventuellement«excédentaires»ailleurs,parexemple.Cecipourraitégalementavoir

pour conséquence d’améliorer l’indicateur de productivité, car le personnel de

logistiqueinterneestexcludupérimètre(cf.2.2duprésentchapitre).

La situationquenousvenonsde restitueràpartirdenosobservationsmontreainsi

une nouvelle utilisation de notre cadre analytique. Nos observations permettent

d’obtenirdesinformationssurleprocessusinterneàl’entreprise,etserventensuitede

pointdedépartàdes suggestionsd’améliorationàpartird’unearticulationavec les

autrescatégoriesducadreanalytique.Cettemanièredeprocéder illustre lacapacité

denotrecadreanalytiqueàservird’outild’interventiondanslesorganisations.

Simultanément,enprocédantde lasorte,nousdétachonsnotrecadreanalytiquedu

noyauautourduquelnous l’avionsconstruit: laperformancedutravail.Cecisuggère

qu’ilseraiteffectivementpossibled’articulerlescatégoriesmesures,discours,pratique

etactivitéautourdethèmesautresquelaperformancedutravail.

Page 308: Le travail dans la performance organisationnelle

307

Aprésentquenousavons restituédeséléments relatifsà l’activité,nousproposons

dans la section qui suit une synthèse globale desmesures, discours, pratiques et

activitéchezIndustrieRoue.

6� SYNTHESE SUR LESMESURES,DISCOURS, PRATIQUES ETACTIVITE CHEZ

INDUSTRIEROUE

Les sections précédentes consacrées auxmesures, discours, pratique et à l’activité

chezIndustrieRouenous permettentdedresserplusieursconstats.

La mobilisation de notre cadre analytique permet tout d’abord d’appréhender la

performancedutravail,quiseprésentechezIndustrieRouesousdemultiplesformes:

unemaximisationdu tempsutile (cf.2.2),une certaineoisiveté (cf.3.1),unhorizon

futur (4.1 et 4.2), ou encore une absence du système de mesure (5.1). Ce court

panoramasouligne lefortcaractèreprotéiformequerevêt laperformancedutravail,

etladifficultéd’enréaliserunesynthèse,mêmedansunepetiteentreprise.

Ce caractère protéiforme dénote également la complexité, pour les acteurs de

l’organisation, à se saisir de la performance du travail. Sur ce point, nous avons

particulièrementinsistésurlamobilisation,parlePDG,d’argumentschiffrablesetnon

chiffrables, au sein d’arbitrages dont lui seul connaît les équations (cf. 4.4 sur la

synthèsedespratiques).

Lesarbitragesquenousavonsétudiéspossèdentcependantunpointcommun:ilsse

concluentenfaveurdesargumentsnonchiffrés(embauched’unresponsablequalité,

etprésencedesureffectif).Enoutre,nousavonsrestituéunepratiqued’observation

de lapartduPDG,quimanifeste lacompréhensionquequelquechoseéchappeaux

mesures.Toutcecidénoteselonnouslacapacité,delapartduPDG,às’affranchirdes

mesuresquisontàsadisposition,c’est-à-direànepasdéciderouagirexclusivement

dans lesens induitpar les indicateurs.La figureduPDGd’IndustrieRouesembleen

Page 309: Le travail dans la performance organisationnelle

308

celaexemplaire.Maiscette indépendancevis-à-visdesmesuresquestionneunautre

aspect,sur lequelnous reviendronsenconclusionduchapitre: jusqu’àquelpoint le

PDGa-t-ilbesoindemesurespourdécideretagir?

Enfin, lamiseenœuvredenotrecadreanalytiqueapermisdedécelerdestensions,

voiredescontradictionsentre lastratégieet lesenjeux internesd’IndustrieRoue.En

particulier, la stratégie de réduction des délais (cf. 1.2.1) génère un déficit de

productivitéetdusureffectif(cf.3.1.2.4et4.2),quipeuventimpacterlasurvieàcourt

terme de l’entreprise (cf. 1.2.2). Demême, les leviers de réduction des délais de

livraisonsemblentseconcentrersur leprocessusdefabrication,ennégligeantcequi

sedérouleen interneau-delàdel’étapedepeinture(cf.5.2).Cesillustrationséclairent

l’utilisation de notre cadre analytique comme possible outil d’intervention dans les

organisations,àdesfinsdediagnosticoudequestionnement,parexemple.

Dans le cas d’Industrie Roue, nous avons en outre développé une autre utilisation

potentielle: celle de suggérer des améliorations dans l’allocation des ressources

internes (5.2).Cettedernièrepossibilité confine àdétacher les catégoriesdunoyau

autourduquel ilfutconstruit(laperformancedutravail),etpermetalorsd’envisager

uneportéeplusgénéraleaucadreanalytiquedéveloppéetutilisédanscettethèse.

Nous terminons ici la synthèse des mesures, discours, pratiques et activité chez

IndustrieRoue.IlnousresteàconclurecechapitredédiéaucasIndustrieRoue.

CONCLUSIONSDUCHAPITRE7

Dans le cas que nous venons de restituer, nous avonsmis enœuvre notre cadre

analytiquepourappréhendercequerecouvrelaperformancedutravailchezIndustrie

Roue.Cefaisant,nousenavonsidentifiéplusieursaspectsquiconfèrentuncaractère

protéiformeàlaperformancedutravaildanscetteentreprise(cf.section6ci-dessus).

LecasIndustrieRouesembleainsiconfortercecaractèreprotéiformequenousavions

Page 310: Le travail dans la performance organisationnelle

309

également relevé chez Boutiques Aéroports (cf. chapitre précédent), même si les

aspectsalorsévoquésneserecoupentpasavecceuxd’IndustrieRoue.

Le cas Industrie Roue nous permet également d’élargir le champ d’application du

cadre analytique développé dans cette thèse: nous l’avons ici appliqué dans une

petitePMEindustrielle–àladifférencedugrandgroupecommercialquereprésentait

BoutiquesAéroports.Parailleurs,outre les tensions, incohérencesoucontradictions

quececadreanalytiqueapunousaideràpointer(cf.section6précédente),nousnous

avons proposé ici une extension de son utilisation: construire une proposition

d’améliorationpour IndustrieRoue.Ce faisant,nousavonsvoulu illustrer lamanière

dont,outre lediagnosticou lequestionnement,notrecadreanalytiquepouvaitaussi

serviràsuggérerdesplansd’actionsmanagériaux.Cette illustrationrenforceànotre

sens la possibilité, pour notre cadre analytique, de constituer la base d’une

méthodologied’interventiondansles organisations.

Nouspensonségalementquecette illustrationpeutsoutenir laportéeplusgénérale

de notre cadre. En effet, la proposition d’amélioration que nous avons faite ne

s’articulepasdirectementautourdelaperformancedutravail.Ilsembleraitainsique

les catégoriesmesures,discours,pratiquesetactivitépuisseaussientreren relation

sur des thématiques autres que celles pour lesquelles nous les avions alors

rassemblées.Sinotrehypothèses’avèrejuste, ildevraitalorsêtrepossibled’articuler

mesures,discours,pratiquesetactivitéautourd’unethématiquecomme l’éthiqueau

travail,parexemple.Cettehypothèseouvrelavoieàdefuturesrecherchesencesens.

Si lecas IndustrieRouemontrequenotrecadreanalytique fonctionneaussidansce

contexte,forceestdereconnaîtrequel’activitéapporteassezpeud’élémentsdansla

compréhension du cas. Cela peut tenir à plusieurs choses. Tout d’abord, dans une

entreprisede20personnes, l’ensemblede la lignehiérarchiqueaplusdefacilitéàse

rendre dans l’atelier pour voir ou échanger. Ainsi, même le PDG représente un

managerdepremierniveauquidisposed’unebonneconnaissancedumétier,comme

l’ontmontrénoséchangesaveclui.Deuxièmement,danslecontexted’IndustrieRoue,

l’activitéestpeut-êtreplusstabilisée,mêmesilaprescriptionestgénéralementtacite

Page 311: Le travail dans la performance organisationnelle

310

ou«pasà jour»1.Enfin,c’estpeut-êtrequ’unepartdesenjeux,notamment sur les

délais,senouenten-dehorsdupérimètrede l’atelier.Certes,nousavons identifiéun

délaid’écoulementd’1,5jouraprèsfabrication(cf.5.2),maisdansunautreéchangele

PDGnousaparléd’undélaide8semainespour l’approvisionnementde lamatière2.

Lesenjeuxnesontdoncpasdumêmeordre.

Enfin,àbiendeségards, lecas IndustrieRouequenousvenonsd’étudierestuncas

exemplaire.Dansuncontextedecriseéconomique,etalorsqu’il identifieclairement

l’enjeu de la survie de son entreprise, le PDG d’Industrie Roue a embauché du

personneldestructure(leresponsablequalité)toutenmaintenantdusureffectifdans

l’atelier,alorsmêmequesonindicateurdeproductivitéétaiten-deçàdel’objectiffixé.

Pourautant,cecocktailsurprenantnerésultepasd’unefolie,oud’unpari.Atravers

nos restitutions,nousavonspuexposer la rationalitéduPDGd’IndustrieRoue,et la

complexitédesarbitragesqu’ilréalise.Aufinal,ilressortquecesingulierPDGmontre

unegrandeindépendancevis-à-visdesmesuresàsadisposition–etqu’ilaengrande

partieconstruites.

Cette indépendance interroge,parceque l’onpeut sedemander,au final, si lePDG

d’Industrie Roue a effectivement besoin des indicateurs à sa disposition. Nous ne

pouvons iciqu’émettredesremarquesspéculatives.Commenous l’avonsmentionné,

dans une structure de 20 personnes, le PDG a plus de facilité à obtenir des

informationsen-dehorsd’unreportingchiffré.Parailleurs, ilexisteplusieursmanières

d’utiliser les indicateurs:certespourdécideretagir,maisaussipours’assurerque la

situationnedérivepas.Enfin,commelemontrelastructurecapitalistiqued’Industrie

Roue(cf.1.1),lePDGdétientlamajoritédespartsdel’entreprise.Decefait,etmême

s’ildoitprésenterdescomptesàsesassociésetcréanciers(conseilsd’administration,

etc.), il est vraisemblablement extrêmement libre de diriger l’entreprise selon les

objectifsetcritèresqu’ilalui-mêmedécidés.

1Encequiconcernelesdocumentsprésentsauxpostesdetravail (EntretienRTF,20/11/2012,p.10).2EntretienPDG,29/05/2013,p.4.

Page 312: Le travail dans la performance organisationnelle

311

CHAPITRE8–DISCUSSION,LIMITES,CONTRIBUTIONS

Ce chapitre est organisé en trois sections: discussion et contributions (section 1),

limitesdelathèse(section2)etperspectivesderecherche(section3).

1� DISCUSSIONETCONTRIBUTIONS

Nous structurons notre discussion et nos contributions autour de cinq pôles. Le

premierconcernenotrecadreanalytiquenotammentcommeréponseàlaquestionde

recherche(1.1).Leseconddéfendqueletravailestunobjetderecherchelégitimeen

contrôle de gestion (1.2). Nous revenons ensuite sur les représentations que nos

interlocuteursontexplicitéesàproposde laperformance (1.3).Chacunedecestrois

sections illustrera que les éléments deméthode sont importants pour accéder aux

donnéespermettantd’alimenterlescatégoriesducadreanalytique.Lequatrièmepôle

s’articule autour de la prescription (1.4), et le cinquième se consacre à l’activité

collectivedanslaperformancedutravail(1.5).

1.1� Discussionetcontributionsautourdenotrecadreanalytique

Danscettesection,nousrevenonstoutd’abordsur lesréponsesapportéesparnotre

cadreanalytiqueetladémarcheassociée,ànotrequestionderecherche(1.1.1),avant

d’envisagerdepossiblesextensionsdesonapplication(1.1.2).

1.1.1� Uncadreanalytiqueoriginalcommeréponseàlaquestionderecherche

Commenous l’avons indiqué au chapitre5, le cadre analytiquemobilisédans cette

thèsearticuléàdesméthodespermettantderecueillirdes donnéessurlesdifférentes

catégories du cadre a été construit comme une proposition de réponse à notre

questionderecherche«Commentrendrecomptede laperformancedu travaildans

les organisations?». Il articule quatre catégories: mesures, discours, pratiques

managérialesetactivitéautourdelaperformancedutravail(cf.chapitre4).

A travers nos études de cas, ce cadre analytique nous a permis d’expliciter de

nombreux aspects de la performance du travail dans les deux contextes étudiés et

Page 313: Le travail dans la performance organisationnelle

312

restituésauxchapitres6et7.ChezBoutiquesAéroportslaperformancedutravailapu

êtrecaractériséeàpartirdesdiscoursdesmanagersdeproximité,entreautres,selon

lesaspects suivants:vendre,conseiller, satisfaire,encaisser, tenir le linéairepropre,

fidéliser leclient(cf.2.2.1.2duchapitre6).Apartirde l’activitédevendeur,d’autres

dimensionsde laperformanceontémergé,notamment:dépasser l’incompréhension

(6.2.1duchapitre6),collaborerpourvendre(6.2.6duchapitre6),ouencores’écarter

delaprescription(6.2.2duchapitre6).ChezIndustrieRoue,laperformancedutravail

secaractériseenparticulierparlefaitdeproduireselonuntauxprédéfini,ouencore

comporterunerelativeoisivetépermettantdeproposerdesdélaiscourts(cf.3.1.3du

chapitre 7). Les pratiques d’embauche et de sureffectifont également fait émerger

deuxhorizonsàlaperformancedutravail:actueletfutur(cf.4.4duchapitre7).

L’explicitationde l’ensembledecesdimensionsde laperformancedutravailn’arien

d’évidentensoi.D’unepart,cesdimensionsnesontpasexclusiveslesunesdesautres.

Parexemple,chezIndustrieRoue, lefaitdeproduireselonuntauxprédéfini(mesuré

par les indicateurs de productivité) cohabite avec une certaine oisiveté (due au

manquedecommandesetau sureffectif)quipermetdeproposerdesdélaiscourts.

D’autre part, les dimensions évoquées précédemment émergent de différentes

composantesducadre.Pour illustrer, laperformancedu travailémergedesdiscours

(vendre, conseiller, etc.), de l’activité (dépasser l’incompréhension, collaborer pour

vendre) et des pratiques (une certaine agressivité – cf. 4.2.1 du chapitre 6). Ceci

dénote l’intérêt de rassembler et articuler les différentes catégories du cadre

analytique.

Lecadreanalytiquemobilisédanscettethèseestuncadreanalytiqueoriginaldansle

champdu contrôledegestion, car il se composedequatre catégoriesquin’avaient

jamaisétéformellementassociéesjusque-là.L’originalitétientaufaitquelacatégorie

activité provient d’une discipline extérieure aux sciences de gestion: l’ergonomie.

Nousavons relevéau chapitre3quedes travauxprécédentsavaient conjointement

mobiliséergonomieetcontrôledegestion (Hubault&Fiol,1996;DeGeuser,2006;

Guénin,2008).Cesrecherchesontadoptéunedémarched’interventionergonomique

classiquequi certes s’appuie sur l’activité,maisne l’articuleniavecdesmesures,ni

Page 314: Le travail dans la performance organisationnelle

313

avecdesdiscours,niavecdespratiquesmanagériales.Pourcequiestdestroisautres

catégories(mesures,discours etpratiques),nousavonsmontréauchapitre4que des

recherchesencontrôle lesmobilisaient:discoursetpratiquespourCuganesan&al.

(2007),discours,mesureset(absencede)pratiquepourModell(2012).

Bienquenousayonsjustifiéthéoriquementlaconstructiondececadre(cf.chapitre4),

sa mise en œuvre dans nos deux études de cas et les éclairages qu’il permet

d’apporter sur la performance du travail (cf. plus haut) confortent sa validité et

justifient son intérêtd’unpointdevueempirique.Eneffet, l’articulationdesquatre

catégoriesapermisdemettreenlumièrelaportéeinterprétative,voireexplicative,du

cadre.Chez IndustrieRoue, lapratiqued’embauchemobilisedesmesures,mais ces

dernièresnesontpasdéterminantespour l’expliquer (cf.4.1duchapitre7).Pouren

comprendrelesraisons,ilafallus’intéresserauxdiscoursduPDGquis’appuientenfait

sur une performance future du travail. Chez Boutiques Aéroports, les pratiques

managérialesvisantàremédieràundéficitdeperformanceontpermisdemettreen

évidence une certaine agressivité vis-à-vis des clients afin de générer du chiffre

d’affaires(cf.4.2.1duchapitre6).Atraversceconstat,nousavonsinféré1lapossibilité

dedeuxniveauxd’engagementdans la vente: l’un ‘normal’,et l’autre ‘agressif’ (cf.

4.2.1duchapitre6).

Lecontrôledegestionestaujourd’huiglobalementdémunipourétudierletravailetsa

performance.Nousproposonsiciunoutilopérationnelpermettantdel’étudier,etque

les chercheurs en contrôle de gestion pourront aisément manipuler. Notre cadre

analytiquepeuteneffetêtremisenœuvreau traversd’uneméthodologiecourante

encontrôledegestion:l’étudedecas2.

1Nosdonnéesnenouspermettaientpaseneffetd’allerau-delà.2Comme exposé au chapitre 5, nous avonsmobilisé dans notre étude de cas quatreméthodes decollecte principales: entretiens, collecte de documents, observations et verbalisations/échangesinformels. Procéder par entretiens et collecte de documents est courant en contrôle de gestion.Observationsetverbalisationssontdesméthodesplusrares,mêmesiellespeuventserapprocherdedémarchesethnographiquesquiontpuêtreréaliséesetpubliéesdansnotrechamp.

Page 315: Le travail dans la performance organisationnelle

314

Nouspensonsalorscontribueràlalittératureencontrôlede gestionenproposantune

méthodestructuréeparuncadreanalytiqueoriginalquipermetd’étudierletravailet

saperformance.

1.1.2� Despossibilitésd’extensiondupérimètred’utilisationducadreanalytique

A ce stade, nous identifions trois possibles extensions à l’utilisation de notre cadre

analytique: servir d’outil lors d’intervention en entreprises, être intégré aux

démarchesergonomiques,et s’articulerautourd’autresnotionsque laperformance

dutravail.Nousabordonscestroispossibilitéssuccessivement.

Aucoursdecettethèse,nousavonsàplusieursreprisesillustrélapossibilitéd’utiliser

notrecadreanalytiquedansuneperspectived’interventionauprèsdesentreprises.Le

cadreanalytiquenousaparexemplepermisdereleverdestensionsou incohérences

d’ordre systémique, de susciter des questionnements, ou encore d’élaborer des

recommandations.Nous avons ainsi noté une certaine incohérence chez Boutiques

Aéroports,dans lefaitdevanter l’espritd’équipedans lesdiscours,etdedévelopper

unepratiqued’individualisationde laperformance(cf.section5duchapitre6),alors

quenousavonsrestituédessituationsclassiquesdecoopérationefficace(cf.6.2.5et

6.2.6 du chapitre 6). De plus, l’étude conjointe des discours managériaux et de

l’activité de vendeur permet, in fine, de questionner la place des vendeurs dans

l’atteinte de la performance chez Boutiques Aéroports (cf. 6.3 du chapitre 6). Les

discoursmanagériauxinsistentsurlefaitquelesvendeursfontlaperformance(2.2.2),

alors que l’activité met en évidence des situations dans lesquelles le vendeur de

participepasàlavente(6.2.7duchapitre6),oudanslesquelleslevendeurn’arrivepas

à vendre (6.2.8 du chapitre 6). Chez Industrie Roue, lemodèle de performance de

l’entreprise comporte certaine tension que nous avons pu déceler. Au travers des

discours et des pratiquesmanagériales, la stratégie et l’enjeu de survie entrent en

tension:laréductiondesdélaisgénèredesécartsdeproductivitéetdusureffectif,ce

qui impacte négativement l’objectif de survie (cf. section 6 du chapitre 7). Ennous

écartant quelque peu du cœur de cette thèse, nous avons pu émettre une

recommandationpour IndustrieRoue: àpartirdenotre analysede l’activitéetdes

Page 316: Le travail dans la performance organisationnelle

315

mesures,nousavonssuggéréd’allouerdesressourcesdepersonnelverslesecteurde

logistiqueinterneafinderéduireletempsd’écoulementaprèspeinture.

Enfin,etmêmesiceladépassaitlecadredecettethèse,nouspensonsquenotrecadre

analytique pourrait être utilisé afin de confronter les acteurs aux observations.

L’objectif serait de mettre en évidence les différentes représentations et les

cohérences ou incohérences entre ces représentations et les dispositifs de gestion

(indicateurs,prescription),avecl’hypothèsequecetteconfrontationpuisseconduireà

desmodificationsdereprésentationsde laperformancedutravailetàdesdécisions

surcesdispositifs.

Ilnoussembleégalementquenotrecadreanalytiquepourraintéresserl’ergonomiede

manière très concrète.Notre cadre analytique comporte en effet des éléments qui

contribuentà lacompréhensiondessituationsdetravail,etquipeuventaméliorer la

légitimitéet lapertinenced’une interventionergonomique: lesdiscoursetanalyses

surlaperformanceorganisationnelle(discours),lesindicateursdeperformancerelatifs

au travail (mesures), les décisions ou actions qu’ils permettent (pratiques). Toutou

partiedecesélémentspourraientêtreparticulièrementutiles,notamment, lorsde la

phase d’instruction de la demande d’intervention ergonomique. SelonGuérin& al.

(1991),laphased’instructiondelademandeviseàreformulerlesproblèmesidentifiés

parl’entrepriseàpartir«desmodalitésconcrètesdegestiondel’écartentreletravail

prescrit et l’activité réelle.» (p. 68). Ils font état d’une difficulté spécifique à cette

phase:«Quelquesoitsonsavoir-faire, l’ergonomen’arrive jamaisàétablir tous les

liens.Mêmecertainesrelations,quiserévélerontpourtantévidentesultérieurement,

luiéchapperontaustadedel’instructiondelademande.»(Guérin&al.,1991,p.71).

En intégrant des données relatives aux trois dimensions de notre cadre analytique

citéesplushaut lorsde laphased’instructionde lademande, il semblepossiblede

considérer que l’ergonome en intervention disposerait de meilleures informations

durant cette phase, et que cela améliorerait alors la reformulation des problèmes

posés.Atraverslesindicateurs,IndustrieRouefaitfaceàunproblèmedeproductivité.

Cependant, lesdiscoursduPDGexplicitent lesenjeuxdeperformancechez Industrie

Roue:lesdélaisetlasurvieàcourtterme.Ilspermettentainsidecomprendrequela

Page 317: Le travail dans la performance organisationnelle

316

productivité ne représente pas un problème à court terme. Ainsi, un ergonome

sollicitéàproposde laproductivitédans cetteentrepriseetayant faitexpliciter les

enjeux de l’entreprise pourrait reformuler, par exemple, le problème en termes de

délais.

L’instructionde lademandeestunephasedéterminante, car«la reformulationdes

questions �lors de l’instruction de la demande� est à la base de l’élaboration des

hypothèses aptes à guider les investigations nécessaires à la production de

connaissances.» (Guérin& al., 1991, p. 71).Nous pouvons alors envisager que les

éléments de notre cadre analytique que nous proposons d’intégrer amélioreraient

l’élaborationdeshypothèses,etquecelaconcourraitàmieuxguiderlesinvestigations

del’ergonome.

Plus généralement, cette possible contribution de notre cadre analytique à la

démarche ergonomique montre l’intérêt à renforcer les collaborations entre

ergonomieetsciencesdegestion.Encesens,notrethèseconforte lemouvementde

rapprochementinitiéparplusieursauteursenergonomie(Dul&Neumann,2009;Dul

&al.,2012;Karwowski,2005;Lee,2005).

Dans cette thèse, nous nous sommes bien entendu focalisés sur lamobilisation du

cadreanalytiqueautourde laperformancedutravail.A l’issuedecetterecherche,et

commenous l’avons indiquédans lecasIndustrieRoue(cf.chapitre 7), ilsembleque

notre cadre analytique pourrait se détacher du concept autour duquel il a été

initialementconstruit,laperformancedutravail,ets’appliqueràd’autresnotions.

Illustrons par l’éthique en entreprise. Etudier l’éthique en entreprise enmobilisant

notre cadre analytique reviendrait à étudier les éventuels indicateurs associés

(mesures), les discours et pratiquesmanagériaux relatifs à l’éthique. Et enfin, cela

reviendrait à étudier l’activité de personnes confrontées à des situations dans

lesquelles l’éthique constitue un enjeu. Une telle démarche pourrait par exemple

permettrede comprendre cequi,dans le fonctionnement courantde l’organisation

pourrait susciterun conflitéthique:desobjectifs?desprocédures?unmanquede

formation?etc.

Page 318: Le travail dans la performance organisationnelle

317

Si l’hypothèse que nous formulons était confirmée par de futures recherches, cela

signifieraitquelecadreanalytiquedéveloppéicirevêtalorsuneportéeplusgénérale.

Celasignifieraitainsiquenotrecadreanalytiquepourraitêtreappliquépluslargement

ensciencesdegestion.

1.2� Letravail,objetderecherchelégitimeencontrôledegestion

La présente thèse a montré, dans une perspective normative, comment il était

possible de rendre compte de la performance du travail dans les organisations – à

traverslamobilisationd’uncadreanalytiqueetd’unedémarchederecueildedonnées

appliquées à deux études de cas. Le cas Boutiques Aéroports a particulièrement

soulignécequ’apporteletravaildevendeurs.Lesmanagersetleursadjointsontainsi

affirmé lerôlecentraldutravaildevendeursdans laperformancedesboutiques (cf.

2.2.2 et 4.2.1 du chapitre 6).Malgré quelques échecs (vente sans contact avec un

vendeur et abandon de produits), l’importance de ce rôle est confortée par nos

restitutions de l’activité des vendeurs (cf. section 6 du chapitre 6). Ces éléments

dénotentl’importancedutravaildevendeurdanslaperformanceorganisationnellede

BoutiquesAéroports.Plusgénéralement, ilsmontrentque le travailpeut recelerde

forts enjeux constitutifs de la performance organisationnelle. En ce sens, il semble

légitimeetpertinentdeconsidérer,auseinducontrôledegestion, letravailcomme

objetderechercheentantquetel.

Leconstatquenousdressonspeutparaîtreévidentmaisn’ariend’anodin.Nousavons

précédemmentpointél’absencederecherchessurletravailencontrôledegestion(cf.

1.2.3duchapitre1).Cetteabsenceestcohérenteavec le«paradigmeducontrôle»

formuléparLorino (1995,p.21).Ceparadigme stipuleenparticulier1:«Lecontenu

concretdel’activitéhumaine,entermesd’actionsetdesavoirs,estsupposémodélisé,

stableettransparent:lecontrôlepeutdoncletraiterparomission(sous-entendresa

priseencompte,commeunechoseévidente)�…�.»(Lorino,1995,p.23).End’autres

1Cf.chapitre1pourplusdedétails.

Page 319: Le travail dans la performance organisationnelle

318

termes, cet extrait signifie que le contrôle de gestion peut traiter le travail par

omission.Mêmesiceparadigmenepeutêtreconsidérécommeleseulencontrôlede

gestion, il est symptomatique de la façon dont le contrôle de gestion peut justifier

l’absencedepriseencomptedutravail.

Notrethèsemontreaucontrairetoutl’intérêtàétudierletravail,doncànepastraiter

le travail par omission. Dans le cas Boutiques Aéroports, la situation n°2 (6.2.2 du

chapitre 6) montre l’influence déterminante du vendeur dans l’augmentation du

montant d’achat des clients. En effet, suite à l’intervention du vendeur, les clients

achètent deux bouteilles dewhisky1, et non une comme envisagé initialement. Le

chiffred’affairesaveccesclientsdoublequasiment,etlemontantdesachatsdépasse

l’objectifdepaniermoyen.Cet exemple illustreque l’importancedu travaildans la

performanceorganisationnellepeuts’avérercapitale.

Parrapportauparadigmeducontrôleénoncéplushaut,laprésentethèsereprésente

alorsuneanomalie(Kuhn,1962).Elle inviteà leréinterrogerafinde,àtout lemoins,

préciseret justifier lesconditionsdans lesquelles letravailpourrait(continuerà)être

traité par omission.Une telle prise en compte constitue une contribution de notre

thèseaucontrôledegestion.

Plusgénéralement, laprésente thèsecontribueauchampducontrôledegestionen

montrant qu’il est possible (conceptuellement et empiriquement) d’effectuer une

recherchesurletravail.Elleouvreainsilavoieàdefuturesrecherchessurletravail.

Encorollaire,notrethèseplaidepourrenforcerlerapprochemententrelecontrôlede

gestionet l’ergonomie. Elle conforteen ce sens les travauxpionniersen lamatière

(Hubault&Fiol,1996;DeGeuser,2006).

Pour terminer,nous voudrionsapporterdesargumentsmanagériauxetsociétauxen

faveur de recherches sur le travail en contrôle de gestion. D’un point de vue

managérial, nos études de cas ontmis en évidence la complexité qu’affrontent les

managers pour appréhender et formaliser ce que le travail apporte à l’entreprise.

Réduire cette complexité peut s’avérer précieux pour cesmanagers, en particulier

1Bénéficiantainsid’offrepromotionnelle.

Page 320: Le travail dans la performance organisationnelle

319

dansuneperspectivedepilotageorganisationnel.Sansquecelaenconstituel’objectif

premier, notre thèse permet d’envisager quelques pistes en ce sens. A travers les

tensionsou incohérencesqu’ildécèle,notrecadreanalytiquepeutaider à identifier,

pour le travail, les apports lesplusessentiels.Dans lemêmeordred’idées, il serait

possibledes’appuyersurquelquessituationsdetravailpouraideràfaireexprimeret

synthétiser les représentations de la performance du travail. Bien sûr, de futures

recherchespourrontprolongercespistesetenouvrird’autres.

D’unpointdevuesociétal,comprendrelaperformancedutravaildevraitpermettrede

mieux comprendre l’utilité des emplois qui accomplissent ou accompliraient ledit

travail.Entermesd’enjeu,nouspensonsquecettemeilleurecompréhensionpourrait

êtrebénéfiquepour l’emploi.Eneffet,sitous lesdirigeantsd’entrepriseavaientune

meilleure connaissance de ce que le travail de leurs employés apporte à la

performancedeleurentreprise,lesréductionsnettesd’effectifstendraientpeut-êtreà

diminuer,etlechômageaussi.

1.3� Unaccèsàdelargesreprésentationssurlaperformance

Dansnosétudesdecas,nousconstatonsque lesdiscours intègrentdesélémentsde

performance différents de ceux portés par lesmesures. Par exemple, dans le cas

IndustrieRoue,nousavonsfaitpartdediscoursmanagériauxexpliquantlesécartsde

productivité selon quatre dimensions différentes (cf. 3.1.2 au chapitre 7): les

caractères individuels des opérateurs, les déplacements au poste de travail, la

variabilité des produits et la réduction des délais. Parmi ces explications, seule la

dernièrerelativeàlaréductiondesdélaisseréfèreàdesmesures(lesdélais,quisont

suivisparplusieurs indicateurs).Elleprésenteenoutreuncaractèreconflictuelavec

d’autres notions: la stratégie de réduction des délais génère du sureffectif qui lui-

même génère des écarts de productivité. Autrement dit, si les mesures restent

présentes,ellesnestructurentpaslediscoursaupointdelemonopolisertotalement.

Chez BoutiquesAéroports, nous avons noté un certain niveau de détail lorsque les

managerscaractérisent letravaildevendeurs,notammentsur l’attitudeàavoirvis-à-

Page 321: Le travail dans la performance organisationnelle

320

visdesclientsenfonctiondesnationalités(gestuelle,distance)etsurlefaitdetenirle

linéaire(propreté,réassort,étiquettes).

Cesreprésentationspeuventémergerparcequenosinterlocuteurs connaissaientplus

oumoinsprofondémentletravaildontnousparlions.Lapetitetailled’IndustrieRoue

favoriseeneffetunecertaineproximitéavecl’atelier.Touslesmanagersetmanagers

adjointsdeBoutiquesAéroportsontoccupéunpostedevendeurdurantleurcarrière.

C’était, pour certains, il y a plus d’une dizaine d’années et pour d’autres quelques

annéesàpeine.

Cette proximité ne pose pas de difficulté particulière puisque notre démarche de

recherchevisaitenparticulieràfaireémergerdesreprésentationssurlaperformance

du travail à travers les discours demanagers. A cet égard, elle conforte le choix

d’interrogerdesmanagersconnaissantletravailconsidéré.

Deplus,ennousintéressantàundomainepeuexploré,notredémarchederecherche

ne comportait pas d’enjeu relatif à la spontanéité des représentations exprimées.

D’ailleurs,notredesignde rechercheacherchéàsolliciterdesdiscourssur le travail

selon des angles différents. Le questionnement que nous avons adopté dans les

entretiens était ouvert etmultidimensionnel. Il s’est appuyé sur des questions du

type: ‘qu’est-ce qu’un bon travail?’, ‘disposez-vous de suffisamment d’effectifs?’,

‘envisagez-vousd’embaucher?’, ‘comment s’expliquent lesécartsdeproductivité?’,

etc.Cespectredequestionsnousestapparucommefacilitantl’émergencedediscours

pouvant générer des dimensions différentes et potentiellement conflictuelles entre

elles:parexemple,unbon travailpourraitconduireàdesécartsdeproductivité.Ce

spectre de questions paraissait favoriser l’émergence d’un large panorama de

représentationssurlaperformancedutravail.

Ainsi, notre design de recherche a permis de collecter des discours qui semblent

(ré)investisdereprésentationsn’étantpasexclusivementcentréessurouassociéesà

desmesures.Ilaprobablementcontribuéàrecueilliretdécelerdesreprésentationsde

laperformancedutravailquisoientnonréductricesetcomplexes.

Page 322: Le travail dans la performance organisationnelle

321

En prenant le travail comme point de départ, notre questionnement permet

finalementd’aboutiràuneexplicitationdedifférentesdimensionsdelaperformance,

jusquedans leurs interactionsparfois conflictuelles.Notredémarchepourrait en ce

sens constituer un moyen complémentaire d’accéder par le travail à ce que de

nombreuxchercheursencontrôledegestionontidentifié:lamultidimensionnalitéde

laperformanceorganisationnelle(Bourguignon,1997;Giraud&Zarlowski,2011).

1.4� Discussionetcontributionrelativesàlaprescriptiondutravail

Danscettesection,nousexposonstoutd’abordnotrecontributionàladéfinitiondela

prescription(1.4.1),avantdediscuternosrésultatssous l’anglede l’auto-prescription

(1.4.2)etdel’adhésionàlaprescription(1.4.3).

1.4.1� Contribution à la définition de la prescription au travers de pratiques

managériales

L’ergonomie s’accorde sur le fait que la prescription prend de multiples aspects:

«Dans toute situation de travail, il existe en effet une diversité de sources de

prescription �…�.» (Daniellou&Béguin,2004,p.340).Cesauteurs caractérisent ces

sources selon un caractère direct ou indirect. Il y a tout d’abord «la prescription

formelledestâchesàréaliser,quiportesurlesrésultatsattendusdutravailet/ousur

lesmodesopératoires,etquiprendlaformederèglesofficielles,contenuesdansdes

documents.» (Daniellou & Béguin, 2004, p. 340). Viennent ensuite les sources

indirectes: «�Il� existe aussi des prescriptions plus indirectes, mais physiquement

présentes dans les situations�, comme les� dispositifs techniques�, ou encore� des

collèguesoudesclients.»(Daniellou&Béguin,2004,p.340).Noulin(1992)complète

les sources de prescription en détaillant dans le tableau suivant les éléments qui

permettentdedécrirelatâche:

Page 323: Le travail dans la performance organisationnelle

322

Noulin(1992,p.158)

Au-delàdecette formalisation,Noulin (1992)préciseque:«Parailleurs, iln’estpas

rarequ’ilexisteunécartentrela«tâcheprescrite»parlesconcepteurs,etla«tâche

attendue» par l’encadrement immédiat. Il convient donc de cerner les différentes

représentations, formelles et informelles, qui coexistent chez les acteurs de la

situation.»(Noulin,1992,p.158).

DanslecasBoutiquesAéroports(cf.chapitre6),laprescriptionapparaîtautraversde

plusieurscatégoriesdenotrecadreanalytique.Ladémarchedeventeenconstitue la

base, formalisée dans un document. La prescription est aussi présente dans les

discours des managers de proximité à propos de la caractérisation du travail de

vendeur.Elleapparaîtdanslespratiques,notammentlorsqu’ils’agitde«remobiliser»

ou«rebooster»lesvendeurs.Enfin,certainesmesuressontliéesàlaprescription:le

score de la visite-mystère qui sanctionne la conformité d’exécution du scénario de

vente,ouencorelechiffred’affairesetlepaniermoyen,quiconstituentquasimentdes

objectifsindividuellementassignables.

Page 324: Le travail dans la performance organisationnelle

323

En regard des éléments de la littérature en ergonomie présentés plus haut, la

démarche formalisée, lacaractérisationdu travailet lesmesures fontclassiquement

partiedelatâcheenergonomie.

Afindestatuersur lespratiques, ilestnécessairedes’yattarderunpeu.Dans lecas

Boutiques Aéroports, les pratiques managériales qui visent à «remobiliser» ou

«rebooster» les vendeurs se traduisent concrètement par un rappel de consignes

et/oulaformulationdenouvelles:

«Par exemplelàladernièrevisite-mystère,onaloupél’accueil,bononvatravaillerl’accueil.Alorssystématiquementtouslesclients,vousallezlesaccueillir�consigneexistante�,etdans lestroisminutesquisuivent,vous allez retourner vers eux �nouvelle consigne�, leurdemander s’ilsont besoin, «en quoi puis-je vous aider?», une question ouverte�consigneexistante�…»(EntretienMA2,p.4).

Parnature,lesconsignesécrites1fontpartiedessourcesdeprescriptionidentifiéesen

ergonomie(cf.ci-dessus).Maisdanslecasétudié,lesconsignessontvéhiculéesparles

managersenfonctiondesproblèmesrencontrés.Cela lesdifférenciederèglesécrites

et formalisées,etdediscoursmanagériauxqui, s’ils sontoraux,peuventnéanmoins

exprimerune représentation fixée.Ence sens, identifierdespratiquesmanagériales

commesourcedeprescriptionparaîtnovateur.

Autre perspective semble-t-il intéressante: ces pratiquesmanagériales prescriptives

laissententrevoirtouteunepartdeprescriptionquis’établirait«aufildelajournée»,

selonlesévénementsauxquelslesmanagersdevraientfaireface.

En termes méthodologiques, étudier la prescription qui émerge des pratiques

managérialesnécessited’étudierletravaildesmanagers.Celarevientenfaitàréaliser

«l’ergonomiedutravaildemanager»(DeGeuser,2006,p.269).

Ainsi,en identifiantdespratiquesmanagérialescommesourcedeprescription,nous

pensons contribuer à la littérature en ergonomie en élargissant quelque peu la

compréhensiondelaprescriptiondanscettediscipline.

1Daniellou&Béguin(2004)fontclairementréférenceàdesdocumentsformalisantlesconsignes.

Page 325: Le travail dans la performance organisationnelle

324

Dans lemême temps, nous confortons les conclusions de DeGeuser (2006) sur la

nécessiterdes’intéresserà«l’ergonomiedutravaildemanager».

1.4.2� Objectifsdeperformanceetauto-prescription

DanslecasBoutiquesAéroports,nousavonsindiquéquelaperformanceenboutiques

repose sur quelques indicateurs de performance, dont le paniermoyen (cf. 3.2 du

chapitre6).Endépitd’undéveloppementdel’individualisationdelaperformancedont

nousavonsrenducompteau4.2.2duchapitre6, laperformanceenboutiquesreste

mesurée au niveau global de la boutique. Toutefois, l’objectif de panier moyen

s’exprime, pour l’ensemble de la boutique, sous une forme unitaire: 60€/ticket de

caisse1,parexemple.Ainsi,sichaqueclientachètepourplusde60€etpayeenune

fois,alorsl’objectifdepaniermoyenestatteint.Nosobservationsmettentenévidence

quecertainsvendeursutilisentl’objectifdepaniermoyencommeélémentstructurant

de leurrelationavec laclientèle.C’estenparticulier lecasdeSergedans laventede

cigaresetwhisky(situationn°1au6.2.1duchapitre6).Sergeaainsiverbalisé:«Déjà,

jevoulaisqu’ilpayetoutd’uncouppourlepaniermoyen.».Autrementdit,fairepayer

le client en une fois permettait, pour Serge, de contribuer à atteindre l’objectif de

paniermoyen.Sanspouvoiraffirmerquecephénomène soitgénéralisé,nousavons

rencontré un autre vendeur, Pierre, qui nous a clairement indiqué faire en sorte

d’atteindre,voiredépasser,l’objectifdepanieravecchaqueclientrencontré2.

Le phénomène que nous décrivons évoque l’autoprescription, ou «règles

autoprescrites» (Veyrac,1988).PourVeyrac (1998):«Les règlesautoprescritessont

desrèglesdont l'agentnepeutpasaffirmer l'hétéronomie :soitparméconnaissance

des règlescomprises,soitparoppositionconscienteaux règlescomprises.» (p.39)3.

Autrementdit, l’individuau travaildéfinitsespropres règles (sapropreprescription)

soitquandlaprescriptionestincomprise,incomplèteouabsente(Falzon&Sauvagnac,

1Cf.3.2duchapitre6pourlesmodalitésdecalcul.2ObservationsATGCdu20/01/2014pp.4-8etdu21/01/2014pp.16-17.3«Les règles comprises sont les règlesqui sont comprisesparunopérateur commeétant les règlesprescrites.»(Veyrac,1998,p.38).Parsimplificationici,nousconsidéronsquelesrèglescomprisessontassimilablesàuneprescriptionformellementexplicitée.

Page 326: Le travail dans la performance organisationnelle

325

2004),soitquand ilestendésaccordavec laprescription. Ilest légitime,dans lecas

BoutiquesAéroports,d’écarterl’incompréhensiondesrèglesetl’oppositionauxrègles

pour déterminer une certaine auto-prescription, puisque nous n’avons constaté ni

l’uneni l’autre.Pourcequiconcerne l’incomplétudede laprescription,nosdonnées

sont,précisément,incomplètessurcetaspect:nousn’avonsspécifiquementdemandé

ni aux vendeurs ni auxmanagers de proximité si ‘atteindre ou dépasser le panier

moyenavecchaqueclient’étaituneconsignespécifique.Nouspouvonsuniquement

affirmer qu’aucune prescription du type que nous suggérons ne se trouve dans les

documentsauxquelsnousavonseuaccès.

Quoiqu’ilen soit,cequi semble intéressantdans les situationsquenousévoquons,

c’estlestatutdel’objectifdepaniermoyen.Parconstructionauseindel’organisation,

l’objectifdepaniermoyenconstitueunélémentdelaprescriptionglobale(cf.tableau

deNoulin(1992)àlasectionprécédente)quis’appliqueauxvendeurs,etreprésentela

moyennearithmétiqueduchiffred’affaireparticketdecaisse.Danslemêmetemps,il

ouvre à une auto-prescription du type ‘atteindre l’objectif de panier moyen pour

chaque client’.Pour revenirànos catégoriesanalytiques, ceci signifiequ’unemême

mesure pourrait conduire à deux natures de prescription: l’une hétéronome

(extérieureàl’opérateur),etl’autreautonome(propreàl’opérateur).

Denotrepointdevue,cettedichotomieconfortelanécessitédes’intéresser,comme

nous l’avonsfaitdanscettethèse,tantauxdiscoursetpratiquesmanagériauxqu’aux

mesures.Eneffet,discoursetpratiquespermettentd’appréhenderplusieurschoses,

etnotamment:lesreprésentationsvéhiculéesparlesmesures,l’importanceaccordée

auxmesures et la hiérarchie entre lesmesures. La connaissance de ces éléments

augmenteraitsansdoutelacompréhensiondelaprescriptiondelapartdel’opérateur,

dumanageretdesonorganisation–maisaussidelapartd’unintervenantextérieurà

l’organisation.Cettemeilleurecompréhensionde laprescriptionpourraitsansdoute

contribuer à réduire le stress dans certaines situations. Falzon& Sauvagnac (2004)

considèrenteffectivement laprescriptioncommeun levierderéductiondustressau

travail:

«Prescrire letravailpour lefaciliter, laprescription dutravailétantunenjeuimportantpourlapréventiondustressautravail.Celasuppose:

Page 327: Le travail dans la performance organisationnelle

326

- laclarté:soitonprescrit letravailetalorson fixedesobjectifsaussiclairsquepossible,soitonlaissel’opérateurs’autoprescriresatâcheetl’ondéfinitavecluileslimitesdesaresponsabilité.»(p.187).

Il nous semble que notre proposition d’articuler mesures, discours et pratiques

contribue à développer la clartémentionnée par Falzon & Sauvagnac (2004): elle

permettraitd’expliciteretprécisercequerecouvrentlesobjectifsquiontétéfixés.

1.4.3� L’adhésionàlaprescriptionchezBoutiquesAéroports

Nous avons indiqué à la section précédente le fait que nous n’avions pas constaté

d’oppositionmanifesteàlaprescriptionchezBoutiquesAéroports.Nousnepouvonsni

établirninier l’existenced’uneoppositionquineseraitpasmanifeste.Eneffet,nous

n’avonspaseulapossibilitéderéaliserdesentretiensaveclesvendeurscarcelaaurait

contraintl’organisationdesboutiques.

Demême,etpourcettemême raison,nousnepouvonsniétablirninier l’existence

d’une adhésion des vendeurs à la prescription. Ce que nous pouvons en revanche

constater, c’est qu’une part de l’activité des vendeurs s’inscrit dans la prescription

formalisée par Boutiques Aéroports. Il semble d’une part que l’objectif de panier

moyen donne lieu à une auto-prescription des vendeurs (cf. section précédente).

D’autre part, nos analyses de situation ont parfois relié les éléments observés au

scénario de vente qui constitue la base de la prescription des vendeurs (cf. en

particulier6.2.1duchapitre6).

Ilexistetoutefoisdesécarts,certainsétant identifiésdansnosanalysesdesituation.

Dans lasituationdu6.2.1,Sergeformuleunephraseque ledocument«Attitudesde

ventes» interdit(cf.2.1.3duchapitre6); ils’agitde laphrase:«Ilvousfallaitautre

chose?».Nousavonségalementmontréquelasituationdu6.2.2s’écartaitlargement

delaprescriptiond’accueil,puisqu’ilmanquelapolitesseattenduetantparlescénario

de vente (cf.2.1.2du chapitre6)quepar lahiérarchie (cf.2.2.1.1du chapitre6, le

tableau3enparticulier).Aucoursdenosobservations,nousavonségalementrelevé

d’autresécarts. Ilestparexempledemandéauxvendeursde tourner le regardvers

l’entréedelaboutique(cf.2.1.3duchapitre6);cetteconsignen’estbienévidemment

pas respectée lorsque,parexemple, lesvendeurs font le réassortde leursproduits,

Page 328: Le travail dans la performance organisationnelle

327

puisqu’àcetteoccasion,lesvendeurspeuventtournerledosàl’entréedelaboutique,

ouencoresebaisseretneplusvoirl’entréedelaboutique.

En nous inscrivant dans une démarche ergonomique, notre thèse avait vocation à

identifier des écarts – ce qu’elle fait. Mais dans la mesure où nous voulions

appréhender la performance du travail dans les organisations, nous n’avions pas

vocation à identifier et analyser tous les écarts constatés.Ainsi, si notre restitution

donne le sentimentd’une certaineadhésionà laprescription, cela tientenpartieà

notre démarche de recherche. Si cela peut conduire à une limite en termes

d’interprétationempiriquedelasituationobservée,celaneconstituepasunproblème

comptetenudenotreobjectifderecherche.

1.5� Activitécollectiveetperformancedutravail

L’ergonomieopèreunedistinctionanalytiquedel’activité:l’activitéindividuelled’une

part, et l’activité collective d’autre part. Les activités collectives sont celles dans

lesquelles«lesopérateurs sontmutuellementdépendants lesunsdes autres �…�.»

(Cuvelier&Caroly,2011,p.5)1. Ladépendancedont ilestquestion fait référenceà

différentstypesd’interaction,notamment:l’aide,lacollaboration,lacoopération.

Mêmesinousn’avonspasinsistésurcepointdansnosanalysesetconclusions,notre

méthodologie de collecte de données a permis d’accéder à des activités tant

individuelles que collectives. Deux situations de travail chez Boutiques Aéroports

relèvent ainsi de l’activité collective: elles présentent plusieurs vendeurs travaillant

pour unmême client. Dans la première, les deux vendeuses de la boutiqueMode

s’occupent conjointement d’un couple de client qui achète de nombreux sacs juste

avantd’embarquersur leurvol(cf.6.2.5duchapitre6).Dans laseconde,deuxCVet

1Nous savons que, depuis récemment, la notion d’activité collective tend à se définir à partir desrelationsentre l’activité individuelle, letravailcollectifet lecollectifdetravail(Caroly,2010;Caroly&Barcellini,2013).Nousnepouvonsnous inscriredanscetteperspective,carnotredesignderecherchen’avait pas vocation à accéder à l’activité de production de règles propres aux vendeurs – activitéconstitutived’uncollectifdetravailselonCaroly(2010).

Page 329: Le travail dans la performance organisationnelle

328

une hôtesse se relaient pour renseigner puis encaisser deux clientes (cf. 6.2.6 du

chapitre6).

Cesdeux situations relèventd’une coopération car lesvendeuses travaillentpour le

mêmeobjet (des clients spécifiques)et separtagent les tâchesà réaliser (accueillir,

conseilleretencaisserdanslapremièresituation;allerchercherlessacs,lesemballer

etencaisserdanslasecondesituation).

Dans lecadredenotredémarchederecherchevisantàappréhender laperformance

dutravail,cettesegmentation introduitunequestionsur l’originede laperformance

du travail: la performance du travail provient-elle d’une activité individuelle ou

collective? Cette question de l’origine est intéressante car elle permet d’affiner la

manièredont letravailcontribueà laperformancedesorganisations.Toutefois,nous

n’avonspasdéveloppénosanalysesautourdecettequestion,carelleseposeau-delà

de l’objectif premier de cette thèse – à savoir montrer qu’il est déjà possible

d’appréhender la performance du travail. De futures recherches permettraient

probablementd’yapporteruneréponse.

Nous terminons ici lapartieconsacréeànosdiscussionsetcontributions.Examinons

désormaisleslimitesànotrethèse.

Page 330: Le travail dans la performance organisationnelle

329

2� LIMITES

A ce stade, certaines limitesànotre thèsepeuventêtre formuléesàproposdenos

définitions du travail (2.1) et des pratiques managériales (2.2), et à propos de la

collectededonnées(2.3).

2.1� Desaspectsdutravailquenousnégligeonsdanscettethèse

L’orientationdecettethèseétaitd’étudierlacontributiondutravailàlaperformance

desorganisations.Pourcela,nousavonsfaitlechoixd’unpointdevueorganisationnel

surletravail(cf.1.1.2duchapitre1).

Danscetteperspective,nosanalysesn’ontpasspécifiquementportésurdesaspects

classiquesdu travail: lesaspects individuelsetsociauxdu travail.Parexemple,nous

n’avonspasparticulièrementétudié lesquestionsd’évaluationetde reconnaissance

autravail(Dejours,2003),nicellesrelevantdustatutoudel’identité,nicellesrelevant

des temps sociaux (Genin,2007),ni cellesdudéveloppement (Falzon,2013)oudes

compétences(Gilbert,2016).

Nous admettonsque lemanqued’analyse sur ces aspects limite laportéedenotre

thèse.

Nous voudrions simplement ajouter que nous sommes parfaitement conscient des

enjeuxqueportentcesaspectsquenousavonsnégligésdanscette thèse.D’ailleurs,

nombre d’aspects individuels et sociaux trouvent écho dans lamanière dont cette

thèsedéfinitletravail(cf.3.3duchapitre3):

Uneactivitéhumaine,coordonnée,rémunérée,consistantàmettreenforme une capacité ou un donné pour l’usage d’autrui, de manièreindépendante ou sous la direction d’un autre en échange d’unecontrepartiemonétaire;l’activitéestencadréeparlatâchequin’épuisejamaislavariabilitédessituationsrencontrées.

Page 331: Le travail dans la performance organisationnelle

330

2.2� Limites relatives à la catégorie pratique managériale du cadre

analytique

Auchapitre4,nousavonsdéfinipratiquemanagérialedelasorte:actionouensemble

d’actionsentreprisesouenvisagéessurunpérimètredonné(équipe,service,catégorie

de personnel, entreprise, etc.), par un ou plusieursmembres de la hiérarchie; ces

actionsne sontpasnécessairementponctuelles,etpeuvent s’inscriredans ladurée.

Autrementdit,unepratiquemanagérialeestcequ’unmanagerfaitouveutfaire.

LecasBoutiquesAéroports(chapitre6)amontrél’intérêtàdistingueranalytiquement

lespratiquesdesdiscours,carl’étudedepratiquesnousapermisdefaireémergerune

dimensiondelaperformancedutravail(unerelativeagressivitécommercialevis-à-vis

delaclientèle)quin’étaitpasressortiedesdiscours.

Une question se pose en revanche en termes de méthode d’accès aux pratiques

managériales.Nous nous sommes principalement appuyés sur des entretiens semi-

directifs pour accéder aux pratiquesmanagériales en posant des questions du type

‘quefaites-vouspour…’ou‘qu’envisagez-vousdefaire…’.Cettemanièredefaireest

cohérenteaveclapratiquecommeintentionmanagérialed’Ahrens&Chapman(2007).

Maiscetteintentionmanagérialerelèveaussid’unpropostenus,doncd’undiscours.

Nosobservationsdu travailenboutiquesenparticuliernousontpermisdevoirdes

managersoumanagersadjointsaccueillir, renseigner,conseillerouencoreencaisser

des clients. Ceci constitue une partie de ce que font lesmanagers ou adjoints. Au

regard de la démarche que nous avons mise enœuvre, cette pratique relève de

l’activitédesmanagers–cequenousn’avonspasappréhendécommetel.Parrapport

à ladémarche ergonomique sur laquellenousnous appuyons,onpourrait conclure

que lesmanagersou leursadjointsnetravaillentpas–cequin’estpasdutoutnotre

visiondeschoses.

A ce stade,malgré l’intérêt que présente le fait de distinguer analytiquement les

pratiquesmanagérialesdesdiscoursoude l’activitéparrapportà laperformancedu

Page 332: Le travail dans la performance organisationnelle

331

travail, il nous semble nécessaire de s’interroger pour de futures recherches sur la

manièred’améliorerl’accèsempiriqueauxpratiquesmanagériales.Unetelleapproche

nécessiteracertainementd’approfondirlaréflexionsurletravaildemanager.

2.3� Deslimitesrelativesàlacollectedesdonnées

Quelqueslimitesrelativesàlacollectededonnéesapparaissentàl’issuedenosétudes

decas.

ChezIndustrieRoue,lafaibletailledel’entrepriseexacerbelafigurecentraleduPDG,

auquelnousavonsconsacréplusdestrois-quartsdesentretiensetcontactsquenous

avons formellementeusavec la lignehiérarchique.Par conséquent, lepointde vue

managérial chez Industrie Roue apparaît essentiellement comme celui d’un acteur

central–lePDG.Cettesituationnousapermisd’approfondir,notamment,savisionde

la performance, mais n’a pas permis, de fait, d’organiser des confrontations de

représentations. La singularité de l’entreprise se double alors en singularité de sa

figurecentrale–sondirigeant,lePDG.

Chez Boutiques Aéroports, les conditions d’accès aux zones d’embarquement ont

limité lacollectededonnéesà3 semaines séparées.Legrandnombrede situations

observéesnousapermisdesynthétiserunecaractérisationdutravaildevendeur,pour

laquellenousnepouvonsprétendreàlagénéralité.Sinousavonsvuplusieurséquipes

devendeursserelayer,laduréedenosobservationsn’apaspermisd’identifier toutes

lesspécificités inhérentesàchaqueboutique (en fonctiondestypesdeproduits,par

exemple). Pour y arriver, il aurait fallu se concentrer sur un type particulier de

boutique;nousaurionsalorsdûrenonceràunepartdevariabilité,doncderichesse,

danslessituationsrencontrées.

Chez Boutiques Aéroports, nous n’avons pas pu accéder au niveau hiérarchique

supérieur au manager pour des raisons de disponibilité et de concentration de

périmètre. La rencontre de ces interlocuteurs aurait certes pu apporter quelques

élémentscomplémentairesconcernantlacompréhensionducas.Acestade,compte-

tenuduprojetdecettethèse,lesdonnéescollectéessemblentsuffisammentriches.

Nousindiquonsdanslasectionsuivantenosperspectivesderecherche.

Page 333: Le travail dans la performance organisationnelle

332

3� PERSPECTIVESDERECHERCHE

Acestade,voicilesperspectivesderecherchequenousidentifions:

�� Testerlecadreanalytiquedansunedémarchedetyperecherche-intervention.

�� Mener d’autres recherches sur la performance du travail dans des secteurs

similaires,afind’effectuerdescomparaisons.

�� Mener une recherche sur le travail académique en lien avec son évaluation

chiffrée.

�� Déployer le cadre analytique autour d’une problématique autre que la

performancedutravailafindetesterlaportéeducadre.

Nousproposonsdésormaisuneconclusiongénéraleàcettethèse.

Page 334: Le travail dans la performance organisationnelle

333

CONCLUSIONGENERALE

Laprésentethèseavaitpourobjetd’étudier laperformancedutravail,c’est-à-dire la

contribution du travail à la performance dans les organisations. Elle s’est articulée

autourdelaquestionderecherchesuivante:

Commentrendrecomptedelaperformancedutravaildanslesorganisations?

Afin de répondre à cette question, nous avons élaboré une démarche spécifique

constituée d’un cadre analytique original et deméthodes de collecte associées, et

nous l’avons déployée avec succès dans deux entreprises. Elle nous a permis

d’appréhenderetderestituer laperformancedutravaildanscesdeuxorganisations.

Notrerechercherevêtainsiunefortedimensionnormative.

La dimension normative s’est articulée autour de deux volets.Un volet prescriptif,

dans lequel s’inscrit la démarche que nous venons de résumer. Le second volet

s’attacheàdéconstruirelesnotionsetconcepts,afindepréciserleursens.Nousavons

tenuàœuvrerdanscetteperspective–aurisque,parfois,denousyperdreunpeu,

parce qu’il nous semble que notre rôle de chercheur consiste aussi à préciser les

termesemployés.

Ennousintéressantdanscetterechercheàlacontributiondutravailàlaperformance

organisationnelle, nous interpelons, semble-t-il, un autre aspect de notre métier

soulignéparSaulpic(2012):celuid’enseignant.Eneffet,siletravailconcourttantàla

performance organisationnelle, comment l’intégrer dans les enseignements de

«contrôledegestion»oude«pilotagedelaperformance»?

Page 335: Le travail dans la performance organisationnelle

334

Tout en s’inscrivant dans le champ du contrôle de gestion, la démarche que nous

avonsadoptéedoitbeaucoupàl’ergonomie.L’appuisurcettedisciplinenousapermis

demieux conceptualiser le travail, cette notion aux contours si vastes. Elle nous a

également fourni uneméthode d’étude du travail. Cette dette envers l’ergonomie

confortelanécessitédefairedialoguercettedisciplineavec,enparticulier,lecontrôle

degestion. Si cette thèseet les travauxpionniersdontellehériteparticipentde ce

dialogue,bonnombredemodalitésdecedialoguerestentàconstruire.

La thématique de la performance du travail qui s’ancre dans des problèmes

opérationnelsavaitjusque-làrencontrépeud’attentiondanslalittératureencontrôle

degestion.Al’issuedecettethèse,nouspensonsavoirmontrél’intérêtdes’intéresser

aux contributions du travail à la performance organisationnelle dans le champ du

contrôledegestion.Nousrestonstoutefoisassezsurprisquelerôledutravaildansla

performanceorganisationnelleaitétérelativementpeupenséencontrôledegestion.

A l’instarde lacritiquequeVatin(2008)adresseà lasociologiedutravail, lecontrôle

de gestion a peut-être fait momentanément «l’impasse sur l’analyse du contenu

mêmedu travail,quin’estsaisiqueparsonstatutsocio-juridique,par lesystèmede

droits et de contraintes qu’il génère.» (p. 179).Nous espérons avoirmodestement

contribuéàsortirdecetteimpasseenouvrantàlapossibilitédefuturesrecherchessur

laperformancedutravail.

Page 336: Le travail dans la performance organisationnelle

335

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ANNEXES

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ANNEXE1:Guided’entretienV1

1.� INTRODUCTION «Présenter svp votre entreprise, votre service/direction et votrefonction?»

1.1.�Décriresvpvotrefonction1.2.�Depuiscombiendetempsl’occupez-vous?1.3.� Combiendepersonnesencadrez-vous?1.4.�Quelleestlaplacedevotreservice,votredirectiondansl’organigramme?

1.4.1.�Quellesensontlesmissions?1.5.�Quelestl’effectifdevotreentreprise?devotredirection?

2.� SURLESINDICATEURS2.1.�Quelssontlesindicateursutilisésdansvotredirection,service?

2.1.1.�Pourlereporting?pourvous?2.1.2.�Quelleestlafréquencededocumentation?2.1.3.�Aquelle(s)occasion(s)servent-ils?

2.2.� Votreentreprisefixe-t-elledesobjectifsannuels?pluriannuels?2.2.1.�Quels indicateursmesurent laprogressionde cesobjectifsauniveaude

l’entreprise?2.2.2.�Dansvotredirection,dansvotreservice?

3.� LESINDICATEURSDEMESUREDUTRAVAIL3.1.�Quelsindicateursmesurentletravail?

3.1.1.�Dansquellescirconstancessont-ilsutilisés?3.1.2.�Parquisont-ilsutilisés?3.1.3.�Pourquoi/Pourquoisont-ceceux-ciquisontutilisés?3.1.4.�Commentsont-ilsconstruits?3.1.5.�Pourquelle(s)catégorie(s)desalariéssont-ilsutilisés?pourquoi?

3.2.� Etes-voussatisfaitsdecesindicateurs?3.2.1.�pourquoi?dansquellemesure?

3.3.� Avez-vousconnudanslepasséd’autresindicateurs?quand?3.3.1.�pourquoiont-ilsétéabandonnés?

3.4.� Avez-vous envisagé de (faire) modifier les indicateurs utilisés? pourquoi?comment?

4.� LEMODELEDEPERFORMANCE4.1.� Commentdéfiniriez-vouslaperformance?

4.1.1.�laperformanceautravail?4.2.� Pour améliorer la performance (au travail), sur quels indicateurs pouvez-vous

influer?4.2.1.�Etdoncsurquelsfacteurs?

5.� LAPLACEDUTRAVAILDANSLEMODELEDEPERFORMANCE5.1.�Quelleaétél’évolutiondeseffectifscesXdernièresannées?(tousstatuts)5.2.� Etes-vousàl’optimum?

5.2.1.�quelssontlesgainsattendus,envisageables?àquelleséchéances?5.2.2.�Quelssontlesélémentsd’incertitudepourl’atteintedecesobjectifs?

5.2.2.1.� Enquoicelainflue-t-ilsurlesindicateurs?

Page 346: Le travail dans la performance organisationnelle

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5.3.� Votreentreprisevoit-elledansletravailuncoût?pourquoi?5.3.1.�Cherche-t-elleàleréduire?

5.4.� Avez-vous réalisé / projetez-vous de réaliser des embauches? combien? quelsstatuts?5.4.1.�quellesétaient/sontlesmotivations?5.4.2.�Comment ces embauches ont-elle influé / influeraient sur la

performance?lesindicateurs?

CONCLUSION:Jevousremerciedutempsquevousm’avezconsacré.Puis-jemepermettrede

vousrecontacterparlasuitepourdeséclaircissements?