le mot du prÉsident · villars et albert sernissi pour l’organisation de cette cérémonie....

16

Upload: others

Post on 25-May-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la
Page 2: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

Le jury du concours national de la Résistance etde la Déportation a désigné les lauréats suivantspour l’année scolaire 2002-2003.Les établissements sont classés par ordre alpha-bétique de l'académie.Ces lauréats avaient eu à réfléchir sur le thème sui-vant : «Les jeunes dans la Résistance ».

Le Palmarès nationalPremière catégorie. Classes de tous les lycées.Devoirs individuels :Prix :• Alexis Guilmart, lycée agricole de la Thiérache,

Fontaine les Vervins (Aisne) ;• Karim Atmani, lycée Louis le Grand, Paris ;• Jean-Baptiste Casaux, lycée Hoche, Versailles

(Yvelines) ;• Philippe Jaumet, lycée français de Zürich (Suisse).Mentions :• Anne-Emmanuelle Thomas, lycée militaire d’Aix-

en-Provence (Bouches-du-Rhône) ;• Claire Colardellets, lycée mixte Simone Weil,

Saint Priest en Jarez (Loire) ;• Anaïs Laborde, lycée Philippe Lamour, Nîmes

(Gard) ;• Camille Baïssus, lycée Rochambeau, Bethesda

(États Unis).

Deuxième catégorie. Classes de tous les lycées. Tra-vaux collectifs :Prix :• Lycée professionnel Guynemer, Oloron Sainte

Marie (Pyrénées-Atlantiques) ;• Lycée Guillaume Fichet, Bonneville (Haute-

Savoie) ;• Lycée d’enseignement général Alain Fournier,

Bourges (Cher) ;

Troisième catégorie. Classes de troisième de collèges. Devoirs individuels :Prix :• Antoine Paris, collège Jules Grévy, Mont sous

Vaudrey (Jura) ;• Maëlle Goigoux, collège Jean Rostand, Martres

de Veyre (Puy-de-Dôme) ;• Caroline Bach, collège Chaumeton, L’Union

(Haute-Garonne) ;• Sophie Soubiran, collège Alphonse Daudet,

Draveil (Essonne).Mentions :• Léa Barreil, collège Les Fontanilles, Castelnaudary

(Aude) ;• Pauline Guena, lycée Henri IV, Paris ;• Anne Rhodes, collège maréchal Foch, Arreau

(Hautes-Pyrénées) ;• Paul Fontan, collège d’enseignement secondaire

Louis Pasteur, La Celle-Saint-Cloud (Yvelines).

Quatrième catégorie. Classes de troisième de collèges. Travaux collectifs :Prix :• Collège Gérôme, Vesoul (Haute-Saône) ;

• Collège Daniel Huet, Hérouville Saint Clair (Calvados) ;

• Collège Florac, Florac (Lozère) ;• Collège des Cygnes, Longpré les Corps Saints

(Somme).NDLR: Faute de place les mentions des 2e et 4e caté-gories n’ont pu être portées à la connaissance de noslecteurs. Ces informations sont en ligne sur notre siteInternet (www.fondationresistance.org).

Les remises des prixMardi 27 janvier 2004 à midi. Réception offerte par les associations de résistants et de déportés au Cercle militaire deParis.Les lycéens et collégiens accompagnés de leurs pro-fesseurs se sont retrouvés au Cercle Militaire avec uncertain nombre de dirigeants des Associations d’an-ciens Résistants ou Déportés. On citera notamment :Mmes Lucie Aubrac, vice-présidente d’honneur de laFondation de la Résistance, Jacqueline Fleury, pré-sidente de l’Association nationale des anciennesdéportées et internées de la Résistance (ADIR) ;MM Jean-Bernard Badaire, président du Comité d’ac-tion de la Résistance (CAR), de l’Association pourdes études sur la Résistance intérieure (AERI) et vice-président de la Fondation de la Résistance ; Jean-

Jacques de Bresson, président de l’Associationnationale des médaillés de la Résistance française(ANMRF) ; Louis Cortot, compagnon de la Libé-ration ; Robert Créange, secrétaire général de laFNDIRP ; Claude Barthe, président du Jury natio-nal du concours de la Résistance et de la Déporta-tion; François Perrot, président de l’Union nationaledes associations de déportés, internés et familles dedisparus (UNADIF). Après que M. Jean Rousseau,président de la Confédération nationale des com-battants volontaires de la Résistance (CNCVR), eutsouhaité la bienvenue aux élèves et aux professeursen rappelant l’importance du travail de mémoire etla nécessité de défendre ce concours initié par laCNCVR, lecture a été faite du palmarès. En plusd’un certain nombre d’ouvrages et de cassettesvidéos, dont certains ont été offerts par le préfet

Victor Convert, directeur général de la Fonda-tion de la Résistance, Raymond Aubrac a offertle prix spécial de la Fondation de la Résistanceà quatre lauréats. Ce prix spécial a été créé en 2001par Lucie et Raymond Aubrac qui ont versé à laFondation de la Résistance l’intégralité des dom-mages et intérêts qu’ils avaient perçus à l’issued’un procès. Chaque année, grâce aux revenus decette somme, notre Fondation peut récompenserplus particulièrement quelques lauréats nationaux.Les élèves et les professeurs se sont succédés à la tri-bune pour recevoir leur prix aux applaudissementsde l’assistance, avant que tout le monde se retrouveà un déjeuner fraternel dans les somptueux salonsdu Cercle militaire.La Fondation de la Résistance tient à remercier particulièrement MM. Yves Leleux, Jean Mahieu-Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cettecérémonie.

Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne.À 17 heures, après la visite de la crypte de la Sor-bonne, les lauréats et leurs professeurs se sontretrouvés, au grand amphithéâtre de la Sorbonne,pour assister à la remise officielle des prix en pré-sence de M. Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, del’Éducation nationale et de la Recherche, deM. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d’État auxanciens combattants et de M. Maurice Quenet, recteur de Paris, chancelier des universités. Claude Barthe, inspecteur général honoraire de l’Éducationnationale et président du jury national a donné desindications très utiles sur l’évolution du concours.Il a noté une hausse sensible (14 %) de la participa-tion globale (44 012 candidats en 2003 contre38687 en 2002). Au total 1573 établissements ontparticipé au concours soit 418 lycées et lycées pro-fessionnels et 1155 collèges. Cependant, les écartsde participation entre les différentes académies sontgrands. Ainsi, C. Barthe précise qu’« il apparaît quequelques grosses académies, très urbanisées, ont untaux de participation modeste voire faible, notam-ment en Ile-de-France. En revanche des académiesmoyennes telles que Besançon, Dijon, Poitiers, ainsique des académies importantes comme Bordeaux,Grenoble, Lille, Nancy, Nantes, Rennes et Toulousese signalent par une bonne participation».Parmi les prix le cédérom La Résistance en France,produit par l’AERI, ainsi que le livre La vie à en mou-rir. Lettres de Fusillés. 1941-1944 (éd. Tallandier) ontété offerts à tous les lauréats.Le lendemain, les lauréats ont enchaîné de nombreusesvisites culturelles dans Paris. Ils ont ainsi pu décou-vrir l’exposition «Des attentats contre Hitler» auMémorial du Maréchal Leclerc de Hauteclocque etde la Libération de Paris et Musée Jean Moulin, par-courir les salles consacrées à la Seconde Guerremondiale du Musée de l’Armée avant d’être reçu parle général de Boissieu, chancelier de l’Ordre de la Libé-ration et de visiter le musée de cet ordre prestigieux.

F.M.

2 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

CONCOURS NATIONAL DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION 2002-2003

M. Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, del’Éducation nationale et de la Recherche etM. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d’État auxanciens combattants remettent leurs prix àM. Antoine Paris et à son professeur.

Phot

o DM

PA-J

acqu

es R

ober

t

En couverture : Entrée de la station de métro gare de Lyon. Les combats de la Libération de Paris achevés, de nombreux hommages de la population à ceuxqui sont tombés vont fleurir. (coll. ministère de la Défense - SGA/DMPA - DR)

Page 3: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

S O M M A I R E

LE MOT DU PRÉSIDENT

Éditeur : Fondation de la RésistanceReconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République30, boulevard des Invalides - 75007 ParisTéléphone : 01 47 05 73 69Télécopie : 01 53 59 95 85Site internet :www.fondationresistance.orgCourriel :[email protected] de la publication : Jean Mattéoli,Président de la Fondation de la RésistanceDirecteur délégué de la publication :François ArchambaultRédacteur en chef : Frantz MalassisRédaction : Victor Convert, Bruno Leroux,Frantz Malassis, Cécile Vast.

Maquette, photogravure et impression :SEPEG International, Paris XVe. Revue trimestrielle. Abonnement pour un an : 16 €.N°36 : 4,50 €Commission paritaire n° 4124 D73AC - ISSN 1263-5707

Mémoire et réflexions

- Dossier : La mémoire de la Seconde Guerre mondiale enFrance de 1945 à nos jours ....... p. 4

L’activité des associationspartenaires

- Mémoire et Espoirs de la Résistance ......................... p. 8

- AERI........................................... p. 10

Hommage

- Pierre Bérégovoy en Résistance de«Libération-Nord» à la SFIO ..... p. 12

Livres

- Vient de paraître ...................... p. 14

- À lire ........................................ p. 15

Résultats de l’enquêtede lectorat

- Comment est perçue La Lettre de la Fondation de la Résistance?Résultats de l’enquête menée en juin (2e partie) ................................. p. 16

Mon

umen

t Jea

n M

oulin

, dit

le g

laiv

e br

isé à

Cha

rtre

s. Œ

uvre

con

çue

et ré

alisé

e pa

r le

scul

pteu

r Mar

cel C

ourb

ier (

DR)

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 3

Éditorial

D ans quelques semaines débuteront lescommémorations du soixantièmeanniversaire des débarquements et de

la Libération de la France. La part de laRésistance dans ces derniers moments dela «bataille de la France » a été extrême-ment importante, on a souvent tendanceà l’oublier. Soyons donc vigilants lors deces célébrations et témoignons auprès desjeunes et des journalistes de ce que fut laréalité de la Résistance et de son rôle tropsouvent sous-estimé ou méconnu.

Bien entendu, les combats héroïques desmaquis du Vercors et des Glières ou lesgrandes tragédies des villages martyrs quesont Oradour sur Glane ou Tulle ne serontpas oubliés au milieu du très grand nom-bre de commémorations organisées par les autorités régionales, départementales ou locales. La Fondation de la Résistance,s’associera, en sus de ses activités habituelles,à la plupart des ces cérémonies.

De plus, pour la première fois, notre Fondation ravivera la flamme sur la tombe dusoldat inconnu, le 27 mai à 18 heures 30, en vue de commémorer l’anniversaire dela première réunion constitutive du Conseil national de la Résistance.Venez nombreux nous rejoindre à cette occasion*, pour ensemble témoigner de lavitalité de notre combat pour la mémoire de cette épopée fondatrice que fut la Résis-tance et des valeurs qu’elle incarne. Montrons ainsi que la phrase concluant l’Appeldu 18 juin du général de Gaulle est toujours d’une extraordinaire actualité «La flammede la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas».

Jean MATTÉOLIPrésident de la Fondation de la Résistance

* le rendez-vous est fixé à 18 heures sous l’Arc de Triomphe. Nous demandons à cette occasion auxprésidents d’associations de résistants et de déportés d’être, dans la mesure du possible, accompagnés deleur porte-drapeau.

DR

Page 4: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

4 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

Mémoire et réflexions

O rganisé par le Centre d’histoire sociale duXXe siècle de l’université Paris I-Sor-bonne avec le concours d’une trentained’historiens et de sociologues, ce colloque

a fait l’objet d’une publication en ligne quasi-intégrale sur le site Internet du CHS (http://histoire-sociale.univ-paris1.fr). On y trouvera letexte de la plupart des communications ainsiqu’un résumé des très riches débats auxquels ila donné lieu. C’est donc en insistant plus par-ticulièrement sur ce qu’il nous a appris de lamémoire de la Seconde Guerre mondiale que l’onvoudrait présenter les avancées de cette rencontre.L’objectif fondamental du colloque était d’exa-miner, à travers les stratégies des différentsacteurs sociaux (État central, pouvoirs locaux, par-tis, syndicats, associations), l’hypothèse d’unchangement du rapport de la société française autemps historique durant ces dernières décennies,exposée par François Hartog(1) : nous serions àl’ère du «présentisme», marquée par le poids dutemps présent dans la conscience des individusau dépens de l’avenir, et qui succéderait à uneautre ère – celle de la construction de la Répu-blique et de l’espérance révolutionnaire – où,depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, notreperception de l’histoire était structurée par des«horizons d’attente» forts. La date de départ de1970 a été choisie parce qu’elle permettait l’hy-pothèse d’une mise en relation avec une autre ten-dance propre aux décennies suivantes(2) : laprogression des mémoires régionales et identi-taires aux dépens de la mémoire nationale.

L’État et la gestion du passé : une «prudence républicaine»

Durant ces trente ans, le comportement de l’Étatdans sa politique de mémoire se caractérise parune constante remarquable qu’a dégagée ClaireAndrieu, rapportrice des communications sur lesujet : la «prudence républicaine» à l’égard detoute évolution brutale de la mémoire nationale.Les exemples sont particulièrement frappantsconcernant la guerre d’Algérie (l’officialisationde l’appellation «guerre » d’Algérie date de1999(3)) ou la mémoire de l’esclavage, mais il

en est de même pour la Seconde Guerre mon-diale. Ainsi, la reconnaissance du rôle de la Francedans la déportation des juifs (discours de JacquesChirac en 1995) arrive près de deux décenniesaprès le tournant historiographique correspon-dant. Seul exemple contraire, la suppression dela commémoration du 8 mai 1945 voulue parValéry Giscard d’Estaing en 1975 s’est avéréeintenable devant les réactions des anciens com-battants(4). Ce cas manifeste avec éclat les raisonsde ladite «prudence» : dans le domaine de lamémoire, l’État ne peut imposer une décisionnouvelle sans négocier avec la société civile.Le seul exemple de réussite « volontariste » cité- la création de la Journée annuelle de laFemme par Yvette Roudy - ne contredit pas ceconstat : si elle n’a pas été remise en question,c’est en raison de la demande de reconnaissancecroissante des femmes durant les vingt annéessuivantes. Du coup, les politiques, jamaisenthousiasmés par la célébration du 8 mars, sesont retrouvés d’accord pour la considérercomme le «minimum» à concéder à la demandesociale. Autre symptôme de cette prudence, l’au-tre initiative mémorielle nationale en faveur desfemmes, prise en 1995: la première femme pan-théonisée est Marie Curie, préférée à une figurede Résistante (Bertie Albrecht) parce que pluspropice à un consensus.L’État peut être aussi contraint à la « négocia-tion » par le contexte international. Comme l’asignalé Henry Rousso dans le débat, c’est luiqui explique l’adoption par la France d’une poli-tique de réparation à l’égard des victimes de laShoah. L’analyse faite par Denis Rolland(5) dela place réservée à la Seconde Guerre mondialesur les sites Internet des ministères des Affai-res étrangères de différents pays donne uneextension comparatiste à ce constat : la prise encompte des pressions internationales expliqueque l’Allemagne et la Suisse soient les seuls àaborder de front leur responsabilité propre pen-dant la période 1939-45.En fait, durant ces décennies, l’État est rare-ment l’initiateur d’une politique de mémoire.Le plus souvent, il répond à une demande quil’oblige à arbitrer entre des mémoires particu-

lières ; ainsi, la notion de Juste est le résultat d’unarbitrage(6). L’État veut le consensus au nom del’unanimité nationale. Mais ce souci d’éviter cequi divise est poussé parfois jusqu’à un point tel(cf. le choix tout récent d’une date sans réellesignification historique, le 5 décembre, pourcommémorer la fin de la guerre d’Algérie)qu’il semble privilégier dans la politique demémoire la sensibilité plutôt que l’affirmationd’un « sens ».Certes, dans le domaine de la Seconde Guerremondiale, cette gestion conservatrice par l’Étatde la mémoire nationale a préservé un invariantremarquable : la signification du 8 mai 1945,«victoire sur le nazisme considéré comme figuredu Mal » (Claire Andrieu). Cependant, elles’est accompagnée d’une mutation de lamémoire de la déportation : le centre de gravités’est déplacé progressivement de la déportationrésistante vers la déportation juive. Ce fait,comme la place récente prise par la mémoire del’esclavage (avec la demande de reconnaissancede « crime contre l’humanité »), semble mani-fester une attention de plus en plus grande por-tée aux « victimes», principalement (au niveaude l’État), dans les années 90. Or, si l’usage de la culpabilisation de l’État estune constante des mémoires identitaires parti-culières, on peut s’interroger sur la mémoirenationale que construit la prise en compteprioritaire de ces revendications. Antoine Prostestime qu’en insistant sur la part négative de l’histoire nationale, le passage de la mémoirecombattante à la mémoire des victimes construitune image de la Nation « comme l’entité parlaquelle le malheur arrive ». Le fait qu’elle soitassumée par l’État, à une période où lui-mêmese trouve pourtant remis en question dans

À PROPOS DU COLLOQUE« LES USAGES POLITIQUES DU PASSÉ DANS LA FRANCECONTEMPORAINE DES ANNÉES 70 À NOS JOURS »(UNIVERSITÉ DE PARIS I-SORBONNE DES 25 ET 26 SEPTEMBRE 2003).

La tenue à l’automne dernier du colloque «Les usages politiques du passé dans la France contemporaine des années 70 à nos jours» estpour nous l’occasion de proposer à nos lecteurs un dossier sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France. En complément dece colloque, deux études récentes de Pieter Lagrou et de Pierre Laborie permettent d’enrichir cette réflexion sur le rapport de la sociétéfrançaise au temps historique et sur la constitution de la mémoire nationale de la Seconde Guerre mondiale.

Quelques Compagnons de la Libération devantl’Arc de Triomphe lors de la célébration ducinquantième anniversaire du 8 mai 1945.

La MÉMOIRE de la SECONDE GUERRE MONDIALEen France de 1945 à nos jours

Phot

o Fr

antz

Mal

assis

(1) Les notes sont placées p.7

Page 5: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 5

d’autres domaines, montre a contrario la diffi-culté qu’il éprouve à promouvoir des choix posi-tifs, à user du passé non comme d’une contrainteà prendre en compte, mais comme un héritageà choisir - signe de l’effacement relatif d’unevision du futur de la Nation ?

Les pouvoirs locaux et la sociétécivile (partis, syndicats,associations)

Lorsqu’on élargit la réflexion à l’ensemble de lasociété civile, la première constatation qui frappeconcernant les trente dernières années, c’est uneexplosion du nombre des manifestations loca-les liées au passé dans la France d’aujourd’hui,repérable à travers les multiples approches de casdu colloque: musées d’histoire, éco-musées, fêteset spectacles de rues, baptêmes de noms de rue,travaux d’historiens. Aucun de ces phénomènesn’est une totale nouveauté : il y a une tradition,importée d’Angleterre, des « spectacles vivants»du type Puy du Fou, une tradition des «éco-musées» reliée au long héritage folklorique. C’estle changement d’échelle quantitative qui est frap-pant, surtout à partir des années 80(7).Cet accroissement est d’abord lié à un change-ment considérable des conditions de productionet de réception locale de « l’Histoire». La crois-sance exponentielle des universités a produit desdiplômés nombreux et diversifiés, dont beau-coup se sont voués à d’autres métiers que larecherche, et tout un nouveau public prêt à rece-voir de la culture. D’autre part, ils côtoient dansces manifestations locales des représentantsd’autres couches sociales (techniciens, coutu-rières, etc.) qui ont acquis durant cette périodeune culture basée sur la télévision beaucoup plusque sur l’écrit. La grande nouveauté de lapériode est bien une véritable «démocratisation»de l’appropriation du passé, liée à l’élévation mas-sive du niveau d’instruction.Christian Bosseno et Patrick Garcia, rapporteurssur ce sujet, soulignent qu’en région, le dyna-misme des manifestations liées à l’histoirelocale, contraste avec la tiédeur des cérémo-

nies à caractère national(8), de même que lesgrands hommes s’effacent relativement devantla mise en scène des vies ordinaires (cf. la patri-monialisation des gestes des métiers). Si ladécentralisation politique, survenue au milieude la période, a amplifié le phénomène, elle n’en est certainement pas la cause, comme lemontrent notamment la construction dès ladécennie 70 de « contre-cultures régionales »(Bretagne, pays cathare).Cependant, du côté des pouvoirs locaux, le replisur le « local » ne signifie que marginalement lamise en avant idéologique de contre-cultures(l’exploitation du passé contre-révolutionnairepar le conseil général de Vendée semble un casisolé(9)). Ils semblent bien plus souvent soucieuxd’encourager un usage «pacifié» du passé: cons-truction de mémoriaux de la paix sur leschamps de bataille à Verdun et Caen, appui aucolloque de Brest sur les identités régionalespour éteindre une polémique concernant lemouvement nationaliste breton(10). Surtout,cette tendance va souvent jusqu’à une « patri-monialisation» du passé, vidé de ses enjeux politiques ou sociaux encore actuels par le soindes services de communication. Ainsi les mono-

graphies commandées pardes villes nouvelles

(Saint-Quentin-en-Yvelines et

Cergy-Pontoise), la collection Histoire(s) d’Agglo lancée à Rouen comme une série derécits non hiérarchisés, les histoires de « grandsensembles » des années 50-60, transformésainsi en «lieux de mémoire»(11). Phénomène queJean-Marie Guillon retrouve dans l’évolutionde la toponymie provençale(12), où les noms derue à caractère politique ont cédé le pas à desappellations « neutres » (artistes et écrivainsrégionaux, noms évoquant la flore et la faune,les travaux agricoles…).Chez les partis politiques et syndicats, orga-nisations où l’instrumentalisation politiquedu passé est en quelque sorte légitime, c’estla progression de l’usage de l’Histoire commesubstitut progressif à l’action militante quifrappe chez ceux qui traversent une crise d’identité. Le PCF, qui a cru que l’essor de l’histoire locale dans les années 70 constituaitun nouveau terrain idéologique à occuper (il asuscité des histoires locales du PCF via des associations constituées autour d’enseignants),a constaté à partir du déclin de la décennie suivante que ces auto-histoires, centrées surtoutsur la Révolution et la Résistance, n’avaientaucun effet externe, servant seulement à ali-menter les rites commémoratifs d’attachementau parti(13). De son côté, la CGT semble redou-ter cet usage limité, ne sachant trop quoi fairede l’Institut d’histoire sociale qu’elle a créé en1982 dans l’espoir de former par l’histoire denouvelles générations de syndicalistes : la cré-dibilité progressivement acquise au sein de lacommunauté historienne par l’IHS, composéd’universitaires et d’anciens militants, apparaîtun gain difficilement utilisable au profit des pré-occupations actuelles des adhérents du syndi-cat(14). Chez le PS, enfin, ce rétrécissement del’usage politique du passé au rang d’instrumentde « réassurance identitaire » semble accepté, sil’on en juge par les motions et contributions du congrès de 2003 : l’histoire du parti n’y estjamais objet de débat, mais plutôt convoquéepar tous les courants à partir d’un Panthéon commun immuable dont est unanimementexclue la figure-repoussoir de Guy Mollet(15).

Vaulandry (Maine-et-Loire) le 10 juillet 2000.Mme Denise Hamard, née Martin, entourée deses deux sœurs reçoit des mains du consuld’Israël la médaille des Justes.

Depuis une trentaine d’années, répondant à uneforte demande sociale, on assiste à unemultiplication de musées de la Résistance et de laDéportation qu’ils soient associatifs, municipaux oudépartementaux.

1 - Hall d’entrée du Mémorial pour la Paix de Caen (Calvados).2 - Entrée du Musée de la Résistance et de la Déportation en Picardie à Fargniers (Aisne).3 - Vue d’une salle du Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation à Lyon (Rhône).4 - Une salle du Musée de la Résistance de Chargé (Indre-et-Loire).5 - Un aspect de la salle « les maquis » du Musée de la Résistance Henri Queuille à Neuvic (Corrèze).

1

3

2

4

5

Coll.

Com

ité fr

ança

is po

ur Y

adVa

shem

- DR

DR

DR

DR

DR

DR

Page 6: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

6 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

Mémoire et réflexions

Les associations, par leur croissance, l’afflux desretraités, l’utilisation d’habitants au lieu de pro-fessionnels, la longueur des mobilisations, mani-festent spectaculairement les mutations de la«demande sociale » d’histoire : de nouveauxacteurs, mais aussi l’utilisation de nouveaux arte-facts (photographies, objets) à côté des documentsécrits. Cependant, dans beaucoup de cas, lerésultat aboutit moins à de l’histoire culturelle qu’àse placer dans un «hors temps» : on évacue danscertains musées la contextualisation historique,soit au profit de l’évocation d’un «monde perdu»(cf. les éco-musées), soit au profit d’un «présentéternel». Le diagnostic sur les associations rejointainsi celui fait plus haut pour les pouvoirs locaux.D’ailleurs, l’usage d’objets de la Deuxième guerremondiale comme purs «symboles» anhistoriquesest commun à bien des musées associatifs et à unmusée municipal comme le mémorial de Caen(16).On semble donc trouver là le «présentisme» tel

que le définit Hartog, où l’usage du passé setrouve relégué dans le domaine de l’affectivité plusque de la compréhension.Cependant, les participants du colloque ont faitpreuve de prudence au moment de tirer lesconclusions de cette multitude d’études de cas.D’abord, sur l’interprétation de l’usage de l’his-toire comme « réassurance identitaire». PourHervé Glevarec(17), les pratiques des associationsdu patrimoine montrent qu’il s’agit bien moinsde préserver un monde inchangé (en défendantun patrimoine menacé par la modernité) que decréer des activités nouvelles sur des territoiresmenacés de désocialisation (diffusion de bulle-tins, campagnes photographiques, constructionde musées). On pourrait tout au plus parler depratiques tendant à une dépolitisation des enjeux. Cependant, leur effet n’a pas été vraiment étu-dié, le colloque étant centré plutôt sur la pro-duction des discours et des pratiques que sur leur

réception. Dans quelle mesure les électeurs, lesmilitants, le public adhèrent-ils à l’identité quel’État ou l’élu, le parti ou le syndicat, l’associa-tion ou le musée leur proposent ? La «dépoliti-sation», dans le domaine du passé comme dansd’autres, aboutit-elle à un gain effectif pour les«pouvoirs» qui la proposent, et lesquels ? Com-ment les individus jouent-ils sur la pluralité desidentités possibles ? N’y a-t-il pas, au total, plu-tôt coexistence des «régimes d’historicité»? Uneétude des conditions de la réception du «passé»mettrait sans doute davantage en exergue l’im-portance de l’évolution technique des médias,dans une période où le rapport au temps et àl’espace s’est déjà profondément modifié avec l’avènement des médias audiovisuels de masse,mais où une nouvelle évolution se profile peut-être avec l’entrée dans l’ère du «numérique».

Bruno Leroux

En examinant la formation de mémoires del’Occupation pendant la reconstruction(1945-65), au sein de trois pays d’Europeoccidentale occupés par Hitler (France,

Belgique, Hollande) et à partir de trois grou-pes sociaux : les anciens résistants, les requis duSTO et les déportés, P. Lagrou remet fortementen cause la thèse de Pierre Nora : l’idée d’unemémoire nationale centrée sur la glorificationde la France résistante.

Mémoires patriotiques et occupationnazie de Pieter Lagrou (18)

Des trois pays, c’est la Hollande qui promeutla mémoire d’une «nation de héros ». Le chocde l’occupation, par sa nouveauté (la Hollandeétait neutre en 1914-18) et sa spécificité (les plusgrandes épreuves – famine, bombardement,inondations – ont lieu après octobre 1944, alorsque le Nord du pays est encore occupé), a rejetéau second plan les souffrances particulières auxrapatriés d’Allemagne (déportés, requis) et lepoids des résistants d’autant que ceux-ci étaientdivisés et n’ont joué qu’un faible rôle dans laLibération. L’État a promu une politique com-mémorative où le mérite patriotique était col-lectif et indivisible, en exerçant un contrôle àtous les niveaux : limitation drastique du nom-bre des décorations, érection de 1500 monu-ments «normalisés» (le plus souvent anonymes,privilégiant les représentations abstraites), publi-cation d’une histoire officielle de la Hollandependant la guerre… Cette politique centraliséefavorisant la cohésion nationale à tout prix a pus’appuyer sur la structure très hiérarchisée de lasociété hollandaise (où les divisions confes-sionnelles structuraient les partis, syndicats,mutuelles, organismes culturels et sportifs) quia interdit aux revendications «particularistes »des nouvelles associations issues de la guerre(résistants, déportés) de se faire entendre.Par contraste, on perçoit mieux le point com-

mun aux deux autres pays : la force du mouve-ment associatif. En France, la focalisation sur lespériodes où de Gaulle a mis en place la visionde « la France résistante» (1944-45, puis après1958 – en fait surtout à partir de la panthéo-nisation de Jean Moulin) - a conduit à négli-ger la IVe République, période d’affrontementsmémoriels qui s’expliquent par la vitalité d’as-sociations porteuses d’une forme de légitimitépopulaire. En examinant les querelles autour des« statuts » (qui est « résistant » ? qui peut reven-diquer l’appellation «déporté»?), Pieter Lagroumontre deux choses. D’abord, les raisons de l’assimilation de lamémoire de la Résistance à une «mémoire com-battante» durant cette période. Autant qu’auxcombats de la libération et à un imaginaire socialdu maquisard plus prégnant qu’en Belgique eten Hollande, il renvoie au poids symbolique dela Grande Guerre perpétué par les associationsd’anciens combattants : la référence suprême dusacrifice patriotique, c’est le poilu des tranchées.Prises dans la nécessité de définir la Résistance àcette aune (la carte du «combattant volontairede la Résistance»), les associations de résistantsse sont surtout investies dans un effort continuelpour permettre à leurs adhérents d’entrer dansce cadre (1954-59 est la période de plus fortaccroissement de cartes de CVR). Par comparaison, les associations de déportésapparaissent comme le milieu de mémoire le pluspuissant de la période, parce qu’elles semblentinvesties d’une légitimité patriotique (les épreu-ves subies dans l’Allemagne nazie) plus prochedu type d’expérience vécue dans un grandnombre de foyers français. À la Libération, l’in-vitation du GPRF à ne pas distinguer entre tousles « retours d’Allemagne » (déportés quelleque soit la cause, requis du STO et PG), fait du« déporté concentrationnaire » l’expressionsuprême de la souffrance nationale plutôtqu’une catégorie à part. Cette vision constitue

l’enjeu de mémoire majeur de la période sui-vante. Le statut des Déportés divise les «dépor-tés résistants », entre ceux s’appuyant sur laRésistance pour revendiquer une spécificité, etceux (communistes mais aussi socialistes) pri-vilégiant l’inclusion d’autres catégories (Juifs,déportés politiques, voire l’appellation «dépor-tés du travail » pour les requis) au nom d’unecommunauté de souffrance. Enfin, les clivagesde la guerre froide prouvent plutôt la vitalité pro-pre au milieu déporté (cf. l’influence du Réseaudu Souvenir non-communiste). Ainsi, le poidsde la «mémoire combattante» n’empêche-t-ilpas la déportation d’être au cœur de la mémoirenationale avant même la progression de lamémoire de la Shoah.

Bruno Leroux

1945-1965 : RELATIVISER LE POIDS DE LA MÉMOIRECOMBATTANTE PAR RAPPORT À LA DÉPORTATION

Affiche datant de 1945 pour le retour desprisonniers, des requis du STO et des déportés.(57 x 38cm).

DR

Page 7: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 7

D epuis une vingtaine d’années le regardporté sur la France pendant la SecondeGuerre mondiale se focalise sur Vichy,sur sa participation à la Solution finale,

sur ses complicités ou sur les « affaires » desgrands chefs résistants. Ce faisant il se détournequelque peu de l’effondrement de 1940, dupoids de l’occupation allemande et de la placede la Résistance.Parmi d’autres les travaux de Pierre Laboriereviennent sur ces événements et inscriventleur étude dans une «histoire du très contem-porain» qui cherche à comprendre les usageset les formes d’appropriation du passé, de 1940à nos jours. Dépasser les lectures strictement poli-tiques, éviter les jugements rétrospectifs et leslectures anachroniques et tenter de décrire le« champ de la réception» à travers les attentes,les manières d’être ou les modes de présence aumonde au moment où les événements sontvécus, peut aider à restituer leur résonance etleurs multiples interprétations. Ainsi de l’ef-fondrement de 1940 et de l’idée de Résistanceétudiés à travers le vécu d’Emmanuel Mounier,d’André Malraux et des Français à la Libération.

«Esprit en 1940 : usages de la défaite»

Quelle signification donner au choix d’Emma-nuel Mounier de faire paraître entre 1940 et1941 sous Vichy la revue Esprit ? Faut-il y voirune continuité logique avec les aspirations del’avant-guerre et les idées des non-conformis-tes ? Pour Pierre Laborie la confrontation dessources écrites entre 1940 et 1941 – cor-respondance personnelle, textes aux sens cachéspubliés en France et dont les mots décodésdiraient d’autres choses, articles parus librementsans masques en Suisse – oblige à s’interrogersur la façon dont Mounier et les intellectuelsd’Esprit lisent la défaite. Elle est reçue dans un« réseau imbriqué d'influences, d’héritages cul-turels, de fidélités au passé, de perceptions etd’attentes, [qui] a tissé une sorte de “culturede la défaite”, caractéristique des troubles de laFrance moyenne pendant l’été 1940.» (p. 131)Au-delà de la défaite militaire, pensée commeune rupture de l’Histoire, elle parachève pourMounier un processus de décomposition de lasociété, elle signifie la fin d’un monde et l’en-trée entière dans le futur d’un monde nouveau.Il serait intéressant de comparer cette lecture dela défaite à celle des premiers résistants…

«Honneur inventé ou invention dufutur ? Mémoire et appropriationde la Résistance à la Libération»

À l’autre extrémité de la guerre, entre 1944 et1945, comment comprendre l’identificationforte et brève des Français à la Résistance? L’ex-plication par le mythe de la nation en Résistancedestiné à retisser l’identité nationale, par la néces-

sité de se déculpabiliser face à ce qu’auraient étéles comportements peu nobles des Français sousl’Occupation, ou par l’oubli propre aux mau-vaises consciences, a ses limites. Pourquoi lesFrançais ont-ils eu besoin de se «penser résis-tant » ? Pour Pierre Laborie il faut revenir à l’imaginaire généré par la Résistance, autant àtravers ses souffrances que par les espoirs qu’ilsuscite, et par les possibles qu’il représente. «Dansla France de la Libération, l’appropriation de laRésistance [par les Français] est une tentativede réappropriation du futur. » (p. 282)

« André Malraux et l’expérience de la Résistance »

Dans les écrits d’André Malraux postérieurs àla Libération (discours, Anti-Mémoires), les réfé-rences à la Résistance sont nombreuses et répé-tées, et tiennent une place singulière. L’écrivainne s’est pourtant engagé dans la Résistance quetrois mois avant le débarquement, prolongeantcet engagement dans le commandement de labrigade Alsace-Lorraine sous le pseudonyme ducolonel Berger. L’analyse que propose Pierre

Laborie du rapport qu’entretient Malraux à laRésistance va bien au-delà de la reconstitutionchronique de sa participation à la Résistance, oude la part respective de la mystification et de laréalité. Tout en resituant la découverte de laRésistance dans la vie – les vies? – de Malraux, ilmontre que dans ce rapport à la Résistance secroisent les grands thèmes de l’œuvre de Malraux:le rapport à la nation, au peuple, à la fraternité,à la mort à laquelle la Résistance donne un sens,le rapport à l’Histoire, aux mythes, et à la néces-sité de la mythologie pour faire vivre les hom-mes. «En luttant pour les rêves des hommes,la Résistance a été, pour Malraux, un dialoguede chaque jour avec la mort, une confrontationqui dépasse l’événement et transfigure des viesen les affrontant à l’absolu. » (p. 95).

Cécile Vast

(1) François Hartog, Régimes d'historicité - Présen-tisme et expériences du temps, Le Seuil - 2003.

(2) Cf. Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire,Le Seuil, 1996.

(3) Benjamin Stora : «Le retour des souvenirs dela guerre d’Algérie dans les sociétés française etalgérienne», et Guy Pervillé : «Les historiens dela guerre d’Algérie et ses enjeux politiques enFrance».

(4) Patrick Garcia : « “Du passé faisons table rase ?”Valéry Giscard d’Estaing, la modernité etl’histoire ».

(5) Denis Rolland : « Internet et les ombres chinoises :stratégies de mémoire, lacunes d’histoire,mythologies institutionnelles et politiques ».

(6) Sarah Gensburger : «Usages politiques de lafigure du Juste : quel rapport à l’Histoire ? ».

(7) Étudiant en 1997 les musées de la Résistance,Marie-Hélène Joly constatait que les trois quartsd’entre eux avaient été créés après 1979 ; cf. sonarticle in Résistants et Résistance, sous la coordi-nation de Jean-Yves Boursier, L’Harmattan, 1997.

(8) Phénomène étudié en particulier par GuillaumeMazeau dans sa communication : «Le passé, entreacculturation politique et recherche d’uneidentité : des fêtes dans le Nord du Cotentin».

(9) Didier Guyvarc’h : «Les us, les abus et les silencesde l’histoire dans une assemblée départementale.Le cas de la Loire-Atlantique depuis 1968».

(10) Marc Bergère : «Les usages politiques de laSeconde Guerre mondiale en Bretagne : histoire,mémoire et identité régionale ».

(11) Loïc Vadelorge : «Les affres de l’histoire locale1970-2000».

(12) Jean-Marie Guillon : «Panthéon fin de siècle ».(13) Julian Mischi : «Le travail partisan de légitimation

historique dans la stratégie d’implantation du PCF».(14) Michel Pigenet : «Entre exigences historiennes,

impératifs d’organisation et démarche identitaire :l’institut CGT d’histoire sociale (1982-2002)».

(15) Frédéric Cépède : «Les socialistes, l’histoire àcontribution ou le long remords de l’histoire ».

(16) Cf. l’étude récente de Sabine Van der Hoorn sur«L’expérience individuelle dans les musées de laSeconde Guerre mondiale» (DEA soutenu auMuséum d’histoire naturelle en 2002).

(17) Hervé Glevarec : «Le nouveau régime d’histo-ricité porté par les associations du patrimoine».

(18) Bruxelles, Complexe, 2003.(19) Paris, Seuil, 2003, 286 p.

USAGES ET APPROPRIATIONS DU PASSÉ ET DU FUTUR :L’EFFONDREMENT DE 1940 ET L’IDÉE DE RÉSISTANCE

André Malraux alias colonel Berger, commandantde la Brigade Alsace-Lorraine.

© M

usée

de

l’Ord

re d

e la

Lib

érat

ion-

Paris

-DR

Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à laLibération de Pierre Laborie(nouvelle édition augmentée) (19)

Page 8: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

8 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

L’activité des associations partenaires

2003 s’est terminée par un succès à l’As-semblée nationale. Notre colloquesur «La Résistance de l’Esprit » s’estélevé au-dessus des débats prétendus

modernes en respectant les différences et gom-mant les divergences.2004 a commencé par une réussite inespérée àla Sorbonne sur le thème des «Français Libres»:le combat commun des militaires et des poli-tiques, des intellectuels et des pragmatiques aséduit un public pourtant composite de jeuneset d’anciens. Malgré les scepticismes et lesdéfaitismes, il y a toujours convergences face auxgrandes causes.

D’autres occasions multiples sont fournies parles anniversaires qui vont s’étaler tout au longde l’année : soixantenaire des débarquements(Normandie et Provence), des libérations et desavant derniers combats ; centenaire de l’Ententecordiale entre la France et la Grande-Bretagne.Qui peut oublier cette fraternisation des com-battants de l’ombre et de ceux venus du ciel etde la mer ? Jeunes paras français tués en retrou-vant la terre natale, jeunes marines et tommiesmassacrés sur nos plages, maquisards et agentsspéciaux de la France combattante, tous ontconvergé au prix de leur vie pour redonner àl’Europe occidentale sa liberté et sa dignité.

Ces combattants étaient Anglo-saxons et Fran-çais de l’intérieur ou de l’extérieur : le peuple dela nuit a accueilli ces armées du petit matin, tantattendues.Notre association, dans la ligne des missionsconfiées par notre Fondation, célébrera ces hérosoubliés ou méconnus dans des réunions décen-tralisées de Loches à Montauban, des animationsaudiovisuelles ou littéraires de Vendôme à Dijon…La pédagogie de la Mémoire et de la citoyennetéexige bien des convergences. Avec un «s»!

François Archambault Président de «MER» - Secrétaire général

de la Fondation de la Résistance

VOUS AVEZ DIT CONVERGENCES ? AVEC UN “ S ” ?

V endredi 30 jan-vier, dans legrand amphi-théâtre de la

Sorbonne, sous lepatronage des quatreFondations (Résis-tance, Charles deGaulle, France Libre etMémoire de la Dépor-tation), Mémoire etEspoirs de la Résistance et l’Associa-tion des Amis de la Fondation pourla Mémoire de la Déportation ontorganisé le lancement du Concoursnational de la Résistance et de laDéportation 2004. François-RenéChristiani Fassin, journaliste à FranceCulture et fils de Français libre tué endéportation, animait cet après-midi, enprésence de six témoins, anciens de laFrance Libre. En préambule, Mary-vonne Braunschweig, professeur etmembre du Jury national, a expliquéqu’à l’occasion du 60e anniversaire de la Libé-ration, un thème s’imposait : celui des FrançaisLibres. Deux historiens spécialistes de cesannées : Christine Levisse-Touzé et Jean-Fran-çois Muracciole expliquent ce que furent cesFrançais libres, qui étaient-ils et d’où venaient-ils ? Un peu plus de 50000, qui entre juin 1940et juillet 1943 s’engagent au nom de fortesvaleurs patriotiques, tandis que des territoires del’Empire se rallient, qui vont donner à la FranceLibre une entité politique et territoriale. Les Fran-

Mémoire et Espoirs de la Résistance (MER)

Vendredi 30 janvier 2003, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, six Français libres témoignentde leurs engagements devant près de 800 collégiens et lycéens participant au Concours national dela Résistance et de la Déportation.Quatre orateurs ont brillamment replacé dans le contexte historique les témoignages des Françaislibres présents à la Sorbonne.1 - De gauche à droite : Mme Maryvonne Braunschweig, M. François-René Christiani Fassin, Mme ChristineLevisse-Touzé et M. Jean-François Muracciole.Les témoins : 2 - De gauche à droite : MM Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Maurice Druon et le général Alain de Boissieu.3 - Mme Janine Boulanger-Hoctin. 4 - M. Stéphane Hessel. 5 - M. Georges Caïtucoli. 6 - Mme Lucie Aubrac.7 et 8 – Vues de l’assistance.

7

1

6

8

54

32

À LA SORBONNE, SIX FRANÇAIS LIBRES TRANSMETTENTLEURS EXPÉRIENCES RICHES DE FERMENTS CIVIQUES À PRÈS DE 800 JEUNES

Phot

os: M

arc

Fine

ltin

Page 9: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 9

çais Libres sont jeunes: 40 % sont mineurs et 45 %ont le niveau du baccalauréat. Si le général deGaulle se désola que les élites françaises étaientabsentes à Londres, leurs enfants eux étaient pré-sents. Pierre Messmer dans une interview qu’ilavait accordé plus tôt et retransmise sur écranconfirme la jeunesse de ces femmes et de ceshommes: «J’ai été frappé, par la jeunesse de tousceux qui avaient rejoint le général de Gaulle, lamoyenne d’âge ne devait pas dépasser vingt ans».Le général Alain de Boissieu, parle de sa ren-contre avec Jean Moulin, en Angleterre, « austage de parachutisme, car comme tout lemonde et malgré son âge, il subissait le durentraînement au sol, tous les deux nousavons eu le même largueur qui m’a dit plu-sieurs fois : “Mais vous sautez comme JeanMoulin !” » Janine Boulanger-Hoctin, volon-taire féminine de la France Libre, inaugure ses17 printemps en juin 1940, « l’appel du géné-

ral de Gaulle, s’adressait à tous et à toutes» rap-pelle-t-elle, alors «pour quelles raisons, nous lesfemmes nous serions nous abstenues de servirnotre pays qui était en détresse ? ». Elles furent430 à le servir. Jean-Louis Crémieux-Brilhac,évoque comment avec la complicité de la BBCles Français Libres vont réussir à conquérir l’o-pinion publique française aux idées de la Résis-tance : «À la BBC les Français Libres ont dit lavérité, ils disaient ce que Vichy ne disait pas ».Stéphane Hessel parle du BCRA «en contactpermanent avec les mouvements de Résistancequi essaiera et réussira de donner le plus d’ef-ficacité possible à ces mouvements ». MauriceDruon raconte comment est né, avec son oncleJoseph Kessel et la chanteuse Anna Marly Lechant des partisans qui «devait unir des indivi-dus qui, dans des caves, des gares ou des gre-niers participaient à un même combat sans seconnaître. En un mot il devait unir tous les Fran-

çais qui se battaient, il fut La Marseillaise de laRésistance». Enfin Georges Caïtucoli, ancienparachutiste, parle de l’engagement des Fran-çais Libres : «qui furent une minorité, dont lamotivation fut le refus d’accepter une défaite etla volonté de poursuivre le combat… Douzemille trouvèrent la mort sur tous les fronts ».Laissons l’apogée de cet après-midi à LucieAubrac, assise au milieu du jeune public quià l’invitation de son ami Stéphane Hesselaffirme : « Les Français Libres c’était des hom-mes et des femmes libres qui avaient l’uniformefrançais sur le dos, pour l’amour de leur payset celui de la liberté. Je ne séparerai jamais dansmon cœur et dans mon esprit un Français libred’un résistant ».

Jean NovosseloffAdministrateur, secrétaire général

adjoint de «MER»

A u Palais Bourbon, sous le haut patronagedu président de l’Assemblée nationale,Jean-Louis Debré, s’est tenu le col-loque annuel de l’association «MER»,

sur le thème de «la Résistance de l’Esprit». Aprèss’être réjoui du plaisir offert à cette «maison par-lementaire de se pencher pour quelques instantssur notre histoire», le président Debré soulignecombien il est important d’associer élèves et col-légiens au rappel «des heures les plus sombresde notre XXe siècle où des femmes et des hom-mes ont refusé de s’incliner lorsque la Répu-blique a abdiqué face à l’ignominie et à labarbarie». Puis il rappelle en quelques mots quela Résistance armée est indissociable, de celle del’Esprit. «Parce que des esprits se sont élevéspour contester la vérité officielle ». Sursautintellectuel, spirituel et patriotique qui ne fut,conclut le président Debré « l’apanage d’aucunmouvement politique ni d’aucune apparte-nance confessionnelle, il les dépassait toutes ettous, ce sont réunies, dans un même combat,des personnalités opposées, de confessions dif-férentes, unies autour d’une même passion, cellede la France».Jean-Marie de Beaucorps (1), évoque, la Résis-tance en Indochine, où dès août 1940, dans unisolement total, malgré un très maréchaliste gou-

verneur et avec pour voisin un Japon agressif,quelques Européens militaires et civils, «estimentspontanément qu’ils doivent faire quelquechose». Après avoir rencontré à Singapour, desofficiers anglais, ils vont constituer des réseauxde renseignements. À l’entrée en guerre desÉtats-Unis, les renseignements fournis vontdevenir essentiels pour les Alliés. Si « la naissancespontanée de la Résistance en Indochine ne peutpas être ignorée. Les Alliés l’ont reconnu endéclarant que ces réseaux leur avaient été trèsutiles et en remerciant la France», démontrantainsi, que la Résistance est un Esprit.Renée Bérarida (2), résistante, membre du mou-vement «Témoignage Chrétien», évoque lescréateurs: le père Chaillet, qui s’était donné pourmission de dénoncer « la menace d’une idéolo-gie à la fois antisémite et anti-chrétienne», et

les théologiens jésuites de Lyon, qui au nom deleur foi vont entrer en Résistance alors «qu’unemajorité de Français et parmi eux les catholiqueset l’Église de France vont tomber dans le piègedu redressement moral et intellectuel» prôné parle maréchal. Elle rappelle ce mot de Jean Cassou,pour qui « la Résistance fut et demeure un faitmoral : le même pour tous les résistants ».«Témoignage Chrétien», créa un journal clan-destin, qui sorti en novembre 1941 avec en exer-gue : «France prend garde de perdre ton âme».Combat redoutable pour tous ces chrétiens, «quidevaient témoigner de leur foi et de leur fidé-lité à l’Évangile dans une situation dramatiqueet exceptionnelle, c’était la croix du Christdressée face à la croix gammée».Évoquant le rôle des Protestants dans la Résis-tance, Laurent Theis (3), rappelle que c’est deuxjours après la prise du pouvoir par les nazis quele pasteur Marc Boegner avait écrit : « les fils spi-rituels des huguenots tressaillent d’émotion etde sympathie chaque fois qu’une minorité reli-gieuse est persécutée et ils savent trop ce queles Églises de la Réforme doivent aux prophè-tes qui ont frayé la voie à l’Évangile pour ne passe sentir meurtris des coups qui frappent les fils

18 DÉCEMBRE 2003, L’ASSEMBLÉE NATIONALE ACCUEILLE LE COLLOQUE « LA RÉSISTANCE DE L’ESPRIT »1 2 3 4 5

Le colloque annuel de MER, « La Résistance del’esprit », réunissait des intervenants de renomqu’ils soient historiens, philosophes ouspécialistes des grandes confessions.1 – M. Jean Marie de Beaucorps.2 – Mme Renée Bédarida.3 – M. Laurent Theis.4 – Mme Christine Lévisse-Touzé.5 – M. Claude Ducreux.Photos : Marc Fineltin

Suite en page 13

Page 10: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

10 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

L’activité des associations partenaires

L e projet AERI dans le Calvados est menépar l’association «Résistance et Mémoire»créée en 1998 et présidée par JacquesVico, ancien résistant et président de

l’Union départementale des combattants volon-taires de la Résistance. Le cédérom du Calva-dos s’inscrit dans le cadre plus large de l’histoirede la Résistance en Basse-Normandie. Ainsi l’as-sociation « Résistance et Mémoire » réalise enparallèle deux autres cédéroms: celui de la Man-che sous la direction de Michel Boivin, maîtrede conférences à l’université de Caen et celuide l’Orne dirigé par Gérard Bourdin, profes-seur d’histoire au collège Honoré de Balzac àAlençon. Cette association regroupe de nom-breux bénévoles, résistants ou non, dont l’ob-jectif commun est de faire découvrir aux jeunesgénérations l’histoire de la Résistance.Le projet du Calvados est piloté par Jean Quellien, professeur d’histoire à l’université deCaen, directeur de l’UFR d’histoire de Caen, etspécialiste de l’histoire de la Basse-Normandiependant la Seconde Guerre mondiale. Il estassisté de deux emplois-jeunes, tous deux étu-diants en histoire, recrutés par l’Association, pourmener à bien les travaux : Monique Gimenez etCédric Neveu. Le projet bénéficie du soutiende nombreux organismes. Le service départe-mental de l’Office national des anciens com-battants du Calvados participe à l’aventure avecla mise à disposition d’un emploi-mémoire, JuliaQuellien, chargée de l’aspect Mémoire ducédérom. L’université de Caen est aussi partieprenante par l’intermédiaire du Centre deRecherche en Histoire Quantitative (CRHQ),laboratoire de recherche dépendant du CNRS,et dirigé par Bernard Garnier. Le CRHQapporte à la fois un soutien logistique, en

accueillant l’équipe du Calvados, mais aussi historique notamment avec l’aide précieuse ducartographe maison, Michel Daeffler. Lesconseils généraux des trois départements et le conseil régional soutiennent également le projet, notamment financièrement.Juin 1940 : les troupes allemandes occupent leCalvados. Rapidement la population montre dessentiments anglophiles et gaullistes tandis quele sentiment germanophobe se renforce par laprésence particulièrement lourde des troupesd’occupation et les réquisitions nombreuses. Dece fait, la Révolution nationale et les mouve-ments de collaboration rencontrent un écholimité. Cependant, la population calvadosiennen’entre pas massivement dans la Résistance.Dans le Calvados, la Résistance est un phénomèneminoritaire et précoce. Dès l’automne 1940, despatriotes décidés se rassemblent pour former legroupe «Robert», mis en place par Robert Guédon, et qui deviendra le futur réseau «Hector». Cependant, à l’automne 1941, leréseau est décapité par une rafle. En parallèle,le mouvement l’ « Armée des Volontaires »s’installe dans le Calvados, dirigé par RobertThomas. Lui aussi est victime de nombreusesarrestations. Les survivants rejoignent au débutde l’année 1942 les rangs de «Ceux de la Résis-tance» et surtout de l’ «Organisation civile etmilitaire » (OCM) qui devient la principale

organisation de Résistance, dirigée par MarcelGirard. Les deux organisations fusionnent enfévrier 1943. La résistance communiste n’est pasen reste. Le parti communiste se reconstitue defaçon clandestine, fournissant les structures duFront national, qui ne disposera d’une organi-sation propre qu’à partir du milieu de l’année1943. La Résistance dans le Calvados est essentielle-ment tournée vers le renseignement et la pro-pagande par voie de tracts et de journauxclandestins. Des réseaux spécialisés s’organisentpour rassembler le maximum d’informations surles effectifs de la Wehrmacht et sur l’avancementdu Mur de l’Atlantique : «Alliance», «Arc-en-Ciel », «Centurie », «Zéro-France» sur la côte,« Jean-Marie » dans le Pays d’Auge… Ces ren-seignements vont se révéler de première impor-tance pour les Alliés, au fur et à mesure que seprécise le projet de débarquement sur les côtesbas-normandes. La présence particulièrementlourde des troupes allemandes (de 15000 à20000 hommes en moyenne dans le départe-ment), dans ce secteur stratégique face à l’Angleterre, ne permet pas des actions arméesde grandes envergures. En outre, la géographiede la région se prête peu à l’organisation demaquis. Pourtant, la Résistance réalise quelquescoups d’éclats comme le double-sabotage d’Airan les 16 avril et 1er mai 1942, provoquant

Dans le cadre de la campagne nationale deréalisation de cédéroms « Histoire enMémoire», les prochaines publications prévuessont les cédéroms de la Résistance dansl’Yonne et l’Ardèche, en mai 2004 ; celui du Calvados en juin et la Haute-Marne, début septembre. Le DVD-ROM sur la Résistance enIle-de-France paraîtra dans le courant du moisde juin 2004. Sont prévus aussi en 2004 la Charente, la Haute-Savoie, la Manche…En avant première, nous avons demandé à l’équipe calvadosienne «Résistance et Mémoire»de présenter aux lecteurs de La Lettre de laFondation de la Résistance son cédérom.

« LA RÉSISTANCE DANS LE CALVADOS »

Association pour des Études sur la Résistance Intérieure (AERI)

Carte de la Résistance dans le Calvados.

Coll.

«Ré

sista

nce

et M

émoi

re»

- DR

Page 11: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 11

la mort d’une quarantaine de soldats allemandset des dizaines de blessés. Plusieurs petitsmaquis se constituent, essentiellement dans lePays d’Auge et le bocage virois, dépendant desFTP. La seule exception est le maquis de Saint-Clair, au sud de Caen, mis en place par le capitaine Jean Renaud-Dandicolle du Special operations executive (SOE).De l’automne 1943 à l’été 1944, l’Occupant,aidé d’auxiliaires français, porte des coups trèsdurs à la Résistance : les réseaux « Jean-Marie »,«Alliance», «Arc-en-Ciel », «Zéro-France»…sont décapités. L’OCM et le Front national sont victimes de rafles en décembre 1943 quidésorganisent profondément les états-majors.Malgré cela, la coordination des différentes orga-nisations se met place en vue du débarquement.Dès le 6 juin 1944, la Résistance entre en action,harcelant les troupes allemandes, multipliant lesactions de sabotages, menant de dangereusesmissions de liaisons dans les lignes allemandes,servant d’éclaireurs aux troupes alliées dans leuravance… L’Occupant réagit avec la plus extrêmebrutalité. Le 6 juin, la Gestapo massacre à la mai-son d’arrêt entre 75 et 80 résistants, dont lescorps n’ont jamais été retrouvés. Le 8 juillet1944, le PC du maquis de Saint-Clair estinvesti. Les Allemands exécutent sommairementles résistants capturés.

Le 9 juillet 1944, une partie de Caen est libérée par les Britanniques et les Canadiens,avec l’aide active de la Résistance. La compa-gnie FFI « Fred Scamaroni » est créée pour

assister les Alliés dans la libération définitivede la ville.

Résistance et Mémoire

• De nouveaux titres ont paru dans la collection «Histoire pour Mémoire», en coédition avec les éditions Tirésias.

En 2003 :- Yves Béon, Retour à la vie, préfacé par Stéphane Hessel et présenté par

Jacques Delarue. Récit de la libération des camps et du retour terrible dansla normalité d’une France libérée depuis plusieurs mois.

- Guy Le Corre, Un cheminot rennais dans la Résistance, 1941-1944, qui afait partie du réseau Manipule.

Nouveautés parues en février 2004. - Louis Rivière Ailleurs demain. Ouvrage de récits,

de fraternité et de militantisme. Il fut déportéà Sachsenhausen et au camp d’Heinkel.

- Roger Coutarel, Itinéraire d’un résistant desCévennes à la Libération. Homme du sud desCévennes, protestant, engagé dans la Résistancedès l’armistice, il raconte son quotidien demaquisard dans la région de Chambon-sur-Lignon.

L’ouvrage de Philippe Castetbon, « Ici esttombé… », autour des plaques commémorati-ves de la Libération de Paris, livre de photos etde témoignages, paraîtra à la fin du mois de mars.L’AERI sera présente, sur le stand des éditionsTirésias, au salon du Livre à Paris du 19 au 24 marsprochain, ainsi qu’au salon du Livre de Mémoireà Bordeaux du 1er au 4 avril 2004.

Ces ouvrages sont disponibles à l’AERI ou auxéditions Tirésias (21 rue Letort – BP 249 –75866 Paris cedex 18).

• Résistantes de l’ombre à la lumière : un franc succès

Le film de Rolande Trempé (professeur émérite Toulouse-Le Mirail), Résistantes de l’ombre à la lumière, produit par l’AERI, rencontre un francsuccès. En effet, il a été présenté à plusieurs reprises en présence de l’auteur : le 2 février 2004 à Nantes (diffusion organisée par Ciné-Femmes) ;le 19 février à l’université de Bourgogne (journée d’étude sur le thème

« Femmes et Cité » organisée par la Maison desSciences de l’Homme de Dijon)….À l’occasion de la journée de la femme le 8 marsprochain, Christine Bard (université d’Angers) etNicole Le Corre (présidente d’Espace Femmes)recevront Rolande Trempé et Laurence Thibaultà Angers. Aurélie Pol et Laure Bougon assisterontle même jour, accompagnées de Jacqueline Pardon, à la projection du film à la CMCAS d’Évry.François Marcot envisage prochainement de présenter le film à l’université de Besançon.

Renseignements

AERI (association loi 1901 d’intérêt général)Association pour des Études sur la Résistance Intérieure, affiliée à la Fondationde la Résistance

Siège social et bureaux : 16-18 place Dupleix 75015 ParisTél. : 0145666272Fax : 0145676424Email : [email protected] internet : www.aeri-resistance.com

Actualités de l’AERI

Coll.

«Ré

sista

nce

et M

émoi

re»

- DR

Sabotage à Airan.

Page 12: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

P ierre Bérégovoy était un ami, un compa-gnon. Le 25 mai 1993, Didier Boulaud(1)

député maire de Nevers, m’avait adresséle message suivant : «Cher Charles Pot,

te remercie de la part que tu as prises à ses côtés,ces dernières semaines, au cours des événementsqui resteront à jamais gravés dans l’histoire deNevers. t’assure qu’il fera de son mieux pour continuerl’œuvre entreprise par Pierre Bérégovoy ethonorer sa mémoire.Amitiés affectueuses. »Notre ami Laurent Fabius résume parfaite-ment ce que fut toute la vie faite d'engagementet de profonde conviction de Pierre Bérégovoy,en ces quelques mots :« J’aime ce Pierre qui, destiné par la Résistanceet le milieu cheminot à rejoindre plutôt le PCFà la libération, choisit la vieille maison, la SFIO.Ce n’est pas là où on l’attend. C’est pourtantlà qu’il décide d’aller, parce qu’il sait déjà quel’idéal de justice sociale est inséparable de l’idéalde liberté. »Par contre, nous, ses anciens camarades de com-bat, avions compris ses engagements et savionsses hostilités. Il n’avait - notamment - jamaisaccepté le «pacte germano-soviétique». Sonpère, Adrien, ancien officier ukrainien du Tsar,épicier à Deville-les-Rouens, était déjà «men-desiste » et, sa mère, Irène, défilait dès l'âge dedouze ans en chantant L’internationale. Pierreavait dès son plus jeune âge baigné dans l'uni-vers politique.La Résistance fit le reste car, comme le rappelleDaniel Mayer dans son ouvrage Les socialistesdans la Résistance : « En Seine inférieure, Georges Brutelle quisera l’un des plus jeunes déportés de France, tra-vaille avec Jean Capdeville, les frères Bérégovoy,Cesaire Levillain, de Rouen, arrêté fin 1943fusillé en mai 1944». Tous appartenaient à«Libération-Nord» ainsi qu’au Parti socialisteclandestin. Comment Pierre n’aurait-il pasrejoint la SFIO avec de tels parrains ?Il est vrai que son épouse Gilberte, lorsqu'on luiposait la question, «Pierre Bérégovoy parlait-ilde la Résistance ?» avait coutume de répondre :«Oui, mais pas de son action à lui. Il recherchaitbeaucoup moins les honneurs que ce que l’ona prétendu. Un exemple : il n’a jamais demandéune quelconque carte de la Résistance.»Ce qui est parfaitement exact. Bien qu’ayant étérecruté au printemps 1943 par nos camaradesde Seine-Inférieure, puis intégré dans les FFI enjuin 1944, il n’a toujours possédé que sa seulecarte d’adhérent à «Libération-Nord» signée parHenri Ribière, membre du Conseil national dela Résistance, et sans feuillet de cotisation. Maislorsque nous lui demandions une interventionen faveur de l’un de nos camarades ou bien une

participation financière personnelle pour nosœuvres, il était toujours présent !J’en veux pour preuve, lorsqu’en octobre 1990,nous commémorions le 50e anniversaire de lacréation de notre mouvement « Libération-Nord» et lancions une souscription afin de pou-voir éditer une brochure : il me remit un chèquepersonnel substantiel comme le firent égalementnos camarades Pierre Mauroy, Michel Charasse,par exemple.Et puis encore, n’était-ce pas mon ami Jean Mattéoli, ancien ministre du Travail, présidenthonoraire du Conseil économique et social,grand résistant, ancien déporté, actuellementprésident de la Fondation de la Résistance quirendant hommage à Pierre après sa disparition,déclarait : «Nous perdons en lui un ami deconviction attaché aux vertus de la Républiqueet pour moi qui l’ai beaucoup apprécié, notam-ment à l’occasion de la création de la Fonda-tion de la Résistance qu’il avait fermementsoutenue, un homme de caractère avec lequelil était toujours facile de comprendre quand lesintérêts supérieurs du pays étaient en jeu. » Notre cher Pierre Bérégovoy m’avait été pré-senté au cours des années 1950 par mon vieuxcopain Georges Brutelle qui me dit : « Il est desnôtres ! ». Interloqué je me souviens encore luiavoir dit : mais encore? Et Georges de me répon-dre : «Ah oui ! De Libé-Nord et du Parti. »Bien entendu à cette époque je ne pensais pasretrouver Pierre Bérégovoy au PSA et PSU oùj’avais conservé les amis « séparés » de la SFIOpuis auprès d’Alain Savary, où j’avais été élu aucomité directeur du NPS au congrès d'Issy-les-Moulineaux en juillet 1969 et devais travailler

en quasi permanence avec Pierre, Ernest Cazelles, Claude Fuzier, au secrétariat nationalà la Cité Malesherbes.Là j’ai vraiment connu, apprécié et aimé PierreBérégovoy « l’homme de la berge» selon la tra-duction littérale de son nom comme certains denos camarades aimaient le nommer !Pierre Bérégovoy était un homme d’État quiavait consacré sa vie à l’État et à l'intérêt col-lectif et qui en assumait la logique. Son exigenceet sa cohérence étaient pétries de passion,d’une incroyable pureté originelle et d’intelli-gence. Sa logique était celle de gens de sa classesociale: application, sérieux, travail, rigueur, maisaussi générosité sans pareille.Bérégovoy, « l’homme de la berge», ou de larive est parti pour d’autres rives. C’est cela lamort ! Quelqu’un l’attendait autre part, enfait, il avait rendez-vous avec l’histoire. Il estentré pour l’éternité dans l’histoire et restera unsymbole et un exemple qu’un homme de notreépoque aux qualités exceptionnelles peut encoremourir pour son honneur et sa dignité. Le dernier message qui me fut adressé par Pierreest daté du 18 avril 1993 sous la forme d’untélégramme officiel émanant de la mairie deNevers exprimant ses «chaleureuses félicitationspour ma promotion dans l’ordre de la Légiond’honneur» avec un petit mot affectueux tracéde sa fine écriture légendaire et signé : PierreBérégovoy - ancien Premier ministre.

Charles PotPrésident national de Libération-Nord

Vice-président du Comité d'action de la Résistance

(1) Didier Boulaud, aujourd’hui sénateur et toujoursmaire de Nevers, fut un très jeune collaborateur etintime de Pierre Bérégovoy, d’abord son chef, puisdirecteur de cabinet, maire adjoint et député suppléantet devint le successeur de Pierre.

12 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

Hommage

PIERRE BÉRÉGOVOYEN RÉSISTANCE DE « LIBÉRATION-NORD » À LA SFIO

Juste après la Libération de la région rouennaise,à laquelle il participa, Pierre Bérégovoy (à droite

de cette photo) rejoint l’armée française.

Coll.

Libé

ratio

n-N

ord

- DR

Coll.

Libé

ratio

n-N

ord

- DR

Page 13: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 13

d’Israël». En 1940, deux jours avant l’armistice,les pasteurs André Trocmé et Edouard Theis prononcent au Chambon-sur-Lignon cettephrase : « le devoir des chrétiens est d’opposerà la violence exercée sur leur conscience les armesde l’esprit ». Belle définition de l’esprit deRésistance !Christine Lévisse-Touzé (4), évoque la partici-pation des forces de l’Empire, particulièrementcelles appartenant à la communauté musulmane:exercice délicat car en la matière, l’histoiresemble bien «défaillante ». Sur 1059 Compa-gnons de la Libération, 7 sont issus de l’Em-pire, et le 18 juin 1945, le général de Gaulle,fait Compagnon de la Libération, le futurMohammed V, geste fort, et symbolique« saluant à la fois la participation des Marocainsà l’effort de guerre et la loyauté du sultan, parceque au-delà de lui, il veut souligner l’effort desmusulmans et de l’Empire ». Oui il y eut dansdes maquis en France des résistants d’originenord africaine, sans doute musulmans, mais làencore un énorme travail de recherches histo-riques reste à faire pour mesurer l’importancede l’engagement de cette communauté. Les Africains au secours de la France faisaient direau général de Gaulle dans ses mémoires : «qu’ilsfurent l’épée de la France».Pour Claude Ducreux (5) parlant des francsmaçons dans la Résistance, si « l’initié a en luiune foi totale, une foi existentielle, active, nondogmatique» alors « face à l’ignominie, face àla nécessité de se battre, de résister, cette spiri-tualité est une aide». Ainsi la Résistance del’Esprit construite et vécue, permet d’aller tou-jours plus loin et suivant le mot de Paul Ricœur«Quand l’esprit désigne de la main la fin à attein-dre, il ne faut regarder que la main». C’est doncpour Claude Ducreux, « cet Esprit devenuaction» qui conduisit des femmes et des hom-mes au sacrifice dont les noms ajoute-t-il pourconclure : « sont unis dans le silence mais vivantsdans les mémoires. On voit là que l’espérancea été transmise ».

Pour Anne Grynberg (6), la Résistance juive futd’abord largement méconnue, puis on s’estaperçu que « très tôt et en pourcentage égal aumoins à celui de leurs concitoyens non juifs, desjuifs avaient essayé de s’opposer de différentesmanières à l’occupant et au régime de Vichy».Certains ont combattu dans les rangs de la Résis-tance intérieure ou à Londres, d’autres ont pré-féré se regrouper dans des mouvements plusspécifiques. Très tôt est née une Résistance pas-sive, humanitaire, logistique avec par exempleles Éclaireurs israélites de France ou l’Œuvre desecours aux enfants. Anne Grynberg rappelleaussi cette forme de Résistance qu’est « l’affir-mation de l’attachement à la culture spécifiquejuive, comme la lecture et l’enseignement desgrands classiques yiddishs». Cette attitude d’at-tachement identitaire est aussi l’une des formesde la Résistance de l’Esprit.Une philosophie de la Résistance ? Jean-PierreVernant (7) s’interroge : Quel est le problème dela Résistance de l’Esprit ? Qu’est ce que c’estl’Esprit ? Où se loge t-il ?«Pour Germaine Tillon, qui vomit tripes etboyaux à l’écoute du discours de Pétain, L’Esprit,il est dans ses tripes… et moi,… je ne vomis pas,mais je pleure toutes les larmes de mon corps,c’est aussi mon corps qui réagit, qui se refuse».Diversité des réactions, diversité des décisions,devant l’évidence de la réalité, de juin 1940, c’estl’esprit qui dit non, parce que devant cette réalité,on dit:«je ne peux pas l’accepter parce que si c’estcomme ça, la vie n’est plus vivable». Pour Jean-Pierre Vernant «ce qui fait la valeur d’une civi-lisation comme la nôtre malgré tout (…), les gensétaient restés des êtres humains qui avaient tropbu le lait de la douceur humaine et quand ilsvoyaient quelqu’un de menacé, ils lui tendaientla main quelque soit le risque (…)». Et il conclut« l’idéologie nazie, même si elle avait l’apparenced’une spiritualité, elle ne pouvait pas l’être puis-qu’il lui manquait la Liberté, car être libre c’estreconnaître que les autres sont libres. Être soi-même, ça veut dire que l’on reconnaît que lesautres sont eux-mêmes (…) et que tous les hom-mes sont des hommes et que les hommes sontfrères et que son prochain c’est en même tempssoi-même et plus que soi-même».

François Archambault, président de «MER»,remerciant les orateurs a conclu, par ce motd’Henri Bergson, qu’il fallait « agir en hommede pensée et penser en homme d’action».

Jean Novosseloff

(1) M. Jean Marie de Beaucorps, ancien directeur du Service de renseignement extérieur enExtrême-orient de 1946 à 1950.

(2) Mme Renée Bédarida, résistante et ancienne dumouvement «Témoignage Chrétien ».

(3) M. Laurent Theis, docteur en histoire etprésident honoraire de la Société de l’histoiredu protestantisme français.

(4) Mme Christine Lévisse-Touzé, directrice duMusée Jean Moulin – Mémorial MaréchalLeclerc de Hautecloque.

(5) M. Claude Ducreux, avocat et secrétairegénéral du Comité d’action de la Résistance.

(6) Mme Anne Grynberg, professeur à l’universitéde Paris I.

(7) M. Jean-Pierre Vernant, Compagnon de laLibération et professeur honoraire au Collègede France.

Calendrier des prochainesmanifestations de MER

AdhésionSi vous voulez donner un avenir au devoir de mémoire, adhérez à «Mémoire et Espoirs de la Résistance» !

Cotisation 15 € (+ 6 € pour « Résistance et Avenir »). Chèque à libeller à «Mémoire et Espoirs de la Résistance», Place Marie-Madeleine Fourcade, 16-18 place Dupleix, 75015 Paris Tél./Fax : 0145669232 e-mail : [email protected] Site internet : www.memoresist.org Informations complémentaires sur les sitesinternet : www.charles-de-gaulle.org www.fondationresistance.org

«MER» multiplie ses productions audiovisuellesTrois cassettes-vidéos, réalisées par la société Kubilaïkan, produites par «MER» et par-rainées par la Fondation de la Résistance, sont mises gracieusement à la disposition desétablissements scolaires et des institutions socio-culturelles. Elles sont le fruit de l’enre-gistrement de colloques organisés par l’association, soucieuse d’étendre, à un public leplus large possible et pour de nombreuses années, les témoignages des grands acteursde cette période singulière. Des montages courts, de 45 minutes environ, offrent une syn-thèse pédagogique des débats. Dans la cassette, Nos parents, ces résistants tués, enre-gistrée au Mémorial Leclerc – Musée Jean Moulin de la Ville de Paris le 2 octobre 2002,des filles et fils de grands résistants racontent avec émotion le destin tragique de leurpère ou de leur mère. La République résistante vue par ses grands témoins, colloque tenule 14 juin 2003, également au Mémorial Leclerc – Musée Jean Moulin de la Ville de Paris,constitue un document de premier ordre sur la mise en place du CNR et le rôle unifica-teur de Jean Moulin. Enfin, l’enregistrement de la séance de réflexion consacrée à La Résis-tance de l’Esprit, le 18 décembre dernier à l’Assemblée nationale, vient compléter ce corpusaudiovisuel que «MER» souhaiterait enrichir dans les années à venir.

Marie Delaleu

Soirées thématiques «une soirée, un auteur»organisées par le Mémorial du Maréchal Leclercde Hauteclocque et de la Libération de Paris et Musée Jean Moulin (ville de Paris) avec le soutien de l’association «MER».

Entrée libre et uniquement sur réservation au0140643944. Les conférences débutent à 18 heures.

Jeudi 1er avril 2004 Roger LHOMBREAUDLe réseau Centurie et le vol des plans du murde l’Atlantique.

Récital annuel de poésie sur la Résistance le19 mars 2004 aux Invalides à 14 heures organisé par «MER», le Club des Poètes, desenseignants et des lycéens.

Suite de la page 9 - Mémoire et Espoirs de laRésistance (MER)

Page 14: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

14 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

Livres

VIENT DEPARAÎTRELa présence de ces titres dans« vient de paraître » ne sauraitconstituer un conseil de lecturemais a pour but de tenir informéles abonnés de « La Lettre», desderniers ouvrages que nousavons reçus au cours du trimes-tre. La Fondation serait recon-naissante à ses lecteurs de luicommuniquer, le cas échéant,leur sentiment sur le contenu deces ouvrages, afin de pouvoir enrecommander la lecture.

Maurice Halbwachs. Un intellectuel en guerres mondiales 1914-1945.Annette Becker.Préface de Pierre Nora, de l’Académie française.Agnès Viénot éditions (11, rueJean de Beauvais – 75005 Paris),479 p., 25 €.

Histoire, critique et responsabilité.François Bédarida.Textes réunis par GabrielleMuc et Michel Trebitsch.Présentation d’Henry Rousso.Complexe, 360 p., 21.90 €.

Lettres de Buchenwald.Léon BlumLettres éditées et présentéespar Ilan Greilsammer.Gallimard, 191 p., 20 €.

Grenoble et le Vercors. De la Résistance à la Libération,1940-1944 (rééd.).Actes du colloque de l’Institutd’études politiques de Grenobledes 21 et 22 novembre 1975.Sous la direction de Pierre Bolle.Presses universitaires de Grenoble(BP 47 – 38040 Grenoblecedex 9), 272 p., 30 €.

Persécutions et spoliationsdes Juifs pendant la SecondeGuerre mondiale.Sous la direction de Tal Bruttman.Presses universitaires de Grenoble,200 p., 20 €.

Témoignage et écriture del’histoire. Décade de Cerisy 21-31 juillet 2001.Sous la direction de Jean-François Chiantaretto etRégine Robin.L’Harmattan, 480p., 38 €.

Résistance. 1940-1944. Témoi-gnages, dossiers, chronologie.Préface d’Hamlaoui Mékachéra,secrétaire d’État aux ancienscombattants.Édition Bretagne, 240 p., 29 €.Édition Rhône-Alpes, 240 p., 29 €.Éditions LBM (tél.: 0148019916).

Philisterburg (réed.)Jacques Decour.Préface de Jérôme Garcin.Éditions Farrago (76, rue Michelet– 37 000 Tours – tél./fax :0247750044), 170 p., 17 €.

«Nos jeunes morts sont secrets».Jacques Decour. Littérature etRésistance.Recueil publié à l’occasionde l’exposition consacréeà Jacques Decour présentéeau Château de Tours du 2au 21 décembre 2003.Éditions Farrago, 32 p., 3 €.

Fritz Kolbe. Un espion au cœur du IIIe Reich.Lucas Delattre.Denoël, 342 p., 22 €.

Marche autant que tu pourras.Brigitte Friang.Éditions du Sextant (185 bis, rueOrdener – 75018 Paris), 63 p.,8 €. Ce récit est un extrait de l’ouvrage de Brigitte FriangRegarde-toi qui meurs.

De Gaulle, mon père.Philippe de Gaulle.Entretiens avec Michel Tauriac.Plon, 578 p., 24 €.

Quand l’homme sera-t-ilhumain?Roger Gouffault. Préface de Jean-Michel Valade,docteur ès Lettres et Scienceshumaines.Les éditions Écritures (27, ruedu Chapeau Rouge – 19100Brive – tél./fax : 0555179559),224 p., 23 €.

Le Service du Travail Obligatoire.La région de Nancy face auxexigences allemandes.Jean-Pierre Harbulot.Presses universitaires de Nancy(42-44, avenue de la Libération –BP 3347 – 54014 Nancy cedex –tél. : 0383968430), 727 p., 45 €.

Le Journal officiel de la Franceau combat avec le général deGaulle. Londres-Alger-Paris.15 août 1940-31 janvier 1946.(DVD rom).

Les éditions des Journaux officiels(tél. : 0140587979), 40 €.La Fondation et l’Institut Charles de Gaulle ont engagédepuis 1995 avec la direction des journaux officiels un partenariat pour apporter aupublic des matériaux historiquesdevenus en partie introuvables etqui restent fondamentaux pour l’histoire du XXe siècle.Ce DVD contient : • Le Bulletin puis Journal officiel de la France Libre. Londres, du 15 août 1940 au16 septembre 1943 ;• Le Journal officiel de la République française. Alger, du10 juin 1943 au 31 août 1944 ;• Le Journal officiel de la République française. Paris, du8 septembre 1944 au 31 janvier1946 ;• Le Journal officiel des débats del’Assemblée consultative provisoire.Alger, du 3 novembre 1943 au25 juillet 1944 ;• Le Journal officiel des débats del’Assemblée consultative provisoire.Paris, du 7 novembre 1944 au3 août 1945 ;• Le Journal officiel des débats del’Assemblée constituante. Paris, du6 novembre 1945 au 31 janvier1946.

Un engrenage fatal. L’UGIF face aux réalités de la Shoah,1941-1944.Michel Laffitte.Préface de Pierre Vidal-Naquet.Liana Levi, 284 p., 24 €.

J’ai survécu à l’enfer nazi.José Marfil.Préface du général Pierre SaintMacary, président d’honneur del’Amicale de Mauthausen.L’Harmattan, 122 p., 11 €.

Les abeilles et la guêpe.François Maspéro.Le Seuil, Point histoire, 330 p.,7,41 €.

Conjurations et attentatscontre Hitler. Catalogue del’exposition du 8 novembre2003 au 25 avril 2004.Mémorial du Maréchal Leclercde Hauteclocque et de la Libération de Paris-MuséeJean Moulin.Préfaces de Bertrand Delanoë,maire de Paris et de Klaus Wowereit, bourgmestre, chef dugouvernement du land de Berlin.Paris musées, Philéas-Fogg,167 p., 29 €.

François Forestier 1940-1945.Premier chef d’État major del’Armée secrète.Michel F. Morin.Préface de Raymond Aubrac.C. Lacour éditeur, 248 p., 20 €.Pour se procurer ce livre, contacter M. Michel F. Morin(tél. : 0143569564 /0675486497, courriel : [email protected]).

Les Murs avaient la parole. L’affiche de 1939 à 1944.Dossier documentaire réalisépar Thierry Barthoulot, professeur détaché.Musée de la Résistance et dela Déportation de Besançon,68 fiches accompagnées d’uncédérom des affiches en couleur,10 € franco de port.

Destiné aux enseignants et auxélèves qui travaillent sur laSeconde Guerre mondiale, cedossier est une sélection de docu-ments établie à partir des fondsdu Musée de la Résistance et dela Déportation de Besançon.Pour guider les élèves dans leurtravail ce dossier comporte troistypes d’information : des docu-ments d’époque, des extraits depublications d’historiens traitantdu thème et une bibliographie.Grâce aux documents-sourcesque contient ce dossier les élèvespeuvent entreprendre des recher-ches et sont confrontés au travailde l’historien. Ainsi, les extraitsdes travaux universitaires peuventles aider à définir un sujet et uneproblématique tandis que labibliographie leur offre des pistespour un complément d’informa-tion ou un éventuel approfon-dissement des recherches.Pour commander ce dossier,adressez votre chèque de règle-ment (libellé à l’ordre des «Amisdu Musée de la Résistance et dela Déportation») au Musée de laRésistance et de la Déportationde Besançon, La Citadelle25000 Besançon.

Vous pouvez retrouver d’autres comptes rendus de lecture sur notre site

www.fondationresistance.org

à la rubrique «Nous avons lu»

Page 15: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004 15

Le mur de l’Atlantique : versune valorisation patrimoniale?Christelle Neveux.L’Harmattan, 315 p., 25.50 €.

Dessins d’exode.Antoine Prost et Yves Gaulupeau.Tallandier, 144 p., 29 €.

L’affiche rouge.Adam Rayski.Préface de Bertrand Delanoë,maire de Paris.Mairie de Paris (tél. : 0820007575), 80 p.

L’affiche rouge. 21 février 1944.Ils n’étaient que des enfants…Benoît Rayski.Éditions du Félin, 123 p., 16 €.

Les Juifs en Dordogne 1939-1944. De l’accueil à lapersécution.Bernard Reviriego.Préface de Serge Klarsfeld.Éditions FANLAC (Près la TourVésone – BP 2043 – 24002 Périgueux – tél. : 0553534190),archives départementales de laDordogne, 526 p., 28 €.À l’occasion de l’exposition «Ça m’est arrivé – Être Juif enDordogne» aux Archives départementales de la Dordognedu 15 décembre au 15 mars2004, un double CD audio a étéréalisé par les Archives. Ce CD audio accompagneles cinq cents premiers exemplaires de ce livre.

L’âme au poing (roman).Patrick Rotman.Le Seuil, 312p., 19 €.

Tirailleurs sénégalais à Lyon. La patrouille du caporal Samba(BD en noir et blanc).Fayez Samb.L’Harmattan, 58 p., 12 €.

La France résistante. Histoires de héros ordinaires.Alain Vincenot.Introduction de ChristineLevisse-Touzé, directrice duMémorial du Maréchal Leclercde Hauteclocque et de la Libération de Paris-Musée Jean Moulin. Préface de Jean Mattéoli, président de la Fondationde la RésistanceÉditions des Syrtes (74, rue de Sèvres – 75007 Paris– tél. : 0156586666), 575 p., 23 €.

A LIREParmi les livres reçus nous choisis-sons quelques titres qui nous ontparticulièrement intéressés et dontnous vous conseillons la lecture.

«Nous, nous ne verrons pas lafin». Un enfant dans la guerre(1939-1945).Louis Mexandeau.Le Cherche Midi, 2003,327 p., 20 €.

Ce livre est un témoignage sur l’oc-cupation brutale et impitoyabledes départements du Nord et duPas-de-Calais qui faisait partie dela zone dite interdite ou rattachée,exigée par les Allemands dans lecadre de la convention d’armisticede juin 1940. C’est dans une petitecommune rurale de l’Artois, surune terre instruite par le souvenirde la Grande Guerre, à Wanquetinque Louis Mexandeau, huit ans enseptembre 1939, rencontre laguerre, l’invasion et la peur auquotidien pendant quatre longuesannées. Avec les yeux d’un enfantde huit ans, et de petit gars duNord, il raconte dans ce livre, cesannées noires, et témoigne pourrappeler combien de résistants ano-nymes peuplèrent ce pays viscéra-lement «anti-boches» et qui résistadès la première heure. Septembre 1939, pour le petitLouis, la guerre est presque drôlegrâce à la cuisine roulante des sol-

dats français qui fait la joie desenfants, surtout quand les bravesfantassins partagent leur « rata »,quel régal alors ! À l’hiver lesAnglais vont les remplacer et dansles poches des gars du village, lebeau et «bon tabac blond à l’odeurde miel» a pris la place du rugueuxpetit gris. Mai 1940, la guerrecesse d’être drôle, annonciateurdu désastre un fleuve sans fin de«tous les spécimens que l’industrieautomobile avait fabriqués depuisvingt ans » traverse la commune.Les Mexandeau ne partiront pas,dans l’affreuse pagaille, ils fontface, aident et soulagent car chezeux on n’abandonnent pas sa terreet ses bêtes et le petit patriote dehuit ans, confie alors à une «pierretendre», au moyen d’un clou, enquelques lignes son humiliation,c’est là son appel d’un certain28 mai 1940. Avec l’arrivée des soldats alle-mands, vient le temps du sang etdes larmes, quand dans les premiersjours de juin la soldatesque occu-pante commet d’atroces massacres,prélude sans doute à ceux auxquelselle se livrera en Russie. Les petitsvillages d’Aubigny-en-Artois, Beu-vry, Courrière Carvin, et bien d’au-tres en garderont longtemps lestraces et le souvenir. Sous la botte

allemande qui s’alourdit chaquejour, l’auteur décrit l’action detous ces héros anonymes commeMarcel le chef de famille, qui seradéporté, et sa mère Jeanne,« indomptable professeur d’éner-gie» recueillant et cachant, les pros-crits, les fugitifs, les aviateurs abat-tus en leur procurant le gîte, le cou-vert et « ein caïelle », la chaise :pour les Mexandeau, comme pourtous «ces gens du Nord», que l’his-toire a habitué aux malheurs desinvasions, l’hospitalité est tradi-tionnelle. Bien vite dans le climatdes interdictions, des réquisitions,des privations et des arrestations lepetit Louis et sa petite bande de

garnements chapardent les objetsconvoités par l’occupant et bra-connent au nez et à sa barbe. À l’ombre de la croix gammée, letemps des «Ducasse» et des fêtes devillage est fini et dans la longue nuitqui s’est abattue il faut apprendre àsurvivre, à espérer, le combat que lesAnglais poursuivent met du baumeau cœur, à résister : « ici» c’est natu-rel témoigne Louis Mexandeau. Dans ce pays minier, nous rappellel’auteur, se déroulèrent les pre-mières grèves, où les mineurs etleurs femmes se conduisirent defaçon admirable face à une répres-sion impitoyable dans « la pure tra-dition de Germinal », la maisonfamiliale du petit Louis, abrita alorsplus d’un mineur poursuivi ! C’estune semaine après l’arrestation deson père en février 1942, que« l’Enjolras du Valenciennois »Eusebio Ferrari est abattu par ungendarme français. Quelques moisplus tard, en septembre c’est unautre héros du Nord « le Robin descorons» Charles Debarge qui à sontour : ne verra pas la fin de cettelutte. L’autre héros vers lequelLouis Mexandeau dirige son sou-venir est celui d’un officier britan-nique du SOE: Michael Trotobas,capitaine Michel, qui à la tête duréseau «Sylvestre Farmer», tout aulong de l’année 1943 sèmera la ter-reur chez les occupants, « il valaità lui seul trois divisions, reconnaî-tront les Allemands», lui non plusne verra pas la fin… comme tousles femmes et les hommes de cetterégion fusillés dans les fossés desforteresses d’Arras ou de Lille aucours de ces années.On sent dans ce livre combien l’au-teur a la nostalgie de la vie rurale deson enfance d’avant ces années noi-res, tendrement attaché à sa régionnatale, qui suivant ses propres motsest : « terre de malheur, de cou-rage, de résistance, de dignité et desolidarité». Ce livre est une ode àtous les oubliés, gens du Nord,paysans, mineurs, qui vécurent cesexactions, ces réquisitions, ces des-tructions, ces brimades sans jamaiscourber le dos. Ce livre est aussi lecri d’un homme, qui regrette quela mémoire de cette occupationbrutale et impitoyable n’ait pasdépassée les limites de la région etqu’au Panthéon de l’histoire natio-nale le nom de tous les «Oradour»du Nord, et de tous les héros dontil trace le portrait n’y figurent,qu’en trop petits caractères, quandils y figurent !

Jean Novosseloff

Deux « romans de la mémoire» sur

la Résistance et la Déportation

Dans le cadre de ses activitéspédagogiques, la direction de laMémoire, du Patrimoine et desArchives (DMPA) du ministère dela Défense, en partenariat avec leséditions Nathan jeunesse, a lancéune collection de romans intituléeles « romans de la mémoire » dont8 titres sont parus à ce jour. L’ob-jectif de cette collection destinéeaux collégiens est de leur faireconnaître les conflits du XXe siècleen restituant le quotidien de ceuxqui les ont vécus.

1944-1945. Les sabotsde Jean-Pierre Vittori (128 p., 5 €)

Guadeloupe 1943. Sous le vent de la guerre,«Antan Sorin»de Pierre Davy (128 p., 5 €)

Page 16: LE MOT DU PRÉSIDENT · Villars et Albert Sernissi pour l’organisation de cette cérémonie. Mardi 27 janvier 2004 après midi. Réception à la Sorbonne. À 17 heures, après la

16 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 36 - mars 2004

Résultats de l’enquête de lectorat

L es dernières questions proposées dans l’en-quête étant ouvertes, elles n’ont pas pu êtretraitées quantitativement telles quellescomme les questions fermées. Les remarques

qualitatives sur le contenu de La Lettre de la Fondation de la Résistance regroupent à la foisdes appréciations de satisfaction, des critiqueset des attentes, des remarques et des proposi-tions sur les fonctions et l’utilité de la revue dela Fondation. Elles sont exprimées par toutesles catégories de lecteurs qu’ils appartiennentau monde associatif résistant et déporté, aumonde enseignant, conservateurs, fonctionnai-res du monde combattant, et individuel.Pour tenir compte de la sur-représentation dumonde associatif, composés d’anciens résis-tants et déportés, dans l’ensemble des répon-ses qui nous sont parvenues, et afin d’avoir unevision nuancée des centres d’intérêt et desattentes des différentes catégories de lecteurs,il a fallu pondérer les thèmes selon celles-ci. Defait, la forte proportion de la catégorie sus-men-tionnée oriente inévitablement les réponsesvers un certain nombre d’attentes limitées.

Des attentes différentes selon les générations

Ce que l’on constate d’abord c’est une netteopposition entre deux centres d’intérêt et deux attentes bien distincts : d’un côté la voca-tion de transmission des valeurs de la Résistance,l’attention portée à l’idée d’héritage et au« devoir de mémoire », de l’autre le souhait que « La Lettre » s’oriente davantage vers unefonction documentaire, pédagogique et de vulgarisation scientifique et historique.• Transmettre les valeurs et le «devoir demémoire»Cette préoccupation de transmission est essen-tiellement celle des lecteurs représentant lemonde associatif issu de la Résistance et de laDéportation.• Une revue à vocation historique, scientifique,pédagogique et documentaire

Les lecteurs se définissant comme appartenantau monde de l’enseignement, comme fonc-tionnaire du monde combattant (directeur desservices départementaux de l’ONAC, par exem-ple), ou encore comme conservateurs de musée,attendent de «La Lettre » davantage d’articlesde fond, ou du moins de vulgarisation scienti-fique. Cette attente correspond également à lanature de leur profession, elle est utilitaire.• «La Lettre» : un lieu de sociabilitéPour le monde associatif résistant et déporté,il est intéressant de remarquer que l’attente porteaussi sur le besoin de conserver un lien avec l’en-semble des associations, ce qui est une des voca-tions de la Fondation de la Résistance.

La Lettre de la Fondation de laRésistance sur le site Internet

Depuis la création du site Internet de la Fonda-tion de la Résistance, en juillet 2001, les différentsarticles de «La Lettre» sont mis en ligne environun mois et demi après la parution papier, sous deuxformats : HTML et PDF téléchargeables.

Nous pouvons, grâce à une analyse statistiqueautomatique mensuelle fournie par notre héber-geur, connaître très précisément la quantité desnuméros et des articles consultés sur le site. L’unité de mesure choisie est le nombre de pagesHTML (pouvant comporter plusieurs pages

ordinaires) imprimées en un mois. C’est en effetun critère plus fiable et plus proche de la réalitéd’une consultation sérieuse, que le nombre devisites (ou de visiteurs) sur le site, puisqu’enimprimant les textes mis en ligne, les visiteursdu site en conservent une trace écrite dont onpeut penser qu’ils la lisent.

Quelles sont les rubriques de «La Lettre»consultées par les internautes?Nous avons regroupé les articles en trois gran-des catégories : articles de fond (rubriques : «Àlire», «Mémoire et réflexions», «Autour d’unephotographie»), témoignages et hommages, etarticles consacrés à la Fondation et à ses asso-ciations-filles («Le mot du président», «La viede la Fondation de la Résistance», «La vie desassociations partenaires »).Nous pouvons remarquer que s’ils se recoupenten partie, le mode de consultation sur Internetdes articles de «La Lettre » ne correspond pascomplètement à la place accordée aux différentesrubriques dans la version papier (et qui seretrouve identique dans la version HTML). Siles internautes s’intéressent à la Fondation età ses associations (45 % des pages imprimées),leur consultation se porte un peu plus sur lesarticles de fond proposés dans la revue de la Fon-dation (50 % des pages imprimées). Ce modede consultation reflète celui de l’ensemble dusite Internet et caractérise l’origine des visiteurs(à la fois issus du monde scolaire, universitaireet le grand public).

ConclusionLes préoccupations et les attentes diffèrent fon-damentalement selon l’âge et les générations. Sila revue de la Fondation doit conserver son carac-tère associatif et de transmission, il deviendranécessaire à l’avenir, pour maintenir un lectoratet élargir son audience, de consacrer une partplus importante à la vulgarisation scientifique.

Dossier réalisé par Frantz Malassis et Cécile Vast.

Comment nos lecteurs perçoivent-ils La Lettre de la Fondationde la Résistance? Telle est la question à laquelle tente derépondre l’enquête de lectorat que nous avons entreprise enjuin dernier. Dans le numéro 33 de notre revue, nous avionsdiffusé un questionnaire détaillé visant à mieux connaître lesattentes de nos abonnés.Dans notre dernier numéro nous avions publié une premièrepartie des résultats de cette enquête portant plus particuliè-rement sur la forme prise par « La Lettre» (maquette, nombrede pages), sur son contenu (clarté des articles, apport d’in-formations nouvelles sur le sujet) et sur l’intérêt porté par ses

lecteurs (lecture intégrale des articles, goût pour certainesrubriques, conservation des numéros).Dans la seconde partie de ce dossier, nous vous présentonsune analyse des questions ouvertes de cette enquête visant àmieux cerner les attentes de nos lecteurs en terme de ligneéditoriale (souhait de voir aborder d’autres thèmes ou sujets).Cette étude doit nous permettre de poursuivre l'améliorationde votre revue afin qu'elle réponde au mieux à vos attenteset qu'elle attire de plus en plus de lecteurs.Vous pouvez consulter l’intégralité du dépouillement de cetteenquête sur notre site www.fondationresistance.org

COMMENT EST PERÇUE LA LETTRE DE LA FONDATION DE LA RÉSISTANCE ?RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE MENÉE EN JUIN (2E PARTIE)

Page d’accueil du site de la Fondation de laRésistance www.fondationresistance.com

DR