le neveu de rameau (fiche de lecture) · 2013-08-06 · lepetitlittéraire.fr –fiche de lecture...
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Le Neveu de Rameau
Denis Diderot
Fiche de lectureDocument rédigé par Juline Hombourgerdocteure en littératures francophones
(Université Paris IV – Sorbonne)
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RÉSUMÉ 3
ÉTUDE DES PERSONNAGES 7Le neveu (LUI)
Le philosophe (MOI)
CLÉS DE LECTURE 9De la satura à la satire
Une vision matérialiste
Ironie et dialogue ouvert
PISTES DE RÉFLEXION 11
POUR ALLER PLUS LOIN 12
2Le Neveu de RameauFiche de lecture –LePetitLittéraire.fr –
Denis DiderotÉcrivain, philosophe et encyclopédiste français
• Né en 1713 à Langres• Décédé en 1784 à Paris• Quelques-unes de ses œuvres :
Le Neveu de Rameau (1891), dialogueJacques le Fataliste et son maître (1778), romanParadoxe sur le comédien (1773), essai
Denis Diderot (1713-1784), romancier, dramaturge et cri-tique d’art, est surtout un des penseurs les plus illustres des Lumières. Esprit épris de liberté, son impertinence lui vaut de séjourner pendant quatre mois à la prison de Vincennes. À partir de 1746, il dirige avec d’Alem-bert l’Encyclopédie, qui a pour ambition de présenter des articles abordant l’ensemble des connaissances humaines. Cet ouvrage est couronné d’un véritable succès malgré des difficultés rencontrées à cause de la censure. La tâche énorme que constitue l’entreprise encyclopédique n’empêche pas l’auteur de produire une quantité d’autres œuvres. Ainsi, son travail sur l’esthé-tique et le théâtre a également établi sa renommée, tout comme ses recherches sur la morale et ses nom-breux dialogues philosophiques.
Le Neveu de RameauPlongée dans le XVIIIe siècle
• Genre : roman satirique• Édition de référence : Le Neveu de Rameau, Paris,
GF-Flammarion, 1983, 250 p.• 1re édition : 1891• Thématiques : philosophie, morale, éducation,
bonheur, flatterie, musique
Le Neveu de Rameau, sous-titré Satire seconde, a été écrit entre 1761-62 et 1780. L’œuvre est un dialogue phi-losophique entre MOI, philosophe, et LUI, le neveu de Rameau. Les deux hommes se perdent dans un échange apparemment digressif, mais qui n’en reste pas moins dense et stimulant. En effet, si la question de la morale est au centre du débat, ils sont en désaccord, MOI affir-mant par exemple qu’être moral permet d’accéder au bonheur alors que LUI est convaincu que seul le bon sens, voire l’immoralité, permet d’être gagnant. Le plus grand intérêt de l’œuvre réside dans sa capacité à inter-roger et à remettre en cause. Il est donc impossible de définir qui est le vainqueur de l’échange.
Le personnage du neveu de Rameau est quasiment devenu un personnage-type, celui de l’excentrique génial.
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RÉSUMÉ
L’œuvre n’est ni divisée en parties, ni en chapitres. Toutefois, on reconnait des thèmes organisa-teurs et des interruptions sous forme de pantomimes rythment le dialogue. Dans ces moments-là, LUI interprète des sortes de petits spectacles basés essentiellement sur la gestuelle, le chant et la musique.
INTRODUCTIONLe narrateur (MOI), un philosophe, a l’habitude de se rendre dans le café de la Régence, près de Port-Royal à Paris, pour voir jouer aux échecs. C’est là qu’il rencontre le neveu de Rameau (LUI), un homme qui rassemble toutes les contradictions. MOI le présente comme un être capable aussi bien de finesse d’esprit que de vulgarité, capable d’être, selon les jours, gras ou maigre, en somme, capable d’être l’un et l’autre. Le neveu aborde le philosophe par les mots suivants : « Ah, ah, vous voilà, monsieur le philosophe ; et que faites-vous ici parmi ce tas de fainéants ? est-ce que vous perdez aussi votre temps à pousser le bois ? » (p. 48) Le dialogue débute.
PREMIER THÈME – LE GÉNIEAssez rapidement, le philosophe interroge le neveu sur ses relations avec son oncle. LUI confesse être jaloux du génie de son oncle, qui est compositeur, notamment parce que les hommes de génie ne pensent qu’à eux et ne savent pas être présents pour leurs proches. Dans la bouche de LUI, le génie apparait comme toujours lié à la méchanceté et dangereux pour la société bien qu’il fasse avancer le monde. MOI rétorque qu’il y a des hommes de génie qui étaient de bons hommes (Socrate), mais surtout que la souffrance de quelques personnes vaut largement le bonheur que les hommes de génie apportent aux générations suivantes (Racine). La question reste en suspens : comment juger l’homme de génie ? LUI finit par concéder que malgré tout, il aurait tout donné pour être un des leurs.
DEUXIÈME THÈME – LE PARASITISME SOCIALAprès une pantomime du neveu où il chante des compositions de son oncle tout en l’imitant, les deux hommes reprennent leur conversation. Le neveu se décrit comme un bouffon doué de sottise, de folie, qui a malheureusement été exclu d’une maison dans laquelle il était bien, après avoir fait une remarque trop raisonnable à son hôte. MOI lui conseille de vite retourner amuser ces gens car bien que le neveu en soit certain, il n’est pas irremplaçable. LUI retourne la situa-tion : il a sa dignité et n’ira en aucun cas s’excuser. Il s’en veut de ne pas suffisamment profiter des richesses des autres, de ne pas user davantage de ses talents de gueux afin de s’enrichir. En réaction, MOI le juge plein de bassesse.
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TROISIÈME THÈME – L’ÉDUCATIONLe neveu entame une seconde pantomime où il souhaite montrer au philosophe ses dons musicaux. Il expose ensuite ses méthodes d’éducation, ainsi que les matières à apprendre aux enfants – le chant, la danse, la musique –, alors que le philosophe insiste sur la grammaire, l’histoire et la morale. Le divertissement s’oppose au sérieux. LUI finit par annoncer qu’il n’était pas pire que les autres maitres lorsqu’il enseignait car, ne sachant rien, il était sûr de ne pas transmettre d’erreurs aux enfants. Il se concentrait alors sur de simples bavardages.
QUATRIÈME THÈME – LA MORALELUI développe l’idée selon laquelle les principes moraux changent en fonction des circonstances, mais que l’argent prime toujours car il permet tout. Il ne voit aucun mal à abuser les riches et si lui-même devenait riche, il abuserait de son pouvoir au même titre que les autres.
CINQUIÈME THÈME – LE BONHEURLUI se moque de MOI et de sa morale. Il pense que ce qui rend l’homme heureux, ce n’est ni la défense de la patrie, ni une place dans la société, ni des services rendus à ses amis, ni la pro-tection de sa famille. Le philosophe s’évertue à lui donner des contrexemples, à lui expliquer le bonheur que lui tire à secourir les malheureux. Pour MOI, honnêteté et bonheur ne font qu’un, tandis que le neveu rappelle qu’il est difficile d’être heureux quand on a faim et que les vertueux, à force de réprimer leurs vices, ne peuvent être que malheureux. Il se différencie de ces derniers en assumant son gout pour les plaisirs des sens et en brandissant son absence d’hypocrisie ainsi que son libre-arbitre.
SIXIÈME THÈME – LES PROTECTEURS ET L’ART DE LA FLATTERIELe neveu livre ses connaissances sur l’art d’être un bon flatteur. Auparavant, il trace quelques portraits de protecteurs chez lesquels il a été employé et, par là même, évoque la difficulté qu’il y a à divertir ces tristes gens. Selon lui, ces derniers ne cherchent qu’à être flattés. C’est d’ailleurs un véritable art qu’il maitrise à la perfection. Il faut savoir utiliser les bons masques, les bons tons et les bonnes postures si l’on souhaite trouver du soutien auprès des riches, si l’on veut séduire.
SEPTIÈME THÈME – LA MAISON BERTINLe philosophe conduit le neveu à revenir sur sa vie chez ses protecteurs passés. LUI présente alors tous les gens qui sont venus diner dans la maison Bertin. Il en profite pour se moquer de certains d’entre eux, notamment en ce qui concerne leur prétendue érudition. La discussion dévie sur la lecture. LUI y trouve des attitudes à imiter : il puise dans les livres pour parfaire son rôle de
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bouffon. Il enchaine sur l’attitude à adopter par rapport aux puissants et rebondit sur l’occasion pour raconter à quel point il était content chez ses protecteurs, les Bertin. On l’admirait parce qu’il amusait les gens et on cherchait sa compagnie. Il finit par se demander : qui est réellement vil ?
HUITIÈME THÈME – LE SUBLIMEIls changent brutalement de conversation. LUI constate qu’un grand criminel est plus admiré qu’un petit voleur. Il donne l’exemple du renégat d’Avignon qui s’est joué d’un Juif auquel il a pris tout son argent et qu’il a fini par dénoncer à l’Inquisition. LUI fait remarquer que cette action est tellement abominable qu’elle en devient sublime. Devant tant de franchise, le philosophe se sent mal.
NEUVIÈME THÈME – LA MUSIQUEAprès que le neveu a entonné un chant de triomphe, les deux protagonistes s’interrogent sur le chant. LUI avoue entrevoir une grande force et une grande vérité dans l’œuvre des jeunes musiciens contemporains. S’ensuivent des digressions et des analyses complexes sur la musique. Ces considérations s’achèvent sur une énième pantomime du neveu : il présente et joue de toute sa personne des airs de comédies de Favart et de Duni. À lui seul, il est l’ensemble de l’opéra. Cela donne lieu à une réflexion sur l’art de bien interpréter la musique. Pour finir, le neveu prend explicitement parti pour la musique italienne, contre la musique française, et donc contre son oncle. Ce passage constitue une sorte de réécriture de la querelle des Anciens et des Modernes.
DIXIÈME THÈME – L’INFLUENCE ET L’HÉRÉDITÉMOI s’interroge sur le fait que le neveu réunisse en lui tant de finesse et si peu de vertu. Ce dernier lui répond que c’est sans doute une question d’hérédité. Si l’hérédité/la nature est mauvaise, l’éducation n’y changera que peu de choses selon LUI. On créera simplement un être médiocre, entre deux choses. En termes d’éducation, le neveu veut surtout transmettre à son fils le prix et l’importance de l’or puisque, avec cela, on obtient tout ou, au moins, on se moque de tout. Si le philosophe reconnait que le neveu le dérange, il est aussi bien obligé d’admettre sa grande qualité : son absence totale d’hypocrisie.
ONZIÈME THÈME – AVEU DE L’ÉCHEC DU NEVEULUI avoue son admiration pour le savoir de MOI. Il aurait aimé posséder cette qualité car elle lui aurait permis de bien mieux dire le mensonge et, ainsi, de bien plus s’enrichir. Le philosophe affirme que l’argent n’est pas important pour lui. Il questionne ensuite le neveu sur les raisons pour lesquelles il n’a pas davantage exploité ses talents musicaux. LUI avoue être un sot, gâté par le divertissement et surtout par cette société qui n’encourage pas les hommes à faire de grandes choses. Il a eu beau essayer, il n’a jamais réussi. Le philosophe lui rappelle alors que la pantomime est commune à l’espèce humaine. Le neveu réagit en mimant les différentes positions des gens.
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Personne n’échappe à l’usage de ces masques, sauf le philosophe selon MOI. Il donne l’exemple de Diogène et des cyniques. Malgré les conseils de MOI, LUI confirme ne pas vouloir changer sa manière d’agir. La seule chose qu’il semble regretter, c’est son épouse, qui aurait pu le rendre riche. C’est alors que la cloche sonne. Les deux hommes se quittent ainsi, sur les derniers mots de Rameau : « Rira bien qui rira le dernier. » (p. 132)
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ÉTUDE DES PERSONNAGES
Diderot présente un affrontement argumentatif entre deux personnages qui ont à priori des concep-tions antithétiques, mais qui, en réalité, peuvent constituer les deux pôles d’une même entité.
LE NEVEU (LUI)Le lecteur sait peu de choses sur LUI si ce n’est qu’il a été marié, qu’il a perdu sa femme et qu’il a un enfant. Ce personnage est un être contradictoire et grandiloquent. Il est le neveu d’un célèbre compositeur de l’époque. D’ailleurs, cette filiation est incarnée dans l’œuvre par le temps que LUI passe à parler de musique, à la mimer et à chanter. Cependant, il s’élève contre cet héritage car il n’apprécie pas son oncle et préfère la musique italienne.
Il se présente lui-même comme un gueux, un parasite qui profite de ses protecteurs et qui érige le contentement des sens comme principe supérieur à toute forme de morale. C’est un bouffon qui gagne sa vie en divertissant les puissants. Il n’hésite pas à revêtir les habits du fou pour arriver à ses fins. Il fascine le philosophe par son absence d’hypocrisie et par le fait qu’il assume toutes ses contradictions, y compris celles qui déplaisent aux bien-pensants. Dans cette perspective, LUI reproche aux philosophes leur hypocrisie car leur discours ne peut supporter le poids du quotidien, du réel.
Il confirme la suprématie de l’amoralité pour accéder au bonheur en citant la raison pour laquelle il a été chassé de chez ses derniers protecteurs, les Bertin. En effet, il a osé faire une remarque raisonnable, pleine de bons sens, au mauvais moment et devant les mauvaises personnes. Il a osé dire à l’abbé de la Porte, lors d’un diner, que la place d’honneur que ce dernier occupait à table ne lui était que provisoirement assurée. Cela lui vaut aujourd’hui d’être miséreux alors qu’il a été, dans cette maison, applaudi et fêté.
LUI est devenu une véritable figure littéraire, la figure de celui qui est capable de s’extraire de la société pour s’en moquer, au même titre que le bouffon du Moyen Âge. Il incarne pleinement ce que la société exècre et assume tellement son statut qu’un renversement s’effectue. Finalement, rien n’est univoque : ce qui est valorisé dans la société est entrevu dans ses limites et ses travers.
LE PHILOSOPHE (MOI)Le narrateur est surtout entrevu dans son statut de philosophe, et donc de penseur. Il incarne la réflexion comme en témoigne l’incipit du dialogue où il se présente comme ayant l’habitude de s’entretenir avec lui-même de divers sujets. Curieux et érudit, il vit modestement avec sa fille de 8 ans et sa femme, et il pense que seule la vertu permet d’accéder au bonheur. Ainsi, il croit en des valeurs absolues telles que l’assistance aux nécessiteux, le respect, l’amitié et la justice.
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Face au neveu et malgré son côté nettement amoral et dérangeant, le philosophe ressent une véritable admiration pour son talent. Il semble charmé par sa folle énergie, il rit des tours du faquin, et il assiste avec joie et attention à ses délires musicaux. Même si cela ne suffit pas à annu-ler les divergences d’opinion entre les deux protagonistes, le philosophe se révèle profondément déstabilisé par le neveu. D’ailleurs, une question revient fréquemment : « Comment se fait-il qu’avec un tact aussi fin, une si grande sensibilité pour les beautés de l’art musical ; vous soyez aussi aveugle sur les belles choses en morale, aussi insensible aux charmes de la vertu ? » (p. 116)
Néanmoins, à bien y regarder, les deux hommes ne sont pas si opposés que cela. Le philosophe aux principes moraux est également un défenseur du sensualisme. Pour lui, la nature et les sens sont des réalités incontournables : ils ont une véritable incidence sur la vie quotidienne et influent sur la pensée. Ainsi, les deux hommes reconnaissent le principe du plaisir.
On peut se demander si ces deux personnages ne représentent pas deux facettes de l’auteur, d’une part le Diderot philosophe et raisonnable, et d’autre part le Diderot excentrique et liber-tin. En ce sens, l’œuvre peut être considérée comme la possible mise en scène des dialogues intérieurs de Diderot.
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CLÉS DE LECTURE
DE LA SATURA À LA SATIREL’auteur a sous-titré son œuvre Satire seconde. Cette précision amène à penser le dialogue sous l’angle de la satura qui signifie étymologiquement « pot-pourri ». Durant l’Antiquité, la satura désignait un recueil de poésies variées, aux origines à la fois comiques et sérieuses, une sorte de mélange.
D’une part, dans cette perspective, le texte se révèle inclassable, à la frontière de plusieurs genres littéraires. Il possède certaines des caractéristiques d’un texte théâtral (présence en capi-tales des noms des personnages avant chacune de leurs répliques), d’autres d’un récit (présence d’un narrateur).
Notons également une composition très libre : la structure n’est pas apparente et les thèmes paraissent s’enchainer sans organisation contraignante. De plus, l’auteur a pris soin d’écrire un dialogue qui se fait le reflet d’un échange spontané, qui plus est, un dialogue à qui l’on ne peut attribuer de vainqueur.
D’autre part, le terme « satire » renvoie également à l’idée de critique par la moquerie. Dans ce livre, l’auteur répond, entre autres, à l’un de ses détracteurs, Palissot, qui s’en prend au philosophe dans une pièce de théâtre représentée en 1761. L’œuvre permet alors de régler des comptes, chose qui n’était pas rare au xviiie siècle, surtout dans ce contexte où l’on se querelle autour de l’Encyclopédie. Enfin, Diderot se fait également le critique d’une société aux mœurs corrompues dans laquelle les biens sont mal répartis et où les puissants abusent de leur pouvoir. Il remet également en cause les gouts esthétiques admis.
UNE VISION MATÉRIALISTEOn qualifie aujourd’hui la vision du monde de Diderot comme une vision matérialiste. Cet aspect est prégnant dans Le Neveu de Rameau à travers les deux discours des personnages. Le matéria-lisme désigne une philosophie qui conçoit que tout est matière, y compris l’homme, que tout est formé à partir de particules en mouvement, ce qui s’oppose à une certaine philosophie dualiste et au christianisme qui pensent notamment que la matière cohabite avec l’âme.
LUI et MOI incarnent tous deux cette vision matérialiste du monde, mais de manière différente. Le neveu pense qu’il n’y a pas de morale supérieure, que tout est changement et donc que ce qui importe, c’est l’appel des sens. Finalement, chaque homme a la même fin : « Pourrir sous du marbre, pourrir sous de la terre, c’est toujours pourrir. » (p. 63) Le philosophe, lui, pense que la connaissance d’une morale supérieure doit être le résultat de l’expérience. Il envisage le matérialisme de manière plus morale. Pour illustration, tout en reconnaissant l’importance de l’argent, il prône une utilisation vertueuse de celui-ci.
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IRONIE ET DIALOGUE OUVERTLe dialogue est un genre à part entière, très à la mode au xviiie siècle. Il s’agit de la transcription littéraire d’une conversation réelle ou fictive qui met en scène un débat d’idées. Si ce genre est fort prisé par les philosophes des Lumières, c’est pour plusieurs raisons :
• il a tout d’abord une fonction pédagogique, puisqu’il permet de faire part aux lecteurs de réflexions philosophiques ou autres ;
• ensuite, la présence de plusieurs voix permet de mettre en scène divers points de vue et de montrer l’incertitude, l’hésitation, laissant ainsi les questions ouvertes. Dès lors, le dialogue a pour but d’amener le lecteur à se poser des questions, il aiguise la réflexion et l’esprit critique.
À travers le dialogue, Diderot met en scène divers points de vue, qu’il confronte, et incite ainsi le lecteur à se remettre en question.
Dans Le Neveu de Rameau, le dialogue s’inscrit dans un échange argumentatif où l’ironie prend différentes formes : cynisme du neveu contre antiphrases du philosophe. Les deux tentent de mettre à mal les postures de l’autre, MOI essayant plus de convaincre et de comprendre LUI, LUI prenant plaisir à « piquer », à tenter de faire vaciller les certitudes de MOI. D’un certain point de vue, le neveu agit comme une sorte de mauvaise conscience du philosophe, une sorte de malin génie, ce qui fait de ce dernier un acteur important de « l’accouchement » de la vérité (maïeutique socratique).
L’un comme l’autre participent dans tous les cas au processus de questionnement qui reste le but premier de l’œuvre.
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PISTES DE RÉFLEXION
QUELQUES QUESTIONS POUR APPROFONDIR SA RÉFLEXION…• Au-delà du fait qu’il se qualifie lui-même de bouffon, en quoi le neveu peut-il être rapproché
de ce type de personnage ?• Quel est le rôle de la musique dans Le Neveu de Rameau ?• Que pouvez-vous dire de la composition du texte ? Pouvez-vous entrevoir la logique qui précède
à son organisation ?• Quel est le rôle de chacun des deux personnages dans le texte ?• Selon vous, serait-il possible d’envisager ce dialogue comme un monologue ?• À votre avis, qui est le vainqueur du dialogue ?• Dans quelle mesure peut-on qualifier le style de Diderot de vivant et naturel ?• Que pensez-vous des métaphores déployées dans le texte ?• À votre avis, pourquoi Diderot n’a-t-il pas publié ce livre de son vivant ? Aurait-il eu des raisons
de craindre la censure ?• Dans quelle mesure Le Neveu de Rameau reflète-t-il l’esprit de l’Encyclopédie ?• En quoi peut-on rapprocher Le Neveu de Rameau d’autres textes de Diderot comme Jacques
le Fataliste et son maître ou Le Rêve de d’Alembert ?
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POUR ALLER PLUS LOIN
ÉDITION DE RÉFÉRENCE• Diderot D., Le Neveu de Rameau, Paris, Flammarion, 1983.
ÉTUDES DE RÉFÉRENCE• Delon M., préface de l’édition du Neveu de Rameau, Gallimard, Paris, coll. « Folio », 2006 ;
Gallimard, Paris, coll. « La Pléiade », 2004.• Fontenay É. de , Diderot ou le Matérialisme enchanté, Paris, Grasset, 2001.• Jauss H.-R., « Le Neveu de Rameau, dialogue et dialectique », in Revue de métaphysique et de
morale, n°2, 1984.
SUR LEPETITLITTÉRAIRE.FR• Fiche de lecture sur Jacques le Fataliste et son maître de Denis Diderot• Fiche de lecture sur le Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot• Fiche de lecture sur le Supplément au Voyage de Bougainville de Denis Diderot
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