le mariage interlinguistique au mali Étude du cas de

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FATOU DIA LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de Bamako en 1987 et en 1998 Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en sociologie pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2011 © Fatou Dia, 2011

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Page 1: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

FATOU DIA

LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de Bamako en 1987 et en 1998

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en sociologie

pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2011

© Fatou Dia, 2011

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Résumé

Les sociétés africaines ont fait l’objet de beaucoup d’études mais il y a un sujet qui n’a pas

été assez étudié : leur dynamique linguistique. Dans un pays comme le Mali, de

nombreuses langues sont en circulation, la langue officielle française côtoie les langues

locales et nationales. Le bilinguisme n’y est donc pas chose rare et les enjeux linguistiques

sont nombreux. De plus, très peu d’études ont porté simultanément sur la langue parlée

dans les couples linguistiquement exogames de même que sur les facteurs qui poussent à

l’entrée en union mixte. Qu’en est-il alors des transferts linguistiques dans les mariages

interlinguistiques à Bamako, capitale du Mali?

En nous inspirant des travaux de Saussure, de Bourdieu et de Calvet, nous nous penchons

sur les processus qui semblent mener au choix et à l’usage d’une langue. En effet, dans le

contexte bamakois comme dans tout autre environnement plurilingue, le choix de la langue

de communication ne se fait pas toujours de manière « consciente » mais plutôt par souci

pratique : c’est alors souvent la langue véhiculaire du milieu qui est en usage. La lecture de

ces auteurs met en évidence la place de la langue mais aussi les enjeux liés à son choix et à

son usage. Sa maîtrise offre à l’individu l’aisance nécessaire pour lui permettre de

s’exprimer dans toutes les situations, le pouvoir de se faire écouter et de se faire obéir.

Nous sommes dès lors en présence de rapports de force intrinsèques aux usages de la

langue. Tous ces éléments seront aussi appliqués au contexte bamakois pour lequel nous

analysons le tableau linguistique, les modèles familiaux et matrimoniaux ainsi que leur

évolution.

À partir de l’exploitation des données des recensements du Mali de 1987 et de 1998, ce

travail de recherche a trois objectifs. Tout d’abord, nous regardons les tendances

linguistiques à Bamako pour ensuite examiner les comportements des différentes

communautés linguistiques du Mali face au mariage interlinguistique. Enfin, cette présente

étude a cherché à mettre en lumière les principaux facteurs qui peuvent intervenir dans

l’entrée en union linguistiquement mixte. Effectivement, le bambara est la langue la plus

répandue à Bamako mais la capitale se trouve tout de même confrontée à un fort

plurilinguisme, ce qui conduit à quelques transferts linguistiques qui profitent au bambara.

Page 4: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

iv

La prédominance du bambara joue ainsi un rôle dans le comportement des hommes et des

femmes locuteurs du bambara face au mariage interlinguistique. Ces derniers sont en effet

les moins concernés par le mariage mixte, non pas parce que ce groupe linguistique est trop

conservateur, mais plutôt parce que la socialisation des individus se fait de plus en plus

dans cette langue. Les membres des autres communautés linguistiques se voient donc plus

enclins à l’exogamie linguistique. Les autres variables étudiées concernant l’union mixte à

Bamako se sont révélées tout aussi intéressantes. Le sexe, le lieu de naissance, le groupe

d’âge, le niveau d’éducation et le secteur professionnel ont tous un impact plus ou moins

déterminant sur les chances d’accès au marché matrimonial interlinguistique à Bamako.

L’étude nous montre par exemple que les natifs de Bamako semblent être ceux qui

s’engagent le plus dans les unions interlinguistiques, que le groupe linguistique a un impact

qui diffère selon le sexe de l’individu, nous faisant voir par là que les hommes sont les plus

touchés par l’exogamie linguistique. De même, le niveau d’instruction est déterminant, peu

importe le sexe étudié, tandis que le secteur professionnel a un effet mitigé, tantôt négatif

tantôt positif. L’étude parallèle des deux bases de données brutes de 1987 et de 1998 a,

quant à elle, permis de dégager l’effet du facteur temps. En effet, les déterminants proches

du mariage interlinguistique varient d’un recensement à un autre. Il faut noter que le temps

est en mesure d’agir en faveur de la mixité matrimoniale en stimulant l’effet conjugué de

plusieurs facteurs dont l’affaiblissement du pouvoir de contrôle d’un groupe sur les

comportements matrimoniaux des plus jeunes.

Mots-clés : sociologie, langues, plurilinguisme, mariage interlinguistique,

comportements matrimoniaux, recensement, Mali, Bamako.

Page 5: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

v

Remerciements

Mes premiers mots de remerciement vont à mon directeur de recherche M. Richard

Marcoux pour m’avoir fait confiance et m’avoir toujours exhorté à aller de l’avant pour

donner le meilleur de moi-même. Ses conseils judicieux et surtout sa patience et sa

générosité m’ont beaucoup apporté. Cette aventure m’a fait découvrir et aimer le travail de

recherche. Je l’en remercie encore une fois. Je suis aussi reconnaissante à tous mes

professeurs de l’Université Laval auprès de qui j’ai beaucoup appris. Je n’aurais pas pu

mener ma tâche à bien sans l’accès aux données de recensements du Mali, ce qui a été

possible grâce à Mme Assa Doumbia-Gakou, directrice technique du bureau central du

recensement de l’institut national de la statistique au Mali, et M. Mamadou Kani Konaté,

directeur au centre d’appui à la recherche et à la formation au Mali. M. Konaté a aussi eu

l’amabilité de répondre à mes nombreuses questions malgré son emploi du temps assez

chargé. Je remercie aussi le Dr Latif Armel Dramani pour l’intérêt qu’il a porté à mon

travail, nos discussions intéressantes et ses remarques pertinentes.

Une pensée spéciale à ma famille qui a toujours été à nos côtés. À mes très chères mamans,

Aminata et Ndèye Mayé que j’aime de tout mon cœur. À mon père qui me manque

énormément. Au professeur Abdou Salam Fall qui a toujours cru en moi et n’a jamais

manqué de m’encourager et de me guider. Tu m’as fait intéresser à la sociologie en premier

et je ne regrette pas de m’être lancée dans l’aventure. À ma jumelle et confidente Rokhiya,

toujours présente et prête à aider. À Tijani et Mouhamed à qui je souhaite de belles

réussites. À Safy, petite maman Aminata et bébé Ouley. Je vous aime et vous souhaite le

meilleur mes chéries. À Bocar Amadou Wane, qui m’a soutenu depuis mon arrivée au

Canada de toutes les façons possibles. Merci.

Je ne saurais oublier mes amis et collègues, qui de près comme de loin, m’ont toujours

soutenu. À Marie-Ève Harton qui a accepté de lire mon travail et de me conseiller et sans

qui le temps dans les locaux du pavillon Charles De-Koninck m’aurait certainement paru

très long. À Aladji Madior Diop qui m’a aussi beaucoup éclairé et avec qui les discussions

sont toujours sources d’inspiration. Bonne chance pour la suite. À Mariama Diouf pour son

soutien et ses conseils judicieux. À mes amis de Sherbrooke, Montréal et partout ailleurs,

toujours présents de maintes façons. Merci!

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vi

Table des matières

Résumé ..................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

Remerciements .............................................................................................................. v

Table des matières ........................................................................................................ vi

Liste des tableaux ......................................................................................................... ix

Liste des Figures et cartes .............................................................................................. xi

Introduction ................................................................................................................. 12

PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE .............................. 16

Introduction à la première partie .................................................................................. 17

CHAPITRE 1 : Situation sociolinguistique, modèles familiaux et matrimoniaux .............. 18 1.1. Rapports sociaux et de pouvoir liés à la langue ............................................................................... 18

1.1.1. Les usages de la langue : nous sommes tous confrontés aux langues .................................... 18 1.1.2. Les rapports de force symbolique liés à la langue .................................................................... 19

1.2. Un monde plurilingue ....................................................................................................................... 29 1.2.1. Bilinguisme et diglossie ............................................................................................................ 30 1.2.2. L’exemple du français : sa place dans les sociétés africaines et son statut de langue officielle ............................................................................................................................................................ 32

1.3. Le Mali, terre de brassage linguistique et culturel ........................................................................... 34 1.3.1. Situation géographique et démographique ............................................................................. 34 1.3.2. Situations politiques ................................................................................................................. 36 1.3.3. Bamako, la capitale ................................................................................................................... 39 1.3.4. Situation démolinguistique du Mali : ethnies et langues ......................................................... 41

1.4. La famille africaine ........................................................................................................................... 45 1.4.1. Les différentes mutations subies par la famille africaine ......................................................... 46 1.4.2. Entre modernité et tradition .................................................................................................... 47

1.5. Le mariage ........................................................................................................................................ 48 1.5.1. Évolution des modèles matrimoniaux ...................................................................................... 49 1.5.2. Le mariage au Mali ................................................................................................................... 50 1.5.3. Mariage mixte, mariage interlinguistique ................................................................................ 51

1.6. Conclusion ........................................................................................................................................ 52

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE .............................................................. 54 2.1. Problématique et questions de recherche ....................................................................................... 54

2.1.1. Problématique .......................................................................................................................... 54 2.1.2. Questions de recherche ............................................................................................................ 55

2.2. Hypothèses de recherche ................................................................................................................. 56 2.3. Sources de données ......................................................................................................................... 57

2.3.1. Objectifs des recensements ..................................................................................................... 58 2.3.2. Élaboration des recensements ................................................................................................. 59 2.3.3. Quelques notions...................................................................................................................... 59

2.4. Cadre d’analyse ................................................................................................................................ 64 2.4.1. Les variables à l’étude .............................................................................................................. 64 2.4.2. Avantages et limites des données ............................................................................................ 68 2.4.3. Description de notre sous-population ...................................................................................... 70 2.4.4. Méthodes d’analyse ................................................................................................................. 71

2.5. Conclusion ........................................................................................................................................ 72

Page 7: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

vii

DEUXIÈME PARTIE : ...................................................................................................... 73

Analyse des caractéristiques des couples monogames de Bamako ................................ 73

Introduction à la deuxième partie................................................................................. 74

Chapitre 3 : Analyse descriptive .................................................................................... 75 3.1. Situation linguistique dans les ménages monogames de Bamako entre 1987 et 1998 ................... 76

3.1.1. Langues maternelles, langues parlées ...................................................................................... 76 3.1.2. Un transfert linguistique vers le bambara? .............................................................................. 78

3.2. Endogamie, exogamie linguistiques : au sein des ménages monogames de Bamako ..................... 82 3.2.1. Évolution des unions interlinguistiques à Bamako en 1987 et 1998 ........................................ 82 3.2.2. Tendances linguistiques : exogames vs endogames................................................................. 83 3.2.3. Des préférences linguistiques ou une plus grande ouverture à l’exogamie? ........................... 85 3.2.4. Provenance de la langue parlée dans le couple mixte ............................................................. 87

3.3. Les variables explicatives : Une analyse descriptive selon le genre ................................................. 88 3.3.1. L’aptitude à lire et à écrire à Bamako ....................................................................................... 88 3.3.2. Le niveau d’instruction ............................................................................................................. 90 3.3.3. L’activité principale ................................................................................................................... 93

3.4. En conclusion .................................................................................................................................... 95

CHAPITRE 4 : Analyse multivariée ................................................................................. 96 4.1. Les causes d’entrée en union mixte à Bamako : caractéristiques des ménages monogames ......... 97

4.1.1. Quelle est la part du groupe linguistique dans l’intermariage à Bamako? .............................. 97 4.1.2. Est-on plus enclin vers une union mixte selon que l’on est né à Bamako ou ailleurs? ............ 98 4.1.3. Quel est le rôle joué par l’âge des conjoints? ........................................................................... 99 4.1.4. L’exogamie est-elle liée à l’alphabétisation? .......................................................................... 100 4.1.5. Quel est l’effet du niveau d’instruction sur le fait d’être dans un ménage mixte? ................ 102 4.1.6. L’association entre l’activité exercée par le répondant et le fait d’être dans un ménage mixte .......................................................................................................................................................... 104

4.2. Une analyse des correspondances multiples ................................................................................. 105 4.3. La régression logistique .................................................................................................................. 108

4.3.1. Pourquoi une régression? ....................................................................................................... 108 4.3.2. La régression logistique .......................................................................................................... 109 4.3.3. Conception des modèles ........................................................................................................ 109

4.4. Résultats ......................................................................................................................................... 112 4.4.1. L’ensemble des individus ........................................................................................................ 112 4.4.2. Des conclusions différentes pour les hommes et les femmes? .............................................. 117

4.5. En conclusion .................................................................................................................................. 124

Conclusion générale ................................................................................................... 127

Bibliographie ............................................................................................................. 136

Annexes ......................................................................................................................... i Annexe A : Secteurs d’activité .............................................................................................................. ii Annexe B1 : Les langues maternelles et parlées à Bamako en 1987 et 1998 ...................................... iii Annexe B2 : Taux de transferts linguistiques vers le bambara selon la langue maternelle et nombre de personnes qui parlaient encore leur langue maternelle en 1987 et 1998 chez les conjoints monogames de Bamako ...................................................................................................................... iv Annexe B3 : Répartition des unions mixtes chez les conjoints monogames de Bamako en 1987 et 1998 selon la communauté linguistique et le genre (en pourcentages) .............................................. v Annexe B4 : Lieu de naissance des conjoints monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en pourcentages) .................................................................................... vi

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viii

Annexe B5 : L’âge du répondant chez les conjoints monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en pourcentages) ............................................................ vii Annexe B6 : Le niveau d’instruction des conjoints monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ...........................................................................viii Annexe B7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ............................................... ix Annexe C1 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1987) ................................................................................................ x Annexe C2 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjoints en union monogame à Bamako (1987) ............................................................................................................. xiii Annexe C3 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjointes en union monogame à Bamako (1987) ............................................................................................................. xvi Annexe C4 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1998) .............................................................................................. xix Annexe C5 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjoints en union monogame à Bamako (1998) ............................................................................................................ xxii Annexe C6 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjointes en union monogame à Bamako (1998) ............................................................................................................ xxv

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ix

Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Le concept de diglossie selon Joshua Fishman ……………………………………………………………………… 27 Tableau 1.2 : L’évolution de la population du Mali entre 1987 et 1998 selon la région…………..…………….…….. 33 Tableau 1.3 : Les langues au Mali ……………………………………………………………………………………..…..………………….. 40 Tableau 1.4 : Les groupes linguistiques au Mali selon l’emplacement géographique …………..……….…………… 43 Tableau 2.1 : La situation matrimoniale au Mali lors des recensements ……………………………………………………. 61 Tableau 2.2 : Les liens de parenté avec le chef de ménage lors des recensements …………............................ 62 Tableau 2.3 : Les différentes situations de résidence lors des recensements ……………….…………………..………. 62 Tableau 2.4 : Le Lieu de naissance des répondants .…………………………………………………….……………………..…….. 63 Tableau 2.5 : L’alphabétisation des répondants ..………………………………………………………..……………………….…… 64 Tableau 2.6 : L’alphabétisation des répondants ……….……………………………………………….…….…………………….…. 65 Tableau 2.7 : Le niveau d’instruction des répondants .…………………………………………….…….……………………….… 66 Tableau 2.8 : Le niveau d’instruction corrigé des répondants .………………………………….………….…………………... 67 Tableau 2.9 : Sélection des membres du corpus de données …………………………………………………..…………….…. 69 Tableau 3.1 : Les langues maternelles et parlées chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement (en pourcentages) ........................................................................... 76 Tableau 3.2 : Les langues maternelles concernées par le transfert vers le bambara chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako …………………………………………………………………………………………….…………... 78 Tableau 3.3 : L’évolution des mariages monogames et mixtes à Bamako entre 1987 et 1998……..…..……….. 81 Tableau 3.4 : Les fréquences d’endogamie ou d’exogamie dans les communautés linguistiques du Mali chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement …..………..………..…. 82 Tableau 3.5 : Les conjoints qui parlent la même langue ou non dans les couples exogames et monogames de selon l’année de recensement Bamako ……………………………………………………………………………………………….. 86 Tableau 3.6 : La Provenance de la langue parlée chez les conjoints au sein des couples exogames et monogames qui parlent la même langue à Bamako …………………………………………………………………………………. 87 Tableau 3.7 : L’aptitude à lire et à écrire dans une langue chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages ..................................................... 88 Tableau 3.8 : La branche d’activité exercée chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages) ……………………………………………………………………………. 92 Tableau 4.1 : Le groupe linguistique chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ………………………………………………………………………………..... 96 Tableau 4.2 : Le lieu de naissance chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………………………………………. 97 Tableau 4.3 : L’âge du répondant chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………………………………………. 98 Tableau 4.4 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ..………………………………………………………………. 100 Tableau 4.5 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………… 101 Tableau 4.6 : Le niveau d’instruction des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) …………………………………………………………………………………. 102 Tableau 4.7 : L’activité professionnelle des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ..……………………………………………………………………………….. 103 Tableau 4.8 : Les modalités des variables explicatives et leur catégorie de référence pour la régression logistique …………….………………………………………………………………………………………………………………………………….. 110 Tableaux 4.9 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1987 ………………………………………………....................................................................................... 113 Tableaux 4.10 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1998 ………………………………………………...................................................................................... 114 Tableaux 4.11 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1987……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. …..… 118

Page 10: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

x

Tableaux 4.12 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1998 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………..… 119 Tableaux 4.13 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………....…. 121 Tableaux 4.14 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………....…. 122

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xi

Liste des Figures et cartes

Figures

Figure 3.1: L’évolution des unions mixtes chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement, la communauté linguistique et le genre …………………………………………………………… 85 Figure 3.2 : Le niveau d’instruction chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages) ..……………………………………………………………………………………... 91 Figure 4.1 : Analyse des correspondances multiples, 1987 ………………………………………………………………………. 105 Figure 4.2 : Analyse des correspondances multiples, 1998 ………………………………………………………………………. 106

Cartes

Carte détaillée du Mali et de ses régions et district ………………………………………………………………………………….. 32

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12

Introduction

Nous sommes constamment en contact avec les langues. Il est d’autant plus difficile de

passer outre leur importance que leur histoire constitue le versant linguistique de l’histoire

des sociétés (Calvet, 2005). Leur utilisation fait partie de la vie, mais ne se fait pas sans

heurts. La langue ne se définit pas seulement comme un instrument de communication. Son

utilisation ne se résume pas à un rapport neutre entre la langue et son locuteur (Calvet,

2009). Nous adoptons des comportements vis-à-vis de notre langue, mais aussi par rapport

aux autres langues et leurs locuteurs. Nous les jugeons tout comme ils nous jugent : ce sont

des attitudes et représentations linguistiques qui traduisent notre position envers tel ou tel

autre groupe linguistique.

Tout est mis en place dans la société afin de nous inculquer une langue, sa pratique et sa

maitrise. Nos habitudes, le plus souvent fondées sur les règles de la communauté, nous

dictent notre conduite, une certaine façon de faire, de parler, de s’exprimer, etc. Une fois

ces usages intégrés, nous sommes alors en possession d’un capital linguistique qui nous

permettra de nous faire écouter et de nous imposer aux autres. Toutefois, nous nous

heurtons à l’organisation du marché linguistique. Cet ordre bien établi nous dit comment

parler et comment nous comporter dans certaines situations, tout manquement étant

susceptible d’être sanctionné. L’usage d’une langue n’est donc pas aussi simple et innocent

qu’on pourrait le penser, tout comme son choix doit être bien raisonné. Nos interactions

entre locuteurs sont caractérisées par des échanges linguistiques qui sont des rapports de

communication, mais aussi sociaux et de pouvoir (Bourdieu, 1982).

En raison du multilinguisme de ce monde, nous évoluons dans une sphère que nous

pourrions qualifier d’une foire aux langues. Dans cet environnement, chaque langue a une

valeur qui lui a été attribuée selon sa cote sur le marché linguistique. Ce processus

déterminera l’évaluation de ce que Bourdieu (1982) appelle la compétence linguistique. La

langue peut alors perdre de sa valeur lorsqu’elle est sortie de son marché, car ce dernier est

lié au statut social de l’individu. Cependant, certains conservateurs n’adhèrent pas à cette

idée, suite à ce qui s’est passé dans les anciennes colonies où les langues importées

Page 13: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

13

occupent une place de maître en prenant de la valeur dès l’entrée à l’école. Cette dernière

contribue à la mise en place et à l’imposition d’une seule langue légitime en apportant sa

contribution à la reconnaissance universelle de la langue dominante (Bourdieu, 1982). Or,

c’est l’école qui produit les futurs usagers ou détracteurs de cette langue.

Les représentations que nous nous faisons nous poussent le plus souvent à penser que les

situations de multilinguisme sont le lot réservé aux pays du tiers-monde ou en voie de

développement. Bien vrai que les termes ethnies ou tribus leur sont fréquemment réservés,

la multiplicité et les chocs linguistiques sont présents un peu partout dans le monde.

Cependant, les politiques mises en place afin de gérer ces situations ainsi que les

interventions étatiques, lorsqu’elles ont lieu, diffèrent d’un pays à un autre.

Le choix et l’usage d’une langue découlent de rapports de force souvent implicites entre des

interlocuteurs de langues différentes. Lorsqu’un contexte se présente et demande

l’utilisation d’une seule langue (comme dans un cas de bilinguisme), cette préférence

déterminera notre message et notre position par rapport à la langue de l’environnement ou

la langue dominante (Calvet, 2005). Dans les pays avec plusieurs langues locales se mène

une véritable guerre des langues sous-jacente à une lutte pour le pouvoir. Nous voyons

donc se profiler la langue de la capitale ou celle du groupe linguistique dominant. Ce

dernier tentera d’imposer sa langue comme unique et exclusive aux autres par le biais de

ses locuteurs qui tenteront à leur tour d’imposer leur culture aux autres. Cette situation

trouvera son apogée lorsque le pays a connu une colonisation. Dans un cas pareil, le

problème linguistique se pose souvent après l’indépendance et la constitution d’un État ou

alors suite à une résistance face au pouvoir étranger (Calvet, 2005).

Les enjeux liés au choix de la langue sont importants. La langue maternelle peut être

définie comme la première langue d’intégration durant l’enfance tout comme elle peut être

interprétée comme celle héritée de la mère comme son nom l’indique, mais aussi, et

pourquoi pas, du père. Elle peut aussi être vue comme la langue de la mère patrie ou celle

de ses ancêtres même si on n’en est pas un locuteur. Cela relève donc, entre autres, du

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14

contexte et du sentiment d’appartenance. À titre d’exemple, en Chine, l’idée de la patrie ne

fait référence ni à la mère ni au père, mais aux ancêtres (Calvet, 2005). La famille est le

microcosme de la nation, car la langue maternelle et celle de la nation ne feraient qu’une

(Calvet, 2005). Ainsi, on passe insensiblement de la notion de langue maternelle à celle de

langue nationale.

Outre les groupes de locuteurs, la cellule familiale est un autre lieu d’interactions

linguistiques, car est un excellent lieu de transmission de la langue d’un conjoint à un autre,

d’un parent (ou des parents) à l’enfant. Nous pouvons dès lors nous demander si le couple

bilingue n’est pas le premier lieu de conflit linguistique. Il existe un rapport étroit entre la

famille et la société influençant du même coup l’organisation et le fonctionnement des

couples. Ainsi, la langue parlée dans les couples mixtes est le plus souvent celle qui domine

hors du foyer : c’est le cas du bambara sur une grande partie du territoire malien (Calvet,

2005). Ce risque est d’autant plus grand que le couple mixte évolue dans une zone urbaine

lorsqu’on sait que la ville est le théâtre d’un sérieux brassage linguistique. Cette

conjoncture introduit immédiatement la compétition linguistique qui aura assurément lieu

au sein du couple. Effectivement, il s’installera une rivalité entre les deux langues

présentes. Le processus d’assimilation qui s’en suit constitue aussi une menace pour le

plurilinguisme et les langues minoritaires. Qui donc de l’effet du pouvoir symbolique lié

au choix et à l’usage d’une langue ou de l’effet du genre dans le couple sera le plus

déterminant dans les dynamiques linguistiques des couples exogames de Bamako en

1987 et en 1998?

Cette étude trouve son cadre dans la ville de Bamako qui connait une forte urbanisation et

d’incessants contacts entre les différents groupes linguistiques. Notre objectif de recherche

sera de nous placer dans le contexte de la capitale malienne au sein des couples bamakois

monogames et interlinguistiques et de dégager les principaux facteurs qui déterminent leur

choix et leur usage d’une langue. Les problèmes qui seront posés dans cette étude

correspondront d’une part, à une volonté de mieux comprendre les principaux transferts

linguistiques qui ont cours au Mali et à Bamako en particulier ainsi que les paris qui leur

sont liés, et d’autre part, à celle de vouloir cerner les déterminants du mariage mixte.

Page 15: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

15

De là, nous proposons une recherche en deux parties. La première portera en premier lieu

sur les différents axiomes théoriques et conceptuels sur lesquels est fondée cette étude.

Dans un deuxième temps sera présentée notre méthodologie d’analyse. La deuxième partie

de ce travail englobera deux volets d’analyses, l'un descriptif et l'autre multivarié, tous deux

reposant sur l’exploitation des données de recensements généraux de la population et de

l’habitat conduits au Mali en 1987 et en 1998.

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PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE THÉORIQUE ET

MÉTHODOLOGIQUE

Page 17: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

17

Introduction à la première partie

Cette partie renferme les éléments théoriques et méthodologiques sur lesquels se fonde

notre étude. Elle est composée de deux chapitres. Dans le premier chapitre, nous tenterons

de jeter un regard sur les procédures qui mène au choix et à l’usage d’une langue dans un

contexte de plurilinguisme. Dans cette perspective, la chercheure aura à s’intéresser au

contexte africain, plus spécifiquement, le contexte malien pour y analyser la situation

linguistique, les modèles familiaux et matrimoniaux et leur évolution.

Le deuxième chapitre sera axé sur la méthodologie qui sous-tend la présente recherche. Il

sera pour nous l’occasion d’aborder la problématique, les hypothèses de travail, leurs

concepts-clés et les instruments mis en œuvre pour leur vérification.

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18

CHAPITRE 1 : Situation sociolinguistique, modèles familiaux et

matrimoniaux

1.1. Rapports sociaux et de pouvoir liés à la langue

1.1.1. Les usages de la langue : nous sommes tous confrontés aux

langues

Où que nous soyons, quoi que nous fassions et peu importe notre langue « maternelle »,

nous en rencontrons d’autres que nous serons appelées à adopter ou non. Mais à quoi sert

une langue? À communiquer! En effet, qu’elle soit écrite ou parlée, la fonction utilitaire

que tout le monde lui connaît est celle d’un moyen de communication et d’échanges.

D’ailleurs, dans son cours de linguistique générale, Saussure en donne la définition

suivante : « la langue, c’est à la fois un produit social de la faculté de langage et un

ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l’exercice

de cette faculté chez les individus » (Saussure, 1979 : 25).

Saussure (1979) distingue la langue, qu'il considère comme un système de signes et le

langage, qui regroupe la langue et la parole (avec ses aspects physiologiques et

acoustiques). Un signe est le doublet constitué par un concept et une image acoustique qui

lui est associée (Saussure dit aussi un « signifié » et un « signifiant »). Les concepts ne

deviennent des entités linguistiques que par leur association avec une image sonore : celle-

ci ne fait pas que transcrire un concept préexistant, elle est nécessaire à son existence. Le

signifiant n'existe qu'une fois associé au signifié et vice versa.

La langue est tout ceci. Aussi, elle est le reflet de l’identité d’un groupe humain, le produit

de sa culture, la mémoire d’une société donnée. Une langue est apprise en société, dans la

vie de tous les jours, en la pratiquant ou encore à l’école où elle est alors enseignée comme

objet d’analyse. Elle est propre à une culture ou une nation, avec une grammaire, une

syntaxe et un vocabulaire spécifiques. Cependant, sa maîtrise procure à l’individu une

aisance non négligeable lui permettant de savoir s’exprimer dans toutes les situations, mais

aussi le pouvoir de se faire écouter et, pourquoi pas, se faire obéir par l’autre. Dès lors, on

observe des rapports de force inhérents aux usages de la langue.

Page 19: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

19

1.1.2. Les rapports de force symbolique liés à la langue

La langue est faite pour être parlée, mais face à elle, notre comportement traduit

l’importance qu’elle peut avoir. En effet, acquérir la connaissance et la maitrise d’une

langue donne un pouvoir à l’individu si le choix de la langue a été bien pensé. Oui, car

parler une langue « forte » rend fort tandis que l’usage d’une langue « faible » voire

dominée, rendra l’individu « dominé ». Nous verrons dans les sous-thèmes suivants la

théorie de Bourdieu qui voit les rapports de communication comme des rapports de pouvoir

symbolique et les échanges symboliques dépendant de nos habitus linguistiques et des

structures du marché linguistique. Cette vision s’oppose cependant à celle de Saussure qui

remet en question la théorie de conflit entre les langues comme nous le verrons par la suite.

Tous ces points de vue nous pousseront à nous pencher sur le sens de la domination

symbolique et nous demander ce qu’est exactement la langue légitime et comment on en

arrive à imposer une langue « importée » en tant qur langue officielle, comme cela a été le

cas dans les anciennes colonies et particulièrement en Afrique noire. Nous verrons aussi

l’importance du rôle que peut jouer l’école dans l’instauration d’une langue légitime,

contribuant à donner à celle-ci le statut d’une langue de pouvoir.

o L’économie des échanges linguistiques?

Le choix d’une langue plutôt qu’une autre traduit l’existence de certains rapports explicites

ou implicites entre les individus. Ces transferts linguistiques qui sont des rapports sociaux

et des rapports de domination sont des interactions symboliques c’est-à-dire des rapports de

communication faisant intervenir connaissance et reconnaissance mutuelles. Cependant, les

échanges linguistiques, qui sont par excellence des rapports de communication, sont aussi

des rapports de pouvoir symbolique dans lesquels des rapports de force s’ajustent

continuellement entre les locuteurs ou leurs groupes respectifs : c’est l’élaboration d’une

économie des échanges symboliques (Bourdieu, 1982).

Nos habitudes fondées en partie sur la vie en société nous dictent une certaine façon de

faire, de parler, de s’exprimer, etc. Mais nous nous heurtons aux structures du marché

Page 20: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

20

linguistique qui s’imposent comme système de sanctions et de censures spécifiques.

L’action en général, l’acte de parole en particulier, relève d’une circonstance, d’une

rencontre de séries causales indépendantes. La théorie bourdieusienne sur le langage et son

choix reposent donc sur deux principes importants : les habitus linguistiques et les

structures du marché linguistique (Bourdieu, 1982). Selon Bourdieu (1982), le discours

n’acquiert une signification complète qu’en relation avec un marché. La valeur et le

contenu du langage sont donc fonction de ce marché et sont le reflet des modes

d’interprétation de l’émetteur et du récepteur. Effectivement, d’un côté l’émetteur

s’approprie la langue commune tel un style et, d’un autre côté, le récepteur joue un rôle

dans la production du message, dans sa perception et son appréciation en y important tout

ce qui fait son expérience personnelle et collective. Ce n’est donc plus « la langue » qui

circule sur le marché linguistique, mais des discours caractérisés par leur style. Ces

discours, lorsqu’ils sont réussis, ont pour but de réveiller des expériences différentes selon

les individus comme c’est le cas avec la poésie qui souvent suscite ou transmet des

émotions. En effet, parler requiert alors un rapport d’échange dans lequel les locuteurs

participent au marché en impliquant leur capital linguistique, matériel et symbolique de

même que leurs positions hiérarchiques. La langue serait donc un bien public par la

participation de chaque membre de la communauté linguistique et leur appropriation

symbolique.

Cette conception de l’usage de la langue se différencie de celle de Saussure (cité par

Bourdieu, 1982 : 26) qui la qualifie de trésor universel et affirme que « ce n’est pas

l’espace qui définit la langue, mais la langue qui définit son espace. Ni les dialectes, ni les

langues ne connaissent de limites naturelles ». Donc, le choix et l’usage de la langue ne

seraient plus dominés par les habitus et le marché linguistique comme l’avait avancé

Bourdieu. D’après Saussure (cité par Bourdieu, 1982), l’espace linguistique se caractérise

par le commerce des locuteurs ce qui remet en question la théorie du conflit des langues.

Les langues elles-mêmes ne sont pas des acteurs politiques, ce sont les groupes sociaux qui

le sont (Lafontant, 1996). Tandis que Saussure parle de langue-système, Bourdieu propose

de remplacer ce terme par des « styles ». Selon Bourdieu (1982), le système des usages de

la langue n’est pas accessible de façon égale pour tous les individus et ne peut pas non plus

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21

être partagé par tous les membres de la communauté linguistique. De plus, chaque classe

sociale a son style et tous les styles sont évalués selon celui des dominants qui est alors la

« norme », la langue légitime. La pertinence des différences linguistiques entre les styles

vient du fait qu’elles retraduisent un système de différences sociales. C’est ainsi que le style

des dominants devient un instrument de pouvoir, non parce qu’il est plus perfectionné du

point de vue de l’utilisation des structures linguistiques, mais parce qu’il appartient aux

dominants et qu’il est différent de celui des dominés. Il s'agit alors d'une conception de la

langue où la valeur sociale (acceptabilité sociale) prend la première place au détriment de la

valeur linguistique qui est ainsi reléguée au niveau secondaire (Uhlik, 2008). L’usage de la

langue est alors un outil d’action et de pouvoir et la théorie des rapports sociaux de

Bourdieu a pour conséquence l’observation de confrontations. La communication entre

classes ou ethnies constitue toujours une situation critique pour la langue utilisée. Elle tend

à provoquer un retour au sens le plus ouvertement chargé de connotations sociales. Cela

donne naissance à plus de mots innocents (Bourdieu, 1982). Chaque phrase est susceptible

de prendre deux sens antagonistes selon la manière dont le producteur ou le locuteur auront

à le prendre. Et l’unification du marché linguistique pourrait avoir entrainé de plus en plus

de significations pour les mêmes signes ou le même discours. C’est donc l’état des rapports

de force qui organise la légitimité des usages de la langue.

o Langue officielle/légitime et pouvoir

Contrairement au cas des « dialectes », toutes les conditions nécessaires à la codification et

à l’imposition de la langue officielle ont été réunies. La langue officielle est ainsi plus ou

moins reconnue et connue avec l’assise d’une certaine autorité politique et contribue à

renforcer l’autorité qui fonde sa domination. Elle assure un minimum de communication

entre les membres de la communauté linguistique, ce qui est la condition de la production

économique et même de la domination symbolique (Bourdieu, 1982).

La langue officielle, dans sa genèse et ses usages sociaux, est liée à l’État. Les conditions

de la constitution d’un marché linguistique unifié et dominé par la langue officielle se

créent lors du processus d’élaboration de l’État. Cette langue d’État devient alors

obligatoire dans les occasions et les espaces officiels (écoles, administration, etc.) et est la

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22

norme théorique à laquelle sont mesurées toutes les autres pratiques linguistiques.

L’unification du marché linguistique contribue à l’imposition d’un seul mode d’expression

(une langue, un usage, etc.) parmi d’autres comme le seul qui soit légitime. Ajoutons à cela

l’évaluation des différents dialectes de classes, de régions ou d’ethnies par rapport à la

langue ou à l’usage légitime. Quant aux rapports de domination linguistique, ils s’instaurent

par l’intégration de la langue dominante dans une même communauté linguistique qui est

elle-même un produit de la domination politique (Bourdieu, 1982).

Mais la politique d’unification linguistique n’a pas pour seul but l’intégration linguistique à

des fins de communication entre les différentes parties d’un territoire. Car l’imposition de

la langue légitime contre les patois et les idiomes fait partie des stratégies politiques

destinées à assurer la continuation de l’emprise d’un groupe souvent minoritaire sur une

partie de la population. Lorsque la langue officielle connait une promotion au statut de

langue nationale, ceci donne le pouvoir aux membres du groupe qui a l’usage de cette

langue. Il s’installe une situation de bilinguisme, car les membres des classes populaires ont

le parler local tandis que ceux de l’aristocratie, mais aussi la bourgeoisie du commerce, des

affaires et la petite bourgeoisie instruite ont, en plus du dialecte, l’accès à l’usage de la

langue officielle ou nationale. En instaurant une langue au rang de langue nationale et donc

officielle, on réforme la langue en la débarrassant des usages liés à l’ancienne société et

l’imposer ainsi, c’est imposer une pensée elle-même « purifiée », selon l’expression de

Bourdieu (1982). Le pouvoir symbolique a pour enjeu la formation et la reformation des

structures mentales. Il ne s’agit pas seulement de savoir communiquer, mais de faire

reconnaître un nouveau discours d’autorité avec un nouveau vocabulaire.

Dans le cas du bilinguisme, une langue parmi d’autres est choisie. Dans une société divisée

en classes, c’est un usage de la langue qui est alors imposé et ceci est possible à condition

que le marché linguistique soit unifié et que les différents dialectes de classes ou de régions

soient pratiquement mesurés à la langue « légitime ». Nous avons vu que le pouvoir nous

vient lorsque nous avons les moyens d’imposer notre langue (celle-ci est reconnue

universellement et elle fonctionne telle une norme) comme légitime. Nous détenons alors

le pouvoir d’exercer la domination des groupes à travers la normalisation de la langue. Ces

Page 23: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

23

groupes ont alors le moyen d’imposer leur langue comme légitime : ils ont le monopole des

moyens de se l’approprier (la langue). Ce faisant, toutes les pratiques linguistiques sont

mesurées aux pratiques légitimes, celles des « dominants ». Et donc, lorsque comparés à

cette norme, les autres usages de la langue ainsi que les autres langues locales sont réduits

au statut de jargons, patois, dialectes… (Bourdieu, 1982).

Mais au cours de tout ce processus pour l’imposition d’une langue, le système scolaire joue

un rôle déterminant, ne serait-ce que par l’action du maître d’école qui, par le biais de sa

fonction, agit quotidiennement sur la faculté d’expression de toute idée et de toute émotion

sur le langage.

o L’importance du rôle de l’enseignement

L’école serait perçue comme le principal moyen d’accès à des postes hauts placés

(Bourdieu, 1982). C’est la raison pour laquelle la place que le système d’enseignement

accorde aux différentes langues ou aux différents contenus culturels constitue un enjeu

aussi important. Le maître d’école, maître à penser, joue un rôle très significatif dans la

normalisation de la langue et son officialisation de même que l’école est un instrument

d’intégration intellectuelle et morale. Cet impact de l’école est transposé dans le foyer de

l’enfant lorsque ses parents décident de l’obliger à parler dans la langue officielle ou de

s’exprimer devant lui dans cette langue, et ce, dans l’espoir d’accroître sa valeur sur le

marché scolaire. Dans les sociétés où l’industrialisation est faible, l’administration est très

recherchée et l’école devient le moyen le plus sûr d’y accéder. Mais plus que cela, l’usage

et la maîtrise de la langue légitime deviennent obligatoires et constituent une valeur ajoutée

au capital de l’individu pour pouvoir envisager d’accéder à des postes bien placés. Nous

verrons plus loin le véritable enjeu de la place de la langue légitime dans les anciennes

colonies.

Cependant, il existe un écart entre la capacité de parler et celle de produire un discours

acceptable, ce qui jette un autre regard sur la compétence légitime et la compétence

suffisante.

Page 24: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

24

o Compétence linguistique, capital linguistique et rapports de force

symbolique

La compétence scolaire est acquise à l’école et pourrait être qualifiée d’académique. Un

autre type de compétence est celle prise sur le terrain grâce à de la pratique : il s’agit de la

maîtrise pratique. Bourdieu (1982) nous fait savoir que la maîtrise pratique de la grammaire

n’est rien sans la maîtrise des conditions d’utilisation adéquate des possibilités infinies,

offertes par la grammaire. En effet, il ne s’agit pas seulement d’être capable d’aligner des

phrases grammaticalement cohérentes, mais de savoir quoi dire et comment le dire, et ce,

quelle que soit la situation dans laquelle se trouve l’individu.

La compétence est aussi la capacité de se faire écouter et obéir. Les rapports de force

symbolique (rapports de pouvoir) entre deux locuteurs ou groupes de locuteurs déterminent

le plus autoritaire des deux groupes, donc le mieux positionné afin d’imposer sa langue.

Dès lors, on devient compétent en imposant sa langue comme légitime, comme langue

d’autorité, car la compétence implique le pouvoir d’imposer la réception chez son

interlocuteur : l’un se fait écouter (pouvoir, autorité) et l’autre écoute et conséquemment,

« croit » l’autre. C’est le rapport de force symbolique. Néanmoins, la compétence légitime

dominante ne sera considérée comme un capital linguistique que lorsque les conditions

suivantes sont réunies :

- l’unification du marché linguistique;

- le fait que les chances d’accès aux outils de production de la compétence légitime et

aux lieux d’expression légitimes soient inégales.

Ces conditions remplies, les groupes qui détiennent ce capital linguistique peuvent

l’imposer comme seule langue légitime sur les marchés officiels (marchés mondain,

scolaire, politique, administratif) et dans la plupart des interactions linguistiques (dialogues,

débats, entretiens d’embauche…) où ils se trouvent engagés. Cette langue va avoir plus de

facilité à s’imposer comme légitime d’autant plus qu’elle est rare ce qui lui confère de la

valeur.

De nombreuses enquêtes ont déjà montré que les caractéristiques linguistiques influencent

très fortement les chances d’embauche et la réussite professionnelle, la réussite scolaire,

Page 25: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

25

l’attitude des médecins à l’égard des malades et plus généralement les dispositions des

récepteurs à coopérer avec l’émetteur, à l’aider ou à accorder crédit aux informations qu’il

fournit. C’est l’impact de la maîtrise ou non de la langue légitime dans quasiment toutes les

relations sociales.

Mais même si les linguistes ont raison de prétendre que toutes les langues se valent

linguistiquement, ils auraient tort de dire qu’elles se valent socialement. Une langue vaut ce

que valent ceux qui la parlent. Mais surtout, l’usage de la langue légitime est réservé aux

locuteurs conscients de sa valeur et de la « chance » qu’ils ont de pouvoir la parler et la

maîtriser du fait qu’elle n’est pas accessible à tous. Donc, la prise de conscience de son

statut et de ses avantages sociaux compte.

o La domination symbolique

La domination symbolique est pratiquée par la violence symbolique qui est un être invisible

et la violence inaperçue qui fonctionne dans une relation dialectique, car elle requiert la

participation de la cause. La violence symbolique tient du pouvoir d’imposer des

significations et à les imposer comme légitimes tout en dissimulant des rapports de force

qui sont au fondement de sa force (Bourdieu, 1972). Ainsi, toute domination symbolique

suppose une sorte d’accord implicite de la part de ceux qui la subissent sans que cela soit de

la soumission passive à une contrainte exercée de l’extérieur ou un simple endoctrinement.

Le propre de la domination symbolique réside justement dans le fait qu’elle suppose un

comportement qui brave le choix de la liberté ou de la contrainte de la part de celui qui la

subit.

Deux tendances se dégagent alors. Selon Bourdieu (1982), la langue est un instrument

d’action et de pouvoir et les rapports de force qui s’installent entre les locuteurs ou leurs

groupes respectifs créent systématiquement des conflits. L’imposition d’une langue

officielle se prépare aussi durant le processus de constitution de l’État d’où la notion de la

langue d’État. Nous serions alors tentés d’en déduire que la norme linguistique a été

imposée aux groupes et aux régions dont les langues différaient de celles des groupes

dominants à l’intérieur des frontières nationales tandis que de l’autre côté de ces frontières

Page 26: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

26

se trouvaient d’autres États-Nations. Ce ne serait donc pas le côtoiement des langues c’est-

à-dire des enjeux linguistiques qui seraient une source de conflits, mais plutôt les luttes de

certains groupes quant à leur souveraineté (enjeux politiques). Pour qu’une langue puisse

s’imposer comme légitime, elle doit avoir de la valeur c’est-à-dire qu’elle doit être rare et

d’accès inégal pour les différentes couches de la société. À cela s’ajoute un univers divisé

en classes selon une forme de discours universellement reconnue comme légitime (la

norme). Toutes les pratiques linguistiques sont mesurées aux pratiques légitimes, celles des

dominants. Lorsque les autres usages de la langue et les autres langues locales sont

comparées à la norme, elles sont reléguées au rang de patois, jargons, dialectes… Tout se

rapporte à la structure sociale et à la structure du marché linguistique. On ne peut sauver la

compétence sans sauver le marché c’est-à-dire l’ensemble des conditions sociales de

production et de reproduction des producteurs et des consommateurs. Le marché

linguistique serait-il lié au statut social de l’individu? Contrairement aux conservateurs,

certains pensent que la langue perd un peu de sa valeur lorsqu’on la sort de son contexte, de

son marché. C’est ce que nous tenterons d’étudier dans le cas des pays anciennement

colonisés. Or, au niveau linguistique, Saussure (1973) montre que les frontières

administratives et politiques ne recoupent pas nécessairement les « lignes isoglosses » ou

« ondes d’innovation ». En d’autres termes, l’espace linguistique est caractérisé par le

commerce des locuteurs ce qui remet en question la proposition selon laquelle les langues

elles-mêmes seraient en conflit (Lafontant, 1996).

Dans une société où plusieurs langues se côtoient, nécessairement une langue sera

propulsée sur l’avant-scène afin qu’elle occupe la place de la langue légitime. Mais le

processus peut-il être possible sur le plan mondial? C’est ce que nous allons tenter de

déterminer avec l’exemple de l’anglais, langue qualifiée d’internationale.

o Et la part de la mondialisation?

Nous parlons ici de la mondialisation de la culture. Cette expression désigne la circulation

des produits culturels à travers le monde et elle suscite des réactions contrastées. Les uns

voient en la mondialisation la cause d’une perte inévitable d’identité dont ils se désolent,

Page 27: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

27

tandis que d’autres luttent pour leurs originalités, dès fois malheureusement jusqu’à user de

la violence.

Tout en se distinguant l’une de l’autre, culture et langue entretiennent pourtant d’étroites

relations. Dans une situation de bilinguisme, il est facile de se rendre compte que les

notions d’interprétation sont parfois différentes d’une langue à une autre, les équivalences

entre langues parfois inexistantes. Ceci concerne la culture puisque l’intégration d’une

culture passe par celle de sa langue (Warnier, 1999). Avec l’arrivée des nouvelles industries

et technologies de l’information et de la communication (NTIC), les échanges se

multiplient à l’échelle mondiale et les barrières tombent là où les langues étaient autrefois

compartimentées et en constante compétition les unes avec les autres. Le nombre de

locuteurs qui maîtrisent deux langues ou plus ne baisse pas, bien au contraire. Cependant,

au même moment, certaines communautés linguistiques perdent des locuteurs au profit

d’autres langues ayant une plus grande diffusion facilitant les échanges interculturelles, des

langues telles que l’espagnol, certaines langues en Afrique et bien sûr l’anglais.

o L’anglais : une évolution lente, mais sûre

L’anglais, originaire de l’Angleterre, est l’une des langues les plus parlées dans le monde.

Le nombre de ses locuteurs en tant que langue maternelle s’élève à environ 325 millions

d’individus1. La langue anglaise est présente dans beaucoup de pays et est la seconde

langue la plus apprise et étudiée dans le monde : pour beaucoup, elle est l’actuelle langue

internationale. Prédominant dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique,

la communication, l’informatique, le commerce, etc., l’anglais est passé du statut de langue

internationale à celui de langue mondiale et dominante. Lentement mais surement, cette

langue a pris les devants dans presque tous les milieux y compris dans les expressions de la

vie courante.

L’anglais est considéré comme un instrument de domination et ceux qui ne la parlent pas

sont stigmatisés comme non locuteurs. Sa force vient de son statut de langue mondiale, de

1Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/Langues/2vital_inter_anglais.htm (dernière consultation le 02 mai

2011).

Page 28: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

28

langue dominante, mais aussi de langue seconde privilégiée, de la croissante importance de

la communauté des locuteurs non-natifs, de son passé de langue coloniale, de son

association avec des politiques impériales voire impérialistes ce qui confèrent à l’espace

anglophone un statut particulier. Cependant, même en pays anglophone, l’anglais est en

cohabitation avec d’autres langues comme l’espagnol en Californie : c’est une situation de

diglossie. Mais l’anglais en tant que langue mondiale dominante serait dans un rapport de

domination avec elle-même. En effet, lorsque la norme d’une langue est décidée par ses

locuteurs non-natifs, elle a tendance à s’écarter de la langue standard. Dans le cas de

l’anglais, les locuteurs natifs le perçoivent comme dévalorisé et ils se sentent dépossédés et

en situation de minorité. Pendant ce temps, les locuteurs non-natifs se créent peu à peu un

« anglais pour les non-anglais ». De plus, il existe différentes variétés de l’anglais

(britannique, américain, australien, etc., mais sans qu’elles aient le même statut). Chaque

variété est une menace de redéfinition envers l’anglais et chaque communauté s’approprie

son « anglais » ce qui pourrait conduire à une déstructuration et une fragmentation de la

langue (Ballier, 2008).

La langue anglaise est très présente partout dans le monde en raison de son passé colonial

d’une part comme langue véhiculaire et d’autre part comme langue officielle au

désavantage des langues locales jugées comme dominées. En Afrique anglophone, l’anglais

est le plus souvent la langue officielle au détriment des langues locales.

o Dans les anciennes colonies

Pierre Bourdieu (1982) nous montre que la légitimité des productions des langues dépend

d’un marché linguistique dominé par la couche cultivée de la société qui détient le capital

symbolique qu'est la culture. Le style linguistique du groupe dominant s'impose comme

marque de prestige et joue un rôle dans l'évaluation que les dominés se font de leur façon

de parler. C’est ainsi que les colonisateurs s'efforçaient d'imposer aux colonisés une

évaluation dépréciative des langues régionales et ces derniers en arrivaient parfois à

mépriser leur propre langue.

Page 29: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

29

La langue a un avenir lorsque sa valeur et son utilité ont un avenir pour le marché ou la

population concernée. Son avenir dépend aussi grandement de celui des instruments de

reproduction du capital linguistique, entre autres le système scolaire. Effectivement, l’école

occupe une place importante et est un enjeu très important parce que c’est le principal

producteur et c’est de là d’où sortent massivement producteurs et consommateurs

(émetteurs et récepteurs). Donc, les langues importées dans ces pays anciennement

colonisés (comme l’arabe, le français ou même l’anglais) survivent ou prennent de

l’importance selon la place qui leur est attribuée à l’école qui produit les futurs utilisateurs

ou non de ces langues, mais aussi dans les institutions officielles telles que l’administration,

les cérémonies officielles, etc.

Nous verrons plus loin que dans ces pays, nous avons une situation un peu complexe dans

la mesure où la langue du colonisateur (anglais, français, portugais, etc.) qui est pourtant

une langue étrangère est tout de même élevée au rang de langue officielle. De ce fait, son

usage et sa maîtrise procurent à l’individu un statut de privilégié. Cette langue cohabite

avec les langues locales dont la maitrise donne plus ou moins de pouvoir selon les pays.

Cependant, les interactions sociales débordent les frontières. Nous sommes dans un

système monde qui porte la marque du plurilinguisme2.

1.2. Un monde plurilingue

Les besoins de communication d’un groupe donné sont en étroites relations avec les

moyens de communication qu’il se donne et dont il dispose. À chaque fois que se posent

des problèmes de communication suite à la présence de deux ou plusieurs langues dans une

communauté, les membres de cette communauté trouveront le moyen de gérer cette

différence linguistique dans leurs rapports. Cependant, le choix d’une langue plutôt qu’une

autre révèlera les rapports de force entre les groupes humains, ce qui n’empêchera pas la

communication de s’établir. En effet, les langues ne sont pas complexes et il serait faux de

prétendre que les langues dites primitives se sont peu à peu raffinées au fur et à mesure que

2Dans ce travail, les termes de bi-, multi- ou plurilinguisme seront utilisés de façon plus ou moins équivalente

avec l’idée que le plus important est la présence de plus d’une langue, peu importe le nombre exact, que ce

soit deux ou plus.

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30

les cultures évoluaient (Calvet, 2005). Même si la langue tend à se simplifier (moins de

déclinaisons et d’irrégularités par exemple), les langues « antérieures » se sont plutôt

codifiées à partir de communication embryonnaire. Toujours est-il que nous sommes tous

confrontés aux langues et que le monde est plurilingue. Dans la mythologie chrétienne, ce

plurilinguisme était vu comme une punition, mais qu’en est-il réellement?

1.2.1. Bilinguisme et diglossie

Le bilinguisme est la capacité de l’individu à utiliser plusieurs langues et relève de la

psycholinguistique tandis que la diglossie est l’utilisation de plusieurs langues dans une

même société et s’inscrit dans le cadre de la sociolinguistique (Calvet, 2005). Malgré son

étymologie, la diglossie peut mettre en présence plus de deux langues. Selon Calvet (2005),

ce terme vient du grec et signifie bilinguisme, apparaissant pour la première fois dans la

littérature en 1959 grâce à l’américain Charles Fergusson. Ce dernier fait la distinction

entre une diglossie « haute » et une diglossie « faible » (Calvet, 2005). Si nous regardons en

Haïti, le français est utilisé à l’école, dans les discours politiques, etc. tandis que le créole

est utilisé dans la vie quotidienne. Cependant, c’est en 1967 que Joshua Fishman modifie le

concept de diglossie de Ferguson qu’il illustre dans le tableau suivant repris par Calvet

(2005 : 46).

Tableau 1.1 : Concept de diglossie selon Joshua Fishman

Bil

inguis

me

-

+

Diglossie

+ -

1. Diglossie et bilinguisme 2. Bilinguisme sans diglossie

3. Diglossie sans bilinguisme 4. Ni diglossie ni bilinguisme

- Le premier cas reprend l’exemple du Paraguay où tout le monde parle espagnol et

guarani. L’espagnol est la forme « haute » et le guarani la forme « basse ».

- Le second illustre certaines situations instables comme en Belgique avec les

germanophones et où le français est petit à petit en train de prendre la place de

Page 31: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

31

l’allemand. Dans ces cas-là, il y a beaucoup d’individus bilingues, mais pas de

bilinguisme social.

- Le troisième reprend le cas de la Russie tsariste lorsque les nobles ne parlaient que

le français et le peuple le russe.

- Le quatrième cas est beaucoup plus rare que les précédents : il s’agit d’une

communauté où ne circule qu’une seule variété linguistique.

Mais il existerait d’autres types de diglossies en particulier celles que Jean-Louis Calvet

qualifie de diglossies enchâssées ou imbriquées (2005), situation que l’on retrouve très

souvent dans les anciennes colonies. Ces cas se traduisent d’abord par une diglossie entre la

langue héritée du colonisateur, qualifiée aussi de langue officielle et la langue nationale

(qui n’est pas forcément la langue maternelle de tout le peuple) et les autres langues locales.

La langue nationale est celle reconnue officiellement par l’État comme telle et est souvent

la langue locale la plus parlée sur le territoire. C’est le cas dans plusieurs pays tels que :

La Tanzanie : anglais / swahili / autres langues africaines.

Le Mali : français / bambara / autres langues africaines.

Le Sénégal : français / wolof / autres langues africaines.

La langue officielle est une forme « haute » par rapport à la langue nationale qui est elle-

même une forme « haute » par rapport aux autres langues. L’accès au pouvoir passe par la

maitrise de la langue officielle, mais celle de la langue locale dominante (qu’elle soit la

seule langue promue au rang de langue nationale ou non) confère un pouvoir de plus.

Cependant, si le bambara par exemple peut être vécu comme une langue de libération face

au français, il peut aussi être perçu comme une langue d’oppression par les Songhaï de

Tombouctou ou les Tamasheq du nord (Calvet, 2005). Bien que le concept de diglossie soit

utilisable pour définir les sociétés plurilingues, il faut donc faire attention à analyser les

situations en partant des rapports sociaux et non pas des langues.

Nous voyons donc que le français tout comme l’anglais sont toujours promus au rang de

langue officielle dans presque toutes les anciennes colonies. Cependant, ils cohabitent

partout avec les langues locales qu’ils ont trouvées sur place comme c’est le cas en Afrique.

Page 32: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

32

Dans la partie francophone, le français est la langue officielle des pays, mais quelle est sa

place exacte?

1.2.2. L’exemple du français : sa place dans les sociétés africaines et son

statut de langue officielle

Tout comme l’anglais, le français est aussi présent un peu partout dans le monde. Il occupe

une place officielle dans de nombreux pays et concerne un nombre important de locuteurs.

Cependant, il cohabite partout avec d’autres langues. Dès lors, il est difficile de faire une

correspondance entre une frontière politique (un État), une nation et une langue (Calvet,

2005), ce qui nous ramène à Saussure qui, si nous nous rappelons bien disait que la langue

définit son espace et non le contraire. Cette absence de correspondance entre l’État, la

nation et la langue conduit à la relation entre langue officielle et langue maternelle (ou

encore la langue première apprise par l’individu à la maison). Par exemple dans les

anciennes colonies, la majorité des locuteurs n’a souvent pas comme langue maternelle la

langue officielle. Que ce soit au Maghreb ou en Afrique noire, le français est une langue

importée, héritée du colonialisme, mais c’est le nombre de langues locales et/ou nationales

qui diffère selon le pays ce qui mène à plusieurs types de plurilinguisme.

- Au Maghreb : on y trouve généralement trois langues, mais certains pays en ont

quatre. Le français y était pendant longtemps seule langue officielle avant d’être

ramené au rang de langue étrangère avec la politique d’arabisation qui a instauré

l’arabe comme langue nationale. Mais il reste tout de même le privilège de la

bourgeoisie et un atout important pour la réussite sociale face à l’arabe. Les langues

maternelles communément appelées dialectes sont des « parlers » arabes ou berbères

et constituent les seuls véritables moyens de communication de la vie quotidienne.

Donc d’un côté nous avons une langue étrangère, mais qui est celle du pouvoir

politique et culturel et parlée par une minorité. De l’autre côté, nous avons des

langues statistiquement puissantes, mais en fait politiquement et culturellement

dominées. Cela donne un plurilinguisme à langues dominantes minoritaires.

- Par contre en Afrique noire, nous rencontrons une autre situation. De façon générale,

on y trouve une nette séparation entre la langue officielle (alors le français pour

Page 33: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

33

l’Afrique noire francophone) et la ou les langues nationales (une ou des langues

africaines). Le statut du français y est clair dans l’ensemble. C’est la langue de l’État,

de l’administration, des médias, de l’école, etc. tandis que le statut de langue

nationale est assez variable selon le pays (Calvet, 2005 : 54). Certains vont considérer

toutes leurs langues locales comme étant nationales (au Burkina Faso), d’autres en

choisissent juste une (la République centrafricaine), d’autres encore en choisissent un

certain nombre seulement (le Mali, la RDC, la Guinée, etc.) et enfin certains n’en

prennent aucune. La langue nationale prend donc une signification plus ou moins

différente selon le pays. Dans l’un, elle peut être la langue de l’administration ou de

l’école et remplacer le français. Dans l’autre, lorsqu’il y a plusieurs langues

nationales, celles-ci peuvent être des langues régionales et alors la langue officielle

sera le lien entre les différentes régions. Mais toujours est-il que la langue officielle

reste celle du pouvoir et permet l’ascension sociale de l’individu. Et quel que soit le

nombre de langues nationales, le français restera la langue dominante (sur le plan

politique et culturel) malgré qu’il soit minoritaire et il partage rarement le pouvoir

contrairement au Maghreb. Cependant, il existe des pays avec une langue nationale

statistiquement assez puissante pour pouvoir prétendre remplacer le français (le wolof

au Sénégal, le bambara au Mali, etc.) tandis que pour d’autres, il existe tellement de

langues nationales sans qu’aucune ne soit dominante que cette situation ne serait pas

envisageable (comme le Cameroun, le Gabon, etc.).

Il faut aussi noter l’importance de l’écriture dans le rang de la langue. Le Mali et l’Algérie

ont tous deux connu la colonisation sous la France et le français y occupait la même place.

Au Mali le changement n’a pas été très important et depuis peu seulement, quelques

langues nationales ont commencé à être enseignées à l’école. Mais en Algérie, l’arabe a

depuis longtemps remplacé le français dans presque toutes les fonctions officielles en plus

d’être écrit (Calvet, 2005). Il existe bien sûr d’autres cas de plurilinguisme dans le monde

comme en France, en Belgique, dans les DOM-TOM, etc., mais nous nous limiterons à

l’Afrique et surtout à l’Afrique de l’Ouest où s’inscrit notre analyse, précisément au Mali.

Page 34: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

34

Donc quelle que soit la première langue apprise, l’être humain est confronté à d’autres

langues qu’il va apprendre, chercher à comprendre ou non, à dominer ou non. Cependant,

cette multiplicité des langues n’est pas chose réservée aux pays du tiers-monde ou à ceux

en voie de développement.

1.3. Le Mali, terre de brassage linguistique et culturel

1.3.1. Situation géographique et démographique

Situé en Afrique de l’Ouest, le Mali est limité au nord par l’Algérie, le Niger et le Burkina-

Faso à l’est, la Côte d’Ivoire et la Guinée au sud, le Sénégal et la Mauritanie à l’ouest. C’est

un État enclavé dont la majeure partie du territoire est occupée par le désert. Sa superficie

est relativement grande (1 242 000 km2) et le pays est divisé en huit régions administratives

qui sont : Tombouctou, Kidal, Gao, Mopti, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou en plus du

district de Bamako la capitale. Ces régions correspondent aux régions économiques et ont

chacune un gouverneur à leur tête. Le Mali compte aussi 703 communes et 11000 villages.

Carte détaillée du Mali et de ses régions et district

À la suite du recensement général de la population de 2009, la population malienne a été

estimée à 14 517 176 habitants3, une multiplication de la population par près de 1,5 et donc

un taux de croissance annuel moyen de 3,6%. Une grande majorité des maliens se

concentrent dans certaines régions (Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Bamako).

Cependant, le Mali connait de fortes migrations au profit de la Côte d'Ivoire, du Sénégal, de

3Source : Institut National de la Statistique du Mali (INSTAT)

Page 35: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

35

l'Afrique centrale et de la France. Ainsi, les régions telles que Sikasso, Koulikoro, Kayes et

Bamako ont vu leur population augmenter significativement en une dizaine d’années

tandis que d’autres ont connu une déperdition de leur population durant la même période

(tableau 1.2).

Tableau 1.2 : Évolution de la population du Mali entre 1987 et 1998 selon la région

Région 19877 1998 2009

Effectif % Effectif % Effectif %

Rég

ion

s d

u M

ali

Kayes

Koulikoro

Sikasso

Ségou

Mopti

Tombouctou

Gao

Kidal

Bamako (district)

1 063 788

1 195 418

1 309 543

1 339 589

1 284 664

455 176

347 803

33 356

658 660

13,8

15,5

17,0

17,4

16,7

5,9

4,5

0,4

8,6

1 374 316

1 570 507

1 782 157

1 675 357

1 478 505

476 793

394 594

42 386

1 016 296

14,0

16,0

18,2

17,1

15,1

4,9

4,0

0,4

10,4

1 996 812

2 418 305

2 625 919

2 336 255

2 037 330

681 691

544 120

67 638

1 809 106

13,8

16,7

18,1

16,1

14,0

4,7

3,7

0,5

12,4

Total 7 687 997 100,0 9 810 911 100,0 14 517 176 100,0

Sources : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998 et rapports de l’INSTAT4.

Les faibles effectifs de la région de Kidal pourraient s’expliquer par le fait que cette région

a été créée pour les besoins de l’analyse lors recensement de 1987 et ce, afin d’harmoniser

la distribution géographique des indicateurs pour les comparaisons à faire (Konaté et al.

2010). De plus, cette contrée était difficile d’accès et principalement habitée par des camps

militaires.

Le Mali compte malheureusement parmi les pays les plus pauvres du monde en occupant la

178e place (sur 182) selon le classement annuel de l’Indice de développement humain

(IDH) du Programme des nations unies pour le développement (PNUD). Le pays dépend

fortement des aides provenant de l’étranger et son activité économique a trait

principalement aux zones fluviales irriguées par le Niger. Cette situation financière du pays

touche aussi le domaine de l’éducation, laquelle n’est toujours pas accessible à toute la

population malgré un effort notable de la part du gouvernement.

4Source : http://instat.gov.ml/documentation/mali.pdf (dernière consultation le 08 juin 2011)

Page 36: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

36

1.3.2. Situations politiques

Modibo Keïta fut le premier Président de la République du Mali de 1960 à 1968. Il fut

renversé par un coup d’État mené par Moussa Traoré qui resta au pouvoir pendant vingt-

trois ans (1968-1991). Un second coup d’État fit du lieutenant-colonel Amadou Toumany

Touré le président du gouvernement de transition de 1991 à 1992. Des élections

démocratiques portèrent ensuite au pouvoir Alpha Oumar Konaré, un professeur d’histoire.

Il fut réélu majoritairement en mai 1997 et quitta le pouvoir en 2002 conformément à la

Constitution qui limite le nombre de mandats du président de la république à deux. Durant

sa présidence, le Mali fut souvent cité comme un exemple de bonne gouvernance. L’ancien

général Amadou Toumany Touré qui avait dirigé le gouvernement de transition en 1991 fut

alors élu Président suite au départ de Alpha Oumar Konaré, et réélu en avril 2007.

o Le français, « langue de l’État »

Comme dans la majorité des pays africains, la société malienne est plurilingue, avec la

circulation de plusieurs langues pour la plupart non écrites. Il y existe aussi une exoglossie

qui assure au français le statut de langue officielle, faisant de lui la langue de l’État, langue

d’expression officielle comme le stipule la constitution malienne après l’indépendance du

pays. Toute la législature (débats parlementaires, rédaction et promulgation des lois,…)

fonctionne donc en français. Cependant, quelques langues nationales (surtout le

bamanankan) sont aussi utilisées dans les tribunaux même si seul le français est permis. Ces

langues sont ainsi autorisées dans les communications entre le juge et l’accusé ainsi que

dans les cours d’appel. Les documents sont par contre en français et les juges rendent leurs

jugements dans cette langue. Au sein de l’administration et dans les services

gouvernementaux, les communications orales se déroulent souvent en une langue malienne

tandis que la documentation écrite se fait en français. Mais du fait de la minorité des

locuteurs de langue française, les langues maliennes sont davantage utilisées que le français

dans la vie de tous les jours notamment en ce qui concerne les soins dans les hôpitaux ou

les centres de santé par exemple. Malgré tout, la maitrise du français offre de nombreuses

possibilités comme l’accès à certains postes, reconnaissance sociale et prestige.

o Les politiques linguistiques du Mali

Page 37: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

37

En 1962 suite à l’indépendance du pays, une réforme éducative visant à marquer la

séparation avec le système éducatif colonial fut instaurée. L’objectif était alors d’atteindre

« l’enseignement pour tous » tout en conservant la culture malienne. Cette réforme n’aura

pas tenu ses promesses : après avoir connu une hausse entre 1960 et 1978, le taux de

scolarisation a baissé au début des années 1990 alors que moins du quart des enfants de 8 à

14 ans fréquentaient l’école au Mali (Marcoux et al, 2002). La déscolarisation est surtout

marquée par une minorité des filles à l’école et aussi par un nombre important d’abandon et

d’échec.

Malgré l’enseignement dispensé en français, en 1979 le Mali s’est mis à l’enseignement en

langue nationale : 4 écoles expérimentales en bamanakan furent ouvertes. En 1982,

l’expérience s’élargie à trois autres langues nationales : le fulfulde, le songhoy et le

tamasheq (Konaté et al. 2010). À la rentrée scolaire de 1994-1995, on voit le nombre de

langues nationales passer de 4 à 6 avec l’enseignement du soninké et du dogon. Ce système

avait pour principe d’utiliser la langue maternelle de l’enfant comme langue

d’enseignement durant les trois premières années de l’enseignement primaire. Le français

était quant à lui considéré comme une matière à partir de la deuxième année de primaire et

passait ensuite au statut de langue d’enseignement à partir de la quatrième année. Cela

devait servir à promouvoir les langues maliennes et permettre à l’élève d’acquérir un

bilinguisme en langue nationale et en français. Cette démarche linguistique avait pour

politique majeure de n’imposer aucune langue à l’individu. Mais cette diplomatie devait

aussi savoir assurer à toutes les langues un développement suffisant pour leur permettre

d’accéder à un nouveau statut et d’assurer les fonctions de communication sur tous les

plans de la vie sociale dont celui de l’éducation (Perrin, 1984).

Le bilinguisme scolaire a déjà donné lieu à de nombreuses études, tantôt sur des langues

dotées d’une écriture tantôt sur des populations dont la langue maternelle était

essentiellement pratiquée à l’oral (Haïdara, 2000). Pour certaines, l’introduction des

langues nationales dans l’enseignement serait favorable pour les enfants. D’autres ont

plutôt montré que les populations ont rejeté l’expérience linguistique. Ces différentes

études pour certaines contradictoires ont permis de conclure que l’introduction de ces

Page 38: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

38

langues dans l’enseignement en début de scolarité auraient des effets positifs et que

l’expérience méritait d’être soutenue. Cependant, les représentations sont plus ou moins

favorables selon le contexte (Haïdara, 2000).

Sans pour autant être tous défavorables, les enseignants ont constitué une résistance à cette

innovation. En effet, l’information était souvent insuffisante sur la stratégie utilisée pour

l’introduction des langues nationales dans l’enseignement. De plus, un très grand privilège

était encore accordé à la langue française. Si l’on maitrisait la langue maternelle sur le plan

oral, il n’en était pas de même sur le plan écrit où le français domine largement. Les

enseignants avaient un bilinguisme non uniforme et leur langue maternelle n’était pas

toujours celle qu’ils devaient enseigner. Enfin, cette langue n’est pas non plus forcément la

langue maternelle de l’élève.

L’aspect expérimental de l’innovation conférait à l’enseignement en langues nationales une

incertitude quant à son aboutissement. Certains parents trouvaient un peu trop risqué de

scolariser leurs enfants dans une école expérimentale. En effet, que se passera-t-il si

l’expérimentation venait à être abandonnée? Il y avait donc un manque de confiance peut-

être justifié dans le système éducatif qui avait démontré quelques faiblesses (Haïdara,

2000 : 61). Les résistants pouvaient aussi avoir comme argument en leur faveur l’absence

de politique linguistique pour définir les langues nationales. Sur le terrain, seule la maitrise

du français est capable de donner accès à un emploi administratif en raison de sa valeur

marchande que n’ont pas les langues nationales.

Le français est donc demeuré la langue d’enseignement préférée, car il est beaucoup plus

valorisé tandis que les langues nationales, dépendamment de la région, restent les langues

véhiculaires favorites5.

5Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/mali.htm (dernière consultation le 02 mai 2011).

Page 39: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

39

1.3.3. Bamako, la capitale

Fondé au cours du 16ième

siècle, le site était un point de rencontre entre commerçants

maures et populations subsahariennes avant d’être conquis par les colons français en 1883.

Avec une situation géographique enviable, Bamako devient la capitale du Soudan français

en 1920 et voit sa population accroître de manière exponentielle (une population urbaine

passant de 658 660 en 1987, à 1 016 296 en 1998 et à 1 809 106 en 2009). En 1960,

Bamako devient la capitale de l’actuel Mali. Situé sur le fleuve Niger dans le nord-ouest du

pays, il est le centre administratif du pays, un centre commercial attrayant pour la région

avoisinante et un important port fluvial. Bamako a le statut de district et est divisé en six

communes, chacune dirigée par un maire tout comme le district lui-même. Le pays est en

développement constant. Quoique, avec une urbanisation qui ne stagne aucunement, la ville

attire de plus en plus le monde rural ce qui a une incidence sur des préoccupations telles

que l’insertion professionnelle. En effet, la recherche et l’obtention d’un emploi en milieu

urbain est le souci de chaque individu qu’il soit migrant ou non. Qui plus est, les villes

africaines ont vu un important flot de migrants et migrantes arriver depuis plus d’une

vingtaine d’années afin de s’établir malgré la rareté de l’emploi (Piché et al. 1995). De plus,

en tant que point de rencontre de populations venues de tous les coins du Mali et de la sous-

région, Bamako devient alors témoin de l’arrivée d’une multitude de locuteurs de langues

différentes. Certaines langues sont alors vouées à la disparition au fil du temps et d’autres

non.

o Une urbanisation galopante?

À l’instar de l’Afrique de l’Ouest qui connait un rapide accroissement de l’urbanisation lié

entre autres à l’exode rural, l’urbanisation avance à grands pas au Mali tout en restant

relativement plus bas que dans les autres pays de la sous-région. Sur le plan national,

Bamako occupe une place prépondérante, en concentrant une bonne partie de la population

urbaine. La région de Koulikouro et une partie de Sikasso sont d’ailleurs polarisées par

Bamako et sont caractérisées par la présence d’importants pôles secondaires tels que Kati,

Koulikoro, Kita et Bougoni qui sont des villes peuplées par moins de 100 000 habitants.

Page 40: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

40

L’expansion urbaine de la capitale dépasse largement les limites administratives du district.

La population de Bamako est passée de 649 569 habitants en 1987 à 1 016 154 habitants en

19986. Comme dans beaucoup de capitales sahéliennes, Bamako vit un problème de zones

d’habitation. En effet, la demande est très forte et les migrations constantes, ce qui entraine

une péri-urbanisation qui se fait de façon quasi spontanée. Ces lieux d’habitation sont

toutefois victimes d’une carence en matière d’infrastructures et d’équipements de proximité

dont des services sociaux de base.

Outre la forte urbanisation de la capitale malienne, la marque à laquelle nous fait penser

l’impact de la mondialisation et le développement du pays sera le contact des différentes

langues du Mali dans un même environnement. La langue suit le voyageur et devient sa

carte d’identité. Suivant sa force et son poids dans le marché linguistique, le migrant aura à

s’en servir ou alors à l’utiliser de moins en moins avec ainsi le risque de s’en départir un

jour et de ne pas en faire profiter sa descendance.

o L’empreinte linguistique à Bamako

Dans un contexte de plurilinguisme comme celui du Mali, les langues sont constamment en

contact et la ville est leur lieu de prédilection. En effet, l’urbanisation et les fortes

migrations acheminent vers les grandes agglomérations, différents groupes de locuteurs

chacun avec sa propre langue. Leur cohabitation dans une même cité crée un

multilinguisme, mais ces populations seront toutefois amenées à s’intégrer dans la ville et

donc à assimiler la langue de communication du milieu qui est la langue dominante.

L’urbanisation suscite un brassage linguistique ce qui rend nécessaire la mise en place

d’une forme véhiculaire et pousse à l’unification linguistique. La ville fonctionne ainsi

comme une pompe qui aspire du plurilinguisme et recrache du monolinguisme (Calvet,

2008). Ce phénomène place la ville comme un important enjeu linguistique, le taux

d’urbanisation étant en constante croissance à l’échelle du globe, à l’instar de l’Afrique et

de l’Asie où le paysage linguistique est l’un des plus riches (Calvet, 2009).

6Ces chiffres ont été obtenus suite à l’exploitation des données de recensement général de la population et de

l’habitat du Mali de 1987 et 1998

Page 41: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

41

Toutes les langues du Mali se retrouvent à Bamako où le bambara est cependant la seule

langue véhiculaire et aussi la langue la plus parlée dans la capitale. Dans l’optique

d’échanger avec les autres communautés en l’occurrence celle qui détient la supériorité du

nombre, le nouveau venu est dans l’obligation de devenir un locuteur du bambara. Certains

membres de tel ou tel groupe linguistique sont même contraints de se départir de leurs

habitudes vestimentaires, leurs coiffures traditionnelles, leurs coutumes, etc. Cette

incorporation vécue par le migrant vers la ville, peut fragiliser l’appartenance à un groupe

linguistique selon la communauté d’origine et de générations en générations. En effet, il

n’est pas rare de voir des individus habitant Bamako, parlant le bambara en plus de leur

propre langue maternelle, mais ne transmettant pas cette dernière à leurs enfants. Ceux-ci

auront comme langue de socialisation le bambara qu’ils considéreront comme leur langue

maternelle et au fil de temps, les générations se sentiront d’appartenance à la communauté

linguistique la plus forte. Cependant, les rencontres entre groupes parlant des langues

différentes peuvent susciter des réveils identitaires de part et d’autre.

1.3.4. Situation démolinguistique du Mali : ethnies et langues

Le Mali compte plusieurs langues locales. Certaines sont des langues maliennes, mais

d’autres sont dites étrangères et sont parlées par une minorité. Elles sont soit en provenance

d’autres régions d’Afrique, soit viennent de l’Occident comme le français, l’anglais, etc.

Dans l’article 1 du décret 159 PG-RM du 19 juillet 1982, les autorités maliennes ont

reconnu treize langues locales comme langues nationales du Mali : le bamanankan

(bambara), le bomu (bobo), le bozo, le døgøsø (dogon), le fulfulde (peul), le hasanya

(maure), le mamara (miniyanka), le maninkakan (malinké), le soninke (sarakolé), le

søõøy(songhoï), le syenara (sénoufo), le tàmàsàyt (tamasheq), le xaasongaxanno

(khassonké). Elles n’ont cependant été dotées d’un alphabet (l’alphabet phonétique

international) que vers le milieu des années 60 (Konaté et al. 2010). Plus de la moitié de ces

treize langues sont parlées dans la sous-région ouest-africaine et même au-delà. Ainsi, le

fulfulde est aussi parlé au Burkina-Faso, au Niger, au Sénégal, en Guinée, au Cameroun,

etc. Le soninké est en plus parlé au Sénégal et en Mauritanie. Le hasaniya est aussi parlé en

Page 42: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

42

Mauritanie. Le tamasheq est parlé au Niger, en Algérie et en Mauritanie. Quant au syenara

et mamara, ils sont aussi parlés au Burkina-Faso et en Côte d’Ivoire, etc. (Konaté et al.

2010). En général, seule l’appellation de la langue diffère d’un pays à un autre ainsi que

certaines expressions.

Les recensements généraux de la population et de l’habitat (RGPH) de 1987 et de 1998 du

Mali font état des langues suivantes. Ces langues sont les langues maternelles et/ou parlées

de la population cible (population de six ans et plus).

Tableau 1.3 : Les langues au Mali Année de recensement Langues maternelles et/ou parlées

1987 Bambara/Malinké

Peul/Fulfulde

Sonrhaï/Djerma

Maraka/Soninké

Kassonké

Sénoufo

Dogon

Maure

Tamacheq

Bobo, Dafing

Minianka

Haoussa

Samogo

Bozo

Autres langues du Mali

Autres langues africaines

Français

Arabe

Anglais

Autres langues étrangères

1998 Bambara/Malinké

Peul/Fulfulde

Sonrhaï/Djerma

Maraka/Soninké

Kassonké

Sénoufo

Dogon

Maure

Tamacheq

Bobo, Dafing

Minianka

Haoussa

Samogo

Bozo

Autres langues du Mali

Autres langues africaines

Arabe

Autres langues étrangères

Sources : Questionnaires des RGPH de 1987 et de 1998

En 1987, le recensement avait aussi pour principe d’étudier les langues de grande

expansion telles que l’arabe, l’anglais et le français tandis qu’en 1998, cet intérêt se limitait

à l’arabe. Certaines langues du Mali comme le bambara et le fulfulde passent pour être

plus populaires que d'autres, car ce sont des langues de circulation et qui assurent la

communication entre les différentes communautés. D’autres comme le samogo et le

haoussa ne sont parlées que par une minorité au Mali alors qu’elles peuvent être

dominantes dans d’autres régions d’Afrique.

Page 43: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

43

Pour certaines langues, on retrouve des similitudes entre elles ce qui leur permet de

constituer un même groupe linguistique. Ces langues coexistant au Mali peuvent d’ailleurs

être regroupées en sept groupes linguistiques (Perrin, 1984) :

Groupe linguistique mandingue

- Le malinké (bamanan, jula, maninka) : il s’agit d’un groupe très vaste, qui

regroupe plusieurs variétés de la langue, mais avec une relative

intercompréhension entre les différents locuteurs.

- Le soninké (marka, maraka, sarakolé).

- Le bozo : ces derniers parlent plusieurs langues à cause de leurs multiples

contacts avec d’autres ethnies principalement les Bambaras et les Peuls.

Groupe linguistique Gur (Voltaïque)

- Le syenara : parlé par les sénoufos.

- Le mamara : parlé par les miniyankas; malheureusement les sénoufos et les

miniyankas ont pour la plupart comme langue maternelle le bamanan.

- Le bomu : utilisé par les bobos.

Groupe linguistique ouest-atlantique

- Le fulfulde : cette langue parlée par les Peuls connait une utilisation transversale

au Mali et une grande expansion dans toute l’Afrique occidentale.

Groupe linguistique Songhaï-Zarma

- Le søõøy: ou songhoï est la langue des songhaï.

Groupe linguistique sémitique

- Le hasanya : cette langue parlée par les Maures est aussi présente en Mauritanie

où ces derniers forment la majorité de la population.

Groupe linguistique berbère

Page 44: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

44

- Le tàmàsàyt: ou encore tamasheq est parlé par les Touaregs; on le retrouve au

nord du Mali. Il est doté d’une écriture très ancienne avec un alphabet qui lui est

spécifique, le tifinagh.

Groupe linguistique dogon

- Le døgøsø: d’appellation occidentale dogon, cette langue est parlée uniquement

au Mali. Elle est composée d’un grand nombre de dialectes qui ne sont pas

toujours intercompréhensibles ce qui amène ses locuteurs à être bilingues, le

plus souvent en parlant aussi le fulfulde.

Bien que le bambara soit visiblement la langue la plus populaire au Mali, la prédominance

d’une langue dépend de la région où l’on se trouve, ce qui nous offre une autre forme de

regroupement linguistique, mais cette fois selon l’emplacement géographique.

Dans le tableau 2.3, nous pouvons remarquer que certaines langues se retrouvent dans

plusieurs groupes. En effet, certaines langues sont présentes un peu partout dans le pays

comme le fulfulde qui est souvent la deuxième langue des populations maliennes, sinon la

première. Il est surtout présent dans la région de Mopti où il est la langue dominante, mais

on le retrouve aussi à l’ouest du pays vers la région de Kayes et au nord-ouest. On peut

aussi le retrouver le long du fleuve Niger.

Tableau 1.4 : Les groupes linguistiques au Mali selon l’emplacement géographique

Page 45: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

45

Emplacement Les différentes ethnies

géographique

Ouest (vers la région de Kayes)

Malinké (Bambara, Dioula)

Peul (Fulfulde)

Soninké (Maraka, Sarakolé)

Kassonké

Nord-Ouest Maure Peul (Fulfulde)

Centre (vers la région de Mopti)

Peul Dogon Bozo Somono

Sud (vers la région de Sikasso)

Sénoufo Minianka

Sud-Est Bobo Dafing

Nord (vers les régions de Kidal et de Gao)

Sonrhaï Tamasheq Arabe

Source : M. Mamadou Kani Konaté, novembre 2010

Comme nous le voyons, le plurilinguisme est donc une caractéristique des sociétés

africaines et en général, la communication ne fait pas défaut à travers ce melting-pot

linguistique parce que des compromis sont souvent adoptés tels que l’adoption d’une

langue commune qui servira à la socialisation et ce, au sein même de la famille. En effet,

cette dernière est le premier lieu de socialisation de l’individu et joue un rôle très

significatif dans beaucoup de domaines. Cependant, il faut d’abord l’étudier dans son

propre contexte afin de pouvoir la comprendre et ainsi saisir son fonctionnement et son

pouvoir, car la famille africaine garde aussi ses spécificités tout comme celle d’autres

cultures.

1.4. La famille africaine

La famille est une institution universelle, mais ses contours et ses fonctions évoluent dans

le temps. Elle varie aussi d’une société à une autre. Il n’en existe pas de définition fixe,

universellement reconnue et elle peut aller du groupe conjugal à l’ensemble de la parenté

(Pilon et Vignikin, 2006). Il en est de même pour la famille africaine qui, même si elle n’a

pas de définition unique, comporte un certain nombre de caractéristiques qui en font ce

Page 46: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

46

qu’elle est : une véritable unité sociale. Elle est l’axe autour duquel s’articulent les

différents indicateurs du développement. Sur ce continent, elle est une entité et c’est à elle

de définir les types de techniques d’adaptation ainsi que les limites des paramètres

d’adaptation employés par chaque membre de la famille.

La famille africaine exerce beaucoup de pressions sur ses membres quelque soit le rang

social et économique de ces derniers. Celles-ci peuvent sembler déraisonnables et pourtant

sont basées sur les traditions sociales de la société. De ce fait, la famille reste en Afrique

l’unité fondamentale dont dépendent toutes les décisions dans le domaine de la fécondité

par exemple. Traditionnellement, un mariage était contracté sur la base d’un contrat

« implicite » de procréation et ne concernait pas uniquement les deux individus, mais leurs

familles respectives. Cela a conféré à la famille un rôle fondamental en tant que moteur des

évènements de la vie sociale par un processus de socialisation basé sur la famille.

De nos jours, de nombreux changements sont survenus dans toutes les sociétés les poussant

parfois à adopter de nouvelles mesures d’adaptation plus adéquates. La famille africaine

n’y fait pas exception. Cependant, les normes et valeurs familiales qui régissent le domaine

du mariage et de la procréation ne sont pas tombées dans l’oubli comme peut l’attester la

continuité et la force de certaines pratiques telles que le versement de la dot.

1.4.1. Les différentes mutations subies par la famille africaine

La famille est le lieu de transfert des valeurs, normes, croyances et connaissances vers les

jeunes. Dans la société africaine, la famille fait référence à un cercle bien plus large que

dans sa conception occidentale. En effet, elle comprend traditionnellement les parents, les

enfants, les grands-parents, les oncles et tantes ainsi que les éventuels enfants de toutes ces

personnes. C’est ce que les anthropologues appellent la « famille étendue ». En

comparaison, le ménage, plus petite unité familiale, est ce qui correspond le plus près de la

notion de famille en Occident. Il est composé des parents, des enfants et quelques fois

seulement, des grands-parents aussi.

Page 47: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

47

Quels changements a donc subi la famille africaine? Elle en aura subi beaucoup sur le plan

structurel. En effet, bien que certaines cultures maintiennent le concept de la famille

étendue traditionnelle, cette dernière a tout de même changé de structure. Elle n’est plus

résidentielle, ni uniquement composée de parents et d’amis. Elle offre les « premiers

secours » à l’individu suite aux nombreuses catastrophes naturelles et humaines. De

nouvelles formes de la famille africaine sont apparues comme la famille double avec un

seul chef de famille le plus souvent partagée entre deux résidences ou plus (dans le cas du

mariage polygame). Ou encore les familles dirigées par des femmes dont les époux sont

décédés, ont émigré ou ont tout simplement quitté le domicile familial.

Mais malgré toutes les pressions qu’elle doit supporter au fil du temps, la famille africaine

n’a pas perdu sa place et son importance au sein de la société. L’expansion de la population

et des évènements tels que la crise économique ont bien sûr poussé la famille à redéfinir ses

rôles et sa structure. Elle s’est adaptée en se centrant autour de ses normes, valeurs,

pratiques et croyances qui lui donnent la force de se maintenir et de résister aux invasions

de la modernisation, de l’occidentalisation, de l’urbanisation… La famille demeure alors en

permanence l’unité sociale la plus endurante et la plus fondamentale (Adepoju, 1999). Elle

a plusieurs fonctions en Afrique. Elle tient le rôle d’unité de production et d’unité de

consommation tout en étant une aide économique. En milieu rural par exemple, le ménage

tient lieu d’unité économique en fournissant main-d’œuvre, terre et capital.

En dépit de tous ces changements, la famille maintient son rôle de support pour toutes

sortes de charges qu’elles soient économiques, sociales ou même politiques. Cette place

qu’elle continue d’occuper la pousse à détenir de plus en plus de fonctions et de

responsabilités. Suite aux énormes poussées de la modernisation, la famille africaine est

aujourd’hui soumise à des changements sociaux profonds tout en subissant encore

l’influence des traditions.

1.4.2. Entre modernité et tradition

De tous les facteurs de changements et de modernisation, l’urbanisation est surement celui

dont les effets se font le plus sentir par la famille. En effet, s’installer en ville exige que les

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familles ayant émigré du milieu rural s’adaptent dans un milieu de vie sociale nouveau.

Elles sont alors très vite obligées de modifier certaines normes et valeurs qui faisaient

partie de la vie rurale afin de pouvoir s’accommoder à leur nouveau contexte de vie (Pilon

et Vignikin, 2006). On trouve donc une restructuration familiale en milieu urbain sous des

formes assez variées. Ceci est dû au fait qu’en milieu urbain, les mariages ne sont plus des

alliances entre familles, car les conjoints prennent la liberté de faire leur choix par eux-

mêmes. Mais cette autonomie a pour conséquence d’engendrer une instabilité conjugale de

plus en plus croissante. Donc sont apparus de nouveaux types de familles avec plus

d’homogénéité affective entre époux, des modèles plus fréquents, mais aussi plus fragiles.

Il n’empêche que, dans la plupart des régions d’Afrique, l’élaboration d’une nouvelle

famille passe traditionnellement par le mariage.

1.5. Le mariage

Le mariage en Afrique était traditionnellement l’union de deux familles et non uniquement

de deux conjoints. Il ne pouvait donc être un évènement banal dans la vie d’une famille.

Aujourd’hui, en dépit des nombreux changements survenus, les normes et valeurs du

mariage en Afrique et l’importance qui lui est accordée sont toujours de rigueur. C’est un

évènement universel, une activité qui s’organise et s’effectue en communauté et sur

laquelle la société insiste beaucoup. Dans de nombreuses sociétés africaines, le mariage

traditionnel est le plus commun.

Difficile d’échapper au mariage, c’est le lot commun de l’écrasante majorité des adultes. Le

célibat, statut très peu convoité en Afrique, est souvent la conséquence d’un grand

déséquilibre entre les effectifs hommes et femmes. L’entrée en union matrimoniale dépend

toutefois d’autres facteurs dont la pression sociale en faveur du mariage, des exigences

financières à l’endroit des futurs mariés.

Dans la société traditionnelle africaine, les femmes acquéraient un statut social par le biais

de la famille. Il en va de même pour le mariage qui était aussi le moyen pour elles

d’accéder à un moyen de production et, dans certaines situations, de changer de statut

économique. Le mariage est alors devenu de plus en plus la préoccupation majeure des

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49

femmes et de leurs parents. Les rôles tenus par les hommes et les femmes ont bien entendu

évolué au fil du temps, mais la femme a encore aujourd’hui un statut dérivé. En effet, une

femme est d’abord la femme, la mère ou la fille de quelqu’un. Une femme mariée a donc

logiquement un statut plus élevé et mieux reconnu qu’une femme célibataire (Adepoju,

1999).

1.5.1. Évolution des modèles matrimoniaux

Le mariage est encore considéré comme une institution sociale en Afrique. Nous pouvons

encore constater la pratique de certaines coutumes matrimoniales, croyances et rites qui ont

assez peu changé dans certaines régions rurales d’Afrique par rapport aux pratiques

ancestrales (Adepoju, 1999). Cependant, comme beaucoup d’autres institutions, le mariage

a subit l’effet de l’immigration et de la grande avancée de l’urbanisation.

Le mariage ne peut être séparé conceptuellement de l’institution familiale. En effet, la

stabilité d’un mariage même officialisé et consommé avec soin dépend fortement de

l’approbation des familles (mais surtout de celle de l’époux). Souvent, nous notons des

conflits entre la femme et sa belle-famille en cas de rupture (décès, divorce…). Ces

situations sont de plus en fréquentes au sein des mariages africains modernes en particulier

à cause du nombre de plus en plus élevé des mariages interethniques (Adepoju, 1999).

Le mariage comme institution s’est incontestablement affaibli au fil du temps et surtout en

milieu urbain, ce qui a eu de sérieuses conséquences sur la stabilité de la famille dans la

société africaine. En effet, de nos jours, les gens se sentent la liberté de s’unir et de rompre

leurs engagements matrimoniaux sans crainte d’être sanctionnés légalement ou

socialement. La responsabilité du père, qui n’incarne plus tellement la figure du chef de

famille, a progressivement diminué au profit de celle de la mère. Cependant, le rôle et

l’importance du mariage sont si enracinés dans la culture et les pratiques coutumières

africaines qu’il ne serait pas étonnant de le voir résister et conserver sa valeur d’antan.

Page 50: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

50

1.5.2. Le mariage au Mali

Avec les avancées de la démographie, nous pourrions penser que la formation d’un couple

est devenue un processus assez simple. Mais ce n’est le cas nulle part, bien au contraire. Le

couple est lieu attitré de l’expression des normes sociales, religieuses et coutumières qui

augmentent considérablement les dispositions d’union. Ces modalités auxquelles est intégré

tout un protocole fait de contraintes et d’interdits entourant les choix individuels causent

une prise de distance entre les candidats à l’entrée en union ce qui cause soit des carences,

soit des surplus du nombre de personnes en âge de se marier (Locoh, 2005).

Dans chaque culture, dans chaque société, le contrôle de la formation des unions est au

cœur des inquiétudes. Sous un angle démographique, le mariage n’est jamais perçu comme

un simple contrat sexuel. Ce dernier comprend aussi des dimensions fondamentales qui

reposent sur la réalité sociale, particulièrement économique et religieuse. Le mariage donne

lieu à des rapports d’alliance entre des groupes et favorise l’intégration d’un individu au

sein d’une communauté par le biais de l’acceptation de sa descendance (Locoh, 2005).

Chaque groupe social définit son marché matrimonial, qui peut y accéder et qui ne le peut

pas et donc ceux qui peuvent prétendre la reproduction. Cependant, partout, la formation

des unions dépasse la préoccupation de voir se reproduire ses membres. Dans les sociétés

modernes, la filiation est une éventualité dans le parcours de la vie en commun, ce n’est

plus une obligation ni une condition pour la pérennité du couple. Ces conjoints privilégient

l’attirance et l’épanouissement personnels. Dans d’autres sociétés, la formation des couples

reste sous le haut contrôle social.

Au Mali comme dans la plupart des sociétés africaines, le mariage est une étape très

importante dans la vie de tout individu. Il peut avoir lieu à un âge relativement jeune pour

la femme, surtout en milieu rural. Le mariage est alors l’union d’un homme et d’une

femme, mais aussi de leurs familles, union reconnue par les parents et la communauté. Il

existe trois types de mariages au Mali, religieux, coutumier et civil et deux types de

ménages, monogame (un homme avec une seule épouse) et polygame (l’homme pouvant

avoir jusqu’à quatre épouses). Mais au vu de la situation linguistique du pays, un autre type

d’union semble être de plus en plus fréquent, les mariages interethniques.

Page 51: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

51

1.5.3. Mariage mixte, mariage interlinguistique

Qu’est-ce qu’un mariage mixte? Le terme semble facile à définir et pourtant, nombreux

sont les auteurs qui travaillent encore dessus et butent parfois sur sa spécification. La

rencontre entre membres de cultures différentes donne lieu à des évaluations qui varient

d’un individu à un autre et tout repose sur le point de vue de ce dernier. Soit l’exogamie est

fondée sur des dissimilitudes linguistiques, religieuses, nationales ou raciales, soit elle est

plus tôt basée sur une hétérogénéité sur le plan éducatif, idéologique ou de classe lorsque ce

n’est pas la « distance sociale » entre les deux conjoints qui n’est pas coupable (Varro,

1984).

La notion de mixité semble si évidente aujourd’hui pour tous ceux qui travaillent sur les

couples et les mariages mixtes. Le phénomène a toujours existé bien que ses définitions

aient été différentes selon le contexte. Ce dernier peut être historique, social, culturel ou

encore juridique et aussi du point de vue des acteurs concernés (chercheurs, société…).

Nous voyons donc à quel point les explications portant sur la mixité peuvent être

subjectives et parfois purement représentatives. Une distinction est faite entre une union

d’individus différents de par leur origine de classe et celle dont les conjoints sont différents

de par leur nationalité, leur culture, leur langue, etc. (Varro, 1998). Aujourd’hui, la norme

est surtout placée du côté du mariage dit « normal » de par la ressemblance des conjoints,

même si la tendance actuelle est en train de devenir toute autre, dans certaines sociétés du

moins.

Plus les critères de constitution d’un couple répondent aux aspirations des conjoints, moins

les normes de la société et l’entourage familial entrent en jeu. Dans de telles sociétés, tout

un chacun choisit son/sa partenaire conjugal ou de vie commune. Et pourtant, la situation

n’y est pas aussi simple et réduite. Cette liberté est conditionnelle. Les choix sont

influencés par les circonstances sociales qui orientent très tôt les préférences de

l’adolescence et ensuite de l’adulte. C’est l’homogamie sociale (« épouser qui vous

ressemble »). Les études sur ce sujet ont montré que même dans les pays industrialisés, on

continue de choisir le conjoint dans les marchés matrimoniaux délimités par des critères

économiques ou sociaux précis (Locoh, 2005). Au fil des années et des histoires,

Page 52: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

52

l’endogamie (culturel, linguistique, religieux, etc…) y a fait place à l’homogamie qui vise

de plus en plus souvent un ensemble de caractéristiques personnels.

La société malienne a fortement réussi à conserver un nombre non négligeable de traditions

et coutumes, mais qu’en est-il du mariage? Dans le contexte actuel de modernisation,

d’industrialisation et de grande mobilité, continue-t-elle à maintenir ses différentes

communautés « intactes » ou s’est-elle adaptée à son environnement et aux divers

changements que ce dernier subit?

1.6. Conclusion

La langue est l’identité d’un peuple, l’empreinte d’une civilisation ainsi que la base de toute

culture. Le monde est plurilingue depuis ses origines. Mais l’usage et le choix d’une

langue entrainent la prise de connaissance de certains rapports entre les locuteurs. Bourdieu

nous présente les rapports de communication comme des rapports de pouvoir symbolique

dans lequel des rapports de force sont en continuelle adaptation entre les locuteurs ou leurs

groupes. Il considère des styles de langage relatifs aux classes de la société et aux individus

contrairement à Saussure pour qui l’usage et le choix de la langue ne sont dictés ni par nos

habitus ni par le marché linguistique. L’espace linguistique serait au contraire caractérisé

par les échanges entre locuteurs.

Le processus et les conditions d’instauration d’une seule langue légitime dans une société

demandent certaines conditions. Cela requiert l’unification du marché linguistique lorsque

toutes les autres langues sont comparées à une seule qui est la norme et donc la langue

dominante : c’est l’état des rapports de force qui organise la légitimité des usages de la

langue. Officialiser une langue, c’est la réformer et ainsi imposer une pensée purifiée. La

langue officielle est aussi liée à l’État et devient une langue d’État, obligatoire dans les

occasions et les espaces officielles (écoles, administrations,…). Tout ceci mène facilement

à une situation de bilinguisme ou de diglossie comme nous l’avons vu dans beaucoup de

pays africains, souvent aussi entre les classes populaires et la bourgeoisie. L’unification du

marché linguistique contribue à l’imposition d’un seul mode d’expression parmi d’autres

comme étant le seul qui soit légitime et mesurer toutes les langues à une seule les relègue

Page 53: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

53

au statut de dialectes et de patois. Et la place de l’école dans ce processus? L’école y joue

un rôle capital en étant le principal moyen d’accès à des postes hauts placés. Elle contribue

à la normalisation et l’officialisation d’une langue par le biais de l’enseignant qui a les

capacités de se faire obéir. En effet, comme dans les pays qui ont été colonisés, la diffusion

de l’enseignement et de la langue du colonisateur est un des moyens les plus efficaces

d’accroitre la domination de la langue dans le pays du colonisé. Cette langue qui devient

donc dominante est adoptée en premier lieu par ceux qui sont proches du pouvoir ou le

représentent et par ceux en rapport avec le pouvoir. Ce groupe minoritaire devient bilingue

tandis que la majorité de la population reste monolingue. Cette situation peut devenir

problématique puisqu’à l’origine, il y existait déjà plusieurs langues qui cohabitaient sur

place. L’arrivée de l’anglais tout comme le français a fait baisser leur valeur sociale. En

effet, ces deux langues importées reflètent un privilège acquis par l’individu. Les parler et

les maitriser sont un atout incontournable pour l’accès à certains postes de travail et ce,

malgré qu’elles ne soient parlées que par une minorité de la population. Nous sommes donc

dans un contexte de multilinguisme dans ces sociétés et nous avons vu l’exemple du Mali,

pays francophone où cohabitent plusieurs langues et qui doit faire face à un désir de

valorisation de ses langues locales.

Les sociétés africaines sont loin d’être figées et sont en pleine mutation particulièrement

dans le cadre familial. La modernisation, l’urbanisation, etc. Tous ces facteurs ont contribué

aux divers changements qu’a subis l’institution familiale africaine. Cette dernière, bien

qu’elle n’ait pas totalement disparu, est toutefois remise en question avec l’émergence de

nouvelles structures familiales où règnent une certaine liberté et responsabilité des

conjoints quant à la prise de certaines décisions. Ces nouvelles structures sont certes plus

fréquentes, mais plus fragiles. Quant au mariage, il a été dompté surtout en milieu urbain

dans la mesure où le choix du conjoint n’est plus dicté par les parents, mais est désormais

librement consenti. Désormais, nous n’assistons plus forcément à des alliances entre

familles. Aussi, de plus en plus de mariages hors de la communauté d’origine sont

contractées ce qui attire l’attention sur la possible « modernisation » du mariage en

particulier, de la société malienne en général. Mais cette dernière est-elle prête à accepter

ces changements? Parvient-elle à s’adapter ou au contraire continue-t-elle à vouloir

maintenir « ses portes fermées »?

Page 54: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

54

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

2.1. Problématique et questions de recherche

2.1.1. Problématique

Nous avons vu quelle place occupe la famille dans la société africaine et l’ascendance

qu’elle peut avoir sur ses membres. De même, le mariage est une étape décisive dans la vie

de l’individu. C’est un évènement social qui requiert la participation de la famille, une

grande préparation ainsi qu’un investissement important (épargne, endettement, etc.).

La famille traditionnelle africaine garde encore son rôle de gardienne des valeurs de la

société, de ses us et coutumes et ce, même dans le domaine du mariage. En effet, ce dernier,

union de deux personnes et traditionnellement de leurs deux familles est le point de départ

pour l’élaboration d’une nouvelle famille. Celle-ci est donc le lieu de perpétuation de

certaines traditions dont celle ayant trait à la transmission de la langue maternelle.

Les sociétés évoluent et les changements qui s’opèrent entrainent des adaptations. Ils

impliquent aussi une réorganisation de certaines institutions telles que le mariage.

Cependant, ces évolutions ont-elles été assez importantes pour mener à une exogamie

linguistique? Dans la société malienne où la tendance est du côté de l’endogamie, mais où

l’exogamie linguistique et culturelle pourrait se révéler relativement forte, quelle est la

langue dominante, celle qui est la plus couramment parlée au sein des unions entre groupes

linguistiques?

En effet, l’exogamie a deux implications :

- Elle incarne plus d’ouverture envers les autres communautés;

- Mais représente aussi une certaine menace pour la survie des langues minoritaires,

car en présence de deux langues dans le couple, il y a une compétition entre elles et

donc un processus d’assimilation qui se met en marche.

Page 55: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

55

Ainsi, même si le couple peut être bilingue, généralement une seule langue pourra occuper

la première place, celle de la langue la plus couramment parlée au sein du ménage et

plusieurs facteurs vont déterminer ce choix. Malheureusement, les données de recensement

du Mali, étudiées dans ce présent travail, ne permettent de connaître qu’une seule langue

parlée par l’individu en plus de sa langue maternelle.

Les données de recensement du Mali nous donnent l’opportunité d’étudier les unions

exogames et plus particulièrement la langue parlée dans ces couples et les facteurs qui

déterminent ce choix. Ce genre d’études pourrait donner lieu à de nombreuses perspectives

et réflexions quant à la sauvegarde de nos langues locales. C’est ce que nous nous

proposons d’étudier dans ce mémoire.

2.1.2. Questions de recherche

Notre étude a pour point de départ la question générale suivante : quels facteurs

déterminent le choix et l’utilisation d’une langue dans les couples interlinguistiques? Nous

partons du principe que ces couples, que nous qualifierons de mixtes7, sont de langues

maternelles différentes et que l’individu est un locuteur de sa propre langue maternelle8.

Ainsi, nous nous intéresserons aux tendances linguistiques dans les couples mixtes à

Bamako et nous nous proposons de répondre aux questions suivantes :

- Quelles sont les tendances linguistiques dans les unions monogames à Bamako entre

1987 et 1998?

- Existe-t-il des communautés linguistiques plus ouvertes à l’exogamie que d’autres?

- Quels sont les facteurs qui pourraient influencer significativement le fait d’être dans

une union monogame et mixte?

7 Ce terme n’est utilisé que pour alléger le texte et fera toujours référence dans notre texte à une union de deux

personnes de langues maternelles différentes. 8Lors des recensements généraux au Mali, on ne demande pas à l’individu quelle est son ethnie afin d’éviter

de causer des frustrations. La variable « ethnie » ne fait donc pas partie de nos bases de données. Cependant,

on demande à la personne quelle est sa langue maternelle ainsi que la langue qu’elle parle le plus

couramment.

Page 56: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

56

Ces questionnements s’inscrivent dans un cadre de forte urbanisation où se confrontent

traditions et modernisation entre toutes les composantes de la société bamakoise. En effet,

l’urbanisation a pris place dans la capitale mais celle-ci ne cesse d’attirer les populations

rurales en quête de travail. Une telle modernisation de la société malienne ainsi que la forte

mobilité de la population peut facilement pousser les différentes communautés à se côtoyer

de plus en plus étroitement ce qui peut avoir pour conséquence entre autres, de favoriser les

mariages entre différentes communautés linguistiques. Pour répondre aux questions de

recherche, nous posons les postulats suivants :

1) L’individu est un locuteur de la langue maternelle qu’il a déclaré.

2) Les couples étudiés sont de langues maternelles différentes.

3) Les couples étudiés sont formés d’un homme et d’une femme mariés selon un des

trois types de mariages reconnus au Mali. Les unions libres sont donc exclues.

4) Les ménages retenus sont monogames.

5) Les couples étudiés sont des résidents présents à Bamako. Sont donc exclus les

ménages dont l’un des conjoints a quitté le domicile conjugal ou a émigré.

2.2. Hypothèses de recherche

Nous nous attendons à ce que :

1) La fréquence des mariages mixtes ait augmenté entre 1987 et 1998.

2) Certains facteurs puissent influencer pour une plus grande ouverture à l’exogamie

linguistique tels que :

a. Le sexe : le plus souvent la femme ira rejoindre la demeure de son mari au sein de sa

belle-famille.

b. Le groupe linguistique : certaines communautés linguistiques pourraient être plus

ouvertes et d’autres plus conservatrices.

c. Le lieu de naissance : tous les résidents de Bamako ne sont pas forcément des natifs

de la capitale malienne. Alors le comportement de l’individu vis-à-vis du mariage

mixte est-il différent selon qu’il est né dans un milieu urbain ou rural?

d. L’âge : Il est serait intéressant de voir si l’exogamie linguistique est plus fréquente

chez les jeunes ou les moins jeunes.

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57

e. Le niveau d’instruction : l’alphabétisation pourrait faire tomber beaucoup de barrières

linguistiques. On pourrait donc s’attendre à ce que le mariage interlinguistique soit

plus favorisé lorsque le niveau d’instruction d’au moins un des conjoints est élevé.

f. L’activité professionnelle : par le biais de l’activité professionnelle, il se forme

certaines classes professionnelles dont les membres sont plus attachés à leur travail

qu’aux valeurs traditionnelles. Ils deviennent alors de moins en moins conservateurs.

De plus, le fait d’occuper des postes qui se ressemblent pourrait constituer un facteur

de rapprochement.

Ces hypothèses posées, nous allons maintenant présenter les sources de données et les

variables de l’étude ainsi que les méthodes d’analyse que nous comptons adopter.

2.3. Sources de données

Deux bases de données sont utilisées ici : les recensements généraux de la population et de

l’habitat du Mali effectués en 1987 et en 1998. Il ne s’agit nullement d’échantillons ou des

résultats d’analyse des recensements, mais bien des données complètes et individuelles

recueillies en 1987 et en 1998. Ces données très riches sont complètes et permettent

diverses exploitations en raison de leur grande qualité et surtout de leur exhaustivité.

Le premier recensement général de la population du Mali a été réalisé en 1976. Avant cette

date, des opérations statistiques par sondage ou localisées avaient eu lieu. Les résultats de

ces différentes études ont été utilisés par diverses administrations et institutions de

recherche du Mali ainsi que pour la planification. Les recensements suivants ont donc été

mis en place comme une suite logique de ce qui avait été fait auparavant9. Sous la

responsabilité de la Direction Nationale de la Statistique et de l’Informatique (DNSI)

aujourd’hui réorganisée en Institut National de la Statistique (INSTAT), le Recensement

Général de la Population et de l’Habitat de 1987 (RGPH-1987) s’est déroulé du 1er

au 14

avril 1987 et celui de 1998 (RGPH-1998) du 1er

au 14 avril 1998.

9Selon le manuel de l’agent recenseur de 1987.

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58

2.3.1. Objectifs des recensements

Pas moins de cinq objectifs ont été assignés au recensement :

1) Connaître l’effectif total de la population du Mali et sa répartition entre les régions,

les cercles, les arrondissements et les villages. Il s’agissait aussi de repérer les

populations sédentaires et nomades ainsi que la répartition de la population entre le

milieu urbain et le milieu rural.

2) Connaitre la structure de la population malienne par sexe et par âge.

3) Avoir une connaissance du nombre total de naissances et le nombre total annuel de

décès.

4) Connaitre les disponibilités en logements pour les ménages et leurs conditions de

vie en matière d’habitation.

5) Le recensement a aussi apporté des renseignements sur les caractéristiques

démographiques (situation matrimoniale, lieu de naissance, etc.), économiques

(profession, activité principale, etc.) et socioculturelles (nationalité, alphabétisation,

langue maternelle, langue parlée, etc.).

Ces données exhaustives ont été utiles pour mieux cerner les conditions de vie des

populations, la capacité de production et les conditions sociales. Tous les secteurs de la vie

nationale ont pu être touchés par les actions entreprises par la suite. Parmi ces dernières,

quelques-unes ont bénéficié d’une attention particulière dont :

- L’autosuffisance alimentaire de la population et ce quel que soit les conditions

climatiques.

- La scolarisation de tout enfant en âge d’aller à l’école. L’objectif était alors de

permettre à la majorité de ces enfants d’avoir accès à une éducation de base.

- L’intensification des actions d’alphabétisation fonctionnelle.

- La poursuite de la politique de soins de santé primaires.

- L’implantation d’unités industrielles.

- La construction de logements économiques pour les ménages.

Page 59: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

59

Pour ce faire, les données de recensement étaient les plus indiquées pour répondre à ces

objectifs et ainsi à la détermination objective des besoins de la population comme la

construction d’hôpitaux et l’élaboration de programmes de logements.

2.3.2. Élaboration des recensements

Les recensements du Mali ont été conçus afin de couvrir l’ensemble du territoire à

l’intérieur des limites de ses frontières au moment de l’opération. Chaque localité du pays a

été couverte par une zone de dénombrement appelé SE et toutes les composantes de la

population étaient concernées. Ainsi, les populations nomades et sédentaires ont été prises

en compte. Chaque individu et chaque local utilisé comme habitation ont été recensés.

Toutes ces actions ont été exécutées à la date convenue afin que les données recueillies

aient une référence bien précise. Une fois regroupées, elles ont été évaluées et exploitées

pour les besoins de la planification. Cependant, les données que nous exploiterons dans ce

travail sont des données brutes donc non exploitées.

2.3.3. Quelques notions

Certaines variables ont été jugées utiles pour notre analyse. Cependant, certains concepts

seront mentionnés et il convient de les expliciter pour une meilleure compréhension. Les

définitions suivantes ont guidé la collecte des données.

La concession

La concession est un espace clôturé ou non, à l’intérieur duquel se trouvent une ou

plusieurs constructions qui peuvent avoir divers usages (habitations, dépendances, etc.).

Une concession est généralement entourée par un mur ou une haie, mais elle peut dans

certains cas être constituée par un groupe de constructions indépendantes. Elle peut aussi

n’être constituée que d’une seule construction utilisée ou non pour une action déterminée.

Ainsi, ont été considérés comme concession des bâtiments administratifs, religieux ou

publics, industriels, ou encore commerciaux. Une concession peut être habitée par un ou

plusieurs ménages et être constituée par un ou plusieurs logements le plus souvent placés

sous la responsabilité d’un chef de concession.

Page 60: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

60

La construction

Il s’agit d’un édifice indépendant contenant une ou plusieurs pièces limitées par des murs.

Cet édifice est destiné à l’habitation ou alors servira de dépendances. Comme exemple de

construction, nous avons : les maisons d’habitation, les cuisines, les toilettes, les greniers,

etc.

Le logement

C’est l’unité qui a été retenue par le recensement de l’habitation. Un logement est un

ensemble de construction (unité d’habitation) destinée à un ménage. Il existe deux types de

logements.

- Le logement fixe : c’est une pièce ou ensemble de pièces situées dans un bâtiment

permanent c’est-à-dire pouvant rester en place durant une assez longue période (de

cinq à dix ans par exemple). Ce type de logement comprend les maisons avec des

murs et un toit en ciment ou en béton (villas, immeubles, etc.), les maisons avec des

murs en ciment ou béton et un toit en tôle, les maisons semi-dures avec des murs en

banco parfois en ciment, les maisons en banco ou en paille et les cases rondes.

- L’habitation mobile : il s’agit d’une installation servant d’habitation, mais construite

de façon à pouvoir être transportée (unité mobile) et utilisée comme habitation au

moment du recensement. Cette catégorie comprend : les tentes des nomades, les

wagons des chemins de fer, les bateaux et navires, les embarcations, les pirogues et

péniches, les remorques, etc. Mais pour être prises en compte, ces structures doivent

être utilisées comme habitation au moment du recensement.

Le ménage et son chef

Le ménage est un groupe d’individus apparentés ou non, vivant sous le même toit sous la

responsabilité d’un chef de ménage dont l’autorité est reconnue par tous les membres.

Cependant, il existe plusieurs types de ménages.

- Généralement, le ménage est constitué par un chef de ménage, son ou ses épouses,

et leurs propres enfants non mariés. Il peut éventuellement compter d’autres

membres de la famille ou encore des personnes sans lien de famille avec le chef de

Page 61: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

61

famille. Le ménage peut aussi se réduire à une seule personne vivant seule ou avec

ses enfants.

- Un ménage peut être polygame avec un maximum de 4 épouses qui peuvent ou non

habiter dans la concession du chef de ménage. Lorsqu’elles vivent dans la

concession du mari, ce dernier est considéré comme le chef du ménage. Dans le cas

contraire, lorsque la femme vit dans une concession différente, elle est recensée

comme étant le chef de ménage avec les personnes qui vivent avec elle. Si l’agent

recenseur trouve chez elle son mari, ce dernier sera recensé en tant que conjoint.

- Chacun de leurs fils mariés constitueront des ménages séparés avec leurs propres

épouses, leurs enfants et leurs éventuels dépendants non mariés.

- Un locataire qui ne prend pas ses repas là où il loge constitue un ménage à part.

- Chaque membre d’un groupe de célibataires non apparentés, vivant ensemble, et

pourvoyant individuellement à leurs besoins alimentaires, constitue un ménage à

une personne.

- Lorsque le ménage est dit collectif, on parle alors d’un ensemble de personnes

vivant en commun dans les institutions sociales du pays pour des raisons d’étude, de

santé, de travail, de voyage, de discipline ou d’intérêt commun. Il comprend les

hôpitaux ou centres de santé, les institutions éducatives (lycées et collèges, Écoles

Normales, Instituts, etc.), les centres de rééducation, les hôtels, les couvents et

autres communautés religieuses, le corps militaire, etc. Le personnel de direction et

d’entretien de ces établissements ne sont pas pris en compte dans le recensement de

ces institutions.

Cependant, il faut remarquer que les ménages ordinaires qui se trouvent logés dans des

maisons, dans la même cour qu’un ménage collectif, ont été identifiés et recensés

séparément avec une feuille de ménage ordinaire.

Durant le recensement, il a aussi pu y voir un risque de doublons pour le mari qui est

polygame, car il pourrait être recensé dans plusieurs concessions même s’il ne devrait être

considéré comme chef de ménage qu’une seule fois. Il revenait donc à l’agent recenseur de

rester vigilent sur ce point.

Page 62: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

62

Le résident et le visiteur

Une personne est dite résidente lorsqu’elle a passé six mois ou plus sur son lieu actuel de

résidence ou alors si elle a l’intention de s’y installer même si la durée du séjour déjà

effectuée est inférieure à six mois. Si l’individu a passé la nuit précédant le passage de

l’agent recenseur dans la localité recensée il est alors qualifié de résident présent. S’il n’a

pas passé la nuit précédant le passage de l’agent dans cette localité : il sera soit un résident

absent, mais se trouvant dans une autre localité du Mali soit un résident absent se trouvant

en dehors du Mali. Les résidents absents ayant quitté le ménage depuis plus de six mois

n’ont pas été recensés.

Un visiteur est une personne dont le domicile habituel est différent du lieu de recensement.

Il doit alors être de passage depuis moins de six mois dans le ménage recensé et ne doit pas

non plus avoir l’intention d’y rester plus de six mois.

Numéro de ménage et numéro d’ordre

Chaque ménage de chaque concession recensée a un numéro qui lui est attribué. Pour

chaque concession, ce numéro devait être unique.

Le numéro d’ordre de chaque individu dans le ménage recensé est établi suivant l’ordre du

dénombrement. Dans chaque ménage, ce numéro devait être unique.

Situation matrimoniale

La situation matrimoniale d’une personne est son état actuel concernant le mariage vis-à-vis

des lois et coutumes de son pays. Les différents types de mariage (coutumier, religieux,

civil) au Mali sont reconnus ici et notre étude ne fait pas de distinction à ce niveau. Cette

variable est codée par un seul chiffre, de la façon suivante aussi bien pour les hommes que

pour les femmes :

Tableau 2.1 : La situation matrimoniale au Mali lors des recensements

- Célibataire

- Marié 1

- Marié 2

- Marié 3

- Marié 4

- Veuf (ve)

- Divorcé(e) ou séparé(e)

- Personne non concernée

- Non déclaré

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Page 63: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

63

Pour les personnes mariées, le recensement a pris en compte le nombre d’épouses pour les

hommes et le nombre total de mariages contractés par la femme au moment du

recensement. Par exemple Marié 4 indiquera que l’homme a actuellement 4 épouses mais

pour une femme, cela voudra dire qu’elle en est à son 4ième

mariage.

Lien de parenté avec le chef de ménage

C’est le lien du chef de ménage avec chaque membre du ménage en question. Il est codé

comme suit :

Tableau 2.2 : Les liens de parenté avec le chef de ménage lors des recensements

- Chef de ménage (CM)

- Conjoint du chef de ménage (Ep de 1)

- Enfant du CM (fils ou fille)

- Père ou mère du CM

- Frère ou sœur du CM (F de 1 ou S de 1).

- Autres liens avec le CM (AL).

- Sans lien de parenté avec le CM (SP).

- Non déclaré ou blanc.

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Si le lien de parenté a été saisi par rapport à une personne autre que le chef de ménage, il a

été converti comme il convient. Exemple :

01. Mamadou Traore CM

02. Fatou Toure Ep 1

03. Aminata Dia Mère 2

Le lien de parenté de Aminata Dia avec Mamadou Traore sera alors codé 6 (Autres liens de

parenté), car elle est sa belle-mère.

Situation de résidence

Tableau 2.3 : Les différentes situations de résidence lors des recensements

- Résident présent (RP)

- Résident absent se trouvant dans une autre localité du

Mali (RAI)

- Résident absent se trouvant à l’étranger (RAE)

- Résident à destination inconnue (RA)

- Visiteur venant d’un autre endroit du

Mali (VI)

- Visiteur venant de l’extérieur du Mali

(VE)

- Visiteur de provenance inconnue (V)

- Non déclaré ou blanc (ND)

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Une fois ces variables présentées, intéressons-nous à notre méthodologie.

Page 64: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

64

2.4. Cadre d’analyse

2.4.1. Les variables à l’étude

Les neuf variables suivantes ont été retenues comme étant les plus déterminantes pour

conduire nos analyses :

Sexe

Le sexe de chaque individu du ménage a été codé comme suit:

1 pour Féminin (F)

2 pour Masculin (M)

Âge et lieu de naissance

La première variable est de type continu et la deuxième est nominale. Le lieu de naissance

fait référence à une région du Mali lorsque le répondant est né sur le territoire ou alors

l’étranger si ce n’est pas le cas. Cette variable construite à des fins d’analyses est

catégorisée comme suit :

Tableau 2.4 : Le lieu de naissance des répondants

- Kayes

- Koulikoro

- Sikasso

- Ségou

- Mopti

- Régions du Nord (Gao, Tombouctou, Kidal10

)

- Bamako

- Étranger

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Langue parlée et langue maternelle

La langue parlée est celle qui est le plus couramment utilisée par l’individu dans la vie

quotidienne. La langue maternelle est quant à elle celle parlée par la mère de la personne

recensée.

10

Dans le RGPH de 1987, une erreur de codage a été découverte. La région de Kidal a été créée post-

recensement. Mais les données du RGPH lui octroyaient 422196 natifs contre 2708 pour le district de

Bamako. Cependant, ces mêmes données montrent qu’il y a 33356 habitants à Kidal et 658660 à Bamako.

Après une recherche minutieuse dans les résultats d’analyse des données du RGPH de 1987 publiés par la

DNSI, nous avons conclu que les nombres d’habitants des deux régions sont corrects et que leurs nombres

respectifs de natifs étaient probablement dus à une erreur de codage avec un inversement des codes des deux

régions. Nous avons donc pris le parti de rétablir les chiffres en donnant à Bamako le nombre de natifs

préalablement octroyé à la région de Kidal et vice-versa.

Page 65: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

65

La langue maternelle a été définie dans le manuel du codeur comme étant la langue de la

mère du répondant. Il s’agit donc d’attirer l’attention sur le biais que pourrait entraîner le

sens de cette variable. Cependant, cette langue maternelle pourrait être vue comme la

première langue de socialisation de l’enfant même s’il est possible qu’il ait été élevé par

une personne autre que sa mère. Être élevé par une personne reviendrait à « hériter » de la

langue de cette dernière : d’où la notion de langue maternelle. Nous retenons donc bien la

langue maternelle déclarée par l’individu.

Aptitude à lire et à écrire

Cette variable a servi à faire la différence entre les populations alphabètes et celles qui sont

analphabètes. La question posée était « est-ce que TEL sait lire et écrire? » et la population

cible était les personnes âgées de 12 ans et plus. Les modalités saisies sont un peu

différentes entre les deux recensements et les réponses suivantes étaient possibles :

Tableau 2.5 : L’alphabétisation des répondants

Année de recensement Aptitude à lire et écrire

1987 - Non (aucune alphabétisation)

- Français

- Arabe

- Coran

- Langue nationale

- Langue nationale et français

- Français et autres langues écrites

- Autres langues

- Personnes non concernées

- Non Déclaré

1998 - Personnes non concernées

- Sait lire et écrire français seul

- Sait lire et écrire uniquement une langue nationale

- Sait lire et écrire uniquement une autre langue

- Sait lire et écrire uniquement le français et une langue nationale

- Ne sait ni lire ni écrire

- Non Déclaré

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 199811

11

Ces regroupements ont aussi pu être menés à bien avec le concours de M. Mamadou Kani Konaté, directeur

au centre d’appui à la recherche et à la formation du Mali.

Page 66: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

66

En 1987, un des soucis majeurs du recensement était de déterminer la place du français, des

langues nationales, mais aussi de l’arabe. Attendu que l’un de nos objectifs est de comparer

les deux recensements effectués en 1987 et en 1998, nous avons procéder à quelques

regroupements dans le but d’arriver à des catégories semblables pour les deux années. Cette

opération nous a donné les modalités suivantes :

Tableau 2.6 : L’alphabétisation des répondants

- Aucune alphabétisation

- Savoir lire et écrire en une langue nationale

seulement

- Savoir lire et écrire au moins en français

- Savoir lire et écrire en arabe et en d’autres

langues

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Niveau d’instruction

Les deux recensements n’ont pas adopté la même approche pour répondre à cette question.

Les modalités saisies sont différentes de même que la question posée à chaque individu de

six ans ou plus. En 1987, on demandait à la personne quelle était la dernière classe qu’elle

avait achevée avec succès alors qu’en 1998, on lui demandait directement son niveau

d’instruction.

Contrairement au recensement de 1987, celui de 1998 avait mis l’accent sur l’enseignement

et l’apprentissage de l’arabe au Mali. Alors qu’à l’origine cette langue était surtout parlée

dans le nord du pays, les medersas se sont propagées à travers tout le pays. Le recensement

de 1998 a donc mis l’accent sur l’expansion de l’arabe et la fréquentation des medersas, ce

que n’avait pas fait celui de 1987.

Page 67: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

67

Tableau 2.7 : Le niveau d’instruction des répondants

Année de recensement Niveau d’instruction ou dernière classe achevée avec succès

1987 0=Néant

1=Fondamentale 1er cycle

2=Fondamentale 2nd cycle

3=Secondaire général et technique

4=Ecole professionnelle ou normale

5=Enseignement supérieur et post universitaire

6=Personne ayant un diplôme ou un titre

7=Une campagne d'alphabetisation fondamentalle

8=Plus d'une campagne d'alphabetisation fondamentalle

9=Non Déclaré ou blanc

1998 0=Néant ou personne non concernée

1=Fondamentale 1er cycle

2=Fondamentale 2nd cycle

3=Medersa12

1er cycle

4=Medersa 2nd cycle

5=Enseignement secondaire général

6=Enseignement secondaire technique

7=Enseignement normale

8=Ens. prof. niveau entrée CEPE

9=Ens. prof. niveau entrée DEF

10=Ens. prof. niveau entrée BAC ou +

11=Université

12=Post Universitaire

13=Ecole coranique

14=Centre d'alphabetisation

99=Non Déclaré

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Étant donné nos objectifs de comparaison de deux recensements, nous avons procédé à des

regroupements afin d’uniformiser les catégories pour les deux recensements ce qui a donné

le tableau suivant :

12

Au Mali la médersa est différente de celle des pays d’Afrique du Nord. Elle dispense aux élèves un

enseignement coranique en plus de celui de la lecture, de l’écriture, du calcul et, parfois, de géographie et

d’histoire, en arabe et en français, sur deux cycles identiques à celui de l’école conventionnelle. Les élèves

sont recrutés entre six et huit ans et sont en principe conduits à passer l’examen de fin de cycle en arabe

(CFEPCEF ou DEF) […] (Gérard, 1995).

Page 68: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

68

Tableau 2.8 : Le niveau d’instruction corrigé des répondants

- Aucune instruction

- Fondamentale 1er

cycle

- Fondamentale 2e cycle

- Enseignement général, technique, professionnel ou normal

- Enseignement supérieur ou postuniversitaire

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 199813

Activité professionnelle

La population peut être divisée en deux groupes : les actifs et les inactifs. La population

active comprend les actifs occupés (toute personne ayant occupé un emploi quelconque

durant le mois précédent la date de recensement) et les chômeurs. Les inactifs sont les

personnes qui n’occupent aucun emploi d’ordre économique. Ce sont les ménagères, les

étudiants, les retraités, etc. Dans cet état d’esprit, nous avons aussi construit une variable

qui catégorise la profession du répondant selon le secteur d’activité. Cette classification

s’est faite sur la base d’une typologie économique (cf. annexe A) et est comme suit :

secteur primaire, secteur secondaire, secteur tertiaire et secteur informel.

Variable dépendante

Les variables ci-dessus sont toutes explicatives. Une variable exogamie dépendante a été

créée a postériori afin de nous permettre de répondre à certaines de nos questions de

recherche. Cette variable est dichotomique et prend la valeur 0 lorsque le couple n’est pas

linguistiquement exogame et 1 sinon.

2.4.2. Avantages et limites des données

La limite la plus importante concerne la structuration des questions du recensement qui

permettent seulement de connaître la langue de la mère de l’individu nommée langue

maternelle. Nous devrons donc nous montrer prudents et nuancer nos interprétations.

Les données nous permettent de connaître le nombre d’épouses pour le mari, le nombre de

mariages contractés par l’épouse ainsi que les liens de parenté des membres du ménage

13

Ces regroupements ont aussi pu être menés à bien avec le concours de M. Mamadou Kani Konaté, directeur

d’appui à la recherche et à la formation au CAREF au Mali.

Page 69: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

69

avec le chef de ménage. Cependant, elles ne nous permettent pas de connaître le rang

d’épouse de la femme. De plus, lorsque dans un ménage polygame une ou plusieurs

épouses habitent dans leurs propres concessions, elles sont alors considérées comme chefs

de ménage. Lorsque l’époux est présent lors du recensement chez une de ses épouses, il

sera alors considéré comme conjoint. Il n’est donc pas exclu qu’il soit recensé plus d’une

fois. Il est aussi difficile d’apparier cet homme à toutes ses épouses car nous ne pouvons

être sûrs qu’il s’agit bien du même individu puisqu’il aura des numéros d’identification

différents. En effet, ces numéros ont été créés en parti grâce au numéro de ménage et au

numéro d’ordre de l’individu dans le ménage. Or, ces deux variables auront des valeurs

différentes selon l’épouse. Ces différentes considérations ont fait que nous avons décidé

d’exclure de l’observation les hommes polygames ainsi que leurs épouses. Notre groupe

d’individus ne comporte donc que des ménages monogames dont les membres cohabitent

ensemble dans la même concession.

La population malienne compte aussi beaucoup de personnes émigrées dans d’autres pays

et d’autres régions du Mali. Lorsque la personne est absente depuis plus de six mois, elle

n’est plus considérée comme résidente du lieu de recensement et par conséquent, n’est pas

recensée. Nous nous retrouvons donc avec des ménages ayant à leur tête un seul des deux

conjoints. Puisque nous nous intéressons à la langue de communication dans le couple,

nous nous limiterons donc aux couples dont les deux conjoints sont résidents présents au

Mali et vivent ensemble.

Cependant, aucune de ces limites n’empêchent l’utilisation de ces données. Ces dernières

sont en effet assez riches pour permettre l’obtention de bons résultats ainsi qu’une bonne

interprétation. En effet, elles sont exhaustives, peuvent fournir des statistiques calculées à

partir de données de population et donc sans variabilité d’échantillonnage, et enfin,

permettent d’étudier de petites sous-populations. Il nous suffira de nuancer nos

interprétations afin de prendre en compte les différentes limites de nos données.

Page 70: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

70

2.4.3. Description de notre sous-population

Le concept de mariage retenu dans le cadre de notre étude est celui d’une union reconnue

au Mali (religieuse, coutumière ou civile), dont les deux conjoints sont résidents au Mali.

L’exogamie désigne ici les couples de langues maternelles différentes. Pour notre analyse,

nous avons retenu les couples exogames ou endogames, monogames, dont les deux époux

vivent ensemble dans la même concession et sont tous deux des résidents présents à

Bamako.

En 1987, le recensement de Bamako faisait état de 649 569 habitants et 1 016 154 habitants

en 1998. En sélectionnant les individus observés, ces nombres ont été répartis comme suit :

Tableau 2.9 : Sélection des membres du corpus de données

1987 1998

Nombre total d’habitants Nombre de personnes en union (chefs de ménage et leurs conjoint(e)s) Nombre de résidents absents de Bamako Nombre de résidents présents à Bamako Nombre d’hommes monogames Nombre d’hommes polygames

649 569 85324 6605 (3.4%) 185400 (96.6%) 56985 21404

1 016 154 266781 4171 (1.4%) 262610 (98.4%) 96007 24023

Nombre de couples monogames et résidents présents à Bamako Nombre de couples monogames, endogames et résidents présents à Bamako Nombre de couples monogames, exogames et résidents présents à Bamako

42357 (100%) 36462 (86,1%) 5895 (13.9%)

84671 (100%) 72869 (86,1%) 11802 (13.9%)

Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998

Les données de recensements comportaient certaines erreurs qu’il a fallu corriger ainsi que

des doublons. Ces derniers ont été supprimés et les bases de données nettoyées. De toute la

population de Bamako, seuls les conjoints ont été retenus. Les époux s’étant déclarés

comme monogames ont été identifiés ainsi que ceux qui ont déclaré être polygames. Ils ont

ensuite été reliés à leurs épouses par un numéro unique pour chaque ménage. Les ménages

polygames ont pu être supprimés de notre corpus. Nous avons donc 5895 couples soit

Page 71: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

71

11790 individus monogames, résidents présents à Bamako et exogames à étudier pour 1987

et 11802 couples soit 23604 individus pour 1998.

2.4.4. Méthodes d’analyse

L’analyse des données pourrait être divisée en deux principales parties. Notre premier

objectif est de donner les tendances des mariages mixtes à Bamako durant la décennie

1987-1998. Une première analyse descriptive nous permettra donc de répondre aux

questions suivantes :

Quelles ont été les langues maternelles et parlées dans les couples monogames de

Bamako en 1987 et 1998?

Existe-il des langues dominantes à Bamako au sein des unions monogames?

Comment ont évolué les mariages mixtes à Bamako entre 1987 et 1998 dans notre

corpus?

Quelles ont été les tendances linguistiques au sein des unions monogames qui

résidaient à Bamako en 1987 et 1998?

Y avait-t-il des « préférences linguistiques » dans certaines communautés

linguistiques chez les conjoints monogames de Bamako? Nous chercherons à savoir

si certaines communautés étaient plus ouvertes à l’exogamie linguistique que d’autres

ou non.

Vers quelles langues se font les transferts linguistiques? En effet, le choix de la

langue parlée peut se porter sur la langue maternelle du mari, de la femme ou alors

sur la langue de l’environnement.

Notre deuxième objectif sera de faire une analyse plus fine afin de déterminer les facteurs

les plus déterminants dans la vie d’un couple exogame. Nous tenterons aussi de mettre en

lumière l’existence ou non d’une fonction « démarcative » de la langue afin de réfléchir sur

la survie des langues locales, minoritaires pour certaines. Pour répondre à la suite de nos

questions, cette deuxième partie de l’étude sera axée sur des analyses bi- et multivariées et

nous verrons ainsi si des variables comme le sexe, l’âge, l’alphabétisation, le niveau

d’instruction ont pu avoir une influence sur la présence d’une exogamie linguistique ou

Page 72: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

72

non. Nous tenterons de définir l’existence d’un lien significatif entre la variable dépendante

(une union exogame ou endogame) et les variables explicatives.

2.5. Conclusion

Nous avons présenté nos données, notre problématique, nos questions et hypothèses de

recherche. Il apparait que les données des deux recensements sont bien adaptées aux

analyses que nous voulons mener. En effet, ces données permettent de mesurer les variables

suivantes : les langues maternelles et parlées ainsi que leur évolution, le niveau

d’alphabétisation et d’instruction, l’activité principale du répondant, le sexe. Cependant, ces

données comportent quelques limites. En effet, la structuration de certaines questions nous

limitent un peu dans nos analyses et ainsi nous poussent à nuancer nos interprétations. Ces

mêmes limites nous ont poussées à circonscrire notre groupe d’étude.

Au total, lorsqu’on remonte à la source des données de recensement, des analyses inédites

restent encore possibles dans un environnement national malien où la tradition statistique

est assez récente. Ceci fait que les observateurs ont tendance à s’orienter principalement

vers les données de type économique et de planification opérationnelle, laissant

insuffisamment exploitées les données culturelles et celles relatives aux changements

sociaux. En entreprenant cette recherche relative à l’usage des langues dans les processus

matrimoniaux, nous visons à mettre en relief les dynamiques sociolinguistiques comme

révélatrices des évolutions au cœur des sociétés maliennes.

Le prochain chapitre sera consacré à notre analyse des données ainsi qu’à l’interprétation

de nos résultats.

Page 73: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

73

DEUXIÈME PARTIE :

Analyse des caractéristiques des couples monogames de Bamako

Page 74: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

74

Introduction à la deuxième partie

Cette deuxième et dernière partie renferme les différentes analyses qui ont été menées.

Dans le troisième chapitre, nous ferons la description des données selon le genre et

d’autres variables. Ce premier volet préparera le terrain pour les examens plus approfondis

que sont les analyses multivariées.

À la fin de cette partie, nous serons en mesure de répondre à nos questions de recherche en

infirmant ou confirmant nos hypothèses.

Page 75: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

75

Chapitre 3 : Analyse descriptive

Le monde est plurilingue au sein de nombreux espaces. Les différentes communautés

linguistiques se côtoient sans cesse, amenant les langues à entrer en contact les unes avec

les autres. Cette confluence linguistique peut avoir lieu à deux niveaux différents : soit chez

l’individu (bilinguisme), soit au niveau de la communauté. Cependant, comme l’a dit Uriel

Weinreich (cité par Calvet, 2009), les langues ne sont dites en contact chez l’individu

bilingue que lorsqu’elles sont utilisées alternativement par cette même personne.

Certaines situations montrent des difficultés de communication entre des groupes proches,

chacun possédant sa propre langue. Ces groupes ont du mal à communiquer entre eux grâce

à leur langue d’origine, comme on peut le constater dans le milieu urbain. Dans cette

situation, une langue s’établit alors comme véhiculaire : c’est le cas du bambara à Bamako.

Le plurilinguisme pourrait être observé à une dimension plus restreinte de la société : le

ménage grâce aux mariages interlinguistiques. En effet, ces derniers ne concernent pas

uniquement l’union d’individus venant de pays différents puisqu’ils touchent aussi des

ressortissants de diverses régions d’un même pays. Dans un cas comme celui du Mali, il

n’est pas rare de voir des couples d’individus issus de différentes régions ou originaires de

la même ville, mais provenant de communautés linguistiques différentes. Ce même

phénomène se retrouve à Bamako, capitale du Mali, région très urbanisée (avec un taux

d’urbanisation de 38,6% en 199814

). Cet espace urbain et fort attrayant pour les habitants

des régions de l’intérieur du pays, favorise l’établissement des couples où l’un sinon les

deux conjoints sont bilingues. Dès lors, la capitale malienne présente un intérêt certain pour

observer le vécu du plurilinguisme au sein des couples exogames.

Ce troisième chapitre est consacré à l’analyse descriptive des variables explicatives selon le

genre.

14

http://www.amenagement-afrique.com/article.php3?id_article=168 (dernière consultation le 20 avril 2011)

Page 76: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

76

3.1. Situation linguistique dans les ménages monogames de Bamako entre

1987 et 1998

3.1.1. Langues maternelles, langues parlées

Plusieurs langues sont parlées au Mali, mais certaines le sont plus que d’autres. Le bambara

ou malinké est cité par la majorité des bamakois aussi bien en tant que langue maternelle

que comme langue parlée (cf. annexe B.1). Le tableau 3.1 illustre le nombre d’utilisateurs

de chaque langue chez les conjoints monogames et résidents de Bamako.

La proportion d’individus ayant nommé le bambara comme langue maternelle est resté

presque stationnaire (légère hausse) entre 1987 et 1998 tandis que la tendance change

lorsque le bambara est considéré comme langue couramment parlée avec une proportion de

locuteurs qui a baissé durant la décennie. Sont ensuite cités dans cet ordre le peul, le

sonrhaï et le soninké en tant que langues maternelles. Les chiffres augmentent entre 1987 et

1998 pour le peul et soninké mais ceux du sonrhaï connaissent une légère baisse durant la

même période. Ce classement prend une autre forme lorsqu’on s’intéresse aux langues les

plus couramment parlées. En effet, en 1987, le sonrhaï occupait le deuxième rang suivi du

peul et du soninké. Le recensement de 1998 nous montre ensuite que le nombre de

personnes ayant cité ces trois langues a augmenté et que le peul a alors occupé la deuxième

place suivi du sonrhaï et du soninké.

Le bambara est largement majoritaire à Bamako dans le cercle des conjoints monogames

mais ne constitue pas la seule langue parlée dans la capitale malienne. Bien qu’il puisse être

considéré comme la langue véhiculaire dans la majorité des régions du pays, le peul et le

soninké y sont aussi des langues de communication. D’ailleurs le peul est présent le long du

fleuve Niger et présente des similitudes avec le dogon qui regroupe plusieurs variantes.

Page 77: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

77

Tableau 3.1 : Les langues maternelles et parlées chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako

selon l’année de recensement (en pourcentages) Langues maternelles Langues

parlées

1987 1998 1987 1998

La

ng

ues m

ate

rnelle e

t p

arl

ée d

u r

ép

on

da

nt

Bambara/Malinké Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères

72,3

5,9

4,9

3,4

1,1

1,6

2,8

,3

,3

2,8

1,4

,5

,4

1,1

1,1

73,3

6,0

4,7

4,1

,9

1,2

3,4

,2

,3

2,0

1,1

,6

,4

,8

,8

81,6

3,6

3,8

2,2

,5

,7

2,0

,2

,2

2,1

,7

,3

,1

,5

1,5

79,7

4,4

3,9

3,3

,5

,6

2,9

,1

,3

1,7

,6

,5

,2

,5

,8

Total

(N)

100,0

84714

100,0

169349

100,0

84714

100,0

169349

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Nous pouvons toutefois noter un certain recul pour certaines langues en tant que langues

maternelles telles que le kassonké, le sénoufo, le minianka entre autres. Pour comprendre

ces fluctuations, nous pourrions pointer du doigt la croissante migration des populations

rurales vers Bamako qui, même dans un cadre temporaire, voit la forte domination du

bambara dans les échanges quotidiens inciter le nouveau venu à se mettre à l’apprentissage

du bambara (Konaté et al. 2010). En effet, face aux nombreuses contraintes auxquelles font

face les populations, ces dernières adoptent le plus souvent la solution de l’émigration. Ce

problème subsiste en Afrique sub-saharienne où l’exode des jeunes d’une zone rurale vers

les villes ou encore d’un pays à un autre n’est plus une manœuvre afin d’accéder à de

« meilleures » études supérieures (migration autrefois réservée à une minorité), mais plus

tôt une réponse aux difficultés économiques de plus en plus pressantes (Lesclingand, 2004).

Page 78: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

78

3.1.2. Un transfert linguistique vers le bambara?

Dans un contexte de forte domination linguistique, de plus en plus de Bamakois auraient

une langue maternelle autre que le bambara et ce dernier comme langue couramment

parlée. Le tableau 4.2 illustre le nombre de locuteurs parmi nos couples monogames, dont

la langue maternelle n’est pas le bambara mais qui ont adopté ce dernier comme langue la

plus couramment parlée. Comme nous pouvons le voir, quasiment toutes les communautés

ont connu une baisse du transfert linguistique vers le bambara entre 1987 et 1998. Bien que

la différence n’atteigne pas 1%, les effectifs sont tout de même notables. Ce schéma

d’évolution peut s’expliquer dès lors que de plus en plus d’individus auront le bambara

comme langue maternelle suite à son hégémonie.

Certaines langues ont perdu du terrain en une décennie parce que leurs propres usagers

d’origine ne les parlent point au profit du bambara et ce, dès l’enfance. Ce comportement

s’explique par le fait que le bambara est la langue la plus populaire à Bamako tout en étant

souvent la langue de socialisation. L’apprendre devient une nécessité dans toutes les

sphères de la vie quotidienne afin d’acquérir une plus grande autonomie.

Ce multilinguisme peut poser problème lorsqu’un locuteur se retrouve dans une

communauté dont il ne parle pas la langue. Le touriste (personne de passage) tentera

d’avoir recours à une langue plus partagée. Il utilise alors une langue véhiculaire.

L’individu voulant s’établir au sein de la communauté devra, par souci d’intégration, se

mettre à l’apprentissage de la langue du milieu. C’est la situation très souvent rencontrée

par les migrants qui arrivent dans leur pays d’accueil sans pour autant connaître la langue

de ce dernier ou alors très peu. Ils doivent alors l’acquérir et parfois sur le tas (Calvet,

2009).

Page 79: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

79

Tableau 3.2 : Les langues maternelles concernées par le transfert vers le bambara chez les conjoints et

conjointes monogames de Bamako selon la langue maternelle et l’année de recensement 1987 1998

Effectif % Effectif %

La

ng

ue m

ate

rnelle p

arl

ée p

ar

le c

on

join

t

Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères

2019

967

1025

505

737

699

105

50

643

644

193

193

455

66

40,1

23,3

36,0

53,2

54,4

29,0

43,0

19,9

26,6

54,2

42,6

63,5

50,4

7,0

2828

1427

1686

693

929

989

175

127

664

834

290

272

486

268

27,7

18,0

24,1

43,8

46,4

17,0

44,3

21,5

19,1

46,1

28,3

43,8

34,1

20,6

Total des transferts vers le Bambara 9,8% 6,9%

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Cette situation peut aussi se retrouver dans une dimension plus large : le groupe social. Ce

dernier, confronté à un autre groupe dont il ignore la langue et vice versa, se tournera vers

une langue « neutre » ou alors s’inventera une autre forme de langue approximative, en

général une langue mixte.

Malgré le statut conféré au français, le bambara sert dans plusieurs régions de principale

langue véhiculaire. Dans certaines régions comme Kayes où en 1998 45,7% de la

population étaient des locuteurs du bambara et 35,5% des locuteurs du soninké (Konaté et

al. 2010), il n’est pas rare de voir deux langues en compétition et des résidents bilingues.

Parmi toutes ces communautés, certaines semblent plus concernées par ces transferts que

d’autres. Outre les taux de transferts linguistiques vers le bambara, intéressons-nous aussi à

ceux illustrant le nombre de conjoints monogames qui parlaient encore leur propre langue

maternelle à Bamako (cf. annexe B.2). Pour la majorité de ces langues, nous pouvons

Page 80: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

80

remarquer que le nombre de locuteurs du bambara a baissé entre 1987 et 1998 tandis que le

nombre de personnes qui parlaient leur propre langue maternelle a pris un essor au cours de

cette même période. Les communautés qui semblent être les plus conservatrices en 1987

(moins de 30% de locuteurs du bambara) sont les Sonrhaïs, les Dogons, les Tamasheqs et

les Bobo-Dafing. D’autres les ont rejoints en 1998 telles que les Fulfuldes et les Soninkés.

Bien que faisant partie de la même famille linguistique que le bambara (groupe

mandingue), le soninké n’a pas connu un transfert excessif vers le Bambara avec 36% en

1987 et 24,1% en 1998, tout comme le sonrhaï qui n’est pas apparenté au bambara selon la

classification de Perrin (1984) et qui connaît de plus faibles taux (1987 : 23,3%; 1998 :

18%). Il en est de même pour les Bobo-Dafing qui font partie de la famille linguistique

voltaïque.

Le fulfulde qui connait pourtant une utilisation transversale sur le plan national ainsi qu’une

grande expansion dans toute l’Afrique occidentale a un pourcentage de transfert assez élevé

en 1987 (40,1%), mais seulement 27,7% en 1998. Cette langue est la troisième langue la

plus utilisée à Bamako après le bambara et le soninké.

Les Sénoufos et les Miniankas ont le plus souvent comme langue maternelle ou de

communication le bambara. Leurs langues ne sont pas très présentes à Bamako et ne faisant

pas partie des cinq premières langues parlées dans la capitale. L’écart des taux de transferts

vers le bambara de ces deux langues n’est d’ailleurs pas très grand entre 1987 et 1998.

Le dogon est composé d’un grand nombre de dialectes pas toujours intercompréhensibles,

ce qui conduit ses locuteurs à être le plus souvent bilingues. Cette langue est surtout

présente dans la partie centrale du Mali (vers la région de Mopti) où prédomine le fulfulde

mais où le dogon est la première langue parlée en zone rurale. À Bamako, le dogon était la

cinquième langue la plus utilisée en 1987 et 1998 sur l’ensemble de sa population. Ses taux

de transferts vers le bambara sont assez faibles pour les deux années de recensement alors

qu’une large majorité de la communauté dogon parlait encore sa langue maternelle.

Page 81: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

81

Le kassonké est apparenté au malinké et au fulfulde et fait partie du groupe linguistique

mandingue. Ses taux de transferts vers le bambara sont par conséquent assez élevés avec

plus de la moitié de l’effectif en 1987 et un peu moins en 1998. Quant au sonrhaï,

quatrième langue la plus parlée à Bamako, ses taux sont faibles avec seulement 23,3% en

1987 et 18% en 1998.

Parmi les autres langues du Mali et les langues africaines, les taux de transferts étaient

assez importants en 1987 à Bamako, montrant ainsi l’importance que détenait

l’apprentissage du bambara pour les locuteurs des langues minoritaires par souci

d’intégration. Cette posture pourrait tout de même s’avérer un peu plus difficile pour les

étrangers locuteurs de langues telles que le français, l’anglais ou l’arabe d’où les faibles

chiffres de transferts vers le bambara.

Toutes ces langues ont pour point commun de ne connaître qu’un seul transfert linguistique

important vers une seule langue : le bambara. Autrement, la majorité de la population en

union monogame de ces communautés linguistiques présentes à Bamako parlait sa propre

langue maternelle en 1987 et 1998. La baisse du nombre de locuteurs du bambara en tant

que langue la plus couramment parlée chez les couples monogames de Bamako peut être

expliquée par le nombre de personnes qui de plus en plus considèrent le bambara comme

leur langue maternelle. Mais elle pourrait aussi être une conséquence d’un certain réveil

culturel et d’une plus forte volonté de maintenir vivantes ses traditions et sa langue face à

l’usage généralisé du bambara à Bamako. Ce sentiment plus ou moins vif d’appartenance

linguistique peut se manifester par la volonté de faire passer sa langue maternelle au

premier plan, et ainsi prendre un peu de recul par rapport au bambara.

La majorité de ces langues ont une autre caractéristique en commun : leur caractère oral. En

effet, de manière générale, les langues telles que le français, l’anglais ou encore l’arabe sont

davantage enseignées dans les écoles. Les langues nationales sont maintenant de plus en

plus écrites, mais leur apprentissage n’est pas répandue (Konaté et al. 2010).

Page 82: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

82

3.2. Endogamie, exogamie linguistiques : au sein des ménages monogames de

Bamako

La mixité a toujours existé, mais elle a eu des définitions différentes au cours du temps. Le

sens qui lui est donné a varié selon le contexte historique, social et juridique, mais aussi

selon le point de vue souvent subjectif des acteurs et des chercheurs (Varro, 1998). Les

unions mixtes au sens linguistique existent depuis fort longtemps.

3.2.1. Évolution des unions interlinguistiques à Bamako en 1987 et 1998

Chaque société s’organise selon des normes d’accès au marché matrimonial en fonction de

sa culture. Dans celles qui valorisent l’épanouissement des individus, l’entourage familial

et les normes de la société n’ont pas vraiment d’emprise sur les futurs époux ni sur leur

décision. Et pourtant, des études sur l’homogamie sociale (épouser qui vous ressemble) ont

montré que même dans les pays industrialisés où le choix du partenaire est plus libre que

dans d’autres, les marchés matrimoniaux étaient encore délimités par des critères

économiques ou sociaux (Locoh, 2005). L’endogamie (culturelle, linguistique, religieux,

etc…) y a fait place à l’homogamie qui implique de plus en plus souvent un ensemble de

traits personnels.

En Afrique, la formation d’un couple n’en est pas encore à ce niveau de simplicité.

L’endogamie y a encore sa place et c’est le cas pour les mariages interlinguistiques. À

Bamako, le pourcentage de mariages monogames et mixtes n’a pas du tout évolué durant la

décennie 1987-1998 (cf. tableau 3.3).

Tableau 3.3 : L’évolution des mariages monogames et mixtes à Bamako entre 1987 et 1998

1987 1998

Nombre de couples mixtes à Bamako 5895 (13,9%) 11802 (13,9%)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Cependant, cette constance des fréquences ne serait pas forcément due à un rejet de

l’exogamie ni à une plus grande fermeture des différentes communautés linguistiques

présentes à Bamako. 67,4% de la population bamakoise étaient des utilisateurs courants du

bambara en 1987 contre 68,1% en 1998. En contrepartie, 60,7% déclaraient le bambara

Page 83: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

83

comme langue maternelle en 1987 contre 63,6% en 1998 (cf. annexe B1). Ces locuteurs qui

se déclarent comme utilisateurs du bambara et ce depuis leur enfance vont se reconnaître

comme appartenant à la communauté linguistique bambara, car assimiler une culture c’est

d’abord s’approprier sa langue (Warnier, 1999). De plus en plus d’individus vont donc

déclarer une langue comme maternelle et parlée même si ce n’est pas toujours le cas, car

elle a pu être uniquement leur langue de socialisation durant leur enfance et ensuite leur

langue de communication.

Mais au-delà des fréquences d’unions endogames ou exogames, il serait intéressant

d’examiner les langues maternelles que l’on retrouve dans l’un ou l’autre groupe. En effet,

en raison des taux de transferts vers le bambara que nous avons présentés plus haut, nous

pouvons nous attendre à des fréquences d’exogamie variables selon la langue maternelle de

l’individu.

3.2.2. Tendances linguistiques : exogames vs endogames

Pour la presque totalité des communautés linguistiques et quelle que soit l’année de

recensement, il y a eu moins d’unions entre deux personnes de langues maternelles

différentes. L’endogamie linguistique était nettement majoritaire.

Tableau 3.4 : Les fréquences d’endogamie ou d’exogamie dans les communautés linguistiques du Mali

chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement

1987 1998

Endogames Exogames Endogames Exogames

La

ng

ue m

ate

rnelle d

u/d

e la c

on

join

t(e)

Bambara/Malinké Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamasheq Bobo-Dafing Minianka Bozo

92,2

65,5

76,6

64,5

47

62,7

86,5

48,4

71,7

88,7

63,8

64,9

7,8

34,5

23,4

35,5

53

37,3

13,5

51,6

28,3

11,3

36,2

35,1

92,3

66,9

74

73,2

47,3

56,9

84,2

38,5

67,2

81,8

52,4

66,5

7,7

33,1

26

26,8

52,7

43,1

15,8

61,5

32,8

18,2

47,6

33,5

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 84: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

84

Cependant, certaines d’entre elles ont enregistré des taux d’exogamie très bas en

comparaison à d’autres. Ces langues maternelles pourraient être réparties en 4 groupes

selon leur niveau d’ouverture envers l’exogamie. Il y a celles qui n’ont pas connu des taux

de plus de 19%, celles dont les pourcentages se situent entre 20 et 39%, celles avec des

chiffres compris entre 40 et 59% et enfin les communautés linguistiques dont les taux

d’exogamie ont dépassé les 60%.

Le premier groupe comprend la communauté bambara et malinké, groupe ayant enregistré

les plus faibles taux d’unions exogames en 1987 et 1998 avec seulement 7%. Chez les

Fulfuldes, les Sonrhaïs, les Dogons, les Tamasheqs et les Bobos, les taux d’exogamie sont

aussi assez bas (moins de 35%). Cependant, il y a une hausse chez les Bobos en 1998 de

même que pour les Tamasheqs tandis que la communauté fulfulde accuse au contraire une

légère baisse en 1998. En contrepartie, les Maures ont un pourcentage de mariages mixtes

supérieurs à 60% pour le recensement de 1998.

Il faut tout de même prendre ces résultats avec prudence. En effet, le taux très élevé

d’endogamie linguistique chez les Bambaras (plus de 90% pour les deux recensements) ne

signifie pas nécessairement que ceux-ci sont plus hostiles à l’ouverture envers les autres

communautés linguistiques sur la scène du marché matrimonial. Comme nous l’avons vu

dans les sections précédentes, la langue bambara domine largement à Bamako et de plus en

plus de locuteurs non-natifs le réclament comme langue maternelle à tort ou à raison. Le

nombre important de locuteurs du bambara à Bamako chez les monogames donnerait une

forte probabilité pour un bamanan (locuteur du bambara) d’épouser une bamanane.

Pareillement, les Dogons et les Bobos ont comptabilisé de baisses fréquentes dans le

domaine du mariage exogame et semblent être les groupes les plus conservateurs. Les

premiers ont vécu au Mali de manière enclavée, réussissant ainsi à sauvegarder leur forte

identité socioculturelle et à se protéger des incursions peules. Cette communauté connait en

plus une grande diversité de groupes humains (Thibaud, 2005). Sa langue dogon n’est pas

très populaire non plus à Bamako où elle était parlée par moins de 3% des riverains en 1987

Page 85: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

85

et 1998 (cf. annexe B.1), tout comme la langue bobo. En effet, cette dernière est plus

présente dans le sud-est du pays et beaucoup moins à Bamako.

Parallèlement, les Kassonké ont connu des taux dépassant les 50% en 1987 et 1998 tout

comme les Maures. Mais tandis que ceux du premier groupe ont baissé d’un recensement à

l’autre, ceux du deuxième groupe ont au contraire augmenté de presque 10% dépassant les

60% d’unions mixtes, semblablement pour les Miniankas de Bamako.

En étudiant les larges variations de taux d’unions exogames selon les communautés

linguistiques, nous pouvons mettre en évidence l’existence d’un éventuel lien entre le fait

de contracter une union monogame-mixte et la langue maternelle du répondant. Existerait-il

alors des préférences quant à la communauté linguistique de l’autre?

3.2.3. Des préférences linguistiques ou une plus grande ouverture à

l’exogamie?

Au vu des résultats du tableau précédent, il serait légitime de se demander si ces différences

de taux d’exogamie linguistique selon les communautés ne cacheraient pas quelques

préférences d’un groupe à un autre et s’il existe des disparités entre hommes et femmes.

Les deux figures ci-après nous montrent justement qu’il existe effectivement des écarts plus

ou moins grands entre les hommes et les femmes quant à l’accès au marché matrimonial

interlinguistique dans le cadre d’une union monogame.

À la vue de ces graphiques, nous pouvons remarquer plusieurs tendances de la fréquence

des unions mixtes selon la langue maternelle et le genre. Pour les deux années de

recensement, les fréquences d’unions interlinguistiques étaient sensiblement plus élevées

chez les hommes selon la communauté linguistique.

Page 86: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

86

Figure 3.1: L’évolution des unions mixtes chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et la

communauté linguistique

a) 1987 b) 1998

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 87: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

87

Deux tendances peuvent être dégagées ici : les communautés linguistiques où les unions

mixtes sont plus habituelles chez les hommes ou les femmes et celles qui enregistrent des

fréquences similaires pour les deux genres. Cependant, les écarts entre les pourcentages

pour les hommes et ceux des femmes ne sont pas très élevés, exception faite de la

communauté bambara où les femmes sont environ 20% de plus à contracter des mariages

exogames. Si leurs conjoints n’appartiennent pas à la communauté bambara, ils se trouvent

sans doute dans une autre.

Il existe manifestement des disparités de genre selon la langue maternelle de l’individu. Il

convient dès lors de se demander en marge de cette caractéristique des mariages

interlinguistiques et monogames à Bamako, quelle langue est parlée dans ces couples?

3.2.4. Provenance de la langue parlée dans le couple mixte

Dans un couple mixte, la langue qui y est parlée est soit celle du mari, soit celle de la

femme ou encore une langue « neutre », celle de l’environnement par exemple. Cependant,

il peut aussi arriver que les conjoints de ces unions « mixtes » ne parlent pas la même

langue.

o Des conjoints qui ne parlent pas la même langue

Le tableau ci-dessous nous montre que certains conjoints ont déclaré ne pas parler la même

langue. Plusieurs scénarios sont possibles pour expliquer ces résultats.

Tableau 3.5 : Les conjoint(e)s qui parlent la même langue ou non au sein des couples exogames et

monogames de Bamako selon l’année de recensement

1987 1998

Effectif % Effectif %

Les conjoints parlent la même langue ou non

Conjoints qui parlent la même langue Conjoints qui ne parlent pas la même langue

7860

3930

66,7

33,3

12148

11456

51,5

48,5

Total 11790 100,0 23604 100,0

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Aucun des recensements ne permet de connaître combien de langues parle le répondant. En

effet, ils ne nous permettent de prendre connaissance que d’une seule langue parlée. Et

pourtant, il est bien possible que ce dernier soit bilingue, envers son/sa conjoint(e) ou sa

Page 88: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

88

famille. Pour ceux qui ont des enfants, ce bilinguisme pourrait être transmis à ces derniers.

Dans un pareil cas, chacun des deux parents peut communiquer avec l’enfant dans sa

propre langue maternelle, ce qui ferait que celui-ci aura la possibilité de maîtriser les deux

langues maternelles de ses parents.

o Des conjoints qui parlent la même langue : d’où vient celle-ci?

Parmi les conjoints ayant contracté une union monogame et exogame, résidant à Bamako

et parlant la même langue (cf. tableau 3.6), plus de la moitié parlaient la langue maternelle

de l’épouse en 1987 et 1998. En contrepartie, environ 34% des couples parlaient la langue

maternelle du mari pour les deux recensements étudiés tandis que la part d’individus

parlant une autre langue tournait autour des 13-14% pour les deux années.

Tableau 3.6 : La provenance de la langue parlée chez les conjoints et conjointes des couples exogames-

monogames de Bamako qui parlent la même langue selon l’année de recensement 1987 1998

Effectif % Effectif %

Quelle est la langue parlée dans le couple?

La langue parlée est la langue maternelle du mari La langue parlée est la langue maternelle de l'épouse La langue parlée est autre (par exemple celle du milieu)

2670

4060

1130

34,0

51,7

14,4

4174

6388

1586

34,24

52,6

13,1

Total 7860 100,0 12148 100,0

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

3.3. Les variables explicatives : Une analyse descriptive selon le genre

3.3.1. L’aptitude à lire et à écrire à Bamako

L’un des problèmes les plus pressants de l’Afrique est de trouver la meilleure démarche

possible afin de mieux aborder la situation multilinguistique du continent, en plus de

chercher à atteindre l’un des objectifs des Nations Unies : « Une éducation pour tous ».

C’est dans ce cadre que le projet d’alphabétisation dans la langue maternelle et la formation

des enseignants sont des facteurs clés afin de garantir le succès de ce programme.

La capacité à lire et à écrite considère d’une part l’aptitude à lire et à écrire dans une ou

plusieurs langues nationales et, d’autre part, ces mêmes aptitudes en français. Bien

Page 89: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

89

qu’indirectement, cette variable concerne aussi les campagnes d’alphabétisation du Mali et

leur évaluation, mais cette question ne sera pas abordée dans ce travail (Konaté et al. 2010).

Tableau 3.7 : L’aptitude à lire et à écrire dans une langue chez les conjoints et conjointes monogames de

Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentage) 1987 1998

Hommes Femmes %Total Hommes Femmes %Total

L’a

pti

tud

e à

lir

e

et

à é

cri

re

Ne sait ni lire ni écrire Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites

52,7

,4

37,6

9,3

68,2

,4

27,9

3,5

60,4

,4

32,8

6,4

46,3

,6

45,8

7,3

64,9

,6

30,6

4,0

55,6

,6

38,2

5,6

Total (N)

100,0 (42357)

100,0 (42357)

100,0 (84714)

100,0 (84671)

100,0 (84671)

100,0 (169342)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Une grande proportion tous sexes confondus sait au moins lire et écrire en français (32,8%

en 1987; 36% en 1998) ce qui laisserait supposer qu’une bonne partie d’entre eux a au

moins suivi une formation scolaire de base. Le français occupe une place très importante

dans la vie active de Bamako en étant tout d’abord la langue officielle du pays, mais aussi

la clef d’accès aux postes de travail que ce soit dans l’administration publique ou dans le

secteur privé. Cependant, le taux d’analphabétisme reste important pour les deux années de

recensement avec plus de 50% des répondants qui ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire.

En différenciant nos analyses selon le genre, nous remarquons qu’il y a plus d’hommes

sachant lire et écrire le français que de femmes avec des écarts de pourcentages allant

jusqu’à 13% pour 1998 en faveur des hommes. Dans le même temps, l’absence

d’alphabétisation est assez importante. Elle touche plus les femmes que les hommes et ce,

de façon importante. De plus, les deux groupes voient leur taux augmenter durant la

décennie. L’écart entre les deux sexes s’est plus ou moins maintenue en dix ans faisant

toujours des femmes le groupe le plus concerné par ce phénomène. Les autres modalités

des aptitudes à lire et à écrire de nos conjoints n’ont pas enregistré beaucoup de points

particulièrement pour celles en langue nationale.

L’alphabétisation ne concernait donc pas toute notre population de 1987 et 1998. De plus,

son déficit touchait plus les femmes que les hommes. En Afrique noire, les disparités de

Page 90: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

90

genre existent toujours. Bien que les garçons soient aussi concernés par le phénomène, les

filles sont les plus défavorisées avec moins d’inscription à l’école, des abandons qui

arrivent très tôt, un redoublement plus important, des résultats scolaires souvent plus faibles

et un accès à l’emploi plus difficile (Orpheim, 2000). Cependant, il n’est pas exclu que le

taux brut de scolarisation au Mali soit devenu plus favorable aux filles durant la dernière

décennie. Toutefois, en se penchant de plus près sur les données, nous remarquons que la

population sachant lire et écrire dans une langue est inégalement répartie selon celle-ci. En

effet, même s’il n’est pas accessible à l’ensemble de la population malienne, le français est

utilisé par un bon nombre des conjoints, ce qui nous ferait penser à un lien avec leur niveau

d’instruction. C’est ce que nous allons étudier plus en détails dans la prochaine section.

3.3.2. Le niveau d’instruction

Le Mali est l’un des pays du monde avec les plus faibles taux de scolarisation et

d’alphabétisation. En 1997, le taux de scolarisation présentait une moyenne nationale de

47% alors que celle du taux de l’alphabétisation était de 23% sur le plan national (selon le

PNUD). De la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt, les taux de

fréquentation scolaire connurent une baisse même si l’offre scolaire a augmenté durant la

même période (Marcoux, 1995). Cette hausse s’est traduite par l’augmentation du nombre

d’écoles, de classes et d’enseignants.

En 1987, plus de la moitié de notre corpus bamakois déclarait n’avoir reçu aucune

instruction (cf. tableau 4.8). Moins de 15% ont atteint le 1er

et 2e cycle du fondamental alors

que seulement 9% disent avoir reçu un enseignement dans le domaine général, technique,

professionnel ou normal. Ces chiffres nous montrent donc à quel point la non scolarisation

ou encore le décrochage scolaire avaient leur place à Bamako dans les années précédant le

recensement de 1987. Mais ces résultats n’ont pas beaucoup varié entre 1987 et 1998, car

encore une fois, plus de la moitié des conjoints monogames déclaraient n’avoir reçu aucune

instruction. Le fondamental 1er

cycle comptait 16,5% d’entre eux et 13,3% pour le

deuxième cycle. Seulement 8,9% de notre base de données étaient au niveau

d’enseignement général, technique, professionnel ou normal au moment du recensement de

Page 91: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

91

1998. L’enseignement supérieur et post universitaire n’était pas plus fréquenté avec

seulement 3,5% de membres parmi les conjoints monogames en 1987 et 5,5% en 1998.

Si nous étudions ces chiffres selon le sexe du répondant, nous remarquerons quelques

disparités entre hommes et femmes. En effet, l’absence d’instruction a beaucoup plus

touché les femmes que ce soit en 1987 qu’en 1998. Ces dernières ont aussi été nombreuses

à s’être arrêtées aux deux cycles de la fondamentale mais avec des fréquences presque

égales à celles des hommes. Cette tendance se renverse à partir de l’enseignement général.

En effet, les femmes n’ont pas été très nombreuses à avoir continué leurs études après le 2e

cycle de la fondamentale alors que les hommes pouvaient atteindre l’enseignement

supérieur et post universitaire bien qu’ils n’aient pas été très nombreux. Par rapport aux

femmes, 5,3% d’hommes de plus ont atteint l’enseignement général en 1987 et 5% pour

1998 alors que 4,1% de plus chez les hommes ont eu le niveau d’enseignement supérieur et

postuniversitaire en 1987 et 6,8% en 1998.

Ces dernières ont aussi été nombreuses à s’être arrêtées aux deux cycles de la fondamentale

mais avec des fréquences presque égales à celles des hommes. Cette tendance se renverse à

partir de l’enseignement général. En effet, les femmes n’ont pas été très nombreuses à avoir

continué leurs études après le 2e cycle de la fondamentale alors que les hommes pouvaient

atteindre l’enseignement supérieur et post universitaire bien qu’ils n’aient pas été très

nombreux. 5,3% de plus d’hommes que de femmes ont atteint l’enseignement général en

1987 et 5% pour 1998 alors que 4,1% de plus chez les hommes ont eu le niveau

d’enseignement supérieur et post universitaire en 1987 et 6,8% en 1998.

Page 92: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

92

Figure 3.2 : Le niveau d’instruction chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre

a) 1987 b) 1998

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 93: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

93

Nous voyons donc que l’alphabétisation ou l’instruction étaient assez absents à Bamako

chez les couples monogames. Chez les répondants ayant reçu une instruction, les hommes

ont été plus loin que les femmes avec un plus haut niveau d’études.

3.3.3. L’activité principale

L’Afrique de l’Ouest a connu un rapide accroissement de l’urbanisation lié entre autres à

l’exode rural. Cette urbanisation mène à son tour au problème de la recherche et de

l’obtention d’un emploi en milieu urbain, préoccupation de chaque individu qu’il soit

migrant ou non (Piché et al. 1995). Qui plus est, les villes africaines ont vu un important

flot de migrants et migrantes arriver depuis plus d’une vingtaine d’années afin de s’établir

malgré la rareté de l’emploi.

Tableau 3.8 : La branche d’activité exercée chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon

l’année de recensement et le genre (en pourcentage) 1987 1998

Hommes Femmes %Total Hommes Femmes %Total

Acti

vit

é e

xerc

ée p

ar

le r

ép

on

dan

t

Sans emploi Agriculture-Élevage-Pêche-Forêt Artisanat-Forge Industrie extractive Industrie manufacturée Commerce Banque-Assurance Construction Électricité-Gaz-Eau Transport-Communication Administration publique Administration privée, internationale ou étrangère Autres services

10,4

7,6

8,9

,2

1,6

17,1

,5

4,0

1,2

7,2

19,9

5,2

16,1

81,23

,3

,8

,0

,1

9,1

,2

,1

,0

,0

6,2

,9

1,0

45,9

4,0

4,9

,1

,8

13,1

,4

2,0

,6

3,6

13,0

2,6

8,6

11,5

9,2

7,8

,4

,4

22,8

,3

5,1

1,2

7,9

12,9

6,3

14,0

82,0

3,0

1,3

,1

,0

7,1

,1

,0

,1

,1

3,9

1,6

,8

46,7

6,1

4,5

,3

,2

15,0

,2

2,6

,6

4,0

8,4

4,0

7,4

Total (N)

100,0 (42357)

100,0 (42357)

100,0 (84714)

100,0 (84671)

100,0 (84671)

100,0 (169342)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et 1998

En 1987 (cf. tableau 3.8), près de la moitié de notre population d’étude a dit être sans

emploi, dont plus de 80% étaient des femmes. Ces chiffres sont sûrement une résultante du

Page 94: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

94

faible niveau d’alphabétisation chez ces dernières, tout comme c’était le cas pour le niveau

d’instruction. En contrepartie, très peu d’hommes étaient concernés par cette situation

(environ 10% seulement pour les deux RGPH). Les secteurs les plus fréquentés étaient le

commerce, l’administration publique et les autres services. Les activités des hommes

étaient surtout concentrées dans les domaines de l’administration publique (19,9%), le

commerce (17,1%), les autres services (16,1%), l’artisanat et la forge (8,9%), l’agriculture,

l’élevage, la pêche et la forêt et les transports et la communication. Quant aux femmes,

elles étaient principalement dans deux types d’activité : le commerce et l’administration

publique.

Nous retrouvons la même tendance en 1998 avec près de la moitié des conjoints qui ont

déclaré ne pas exercer un emploi au moment du recensement. 81,3% d’entre eux étaient des

femmes. Dans tous les secteurs de la vie active, les hommes y sont majoritaires. Beaucoup

de secteurs ont vu leur taux de travailleurs augmenter entre 1987 et 1998 comme celui de

l’agriculture de l’élevage de la pêche et forêt et celui du commerce. Par contre,

l’administration publique a vu le nombre de ses travailleurs baisser entre 1987 et 1998. Le

recensement de 1998 montre que les femmes actives étaient surtout présentes dans le

commerce. Leur participation dans l’administration publique a baissé de presque la moitié

entre 1987 et 1998. Elles ont aussi été plus impliquées dans le secteur de l’agriculture

durant la même période. L’insertion sur le marché de l’emploi n’est pas uniforme selon le

genre.

Dans les quatre secteurs d’activités et pour les deux RGPH, les hommes sont plus présents

que les femmes lesquelles s’illustrent plus dans l’administration publique et l’informel

comme dans le commerce. Cependant, dans le groupe des non travailleurs, elles sont

largement majoritaires. Pareillement, leur effectif a augmenté de manière significative au

cours de la décennie pour certaines branches d’activités dont celles du secteur primaire et

l’administration privée.

Page 95: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

95

3.4. En conclusion

La description de ces trois variables explicatives nous en apprend beaucoup sur les

distributions de notre population, les disparités qui peuvent exister ainsi que les différences

entre les deux recensements. Cependant, afin de pouvoir conclure à l’existence

d’éventuelles associations entre nos variables indépendantes et le fait d’être dans une union

monogame et mixte, il nous faut faire des analyses un peu plus approfondies. C’est le sujet

de la prochaine section de notre travail.

Page 96: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

96

CHAPITRE 4 : Analyse multivariée

Au moins deux facteurs sont en mesure d’influencer l’entrée en union mixte :

l’alphabétisation et le niveau d’instruction de l’individu. Plus le degré de ces qualités est

élevé, mieux l’accès au marché matrimonial linguistico-exogame peut être accessible. Dans

les sociétés industrielles, l’homogamie sociale et économique est remplacée par

l’homogamie culturelle qui repose sur le niveau d’instruction (Locoh, 2005), et il n’est pas

exclu que cette tendance soit aussi d’actualité en Afrique. Cependant, d’autres paramètres

peuvent aussi avoir des effets tout aussi importants. Parmi ces derniers, nous étudierons

aussi le groupe linguistique, le lieu de naissance, l’âge et le secteur professionnel des

conjoints selon le genre et le type d’union.

Dans ce dernier chapitre, les analyses débuteront par une première partie qui s’inscrira dans

une lignée encore exploratoire ce qui nous permettra de déblayer le terrain pour la suite,

une deuxième partie axée sur des observations multivariées.

Page 97: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

97

4.1. Les causes d’entrée en union mixte à Bamako : caractéristiques des

ménages monogames

4.1.1. Quelle est la part du groupe linguistique dans l’intermariage à

Bamako?

De toutes les caractéristiques sociales, le groupe linguistique est assurément l’une des plus

importantes. Le tableau ci-dessous nous montre la répartition de l’exogamie selon la

communauté linguistique du répondant.

Tableau 4.1 : Le groupe linguistique des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de

recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Gro

up

e lin

gu

isti

qu

e d

u

rép

on

dan

t

Mandingue (Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

90,4

48,4

71,9

63,2

88,7

76,3

57,4

9,6

51,6

28,1

36,8

11,3

23,7

42,6

90,7

38,5

72,8

54,7

81,8

73,6

46,7

9,3

61,5

27,2

45,3

18,2

26,4

53,3

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

L’exogamie à Bamako a été beaucoup moins présente au sein de la communauté

mandingue en 1987 comme en 1998. Certaines communautés semblent être plus ouvertes

que d’autres à l’exogamie linguistique. D’ailleurs, en faisant la correspondance entre les

résultats ci-dessus et les taux de transferts vers le bambara, nous pouvons remarquer que la

tendance à l’intermariage augmente avec la proportion de ces déplacements linguistiques.

Encore une fois, ces chiffres seront à prendre avec prudence, mais il semblerait que le

groupe linguistique auquel appartient le répondant soit déterminant dans le fait de

contracter un mariage mixte.

Page 98: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

98

4.1.2. Est-on plus enclin vers une union mixte selon que l’on est né à

Bamako ou ailleurs?

La ville a depuis longtemps été un pôle d’attraction pour les populations rurales. Les

conjoints résidant à Bamako ne sont pas tous natifs de ce district. Les principales zones de

naissance sont Koulikoro, Sikasso, Ségou et Bamako, les trois premiers étant des régions

limitrophes de Bamako.

Tableau 4.2 : Le lieu de naissance chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année

de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Lie

u d

e n

ais

san

ce d

u r

ép

on

da

nt Kayes

Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger

83,6

79,1

92,1

87,3

88,5

81,4

79,1

72,9

16,4

20,9

7,9

12,7

11,5

18,6

20,9

27,1

86,0

82,5

91,5

87,4

88,3

82,1

79,0

80,0

14,0

17,5

8,5

12,6

11,7

17,9

21,0

20,0

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Suivant leur lieu de naissance, nos conjoints sont répartis selon les deux types d’union de

façon plus ou moins inégale. Bien que les endogames soient majoritaires pour toutes les

régions de naissance, les natifs de Bamako enregistrent des fréquences d’exogamie parmi

les plus hautes, tout comme ceux de Koulikoro qui est la région la plus proche de la

capitale malienne. Mais en s’éloignant de Bamako, la tendance se renverse et penche plus

vers l’endogamie. À titre d’exemple, nous pouvons voir que pour des régions telles que

Sikasso, l’exogamie était peu fréquente.

Le lieu de naissance du conjoint monogame habitant à Bamako aurait une incidence sur la

probabilité d’être en union exogame lors du recensement de 1987 et de 1998.

Page 99: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

99

4.1.3. Quel est le rôle joué par l’âge des conjoints?

Les sociétés africaines urbaines sont dorénavant en pleine mutation. En effet, la

scolarisation des femmes est à la hausse, le marché du travail est en pleine transformation et

les femmes s’activent de plus en plus dans la vie économique. Le mariage n’est pas non

plus en reste : l’âge au mariage recule, le choix du conjoint est de plus en plus libre et

consenti (Antoine et Dial, 2007). Cependant, quelle était la situation à Bamako en 1987 et

1998 et face à l’exogamie?

Tableau 4.3 : L’âge du répondant chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année

de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Gro

up

e d

’âg

e d

u

rép

on

dan

t

12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+

90,9

87,0

85,4

85,8

84,9

83,3

9,1

13,0

14,6

14,2

15,1

16,7

90,0

87,0

85,4

84,8

86,3

86,4

10,0

13,0

14,6

15,2

13,7

13,6

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

La majorité de notre corpus a un âge compris entre 20 et 39 ans que ce soit pour 1987 que

pour 1998 traduisant ainsi une population relativement jeune. À la lecture du tableau 4.2 ci-

dessus, nous pouvons voir que les unions endogames sont largement majoritaires pour tous

les groupes d’âge, indifféremment de l’année de recensement. L’âge ne semble pas être

déterminant dans le fait de contracter une union monogame et exogame à Bamako.

Cependant, observe-t-on les mêmes comportements entre hommes et femmes face au

mariage?

o Une différenciation selon le genre

Les attitudes masculines et féminines n’ont pas de concordance face au mariage. L’écart

d’âge entre conjoints n’est pas non plus immuable. L’entrée en couple n’a pas la même

notion ni le même enjeu pour les hommes et pour les femmes. Moment du passage à l’âge

adulte, le sentiment qu’il est temps de franchir le pas ne survient d’ailleurs pas au même

âge (Bozon, 1990).

Page 100: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

100

L’écart d’âge entre les hommes et les femmes en union monogame à Bamako est illustré en

annexe (cf. annexe B5). Les tendances sont plus ou moins homogènes selon le type d’union

et quel que soit le genre du répondant, l’endogamie est encore une fois largement

majoritaire. Toutefois, trois groupes d’âge se distinguent chez les hommes de par la

fréquence des mariages exogames. En 1987, ces derniers étaient en effet plus nombreux

chez ceux qui entre 30 et 39 ans et chez ceux de plus de 50 ans. En 1998, les conjoints les

plus jeunes (12-19 ans) et ceux âgés entre 40 et 49 ans sont surtout les plus concernés. Les

femmes quant à elles sont plus touchées lorsqu’elles ont entre 30 et 59 ans en 1987 et entre

30 et 49 ans pour 1998.

Nous pouvons aussi remarquer d’autres disparités. Les femmes sont plus présentes dans le

groupe d’âge des 20-29 ans tandis que les hommes se retrouvent en grande majorité dans

celui des 30-39 ans. Ceci démontre une fois de plus l’écart d’âge entre conjoints. S’agissant

des questions matrimoniales, les repères psychologiques des hommes et des femmes sont

différents. Dépendamment du développement de la scolarisation féminine, la fin des études

deviendra plus ou moins un jalon pour les jeunes femmes alors que les hommes seront

davantage soucieux de l’obtention d’un travail stable.

4.1.4. L’exogamie est-elle liée à l’alphabétisation?

Les deux groupes qui se démarquent le plus sont ceux dont les membres savent au moins

lire et écrire le français ou l’arabe selon l’année de recensement. Le fait de ne savoir ni lire

ni écrire serait moins décisif pour l’exogamie. Au contraire, en 1987, il semblerait que des

aptitudes à lire et écrire au moins le français ou l’arabe encouragent l’exogamie

linguistique. En 1998, la connaissance au moins du français a semblé être le facteur le plus

déterminant pour l’intermariage.

Page 101: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

101

Tableau 4.4 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon

l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

L’a

pti

tud

e à

lire

et

à é

cri

re Ne sait ni lire ni écrire

Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites

90,2

92,8

78,5

85,3

9,8

7,2

21,5

14,7

89,9

84,0

80,6

84,8

10,1

16,0

19,4

15,2

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Il y a plus d’instruits chez les conjoints monogames et exogames. Toutefois,

l’apprentissage et la maitrise du français semble être un élément encore plus décisif dans la

contraction d’une union mixte pour les deux recensements.

o La maitrise du français aurait-elle une incidence sur les

chances de contracter une union exogame?

Même selon le genre, l’éducation garde une place prépondérante chez les hommes comme

chez les femmes pour le mariage mixte. En examinant les résultats du tableau ci-dessous,

nous verrons que l’utilisation du français est très marquée chez les exogames et il est

intéressant de voir que ce fait concerne aussi bien les hommes que les femmes malgré les

différences de la fréquentation scolaire en général plus accessible aux garçons et qu’il

arrive relativement à se maintenir dans le temps. L’effet de la présence du français dans les

différentes modalités de l’aptitude à lire et à écrire du répondant sur l’exogamie ou non de

ce dernier semble de plus en plus évident indifféremment du genre. Et parce que la maitrise

du français n’est pas accessible à tous, ce serait donc l’instruction de l’individu qui serait en

jeu ici.

Page 102: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

102

Tableau 4.5 : Aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon le

genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

L’aptitude à lire et à écrire semble donc avoir une influence sur la présence ou non d’un

mariage exogame. En effet, l’analyse de ce tableau montre que plus les connaissances en

lecture et en écriture sont élevées, plus elles auraient un impact sur les chances d’être en

union exogame. Nous avons vu aussi qu’une modalité en particulier s’était distinguée dans

nos analyses : l’utilisation du français. Lire et écrire cette langue en particulier a un effet

qui s’ajoute à celui de l’alphabétisation pour favoriser la présence d’une union monogame

et exogame à Bamako. Cette synergie fait aussitôt penser à l’instruction de l’individu, d’où

notre question suivante : quelle est l’influence du niveau d’instruction du répondant sur la

présence d’une exogamie?

4.1.5. Quel est l’effet du niveau d’instruction sur le fait d’être dans un

ménage mixte?

Le niveau d’instruction est fortement corrélé avec l’aptitude à lire et à écrire et tout comme

cette dernière, le premier facteur est associé à la présence d’un mariage monogame

exogame.

RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

L’a

pti

tud

e à

lire

et

à é

cri

re Ne sait ni lire ni écrire

Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites

90,7

92,3

79,7

85,8

9,3

7,7

20,3

14,2

90,5

85,0

81,7

84,9

9,5

15,0

18,3

15,1

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

L’a

pti

tud

e à

lire

et

à é

cri

re Ne sait ni lire ni écrire

Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites

89,9

93,4

76,9

83,9

10,1

6,6

23,1

16,1

89,5

82,8

79,0

84,7

10,5

17,2

21,0

15,3

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

Page 103: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

103

Au regard du tableau 4.6, la majorité de notre population a déclaré ne pas avoir reçu

d’instruction pour les deux années de recensement étudiés. Nous retrouvons dans ce groupe

les individus ayant déjà déclaré ne sachant ni lire ni écrire. Aussi, ce même groupe compte

le plus de conjoints monogames et endogames par rapport aux autres catégories du niveau

d’instruction. D’un autre côté, les unions exogames sont plus fréquentes dans les autres

modalités.

Tableau 4.6 : Le niveau d’instruction des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de

recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Le

niv

eau

d’in

str

ucti

on

Aucune d’instruction Fondamental 1

er cycle

Fondamental 2

nd cycle

Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire

89,8

83,2

80,0

74,5

70,5

10,2

16,8

20,0

25,5

29,5

89,8

85,1

82,4

77,3

72,9

10,2

14,9

17,6

22,7

27,1

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Par ailleurs, ces unions mixtes voient leur nombre progresser à mesure que le niveau

d’instruction est élevé. Si l’on observe les résultats selon le genre (cf. annexe B6), nous

pourrons voir que les mêmes tendances se retrouvent plus ou moins chez les hommes

comme chez les femmes et pour les deux années de recensement. Comme précédemment,

les conjoints n’ayant reçu aucune instruction comptent énormément d’unions endogames,

mais ces dernières sont majoritaires quel que soit le niveau d’instruction du conjoint ou de

la conjointe. Cependant, les fréquentations scolaires et les niveaux d’instruction sont assez

dissemblables selon qu’on est homme ou femme. Les hommes instruits et exogames se

divisent en deux groupes : ceux ayant seulement un niveau fondamental (1er

ou 2nd

niveau)

et ceux ayant poussé leurs études plus loin. Dans chacun des deux groupes, les fréquences

sont plus ou moins constantes, mais les fréquences d’exogamie sont bien plus hautes pour

le niveau supérieur. Les femmes quant à elles voient les fréquences des unions mixtes

augmenter et se montrer significatives au moins dès le niveau du 2nd

cycle fondamental. Le

niveau d’instruction est très décisif pour les hommes comme pour les femmes en ce qui

concerne le mariage interlinguistique.

Page 104: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

104

4.1.6. L’association entre l’activité exercée par le répondant et le fait

d’être dans un ménage mixte

Tout comme l’instruction de l’individu, l’activité professionnelle peut constituer un facteur

de rapprochement et faire tomber bien des barrières. L’activité exercée par nos répondants

se répartit en trois sortes domaines : celles des secteurs primaire (agriculture, pêche, etc.) et

secondaire (industries de transformation et manufacturées, construction, etc.) et ensuite

celles du tertiaire (administration, banque, assurance, informatique, communication, etc.).

Les conjoints actifs sont plus nombreux dans ce dernier secteur. Le secteur informel est

aussi prisé avec le commerce.

Tableau 4.7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints et conjointes monogames de Bamako

selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Sans emploi

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

87,0

92,8

88,5

81,9

88,6

13,0

7,2

11,5

18,1

11,4

87,0

88,0

86,7

82,6

87,9

13,0

12,0

13,3

17,4

12,1

Total (N)

86,1 (72924)

13,9 (11790)

86,1 (145738)

13,9 (23604)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

L’analyse descriptive nous avait montré que le taux de chômage était élevé dans notre base

de données et que c’était surtout les femmes qui étaient les plus touchées. Dans ce groupe

des sans emploi, les femmes en union endogame étaient aussi les plus concernées par cette

inactivité tandis que les femmes en union exogame se démarquaient plutôt dans le secteur

tertiaire.

Les résultats ci-dessous ne permettent pas d’arriver à des conclusions solides quant à

l’influence ou non du secteur d’activité sur l’entrée en exogamie linguistique. Cependant,

les données ne manqueront surement pas de fournir des constats différents lorsque tous les

facteurs sont contrôlés. À ce propos, nous verrons dans la prochaine section les précautions

prises afin de nous assurer de la pertinence de la démarche que nous comptons suivre.

Page 105: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

105

4.2. Une analyse des correspondances multiples

L’analyse des correspondances multiples (ACM) est une méthode statistique d’analyse des

données permettant d’étudier l’association entre au moins deux variables qualitatives. Un

de ses objectifs est de mesurer et de représenter les proximités entre les différentes

catégories des variables exogènes et celles de la variable endogène. Cette technique est

intéressante, car peut rendre homogènes des données de nature disparate et en outre met en

évidence des liaisons non linéaires. Les résultats de l’ACM peuvent être visualisés sous

forme de graphiques ce qui très utile pour l’interprétation des données.

Cette étape de nos analyses est recommandée comme un préalable aux analyses

multivariées telles que la régression. Effectivement, l’ACM nous permettra de confirmer

nos analyses tabulaires et leurs conclusions. De même, elle guidera nos pas lors des

analyses multivariées d’abord en validant ou infirmant notre modèle et ensuite dans la

sélection des variables qui y seront insérées, et ensuite, dans nos interprétations des

résultats. En bref, en intégrant toutes les variables dans l’ACM tel que nous comptons le

faire, cette dernière nous fournira un aperçu du déroulement des analyses qui suivront. Les

graphiques sont divisés en quatre sections et l’interprétation est basée sur la position de

chaque modalité des variables sur ces dernières.

Chacune des modalités de la variable endogène (cf. figure 4.1) a une position différente.

Les couples endogames et exogames de Bamako ont donc des caractéristiques différentes.

Notre modèle peut être validé et nous pouvons aller plus loin dans l’analyse multivariée. En

comparant l’emplacement des modalités du reste des variables exogènes, il semblerait que

les individus se trouvant dans un ménage monogame et résidents à Bamako seraient le plus

souvent des femmes assez jeunes, sans emploi, avec au plus une instruction de base (sans

instruction ou ayant seulement atteint le premier cycle de la fondamentale), qui sont nées à

Bamako, Mopti ou encore Koulikoro et appartenant aux groupes linguistiques mandingue,

sonrhaï-tamasheq ou bobo-dafing.

Page 106: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

106

Figure 4.1 : Analyse des correspondances multiples, 1987

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987

Page 107: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

107

Figure 4.2 : Analyse des correspondances multiples, 1998

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1998

Page 108: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

108

En 1998, les tendances observées se maintiennent plus ou moins (cf. figure 4.2). Comme

précédemment, les endogames sont le plus souvent des femmes et les moins à risque de

connaître une union monogame et exogame à Bamako n’ont souvent pas reçu d’instruction,

nées à Bamako et du groupe linguistique mandingue.

Les conséquences de ces analyses ne sont pas suffisantes pour nous permettre de conclure

sur notre sujet de recherche, mais peuvent nous guider dans nos prochaines démarches.

Elles ont validé nos modèles et nous ouvrent la voie pour les analyses multivariées qui vont

suivre.

4.3. La régression logistique

4.3.1. Pourquoi une régression?

L’analyse bivariée nous a permis de déterminer les facteurs pouvant être liés au fait d’avoir

contracté un mariage exogame et nous avons pu déceler une certaine relation entre notre

variable dépendante et nos variables explicatives. Nous avons vu quelles caractéristiques de

nos conjoints monogames de Bamako étaient associées positivement ou négativement aux

probabilités de contracter une union exogame. Malgré tout, cette méthode d’analyse a

quelques limites, car elle ne peut tenir compte de l’action combinée de plus d’une

particularité. Or, avoir de bonnes mesures de ces liaisons demande une analyse plus précise

et que l’on prenne en compte tous les effets de toutes les variables présentes. Comme

exemple, nous avons vu que l’alphabétisation et le niveau d’instruction du conjoint étaient

tous deux associés au mariage exogame, mais également, que ces deux variables étaient

vraisemblablement corrélées. Il serait alors intéressant de voir si elles agissent en synergie

sur notre variable dépendante, ou si au contraire, elles ont sur cette dernière des effets

antagonistes. De plus, nos dernières conclusions émanant des résultats de l’ACM nous ont

confirmé ces liens et nous ont conforté dans la pertinence de pousser nos investigations

plus loin.

La régression a justement pour but d’expliquer les variations des variables indépendantes et

dépendantes en modélisant la relation qui existe entre elles. Dès lors, notre objectif est de

Page 109: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

109

mieux appréhender la portée exacte des caractéristiques que nous avons retenues chez nos

conjoints monogames de Bamako pour les RGPH de 1987 et 1998. Afin d’atteindre notre

but, nous appliquerons la méthode de régression logistique à six variables indépendantes :

le groupe linguistique auquel appartient le répondant, son lieu de naissance, son sexe, son

niveau d’instruction et le secteur de l’activité professionnelle de nos conjoints. Toutefois,

avant d’aborder l’analyse multivariée plus en profondeur, nous verrons brièvement en quoi

consiste la régression logistique.

4.3.2. La régression logistique

La régression logistique est une technique d’analyse multivariée servant à mesurer

l’influence de variables indépendantes sur les probabilités de voir se réaliser un évènement

(variable dépendante). Le modèle prend alors en compte toutes les variables explicatives

qui y sont introduites. L’effet de chacune d’entre elles sur la variable endogène est ainsi

mesuré de manière plus précise.

La régression logistique est indiquée lorsque la variable à expliquer est qualitative, en

général binaire (0 ou 1), tandis que les variables explicatives peuvent être soit qualitatives,

soit quantitatives. La variable dépendante prend la valeur 1 lorsque l’évènement survient et

0 sinon. L’intérêt majeur de cette méthode d’analyse est de pouvoir évaluer la force de

l’association entre chaque variable indépendante et la variable dépendante tout en tenant

compte de l’impact des autres variables contenues dans le modèle. Il s’agit d’une « mesure

ajustée ».

4.3.3. Conception des modèles

Cette étape passe par le choix des variables indépendantes et à la définition de chacune des

variables dichotomiques. Dans le cadre de notre analyse, la variable dépendante

(exogamie) tout comme les variables explicatives sont catégorielles. Parmi ces dernières,

certaines ont été intégrées dans le modèle de régression sous leur forme la plus simple. À

titre d’exemple, les analyses précédentes sur la profession exercée par nos individus nous

ont montré que certains secteurs d’activités étaient plus fréquentés que d’autres. Nous

Page 110: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

110

pouvons donc choisir de mesurer l’incidence des secteurs plutôt que des branches

d’activités15

ce qui nous fera moins de modalités. Aussi, l’alphabétisation et le niveau

d’instruction sont vraisemblablement fortement auto corrélés. De plus, nous avons vu que

les aptitudes en français étaient le déterminant le plus proche du mariage mixte ce qui nous

pousse à nous intéresser davantage au niveau d’instruction donc à l’éducation de l’individu.

Nous n’intégrerons donc que ce dernier facteur dont les analyses ont du reste montré une

forte influence sur l’exogamie. Nous pouvons voir dans le tableau 4.7 les différentes

variables indépendantes que nous utiliserons ainsi que leurs modalités.

Chaque coefficient du modèle devra être interprété et jugé statistiquement significatif ou

non. À ce propos et afin de juger de la bonne représentativité des résultats qui seront

obtenus, nous nous fonderons sur les trois seuils de signification statistique généralement

utilisés en sciences sociales et qui seront notre marge d’erreur dont nous devrons tenir

compte lors de nos interprétations : 0,1% (0,001), 5% (0,05) et 10% (0,1).

Nous avons présenté les six variables. Cependant, il faut nous assurer qu’elles sont toutes

mutuellement exclusives afin de savoir si nous sommes en mesure de toutes les inclure

dans le même modèle ou pas. Dans cet état d’esprit, nous aurons six modèles de régression

dans lesquels nous aurons différents nombres de variables indépendantes.

15

Nous n’avons malheureusement pas été en mesure d’analyser l’effet du statut professionnel des conjoints en

raison de données incomplètes. En effet, bien que les informations sur cette variable soient disponibles pour

1998, les données de recensement de 1987 n’offrent pas tous les éléments nécessaires à la bonne conduite

d’une telle démarche.

Page 111: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

111

Tableau 4.8 : Les modalités des variables explicatives et leur catégorie de référence pour la régression

logistique Modalités de la variable indépendante Catégorie de référence

Gen

re

Femme Homme

Gro

up

e lin

gu

isti

qu

e

Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

Mandingue (Ouest)

Lie

u d

e n

ais

san

ce

Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord

Bamako

Gro

up

e d

’âg

e

12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 – 49 ans 50 – 59 ans

60 ans et+

Éd

uc

ati

on

(niv

eau

d’in

str

ucti

on

) Fondamental 1er cycle

Fondamental 2

ième cycle

Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire

Aucune instruction

Secte

ur

d’a

cti

vit

é

pro

fessio

nn

ell

e Secteur primaire

Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

Sans emploi

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Tout comme lors de nos analyses précédentes, notre objectif est d’examiner la portée de

l’impact de ces six facteurs présentés plus haut sur les chances d’être dans une union

monogame et exogame à Bamako à travers les recensements généraux de 1987 et 1998.

Dans un premier temps, notre modèle prendra en compte l’ensemble de notre corpus,

hommes et femmes et la variable genre pourra contrôler les autres facteurs. Cependant, vu

que les caractéristiques des hommes et des femmes en union monogames à Bamako sont

Page 112: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

112

assez différentes, deux autres modèles seront mis sur pied avec les hommes seulement dans

l’un et uniquement les femmes dans l’autre. À titre d’exemple, l’analyse bivariée a montré

que l’âge de nos répondants ne semblait pas avoir d’effet sur le fait d’être en union

exogame. Cependant, les conclusions changent de direction selon le genre. Les régressions

devraient donc fournir des résultats intéressants à ce sujet.

Dans la prochaine section, nous présenterons les résultats de nos analyses multivariées ainsi

que les interprétations que nous pouvons en tirer.

4.4. Résultats

4.4.1. L’ensemble des individus

Suite aux précédentes analyses, les modèles un à cinq (voir tableaux4.8, i et ii) nous

montrent qu’effectivement, certaines catégories augmentent ou diminuent les probabilités

d’être en union monogame et exogame à Bamako tandis que d’autres modalités n’ont pas

d’influence sur elles.

D’emblée, nous pouvons remarquer que le genre a un effet sur la variable endogène en

augmentant les probabilités d’être dans un ménage monogame et interlinguistique à

Bamako en 1987 et 1998, quelle que soit la variable introduite dans le modèle à l’exception

du groupe linguistique, du lieu de naissance et de l’âge pour 1998. Les femmes auraient

donc plus tendance à être en union monogame et mixte pour les deux recensements.

Nous avions remarqué lors des analyses descriptives que les taux de mariages exogames

étaient inégalement répartis selon le groupe linguistique et même selon le genre. À titre

d’exemple, appartenir au groupe linguistique maure augmenterait très fortement les

probabilités d’être en exogamie comparativement au fait d’être du groupe mandingue (de

plus de 9 fois) alors qu’être natif de certaines régions du Mali telles que Koulikoro ou

Sikasso les diminuerait. Si nous nous référons aux résultats ultérieurs, nous verrons que les

individus qui avaient comme langue maternelle le bambara ou le malinké (tous deux du

groupe mandingue) connaissaient les plus faibles taux d’unions interlinguistiques.

Page 113: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

113

Nos analyses précédentes n’avaient pas été en mesure de montrer une association

concluante entre l’âge du répondant et l’union exogame. Néanmoins, notre troisième

modèle de régression vient infirmer ces conclusions. Les données de recensement de 1987

montrent que comparativement au groupe d’âge des plus de 60 ans, le fait d’avoir 59 ans et

moins diminueraient les probabilités de contracter une union mixte. Les données de 1998

montrent quant à elles que les groupes d’âge des 30-39 ans et 50-59 ans ne semblent pas

avoir d’incidence sur les prédispositions au mariage interlinguistique. Néanmoins, ces

mêmes données montrent qu’avoir entre 12 et 29 ans est associé à une faible tendance à

l’exogamie tandis qu’avoir entre 40 et 49 ans serait au contraire associé à une augmentation

des taux d’unions mixtes.

Page 114: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

114

Tableaux 4.9 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1987

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1

Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gen

re Genre (Homme)

Femme

0,041 **

- 0,021

0,137 ***

0,138 ***

0,232 ***

0,366 ***

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

2,305 *** 1,300 *** 1,701 *** 0,179 ** 1,069 *** 1,941 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

2,668 *** 1,576 *** 1,948 *** 0,424 *** 1,803 *** 1,829 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,295 *** - 0,825 *** - 0,303 *** - 0,417 *** 0,151 *** 0,296 *** 0,639 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,316 *** - 0,442 *** - 0,446 *** - 0,279 *** - 0,675 *** - 0,987 *** 0,026

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

- 0,804 *** - 0,378 *** - 0,190 *** - 0,214 *** - 0,126 **

- - - - -

- - - - -

- 1,016 *** - 0,645 *** - 0,531 *** - 0,398 *** - 0,218 ***

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,578 *** 0,791 *** 1,123 *** 1,347 ***

- - - -

0,609 *** 0,809 *** 0,949 *** 1,029 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

- 0,452 *** 0,052 0,565 *** - 0,024

- 0,407 *** 0,028 0,205 *** - 0,038

Page 115: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

115

Tableaux 4.10 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1998

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gen

re Genre (Homme)

Femme

0,042 **

- 0,011

0,089 ***

0,162 ***

0,192 ***

0,287 ***

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

2,750 *** 1,296 *** 2,094 *** 0,774 *** 1,256 *** 2,412 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

2,905 *** 1,558 *** 2,216 *** 0,973 *** 1,656 *** 2,316 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,260 ***

- 0,571 *** - 0,129 *** - 0,206 ***

0,286 *** 0,489 *** 0,428 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,239 *** - 0,269 *** - 0,356 *** - 0,213 *** - 0,523 *** - 0,669 *** - 0,256 ***

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

- 0,418 *** - 0,106 ** 0,056 * 0,117 *** - 0,003

- - - - -

- - - - -

- 0,521 *** - 0,260 *** - 0,185 *** - 0,158 *** - 0,135 ***

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,434 *** 0,648 *** 0,980 *** 1,247 ***

- - - -

0,537 *** 0,726 *** 0,969 *** 1,084 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

0,028 0,181 *** 0,487 *** 0,046 *

- 0,023 0,141 *** 0,091 *** 0,004

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998

Page 116: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

116

Le niveau d’instruction (modèle 4) a un effet positif sur l’exogamie et nous pouvons

voir que plus il est élevé, plus son poids est grand si nous le comparons au fait de

n’avoir reçu aucune instruction. Cependant, son effet est plus remarquable en 1987

qu’en 1998. Quant au secteur d’activité du répondant (modèle 5), les secteurs

secondaire et informel pour les données de 1987, primaire pour celles de 1998, semblent

ne pas avoir d’effets sur la variable dépendante. Le recensement de 1998 montre que les

secteurs secondaire, tertiaire et informel augmentent les probabilités d’une union

exogame tout comme le secteur tertiaire en 1987.

Dans le dernier modèle (modèle 6) et pour les deux recensements, nous contrôlons pour

l’ensemble des variables explicatives et non sans surprise, certains types d’association

ne tiennent plus. Dorénavant, les natifs de la région de Mopti, du Nord et de l’étranger

voient leurs chances de contracter un mariage exogame diminuer grandement. Quant à

l’âge, toutes les modalités diminuent fortement la tendance vers le mariage mixte si on

compare au fait d’avoir au moins 60 ans. Pour le premier recensement (1987), l’effet de

baisse des probabilités de mariages mixtes est plus fort et plus l’individu est jeune, plus

cet effet est accentué. Les personnes les moins à risques de connaître l’évènement sont

celles dont l’âge est compris entre 12 et 19 ans.

L’éducation montre deux tendances selon le niveau d’instruction de l’individu. Dans ce

dernier modèle, l’effet de ce facteur augmente pour les deux cycles de la fondamentale

tandis qu’il diminue pour les deux niveaux les plus élevés et ces résultats se

maintiennent dans le temps.

Au vu de ces résultats, il nous semble que les facteurs les plus déterminants sont plus ou

moins dans l’ordre, le genre, le groupe linguistique, l’âge des conjoints, l’éducation et le

lieu de naissance. Ces différents modèles de régression nous montrent qu’une femme

instruite avec un niveau d’enseignement supérieur relativement à celle qui n’a reçu

aucune instruction verra ses chances d’accéder au marché matrimonial interlinguistique

augmenter très significativement. Néanmoins, les analyses selon le genre nous ont

montré que les hommes et les femmes n’avaient pas les mêmes facilités d’accès au

Page 117: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

117

mariage ni les mêmes caractéristiques. En conséquence, il serait avantageux

d’approfondir notre étude en examinant nos répondants et en faisant une différenciation

selon le genre. Nous suggérons donc de nouveaux modèles de régression avec les

hommes d’une part et les femmes de l’autre.

4.4.2. Des conclusions différentes pour les hommes et les femmes?

La différenciation selon le genre montre que chez les hommes comme chez les femmes

(voir tableaux ci-dessous), une union interlinguistique est bien plus sensible au groupe

linguistique auquel appartient l’individu. Cette tendance se maintient d’ailleurs pour les

deux recensements. En effet, appartenir à tout autre groupe linguistique en dehors du

groupe mandingue augmenterait les probabilités de contracter un mariage mixte

(modèle 1), à l’exception des femmes bobo-dafing pour qui c’était tout le contraire en

1987. Le conjoint (homme) membre du groupe linguistique peul ou encore mieux maure

au lieu d’être du groupe mandingue, aurait jusqu’à 13 fois plus de chances de connaître

l’évènement selon l’année de recensement. S’il est natif de Koulikoro au lieu de

Bamako (modèle 2), ses prédispositions envers le mariage interlinguistique diminueront

à l’opposé de l’impact d’être né à l’étranger par exemple, comparativement au fait

d’être né à Bamako et pour les deux recensements. Pour les femmes, naître à Kayes ou

Mopti ne semble pas avoir d’effet particulier sur l’entrée en union mixte

comparativement au natif de Bamako. En contrepartie, les natifs des régions du nord du

Mali et de l’étranger ont plus de chances de contracter un mariage exogames tandis que

ceux qui sont nés à Koulikoro, Sikasso ou Ségou auront plus tendance à connaître ce

type d’union, que ce soit en 1987 ou en 1998.

L’influence du groupe d’âge est différente suivant le recensement étudié et le genre

(modèle 3). Chez les hommes et pour 1987, en présence de ce seul facteur, toutes les

catégories, excepté les plus jeunes (pour lesquels le résultat n’est pas significatif), sont

associées à une plus faible propension au mariage mixte relativement au fait d’être âgé

de 60 ans et plus. Par contre, deux tendances sont présentes en 1998. Les jeunes

hommes âgés entre 20 et 29 ans ont moins accès à l’union interlinguistique

contrairement à ceux qui ont un âge compris entre 40 et 49 ans.

Page 118: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

118

Chez les femmes, l’âge ne semble pas jouer un rôle assez déterminant avec très peu de

modalités qui sont significatives. Celles d’un âge compris entre 12 et 19 ans pour les

deux années seraient moins disposées envers l’exogamie relativement à celles âgées

d’au moins 60 ans. Pour seulement 1998, les femmes âgées entre 30 et 39 ans

connaissaient une plus forte tendance au mariage interlinguistique.

L’influence du niveau d’instruction suit plus ou moins la même orientation

indépendamment du genre (modèle 4). Cependant, son impact chez les hommes est

beaucoup plus visible à partir du niveau d’enseignement général tandis que chez les

femmes, les probabilités de contracter un mariage exogame semblent augmenter

fortement dès la fondamental 2 voire même dès qu’elles reçoivent une instruction

(fondamental 1) comme le montrent en particulier les données de 1987. Les hommes

ont donc besoin d’avoir un niveau d’éducation plus ou moins élevé afin de voir leurs

chances de contracter un mariage mixte augmenter. En outre, chez les hommes comme

chez les femmes, plus le niveau d’instruction est élevé, plus l’influence de ce facteur est

grande.

Page 119: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

119

Tableaux 4.11 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1987

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

2,580 *** 1,516 *** 2,217 *** 0,491 *** 1,125 *** 2,181 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

2,983 *** 1,745 *** 2,502 *** 0,710 *** 1,934 *** 2,152 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,544 *** - 0,709 ***

0,013 - 0,230 *** 0,408 *** 0,382 *** 0,836 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,546 *** - 0,323 *** - 0,371 *** - 0,166 ** - 0,541 *** -1,022 *** 0,143

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

- 0,258 - 0,586 *** - 0,210 *** - 0,291 *** - 0,173 ***

- - - - -

- - - - -

- 0,586 * - 0,745 *** - 0,493 *** - 0,458 *** - 0,231 ***

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,462 *** 0,545 *** 0,992 *** 1,256 ***

- - - -

0,496 *** 0,614 *** 0,907 *** 1,035 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

- 0,865 *** - 0,368 *** 0,066 0,387 ***

- 0,568 *** - 0,057 0,103 * - 0,141 **

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1

Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987

Page 120: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

120

Tableaux 4.12 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1998

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

3,002 *** 1,568 *** 2,629 *** 1,089 *** 1,467 *** 2,440 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

3,112 *** 1,805 *** 2,767 *** 1,260 *** 1,926 *** 2,413 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,472 *** - 0,515 *** 0,130 *** - 0,055 0,560 *** 0,666 *** 0,620 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,446 *** - 0,171 *** 0,313 *** - 0,128 *** - 0,411 *** - 0,708 *** - 0,091 *

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

0,078 - 0,277 *** 0,024 0,143 *** 0,007

- - - - -

- - - - -

0,184 - 0,272 *** - 0,075 * - 0,028 - 0,057

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,317 *** 0,503 *** 0,821 *** 1,165 ***

- - - -

0,461 *** 0,642 *** 0,857 *** 1,041 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

- 0,323 *** - 0,214 ***

0,058 * - 0,312 ***

- 0,243 *** - 0,063 - 0,137 *** - 0,230 ***

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998

Page 121: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

121

Le secteur d’activité professionnelle joue un rôle différent selon le genre et l’année de

recensement. Seul le secteur tertiaire (modèle 5), du reste la seule modalité significative,

est associé à une plus forte propension au mariage exogame chez les femmes pour 1987

tandis qu’en 1998, seul le secteur primaire semble ne pas avoir d’influence sur

l’exogamie. De même, pour les hommes aussi les tendances sont divergentes selon

l’année de recensement. En 1987, le secteur tertiaire semblait ne pas avoir d’influence

sur la survenue de l’évènement, tous les autres domaines de l’activité professionnelle

étant associés à une faible propension au mariage mixte. En 1998, seul le secteur

tertiaire a un effet positif et augmente les chances de connaître l’évènement tandis que

tous les autres secteurs ont des impacts plutôt négatifs.

Lorsque toutes les variables sont introduites dans le dernier modèle, certaines

associations préalablement retenues ne tiennent plus. L’effet du groupe linguistique ne

change pas indépendamment du genre et de l’année de recensement. Concernant le lieu

de naissance, naître dans une région autre que Kayes diminue les chances de connaître

un mariage mixte par rapport au fait d’être né à Bamako. Etre natif de la région de

Kayes les augmenterait chez les hommes pour les deux recensements, mais uniquement

pour 1987 chez les femmes, pour qui ce fait n’est pas significativement associé à

l’évènement pour 1998. Naître à l’étranger n’est pas significatif chez les hommes en

1987.

Page 122: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

122

Tableaux 4.13 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

2,016 *** 1,089 *** 0,931 ***

- 0,161 1,023 *** 1,698 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

2,370 *** 1,418 *** 1,154 ***

0,129 1,691 *** 1,518 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,077 - 0,890 *** - 0,629 *** - 0,559 *** - 0,071 0,256 *** 0,494 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,130 ** - 0,496 *** - 0,499 *** - 0,348 *** - 0,768 *** - 0,910 *** - 0,012

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

- 0,521 *** - 0,050 0,061 0,130 0,151

- - - - -

- - - - -

- 0,658 *** - 0,272 ** - 0,214 * 0,092 0,120

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,674 *** 0,996 *** 1,279 *** 1,468 ***

- - - -

0,692 *** 0,937 *** 0,932 *** 0,866 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

- 0,450 0,158 0,990 *** - 0,058

- 0,364 - 0,133 0,304 *** 0,016

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987

Page 123: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

123

Tableaux 4.14 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1998

Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6

Gro

up

e

lin

gu

isti

qu

e

Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues

2,498 *** 1,020 *** 1,292 *** 0,438 *** 1,056 *** 2,392 ***

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

- - - - - -

2,698 *** 1,319 *** 1,420 *** 0,676 *** 1,423 *** 2,234 ***

Lie

u d

e

na

issan

ce

Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger

- - - - - - -

0,054 - 0,584 *** - 0,419 *** - 0,325 *** 0,017 0,340 *** 0,278 ***

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

0,051 - 0,305 *** - 0.386 *** - 0,263 *** - 0,626 *** - 0,613 *** - 0,367 ***

Gro

up

e

d’â

ge

Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans

- - - - -

- - - - -

- 0,356 ***

- 0,002 0,144 **

0,096 0,000

- - - - -

- - - - -

- 0,436 *** - 0,170 ** - 0,125 * - 0,161 ** - 0,063

Éd

uc

ati

on

Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire

- - - -

- - - -

- - - -

0,522 *** 0,774 *** 1,163 *** 1,324 ***

- - - -

0,578 *** 0,777 *** 1,035 *** 0,949 ***

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Secteur professionnel (Aucun)

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

- - - -

- - - -

- - - -

- - - -

0,067 0,570 ***

0,884 *** 0,103 **

0,011 0,281 *** 0,225 *** 0,096 **

*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1

Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998

Page 124: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

124

Désormais, tous les groupes d’âge ont un effet significatif chez les hommes en 1987

selon une association négative avec la variable endogène et plus le conjoint est âgé, plus

il a de chances de connaître une union mixte. En 1998, seuls les groupes d’âge 20-29

ans et 30-39 ans ont un impact significatif avec moins de probabilités de contracter un

mariage mixte comparativement à celui qui aurait au moins 60 ans. Chez les femmes,

aucun groupe d’âge n’augmente les chances d’être en union exogame. En 1987, celles

avec un âge compris entre 12 et 39 ans et en 1998 celles d’un âge compris entre 12 et 49

ans, avaient moins de chances d’être en union mixte par rapport à celles qui avaient 60

ans et plus. L’éducation reste un facteur significatif et conserve les mêmes tendances

que dans le modèle 4. Quant à la profession, c’est différent selon l’année si l’on

compare au fait d’être sans emploi. Chez les hommes, tous les secteurs dont l’impact

était significatif avaient un effet négatif sur les chances de contracter une union mixte

pour le recensement de 1998 tandis que seuls les secteurs primaire et informel l’étaient

pour 1987. Le secteur tertiaire augmentait ces probabilités pour ce dernier recensement.

Du côté des femmes, seul le secteur tertiaire était significatif tout en étant associé à une

plus forte propension au mariage mixte en 1987. Pour 1998, du secondaire à l’informel,

tous ces secteurs augmentent les probabilités pour une femme d’être en exogamie

linguistique.

4.5. En conclusion

Nous avons remarqué que pour l’ensemble des conjoints et pour les deux recensements

généraux, le groupe linguistique, le lieu de naissance, l’âge et l’éducation sont ressortis

très significatifs lors de l’analyse multivariée. En différenciant selon le genre, nous

constatons encore une fois que le groupe linguistique est un facteur très déterminant

pour contracter une union interlinguistique. L’analyse bivariée avait montré que les taux

de mariages mixtes enregistrés chez les personnes qui avaient comme langue maternelle

le bambara étaient les plus bas. Nous avions aussi remarqué que les taux de transferts

linguistiques vers le bambara qui avaient cours à Bamako ont connu une baisse durant

la décennie ce qui veut dire que de plus en plus de bamakois étaient socialisés en

bambara dès la tendre enfance. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi de plus en

plus de bamakois déclarent cette langue comme maternelle. Qui plus est, le

Page 125: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

125

comportement de l’individu en matière d’utilisation de sa propre langue maternelle

varie selon le groupe linguistique auquel il appartient. Cette notion d’appartenance est

importante et sensible, car subjective. Certaines communautés se sont révélées être

plus « conservatrices » que d’autres lorsque leurs membres sont locuteurs de la langue

du groupe à des taux non négligeables. Ces individus se reconnaîtront donc comme

affiliés à part entière à leur communauté d’où la grande valeur du groupe linguistique

comme déterminant proche du mariage exogame.

Le lieu de naissance semble être tout aussi important pour l’établissement d’une union

monogame et mixte à Bamako. De plus, nous avions vu dans les chapitres précédents

que le découpage linguistique au Mali était relié à l’emplacement géographique. En

effet, bien que le groupe linguistique le plus populaire soit le mandingue, ce dernier se

retrouve surtout à Bamako, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou. On peut aussi le

retrouver à Mopti en concurrence avec le peul. Dans les régions du Nord du pays, les

langues les plus utilisées sont le sonrhaï et le tamasheq. Dans un contexte de forte

migration vers la capitale, l’installation en ville confronte le nouveau venu à la diversité

linguistique bamakoise. Toutefois, dépendamment de son âge à l’arrivée et de la durée

de résidence en ville, l’imprégnation dans la culture d’origine est plus ou moins forte

ainsi que le sentiment d’appartenance à cette dernière. Ce qui nous ramène aux

comportements et préférences maritales. Cependant, ces derniers varient selon le genre

et dans le temps. Tandis que le fait de détenir une nationalité étrangère (autre que

malienne) ait eu très peu d’incidence sur la survenue de l’évènement (avec une

légèrement hausse en 1998) chez les hommes, nous notons une différence chez les

femmes pour 1998 uniquement (modèle 6), associée à une faible probabilité de

contracter une union mixte comparativement à celle qui serait née à Bamako

(coefficient = - 0,367 pour p ≤ 0,001).

L’instruction est un facteur décisif, mais sur ce point, les hommes et les femmes ont des

attitudes un peu différentes. En effet, les hommes doivent atteindre un certain niveau

d’éducation tandis que pour les femmes, il semble qu’elles acquièrent de plus grandes

chances de contracter un mariage interlinguistique dès qu’une certaine instruction est

Page 126: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

126

reçue, quel que soit le niveau. Une femme ayant au moins atteint le deuxième cycle de

la fondamentale verra ses chances de contracter une union mixte augmenter

comparativement à celle n’ayant reçu aucune instruction. Ce constat se renforce lorsque

le niveau d’études atteint est plus élevé.

Les comportements par rapport à l’âge sont différents selon le genre et l’année. Pour les

hommes, ce facteur semble important en 1987 et les personnes les plus à risque sont les

plus âgées. En 1998, seul le groupe d’âge 20-29 ans se différenciait des autres et

diminuait les probabilités d’un mariage mixte. De même, chez les femmes, les résultats

sont disparates selon le recensement, mais de manière plus étendue. Le groupe le moins

touché par l’évènement est encore une fois celui des 12-29 ans pour 1987 et 1998.

Donc, quel que soit le genre du conjoint, plus on est jeune et moins on a de chances de

contracter une union mixte et monogame à Bamako.

Les enjeux inhérents au secteur professionnel dépendent aussi du genre. Les hommes

sont plus sensibles aux unions mixtes lorsqu’ils travaillent dans les secteurs primaire,

tertiaire et informel avec un maintien dans le temps. En contrepartie, l’exogamie des

femmes semblait plutôt reliée au secteur tertiaire en 1987. Ceci change radicalement en

dix ans, car en 1998, cet évènement était influencé outre par le secteur tertiaire, mais

aussi par les secteurs secondaire et informel. Il faut noter que, bien que les femmes

soient très touchées par le chômage, le taux de non emploi chez elles a diminué entre

1987 et 1998. Leurs activités se sont du reste un peu plus variées au fil du temps surtout

avec la montée de l’éducation des jeunes filles.

Nous avons vu les résultats de nos analyses et leur synthèse. Que pouvons-nous donc

tirer de tous ces chiffres ? C’est ce que nous verrons dans la conclusion générale dans

laquelle nous ferons une interprétation du dénouement de nos analyses ainsi qu’une

discussion afin de tirer les enseignements adéquats à notre travail de recherche.

Page 127: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

127

Conclusion générale

Tout au long de notre analyse, nous avons constaté que les langues sont plus que des

instruments de communication. Elles n’existent pas sans les gens qui les parlent, et

l’histoire d’une langue est l’histoire de ses locuteurs (Calvet, 2009). Cet outil social est

aussi un enjeu considérable dans les rapports de force entre groupes de locuteurs. De ce

fait, il contribue à distinguer le groupe dominant du groupe dominé. Ces interactions

peuvent se retrouver entre des groupes de langues différentes ou à une plus petite

échelle, dans un ménage où les deux conjoints n’ont pas la même langue maternelle.

Dans un pareil cas, il s’installera une compétition entre les langues des époux. Laquelle

sera parlée dans le couple ?

Cette étude s’est centrée autour de la population de la ville de Bamako à partir de deux

bases de données brutes des recensements généraux conduits au Mali en 1987 et en

1998. Les résultats obtenus concernent les individus mariés et vivant en couple, dans un

ménage monogame à Bamako. Un des objectifs de cette recherche était d’explorer les

différentes communautés linguistiques présentes à Bamako et leur attitude envers le

mariage interlinguistique et ainsi, mesurer l’évolution des unions linguistiquement

mixtes à Bamako durant la période 1987-1998. Nos hypothèses de recherche postulaient

que la fréquence des unions mixtes sur le plan de la langue pourrait augmenter durant

cette décennie, mais aussi, que les chances d’accès au marché de l’intermariage seraient

inégalement réparties selon la communauté linguistique, le genre, le lieu de naissance,

l’âge, le niveau d’éducation du répondant ainsi que sa profession. Le deuxième volet de

l’étude est axé autour des principaux facteurs susceptibles d’influencer l’entrée en union

monogame et linguistiquement mixte à Bamako.

Notre première tâche a été de proposer un cadre théorique de notre problématique en

dressant en premier lieu le tableau multilinguiste du monde avec tous les enjeux qui s’y

rattachent. Nous avons ainsi pu nous rendre compte de la place de la langue dans les

interactions entre groupes de locuteurs. Notre deuxième exercice théorique a porté sur

les différents modèles familiaux et matrimoniaux qui ont cours, particulièrement en

Afrique et au Mali. Cette revue de littérature nous a permis de conclure que malgré la

Page 128: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

128

menace qui pèse sur elle suite à ses différentes restructurations, la famille africaine tient

toujours son rôle de gardienne des valeurs dans la société. Quant au mariage, il a subi de

nombreuses mutations et vacille encore entre tradition et modernité mais demeure une

institution dont on peut rarement prétendre pouvoir échapper. L’analyse des données de

recensements s’est faite quantitativement et a débuté par une description des conjoints

monogames de Bamako selon le genre, leur langue maternelle, leur niveau d’éducation

et leur activité professionnelle. Une étude plus approfondie passant par un choix

méthodique des variables a conduit à une analyse multivariée. Cette dernière partie a

réussi à mettre en avant certaines caractéristiques des individus étudiés.

S’agissant du rôle et de la place de la langue, nous savons qu’elle est le miroir

identitaire de l’Homme. Elle est la substance de sa culture et la mémoire de la société.

Sa maitrise donne à l’individu beaucoup de confort, lui assurant par là une bonne

expression dans toutes les situations, ainsi que le pouvoir de se faire écouter. Nous

sommes dès lors en présence de rapports de force intrinsèques aux usages de la langue.

Effectivement, parler une langue forte rend fort, tandis que parler une langue faible ou

dominée placera à son tour l’individu en position de dominé. Le choix d’une langue

plutôt qu’une autre met en évidence l’existence de certains rapports de force explicites

ou tacites entre les individus. De plus, les échanges linguistiques ou rapports de

communication sont aussi des rapports de pouvoir symbolique dans lesquels des

rapports de force s’adaptent continuellement entre les locuteurs. Ceci est l’élaboration

d’une économie des échanges symboliques, comme l’a avancé Bourdieu (1982). Ce

dernier a fondé sa théorie sur les habitus linguistiques et les structures du marché

linguistique. Toujours selon Bourdieu (1982), le discours n’a de complète signification

qu’en relation avec un marché. La valeur et le contenu du langage sont fonction de ce

marché et sont le reflet des modes d’interprétation de l’émetteur et du récepteur.

Cette théorie bourdieusienne a trouvé sa raison d’être dans le contexte de Bamako. En

effet, personne ne peut nier le contact de nombreuses langues dans cette ville et leurs

confrontations dans la mesure où plusieurs d’entre elles tenteraient encore d’y gagner

leur place, malgré la prédominance du bambara. À la longue, de nombreuses langues

Page 129: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

129

locales, si ce n’est toutes, pourraient être comparées à la langue véhiculaire, laquelle est

à son tour comparée à la langue officielle, le français. Effectivement, le français

cohabite partout avec d’autres langues. Dès lors, il est difficile de faire une

correspondance entre une frontière politique (un État), une nation et une langue (Calvet,

2005), ce qui nous ramène à Saussure (cité par Bourdieu, 1982 : 26) qui, si nous nous

rappelons bien, disait que la langue définit son espace et non le contraire. Dans un

contexte de plurilinguisme comme celui du Mali, les langues sont constamment en

contact et la ville est leur lieu de prédilection. En effet, l’urbanisation et les fortes

migrations acheminent vers les grandes agglomérations, différents groupes de locuteurs

chacun avec sa propre langue. Leur cohabitation dans une même cité crée un

plurilinguisme, mais ces populations seront toutefois amenées à s’intégrer dans la ville

et donc d’assimiler la langue de communication du milieu qui est la langue dominante.

Toutefois, il ne s’agira pas ici du français, mais du bambara dans le cas de Bamako.

L’urbanisation suscite un brassage linguistique ce qui rend nécessaire la mise en place

d’une forme véhiculaire et pousse à l’unification linguistique. La ville fonctionne ainsi

comme une pompe qui aspire du plurilinguisme et recrache du monolinguisme (Calvet,

2008).

Dans notre étude, nous avons vu que le bambara était la langue la plus répandue à

Bamako, que ce soit en 1987 ou en 1998. Malgré tout, le district malien vit un fort

plurilinguisme avec de nombreuses communautés linguistiques qui cohabitent ensemble

(peul, sonrhaï, soninké, kassonké, sénoufo, dogon, maure, tamasheq, bobo-dafing,

minianka, bozo). De plus, le bambara bénéficie de forts transferts linguistiques et les

autres communautés en pâtissent de façon plus ou moins importante. En effet, le

bambara constitue la seule langue à bénéficier de telles performances dans la capitale

malienne. Cette situation n’est d’ailleurs pas inattendue étant donné que le bambara est

la langue véhiculaire au Mali et en particulier à Bamako. Dans un pareil cas, l’individu

qui a l’usage d’une autre langue sera généralement confronté à la nécessité d’adopter la

langue véhiculaire de l’environnement à des fins de communication. Dès lors, ce

multilinguisme social peut se révéler conflictuel puisque le contact de plusieurs langues

peut causer des problèmes de communication sociale. Il peut arriver que les populations

Page 130: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

130

soient à un point, si confuses, que personne ne parle la langue de l’autre. Ces situations

sociologiques feront que les langues premières perdront de leur efficacité

communicationnelle (Calvet, 2009). D’autres exemples font état des difficultés de

communication entre des groupes homogènes, chacun avec sa propre langue et ne

parvenant pas à communiquer en dehors de sa propre communauté linguistique. Ce

même phénomène est observable dans plusieurs capitales ouest-africaines. C’est le cas

de Dakar, capitale du Sénégal, où le wolof est la langue véhiculaire.

Par ailleurs, nous avons remarqué que le mariage et la famille occupent encore

aujourd’hui une place centrale dans la société africaine, le premier menant au deuxième

et le deuxième donnant l’autorisation d’accéder au premier. Dès lors, l’union constitue

un grand enjeu, car c’est de là que se joue la perpétuation de certaines traditions ou

malheureusement leur négligence. Cette raison pourrait expliquer pourquoi certaines

communautés prennent les précautions nécessaires afin de réguler l’accès de ses

membres au marché de l’intermariage. Néanmoins, l’homogamie sociale (mesurée par

l’origine sociale) et l’homogamie culturelle (mesurée par le niveau d’instruction) ont

encore leur place dans les sociétés africaines. D’ailleurs, Borgadus cité par Streiff-

Fénart (2000) considère le mariage comme le stade ultime dans une échelle de distance

sociale. Dès lors, le mariage mixte peut être défini comme le point d’arrivée du

processus d’intégration des non-membres de la communauté prépondérante. Il traduit à

la fois leur admission dans le groupe majoritaire et leur propre renonciation aux normes

et traditions de leur groupe d’origine (Streiff-Fénart, 2000).

Les mariages interlinguistiques ont la particularité de mettre sur le tapis l’enjeu qui se

dissimule dans les règles de communication entre les conjoints. Effectivement, il ressort

des résultats de l’étude qu’à Bamako, la fréquence des unions mixtes n’a pas connu de

hausse entre 1987 et 1998 infirmant ainsi notre hypothèse qui avançait que les taux

d’intermariage augmenteraient durant la décennie à cause de la grande mobilité des

différents groupes. Toutefois, les chiffres (13,9% pour 1987 et 1998) doivent être

interprétés avec prudence. Du fait de la prédominance du bambara, nombreux sont ceux

qui ont tout simplement changé de communauté linguistique en devenant des bamanans

Page 131: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

131

(locuteurs du bambara) par le biais d’une socialisation dans cette langue. D’ailleurs, en

examinant la récurrence des mariages mixtes selon la langue maternelle16

de l’individu,

nous remarquons que les locuteurs du bambara sont les moins concernés par le mariage

interlinguistique.

En outre, les résultats de l’étude montrent que la langue vernaculaire est déterminante

dans l’entrée en union exogame. Ainsi, il a été noté qu’à Bamako, les individus

appartenant à d’autres groupes linguistiques étaient plus enclins à l’exogamie que les

Bambaras qui sont démographiquement majoritaires. Cependant, analysant les études

faites sur le sujet, Streiff-Fénart (2000) souligne que les fluctuations dans les

comportements matrimoniaux des groupes minoritaires ne dépendent pas d'un seul

facteur mais dépendent à la fois des conditions structurelles déterminant les positions

respectives des groupes dans la société, et des stratégies individuelles ou collectives des

acteurs. De ce fait, la taille du groupe en question est de la plus haute importance et est

en relation directe avec les fréquences des mariages mixtes. Plus un groupe est fort

démographiquement, plus il sera en mesure de maintenir l'intramariage (Streiff-Fénart,

2000), ce qui est tout à fait le cas du groupe linguistique mandingue auquel appartient le

bambara et le malinké. Notre hypothèse selon laquelle l’accès au marché du mariage

mixte dépendrait du groupe linguistique du répondant se trouve ainsi confirmée. De

façon inattendue, notre étude a montré que les conjoints des couples mixtes ne parlent

pas toujours la même langue. Cependant, lorsque la langue parlée17

par les deux époux

est la même, celle-ci est majoritairement la langue maternelle de la conjointe. Ce constat

pourrait avoir comme cause le fait que les femmes Bambaras sont majoritaires en ce qui

concerne les unions mixtes comparativement aux hommes Bambaras. Les conjoints qui

ont déclaré ne pas parler la même langue sont de l’ordre de 33,3% pour 1987 et 48,5%

pour 1998. Malheureusement, les éléments que nous avons en main ne nous permettent

pas d’explorer cette piste plus en avant et pourtant, ces époux pourraient très bien être

bilingues de même que leurs enfants. De plus, les futurs acteurs linguistiques que sont

16

La langue maternelle indique la langue parlée par la mère du répondant et par conséquent, celle dans

laquelle ce dernier a été socialisé dès l’enfance. C’est la première langue apprise par le répondant durant

son enfance. 17

La langue parlée est la langue la plus utilisée par le répondant dans la vie courante et peut être différente

de la langue maternelle.

Page 132: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

132

les enfants doivent aussi être pris en compte dans cette guerre des langues. Dans un

couple mixte, les langues transmises à l'enfant peuvent aussi constituer un enjeu entre

les conjoints, car la langue constitue un marqueur identitaire révélateur d'une continuité

ou non de la culture (Meintel et al, 2001).

De plus, le lieu de naissance a un impact sur la perception que les individus ont du

mariage mixte. Ce faisant, il a été noté que les natifs de Bamako sont ceux qui

s’engagent le plus dans les unions interlinguistiques comparativement à ceux qui sont

nés dans une autre région du Mali ou à l’extérieur du pays. Un tel phénomène contribue

à l’urbanisation de la langue. Ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle le lieu de

naissance influe sur les comportements matrimoniaux.

Par ailleurs, l’exogamie linguistique est peu présente chez les jeunes gens. Cependant,

l’âge ne semble pas avoir un impact particulier sur l’entrée en union mixte. En

procédant à une différenciation selon le genre, nous avons remarqué non seulement

l’écart d’âge entre hommes et femme qui, d’habitude, caractérise le mariage en Afrique,

mais aussi une certaine relation entre l’âge et l’exogamie interlinguistique. Il en ressort

que les hommes sont plus concernés par l’exogamie que les femmes, en particulier

lorsqu’ils sont plus âgés. Notre hypothèse sur l’âge du répondant trouve donc sa

validation pour certaines catégories seulement, selon le genre et l’année de recensement.

Le niveau d’éducation (aptitude à lire et écrire, niveau d’instruction) joue également un

rôle important dans les rapports des individus avec le mariage mixte ce qui confirme

notre postulat sur l’influence positive de l’éducation sur l’exogamie. Effectivement,

nous avons vu que d’une part, la connaissance du français et d’autre part, un certain

niveau d’instruction sont positivement associés à une probabilité de s’engager dans une

union mixte, indifféremment du genre et de l’année de recensement. Cette « ressource

conjugale » qu’est le niveau d’éducation détient une valeur naturellement relative par

rapport au partenaire et au groupe linguistique de référence (Varro, 1984). Il ressort des

analyses que les hommes sont confrontés à la nécessité d’acquérir un certain niveau

d’instruction (enseignement général, supérieur ou postuniversitaire) pour augmenter

Page 133: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

133

leurs probabilités d’entrer en union mixte. D’ailleurs, des études portant sur le pouvoir

conjugal ont fait remarquer que l’ascendance du mari croit en fonction de son niveau

d’instruction, son salaire et sa qualification professionnelle (Varro, 1984). Quant aux

femmes, quel que soit le niveau atteint, le plus décisif est d’en avoir acquis un, serait-ce

une éducation de base.

Aussi, le secteur professionnel a sa part, négative ou positive, dans l’accès au mariage

mixte. Le dernier point évoqué dans nos hypothèses de recherche avançait que le secteur

tertiaire pourrait favoriser les unions exogames, ce que confirment les analyses sur

l’ensemble des conjoints étudiés en 1987 comme en 1998. Chez les hommes, cette

validation se maintient, mais seulement pour 1987. Les analyses des données de 1998

montrent qu’au contraire, un homme qui exercerait une activité du secteur tertiaire verra

ses chances de connaître un mariage interlinguistique diminuer par rapport à celui qui

serait sans emploi, tout comme les secteurs primaire (1987 et 1998) et informel (1998).

Chez les femmes, l’hypothèse est vérifiée pour les deux recensements. Par ailleurs, une

femme avec un emploi du secteur secondaire ou informel en 1998, connaîtrait de plus

grandes probabilités de contracter une union mixte.

Avant de terminer, il est bon de préciser que nous avons étudié en parallèle deux bases

de données de deux années différentes afin de dégager l’effet du facteur temps. Nous

avons vu que les déterminants proches du mariage interlinguistique variaient d’un

recensement à un autre. Il faut savoir que le temps est capable d’agir en faveur de la

mixité matrimoniale. Dans ce cas, le temps exacerbe l’effet conjugué de plusieurs

facteurs dont l’affaiblissement du contrôle du groupe sur les comportements

matrimoniaux des jeunes, l’intériorisation de l’individualisme ainsi que les possibilités

plus grandes de rencontre (Streiff-Fénart, 2000). À l’issue de notre étude, nous

constatons que tous nos postulats n’ont pas trouvé une confirmation de ce qu’ils

avançaient. Néanmoins, ils nous ont permis de soulever certains points essentiels.

Ces résultats n’ont pas été obtenus sans quelques obstacles qui se sont présentés à nous

au fur et à mesure que nous avancions dans notre recherche. Certaines des limites que

Page 134: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

134

posaient les données de recensements, et que nous avions présentées dans le deuxième

chapitre, se sont finalement révélées utiles dans la mesure où elles nous ont poussées à

faire preuve de plus de rigueur et de prudence dans nos analyses et nos interprétations.

Rappelons qu’il s’agissait de manipuler des données brutes de recensements avec tous

les risques d’erreurs et de biais que cela impliquait. À certains moments, nous avons été

dans l’obligation de faire des choix tout en prenant soin de les fonder sur des résultats

fiables tels que les rapports des analyses des données de recensements fournis par

l’INSTAT18

. Néanmoins, les données de recensements sont reconnues pour être

exhaustives et extrêmement riches. Les avantages qu’elles offrent sont tels qu’ils

pallient rapidement aux désagréments qu’elles pourraient causer. Dans le cadre de cette

étude, elles nous ont permis d’avoir une vue d’ensemble sur les réalités linguistiques du

Mali et les stratégies de communication qui ont pris place dans la vie quotidienne des

individus.

Ce sujet de recherche est très large et peut être encore plus approfondi.

Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de littérature dans ce domaine. La

manipulation des données de recensements a aussi donné l’occasion de réfléchir sur

leurs avantages, mais surtout, sur les possibilités de les améliorer pour des recherches

futures. Il faudrait avant tout se pencher sur les questions posées au répondant et leur

profit. Certains volets de notre recherche n’ont pas pu être explorés faute d’informations

suffisantes sur le sujet. À titre d’exemple, il est difficile d’être certain de savoir si la

personne est bilingue et si oui, toutes les langues qu’elle parle. De même, il est difficile

voire impossible d’étudier parallèlement les parents et leurs enfants. La langue parlée

dans le quotidien est loin d’être une pratique neutre. Cet échange est un acte somme

toute banal de la vie quotidienne et pourtant, il est la résultante de rapports de force

entre les deux interlocuteurs. Le choix de la langue du couple ne se fera pas au hasard et

peut refléter, dans une certaine mesure, ce qui se passe à une plus grande échelle, sur le

plan national. Dans un environnement où le marché linguistique a déjà subi son

unification, la socialisation des enfants se fera très probablement dans la langue

véhiculaire, que cette dernière soit la langue des parents ou non. En quelques

18

Institut national de la Statistique du Mali.

Page 135: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

135

générations, il sera pratiquement impossible de distinguer les membres des différentes

communautés linguistiques. Or, des mesures incitatives devraient être mises en œuvre

afin que les enfants aient un environnement plurilinguiste, ce qui ne peut que leur être

bénéfique. Malheureusement, les écrits ne font pas beaucoup état des comportements

linguistiques envers les enfants des familles où les deux conjoints déclarent ne pas

parler la même langue. Dans le même état d’esprit, nous aurions souhaité traiter les

langues parlées par les enfants et les comparer à celles des parents. Pourquoi alors ne

pas aller vers des recensements généraux plus légers, en ne gardant que l’utile?

Page 136: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

136

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i

Annexes

Page 142: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

ii

Annexe A : Secteurs d’activité

Les différentes branches d’activité des conjoints ont été regroupées secteurs d’activité

comme suit :

Secteur primaire

Secteur secondaire

Secteur tertiaire Secteur informel

Branches d’activité

- Agriculture - Élevage - Pêche - Forêt

- Artisanat-Forge - Industrie

extractive et manufacturée

- Construction - Électricité, gaz,

eau

- Banque, assurance - Transport,

communication - Administration

publique, privée, internationale

- Autres services

- Commerce

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 143: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

iii

Annexe B1 : Les langues maternelles et parlées à Bamako en 1987 et

1998

Langues maternelles Langues parlées

1987 1998 1987 1998

Nombre de

locuteurs

% Nombre de

locuteurs

% Nombre de

locuteurs

% Nombre de

locuteurs

%

Bambara-Malinké Peul/Fulfulbe Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères

394308

27150

19390

23249

6771

5567

9596

1492

1297

9339

4996

2055

1600

4709

21103

60,7

4,2

3,0

3,6

1,0

,9

1,5

,2

,2

1,4

,8

,3

,2

,7

3,2

646736

41991

32186

42400

7508

7421

22051

1598

2543

14585

6616

3900

2497

5651

178471

63,6

4,1

3,2

4,2

,7

,7

2,2

,2

,3

1,4

,7

,4

,2

,6

17,6

437840

16162

14179

16346

3289

2079

5965

776

834

6252

2000

1070

577

2155

23102

67,4

2,5

2,2

2,5

,5

,3

,9

,1

,1

1,0

,3

,2

,1

,3

3,6

692303

30527

26092

35625

4810

3955

17554

996

1735

11525

3898

2811

1902

3617

178804

68,1

3,0

2,6

3,5

,5

,4

1,7

,1

,2

1,1

,4

,3

,2

,4

17,6

Total 649565 100,0 839604 100,0 513090 100,0 839774 100,0

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 144: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

iv

Annexe B2 : Taux de transferts linguistiques vers le bambara selon

la langue maternelle et nombre de personnes qui parlaient encore

leur langue maternelle en 1987 et 1998 chez les conjoints monogames

de Bamako

Année Langues maternelles et taux de transferts vers le bambara

Peul/Fulfulde

Bambara/Malinké Peul/Fulfulde

1987 1998

40,1 27,7

57,9 69,9

Sonrhaï/Djerma

Bambara/Malinké Sonrhaï

1987 1998

23,3 18,0

74,8 80,7

Maraka/Soninké

Bambara/Malinké Soninké

1987 1998

36,0 24,1

62,5 74,6

Kassonké

Bambara/Malinké Kassonké

1987 1998

53,2 43,8

44,8 53,6

Sénoufo

Bambara/Malinké Sénoufo

1987 1998

54,4 46,4

44,1 52,7

Dogon

Bambara/Malinké Dogon

1987 1998

29,0 17,0

70,0 82,0

Maure

Bambara/Malinké Maure

1987 1998

43,0 44,3

51,2 48,4

Tamasheq

Bambara/Malinké Tamasheq

1987 1998

19,9 21,5

72,9 71,3

Bobo-Dafing

Bambara/Malinké Bobo-Dafing

1987 1998

26,6 19,1

72,6 79,5

Minianka

Bambara/Malinké Minianka

1987 1998

54,2 46,1

44,9 50,9

Bozo

Bambara/Malinké Bozo

1987 1998

42,6 28,3

53,6 68,3

Autres langues du Mali

Bambara/Malinké Autres langues du Mali

1987 1998

63,5 43,8

31,3 50,4

Autres langues africaines

Bambara/Malinké Autres langues africaines

1987 1998

50,4 34,1

39,9 57,9

Autres langues étrangères

Bambara/Malinké Autres langues étrangères

1987 1998

7,0 20,6

90,6 71,6

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 145: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

v

Annexe B3 : Répartition des unions mixtes chez les conjoints

monogames de Bamako en 1987 et 1998 selon la communauté

linguistique et le genre (en pourcentages)

Année Pourcentage de mariages linguistico-exogames selon la langue maternelle et le genre

Bambara/Malinké

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

6 6

9,5 9,5

7,8 7,7

Peul/Fulfulde

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

35,6 35

33,3 31,1

34,5 33,1

Sonrhaï/Djerma

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

22,1 27,6

24,7 24,2

23,4 26

Maraka/Soninké

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

41,5 31,5

28,2 21,5

35,5 26,8

Kassonké

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

58,2 58,9

46,4 44,2

53 52,7

Sénoufo

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

47,3 53,5

22,7 26,9

37,3 43,1

Dogon

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

16,5 19,3

10,3 12

13,5 15,8

Maure

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

55,3 64,2

47,3 58,5

51,6 61,5

Tamasheq

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

26,8 30,4

29,7 35

28,3 32,8

Bobo-Dafing

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

13,3 20,9

9,2 15,2

11,3 18,2

Minianka

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

45,1 57,1

23,9 32,8

36,2 47,6

Bozo

Hommes Femmes %Total de mariages exogames

1987 1998

38,8 39,6

31 25,9

35,1 33,5

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 146: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

vi

Annexe B4 : Lieu de naissance des conjoints monogames de Bamako

selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en

pourcentages)

RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Lie

u d

e n

ais

san

ce d

u r

ép

on

da

nt Kayes

Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger

77,4

92,3

85,4

88,1

79,7

80,1

85,5

71,9

22,6

7,7

14,6

11,9

20,3

19,9

14,5

28,1

81,2

92,1

85,9

88,0

79,8

78,1

87,4

78,8

18,8

7,9

14,1

12,0

20,2

21,9

12,6

21,2

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Lie

u d

e n

ais

san

ce d

u r

ép

on

da

nt Kayes

Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger

81,0

91,8

89,7

89,0

83,2

78,1

82,2

73,8

19,0

8,2

10,3

11,0

16,8

21,9

17,8

26,2

84,2

91,0

89,5

88,6

84,6

80,0

84,9

80,9

15,8

9,0

10,5

11,4

15,4

20,0

15,1

19,1

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 147: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

vii

Annexe B5 : L’âge du répondant chez les conjoints monogames de

Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en

pourcentages)

RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Le

gro

up

e d

’âg

e d

es

co

njo

ints

12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+

86,3

89,7

85,7

86,6

85,2

82,9

13,8

10,3

14,3

13,4

14,8

17,1

85,5

89,3

86,1

84,6

86,3

86,4

14,5

10,7

13,9

15,4

13,7

13,6

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Le g

rou

pe

d’â

ge d

es

co

njo

inte

s

12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+

91,0

86,3

84,9

84,0

83,7

85,7

9,0

13,7

15,1

16,0

16,3

14,3

90,0

86,4

84,6

85,2

86,4

86,4

10,0

13,6

15,4

14,8

13,6

13,6

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 148: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

viii

Annexe B6 : Le niveau d’instruction des conjoints monogames de

Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en

pourcentages)

RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Le

niv

eau

d’in

str

ucti

on

Aucune d’instruction Fondamental 1

er cycle

Fondamental 2

nd cycle

Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire

89,8

84,7

83,6

76,5

71,4

10,2

15,3

16,4

23,5

28,6

89,9

86,7

84,4

79,7

73,6

10,1

13,3

15,6

20,3

26,4

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Le

niv

eau

d’in

str

ucti

on

Aucune d’instruction Fondamental 1

er cycle

Fondamental 2

nd cycle

Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire

89,8

81,7

76,4

70,9

66,9

10,2

18,3

23,6

29,1

33,1

89,7

83,8

80,0

73,1

69,8

10,3

16,2

20,0

26,9

30,2

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et 1998

Page 149: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

ix

Annexe B7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints

monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le

type d’union (en pourcentages)

RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Sans emploi

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

84,4

92,8

88,7

83,6

88,9

15,6

7,2

11,3

16,4

11,1

84,8

88,5

87,3

84,0

88,4

15,2

11,5

12,7

16,0

11,6

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ

1987 1998

Endogame Exogame Endogame Exogame

Secte

ur

d’a

cti

vit

é Sans emploi

Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel

87,3

91,5

85,5

71,9

87,9

12,7

8,5

14,5

28,1

12,1

87,4

88,6

79,6

74,0

86,2

12,6

13,4

20,4

26,0

13,8

Total (N)

86,1 (36462)

13,9 (5895)

86,1 (72869)

13,9 (11802)

Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998

Page 150: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

x

Annexe C1 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1987) Modèle 1 : sexe et groupe linguistique

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme ,041 ,021 3,978 1 ,046 1,042

Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)

2,305

,129

4843,129

320,359

6

1

,000

,000

10,028

Peul (Centre) 1,300 ,028 2107,185 1 ,000 3,671

Voltaïque (Sud) 1,701 ,043 1545,594 1 ,000 5,477

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,179 ,066 7,468 1 ,006 1,196

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,069 ,038 796,981 1 ,000 2,913

Autres langues 1,941 ,046 1813,337 1 ,000 6,963

Constante -2,259 ,017 17699,170 1 ,000 ,104

Modèle 2 : sexe et lieu de naissance

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

-,021 ,020 1,233 1 ,267 ,979

Lieu de naissance Kayes

,295

,033

1502,864

80,273

7

1

,000

,000

1,344

Koulikoro -,825 ,031 692,715 1 ,000 ,438

Sikasso -,303 ,035 74,688 1 ,000 ,739

Ségou -,417 ,034 148,209 1 ,000 ,659

Mopti ,151 ,039 14,607 1 ,000 1,163

Nord ,296 ,039 56,431 1 ,000 1,344

Étranger ,639 ,124 40,447 1 ,000 1,895

Constante -1,617 ,022 5245,032 1 ,000 ,199

Modèle 3 : sexe et groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Groupe d’âge

,137

,023 37,229

196,285

1

5

,000

,000

1,147

12-19 ans -,804 ,067 146,159 1 ,000 ,447

20-29 ans -,378 ,047 63,737 1 ,000 ,685

30-39 ans -,190 ,044 18,273 1 ,000 ,827

40-49 ans -,214 ,047 20,836 1 ,000 ,807

50-59 ans -,126 ,053 5,666 1 ,017 ,882

Constante -1,631 ,041 1585,675 1 ,000 ,196

Page 151: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xi

Modèle 4 : sexe et niveau d’instruction Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Éducation

,138 ,021 44,794

2282,133

1

4

,000

,000

1,147

Fondamentale 1 ,578 ,030 379,325 1 ,000 1,782

Fondamentale 2 ,791 ,033 591,047 1 ,000 2,205

Général 1,123 ,030 1397,669 1 ,000 3,074

Supérieur 1,347 ,043 969,269 1 ,000 3,847

Constante -2,247 ,018 15544,264 1 ,000 ,106

Modèle 5 : sexe et secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Secteur d’activité

,232 ,029 64,414

652,558

1

4

,000

,000

1,261

Primaire -,452 ,073 38,634 1 ,000 ,637

Secondaire ,052 ,047 1,243 1 ,265 1,054

Tertiaire ,565 ,031 332,418 1 ,000 1,759

Informel -,024 ,037 ,424 1 ,515 ,976

Constante -2,108 ,030 4901,937 1 ,000 ,122

Page 152: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xii

Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur

professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Groupe linguistique

,366 ,032 134,831

4332,073

1

6

,000

,000

1,442

Maure(Nord-Ouest) 2,668 ,137 381,006 1 ,000 14,408

Peul (Centre) 1,576 ,035 1976,766 1 ,000 4,837

Voltaïque (Sud) 1,948 ,050 1491,935 1 ,000 7,018

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,424 ,071 35,922 1 ,000 1,528

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,803 ,061 878,739 1 ,000 6,065

Autres langues Lieu de naissance

1,829 ,050 1327,770

853,647

1

7

,000

,000

6,230

Kayes ,316 ,035 79,108 1 ,000 1,371

Koulikoro -,442 ,033 173,866 1 ,000 ,643

Sikasso -,446 ,042 111,578 1 ,000 ,640

Ségou -,279 ,038 53,100 1 ,000 ,756

Mopti -,675 ,049 192,310 1 ,000 ,509

Nord -,987 ,061 265,154 1 ,000 ,373

Étranger Groupe d’âge

,026 ,115 ,050

291,626

1

5

,823

,000

1,026

12-19 ans -1,016 ,070 207,962 1 ,000 ,362

20-29 ans -,645 ,052 154,237 1 ,000 ,525

30-39 ans -,531 ,050 113,920 1 ,000 ,588

40-49 ans -,398 ,052 58,980 1 ,000 ,672

50-59 ans Éducation

-,218 ,057 14,528

1167,109

1

4

,000

,000

,804

Fondamentale 1 ,609 ,032 365,337 1 ,000 1,839

Fondamentale 2 ,809 ,036 508,613 1 ,000 2,247

Général ,949 ,036 707,463 1 ,000 2,584

Supérieur Secteur d’activité

1,029 ,049 433,413

101,991

1

4

,000

,000

2,798

Primaire -,407 ,075 29,375 1 ,000 ,666

Secondaire ,028 ,049 ,335 1 ,553 1,029

Tertiaire ,205 ,035 34,224 1 ,000 1,227

Informel -,038 ,039 ,958 1 ,328 ,963

Constante -2,123 ,052 1641,294 1 ,000 ,120

Page 153: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xiii

Annexe C2 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

les conjoints en union monogame à Bamako (1987)

Modèle 1 : groupe linguistique Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe linguistique

Maure(Nord-Ouest)

2,580

,176 3458,793 214,408

6 1

,000 ,000

13,197

Peul (Centre) 1,516 ,040 1461,363 1 ,000 4,556

Voltaïque (Sud) 2,217 ,056 1592,888 1 ,000 9,180

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,491 ,086 32,517 1 ,000 1,635

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,125 ,055 413,625 1 ,000 3,080

Autres langues 2,181 ,063 1199,713 1 ,000 8,854

Constante -2,367 ,020 14117,927 1 ,000 ,094

Modèle 2 : lieu de naissance Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Lieu de naissance

Kayes

,544

,047 849,507 132,901

7 1

,000 ,000

1,722

Koulikoro -,709 ,047 231,024 1 ,000 ,492

Sikasso ,013 ,048 ,067 1 ,796 1,013

Ségou -,230 ,049 21,858 1 ,000 ,794

Mopti ,408 ,056 53,478 1 ,000 1,504

Nord ,382 ,059 42,475 1 ,000 1,465

Étranger ,836 ,144 33,584 1 ,000 2,308

Constante -1,775 ,031 3306,363 1 ,000 ,169

Modèle 3 : groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe d’âge

12-19 ans

-,258

,328 91,814

,621 5 1

,000 ,431

,772

20-29 ans -,586 ,064 82,643 1 ,000 ,557

30-39 ans -,210 ,049 18,500 1 ,000 ,810

40-49 ans -,291 ,052 31,104 1 ,000 ,748

50-59 ans -,173 ,059 8,697 1 ,003 ,841

Constante -1,578 ,044 1292,036 1 ,000 ,206

Page 154: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xiv

Modèle 4 : niveau d’instruction

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Éducation

Fondamentale 1

,462

,044 1060,481 109,648

4 1

,000 ,000

1,587

Fondamentale 2 ,545 ,049 122,478 1 ,000 1,724

Général ,992 ,039 637,959 1 ,000 2,696

Supérieur 1,256 ,050 629,993 1 ,000 3,512

Constante -2,172 ,020 11457,379 1 ,000 ,114

Modèle 5 : secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Secteur d’activité

Primaire

-,865

,080 317,587 117,979

4 1

,000 ,000

,421

Secondaire -,368 ,057 42,197 1 ,000 ,692

Tertiaire ,066 ,046 2,070 1 ,150 1,068

Informel -,387 ,056 47,863 1 ,000 ,679

Constante -1,692 ,042 1659,952 1 ,000 ,184

Page 155: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xv

Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur

professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe linguistique

Maure(Nord-Ouest)

2,983

,190 3070,705 247,595

6 1

,000 ,000

19,742

Peul (Centre) 1,745 ,050 1207,418 1 ,000 5,728

Voltaïque (Sud) 2,502 ,068 1372,646 1 ,000 12,206

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,710 ,094 56,795 1 ,000 2,034

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,934 ,089 475,675 1 ,000 6,918

Autres langues Lieu de naissance

2,152 ,069 973,712

526,554

1

7

,000

,000

8,598

Kayes ,546 ,051 112,926 1 ,000 1,726

Koulikoro -,323 ,050 41,435 1 ,000 ,724

Sikasso -,371 ,062 41,485 1 ,000 ,690

Ségou -,166 ,056 8,764 1 ,003 ,847

Mopti -,541 ,069 61,418 1 ,000 ,582

Nord -1,022 ,089 131,850 1 ,000 ,360

Étranger Groupe d’âge

,143 ,170 ,707

120,667

1

5

,400

,000

1,154

12-19 ans -,586 ,355 2,730 1 ,098 ,556

20-29 ans -,745 ,074 100,119 1 ,000 ,475

30-39 ans -,493 ,061 66,088 1 ,000 ,611

40-49 ans -,458 ,063 53,498 1 ,000 ,633

50-59 ans Éducation

-,231 ,066 12,190

565,819

1

4

,000

,000

,794

Fondamentale 1 ,496 ,048 106,955 1 ,000 1,642

Fondamentale 2 ,614 ,055 125,549 1 ,000 1,848

Général ,907 ,046 388,049 1 ,000 2,477

Supérieur Secteur d’activité

1,035 ,058 318,529

91,708

1

4

,000

,000

2,814

Primaire -,568 ,087 42,833 1 ,000 ,567

Secondaire -,057 ,065 ,756 1 ,385 ,945

Tertiaire ,103 ,056 3,421 1 ,064 1,109

Informel -,141 ,065 4,692 1 ,030 ,869

Constante -2,183 ,065 1120,447 1 ,000 ,113

Page 156: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xvi

Annexe C3 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

les conjointes en union monogame à Bamako (1987)

Modèle 1 : groupe linguistique Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe linguistique

Maure(Nord-Ouest)

2,016

,190 1586,606 112,470

6 1

,000 ,000

7,508

Peul (Centre) 1,089 ,041 714,643 1 ,000 2,972

Voltaïque (Sud) ,931 ,075 153,054 1 ,000 2,537

Bobo-Dafing (Sud-Est) -,161 ,102 2,481 1 ,115 ,851

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,023 ,052 386,893 1 ,000 2,783

Autres langues 1,698 ,066 653,642 1 ,000 5,464

Constante -2,123 ,018 14160,546 1 ,000 ,120

Modèle 2 : lieu de naissance

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Lieu de naissance

Kayes

,077

,047 772,619

2,635 7 1

,000 ,105

1,080

Koulikoro -,890 ,043 432,778 1 ,000 ,411

Sikasso -,629 ,053 139,951 1 ,000 ,533

Ségou -,559 ,049 132,204 1 ,000 ,572

Mopti -,071 ,057 1,562 1 ,211 ,931

Nord ,256 ,053 22,913 1 ,000 1,292

Étranger ,494 ,169 12,398 1 ,000 1,639

Constante -1,530 ,024 3925,074 1 ,000 ,217

Modèle 3 : groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe d’âge

12-19 ans

-,521

,121 133,074 18,512

5 1

,000 ,000

,594

20-29 ans -,050 ,112 ,196 1 ,658 ,951

30-39 ans ,061 ,113 ,286 1 ,593 1,062

40-49 ans ,130 ,117 1,229 1 ,268 1,139

50-59 ans ,151 ,129 1,357 1 ,244 1,163

Constante -1,788 ,110 263,015 1 ,000 ,167

Page 157: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xvii

Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Éducation

Fondamentale 1

,674

,040 1310,978 282,590

4 1

,000 ,000

1,961

Fondamentale 2 ,996 ,044 523,491 1 ,000 2,708

Général 1,279 ,047 752,432 1 ,000 3,593

Supérieur 1,468 ,088 277,700 1 ,000 4,342

Constante -2,171 ,019 13025,985 1 ,000 ,114

Modèle 5 : secteur professionnel

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Secteur d’activité

Primaire

-,450

,331 611,352

1,848 4 1

,000 ,174

,638

Secondaire ,158 ,142 1,240 1 ,266 1,171

Tertiaire ,990 ,041 590,868 1 ,000 2,692

Informel -,058 ,052 1,246 1 ,264 ,944

Constante -1,930 ,016 14191,895 1 ,000 ,145

Page 158: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xviii

Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)

2,370

,199

1380,946 142,016

6 1

,000 ,000

10,700

Peul (Centre) 1,418 ,051 787,509 1 ,000 4,130

Voltaïque (Sud) 1,154 ,083 192,490 1 ,000 3,170

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,129 ,109 1,405 1 ,236 1,138

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,691 ,084 406,319 1 ,000 5,427

Autres langues Lieu de naissance

1,518 ,074 415,836

365,278

1

7

,000

,000

4,562

Kayes ,130 ,051 6,662 1 ,010 1,139

Koulikoro -,496 ,046 117,960 1 ,000 ,609

Sikasso -,499 ,060 69,652 1 ,000 ,607

Ségou -,348 ,053 42,286 1 ,000 ,706

Mopti -,768 ,070 121,324 1 ,000 ,464

Nord -,910 ,083 119,648 1 ,000 ,403

Étranger Groupe d’âge

-,012 ,157 ,006

150,629

1

5

,939

,000

,988

12-19 ans -,658 ,126 27,100 1 ,000 ,518

20-29 ans -,272 ,118 5,337 1 ,021 ,762

30-39 ans -,214 ,119 3,239 1 ,072 ,807

40-49 ans ,092 ,123 ,564 1 ,453 1,097

50-59 ans Éducation

,120 ,135 ,778

555,678

1

4

,378

,000

1,127

Fondamentale 1 ,692 ,043 257,911 1 ,000 1,998

Fondamentale 2 ,937 ,049 367,491 1 ,000 2,552

Général ,932 ,062 223,504 1 ,000 2,540

Supérieur Secteur d’activité

,866 ,103 70,534

31,682

1

4

,000

,000

2,376

Primaire -,364 ,348 1,093 1 ,296 ,695

Secondaire -,133 ,148 ,800 1 ,371 ,876

Tertiaire ,304 ,057 28,830 1 ,000 1,355

Informel

,016 ,054 ,088 1 ,767 1,016

Constante -2,017 ,118 290,361 1 ,000 ,133

Page 159: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xix

Annexe C4 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1998)

Modèle 1 : sexe et groupe linguistique

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Groupe linguistique

,042 ,015 8,230

11651,326

1

6

,004

,000

1,043

Maure(Nord-Ouest) 2,750 ,104 701,310 1 ,000 15,647

Peul (Centre) 1,296 ,020 4353,863 1 ,000 3,656

Voltaïque (Sud) 2,094 ,034 3806,727 1 ,000 8,118

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,774 ,045 295,408 1 ,000 2,169

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,256 ,026 2280,767 1 ,000 3,512

Autres langues 2,412 ,036 4507,525 1 ,000 11,161

Constante -2,301 ,012 36110,517 1 ,000 ,100

Modèle 2 : sexe et lieu de naissance

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Lieu de naissance

-,011 ,014 ,648

1698,304

1

7

,421

,000

,989

Kayes ,260 ,025 106,286 1 ,000 1,297

Koulikoro -,571 ,025 536,347 1 ,000 ,565

Sikasso -,129 ,026 23,945 1 ,000 ,879

Ségou -,206 ,024 71,692 1 ,000 ,814

Mopti ,286 ,027 113,059 1 ,000 1,332

Nord ,489 ,030 266,778 1 ,000 1,630

Étranger ,428 ,027 243,836 1 ,000 1,535

Constante -1,806 ,014 16263,950 1 ,000 ,164

Modèle 3 : sexe et groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Groupe d’âge

,089 ,016 31,998

236,405

1

5

,000

,000

1,093

12-19 ans -,418 ,048 77,056 1 ,000 ,659

20-29 ans -,106 ,033 10,078 1 ,002 ,900

30-39 ans ,056 ,031 3,236 1 ,072 1,057

40-49 ans ,117 ,032 13,286 1 ,000 1,124

50-59 ans -,003 ,037 ,007 1 ,935 ,997

Constante -1,865 ,029 4279,684 1 ,000 ,155

Page 160: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xx

Modèle 4 : sexe et niveau d’instruction Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Éducation

,162 ,015 123,742

3614,871

1

4

,000

,000

1,176

Fondamentale 1 ,434 ,020 473,545 1 ,000 1,543

Fondamentale 2 ,648 ,021 947,919 1 ,000 1,912

Général ,980 ,022 1915,946 1 ,000 2,663

Supérieur 1,247 ,026 2251,594 1 ,000 3,480

Constante -2,266 ,014 27640,749 1 ,000 ,104

Modèle 5 : sexe et secteur professionnel

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Secteur d’activité

,192 ,020 91,151

633,045

1

4

,000

,000

1,212

Primaire -,028 ,035 ,673 1 ,412 1,029

Secondaire ,181 ,030 36,091 1 ,000 1,198

Tertiaire ,487 ,023 462,297 1 ,000 1,628

Informel ,046 ,025 3,331 1 ,068 1,047

Constante -2,074 ,021 9907,540 1 ,000 ,126

Page 161: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxi

Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur

professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Femme

Groupe linguistique

,287 ,022 167,470

10067,992

1

6

,000

,000

1,332

Maure(Nord-Ouest) 2,905 ,108 729,745 1 ,000 18,261

Peul (Centre) 1,558 ,024 4381,977 1 ,000 4,748

Voltaïque (Sud) 2,216 ,037 3495,621 1 ,000 9,166

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,973 ,048 409,856 1 ,000 2,647

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,656 ,038 1868,023 1 ,000 5,236

Autres langues Lieu de naissance

2,316 ,042 3055,125

808,197

1

7

,000

,000

10,134

Kayes ,239 ,027 78,069 1 ,000 1,270

Koulikoro -,269 ,026 106,553 1 ,000 ,764

Sikasso -,356 ,031 131,523 1 ,000 ,700

Ségou -,213 ,027 63,051 1 ,000 ,808

Mopti -,523 ,032 265,531 1 ,000 ,593

Nord -,669 ,043 243,297 1 ,000 ,512

Étranger Groupe d’âge

-,256 ,034 57,368

121,183

1

5

,000

,000

,774

12-19 ans -,521 ,051 106,254 1 ,000 ,594

20-29 ans -,260 ,036 51,024 1 ,000 ,771

30-39 ans -,185 ,034 28,683 1 ,000 ,831

40-49 ans -,158 ,036 19,540 1 ,000 ,854

50-59 ans Éducation

-,135 ,040 11,450

2488,195

1

4

,001

,000

,874

Fondamentale 1 ,537 ,021 627,306 1 ,000 1,710

Fondamentale 2 ,726 ,023 1005,216 1 ,000 2,066

Général ,969 ,025 1459,299 1 ,000 2,634

Supérieur Secteur d’activité

1,084 ,030 1295,370

34,059

1

4

,000

,000

2,956

Primaire -,023 ,036 ,400 1 ,527 ,977

Secondaire ,141 ,032 19,394 1 ,000 1,151

Tertiaire ,091 ,025 12,691 1 ,000 1,095

Informel ,004 ,027 ,020 1 ,889 1,004

Constante -2,552 ,036 4996,812 1 ,000 ,078

Page 162: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxii

Annexe C5 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

les conjoints en union monogame à Bamako (1998)

Modèle 1 : groupe linguistique

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe linguistique

Maure(Nord-Ouest)

3,002

,144 7875,445 435,039

6 1

,000 ,000

20,124

Peul (Centre) 1,568 ,027 3310,668 1 ,000 4,798

Voltaïque (Sud) 2,629 ,044 3561,084 1 ,000 13,855

Bobo-Dafing (Sud-Est) 1,089 ,060 331,494 1 ,000 2,970

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,467 ,037 1596,857 1 ,000 4,336

Autres langues 2,440 ,052 2172,019 1 ,000 11,476

Constante -2,420 ,014 28794,551 1 ,000 ,089

Modèle 2 : lieu de naissance

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Lieu de naissance 1245,396 7 ,000

Kayes ,472 ,034 189,007 1 ,000 1,604

Koulikoro -,515 ,036 208,586 1 ,000 ,597

Sikasso ,130 ,035 13,814 1 ,000 1,139

Ségou -,055 ,034 2,566 1 ,109 ,947

Mopti ,560 ,037 229,545 1 ,000 1,751

Nord ,666 ,042 254,660 1 ,000 1,947

Étranger ,620 ,040 238,780 1 ,000 1,859

Constante -1,935 ,019 10896,926 1 ,000 ,144

Modèle 3 : groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe d’âge

12-19 ans

,078

,264 116,763

,086 5 1

,000 ,769

1,081

20-29 ans -,277 ,047 34,140 1 ,000 ,758

30-39 ans ,024 ,035 ,476 1 ,490 1,025

40-49 ans ,143 ,036 15,933 1 ,000 1,154

50-59 ans ,007 ,041 ,030 1 ,863 1,007

Constante -1,850 ,031 3497,184 1 ,000 ,157

Page 163: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxiii

Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Education

Fondamentale 1

,317

,030 1781,193 109,283

4 1

,000 ,000

1,373

Fondamentale 2 ,503 ,030 271,984 1 ,000 1,653

Général ,821 ,030 751,851 1 ,000 2,273

Supérieur 1,165 ,031 1447,608 1 ,000 3,205

Constante -2,188 ,016 18770,809 1 ,000 ,112

Modèle 5 : secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Secteur d’activité

Primaire

271,792 4 ,000

Secondaire -,323 ,045 50,559 1 ,000 ,724

Tertiaire -,214 ,037 32,710 1 ,000 ,807

Informel ,058 ,032 3,278 1 ,070 1,060

Primaire -,312 ,036 74,705 1 ,000 ,732

Constante -1,717 ,028 3693,332 1 ,000 ,180

Page 164: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxiv

Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)

3,112

,149

6845,097 438,516

6 1

,000 ,000

22,462

Peul (Centre) 1,805 ,033 2971,746 1 ,000 6,080

Voltaïque (Sud) 2,767 ,050 3095,312 1 ,000 15,911

Bobo-Dafing (Sud-Est) 1,260 ,064 386,050 1 ,000 3,525

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,926 ,055 1219,604 1 ,000 6,863

Autres langues Lieu de naissance

2,413 ,060 1614,175

519,241

1

7

,000

,000

11,172

Kayes ,446 ,037 141,875 1 ,000 1,562

Koulikoro -,171 ,038 20,212 1 ,000 ,843

Sikasso -,313 ,044 51,510 1 ,000 ,731

Ségou -,128 ,039 11,029 1 ,001 ,880

Mopti -,411 ,045 84,966 1 ,000 ,663

Nord -,708 ,061 134,043 1 ,000 ,493

Étranger Groupe d’âge

-,091 ,050 3,325

35,814

1

5

,068

,000

,913

12-19 ans ,184 ,286 ,416 1 ,519 1,202

20-29 ans -,272 ,054 25,207 1 ,000 ,762

30-39 ans -,075 ,042 3,121 1 ,077 ,928

40-49 ans -,028 ,043 ,434 1 ,510 ,972

50-59 ans Education

-,057 ,047 1,497

1176,295

1

4

,221

,000

,944

Fondamentale 1 ,461 ,033 193,421 1 ,000 1,585

Fondamentale 2 ,642 ,034 363,345 1 ,000 1,900

Général ,857 ,034 637,587 1 ,000 2,357

Supérieur Secteur d’activité

1,041 ,036 850,159

46,339

1

4

,000

,000

2,831

Primaire -,243 ,051 22,929 1 ,000 ,784

Secondaire -,063 ,044 2,062 1 ,151 ,939

Tertiaire -,137 ,038 12,804 1 ,000 ,872

Informel -,230 ,042 29,615 1 ,000 ,795

Constante -2,588 ,045 3330,878 1 ,000 ,075

Page 165: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxv

Annexe C6 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour

les conjointes en union monogame à Bamako (1998)

Modèle 1 : groupe linguistique

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe linguistique

Maure(Nord-Ouest)

2,498

,151 4084,083 275,243

6 1

,000 ,000

12,153

Peul (Centre) 1,020 ,029 1262,339 1 ,000 2,772

Voltaïque (Sud) 1,292 ,058 492,517 1 ,000 3,642

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,438 ,069 40,152 1 ,000 1,550

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,056 ,038 777,348 1 ,000 2,875

Autres langues 2,392 ,050 2331,196 1 ,000 10,934

Constante -2,156 ,013 29042,837 1 ,000 ,116

Modèle 2 : lieu de naissance

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Lieu de naissance

Kayes

,054

,038 666,747

1,980 7 1

,000 ,159

1,055

Koulikoro -,584 ,034 289,972 1 ,000 ,558

Sikasso -,419 ,042 100,631 1 ,000 ,658

Ségou -,325 ,035 85,730 1 ,000 ,723

Mopti ,017 ,040 ,174 1 ,676 1,017

Nord ,340 ,043 61,774 1 ,000 1,405

Étranger ,278 ,038 54,308 1 ,000 1,321

Constante -1,724 ,015 13015,360 1 ,000 ,178

Modèle 3 : groupe d’âge

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Groupe d’âge

12-19 ans

-,356

,076 165,965 21,622

5 1

,000 ,000

,701

20-29 ans -,002 ,069 ,001 1 ,973 ,998

30-39 ans ,144 ,069 4,322 1 ,038 1,155

40-49 ans ,096 ,072 1,751 1 ,186 1,100

50-59 ans ,000 ,081 ,000 1 ,997 1,000

Constante -1,847 ,067 754,218 1 ,000 ,158

Page 166: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxvi

Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a Éducation

Fondamentale 1

,522

,026 1965,029 390,054

4 1

,000 ,000

1,686

Fondamentale 2 ,774 ,029 709,099 1 ,000 2,169

Général 1,163 ,034 1186,448 1 ,000 3,199

Supérieur 1,324 ,054 596,488 1 ,000 3,757

Constante -2,163 ,014 22865,560 1 ,000 ,115

Modèle 5 :secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Secteur d’activité Primaire

,067

,060

758,493 1,246

4 1

,000 ,264

1,069

Secondaire ,570 ,070 67,170 1 ,000 1,768

Tertiaire ,884 ,033 712,989 1 ,000 2,421

Informel ,103 ,039 6,885 1 ,009 1,108

Constante -1,933 ,011 28459,962 1 ,000 ,145

Page 167: LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de

xxvii

Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)

2,698

,157

3394,266 295,486

6 1

,000 ,000

14,847

Peul (Centre) 1,319 ,034 1514,008 1 ,000 3,739

Voltaïque (Sud) 1,420 ,062 519,670 1 ,000 4,136

Bobo-Dafing (Sud-Est) ,676 ,074 83,891 1 ,000 1,965

Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,423 ,054 704,517 1 ,000 4,148

Autres langues Lieu de naissance

2,234 ,059 1450,705

365,484

1

7

,000

,000

9,338

Kayes ,051 ,040 1,570 1 ,210 1,052

Koulikoro -,305 ,036 71,139 1 ,000 ,737

Sikasso -,386 ,046 70,689 1 ,000 ,679

Ségou -,263 ,038 47,562 1 ,000 ,769

Mopti -,626 ,047 176,151 1 ,000 ,535

Nord -,613 ,061 102,183 1 ,000 ,542

Étranger Groupe d’âge

-,367 ,046 62,525

65,139

1

5

,000

,000

,693

12-19 ans -,436 ,081 29,031 1 ,000 ,647

20-29 ans -,170 ,074 5,345 1 ,021 ,843

30-39 ans -,125 ,074 2,820 1 ,093 ,883

40-49 ans -,161 ,077 4,361 1 ,037 ,851

50-59 ans Éducation

-,063 ,086 ,535

1118,594

1

4

,464

,000

,939

Fondamentale 1 ,578 ,028 420,484 1 ,000 1,782

Fondamentale 2 ,777 ,032 607,629 1 ,000 2,174

Général 1,035 ,041 643,281 1 ,000 2,816

Supérieur Secteur d’activité

,949 ,064 221,459

41,724

1

4

,000

,000

2,582

Primaire ,011 ,062 ,034 1 ,854 1,012

Secondaire ,281 ,074 14,406 1 ,000 1,324

Tertiaire ,225 ,043 28,064 1 ,000 1,253

Informel ,096 ,041 5,518 1 ,019 1,101

Constante -2,233 ,073 925,446 1 ,000 ,107