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LE SORT DES BANQUES ISLAMIQUES : DE LA DIFFICULTÉ DE SATISFAIRE DES OBJECTIFS MULTIPLES GeneviĂšve Causse Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion » 2012/3 n° 255-256 | pages 111 Ă  121 ISSN 1160-7742 ISBN 9782916490342 DOI 10.3917/rsg.255.0111 Article disponible en ligne Ă  l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2012-3-page-111.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution Ă©lectronique Cairn.info pour Direction et Gestion. © Direction et Gestion. Tous droits rĂ©servĂ©s pour tous pays. La reproduction ou reprĂ©sentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisĂ©e que dans les limites des conditions gĂ©nĂ©rales d'utilisation du site ou, le cas Ă©chĂ©ant, des conditions gĂ©nĂ©rales de la licence souscrite par votre Ă©tablissement. Toute autre reproduction ou reprĂ©sentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque maniĂšre que ce soit, est interdite sauf accord prĂ©alable et Ă©crit de l'Ă©diteur, en dehors des cas prĂ©vus par la lĂ©gislation en vigueur en France. Il est prĂ©cisĂ© que son stockage dans une base de donnĂ©es est Ă©galement interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Direction et Gestion | TĂ©lĂ©chargĂ© le 21/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © Direction et Gestion | TĂ©lĂ©chargĂ© le 21/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

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LE SORT DES BANQUES ISLAMIQUES : DE LA DIFFICULTÉ DESATISFAIRE DES OBJECTIFS MULTIPLES

GeneviĂšve Causse

Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion »

2012/3 n° 255-256 | pages 111 à 121 ISSN 1160-7742ISBN 9782916490342DOI 10.3917/rsg.255.0111

Article disponible en ligne Ă  l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2012-3-page-111.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Le sort des banques islamiques :De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples

par GeneviĂšve Causse

GeneviÚve CAUSSEProfesseur émérite,

Université Paris-Est et ESCP-EuropeFrance

Le systĂšme financier conventionnel1 est le fruit d’une assez longue maturation. En effet, c’est sous la rĂ©gence de Louis XV qu’est crĂ©Ă©e la premiĂšre banque2 et c’est sous

NapolĂ©on Bonaparte, en 1800 qu’elle deviendra la Banque de France. Puis, l’annĂ©e suivante est crĂ©Ă©e la Bourse de Paris, Ă  peu prĂšs en mĂȘme temps que les Bourses de Londres et de New York. C’est Ă  cette Ă©poque que l’on peut commencer Ă  parler de rĂ©gulation nationale, elle deviendra internationale lors des accords de Bretton Woods en 1944, abandonnĂ©s en 1976. Depuis, surtout dans les pĂ©riodes de crise, le groupement des pays industrialisĂ©s tente de mettre en place de nouvelles rĂšgles prudentielles afin de sĂ©curiser le systĂšme.Les opĂ©rations purement financiĂšres sont cependant bien antĂ©rieures Ă  la crĂ©ation d’un systĂšme financier formel. Elles pouvaient avoir lieu grĂące Ă  la pratique de l’intĂ©rĂȘt qui a donnĂ© lieu Ă  beaucoup de dĂ©bats. Sous l’AntiquitĂ©, au Proche-Orient (Babylone, Égypte
) le prĂȘt Ă  intĂ©rĂȘt est largement pratiquĂ©, Ă©galement par la suite en GrĂšce et Ă  Rome, mĂȘme si des philosophes, comme Aristote, Ă©taient rĂ©solument contre. Seul le peuple d’IsraĂ«l n’admet pas cette pratique. Les ChrĂ©tiens reprendront Ă  leur compte la prohibition judaĂŻque3. On assiste alors, pendant plusieurs siĂšcles, Ă  une controverse au sujet de l’intĂ©rĂȘt, dont les acteurs sont l’Église et les royautĂ©s, jusqu’à ce que la diffĂ©renciation soit faite entre intĂ©rĂȘt et usure et que la pratique de l’intĂ©rĂȘt devienne une Ă©vidence. Elle permet les

1. Nous entendons par systĂšme financier tout ce qui permet de mettre en relation les agents Ă©conomiques, les uns dĂ©tenteurs de capitaux, les autres, utilisateurs de capitaux, les Ă©changes financiers pouvant se faire directement sur des marchĂ©s (formels ou informels) ou par l’intermĂ©diaire d’établissements financiers. Le systĂšme est dit « conventionnel » par diffĂ©rence avec le systĂšme islamique.2. C’est en 1716 que Law, venu d’Angleterre, est autorisĂ© de crĂ©er la premiĂšre banque privĂ©e.3. Le Concile de NicĂ©e (325) qui prohibe l’intĂ©rĂȘt sera repris plus tard par Charlemagne (789), puis par le Concile de Latran en 1179 (non seulement les usuriers Ă©taient excommuniĂ©s mais ils Ă©taient privĂ©s de sĂ©pulture).

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mouvements de capitaux et le rĂ©approvisionnement des banques, elle est un instrument de la politique monĂ©taire.Le systĂšme financier ainsi forgĂ© au cours du temps avec ses Ă©tablissements, ses autoritĂ©s de rĂ©gulation, sa rĂ©glementation, ses techniques et ses modes de fonctionnement est devenu universel. Il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme tel jusqu’au jour oĂč une autre finance, la finance islamique, qui ne fonctionne pas selon les mĂȘmes rĂšgles, a Ă©mergĂ©. On se pose alors des questions : un systĂšme financier dual est-il possible ? Le nouveau systĂšme est-il destinĂ© Ă  s’intĂ©grer dans le systĂšme existant ? Ce sont des questions qui sont d’autant plus d’actualitĂ© que le systĂšme conventionnel, suite aux crises financiĂšres successives, fait l’objet de nombreuses critiques. « Jamais la sphĂšre financiĂšre n’a paru – Ă  tort ou Ă  raison – fonctionner autant que pour elle-mĂȘme, en totale dĂ©connexion avec le monde dit ‘rĂ©el’, celui des entreprises » (M. Albouy, 2010). Selon P. Moreau Defarges (2005), les flux financiers sont actuellement 40 Ă  50 fois supĂ©rieurs aux flux de biens et de services. Face Ă  cela, les principes et les modes de fonctionnement du systĂšme financier islamique sont prĂ©sentĂ©s comme une panacĂ©e. De plus, l’esprit d’équitĂ© et de justice inhĂ©rent au systĂšme financier islamique, totalement absent du systĂšme conventionnel, le font apparaĂźtre comme de nature Ă  moraliser l’activitĂ© Ă©conomique.

1. Les fondements du systĂšme financier islamique (SFI)

La finance islamique est souvent prĂ©sentĂ©e comme un ensemble de quelques techniques permettant d’exercer une activitĂ© bancaire sans taux d’intĂ©rĂȘt. En rĂ©alitĂ©, elle constitue un systĂšme financier Ă  part entiĂšre, s’appuyant sur une thĂ©orie Ă©conomique, elle-mĂȘme construite sur les principes et rĂšgles de la charia. La sphĂšre Ă©conomique n’est pas considĂ©rĂ©e comme une sphĂšre autonome « dĂ©sencastrĂ©e »4 de la vie en sociĂ©tĂ©.

1.1. Les dimensions religieuse, politique, Ă©conomique et sociale du systĂšme

Dans le monde occidental, la dimension Ă©conomique est dĂ©sor-mais sĂ©parĂ©e du religieux. Par contre, dans les pays d’Islam, les domaines ne sont pas sĂ©parĂ©s et la suprĂ©matie est donnĂ©e Ă  la religion. Les auteurs qui se sont penchĂ©s sur l’économie et la sociologie de l’Islam sont unanimes :

4. Nous reprenons l’expression du sociologue K. Polanyi (1983), une Ă©conomie « dĂ©sencastrĂ©e » est celle qui est libĂ©rĂ©e des rĂ©gulations sociales qui existaient dans les systĂšmes Ă©conomiques anciens, antĂ©rieurs Ă  l’économie de marchĂ©.

– L’Islam « ne reconnaĂźt pas Ă  l’économie un statut autonome : celle-ci s’inscrit dans la vie sociale dans son ensemble. L’économie est ‘encastrĂ©e’ dans les relations sociales » (ChapelliĂšre, 2009)5 ;– « L’Islam est Ă  la fois rĂšgle de vie pratique et morale supĂ©rieure. Les deux aspects sont indissolublement liĂ©s. Il en rĂ©sulte qu’une Ă©conomie « laĂŻque » est difficilement concevable pour les Musulmans » (J. Austruy, 2006) ;– « 
l’Islam impose Ă  la pensĂ©e Ă©conomique des limites relati-vement Ă©troites. De plus, il apparaĂźt comme un systĂšme intĂ©gral au sein duquel les aspects Ă©conomiques, sociaux et politiques sont si imbriquĂ©s qu’ils dĂ©finissent un ordre dans lequel le mode de vie communautaire et les comportements individuels sont dĂ©finis jusque dans leurs moindres dĂ©tails » (G. Ghaussy, in G. BeaugĂ©, 2001).Selon cet auteur, l’imbrication des diffĂ©rents aspects explique l’absence, jusqu’à ces derniĂšres annĂ©es, d’une rĂ©flexion vĂ©ritable-ment scientifique sur l’ordre Ă©conomique islamique qui pourrait constituer une troisiĂšme voie, l’Islam ne pouvant s’accommoder ni du capitalisme, ni du communisme6.La dimension politique et idĂ©ologique n’est pas absente du mouvement de rĂ©surgence de la finance islamique. Les banques islamiques (BI) sont actuellement les seules traductions concrĂštes importantes de l’économie islamique7 et l’on attend d’elles, plus ou moins consciemment, le renforcement de la solidaritĂ© collec-tive, la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© musulmane juste, voire l’intĂ©gration Ă©conomique des pays8. Pour beaucoup de musulmans, ceux qui sont restĂ©s dans les pays anciennement colonisĂ©s et ceux qui ont quittĂ© leur pays, cette dimension fait apparaĂźtre la finance islamique comme une affirmation de leur identitĂ©.En consĂ©quence, la finance islamique est un domaine complexe qui ne peut ĂȘtre examinĂ© directement et uniquement dans ses dimensions techniques9. L. Siagh (2001) qualifie l’environne-ment particulier de la banque islamique de « milieu de culture intense », c’est-Ă -dire qu’elle se trouve « dans un contexte oĂč elle interagit avec deux types d’environnement caractĂ©risĂ©s par des dimensions diffĂ©rentes : l’environnement structurel et l’environ-nement intangible ». L’environnement structurel est celui auquel on fait rĂ©fĂ©rence habituellement10, il est source d’opportunitĂ©s et de menaces, gĂ©nĂ©rateur de contraintes sur lesquelles on peut Ă©ventuellement agir. L’environnement intangible est celui « dont les principales dimensions relĂšvent du domaine des idĂ©es
 C’est tout le systĂšme idĂ©ologique, religieux ou dogmatique, le systĂšme

5. p. 21, cet auteur souligne que dans l’ouvrage Towzih ol masñ’el (L’explication des problĂšmes) de l’imam Khomeiny « le terme Ă©conomie n’apparaĂźt pas, le chapitre ‘vendre et acheter’ suit celui concernant le pĂšlerinage et prĂ©sente les questions Ă©conomiques comme des actes individuels sans spĂ©cificitĂ© qui doivent se conformer Ă  la morale ».6. Dans son ouvrage « Islam et dĂ©veloppement » (2006), J. Austruy dĂ©montre l’inadaptation de l’islam aux modĂšles occidentaux de croissance Ă©conomique, qu’il s’agisse du capitalisme ou du marxisme.7. On peut y ajouter depuis peu les compagnies d’assurances.8. Le rĂȘve de l’intĂ©gration politique, chĂšre au panarabisme, n’ayant pas abouti.9. Ainsi la rĂ©fĂ©rence au Coran est souvent nĂ©cessaire car il reprĂ©sente la charte de la vie en communautĂ©, c’est-Ă -dire l’équivalent de l’ensemble de nos codes (civil, pĂ©nal, de commerce).10. Il comprend les parties prenantes au fonctionnement des organisations (clients, fournisseurs, concurrents, syndicats, organismes de rĂ©gulation
) ainsi que le contexte Ă©conomique.

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juridique, culturel et social ». Il renferme donc des composantes sur lesquelles on ne peut pas agir.

1.2. La théorie économique islamique

La thĂ©orie Ă©conomique islamique Ă©mane de la charia (Coran, Sunna et Fiqh) 11 qui constitue la loi islamique. Les particularitĂ©s du systĂšme Ă©conomique et social islamique peuvent se rĂ©sumer ainsi : le principe de « lieutenance » ou gĂ©rance des biens, l’éthique du travail, l’esprit communautaire et la solidaritĂ©, la neutralitĂ© du temps et le rĂŽle de l’argent.Le principe de lieutenance ou de gĂ©rance des biens.Selon ce principe, l’individu est le « lieutenant » de Dieu sur terre12. La propriĂ©tĂ© absolue, telle que nous la connaissons en Occident n’existe pas. « Aucune propriĂ©tĂ© n’est le bien exclusif voire mĂȘme rĂ©el de son possesseur. Le vĂ©ritable propriĂ©taire c’est Dieu qui la laisse Ă  l’homme son vice-gĂ©rant sur la terre qui doit la faire fructifier » (L. Siagh, 2001).Cette notion de propriĂ©tĂ© non exclusive ne porte pas prĂ©judice Ă  la libertĂ© et Ă  la responsabilitĂ© individuelle mais conduit Ă  une forme plutĂŽt sociĂ©tale de la propriĂ©tĂ© qui est de nature Ă  Ă©viter certains abus comme : la concentration et/ou l’accumulation du capital, le gaspillage de la richesse, la thĂ©saurisation.

L’éthique du travailUne place importante est accordĂ©e au travail qui est recommandĂ©, c’est une obligation et une responsabilitĂ©. Il est considĂ©rĂ©, au point de vue Ă©conomique, comme le facteur de production important qui, Ă  ce titre, mĂ©rite la rĂ©munĂ©ration qui en rĂ©sulte. Les dĂ©terminants de la croissance Ă©conomique sont l’effort et la conquĂȘte du progrĂšs13. L’homme ne sait pas Ă  l’avance ce que Dieu lui a prĂ©destinĂ© mais le renouvellement de l’effort ne va pas Ă  l’encontre de la volontĂ© divine.

Esprit communautaire et solidaritĂ©Dans le monde occidental, au cours du temps, sous l’effet de diffĂ©rents facteurs (le capitalisme, l’éthique protestante, l’urba-nisation
), l’individualisme est devenu l’une des composantes de la vie Ă©conomique et sociale. Dans le monde musulman, le collectivisme prĂ©domine. Il se traduit par une forte prĂ©gnance du groupe d’appartenance sur les comportements. Comme dans les

11. La Sunna est l’ensemble des actes et paroles du prophĂšte tels que rapportĂ©s par ses compagnons. Le Fiqh est la jurisprudence.12. « C’est Lui qui vous a dĂ©signĂ© gĂ©rants de la terre
 » (S. 6, V. 165). « 
 faites largesses sur ce en quoi il vous a dĂ©signĂ©s lieutenants. » (S. 57, V. 7).13. « 
en vĂ©ritĂ©, l’homme n’a rien que ce Ă  quoi il s’efforce, et que son effort, en vĂ©ritĂ©, on va le (lui) faire voir bientĂŽt
 » (S.53, V. 39 et 40).

autres religions monothĂ©istes, la solidaritĂ© et la justice sociale sont des valeurs privilĂ©giĂ©es dans l’Islam14.

La neutralitĂ© du tempsÀ l’instar du Christianisme et de la philosophie d’Aristote, l’Islam considĂšre que le temps est une crĂ©ation de Dieu et lui appartient ; en consĂ©quence il ne peut faire l’objet d’aucune transaction commerciale. Sans l’intervention du travail, toute opĂ©ration ou rĂ©munĂ©ration basĂ©e uniquement sur le temps est illicite. Le temps est assimilĂ© Ă  la vie. NĂ©gocier Ă  propos du temps, c’est nĂ©gocier sur la vie, c’est prendre la vie de l’autre, d’oĂč l’interdiction de l’intĂ©rĂȘt basĂ© sur le temps.

Le rĂŽle de l’argentLa richesse et l’argent ont toujours Ă©tĂ© des tabous dans les religions15. La particularitĂ© dans l’Islam est que l’argent ne peut ĂȘtre un objet qui se vend ou se loue car il n’a pas de valeur en soi. C’est seulement un outil de mesure, d’échange et de rĂ©serve de valeur. Aucun contrat n’est lĂ©gitime s’il permet Ă  l’argent de crĂ©er de l’argent sans l’association du capital physique et du travail dans une activitĂ© productive.

1.3. Les principes de base de la finance islamique

L’activitĂ© financiĂšre islamique s’est dĂ©veloppĂ©e en faisant revivre les produits anciens et en crĂ©ant de nouveaux produits. Lors de ces innovations, la contrainte a Ă©tĂ© d’éviter les interdictions dĂ©coulant de la thĂ©orie Ă©conomique et sociale islamique. On dĂ©nombre en gĂ©nĂ©ral les cinq interdictions suivantes : interdic-tion de l’intĂ©rĂȘt (riba), du gharar (incertitude, tromperie, risque), de la thĂ©saurisation, de la spĂ©culation (maysir), et des activitĂ©s dĂ©clarĂ©es illicites. En dehors de ces interdictions, on peut donc considĂ©rer que tout est permis.

14. « 
 entraidez-vous dans la charitĂ© et la piĂ©té  » (S.5, V.2). « Oui, ceux qui ont cru et fait Ɠuvres bonnes et Ă©tabli l’Office et acquittĂ© l’impĂŽt, leur rĂ©compense Ă  eux est auprĂšs de leur seigneur. Et pas de crainte sur eux ; et point ne seront affligĂ©s. » (S.2, V.277). Ce dernier verset montre qu’il existe un impĂŽt (la zakat) distinct de l’aumĂŽne ou charitĂ©, il montre Ă©galement qu’il y a coordination entre le spirituel et le temporel : payer l’impĂŽt est considĂ©rĂ© comme vĂ©nĂ©rer Dieu aussi bien que prier.15. De nombreux passages de l’ancien testament et du nouveau testament le prouvent, ainsi : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Évangile de Mathieu : 6, 24). Les versets 1 Ă  4 de la sourate 104 du Coran sont clairs sur ce point : « Malheur Ă  tout sĂ©ducteur blĂąmeur, qui amasse une fortune et la dĂ©nombre, comptant que sa fortune l’immortalisera ! Non, non ! TrĂšs certainement il sera
 jetĂ© dans la Homatah (l’un des enfers) ».Dans le Protestantisme le rapport Ă  l’argent est diffĂ©rent, comme le souligne D. de Courcelles (2008) citĂ© par J.-P. LaramĂ©e (2008), on prĂ©fĂšre alors se rĂ©fĂ©rer Ă  la parole suivante de l’Évangile « Seigneur, tu m’as confiĂ© cinq talents : voici cinq autres que j’ai gagnĂ©s » (Évangile de Mathieu 25,20). L’enrichissement par le travail est considĂ©rĂ© comme un bienfait de Dieu et ne crĂ©e pas ce senti-ment que l’on peut assimiler Ă  de la honte que l’on perçoit dans la religion catholique.

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L’interdiction de l’intĂ©rĂȘt (riba)16

Elle est souvent prĂ©sentĂ©e comme la caractĂ©ristique essentielle, si ce n’est unique, du systĂšme financier islamique. Le terme riba, qui signifie augmenter, peut ĂȘtre dĂ©fini ainsi : le riba est tout intĂ©rĂȘt stipulĂ© contractuellement, calculĂ© prĂ©alablement sur la base du capital initial prĂȘtĂ© et du temps, convenu sans aucune relation avec les rĂ©sultats Ă©ventuels de l’opĂ©ration financĂ©e. Cette interdiction dĂ©coule du rĂŽle assignĂ© Ă  la monnaie dans le systĂšme Ă©conomique islamique, l’argent, en lui-mĂȘme, est improductif. Il ne peut gĂ©nĂ©rer des revenus du fait de l’écoulement du temps. L’intĂ©rĂȘt est prohibĂ© mais le prĂȘt n’est pas interdit. Il est mĂȘme conseillĂ© dĂšs lors qu’il profite Ă  ceux qui en ont besoin. Les banques islamiques n’étant pas des organisations caritatives, il faut donc trouver un systĂšme de rĂ©munĂ©ration alternatif : c’est le partage des profits et pertes (PPP) rĂ©sultant de l’opĂ©ration de financement. La prohibition de l’intĂ©rĂȘt et le principe PPP vont de pair. Ce dernier apparaĂźt comme une solution alternative Ă  la rĂ©munĂ©ration du prĂȘteur en l’absence de taux d’intĂ©rĂȘt tout Ă  fait conforme aux valeurs du systĂšme Ă©conomique islamique.

L’ interdiction du gharar (incertitude, tromperie, risque, ambiguĂŻtĂ©)C’est un principe tout aussi important mais il diffĂ©rencie moins la finance islamique car il relĂšve davantage des valeurs morales et de l’éthique17. Un commerçant doit Ă©viter des « reprĂ©sentations fausses » de ses marchandises, il doit en rĂ©vĂ©ler ses dĂ©fauts. Un accord qui comporte une part de doute, d’incertitude ou de tromperie n’est pas valable. Ce principe est dĂ©rivĂ© du caractĂšre sacrĂ© des contrats dont l’objectif est de rĂ©duire l’asymĂ©trie d’information et l’incertitude dans les contrats.

L’interdiction de la thĂ©saurisationCette interdiction dĂ©coule directement de la thĂ©orie Ă©conomique : l’individu a l’obligation de faire fructifier ce qu’il possĂšde pour le bien commun18.

16. Cette interdiction n’est pas propre Ă  l’Islam. On la retrouve au cours des siĂšcles dans les diffĂ©rentes religions. Des thĂ©oriciens ont alimentĂ© successi-vement le dĂ©bat sur ce point. Au dĂ©but du xixe siĂšcle, H.Thornton (1802, « An Enquiry into the nature and effects of the paper credit of Great Britain ») dĂ©montre que la limitation du taux d’intĂ©rĂȘt est un facteur d’inflation. J. Bentham (1830), dans « Lettres sur les inconvĂ©nients des lois qui fixent le taux de l’intĂ©rĂȘt de l’argent », met en Ă©vidence les difficultĂ©s de rĂ©glementer en la matiĂšre. Au xxe siĂšcle, J. Keynes (1937, « The General Theory of Employment, Interest and Money ») montre que la satisfaction du dĂ©sir de liquiditĂ© des individus est un obstacle au plein emploi. Il est donc favorable Ă  une rĂ©glementation. Mais les thĂ©ories explicatives de l’attrait pour une consommation immĂ©diate auront raison de ses arguments.17. L’interdiction du gharar pourrait se rapprocher de ce que nous appelons la dĂ©fense du consommateur.18. « De mĂȘme, Ă  ceux qui thĂ©saurisent l’or et l’argent et ne les dĂ©pensent pas dans le sentier de Dieu, eh bien, annonce-leur un chĂątiment douloureux
 GoĂ»tez donc de ce que vous thĂ©saurisez ! » (S.9, V.34 et 35.).

L’interdiction de la spĂ©culation (Maysir)

Il s’agit d’une mise en garde contre le risque. Elle se traduit de diffĂ©rentes maniĂšres : d’une part on ne peut vendre un bien que l’on ne possĂšde pas, d’autre part, toute opĂ©ration doit ĂȘtre adossĂ©e Ă  un actif tangible. Il en rĂ©sulte que les opĂ©rations financiĂšres de couverture (swaps, futures
) sont en principe interdites dans le systĂšme financier islamique19.

Les activitĂ©s et produits illicitesLes activitĂ©s illicites sont dites haram par opposition aux activitĂ©s ou produits hallal. Les principales activitĂ©s et produits illicites sont les suivants :– le commerce dans certains secteurs d’activitĂ© (l’alcool, la viande de porc, les armes, les jeux, la pornographie) et par extension, les opĂ©rations avec les entreprises qui ont des participations ou des relations commerciales avec des entreprises qui font commerce de produits haram ;– les transactions portant sur l’or, l’argent, la monnaie, ceci afin d’éviter la spĂ©culation ;– certains types de contrats, par exemple : les contrats compor-tant une condition suspensive, le rachat Ă  une personne d’un bien qu’on lui a prĂ©cĂ©demment vendu. Ces interdictions ont pour objectif soit d’éviter les litiges Ă©ventuels dans des contrats complexes, soit pour respecter strictement l’interdiction du riba et du gharar.

1.4. Les opérations financiÚres islamiques

Le systĂšme de rĂ©munĂ©ration alternatif Ă  la pratique de l’intĂ©rĂȘt est le partage des profits et pertes (PPP). Dans le systĂšme financier islamique, on a fait revivre des pratiques qui existaient au temps du prophĂšte, pratiques selon lesquelles un individu, dĂ©tenteur de fonds, s’associe avec une autre personne, entre-preneur-commerçant. L’un apporte les fonds, l’autre son activitĂ©. À l’issue de l’opĂ©ration, ils se partagent les bĂ©nĂ©fices qui en rĂ©sultent. Mais la rĂ©surgence des pratiques anciennes dans un contexte tout Ă  fait diffĂ©rent ne suffisait pas pour permettre aux banques islamiques (BI) nouvellement crĂ©Ă©es de survivre et de se dĂ©velopper. En consĂ©quence, on a assistĂ©, lors de la crĂ©ation des BI, Ă  la mise en place de « constructions juridiques », calquĂ©es sur les produits conventionnels et respectant les prĂ©ceptes de la charia. L’intĂ©rĂȘt est alors remplacĂ© par une marge rĂ©munĂ©rant le banquier pour le service rendu. Ainsi deux types d’opĂ©rations

19. Un accord-cadre signĂ© conjointement par l’IIFM (International Islamic Financial Market) et l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) le 1er mars 2010 a cependant admis que les dĂ©rivĂ©s Ă©taient compatibles avec la charia (sous certaines conditions), ce qui Ă©tait inimaginable il y a quelques dĂ©cennies, leur utilisation ne respectant pas l’interdiction du gharar (G. Causse et al., 2010).

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coexistent : les opérations basées sur le PPP et les autres, couramment appelées opérations commerciales20.

1.4.1. Les opĂ©rations basĂ©es sur le PPPOn trouve deux types de contrat possibles : la moudharaba et la moucharaka.La moudharaba est un contrat conclu entre un (ou des) inves-tisseur (s) qui apporte(nt) des fonds, en l’occurrence la banque, et un entrepreneur qui assure le travail nĂ©cessaire et apporte son expertise pour faire fructifier ces fonds. En cas de profit, l’entrepreneur est rĂ©munĂ©rĂ© pour son travail et son expertise, le prĂȘteur pour son apport en capital. La rĂ©munĂ©ration a lieu selon la proportion fixĂ©e dans le contrat. En cas de perte, l’un perd le fruit de son travail et ses frais de gestion, l’autre ses fonds. C’est un contrat utilisĂ© par la banque, en aval, dans ses relations avec ses clients entrepreneurs mais Ă©galement, en amont, avec ses clients dĂ©posants. Ces derniers participent donc au partage des rĂ©sultats de la banque.La moucharaka est une sorte de sociĂ©tĂ© en participation pouvant prendre la forme d’une sociĂ©tĂ© de personnes ou de capitaux. La diffĂ©rence avec la moudharaba est que tous les partenaires peuvent participer Ă  la fois au capital et au travail, ainsi qu’à la gestion. Les BI peuvent donc siĂ©ger au conseil d’administration et exercer leur droit de vote. Les partenaires participent aux profits selon les indications consignĂ©es dans le contrat et aux pertes proportionnellement Ă  leurs apports respectifs dans le capital, sauf si la mauvaise gestion est avĂ©rĂ©e.

1.4.2. Les opĂ©rations « commerciales »Le contrat le plus courant est le contrat mourabaha. C’est une opĂ©ration qui remplace le crĂ©dit acheteur des banques conventionnelles. Il fait intervenir trois acteurs : le client de la banque qui dĂ©sire se procurer des biens, un vendeur et la BI. La banque, sur ordre de son client, achĂšte un bien (marchandises, ou matiĂšres premiĂšres, ou produits semi-finis) et le revend Ă  son client au coĂ»t de revient majorĂ© d’une marge. Le paiement peut ĂȘtre immĂ©diat ou diffĂ©rĂ©. Le client acheteur a connaissance du montant de la marge puisque c’est lui qui a nĂ©gociĂ© le prix avec le fournisseur. Les autres opĂ©rations commerciales sont basĂ©es sur le mĂȘme principe. Les diffĂ©rences ne portent que sur certaines caractĂ©ristiques, par exemple, dans les contrats salam et istina le bien n’existe pas au moment de l’accord. Une autre opĂ©ration que proposent les BI ressemble au crĂ©dit-bail, c’est l’Ijara. La BI achĂšte le bien qu’elle loue ensuite Ă  son client.

20. Dans cet article nous ne faisons pas la diffĂ©rence entre les banques dites de dĂ©tail, spĂ©cialisĂ©es dans les « opĂ©rations commerciales » et les banques dites d’investissement dont les opĂ©rations sont basĂ©es sur le PPP, sĂ©paration prĂ©conisĂ©e par certains auteurs (cf. M. Boudjelal, 2011) qui font preuve de pragmatisme face Ă  la situation actuelle. Nous considĂ©rons que les opĂ©rations commerciales sont certes conformes Ă  la charia mais non en totale adĂ©quation avec l’esprit de la finance islamique. Il est difficile d’admettre qu’un Ă©tablisse-ment qui ne rĂ©alise que des opĂ©rations rĂ©munĂ©rĂ©es par une marge prĂ©dĂ©ter-minĂ©e remplisse totalement sa mission.

Depuis quelques annĂ©es un nouveau produit connaĂźt un dĂ©velop-pement important, ce sont les soukouks. Ce sont des sortes d’obligations Ă©mises par des organismes, notamment les États ou les entreprises, qui ont besoin d’argent. Ce sont plutĂŽt des produits assimilables aux Assets Backed Securities (ABS)21 de la finance conventionnelle car, selon les principes de la charia, la transaction financiĂšre est toujours sous-tendue par un actif. Actuellement les soukouks reprĂ©sentent le produit financier le plus rĂ©pandu. Si, au dĂ©part les Ă©missions Ă©taient essentiellement des Ă©missions souveraines, ces derniĂšres ne reprĂ©sentent plus que 20 % environ du marchĂ© des soukouks.

1.5. La finance islamique et la crise financiĂšre actuelle

Les tenants de la finance islamique n’ont pas manquĂ© de rappeler, Ă  l’occasion de la crise financiĂšre actuelle, les dĂ©rives du systĂšme financier global et de prĂ©ciser que le respect des principes de la finance islamique aurait permis d’éviter la crise des subprimes : « L’ordre Ă©conomique islamique, solution Ă  la dĂ©bĂącle financiĂšre mondiale »22. Il est vrai que le respect strict des modalitĂ©s de fonctionnement des BI leur permet d’éviter les crises du type des subprimes. Tout crĂ©dit repose sur un actif rĂ©el et la spĂ©culation est interdite. La pratique de la titrisation qui consiste Ă  transfĂ©rer le risque d’une crĂ©ance Ă  un investisseur, Ă  l’origine de la crise financiĂšre, est interdite par la rĂ©glementa-tion islamique. La banque peut titriser les actifs qu’elle possĂšde (marchandises, biens, etc.) sous forme de contrats ijara, ou istina
 mais ne peut le faire qu’une fois. En consĂ©quence, elle ne peut possĂ©der des actifs financiers toxiques semblables Ă  ceux qui ont provoquĂ© la crise. Ajoutons que l’interdiction de la spĂ©culation, de l’incertitude, ainsi que la rĂ©munĂ©ration basĂ©e sur la crĂ©ation de richesse rĂ©duisent considĂ©rablement les risques de crĂ©dit.

2. Le développement du systÚme financier islamique

Depuis la crĂ©ation des premiĂšres BI dans la premiĂšre moitiĂ© du siĂšcle dernier, sous l’effet de la conjugaison de plusieurs causes, le systĂšme financier islamique s’est considĂ©rablement dĂ©veloppĂ© malgrĂ© les difficultĂ©s d’insertion dans un systĂšme qui ne fonctionne pas selon les mĂȘmes principes.

21. Que l’on traduit par « Valeurs mobiliĂšres adossĂ©es Ă  un actif »22. Propos d’un thĂ©ologien de l’UniversitĂ© Al Azhar lors d’une confĂ©rence Ă  l’UniversitĂ© du Cachemire intitulĂ©e : « Global Financial Debacle-An Eye-Opener Towards Framing Islamic Economic Order », site http://www.financeislamique-france.fr du 27 octobre 2008.

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2.1. Les premiers Ă©tablissements financiersLes pratiques financiĂšres se basant sur les textes sacrĂ©s existaient au temps du prophĂšte. Elles ont continuĂ© Ă  ĂȘtre utili-sĂ©es par les commerçants depuis des siĂšcles dans les pays musulmans mais parallĂšlement, des banques crĂ©Ă©es selon le modĂšle occidental offraient des produits standards de la finance classique. Ce n’est qu’à partir des annĂ©es 1940 que quelques expĂ©riences d’utilisation des techniques traditionnelles, par des Ă©conomistes et banquiers, ont vu le jour en Malaisie et au Pakistan, puis en Égypte.La crĂ©ation d’une banque d’épargne en Égypte en 1963, par Ahmad Al Naggar est souvent prĂ©sentĂ©e comme le point de dĂ©part du systĂšme. Les fonds rĂ©coltĂ©s par cet organisme Ă©taient destinĂ©s Ă  financer des projets agricoles23. Il attira de nombreux dĂ©positaires mais le succĂšs de cet organisme fut accueilli avec beaucoup de suspicion par les autoritĂ©s Ă©gyptiennes et, en 1972, le gouvernement socialiste du PrĂ©sident Nasser nationalisa cette banque qui devint la Nasser Social Bank. Elle perdit sa spĂ©cificitĂ©.C’est ensuite, dans les annĂ©es 1970, lors de l’augmentation importante du prix du pĂ©trole – il fut multipliĂ© par douze – que le systĂšme financier islamique s’est officiellement dĂ©veloppĂ©. Les dĂ©pĂŽts de fonds s’accumulant dans les pays du Golfe, des Ă©tablissements furent crĂ©Ă©s pour gĂ©rer ces dĂ©pĂŽts selon les principes de la charia. À cĂŽtĂ© du conseil d’administration, un conseil de la charia Ă©tait chargĂ© d’assurer la conformitĂ© de l’activitĂ© de l’établissement aux prĂ©ceptes de l’Islam. Puis, un Ă©vĂ©nement important de l’histoire du systĂšme financier islamique fut la crĂ©ation de la Banque Islamique de DĂ©veloppement en 1975. Son objet est d’ĂȘtre la banque de dĂ©veloppement pour le monde musulman et Ă  ce titre elle participe Ă  de grands projets. C’est durant cette pĂ©riode que des pays, constituĂ©s en rĂ©publiques islamiques, procĂ©dĂšrent Ă  l’islamisation complĂšte de leur systĂšme financier : le Pakistan en 1979, le Soudan et l’Iran en 1983.Dans les annĂ©es 1990, on assiste Ă  un autre Ă©vĂ©nement marquant, l’ouverture de dĂ©partements spĂ©ciaux ou « fenĂȘtres islamiques » par les banques conventionnelles implantĂ©es dans les pays musulmans. L’étape suivante verra l’ouverture de banques et de fenĂȘtres islamiques en dehors du monde musulman Ă  partir de l’an 2000.

2.2. La situation actuelle du systĂšme financier islamique

On assiste actuellement à un développement important du systÚme financier islamique, malgré les obstacles de toute nature freinant son développement.

23. Il est intĂ©ressant de noter que A. Al Naggar avait fait ses Ă©tudes en Allemagne, d’oĂč les similitudes que l’on peut relever entre l’établissement crĂ©Ă© et certains Ă©tablissements allemands comme les Mutuelles de crĂ©dit et les Caisses d’épargne communales (cf. sur ce point « La filiation avec le mouvement des coopĂ©ratives et mutualistes » par G. Naulleau, Chapitre 10 de l’ouvrage « Les capitaux de l’Islam » (coord. par G. BeaugĂ©), CNRS Ă©dition 2001.

2.2.1. Les constats

Jusqu’en 2000, le systĂšme financier islamique Ă©tait plutĂŽt considĂ©rĂ© par le monde de la finance conventionnelle comme une « niche de marchĂ© », Ă  la fois exotique et peu compĂ©titive. On ne lui destinait pas un avenir radieux. Puis vint le 11 septembre 2001 que l’on peut considĂ©rer comme une date charniĂšre, mĂȘme si tous les dĂ©veloppements ultĂ©rieurs du systĂšme ne sont pas la consĂ©quence de ce qui s’est passĂ© ce jour-lĂ . L’évĂ©nement du 11 septembre a Ă©tĂ© un dĂ©clencheur car les ressortissants des pays du Golfe, qui avaient dĂ©posĂ© leurs fonds dans des pays Ă©trangers, craignant le gel de leurs avoirs, les ont en partie rapatriĂ©s. Ce mouvement de fonds a coĂŻncidĂ© avec une augmen-tation du prix du pĂ©trole24 et une augmentation du volume de sa production. L’effet conjuguĂ© de ces Ă©vĂ©nements fut l’accumulation d’une masse de liquiditĂ©s qui a Ă©tĂ© Ă  l’origine du dĂ©veloppement important de la finance islamique.Il est toujours hasardeux d’avancer des chiffres prĂ©cis sur la taille de l’industrie financiĂšre islamique. Le marchĂ© serait actuel-lement de 1000 milliards de $US. L’évolution importante du systĂšme depuis l’an 2000 se traduit notamment par la crĂ©ation de nouveaux produits, par exemple les soukouks, l’ouverture de nouveaux Ă©tablissements, par exemple les banques islamiques crĂ©Ă©es au Royaume-Uni depuis le dĂ©but de la dĂ©cennie, et l’inter-nationalisation de l’activitĂ©, par exemple l’émission de soukouks par un Lander allemand en 2004.Par ailleurs, la crĂ©ation d’organismes nationaux ou internationaux de normalisation, d’harmonisation, de recherche et de formation, favorisent le dĂ©veloppement du systĂšme25.

2.2.2. Les obstacles au développement du systÚme financier islamique

Les institutions financiĂšres islamiques ont Ă  faire face Ă  des difficultĂ©s de diffĂ©rentes natures, essentiellement des problĂšmes d’image et des problĂšmes d’ordre technique.

Les problĂšmes d’imagePour certains, y compris des intellectuels musulmans reconnus, la crĂ©ation de ces banques est une opĂ©ration marketing destinĂ©e Ă  faire vendre des produits financiers classiques, lĂ©gĂšrement modifiĂ©s, pour pouvoir les prĂ©senter comme Ă©tant conformes

24. Le prix a triplĂ© entre 1999 et 2005.25. Parmi ces organismes, citons :l’AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for islamic Financial Institutions) fondĂ©e en 1990, situĂ©e Ă  Bahrein, chargĂ©e d’élaborer les standards et principes en matiĂšre de comptabilitĂ©, d’audit, d’éthique, de gouvernance et de conformitĂ© Ă  la charia ;l’IFSB (Islamic Financial Services Board), crĂ©Ă© en 2002 Ă  Kuala Lumpur, organisme intergouvernemental ayant pour mission d’Ɠuvrer Ă  l’intĂ©gration de la finance islamique dans le systĂšme financier mondial ;l’IIFM (International Islamic Financial Market), situĂ© Ă  Bahrein, crĂ©Ă© par plusieurs banques centrales afin de crĂ©er, de rĂ©guler et de promouvoir les marchĂ©s financiers, en dĂ©veloppant de nouveaux mĂ©canismes financiers compatibles avec la charia.

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Ă  la charia 26. Pour d’autres, les banques islamiques sont perçues comme des Ă©tablissements rĂ©servĂ©s aux musulmans conservateurs. Les rumeurs circulant sur leur implication dans le financement du terrorisme ont conduit Ă  une assimilation entre islamique et islamiste.Par ailleurs, il est reprochĂ© aux banques islamiques de ne pas ĂȘtre suffisamment transparentes. La publication d’informations claires et pertinentes est cependant davantage nĂ©cessaire lorsque l’on se trouve dans le systĂšme de partage des profits et pertes. Les dĂ©posants sont des investisseurs, mais ils n’ont pas le droit d’intervenir dans les dĂ©cisions de la banque, en consĂ©quence, ils doivent pouvoir disposer d’informations sur ce qui est fait de leur argent. Seule la transparence est de nature Ă  faire taire les rumeurs qui ont pu circuler sur l’utilisation des fonds. C’est Ă©galement la transparence et la comparabilitĂ© des informations qui permettront le dĂ©veloppement des marchĂ©s financiers.Enfin, le manque d’uniformisation des produits, dĂ» Ă  l’absence d’autoritĂ© commune pour tous les pays musulmans du monde, isole chaque pays et, Ă  l’intĂ©rieur des pays, chaque Ă©tablisse-ment. Il nuit Ă©galement au dĂ©veloppement des marchĂ©s financiers islamiques.

Les freins juridiques et fiscauxQu’il s’agisse des opĂ©rations financiĂšres basĂ©es sur le PPP ou des opĂ©rations commerciales, la BI est confrontĂ©e Ă  des obstacles qui la pĂ©nalisent par rapport aux banques convention-nelles. Ainsi, du fait de la rĂ©munĂ©ration sous forme de PPP, dans toutes les opĂ©rations rĂ©alisĂ©es sous cette forme (moucharaka, moudharaba) – dĂ©pĂŽts d’investissements, Ă©mission de soukouks – la rĂ©munĂ©ration versĂ©e par la banque est considĂ©rĂ©e comme un dividende et non comme une charge financiĂšre dĂ©ductible fiscalement. Dans les opĂ©rations basĂ©es sur l’achat/vente (du type mourabaha), et de location-vente (ijara wa ikina), la double transaction, achat puis vente, va entraĂźner des risques et des charges fiscales. Ces obstacles juridiques et fiscaux font partie de ce que l’on a appelĂ© en France les « frottements juridiques et fiscaux »27 qu’il convient d’attĂ©nuer ou de supprimer afin d’accueillir la finance islamique28.

L’absence de produits de substitutionÉtant donnĂ© les prohibitions de la finance islamique, notamment du riba, du gharar, du maysir, certaines techniques bancaires ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©es et handicapent les banques islamiques, particuliĂšrement dans les cas suivants :

26. « Les expĂ©riences, les techniques et la terminologie de la finance islamique sont intĂ©grĂ©es dans les grandes banques internationales (HSBC, City Bank
) non pas parce qu’il s’agit d’une solution de remplacement efficace mais parce que le « label » islamique ouvre de nouveaux marchĂ©s » (T. Ramadan (2008), p 315 et s.27. Ce sont les termes de notre ministre de l’Économie, Ch. Lagarde, lors du forum Paris Europlace de juillet 2008.28. En France, les instructions fiscales du 23 juillet 2010 ont considĂ©rable-ment attĂ©nuĂ© ces « frottements ».

– les retards de paiement, des pĂ©nalitĂ©s de retard basĂ©es sur l’intĂ©rĂȘt ne peuvent ĂȘtre prĂ©vues ;– la gestion des liquiditĂ©s, la banque ne dispose pas de moyen de faire fructifier son argent au jour le jour, en cas de pĂ©nurie, elle ne peut se rĂ©approvisionner auprĂšs de la banque centrale ;– la couverture des risques financiers : les produits dĂ©rivĂ©s (les contrats Ă  terme, les swaps et les options) ne sont, en principe pas autorisĂ©s dans la finance islamique car ce sont des instru-ments de couverture mais aussi des instruments de spĂ©culation.Outre ces difficultĂ©s, elles doivent faire face Ă©galement Ă  des problĂšmes plus ou moins spĂ©cifiques et/ou contingents, comme le mode de gouvernance (dĂ» Ă  la prĂ©sence du comitĂ© de la charia) et la pĂ©nurie de personnel qualifiĂ©.

2.3. Les risques spécifiques des BI

Les facteurs suivants accroissent le risque de crĂ©dit des banques islamiques : les modes de financement basĂ©s sur le PPP, l’impos-sibilitĂ© de rĂ©Ă©chelonner les dettes, et la non-disponibilitĂ© des instruments de couverture des risques basĂ©s sur l’intĂ©rĂȘt. Par contre, le fait que les banques islamiques octroient principale-ment des crĂ©dits Ă  court terme, pour financer des biens rĂ©els, joue en leur faveur.En principe, la BI n’est pas soumise au risque de taux dans la mesure oĂč ses transactions ne sont pas basĂ©es sur les taux d’intĂ©rĂȘt. Cependant, dans un objectif de compĂ©titivitĂ©, elles font rĂ©fĂ©rence gĂ©nĂ©ralement au LIBOR (London Interbank Offered Rate) pour fixer leur marge.Comme les banques conventionnelles, les banques islamiques sont sensibles au risque de variation du prix des titres qu’elles dĂ©tiennent mais elles subissent Ă©galement le risque de prix des marchandises, du fait des contrats mourabaha, salam et ijara. Elles sont victimes des variations du prix des marchandises entre la date d’achat de ces biens et la date de revente aux clients.Ces diffĂ©rents risques de marchĂ© se traduisent finalement par un risque de marge dont les consĂ©quences sont particuliĂšre-ment importantes pour les opĂ©rations basĂ©es sur le partage des profits et pertes.Le risque de liquiditĂ© est celui qui menace le plus les banques islamiques. Elles peuvent se trouver dans l’impossibilitĂ© de faire face Ă  une demande massive de retraits de fonds. Ce risque est important pour les BI car la plus grande partie des ressources provient de contrats de court terme, les banques ne peuvent pas se rĂ©approvisionner d’urgence par des crĂ©dits basĂ©s sur l’intĂ©rĂȘt et les marchĂ©s monĂ©taires et interbancaires sont quasiment inexistants.La BI est particuliĂšrement exposĂ©e aux risques opĂ©rationnels, parmi les raisons citons : la non-standardisation de la plupart des produits bancaires, la complexitĂ© de la gestion des produits basĂ©s sur le PPP, l’inexpĂ©rience du personnel des BI, l’inexistence de systĂšmes d’information de gestion et de logiciels adaptĂ©s, le risque de fraude des emprunteurs qui peuvent toujours dissimuler leurs bĂ©nĂ©fices, le « risque commercial translatĂ© » (Hassoune,

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in J.-P. LaramĂ©e, 2008). Ce risque existe lorsqu’une banque n’assure pas une rentabilitĂ© suffisante aux dĂ©tenteurs qui, comparant la rĂ©munĂ©ration des banques islamiques Ă  celle des banques conventionnelles, retirent leurs fonds. Il est gĂ©nĂ©rale-ment couvert par la constitution de rĂ©serves ou de provisions. La banque peut Ă©galement dĂ©cider de rĂ©duire sa marge afin d’assurer une rĂ©munĂ©ration compĂ©titive Ă  ses clients. On assiste alors Ă  une translation de la rĂ©munĂ©ration des actionnaires vers celle des clients.

3. Le systĂšme financier islamique : systĂšme alternatif ou composante du systĂšme global ?

Les dĂ©veloppements prĂ©cĂ©dents ont montrĂ© que le SFI est bien un systĂšme Ă  part entiĂšre. En effet, les BI fonctionnent selon des principes diffĂ©rents de ceux des banques conventionnelles, elles offrent des produits diffĂ©rents, gĂšrent des risques spĂ©cifiques. Des organismes propres, nationaux et internationaux, rĂ©glementent, standardisent et dĂ©veloppent le secteur. Au mĂȘme titre que le systĂšme financier global a connu la lente Ă©volution, rappelĂ©e en introduction, le SFI s’organise et Ă©volue. Ce systĂšme qui Ă©chap-perait aux crises est mĂȘme sĂ©duisant. Quel est son avenir ?

3.1. Les solutions théoriquement envisageables

Si l’on exclut la substitution du systĂšme islamique au systĂšme conventionnel, difficilement envisageable29, deux solutions sont possibles : la coexistence des deux systĂšmes et son intĂ©gration dans le systĂšme conventionnel.Dans la mesure oĂč le systĂšme financier islamique constitue un systĂšme Ă  part entiĂšre, un systĂšme dual est tout Ă  fait envisa-geable. Naturellement de nombreux problĂšmes de rĂ©gulation et d’articulation entre les deux systĂšmes devraient ĂȘtre rĂ©solus30. Mais cette solution dĂ©pend des banques islamiques elles-mĂȘmes, c’est-Ă -dire du statut qu’elles revendiquent. Posons-nous la question de savoir si les BI elles-mĂȘmes se considĂšrent comme des institutions financiĂšres d’un systĂšme alternatif. Pour y rĂ©pondre, examinons la mission des BI et les stratĂ©gies qu’elles mettent en Ɠuvre.

29. La tentation de l’universalisme n’était toutefois pas totalement absente au dĂ©part. Il ne faut pas nĂ©gliger le fait que la finance islamique, faisant partie intĂ©grante de la religion islamique, a les mĂȘmes ambitions que la religion elle-mĂȘme.30. MĂȘme dans les pays de tradition multiculturelle, comme le Liban, qui ont administrativement prĂ©vu la coexistence des deux types d’institutions finan-ciĂšres, tous les problĂšmes ne sont pas rĂ©solus.

3.2. La mission des BILors du congrĂšs international des banques islamiques organisĂ© par l’AIBI (Association Internationale des Banques Islamiques), en 1979, la BI a Ă©tĂ© ainsi dĂ©finie : « La banque islamique est une institution bancaire qui collecte des fonds et les utilise sur la base de la charia islamique, dans le but de fonder une sociĂ©tĂ© solidaire et de rĂ©aliser une certaine justice dans la rĂ©partition des richesses ». Il s’agit donc d’une organisation bancaire, Ă  visĂ©e Ă©conomique, mais qui fonctionne sous diffĂ©rentes contraintes : religieuse, Ă©thique, sociale et sociĂ©tale. La mission assignĂ©e confirme le fait que les BI peuvent vĂ©ritablement ĂȘtre considĂ©-rĂ©es comme une entitĂ© d’un autre systĂšme financier, un systĂšme alternatif relevant davantage de l’économie sociale et solidaire que de l’économie capitaliste.Les banques de l’économie sociale, qui se sont dĂ©veloppĂ©es dans la deuxiĂšme moitiĂ© du xixe siĂšcle pour pallier les insuffisances du systĂšme bancaire de l’époque, avaient une mission tout Ă  fait comparable. La dĂ©finition de la banque populaire par un de ses promoteurs31 traduit bien l’idĂ©ologie qui les animait : « La banque populaire doit ĂȘtre une vaste association qui rapproche dans un sentiment fraternel tous les possesseurs de capitaux et tous les travailleurs honnĂȘtes afin que, par l’union fĂ©conde du capital et du travail, on multiplie d’abord la richesse et qu’ensuite, on en fasse une meilleure rĂ©partition » (A. Gueslin, 2002)32. Il est frappant de constater que, dans cette dĂ©finition, on retrouve les Ă©lĂ©ments fondamentaux que l’on considĂšre comme faisant partie des spĂ©cificitĂ©s de la finance islamique. Autant de principes qui ne sont pas de l’ordre du religieux mais font partie de l’éthique.Les banques ainsi crĂ©Ă©es Ă©taient destinĂ©es aux artisans et petits industriels. Une loi-cadre de 1917 a dĂ©fini leur statut. En 1930 est crĂ©Ă© le CrĂ©dit coopĂ©ratif dont la clientĂšle est composĂ©e de coopĂ©ratives de production et de coopĂ©ratives de distribution. Mais le CrĂ©dit agricole, ainsi que les autres banques du secteur, les banques coopĂ©ratives et mutualistes, pour se dĂ©velopper ou pour survivre, ont ensuite pris le contrĂŽle d’autres banques. De ce fait, la voie alternative qu’elles proposaient, face au secteur capitaliste ultra-libĂ©ral risque dĂ©sormais de disparaĂźtre. Comme l’écrit J.-J. Surzur (2002) : « 
 les Ă©volutions Ă©conomiques, financiĂšres et rĂ©glementaires conjuguĂ©es Ă  des modifications culturelles de la sociĂ©tĂ© se sont imposĂ©es Ă  un secteur dont l’origine n’est pas d’ĂȘtre banquier mais « solidaire ».

31. Il s’agit du PĂšre capucin Ludovic de Besse qui a crĂ©Ă© diverses banques, notamment dans la rĂ©gion de Monceaux-les-Mines.32. Comme l’indique A. Gueslin (2002), ces banques ont trouvĂ© leur inspiration dans les diffĂ©rents courants suivants : le courant proudhonien, basĂ© sur deux principes : crĂ©dit mutuel gratuit et suppression du numĂ©raire, le courant initiĂ© par Herman Schulze en Allemagne qui a abouti Ă  la crĂ©ation des banques coopĂ©ratives (Volksbanken), ou CrĂ©dits populaires reposant sur la garantie solidaire des associĂ©s, le courant chrĂ©tien, basĂ© sur le mutualisme, reprĂ©sentĂ© par le modĂšle Raiffeisen, du nom du philosophe allemand qui a crĂ©Ă© en 1849 une sociĂ©tĂ© de secours aux agriculteurs pauvres afin de les aider Ă  acheter du bĂ©tail, puis a mis en place des caisses de crĂ©dit basĂ©es sur la solidaritĂ© et l’absence de capital social. Ce mouvement se rĂ©pand ensuite en Europe et au QuĂ©bec (les Caisses Desjardins) oĂč il est repris par des penseurs du mouve-ment de l’économie sociale dĂ©sirant Ă©tablir un crĂ©dit mutuel dans leur pays.

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Le maintien des valeurs inhĂ©rentes Ă  ce secteur : solidaritĂ©, dignitĂ©, respect des individus et des valeurs sociales et sociĂ©tales sont autant de dĂ©fis Ă  relever face Ă  un secteur financier mondial dont les principaux acteurs ne s’encombrent pas de valeurs considĂ©rĂ©es comme parasites. Mais la question reste posĂ©e : est-il possible de satisfaire Ă  la fois des objectifs Ă©conomiques et des objectifs d’une autre nature (sociale, sociĂ©tale, Ă©thique, voire religieuse) ?

3.3. La stratégie actuelle des BI

On constate qu’actuellement la stratĂ©gie dominante des BI est de concurrencer les banques conventionnelles, elles ont surtout des activitĂ©s de court terme, les produits spĂ©cifiques ne sont pas dĂ©veloppĂ©s, la stratĂ©gie sociale et sociĂ©tale est peu dĂ©veloppĂ©e, voire absente.

Importance des opĂ©rations commerciales de court termeLes rares statistiques que l’on peut obtenir sur la rĂ©partition des activitĂ©s des banques islamiques montrent que les opĂ©rations sont essentiellement de type mourabaha, c’est-Ă -dire des produits basĂ©s sur les opĂ©rations d’achat-vente ou achat-location avec marge. Certains Ă©tablissements ne proposent mĂȘme que des opĂ©rations de ce type sous forme de crĂ©dit immobilier ou de crĂ©dit voiture. DĂšs la crĂ©ation des BI, on relĂšve dĂ©jĂ  des mises en garde contre cette dĂ©rive. En 1981, au Pakistan, le rapport du Conseil de l’idĂ©ologie islamique sur l’élimination de l’intĂ©rĂȘt fait rĂ©fĂ©rence Ă  un systĂšme alternatif idĂ©al, systĂšme basĂ© sur le PPP et le qard hassan (PrĂȘt sans contrepartie) mais devant difficilement accepter d’autres pratiques. En 1983, M.N. Siddiqi Ă©crit : « Un systĂšme financier construit seulement sur ces modes de financement (Mourabaha, Salam
) peut difficilement prĂ©tendre Ă  une supĂ©rioritĂ© sur la base de l’équitĂ©, de l’efficacitĂ©, de la stabilitĂ© et de la croissance par rapport Ă  un systĂšme conven-tionnel admettant l’intĂ©rĂȘt »33. La concentration de l’activitĂ© sur les opĂ©rations « commerciales » attire d’autant plus les critiques que la marge apparaĂźt comme un substitut d’intĂ©rĂȘt.

Une stratĂ©gie de concurrence avec les banques conventionnellesConcurrencer les banques conventionnelles est un exercice difficile puisque tous les outils financiers existants sont basĂ©s sur l’intĂ©rĂȘt. De plus, les tailles et l’expĂ©rience des Ă©tablisse-ments ne sont pas comparables. On constate cependant que la recherche est au service de cette stratĂ©gie puisqu’elle est orientĂ©e vers la crĂ©ation de produits similaires, de produits permettant d’assurer la couverture des risques financiers, plutĂŽt que sur la recherche de produits distinctifs. On observe un recours impor-

33. Cette remarque conforte notre opinion exprimée dans la note 20 supra.

tant au « principe de nĂ©cessitĂ© » afin de proposer une offre se rapprochant le plus possible de celle du secteur conventionnel, par exemple : le PPP est remplacĂ© par une marge forfaitaire, la marge est fixĂ©e par rĂ©fĂ©rence aux taux d’intĂ©rĂȘt, des seuils d’endettement sont tolĂ©rĂ©s, ainsi que la pratique de l’intĂ©rĂȘt en cas de retard de paiement.

Un ancrage basĂ© essentiellement sur l’absence de taux d’intĂ©rĂȘtC’est le caractĂšre distinctif prĂ©sentĂ© prioritairement, ou considĂ©rĂ© comme essentiel. Ainsi lorsque, en 2002, une fatwa d’un iman de l’UniversitĂ© al-Azhar admit qu’une rĂ©munĂ©ration dĂ©finie au prĂ©alable pour une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e n’était pas interdite par le Coran ou la Sunna, on assista Ă  une levĂ©e de boucliers de la part des promoteurs de la finance islamique qui se sont sentis « menacĂ©s de l’intĂ©rieur ». Or, un mode spĂ©cifique de tarification – marge ou PPP – ne saurait Ă  lui seul caractĂ©riser, ou dĂ©finir, ce qu’est la finance islamique.

La stratĂ©gie sociale et sociĂ©tale fortement en retrait, voire absenteCette stratĂ©gie est au cƓur de la FI (cf. la dĂ©finition de la BI par l’AIBI en 79), le but est en effet « de fonder une Ă©conomie solidaire et de rĂ©aliser une certaine justice dans la rĂ©partition des richesses ». Or cette stratĂ©gie est absente ou non formalisĂ©e, il en est ainsi notamment dans les Ă©tablissements qui se sont spĂ©cialisĂ©s (CrĂ©dit immobilier, par exemple). La gestion de la zakat (aumĂŽne obligatoire dont la collecte et la distribution est en principe assurĂ©e par les BI) est dĂ©laissĂ©e par les grandes BI. Certaines banques s’acquittent de leur mission en gĂ©rant des fonds sociaux ou sponsorisant des projets (sociaux, humani-taires
). Mais ceci n’est pas spĂ©cifique aux BI.Notons Ă©galement que les BI comparent leurs performances financiĂšres Ă  celles des banques conventionnelles, ce qui prouve qu’elles se considĂšrent comme concurrentes et que leur objectif essentiel est la rentabilitĂ©. Les BI devraient davantage ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des banques de l’économie sociale mais, comme ces derniĂšres, elles rencontrent des difficultĂ©s pour se maintenir et se dĂ©velopper en respectant leur idĂ©ologie.Les obstacles rencontrĂ©s par les BI sont nombreux : risques des opĂ©rations participatives, manque de personnel qualifiĂ©, asymĂ©trie d’information, fiscalitĂ© dĂ©favorable, absence de marchĂ© monĂ©taire, etc. Les clients dĂ©posants ne sont d’ailleurs pas plus enclins que les banques Ă  prendre des risques. On comprend dĂšs lors que le calcul de la rĂ©munĂ©ration soit quasiment fixe, et calculĂ© par rĂ©fĂ©rence Ă  celle des banques conventionnelles. Ces raisons sont rĂ©elles et expliquent le faible dĂ©veloppement des opĂ©rations de long terme basĂ©es sur la participation. Ces derniĂšres sont pourtant la spĂ©cificitĂ© de ces banques : elles devraient constituer le cƓur de leur mĂ©tier et pourraient attirer la clientĂšle non musulmane. Il est tout simplement plus rentable et moins risquĂ© d’offrir des produits financiers « conventionnels

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adaptĂ©s ». Mais n’est-ce pas alors une vision trĂšs rĂ©ductrice de la finance islamique ?Les critiques majeures portent sur les stratĂ©gies observĂ©es mais Ă©galement sur la nature mĂȘme de la finance islamique :– « 
avons-nous rĂ©ellement Ă©tabli un systĂšme alternatif ou sommes-nous toujours en train d’imiter le systĂšme conven-tionnel ? »34,– « La banque islamique est-elle vĂ©ritablement islamique ? 
 Elle a rĂ©ussi, au grĂ© d’une ingĂ©nierie financiĂšre complexe, Ă  trouver des produits conformes aux principes de l’Islam pour remplacer les instruments financiers classiques. »35,– « 
 some people argue that the new paradigm may at best be interest free. It can not really called « islamic » in the sense of free from exploitation » (M. Iqbal, 2007).

3.4. L’avenir des BI

L’avenir des BI dĂ©pend des banques elles-mĂȘmes. Comme nous venons de le voir, elles ont une stratĂ©gie de concurrence avec les banques conventionnelles. Dans les pays oĂč le systĂšme financier est entiĂšrement islamisĂ©, les BI n’appliquent pas les rĂšgles de la charia dans leurs transactions avec l’étranger. Quel que soit leur lieu d’implantation36, elles tendent Ă  uniformiser leur offre. Sans doute selon les pays, et selon les courants de pensĂ©e, les comitĂ©s de la charia sont considĂ©rĂ©s comme plus ou moins conciliants37 mais les organismes de normalisation et de standardisation, les rĂ©unions et forums internationaux consacrĂ©s Ă  la finance islamique, ont de plus en plus d’influence.À la lumiĂšre des constats prĂ©cĂ©dents quant Ă  la stratĂ©gie actuelle des BI on peut penser que leur sort est comparable Ă  celui des banques du secteur de l’économie sociale dont elles font partie. Au mĂȘme titre que les banques solidaires ont tendance Ă  ne devenir que des banques, les BI ont tendance Ă  perdre peu Ă  peu leurs spĂ©cificitĂ©s. On assiste Ă  des revirements Ă©tonnants de dĂ©cisions de comitĂ©s de la charia ou d’institutions islamiques quant au caractĂšre licite de certains produits. Ainsi, aprĂšs trois annĂ©es de nĂ©gociation, comme nous l’avons mentionnĂ© plus haut (§ 1.3), l’IIFM (International Islamic Financial Market) a admis que les opĂ©rations de couverture sur les taux ou les devises pouvaient avoir lieu dans le cadre d’un contrat de rĂ©fĂ©rence conforme Ă  la charia38. La dĂ©cision prise va dans le sens de l’évolution. Cet organisme, comme l’IFSB (Islamic Financial Services Board), participe Ă  la stratĂ©gie d’intĂ©gration.Le constat fait actuellement, quant Ă  l’importance des opĂ©rations « commerciales » de financement court terme par rapport aux opĂ©rations basĂ©es sur le PPP, conduira sans doute Ă  admettre

34. A. A Badawi, premier ministre de Malaisie le 12 novembre 2008, sitehttp://www.financeislamiquefrance.fr/archives-actualirĂ©s -internationales.php35. P. Fouet : « Le dĂ©veloppement de la finance islamique vu du Moyen-Orient, Revue Banque et StratĂ©gie n° 253, novembre 2007.36. Pays entiĂ©rement islamisĂ© ou pays oĂč existe un systĂšme dual comme au Liban.37. En Malaisie, les comitĂ©s sont considĂ©rĂ©s comme moins stricts.38. Le Tahawwut MasterAgreement (cf. www.agefi.fr du 3 mars 2010).

qu’il existe deux catĂ©gories d’établissements : d’une part les banques de dĂ©tail, d’autre part les banques d’investissement. Comme le souligne M. Boudjelal (2011) ces derniĂšres seront sans doute peu nombreuses. La finance islamique aura alors perdu une grande partie de son Ăąme. La mission de la BI ne saurait se rĂ©sumer Ă  ĂȘtre « collecteur de marges » dans des opĂ©rations d’achat-vente ?Selon le Cheick Usmani (2004), expert religieux reconnu, « L’Islam Ă©tant une maniĂšre de se comporter dans la vie, il y a deux ensembles de rĂšgles possibles : l’un est basĂ© sur des objectifs idĂ©aux de la charia qui sont applicables dans des conditions normales, le second est basĂ© sur quelques relĂąchements admis dans des situations anormales ». Les BI ont, semble-t-il, face Ă  la difficultĂ© de fonctionner dans un univers « anormal » pour elles, renoncĂ© Ă  appliquer Ă  la lettre leur modĂšle et se permettent des relĂąchements, afin de se maintenir et de se dĂ©velopper. Ce sont ces relĂąchements qui permettront sans doute Ă  la finance islamique de s’intĂ©grer dans le systĂšme global.Remarquons que, dans la plupart des pays, l’ouverture d’une BI est soumise aux mĂȘmes conditions qu’une autre banque. Les BI sont contrĂŽlĂ©es par la banque centrale, par rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©glementation gĂ©nĂ©rale. Ainsi, dans le rapport d’information du SĂ©nat français sur la finance islamique (Rapport Arthuis, 2008, p. 57), bien qu’il soit fait Ă©tat des spĂ©cificitĂ©s de la banque islamique, le CECEI (ComitĂ© des Établissements de CrĂ©dit et des Entreprises d’Investissement) dĂ©clare qu’il « ne saurait dĂ©livrer un ‘agrĂ©ment de banque islamique’, mais bien, dans le cadre des diffĂ©rentes catĂ©gories d’établissements bancaires, un agrĂ©ment de banque – tout simplement – Ă  un Ă©tablissement ayant pour projet, d’une part de recueillir des fonds du public et, d’autre part, de distribuer des produits bancaires et financiers pouvant prĂ©senter des caractĂ©ristiques justifiant qu’on les dise par ailleurs ‘islamiques’ ». Dans ce mĂȘme rapport (p. 49), il est fait rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©glementation au Royaume-Uni. Dans ce pays, « Il appartient aux institutions bancaires ou aux cocontractants revendiquant leur respect des rĂšgles de la charia de faire leur affaire de cette dĂ©termination. Par consĂ©quent, la charge pĂšse sur eux de dĂ©montrer qu’ils vendent des produits conformes aux principes de la finance islamique ». M. Ainley (2007) de la FSA (Financial Services Authority) indique qu’il existe au Royaume-Uni deux modĂšles possibles pour les banques islamiques « le premier consiste Ă  se revendiquer comme pleinement islamique, le second Ă  s’afficher comme la vitrine islamique d’organismes plus traditionnels
 la FSA attend des banques islamiques qu’elles se conforment aux mĂȘmes exigences que toute autre banque ». On peut mĂȘme penser que des opĂ©rations, islamiques Ă  la base, prendront la forme de produits « Ă©thiques » et seront distribuĂ©s par le systĂšme bancaire traditionnel dans les pays non musulmans.

Conclusion

La finance islamique a donnĂ© beaucoup d’espoir Ă  certaines catĂ©gories de population : aux musulmans qui veulent agir en

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conformitĂ© avec leur religion, aux petits entrepreneurs qui ont des projets mais ne peuvent les rĂ©aliser faute de financement, mais aussi Ă  ceux qui ont soif d’éthique et se trouvent face Ă  un systĂšme financier qui ne les satisfait plus.Le constat, aprĂšs trente annĂ©es d’existence des BI, conduit Ă  penser que la finance islamique Ă©volue en s’intĂ©grant dans le systĂšme global. EspĂ©rons toutefois que la volontĂ© d’insertion ne les conduira pas Ă  renoncer aux principes de base, ceux qui sont de nature Ă  moraliser le systĂšme tout entier, notamment l’absence de spĂ©culation, l’adossement de toute crĂ©ance Ă  un actif rĂ©el et le partage des profits et des risques. L’émergence du systĂšme financier islamique n’aura alors pas Ă©tĂ© inutile. Sans doute les BI n’auront pas rempli totalement la mission qui leur Ă©tĂ© assignĂ©e au dĂ©part mais le fait d’avoir fait resurgir un autre modĂšle de rĂ©fĂ©rence est un bienfait, surtout dans la pĂ©riode actuelle de remise en cause du systĂšme dominant.

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