le palais des papes

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Nathalie Cimino Bi licence Droit histoire des arts Exposé Trecento 9 janvier 2006 Matteo Giovannetti L’Ordination de saint Aurélien Avignon, Palais des Papes, Chapelle Saint Martial

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Page 1: Le Palais Des Papes

Nathalie Cimino Bi licence Droit histoire des arts

Exposé Trecento9 janvier 2006

Matteo Giovannetti

L’Ordination de saint AurélienAvignon, Palais des Papes, Chapelle Saint Martial

Page 2: Le Palais Des Papes

Sommaire

Introduction

Première Partie   : Une fresque qui s’inscrit dans un complexe dédié à

Saint Martial

A) L’ ’œuvre parmi les fresques de la chapelle

a) Sens de lecture

b) Le programme iconographique : l’évangélisation de

l’Aquitaine par Martial

B) Etude iconographique de l’œuvre

Deuxième partie   : Une fresque qui témoigne de la virtuosité d’un

artiste novateur

A) Etude stylistique de l’oeuvre

a) Dynamisme et réalisme

b) Couleur

B) Technique, emprunts et recherche de nouveauté

a) technique de la fresque

b) emprunts italiens

c) recherche de nouveauté

Conclusion

Bibliographie

Page 3: Le Palais Des Papes

Introduction

Parmi les fresques de la chapelle saint Martial du Palais des Papes

en Avignon se trouve l’Ordination de saint Aurélien. Il s’agit d’un

exemple de l’influence de l’art italien en France. Oeuvre de Matteo

Giovannetti, peintre de Viterbe, les décorations de la chapelle saint

Martial sont exécutées entre octobre 1344

et la fin de l’été 1345. Un document daté du

3 janvier 1346 précise le paiement de ces

fresques ainsi que celles, aujourd’hui

disparues de la chapelle saint Michel. Le

caractère exceptionnel du transfert de la

cour papale de Rome en Avignon qui se

produit au début du XIVème siècle est du à l’insurrection romaine et aux

guerres insatiables entre Guelfes et Gibelins. C’est cette présence du

pape en Avignon qui justifie la présence d’un chantier de fresques au

delà des Alpes et le fait que le chantier soit confié à un artiste italien ne

saurait être anodin.

En 1309, le pape Clément V choisit Avignon comme résidence car

cette ville appartenait aux comtes de Provence, vassaux de l'Eglise en

tant que rois de Naples. Elle était limitrophe

du Comtat Venaissin, propriété pontificale

depuis 1274, et jouissait d'une paix profonde.

De plus, sa position géographique au

confluent du Rhône et de la Durance faisait

d'elle un carrefour propice aux échanges

internationaux. L'installation de la cour

pontificale à Avignon qu'on pensait

temporaire, dura en réalité tout le XIVe siècle.

Page 4: Le Palais Des Papes

Le palais des Papes fut conçu par ses commanditaires et leurs

maîtres d’oeuvres pour de grandes cérémonies religieuses. De

nombreuses chapelles sont construites au palais. La chapelle saint

Martial se situe au deuxième étage de la tour des chapelles. Elle est

superposée à la chapelle saint Jean. Le programme iconographique de

cette chapelle est d’ailleurs exécuté lui aussi par Giovannetti quelques

temps après le décors de la chapelle saint Martial.

Matteo Giovannetti est un peintre Viterbois, les plus anciens

documents qui le concernent (1322) le disent prêtre. Plus tard il

devient chanoine de Viterbe. Son activité de peintre avant le chantier

avignonnais est mal connue mais dès l’été 1343 à son arrivée en

Avignon, il porte le titre de maître et reçoit un salaire élevé : 10 sous la

canne (2 mètres carré) alors que le prix

général de l’époque était de 4 sous la

canne. En 1346, il devient le peintre

officiel du palais des Papes. Il

travaillera sur divers chantiers

monumentaux tels que Villeneuve les

Avignon, résidence d’été du Pape.

Il accompagne le pape Urbain V lors de son retour à Rome, au

printemps 1367, et quelques mois plus tard il travaille aux peintures du

Palais du Vatican. La trace de Matteo Giovannetti est perdue après

janvier 1368. Beaucoup de son travail disparut ou fut altéré. L’état de

conservation des fresques de la chapelle saint Martial est très mauvais.

Page 5: Le Palais Des Papes
Page 6: Le Palais Des Papes

Première Partie   : Une fresque qui s’inscrit dans un complexe dédié à

Saint Martial

A) l’œuvre parmi les fresques de la chapelle

L’Ordination de saint Aurélien constitue la

27ème des 33 scènes de la chapelle Saint Martial.

Cette fresque se situe au niveau du registre

médian (Cf. annexe 1 pour une vision détaillée

des fresques) en bleu sur le plan. Sur la partie

gauche de la paroi nord. Elle partage ce mur avec

une fresque représentant Les églises fondées en

gaule par saint Martial.

a) sens de lecture

Les premières scènes du récit se situent à la voûte, ensuite le récit

se poursuit au registre supérieur des parois, puis au registre médian.

Tout est imaginé pour que le spectateur suive le fil chronologique de la

vie de saint Martial. La partie inférieure des murs, au dessus du sol, est

constituée d’un banc en pierre polychrome au dossier surmonté d’une

arcature, peinte en trompe-l’oeil. Giovannetti a utilisé à Saint Martial un

système ingénieux de numérotation des fresques : une lettre de

l’alphabet de style gothique et peinte de couleur dorée orne le coin de

chaque scène.

Page 7: Le Palais Des Papes

b) Le programme iconographique   : l’évangélisation de

l’Aquitaine par Martial

Le programme iconographique de la chapelle est entièrement

destiné à la vie de saint Martial. Cette dédicace de

la chapelle et le choix du cycle iconographique qui la

décore nous éclaire sur les tendances de la Cour

d’avignon. Toutes les fresques racontent l’histoire et

les miracles de saint Martial. Le pape Clément VI

voulait faire peindre l’histoire et l’évangélisation de

l’Aquitaine par Martial. (annexe 2)

Les raisons de ce choix semblent dues à

plusieurs facteurs. Une vie du saint, écrite vers 800, dans un contexte

carolingien permet d’établir des liens entre le passé impérial et le passé

romain et de rattacher la papauté à l’église apostolique primitive. Vers

848, la communauté des fidèles qui gardait les reliques du saint avait

créé un monastère étendant son importance.

De nombreuses églises sont ainsi édifiées et Martial devient

officiellement un apôtre qui aurait vécu dans la proximité du christ et

qui a reçu directement de lui sa mission. Représenter saint Martial,

considéré comme le saint Pierre de l’Aquitaine permet de lier Avignon à

Rome, de faire du Palais des papes la « nouvelle Rome » après la fuite en

France.

Les vénérables temples ne sont plus les basiliques romaines mais les

églises fondées par saint Martial.

B) Etude iconographique de l’œuvre

Page 8: Le Palais Des Papes

L’inscription qui présente la scène en haut est lacunaire « QVALITER

SANCTUS MARTIALIS ORDINAVIT AVRELIANVM » laisse imaginer le

titre et la présentation de cette ordination.

L’événement décrit par la fresque de l’Ordination de saint Aurélien

correspond au moment où saint Martial choisit l’ancien prêtre païen

Aurélien pour lui succéder sur le

siège épiscopal de Limoges et

l’intronise dans la cathédrale.

Il y a une organisation tripartite

de la scène : la partie

supérieure est composée de 3

croisées d’ogives. Au fond on peut voir le plafond de la nef et les arcs qui

l’ornent.

Au centre se passe l’ordination. De chaque côté, des clercs sont rangés

dans une double fille de stalles, d’autres plus en arrière, assistent à la

cérémonie. Malheureusement

la sauvagerie des iconoclastes

a, comme pour d’autres

fresques causé des

dégradations. La plupart des

figures ne sont plus

identifiables.

Les stalles en bois foncé sont

ornées de losanges, ronds et

étoiles à 6 branches de tailles diverses.

La troisième partie de la fresque est la représentation d’une mosaïque

de pavement comportant deux modèles. Un plus petit et un plus grand,

au fond.

Page 9: Le Palais Des Papes

L’extérieur de la chapelle, représenté brièvement met en valeur un arc

boutant ajouré.

Page 10: Le Palais Des Papes

Partie 2   : Une fresque qui témoigne de la virtuosité d’un artiste

novateur

Malgré les nombreux articles et publications dénigrant le travail

de Giovannetti, les travaux d’Enrico Castelnuovo et les

recherches de Monsieur Labande ont permis d’envisager les

fresques de la chapelle saint Martial comme des trésors de l’art

du trecento en France.

A) Etude stylistique de l’oeuvre

a) dynamisme et réalisme

La scène se passe dans une représentation stylisée de la

cathédrale de Limoges. Une apparente impression de

dynamisme ainsi que la concentration vers un point unique

montre que l’un des premiers soucis de

Giovannetti dans ce travail fut la

perspective. Les recherches d’illusions

spatiales qui sont surtout poussées à

l’intérieur dans toutes les fresques de la

chapelle trouvent du répondant dans

l’Ordination de saint Aurélien. Aussi

Giovannetti emploie des lignes de fuite

qui convergent vers un axe central :

Saint Martial. Un approfondissement complexe de la scène ainsi

que la fuite des carreaux de la mosaïque de pavement confirme

le dynamisme de la pièce et la convergence vers la figure du

Page 11: Le Palais Des Papes

Saint, lequel occupe le centre de la fresque.

La mosaïque semble inviter le public a entrer

dans la scène et donc a partager plus

intensément les émotions des personnages,

la solennité de la scène. L’ouverture de

l’édifice à trois nefs est exploité ici dans un

soucis de réalisme très bien exploité. Cet

intérieur d’église représenté est l’un des plus

typique du gothique spacieux méridional. Le

réalisme est tel que les détails décoratifs et

les figures des personnages sont singulières.

Malgré le foisonnement des personnages, chaque figure traduit

une personnalité. (annexe 3) Matteo Giovannetti fait preuve

d’une réelle avancée par rapport aux artistes de son époque. Il

ne faut pas oublier que la théorie de la perspective n’est pas

encore élaborée quand Giovannetti peint l’Ordination de saint

Aurélien.

b) Couleur

Cette oeuvre est caractérisée par la grande présence de

peinture bleue. Cette couleur rend le fond mystique et fait

ressortir les détails dessinés sur les voûtes, telles des

« constellations graphiques » comme le dit Castelnuovo. On a

l’impression d’être face à un firmament fabuleux d’autant plus

que le doré se lie parfaitement à ce bleu profond et que toutes

les fresques semblent liées par l’unicité de cette couleur.

Il possède aussi le goût pour les accents lumineux comme le

révèle la façon dont il traite la lumière dans la fresque. Le point

Page 12: Le Palais Des Papes

central semble propager la luminosité dans la pièce. Cette

luminosité qui rappelle la lumière divine est inhérente au saint.

B) Technique, emprunts et recherche de nouveauté

a) technique de la fresque

Le travail de la fresque chez Giovannetti est singulier. Il nous

éclaire beaucoup sur les influences de son art.

La fresque est une technique purement italienne. Quelques

italiens avaient déjà réintroduit la fresque dans la capitale

pontificale mais cette technique était mal connue en France.

La technique utilisée par Giovannetti est celle de la vraie

fresque.

Matteo pratique la fresque d'une manière très personnelle : une

"sinopia" faite directement sur le mur,

presque toujours sommaire,

exceptionnellement plus poussée, une seule

couche d'enduit (les traités de l'époque en

recommandent pourtant deux), une quantité

très importante de pastillage et de tracés en creux et enfin un

travail de la brosse qui lui permet d'utiliser la matière même de

la peinture pour rendre certains détails sans les dessiner, par

exemple les plis fins des voiles des femmes ou dans notre

fresque les plis des robes des clercs. La rapidité d'exécution

dont fait preuve Matteo Giovannetti ne l'empêche pas de

multiplier des détails qui, étant donnée la hauteur à laquelle

sont placées les peintures, ne pouvaient être vus d'en bas.

Page 13: Le Palais Des Papes

Certaines parties ont été peinte à secco notamment le bleu qui

ne se pose pas à fresco. Le travail est rehaussé de pâtes et de

feuilles métalliques.

b) emprunts italiens

Les premières décennies du trecento sont marquées en Italie

par la rencontre entre les siennois et les florentins. Dans ce

contexte d’échange Matteo Giovannetti s’ouvre à l’orfèvrerie, à

la sculpture et à l’architecture. Ces éléments qui font toute la

richesse et le caractère unique du travail de Giovannetti se

ressent dans l’Ordination de saint Aurélien.

C’est d’abord ce goût remarquable pour les couleurs vives et

pures tel l’émail et le vitrail des oeuvres d’Ombrie qui est

présent dans la fresque. Ce bleu comme nous l’avons remarqué

précédemment est d’une profondeur

incomparable.

Le goût pour les motifs décoratifs et

répétés se ressent au niveau des

dessins faits sur les voûtes simulées de

la fresque.

De Sienne il emprunte encore ce goût pour le trompe-l’oeil

architectural et un soucis certain de réalisme notamment dans

la représentation de la cathédrale.

Des emprunts italiens on retrouve aussi ce goût pour la

narration sincère, passionnée et populaire.

La tête du clerc précité (annexe 3) est en amende. Ce travail sur

la physionomie est typique des peintres d’Ombrie et du canon

de beauté siennois.

Page 14: Le Palais Des Papes

c) recherche de nouveauté

Le travail de Giovannetti ne s’arrête pas là, il y a dans son

oeuvre une certaine volonté de dépasser ses acquis et de

s’enrichir d’autres expériences. Le peintre participe à des

recherches nouvelles qui, amorcées en Italie, connurent à

Avignon un développement particulier. Ainsi une plus grande

fidélité au réel entraîne un double intérêt : pour le portrait les

visages peints ne sont ni stéréotypés ni idéalisés, par exemple le

clerc qui se trouve en retrait à gauche possède un visage très

réaliste. (annexes 3), les silhouettes participent à

l'individualisation des personnages notamment par le rendu des

vêtements et le drapé.

Le rendu de la troisième dimension a beaucoup intéressé

Matteo Giovannetti ; bien davantage que la plupart de ses

contemporains, il s'y est efforcé au moyen de divers procédés

spatiaux que l’on peut

admirer à Sienne dans

les années 1330 : ici

c’est l’enfilade des trois

croisées d’ogives de la

nef qui donne cette

impression de

perspective et le

quadrillage du pavement

qui crée des lignes de

profondeur vers un seul point de fuite. Giovannetti emprunte

Page 15: Le Palais Des Papes

beaucoup au gothique. Sur cette image nous pouvons admirer

l’arc boutant de la cathédrale.

Page 16: Le Palais Des Papes

Conclusion

Les fresques de la chapelle Saint Martial bénéficient de la

protection au titre des monuments historiques comme

immeubles par destination, leur

présence a constitué un des arguments

en faveur de l’attribution par l’Unesco

du label patrimoine mondial au Palais

en 1995.

Depuis le mois de février 2005 et

sous la direction de l’architecte en chef

des monuments

historiques

Monsieur

Repellin les

fresques de la

chapelle Saint Martial sont en

restauration. C’est une équipe de Padoue Arte e Restauro qui

effectue les travaux. La quantité des altérations et des

disparitions rend très précieuse l’étude des peintures murales

des chapelles du Palais aussi la sauvegarde et la restauration de

ces chefs d’œuvre est indispensable. La fin du chantier est

prévue pour le deuxième semestre 2006. Les restaurateurs ont

d’ailleurs commencé par la paroi et le

voutin ouest, quatre phases de travail

vont ainsi se succéder. La maîtrise

d’ouvrage de cette restauration s’élève

à un montant global de 480.000 euros.

Page 17: Le Palais Des Papes

L’Etat prend en charge 190.000 euros la ville d’Avignon

190.000 euros et la fondation BNP Paribas a apporté son

soutient avec une aide de 100.000 euros. Le contrôle,

scientifique et technique, des restaurations est assuré par le

Ministère de la Culture et de la communication et par la DRAC

de Provence-Alpes-Côte d’Azur (conservation régionale des

Monuments Historiques).

Page 18: Le Palais Des Papes

Bibliographie

Léon-Honoré LABANDE, Le Palais des Papes et les monuments

d'Avignon au XIVème siècle. Marseille, Detaille, 1925.

Enrico CASTELNUOVO, Un peintre italien à la cour d'Avignon.

Paris, G.Monfort, 1996.

Michel LACLOTTE et Dominique THIEBAUT, L'Ecole d'Avignon.

Paris, Flammarion, 1983.

André HALLAYS, Mélanges d’histoire et d’archéologie : les

fresques du palais des papes. 1926.

LEVY et NEURDEIN, Palais des papes collection complète des

fresques.

DUHAMEL, Une visite au palais des papes, Avignon sd.

Et le site internet du Palais des Papes

http://culture.gouv.fr/culture/palais-des-papes/fr/