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  • Le Devin historien en Mésopotamie

  • Ancient Magic and Divination

    Editors

    Tzvi AbuschAnn K. GuinanNils P. Heeßel

    Francesca RochbergFrans A.M. Wiggermann

    volume 16

    The titles published in this series are listed at brill.com/amd

    http://brill.com/amd

  • LEIDEN | BOSTON

    Le Devin historien en Mésopotamie

    By

    Jean-Jacques Glassner

  • Typeface for the Latin, Greek, and Cyrillic scripts: “Brill”. See and download: brill.com/brill-typeface.

    issn 1566-7952isbn 978-90-04-39005-8 (hardback)isbn 978-90-04-39006-5 (e-book)

    Copyright 2019 by Koninklijke Brill NV, Leiden, The Netherlands.Koninklijke Brill NV incorporates the imprints Brill, Brill Hes & De Graaf, Brill Nijhoff, Brill Rodopi, Brill Sense, Hotei Publishing, mentis Verlag, Verlag Ferdinand Schöningh and Wilhelm Fink Verlag.All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, translated, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without prior written permission from the publisher.Authorization to photocopy items for internal or personal use is granted by Koninklijke Brill NV provided that the appropriate fees are paid directly to The Copyright Clearance Center, 222 Rosewood Drive, Suite 910, Danvers, MA 01923, USA. Fees are subject to change.

    This book is printed on acid-free paper and produced in a sustainable manner.

  • À la mémoire d’Elena Cassin et de Jean Bottéro

  • anaku mār bārê palihu aradka urri dalpakma ase’ marušti dīnu šupšuqma ana lamāda ašṭu parās arkatam

    Tout devin que je suis, ton serviteur respectueux, j’ai beau travailler tout le long du jour, je ne vois que difficulté. Le jugement oraculaire est ardu, difficile à comprendre pour atteindre le fond des choses.

    Scribe anonyme, Hymne à Ninurta, K 128 revers 2-4

    …Calchas, le fils de Thestor, de beaucoup le plus illustre des devins : il connaissait le passé, le présent et l’avenir.

    Homère, L’Iliade, I 69-70

  • Table des Matières

    Préface xiRemerciements xviTable des Figures xviiLes abréviations xviii

    Introduction 1

    1 Aperçu diachronique 131 Premier régime de rationalité : des maquettes de viscères 132 Deuxième régime de rationalité : écrire, nommer, verbaliser 173 Troisième régime de rationalité : ‘canoniser’, abréger,

    commenter 28

    La fabrique des signes

    2 Une science des signes 431 Les présages 432 La microanalyse 483 Une vision anthropomorphisée de la nature et du cosmos 52

    3 La lecture des présages 551 Une sémiographie restreinte 552 Nissaba, géomètre ou scribe 563 Des signes d’écriture 59

    3.1 L’orientation, l’inclinaison, la présentation au miroir 603.2 L’inachèvement ou l’incomplétude 613.3 L’adjonction de surcharges 613.4 La combinaison de plusieurs présages, par multiplication, par

    association ou imbrication 623.5 La dimension 653.6 La forme 663.7 Le rapport au fond 673.8 La texture 683.9 La couleur 69

    4 Le mot ou l’image ? 71

    4 Entre la sémiologie et l’herméneutique : le cas et la norme 86

  • viii Table des Matières

    La fabrique du sens

    5 Entre la sémiologie et l’herméneutique : vers une logique formelle 93

    6 L’axe syntagmatique 1041 Les maquettes 1042 Les traités 106

    2.1 Les particules introductives 1062.2 Les connecteurs 1082.3 Les verbes 1082.4 La syntaxe 110

    3 Les deux sources du discours divinatoire 1134 Une logique formelle 118

    7 L’axe paradigmatique : les premières figures de l’opposition 1191 Le jeu des oppositions 1202 L’opposition droite – gauche 1233 De la dyade à la triade et la tétrade : la leçon d’un devin

    paléo-babylonien 132

    8 L’axe paradigmatique : l’art des listes 1401 Les groupements de sentences 141

    1.1 Les figures de l’opposition 1431.2 La symétrie ou la dissymétrie 1551.3 Le temps linéaire 1571.4 L’emploi de la négation 1581.5 L’inversion 1601.6 Les figures de la gradation 160

    2 Conclusion 1633 La tablette Suse VI 164

    3.1 Triade : §§ 1, 2 et 5 1763.2 Dyade : §§ 3 et 4 1803.3 Dyade : §§ 6 et 19 1813.4 Quinte : §§ 7 à 10 1813.5 Hexade : §§ 20 à 25 182

  • ixTable des Matières

    9 Le lien augural 1851 L’analogisme 1862 Le lien augural 187

    2.1 Jeux sémantiques 1902.2 Jeux phoniques : La prononciation des sons 2092.3 Jeux graphiques 2102.4 Jeux phonétiques 2152.5 La syntaxe 2182.6 Les références culturelles, les allégories 219

    3 Un univers de signes écrits 222

    La fabrique de l’histoire

    10 L’écriture de l’histoire 233

    11 Le corpus des présages historiques 2721 Les présages historiques à l’accompli 273

    1.1 Les monarchies anté-diluviennes 2731.2 Les monarchies post-diluviennes 2741.3 Les présages historiques à l’inaccompli 3851.4 Fragments de l’histoire de l’époque paléo-babylonienne 4011.5 Les chutes de Babylone 411

    12 La place des présages historiques dans les bibliothèques 4211 Fin du xixe siècle : les maquettes de viscères 4212 xviiie-xvie siècles : les bibliothèques et les recueils

    paléo-babyloniens 4243 Retour à la leçon du devin paléo-babylonien 4264 De la fin du IIe millénaire à la fin du Ier : l’époque des traités et des

    commentaires 4285 La place des présages historiques dans la bibliothèque

    d’Assurbanipal 4306 Les dernières bibliothèques 450

  • x Table des Matières

    13 L’histoire événementielle 4531 Les métamorphoses d’une sentence divinatoire 454

    1.1 Le corpus 4551.2 Les acteurs et les lieux 4561.3 L’histoire d’une sentence 4571.4 La construction de la mémoire 462

    2 L’élargissement du champ de l’étude 464

    14 L’institution royale 4681 Introduction à la royauté 4692 Le témoignage des sources divinatoires 472

    2.1 Les métaphores animalières 4732.2 Les grandes figures royales historiques 4772.3 Les morts royales 504

    3 Conclusion 505

    15 La hantise de la catastrophe 5121 Un feuilleté temporel 512

    1.1 Le séquençage du temps. Le premier déluge 5131.2 La répétition du phénomène 5171.3 Le cas d’Akkadé 5181.4 Le cas d’Ur 5211.5 Les multiples chutes de Babylone 527

    2 Les nouveaux savoirs 5342.1 Les développements de l’astronomie au Ier millénaire 5352.2 L’astrologie prédictive 5402.3 Les histoires prédictives 546

    3 Conclusion 5494 Épilogue : Une astrologie horoscopique et l’émancipation des

    lettrés 566

    Conclusion 574

    Indices 593

  • Préface

    Si l’homme connaissait d’avance l’avenir, il coopérerait à sa maladie, à sa mort ou à sa mutilation.

    Épictète II, 10, 5

    …On ne saurait trop répéter qu’il a besoin d’un support initial et qu’il l’em-prunte toujours délibérément. Sur ce support il entasse les leçons de sa divination et de son analyse.

    HENRI Martineau, Préface à la Chartreuse de Parme

    …L’histoire est tout entière un art d’exécution.

    PATRICK Boucheron, Faire profession d’historien

    Les Babyloniens étaient-ils des Hopi ? Pour les uns et les autres, tout était lié, « un désordre social, un incident domestique, mett(ai)ent en cause le sys-tème de l’univers dont les niveaux (étaient) unis par de multiples correspon-dances ; un bouleversement sur un plan n’(était) intelligible, et moralement tolérable, que comme projection d’autres bouleversements, affectant les autres niveaux »1. En réalité, on est en présence, avec eux, de sociétés où prévalait une conception unitaire de l’univers, où tous les existants, des dieux aux étants les plus primitifs, se situaient sur une chaîne ininterrompue, qui traversait le cosmos de part en part, et à laquelle seule la science galiléenne mit un terme.

    Aux IVe et IIIe millénaires, deux populations que rien ne prédisposait à une vie commune se côtoyèrent dans les mêmes espaces, dans le sud de l’Irak, les Sumériens et les Sémites. Leurs langues, si radicalement différentes, auraient pu les rendre étrangères l’une à l’autre. Il n’en fut rien. Ces deux peuples four-nirent, ensemble, un socle stable où bâtir une culture métisse dont ils furent

    1  C. Lévi-Strauss, Préface à Don C. Talayesva, Soleil hopi, Plon, Paris, 1959, p. vi.

  • xii Préface

    les artisans, à laquelle ils donnèrent naissance, et qui fut un véritable palimp-seste. Elle dura tout au long de plusieurs millénaires.

    Leurs membres, vivant en société, ne purent se priver, à chaque instant, de faire usage de plusieurs systèmes de signes, les uns étant interprétants, les autres interprétés. Seuls les signes de la langue, comme l’explique Émile Ben-veniste, avaient le pouvoir d’interpréter tous les autres, qui étaient ceux de la société.

    À la fin du IVe millénaire, les Sumériens inventèrent l’écriture, une sémio-graphie faite de logogrammes, de syllabogrammes, de classificateurs et de com-pléments phonétiques, qui avait partie liée, tout à la fois, avec la sémiologie et la sémantique. Avec elle, nous plongeons dans l’univers des signes visuels. Or, l’écriture, qui note des énoncés linguistiques, a la même capacité que la langue parlée et exerce le même pouvoir ; elle se propose elle-même comme une réflexion sur la langue. Pendant longtemps, les philosophes et les linguistes la perçurent comme un phénomène exclusivement dérivé, la transcription graphique d’un message oral. Cette définition apparut, au xviiie siècle, chez Warburton, qui s’occupait d’hiéroglyphes et l’emprunta peut-être à Augustin. Elle fut reprise par Condillac, Rousseau et Hegel, qui la firent leur, avant d’être magistralement enseignée par Ferdinand de Saussure (« l’unique raison d’être [de l’une] est de représenter [l’autre] ») ; pour Claude Hagège elle est toujours « un sillon mort ».

    Il est difficile de se satisfaire de cette vision réductrice, qui en fait un outil non créateur. L’écriture cunéiforme déjà, par le biais du commentaire, allait, comme on le verra, jusqu’à expliquer le sens des mots de la langue orale. Avec elle, le cratylisme était à la manœuvre, mais, contrairement à l’enquête avortée telle qu’elle était présentée par Platon, il était, dans les pays d’entre les fleuves, une investigation aboutie.

    Les signes qu’étaient les présages étaient des produits d’une activité pensante. Ils avaient pour fonction de matérialiser des savoirs, des mots et des sons, en leur donnant une forme maniable pour l’esprit. Dans leur parcours, les devins les assimilèrent aux signes de leur écriture. C’est le moment où les let-trés mésopotamiens en vinrent à voir l’univers entier à travers sa métaphore, tout phénomène devenant à leurs yeux un signe graphique. Pour autant, ils ne négligèrent pas totalement les images acoustiques, et les devins jouèrent avec beaucoup de finesse des sons que produisaient les noms des présages.

    Pendant longtemps, l’écriture resta confinée à une activité parmi d’autres, la société semblant opter pour le pluralisme qui ne donne pas de préférence à l’un ou à l’autre des moyens d’expression. On sait, aujourd’hui la place, aux côtés de la fonction épistémologique de l’écriture, de l’apprentissage par cœur et le rôle

  • xiiiPréface

    de l’oralité dans la diffusion et la transmission des savoirs en Babylonie2. Cet apprentissage accompagnait toujours celui de l’écrit. Son recours permit de multiplier les capacités de la mémoire orale ; il ne prit une place croissante qu’à partir du xiie siècle3.

    L’exemple mésopotamien met en lumière l’inadéquation du « grand par-tage » postulé par d’aucuns entre les sociétés qui connaissent ou non l’écriture. Le passage aux premières n’évacua en rien la pratique de l’oralité.

    L’idée de ce partage semble avoir germé chez les acteurs qui, au xiie siècle de notre ère, participèrent au mouvement qui aboutit en Europe à la création des universités4. À cette époque, des communautés d’érudits se constituèrent en groupes sociaux qui étaient sans antécédents et choisirent d’ériger l’activité intellectuelle en critère de distinction. Le savoir oral, propre au monde paysan illettré, devint synonyme d’inculture, le savoir écrit, propre à la noblesse, rima avec littéracie.

    Au xvie siècle, les grandes découvertes engendrèrent un nouveau fonction-nement de l’oralité et de l’écriture avec la confrontation de ces deux figures qu’étaient l’homme européen lettré et l’homme américain analphabète. Mais l’existence des codices amérindiens et de leurs glyphes conduisit rapidement à penser autrement la question. Sur les pas de Marsile Ficin, pour qui les hiéro-glyphes égyptiens exprimaient l’essence des idées, les franciscains espagnols, à quelques exceptions près, prêtèrent aux glyphes amérindiens la même capa-cité à fixer des concepts.

    Avec le xviiie siècle finissant, les philosophes tentèrent de mettre de l’ordre dans ce foisonnement. Ainsi Jean-Jacques Rousseau : « Trois manières d’écrire répondent assez exactement aux trois divers états sous lesquels on peut consi-dérer les hommes rassemblés en nations : la peinture des objets convient aux peuples sauvages ; les signes des mots (…) aux peuples barbares ; et l’alphabet aux peuples policés ». Les Égyptiens étaient la typification des sauvages, les Chinois celle des barbares, les Grecs celle des peuples policés.

    Au xixe siècle, enfin, Lewis H. Morgan offrit le moule théorique au sein du-quel ces conceptions prirent place, l’inscrivant dans le contexte d’une hermé-neutique de l’altérité et d’une vision téléologique de l’histoire, avec une écri-ture qui s’invente par étapes. D’une part, le sauvage analphabète et le barbare

    2  J.-J. Glassner, « Écrire des livres à l’époque paléo-babylonienne : le traité d’extispicine », ZA 99, 2009, pp. 1-81.

    3  Infra, ch. 1.4  E. Marmursteijn, L’Autorité des maîtres. Scolastique, normes et société au XIIIe siècle, Les Belles

    Lettres, Paris, 2007.

  • xiv Préface

    logographe étaient venus compléter la galerie de portraits initiée avec le pay-san inculte. Bref, un chemin s’était dessiné qui conduisait par touches succes-sives et par le biais d’une écriture native de l’innocence du sauvage à l’introduc-tion de la violence dans la société, d’une écriture inaboutie à la perfection que serait l’alphabet latin.

    Selon la formule désormais fameuse de Claude Lévi-Strauss, l’écriture serait née dans des sociétés « fondées sur l’exploitation de l’homme par l’homme ». Cette déclaration renvoie implicitement aux philosophes des lumières louant la figure du bon sauvage et de sa société égalitaire, par contraste avec l’homme « écriveur », pour qui l’écriture sert à asseoir sa domination. Elle permet d’éta-blir une ligne de fracture entre deux types de sociétés mais, peut-être plus encore, entre deux domaines d’études universitaires, les territoires de l’ethno-logue et de l’historien. Michel de Certeau5 a théorisé cette approche en tra-çant deux quadrilatères avec quatre notions organisant la réflexion de l’un et l’autre spécialiste. Le quadrilatère de l’ethnologue mettrait en jeu l’oralité, la spatialité ou la synchronie propre aux sociétés sans histoire, l’altérité ou « la différence que pose une coupure culturelle », enfin l’inconscience, le statut des phénomènes collectifs référés à une signification extérieure à la société. Celui de l’historien prendrait appui sur quatre notions opposées, l’écriture, la tem-poralité qui joue de la chronologie, l’identité qui met l’accent sur l’unité de la communauté, enfin la conscience, la faculté de reconnaître sa propre réalité et d’avoir une distance critique avec elle. Aujourd’hui, ces conceptions font date6.

    La première question que les devins posèrent à un signe fut celle de son existence, et donc de sa reconnaissance. Ils poursuivirent en tentant d’en dé-limiter le sens en le comparant soit à des signifiants semblables, par parono-mase (kakku : kaksû : karšû), soit à des signifiés voisins (zīmu : pānu)7. Au-de-là, ils firent en sorte que les signes forment un réseau sans début ni fin, un signe renvoyant à un autre et ainsi de suite, sur les deux axes syntagmatique et paradigmatique8. Le texte, désormais, n’appartenait plus à un locuteur quelconque, mais à une culture déjà partagée. Plus loin encore, l’interpréta-tion fila à l’infini, sans rencontrer jamais qu’à interpréter ce qui n’était déjà qu’interprétation9.

    5  M. de Certeau, L’Écriture de l’histoire, Gallimard, Paris, 1975, p. 215.6  J. Derrida, De la Grammatologie, Éditions de Minuit, Paris, passim.7  Voir, infra, ch. 9.8  Voir infra, la seconde partie du livre. En général : C. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Plon,

    Paris, 1962, pp. 278-286.9  G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, Minuit, Paris, 1980, pp. 140-144.

  • xvPréface

    Dans ce contexte, le bilinguisme et la diglossie furent loin d’être des outils négligeables. Ils apprirent aux devins à naviguer entre deux langues10. L’exer-cice consistait, par exemple, à expliquer un mot sumérien par son équivalent akkadien. L’accroissement constant de valeurs sumériennes ou akkadiennes cumulées attribuées aux mêmes logogrammes rendait les deux langues par-tiellement inter-compréhensibles. Dans ce jeu, on pourrait quasiment quali-fier la procédure de traduction dans une même langue11.

    10  Sur cette question, en général : H. Wismann, Penser entre les langues, Flammarion, Paris, 2014.

    11  Voir, infra, ch. 9.

  • Remerciements

    J’adresse mes remerciements à ceux qui m’ont soutenu dans ce travail par leurs conseils et les informations qu’ils m’ont fournies : Nicla De Zorzi, Irving Finkel, Benjamin Foster, Eckart Frahm, Andrew George, Nils Heessel, Claude Imbert, José Kany-Turpin, Joachim Marzahn, Alice Mouton, Christine Proust, Eleanor Robson, Francesca Rochberg, Hanspeter Schaudig, Bert van der Spek, Caroline Waerzeggers, Abraham Winitzer.

    Mes remerciements vont aussi aux organisateurs du séminaire « Approches comparées du destin : le lot, la part, le lien », de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Cléo Carastro, Silvia D’Intino, Caterina Guenzi et Frédérique Ildefonse, au cours duquel j’ai pu exposer et discuter nombre de points de vues développés dans ce livre.

    Mes remerciements, enfin, vont à Katelyn Chin, de la Maison Brill, pour son précieux travail d’édition.

  • Figures

    Figure de l’hexade 149 Seconde figure de l’hexade 183 Casse-tête 553

  • Les abréviations

    AbB Altbabylonische Briefe.A. Boissier, Choix Choix de textes relatifs à la divination assyro-babylo-

    nienne, Kündig, Genève, 1905.ACh Ch. Virolleaud, L’Astrologie Chaldéenne, Geuthner, Paris,

    1908-1912.AfO Archiv für Orientforschung.A. Gœtze, YOS 10 Old Babylonian Omen Texts, Yale Oriental Series 10, New

    Haven, 1947.AMD Ancient Magic and Divination.An.St. Anatolian Studies.AOAT Alter Orient und Altes Testament.AoF Altorientalische Forschungen.AOS American Oriental Society.A.R. George, CUSAS 18 Babylonian Divinatory Texts Chiefly in The Shoyen Collec-

    tion, CDL Press, Bethesda, 2013.ARM Archives Royales de Mari.AS Assyriological Studies.ASJ Acta Sumerologica Japanensis.ASOR American Schools of Oriental Research.A.T. Clay, BRM 4 Babylonian Records in the Library of J. Pierpont Morgan,

    Yale University Press, New Haven, 1923.Aula Or. Aula Orientalis.AV Anniversary Volume.AV T. Abusch J. Stackert et al., éds, Gazing on the Deep : Ancient Near

    Eastern and Other Studies in Honor of T. Abusch, CDL Press, Bethesda, 2010.

    AV R.D. Biggs M.T. Roth et al., éds, Studies Presented to Robert D. Biggs, Oriental Institute, University of Chicago, 2007.

    AV M. Birot D. Charpin et J.-M. Durand, éds, Recueil d’études à la mémoire de Maurice Birot, SEPOA, Paris, 1994.

    AV R. Borger S.M. Maul, éd., Festschrift für Rykle Borger zu seinem 65. Geburtstag am 24. Mai 1994, Styx, Groningue, 1998.

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    AV S. De Meio Astronomical Amusements : Papers in Honor of Jean Meeus, Mimesis, Milan, 2000.

  • xixLes abréviations

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    AV F.M. Fales G.B. Lanfranchi et al., éds, Leggo ! Studies Presented to Frederick Mario Fales on the Occasion of His 65th Birthday, Harrassowitz, Wiesbaden, 2012.

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    AV W. von Soden 2 M. Dietrich et O. Loretz, éds, Vom Alten Orient zum Alten Testament. Festschrift für Wolfram Freiherrn von Soden zum 85. Geburtstag am 19. Juni 1993, AOAT 240, Neukirchener Verlag, Neukirchen, 1995.

    AV E.A. Speiser W.W. Hallo, éd., Essays in Memory of E.A. Speiser, AOS, New Haven, 1968.

    AV M. Stol R.J. van der Spek et al., éds, Studies in Ancient Near Eastern World View and Society presented to Marten Stol on the occasion of his 65th birthday, 10 November 2005, and his retirement from the Vrije Universiteit Amsterdam, CDL Press, Bethesda, 2008.

    AV H. Tadmor M. Cogan et al., éds, Ah, Assyria … Studies in Assyrian History and Ancient Near Eastern Historiography Presented to Hayim Tadmor, Magnes Press, Jerusalem, 1991.

    AV H. et M. Tadmor Hayim and Miriam Tadmor Volume, Eretz Israel 27, IES, Jerusalem, 2003.

    AV C. Walker C. Wunsch, éd., Mining the Archives. Festschrift for Christopher Walker on the Occasion of His 60th Birthday, ISLET, Dresde, 2002.

    AV A. Westenholz G. Barjamovic et al., éds, Akkade is King. A Collection of Papers by Friends and Colleagues Presented to Aage Westenholz on the Occasion of His 70th Birthday 15th of May 2009, NINO, Leyde, 2011.

  • xxii Les abréviations

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    AV C. Wilcke W. Sallaberger et al., éds, Literatur, Politik und Recht in Mesopotamien. Festschrift für Claus Wilcke, Harrassowitz, Wiesbaden, 2003.

    BaM Baghdader Mitteilungen.BAM F. Köcher, Die babylonisch-assyrische Medizin in Texten

    und Untersuchungen.BBVO Berliner Beiträge zum Vorderen Orient.BCHP http//www.livius.org/cg-cm/chronicles/bchp-ruin_

    esagila/ruin_esagila_01.htmlBIN 10 M. Van de Mieroop, Sumerian Administrative

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    Bi.Or. Bibliotheca Orientalis.BPO Babylonian Planetary Omens : BPO 1 : E. Reiner et D. Pingree, The Venus Tablet of

    Ammiṣaduqa, Undena, Malibu, 1975. BPO 2 : E. Reiner et D. Pingree, Enuma Anu Enlil, Tablets

    50-51, Undena, Malibu, 1981. BPO 3 : E. Reiner et D. Pingree, Babylonian Planetary

    Omens, Styx, Groningue, 1998. BPO 4 : E. Reiner et D. Pingree, Babylonian Planetary

    Omens, Brill, Leyde, 2005.CAD The Assyrian Dictionary, Chicago.CRAI Comptes-rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles

    Lettres.CT Cuneiform Texts from the Babylonian Tablets in the

    British Museum.CTN Cuneiform Texts from Nimrud.CDLI Cuneiform Digital Library Initiative.CDLJ The Cuneiform Digital Library Journal.CUSAS Cornell University Studies in Assyriology and

    Sumerology.D. Arnaud, Emar V.I.4 Recherches au Pays d’Aštata, Emar VI.4. Textes de la

    bibliothèque, transcriptions et traductions, ERC, Paris, 1987.

    http://www.livius.org/cg-cm/chronicles/bchp-ruin_esagila/ruin_esagila_01.htmlhttp://www.livius.org/cg-cm/chronicles/bchp-ruin_esagila/ruin_esagila_01.html

  • xxiiiLes abréviations

    Ee Enūma eliš.E. Frahm, Commentaries Babylonian and Assyrian Text Commentaries, Origins of

    Interpretation, Ugarit Verlag, Munster, 2011.EHESS École des Hautes Études en Sciences Sociales.ERC Édition Recherche et Civilisation.E. von Weiher SpTU 2 à 5 Uruk, Spätbabylonische Texte aus dem Planquadrat U 18,

    1 à 5, Philipp von Zabern, 1983-1998.FAOS Freiburger Altorientalische Studien.F. Rochberg-Halton, ABCD Aspects of Babylonian Celestial Divination : The Lunar

    Eclipse Tablets of Enūma Anu Enlil, AfO Beiheft 22, 1988.F. Thureau-Dangin, TCL 6 Tablettes d’Uruk, Geuthner, Paris, 1922.H. Hunger, SAA 8 Astrological Reports to Assyrian Kings, State Archives of

    Assyria 8, Helsinki, 1992.H. Hunger SpTU 1 Spätbabylonische Texte aus Uruk, I, Mann, Berlin, 1976.HSAO Heidelberger Studien zum Alten Orient.HSS Harvard Semitic Series.HUCA Hebrew Union College Annual.IEJ Israel Exploration Journal.IES Israel Exploration Society.IFPO Institut Français du Proche Orient.ISAW Institute for the Study of the Ancient World, New York.JA Journal Asiatique.JANER Journal of Ancient Near Eastern Religions.JANES Journal of Ancient Near Eastern Society.JAOS Journal of the American Oriental Society.JCS Journal of Cuneiform Studies.JEOL Jaarbericht van het Vooraziatisch-Egyptisch Gezelschap

    ‘Ex Oriente Lux’.J.-J. Glassner, Chronicles Mesopotamian Chronicles, Writings from the Ancient

    World 19, Society of Biblical Literature, Atlanta, 2004.JMC Le Journal des Médecines Cunéiformes.JNES Journal of Near Eastern Studies.J. Nougayrol, Annuaire « Note sur la place des ‘présages historiques’ dans  EPHE V, 1944-1945 l’extispicine babylonienne », pp. 5-41.KBo Keilschrifttexte aus Boghazköi.KUB Keilschrifturkunden aus Boghazköi.LBAT Th.G. Pinches, J.N. Strassmaier, A.J. Sachs, Late

    Babylonian Astronomical Texts, Brown University Press, Providence, 1955.

  • xxiv Les abréviations

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    Bronze Moyen, Université Lyon 2, 2009.L. Verderame, Nisaba 2 Le Tavole I-VI della serie astrologica Enūma Anu Enlil,

    Nisaba 2 Rome, 2002.MARI Mari, Annales de Recherches Interdisciplinaires.MMAI Mémoires de la Mission Archéologique en Iran.MSL Materials for the Sumerian Lexikon.M. Rutten, RA 35, 1938 « Trente-deux modèles de foies en argile inscrits

    provenant de Tell-Hariri (Mari) », pp. 36-52.NABU Nouvelles Assyriologiques Brèves et Utilitaires.N. De Zorzi, JCS 68, 2016 « The Death of Utu-hegal and Other Historical

    Omens », pp. 129-151.NINO Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten.N.P. Heessel KAL 5 Divinatorische Texte II, Opferschau-Omina,

    Keilschrifttexte aus Assur literarischen Inhalts 5, Harrassowitz, Wiesbaden, 2012.

    OBO Orbis Biblicus et Orientalis.OIS 2 S.L. Sanders, éd., Margins of Writing, Origins of Cultures,

    Oriental Institute Seminars 2, Chicago, 2006.OIS 6 A. Annus, éd., Divination and Interpretation of Signs in

    the Ancient World, Oriental Institute Seminars 6, Chicago, 2010.

    OLP Orientalia Lovaniensia Periodica.OLZ Orientalistische Literatur Zeitung.O&M Orient et Méditerranée.Or. Orientalia.Or. Ant. Oriens Antiquus.PAPS Papers of the American Philosophical Society.PUF Presses Universitaires de France.PUR Presses Universitaires de Rennes.5R H.C. Rawlinson et al., The cuneiform inscriptions of

    Western Asia, 5, Londres, 1909.RA Revue d’Assyriologie et d’Archéologie Orientale.RAI Rencontre Assyriologique Internationale.RANT Res Antiquae.RlA Reallexikon der Assyriologie.R. Labat, MDAI 57 Textes littéraires de Suse, Mémoires de la Délégation

    Archéologique en Iran 57, Geuthner, Paris, 1974.

  • xxvLes abréviations

    R. Labat TDP Traité akkadien de diagnostics et de pronostics médicaux, Brill, Leyde, 1951.

    RIMA The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Assyrian Periods.RIMB The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Babylonian

    Periods.RIME The Royal Inscriptions of Mesoptamia. Early Periods.RINAP The Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period.RSO Rivista degli Studi Orientali.SAA State Archives of Assyria.SAAB State Archives of Assyria. Bulletin.SAAS State Archives of Assyria. Studies.SP B. Alster, Proverbs of Ancient Sumer, 2 volumes, CDL

    Press, Bethesda, 1997.S. Parpola, SAA 10 Letters from Assyrian and Babylonian Scholars, State

    Archives of Assyria 10, Helsinki, 1993.StBoT Studien zu den Boghazköy Texten.SDV Saarbrücker Druckerei und Verlag.SMEA, Studi Mycenei ed Egeo-Anatolici.TAPS Transactions of the American Philosophical Society.TCL Textes Cunéiformes du Louvre.TCS Texts from Cuneiform Sources.UET Ur Excavations. Texts.U. Jeyes, OBE Old Babylonian Extispicy. Omen Texts in the British

    Museum, NINO, Leyde, 1989.U.S. Koch, Secrets Secrets of Extispicy, The Chapter Multābiltu of the

    Babylonian Extispicy Series and Niṣirti bārûti Texts mainly from Aššurbanipal’s Library, AOAT 326, Ugarit Verlag, Munster, 2005.

    U. Koch-Westenholz, BLO Babylonian Liver Omens. The Chapters Manzāzu, Padānu and Pān tākalti of the Babylonian Extispicy Series mainly from Aššurbanipal’s Library, Museum Tusculanum Press, Copenhague, 2000.

    VAB Vorderasiatische Bibliothek.VS Vorderasiatische Schriftdänkmäler der Königlichen

    Museen zu Berlin.WdO Die Welt des Orients.W.H. van Soldt, Solar Omens Solar Omens of Enuma Anu Enlil : Tablets 23(24)-29(30),

    NINO, Leyde, 1995.

  • xxvi Les abréviations

    WVDOG Wissenschaftliche Veröffentlichungen der Deutschen Orient-Gesellschaft.

    WZKM Wiener Zeitschrift für Kunde des Morgenlandes.YNER Yale Near Eastern Researches.ZA Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische

    Archäologie.ZOrA Zeitschrift für Orient-Archäologie.

  • © koninklijke brill nv, leiden, 2019 | doi:10.1163/9789004390065_002

    Introduction

    Il n’est donc pas vrai que les dieux puissent exister sans annoncer l’avenir par des signes. Or les dieux existent ; ils donnent donc des signes. Il est faux en ce cas qu’ils ne nous fournissent pas les moyens d’une science de leur signification, sinon, ils signifieraient en vain ; et s’ils en fournissent les moyens, il n’est pas vrai que la divination n’existe pas ; donc la divination existe.

    Cicéron, De la divination, I 83

    …Les détectives doivent être un peu astrologues. Poirot et Paracelse sont frères de sang. J’ai toujours dit qu’une enquête policière (du moins en littérature, là où sont élucidés tous les grands crimes) res-semble à l’étude des corps célestes.

    Alberto Manguel, Tous les Hommes sont menteurs

    Nous sommes en Mésopotamie. La nuit, déjà, contemplait les étoiles. Galilée n’avait pas encore interdit au soleil de se mouvoir. Voltaire n’avait pas inventé le concept polémique de philosophie de l’histoire, ni Kant débarrassé celle-ci de l’obligation d’être référée à une puissance supérieure. Le soleil tournait autour de la terre et l’espèce humaine n’était pas le sujet de sa propre histoire. Créé par le démiurge, le cosmos était un univers de représentations, qui englobait les actions des hommes et des dieux. Il était organisé de manière à accueillir des objets et des signes.

    Dans une société hantée par le souci de durer, la divination était la méthode supposée faire du passé, du présent et du futur un objet de connaissance. Loin d’être un acte de prévision, elle s’offrait comme une conjecture sur ce qui avait pu se produire ou était susceptible d’arriver. Au quotidien, elle occupait tous les esprits.

    Porteuse du projet d’investiguer le réel et l’imaginaire, elle prenait appui sur des homologies et des isomorphismes réputés assurer des communications entre des objets de pensée différents. À son principe, il y avait des marques visibles répandues de par le monde, dont les hommes firent les présages et

  • 2 Introduction

    élaborèrent la science. Ils les créditèrent de sens, les interprétèrent comme des signes imprimés par les dieux, qui en saturaient l’univers et dont ils étaient le mode d’expression favori. Ils les envoyaient aux humains comme autant d’indicateurs informant d’un passé dont il était admis qu’il s’était produit, d’un présent en puissance ou d’un avenir potentiel. À distance de la physique aristotélicienne, qui prônait l’influence d’une mécanique céleste sur les êtres sublunaires1, les forces invisibles ne faisaient qu’offrir des directives à leur sujet. Elles disaient leurs intentions, leur acquiescement ou leur opposition, sous forme de mises en garde, aux projets et aux actions des hommes. Cicéron prêtait à Chrysippe une définition de la divination qu’un Babylonien aurait pu faire sienne : « La faculté de connaître, de voir et d’expliquer les signes envoyés aux hommes par les dieux » ; et d’ajouter que la fonction du devin était « de savoir par avance dans quelles dispositions les dieux sont à l’égard des hommes, ce qu’ils leur signifient, enfin par quels moyens détourner et expier ce qui doit l’être »2. La divination consistait à connaître à l’avance les désirs des dieux !

    Autrement dit, dans le dialogue sans fin qu’ils entretenaient avec les hommes, les dieux s’exprimaient à travers la nature en y déposant des signes, lesquels étaient perçus par leurs interlocuteurs humains comme des présages qu’il leur revenait de débrouiller pour en pénétrer les arcanes. Car les dieux donnaient à voir en dissimulant.

    Les agents humains chargés de montrer du doigt les événements de l’uni-vers et d’avertir qu’ils signifiaient quelque chose, étaient les devins, qui fai-saient office de médiateurs et avaient qualité pour communiquer avec les dieux. Ils les interrogeaient en quête de vérité. Ils savaient la manière de traiter leurs messages et de dévoiler leurs significations, autant d’actes qui avaient un caractère performatif. Telle était leur prérogative, socialement reconnue. Ils étaient organisés en corporations, avec leurs chefs et leurs cadres. Ils pou-vaient cumuler leurs fonctions avec d’autres activités, comme exercer des emplois cléricaux ou commander des armées en campagne. Leur compétence s’étendait à des domaines aussi variés que l’organisation des cultes ou l’établis-sement du calendrier. Les devins, bārû, les médecins, asû, les augures spéciali-sés dans l’observation des oiseaux, dagil iṣṣūrē, les astrologues, ṭupšarrū, et les exorcistes, āšipū, formaient à la cour des rois d’Assyrie le groupe des ummânū, des « dépositaires du savoir ». Ils étaient les principaux conseillers des souve-rains qu’ils protégeaient contre tous les dangers. À l’exception des astrologues, le mot bārû les subsumait tous. En un mot, ils formaient des communautés hétérogènes.

    1  Aristote, De la génération des animaux IV, 10, 778a 5-9.2  De la divination II, lxiii, 130.

  • 3Introduction

    Ils étaient tenus à la loyauté envers leurs employeurs, auxquels ils prêtaient serment. Ils étaient des lettrés passés par l’institution de l’école, une réalité loin d’être négligeable, car il est bien connu que les conditions d’une formation, dont la durée pouvait avoisiner une dizaine d’années, déterminent la manière de se comporter dans la vie active. Leur art devint une discipline respectée aussi bien pour le savoir dont il faisait preuve que par le statut social de ses agents, hautement éduqués et dépositaires d’une antique tradition.

    Hormis une haute ascendance – ne s’affichèrent-ils pas, idéalement, comme les descendants d’Enme(n)-dur-anki, un roi de Sippar réputé avoir régné avant le déluge et auquel les dieux eux-mêmes avaient enseigné la libanomancie et l’extispicine – il n’était d’autre exigence requise à l’accession à une charge de devin que l’intégrité corporelle et la pureté cultuelle : « Le devin dont l’an-cêtre n’est pas vénérable, qui n’est pas parfait de corps et de membres, qui est atteint de strabisme et dont les dents sont abîmées, avec un doigt coupé, dont un testicule présente une déchirure, souffrant de lèpre, […], un être non arrivé à maturité, qui n’observe pas les rites de Šamaš et d’Adad, celui-là ne peut approcher du lieu où se tiennent Éa, Šamaš, Asalluhi, Bēlet-ṣēri, la tenancière des livres du ciel et de la terre inférieure, l’aimée de ses frères, pour un juge-ment divinatoire »3. La première était une qualité inhérente à la personne, la seconde s’obtenait au moyen d’un acte cérémonial. La Mésopotamie ignorait l’image du devin aveugle, tels Tirésias ou Dhrtarastra, doués de cette « mutila-tion qualifiante » (Georges Dumézil) qu’était leur sur-vue.

    Au moyen de manipulations, de paroles appropriées ou, plus trivialement, en répétant (pas plus de trois fois) une consultation oraculaire, car l’ordre général des choses n’était pas totalement soustrait à leur volonté, ils avaient le pouvoir de changer, voire d’inverser, le sens d’un présage. Les rituels nam-burbû, « dissolution (du mauvais présage) », par exemple, étaient de ceux-là. Ils étaient surtout pratiqués dans la sphère de l’extispicine, mais non exclu-sivement, et avaient pour effet de calmer la colère des dieux, de les amener à reconsidérer leur jugement, de purifier toute chose, d’assurer le retour du consultant à la vie ordinaire et de lui apporter une protection permanente. La divination fournissait l’information, le rituel apotropaïque, la prophylaxie. Ils pouvaient se réduire à l’énoncé d’une simple formule incantatoire comme, dans le cas d’un mauvais rêve : « Ce rêve que j’ai fait, de par Sîn et Šamaš, il est excellent, oui, excellent, vraiment excellent ! », ou contre un mauvais présage céleste4 :

    3  Comparer la liste des infirmités excluant les prêtres de l’autel dans Lévitique 21 : 18-20.4  S. Parpola, SAA 10, no 381 face 5-revers 4. Plus généralement : M. Douglas, De la Souillure,

    François Maspéro, Paris, 1981.

  • 4 Introduction

    ina hul mulṣal-bat-a-nuša a-dan-šú ú-še-ti-[qu-u-ni]ù ina šà mullú.hun.gá i[n-na-mir-u-ni]hul-šu ia-a-ši kur-ia un.meš.é.[gal-ia]ù e-mu-qí-ia l[a i-te-eh-ha-a]nu i-qar-ri-ba la i-ša-an-[ni-qa]la i-kaš-šá-dan-n[i]

    Dans le malheur qu’apporte Mars, qui a manqué son terme et fut aperçu dans le signe du Journalier : que le mauvais sort dont il est porteur ni ne s’approche, ni ne vienne près ou à proximité, ni ne m’affecte, ni mon pays, ni le personnel de mon palais, ni mes forces armées.

    De telles interventions potentiellement transformatrices favorisèrent la plus grande cohésion du milieu des devins dont le statut dans la société se trouva valorisé.

    En traçant les présages, les dieux rendaient des « verdicts », purussû, à l’ins-tar des tribunaux. En les interprétant, les agents humains rendaient à leur tour une « justice fondée en vérité et en droit », dīn kitti u mīšari. Car justice et divi-nation entretenaient des liens étroits. Dans la littérature hymnique, le dieu Šamaš était décrit comme ayant la haute main sur la justice, qu’il administrait indistinctement comme juge ou comme devin. Les présages étaient des ins-tructions normatives énoncées par lui ou ses semblables. Ils annonçaient des actions potentielles dont il était attendu qu’elles devaient être en harmonie avec leurs désirs, à défaut de quoi ils faisaient sentir leur colère.

    Il existait, toutefois, un écart entre justice et divination, mais la différence se situait à un autre niveau. D’une part, les dieux s’exprimaient moins dans la prise de parole des juges qu’au moyen des présages. D’autre part, ils exer-çaient leurs activités de juges en touchant aux parts de vies qu’ils destinaient aux humains, la compétence des rois et des juges humains se limitant aux seules atteintes qui étaient faites, par les hommes, à ces mêmes parts. Enfin, alors que le délit était la cause directe du jugement rendu par un tribunal, au contraire, le jugement rendu sous la forme d’un présage précédait l’énoncé de l’oracle dont il était l’annonce.

    Dans l’univers des signes, il fut procédé à un découpage de la divination en sous-ensembles définis par les techniques qu’elle mettait en œuvre. Devant l’immensité de la tâche et la diversité des marques, pour favoriser un exposé rationnel des phénomènes, un certain nombre de disciplines furent créées, qui constituèrent autant de tentatives de classement des signes de l’univers : l’extispicine ou l’étude des viscères, qui porta le nom de bārûtu, « divination »,

  • 5Introduction

    car elle était considérée comme la divination par excellence ; l’astrologie ou l’étude des signes du ciel ; la tératomancie ou l’étude des naissances mons-trueuses ; la physiognomonie, ou la science des aspects, des apparences exté-rieures et des attitudes ; la lécanomancie, ou l’étude des taches d’huile sur l’eau ; la chronomancie, ou la science des calendriers, qui comportait les hémé-rologies et les ménologies ; l’oniromancie, ou l’interprétation des rêves ; l’étude des symptômes cliniques ; l’étude des présages tirés de la vie quotidienne, et bien d’autres encore. Il exista aussi, au sein de l’extispicine, des divinations spé-cialisées, par exemple pour les batailles, les maladies, les sièges de villes, les campagnes militaires, les voyages en bateau, la construction des temples ou la réparation des navires. Mais tous les domaines de la nature et de la culture ne firent pas l’objet d’investigations systématiques. Un présage se caractérisait par une spécificité, un trait singulier sur un support, une particularité dans le mou-vement des corps célestes. S’agissant du nouveau-né de l’homme ou de l’ani-mal, par exemple, il ne fut retenu que la figure de l’individu malformé. Tous ces signes ne s’affichaient pas en permanence, ils n’étaient tracés par les dieux qu’au moment où ils faisaient réponse aux questions qui leur étaient posées.

    Les signes étaient-ils immédiatement reconnaissables ou fallait-il, pour les identifier, un œil avisé ? L’observation joua un rôle important. C’était elle qui autorisait la double action de transformation au moyen de laquelle, par une première procédure de sémantisation, on créditait une image réelle ou men-tale d’un contenu qui lui était étranger, construisant une seconde image, le présage, lequel, à son tour, par une deuxième procédure de sémantisation, en produisait une troisième, l’oracle, qui lui était similaire. En un mot, elle disait l’émergence du regard interprétatif. Il ne s’agit pas, ici, de rouvrir le vieux débat qui opposa les tenants d’Aristote à ceux de Galien ; nous savons aujourd’hui, grâce à Al-Hassan ibn al-Haytham (xe-xie siècles de notre ère), que la per-ception requiert un acte volontaire de reconnaissance. Les Akkadiens ne s’y trompèrent pas, qui usèrent du verbe barû, « observer, établir par l’observation, inspecter », pour dire cet effort, ce parcours à accomplir, qui ouvre à l’intel-ligence (dans la pratique, les devins pouvaient user successivement de deux verbes « voir », amāru et naṭālu, le premier avec le sens de « prendre connais-sance », le second avec celui de « vérifier »). C’est de cette même racine barû qu’ils firent dériver le nom du spécialiste, bārû, « le devin ». Il n’était alors nulle place pour une conception romantique d’un devin vaticinant dans la transe5.

    Les présages étant des réalités qui reposaient sur des assises matérielles et entretenaient des relations de correspondance avec d’autres réalités,

    5  Sur la place de la divination inspirée en Mésopotamie : J. Bottéro, « Symptômes, signes, écri-tures », in J.-P. Vernant et al., éds, Divination et rationalité, Seuil, Paris, 1974, p. 89-99.

  • 6 Introduction

    immatérielles celles-là, il était fait appel, dans les procédures, à la capacité générale des images à s’effacer pour rendre présent autre chose qu’elles mêmes.

    La connaissance des jugements divins fut infailliblement un enjeu de pou-voir, car la divination était un puissant moyen de contrôle social. Sa mise en œuvre garantissait le respect des normes en vigueur et contrecarrait toute conduite déviante. Sa pratique fut conçue, notamment, pour légitimer les déci-sions politiques. Les devins furent-ils pour autant les dépositaires d’un savoir qui leur donnait la toute puissance ou exista-t-il une limite à leur science ?

    Toutes les sociétés humaines surent, à travers l’histoire, se prémunir contre les connaissances se prévalant de la vérité pour dire les décisions utiles à prendre. En Mésopotamie, certains rois furent instruits et encouragèrent les lettres. Šulgi d’Ur (2094-2047) se disait polyglotte, expert en mathématiques, en musique et en aruspicine ; Nabuchodonosor Ier de Babylone (1125-1104) se proclamait un descendant d’Enmerkar, un roi légendaire d’Uruk réputé avoir inventé l’écriture, mais aussi d’Enme(n)-dur-anki, l’ancêtre revendiqué par tous les devins ; Asarhaddon d’Assyrie (680-669) était initié aux savoirs divina-toires ; son fils Assurbanipal (669-631) avait reçu une éducation de lettré et sou-lignait son vif intérêt pour l’herméneutique divinatoire ; Nabonide, le dernier roi de Babylone (555-539), se vantait d’être un expert en astrologie.

    Et nombreux furent les rois qui attirèrent les savants et les écrits ou fon-dèrent des bibliothèques : Šulgi, Hammurabi de Babylone (1792-1750), Tukultī-Ninurta Ier (1243-1207), Asarhaddon et Assurbanipal d’Assyrie, Adad-apla-iddina de Babylone (1068-1047)6, pour ne citer qu’eux. En Assyrie, au Ier millénaire, ils allèrent jusqu’à veiller eux-mêmes de très près à la formation des scribes et des devins7 ; ils étaient suffisamment instruits pour comprendre le sens des signes omineux ou vérifier les assertions de leurs savants. Ils consti-tuèrent, à l’occasion, des commissions de spécialistes, auxquels ils interdirent de communiquer entre eux8. Ils interrogèrent leurs astrologues, disséminés dans les grandes villes de l’empire, pour confronter leurs avis, comme le fit Assurbanipal à propos de la signification à attribuer à une conjonction entre Mars et Saturne le 15 mars 669. On a conservé les réponses discordantes que lui firent les Babyloniens Ašarēdu, Nabû-iqbi de Cutha et Šapiku de Borsippa, les

    6  Sur cette question : E. Frahm, « Keeping company with men of learning : the king as scholar », in K. Radner et E. Robson, éds, The Oxford Handbook of Cuneiform Culture, University Press, Oxford, 2011, p. 508-532.

    7  Voir, par exemple, S. Parpola, SAA 10, nos 160, 171 et 177 ; M. Liverani, « The King and his Audience », in AV G.B. Lanfranchi, p. 375-376.

    8  Par exemple, le cas d’Asarhaddon, pour éclaircir le mystère de la mort de Sargon II : H. Tadmor, B. Landsberger et S. Parpola, « The Sin of Sargon and Sennacherib’s Last Will », SAAB 3/1, 1989, p. 10, face 15’.

  • 7Introduction

    Assyriens Akkullānu d’Assur, Nabû-ahhē-erība, Balasî et Bammāya de Ninive. Les trois derniers appartenaient au cercle restreint de ses conseillers9, et c’était à eux et à leur entourage qu’il revenait, en dernier ressort, de livrer au souverain les réponses définitives. On sait, par une lettre de Balasî, que Nabû-ahhē-erība échangeait des observations avec Issār-šumu-ēreš, issu d’une grande famille de lettrés au service des monarques depuis plusieurs générations, lui-même le chef des scribes du palais, en d’autres termes l’intellectuel le plus gradé de l’état10. Enfin, l’influence des devins était limitée par les rivalités et la surveil-lance mutuelle qu’ils exerçaient entre eux.

    Fouillant les poches de l’histoire, ils firent aussi métier d’historien ; on sait, pour mémoire, que la rencontre entre l’histoire et la divination donnait sens à toute l’œuvre d’Hérodote. Il était au moins quatre raisons pour cela. En pre-mier lieu, ils étaient initiés aux questions politiques, tous les actes de la vie publique faisant l’objet de consultations divinatoires préalables, rien n’étant entrepris sans cette précaution.

    En second lieu, un épisode du passé, parce qu’il suggérait des ressemblances avec un événement contemporain, était l’occasion de mobiliser un précédent historique élevé au rang d’exemple ; les glanures de faits crus reçues du passé, de seconde ou de dixième main, étaient la passerelle privilégiée qui conjoi-gnait le passé et le présent.

    En troisième lieu, les devins et les historiens concentraient la quasi-totalité de leur effort sur l’étude de la même matière, le temps et ses rythmes. Leur prise en compte constituait un élément central dans leur réflexion. Ils le conceptua-lisaient non pas à l’aide de l’expérience corporelle du mouvement dans l’es-pace, mais au moyen de celle de la vue : c’est ce qui était vu qui était connu. Le temps révolu se disait en akkadien pānānu ou mahru, « devant », alors que le futur était appelé warkātu, « ce qui est derrière » ; semblablement, le sumérien egir, « derrière », signalait le futur11. Le passé était donc connu, qui se déroulait à l’avant, et non l’avenir, qui se déployait dans le dos. Aujourd’hui encore, les Maori de Nouvelle Zélande et les Aymaras, un peuple andin, partagent cette vision12. L’avenir appartenant au passé, le futur n’étant pas encore de retour, cette conception du temps ne se manifestait pas selon un flux uniforme et

    9  H. Hunger, SAA 8, nos 49, 82, 102, 168, 169, 327, 416 et 491.10  H. Hunger, SAA 8, no 83.11  Pour toutes références : S.M. Maul, « Rückwärts schauend in die Zukunft : Utopien des

    Alten Orients », in A. Archi, éd., Tradition and innovation in the Ancient Near East, 52e RAI, Eisenbrauns, Winona Lake, 2015, p. 3-12.

    12  M. Sahlins, Des îles dans l’histoire, Gallimard – Seuil, Paris, 1989 ; H. Clark, « Space, time, semantics and the child », in T. Moore, éd., Cognitive Development and the Acquisition of Language, Academic Press, New York, 1973, p. 27-63.

  • 8 Introduction

    irréversible. L’historien le parcourait dans l’un et l’autre sens. Bref, le temps bégayait !

    Il se posa, à son sujet, la question de sa représentation. Elle se fit à travers la médiation de l’espace, et la ligne, par sa souplesse, s’imposa. Deux figures se déployèrent simultanément. L’une, exprimée par le mot sumérien bala, disait une scansion, un segment découpé dans le continuum du temps, un « champ d’incertitude entre deux points » (Pierre Bourdieu). Il contenait l’idée de tour, de rang successif ou alternatif ; il signalait le moment de l’entrée dans une fonction, la durée de son exercice et le moment de la quitter. Au cœur de son champ sémantique se trouvaient les idées de rotation et de périodicité qui ren-voyaient à l’image d’un temps sinusoïdal.

    L’autre, désignée par l’akkadien dāru, disait un temps qui procédait d’un point de départ, choisi arbitrairement, et d’où il s’écoulait selon un mouvement pendulaire, ne connaissant aucune limite dans le futur. Le mot dérivait d’une racine sémitique dwr qui était revêtue de plusieurs significations : « groupe de personnes », « période de temps », « maison », « dynastie » ou « génération ». Elle signalait un temps rendu pensable et maniable grâce au calendrier, scandé par des unités de temps cycliques, égales et mesurables, les années, les mois et les jours13. Les scribes s’obstinaient à en rappeler ce trait : iti 30 u₄-mi ù 30 mu- še-tum, « un mois de trente jours et trente nuits » ; iš-tu itibár.zag.gar ud.20.kam a-di itibár.zag.gar ša ša-at-tim e-ri-ib-ti 6 šu-ši u₄-ma-tim 6 šu-ši ⟨⟨ud⟩⟩ mu-ši-a-tim, « depuis le mois de Nisan, le vingtième jour, jusqu’au mois de Nisan de l’année à venir, le vingtième jour, (soit six fois soixante jours et six fois soixante nuits) » ; u₄-mu a-na u₄-mu iti a-na iti mu.an.na a-na mu.an.na, « jour après jour, mois après mois, année après année »14.

    Qu’il fût sinusoïdal ou pendulaire, il faisait apparaître la diachronie, avec une alternance entre des périodes ascendantes et descendantes. On doute qu’il existât un temps linéaire s’écoulant, selon la formule de Cicéron, comme le déroulement d’un câble. En Assyrie, par exemple, Tukultī-Ninurta Ier admit qu’Ilu-šūma (les dates ne sont pas assurées) l’avait précédé sur le trône de 720 ans ; Téglath-phalasar Ier (1114-1076) établit qu’Aššur-dān Ier (1178-1133) et Śamśī-Addu Ier (1808-1776) avaient régné, respectivement, 60 et 641 ans avant lui. À Babylone, Nabonide évalua l’écart qui le séparait de Narām-Sîn d’Akkadé (2202-2166) à 3200 ans. Faute d’interroger toutes les occurrences, écartant

    13  J.-J. Glassner, « Historical Times in Mesopotamia », in A. de Pury et al., Israel Constructs its History, Journal of the Study of the Old Testament, Supplement Series 306, Sheffield, 2000, p. 189-211.

    14  J.-M. Durand, Archives épistolaires de Mari I/1, ARM 26, ERC, Paris, 1988, no 96 : 8 ; L. de Meyer, « Deux prières ikribu du temps d’Ammī-ṣaduqa », in AV F.R. Kraus, p. 274 : 7-9 ; H. Hunger, SAA 8, 1992, no 421 revers 2-3.

  • 9Introduction

    toute référence à l’emploi et aux conditions d’emploi des repères temporels, les spécialistes modernes ont parfois substitué tacitement à des repères disconti-nus un calendrier linéaire prédisposé à être déroulé comme une totalité. Ils construisirent ainsi un objet qui n’avait d’existence que par cette construction inconsciente d’elle-même.

    Il importait peu que ces computs fussent fantaisistes, ils permirent une mise en perspective du passé et assurèrent, par l’ancienneté des exemples choisis, une légitimité aux actes du souverain régnant dont le règne était inscrit dans la longue durée. Connaître les précédents, s’accrocher aux vestiges du passé, offrait une assise stable pour une prise de décision concernant le présent ou l’avenir. En astrologie, la nécessité de connaître le moment précis où un signe se produira conduisit au développement de l’astronomie mathématique et à une révolution dans les pratiques divinatoires.

    Il exista enfin un schéma historiographique où l’histoire était censée se dérouler dans cet instant sans durée qui caractérisait le temps des origines. Le Poème d’Erra en est l’illustration la plus accomplie. Les faits historiques rela-tés, arrachés au temps de l’histoire, y étaient articulés et interprétés conformé-ment au modèle atemporel du récit mythique.

    En quatrième lieu, les Mésopotamiens croyaient au destin. Cette affirma-tion ne signifie nullement que le déterminisme régnât en maître absolu, car le mot ne désignait pas, alors, l’ensemble d’une vie comme fixé d’une manière irrévocable par une puissance supérieure. Il disait « une part », (nam.tar en sumérien, šīmtu en akkadien), chaque homme ne disposant que d’une part de temps, qualitativement variable selon les individus. La mort était le seul événe-ment auquel nul ne pouvait échapper.

    Le destin était une puissance qui traçait leur ligne de conduite à tous les existants. Sa fixation était un motif qui apparut avec les théogonies, les dieux étant les agents actifs qui les arrêtaient, à commencer par les leurs propres. Quant aux souverains d’ici-bas, entre le xxie et le xixe siècle, la littérature hym-nologique annonçait que leur destin était fixé dès avant leur naissance, lors de leur conception par leurs parents divins, une antienne qui fut reprise par les monarques à partir de Tukultī-Ninurta Ier d’Assyrie et se rencontra encore chez Nabonide. La divination servait alors de révélateur de choix prénataux, qu’elle confirmait ou infirmait, selon les vertus ou les défauts des uns ou des autres.

    Mais ce discours mérite d’être complété. À l’origine des temps, le dieu immolé pour créer l’homme était un coupable dont le sacrifice fut le châ-timent. Par essence, l’humanité était soumise à la justice divine. Dès lors, faut-il voir, avec Walther Benjamin, que le destin était « l’ensemble des rela-tions qui du vivant font un coupable » ? Décontextualisé, l’événement ancien était conservé dans un passé pur ; il demeurait néanmoins présent à titre de

  • 10 Introduction

    signifiant virtuel, demandant à être pris dans le signifié du présent. Sa mémo-risation faisait de l’histoire un destin, mais que les Babyloniens pensèrent sans fatalité. Pour eux, l’homme bénéficiait durant sa vie entière d’une certaine liberté, nécessairement en harmonie avec le monde des dieux. Cette obser-vation s’inscrit dans une considération plus générale. Il fut très tôt admis qu’il existait un lien entre les comportements humains et divins, les premiers étant les stimuli auxquels les seconds apportaient les réponses. En somme, malgré la toute-puissance divine, l’homme avait prise, dans certaines limites, sur son propre avenir, puisqu’il lui était possible de prévoir le comportement divin dès lors qu’il connaissait le stimulus humain. C’est dans cette capacité que se logeait la liberté face au destin. La divination tenait ici toute sa place, le devin ayant le pouvoir de modifier l’interprétation d’un présage.

    Bref, l’intervention des devins rendit l’histoire cohérente, et non plus impré-visible. Son argumentation était judiciaire, avec l’exigence de rendre un ver-dict. Concentrée sur un acte déterminé, elle contribuait à construire une tem-poralité éloignée de la périodisation historique, mettant les contextes à l’écart. Comme on verra, cette attitude fut modifiée au cours du Ier millénaire.

    Peut-on parler d’une science à propos de la divination mésopotamienne15 ? Le mythe moderne soutient que, dans l’antiquité, elle ne naquit au sens propre du mot qu’une seule fois et en un seul lieu, au ve siècle en Grèce. Ce qui était apparu ailleurs n’était que recettes empiriques, au mieux « préscientifiques ». Au sens commun, une science est un système de représentations et une réalité sociale : elle répond à un projet théorique et use de procédures de validation ; la société investit dans les études qu’elle se propose de conduire ; des spécia-listes qui ont subi une formation appropriée en font leur métier ; une chaîne de transmission du savoir en assure la pérennité16. La divination mésopota-mienne répondait à ces critères, à une exception près : ne sachant que com-menter, elle ignora la preuve, mais elle fit un ample usage de la justification, pour laquelle nous n’éprouvons que condescendance, mais qui, cependant, exista. Elle ne forma pas un système à part, au mieux ésotérique, au pire char-latanesque. Tout au contraire, elle s’inventa une véritable herméneutique. Elle fut une science déductive, centrée sur l’effort de l’homme, à qui était donné un signe, qu’il devait reconnaître, identifier, nommer, disséquer, déchiffrer, inter-préter, mettre en relation avec un oracle. Le fait qu’elle reposait sur une autre

    15  En dernier lieu : J.C. Fincke, éd., Divination as Science, A Workshop Conducted during the 60e RAI, Eisenbrauns, Winona Lake, 2016.

    16  S. Auroux, La Logique des idées, Vrin, Paris, 1993, p. 17 ; P. Delnero, « Divination and Religion », in J.C. Fincke, éd., 60e RAI, p. 148-150.

  • 11Introduction

    épistémè que la nôtre ne l’empêcha pas de produire un type de discours scien-tifique fondé sur une conception de l’ordre.

    Au sein de chaque discipline, mais à distance de la pratique, les devins entreprirent d’écrire des traités, qui classaient les présages, et devinrent, avec le temps, de véritables encyclopédies. C’étaient des ouvrages de casuistique. On y découvre un savoir de caractère pointilliste, qui n’était jamais exprimé en termes généraux, les auteurs procédant par touches juxtaposées dont chacune, dans son individualité, ne valait que par l’accumulation de toutes celles qui la précédaient ou lui étaient consécutives. Ce savoir ne se laissait découvrir qu’à la manière d’une texture dense, qu’après avoir été parcouru entièrement. Il était additionnel, chaque pas apportant une pierre nouvelle à l’édifice de la connaissance. Un tel classement était déjà une étape vers un ordre rationnel, une science du particulier qui visait à une exploitation spéculative du monde.

    L’activité visuelle ne devenant pleinement active qu’au moment où inter-vient une activité mnémonique, la mémoire y joua sa partition, car le devin mémorisait l’ensemble des données dont il disposait, lesquelles ne relevaient que partiellement de l’empirie. Sa démarche n’était pas, fondamentalement, de nature empirique. C’est ce qui autorisa le passage de l’occurrence à la série. Dans cette dernière, les présages étaient décortiqués comme des ensembles cumulés d’informations sélectionnées et structurées.

    Ce sont ces travaux, et non la pratique divinatoire, qui sont au cœur de la pré-sente étude. L’enjeu est de taille. Le toponyme Mésopotamie désigne un objet qui renvoie à des connaissances établies, mais qui est toujours à construire. Il est parmi les sources qu’il nous a livrées, des textes majeurs, on pense au colo-phon d’Ésagil-kīn-apli ou à des commentaires érudits, qui guident l’historien dans sa démarche, « en imposant une théorisation immédiate de (leur) objet, mais dont l’élaboration est contemporaine des faits qui le(s) constituent », « ils ne l’accompagnent pas, mais le précèdent, quelques pas devant lui, en éclai-reurs », le chercheur étant « toujours à la traîne de ces textes intelligents » (Patrick Boucheron).

    Tout au long de l’ouvrage, autant que possible, on privilégie l’histoire comparée17, principalement avec le monde classique. Elle est « l’une des voies d’accès pour travailler à ce décentrement du regard qui constitue sans doute aujourd’hui l’un des défis les plus exigeants du métier d’historien » (P. Boucheron).

    Beaucoup de choses nous échappent, l’historien de la haute antiquité le sait plus que tout autre. Il exista, par exemple, des divinations amorrite ou

    17  J.-J. Glassner, « Comparatisme », in M. Blay, éd., Grand Dictionnaire de la Philosophie, Larousse, Paris, 2003, p. 164-166.

  • 12 Introduction

    levantine, dont seules quelques bribes sont parvenues jusqu’à nous (l’obser-vation des oiseaux était peut-être une tradition d’origine syro-anatolienne), à peine plus qu’un vague souvenir. Faisant œuvre de rhapsode, il travaille sur des fragments de documents qu’il lui faut établir, ressouder, critiquer. Il sait que ses connaissances sont lacunaires, une bonne part de ses sources étant irrémédia-blement perdue. Il sait aussi l’incomplétude de sa démarche.

  • © koninklijke brill nv, leiden, 2019 | doi:10.1163/9789004390065_003

    chapitre 1

    Aperçu diachronique

    Il n’est pas rare que des peuples s’égarent tout entiers dans l’histoire.Patrick Deville, Kampuchéa

    …Sans mémoire et sans projet, il n’y a tout simplement pas de savoir

    SYLVAIN Auroux, La Révolution technologique de la grammatisation

    Au fil du temps, la divination acquit une maîtrise toujours plus approfondie de son objet, laquelle favorisa des mutations dans la façon dont elle le concevait. Un classement des sources conduit à distinguer trois époques, qui correspon-dirent à trois régimes de rationalité différents.

    On entend par rationalité une pensée qui résulte de la réflexion davantage que de l’expérience, qui se construit sur des hypothèses jugées crédibles et qui permet d’effectuer des raisonnements déductifs du type « si P, alors Q ». Elle s’exprime en propositions logiques. Les devins imaginaient un monde fait d’une infinité d’objets, d’actions et de mots, que les dieux mettaient en scène, que les hommes percevaient comme des signes révélateurs d’un univers invi-sible, dont l’existence n’était pas démontrée, mais dont ils étaient des éléments. S’ils apparaissaient, c’était parce que l’esprit analysait.

    1 Premier régime de rationalité : des maquettes de viscères

    Évitons de poser le problème des origines, il est insoluble. Une première période s’acheva à l’extrême fin du xixe siècle. La divination était alors une instance de légitimation. En proposant des décisions socialement objectives, indépendantes des désirs et des parties en cause, au-dessus de toute contesta-tion, elle était la seule institution capable de départager des groupes rivaux qui s’affrontaient, au sein de la cité, pour la détention des plus hautes fonctions et l’exercice des pouvoirs qui leur étaient inhérents ; l’agrément des oracles

  • 14 chapitre 1

    était requis pour le choix de certains prêtres, de hauts dignitaires, des rois eux-mêmes.

    Parmi les rares sources directes à notre disposition, la divination semble avoir été alors de tradition essentiellement orale1, les maquettes de viscères en argile étaient des objets privilégiés.

    Trente-deux d’entre elles furent découvertes à Mari, dans la salle 108 du palais royal, lors de la campagne de fouilles de 1935-36. Les présages y étaient reproduits au moyen de dessins, la place de leur description verbale étant res-treinte. Seuls les oracles étaient verbalisés. Elles formaient un groupe hétéro-gène du point de vue épigraphique et linguistique. Dans leur grande majorité, elles présentaient tous les traits caractéristiques de la fin de l’époque dite des šakkanakku (dernières décennies du xixe siècle)2. On pense à l’emploi de la préposition iš (maquettes nos 31 et 32 ; les numéros suivent le classement de M. Rutten), « vers, pour », en lieu de ana ; à l’usage de la terminaison -tin (nos 18, 28 et 31) de certains adjectifs ou substantifs ; à celui de la préposition aštu dans l’anthroponyme Man-aštu-šu (no 2)3. Il subsiste, cependant, çà et là, des traces d’une écriture antérieure, comme les valeurs syllabiques hé pour le signe kan, et a₁₂ pour le signe ud (nos 4 et 17), la forme in de la préposition ina, « dans » (nos 11, 12 et 26), toutes caractéristiques du paléo-akkadien. On découvre, également, une occurrence d’une forme subjonctive -(u)na, typique de la période paléo-babylonienne archaïque (no 22). Plus généralement, on relève des variantes graphiques, comme les formes non contractées ru-ba-um, ru-ba-u-um ou ru-ba-i-im (nos 23, 25, 31), en regard des graphies contractées ru-bu-um ou ru-ba-am (nos 23, 24), pour le mot rubā’u/rubû, « prince » ; le recours alterné aux graphies śá ou ša pour la transcription du pronom relatif (passim), voire de ses formes déclinées ou figées (šu : no 13 ; ši : no 6) ; aux graphies šu-ma (nos 14, 19) ou šum-ma (passim) pour la conjonction « si » ; enfin, l’emploi du titre royal malkum (nos 18 et 23) en lieu de šarrum (nos 21 et 22). Ce sont-là autant de données indépendantes de la volonté des copistes et qui témoignent de la diversité des sources qu’ils reproduisaient. La présence sur une maquette (no 19) de la forme

    1  On hésite à voir dans le mot girgenna tel qu’il figure dans un hymne à Šulgi l’allusion à une liste écrite de sentences divinatoires : P. Michalowski, « How to read the liver – in Sumerian », in AV E.V. Leichty, p. 249 ; S.F.C. Richardson, gir-gen-na and Šulgi’s ‘Library’ : Liver Omen Texts in the Third Millennium BC, CDLJ 2006 : 3. En akkadien le terme dérivé girginnakku désignait une bibliothèque.

    2  M. Rutten, RA 35, 1938 ; J.-M. Durand, « La situation historique des šakkanakkus : nouvelle approche », MARI 4, 1985, p. 160-171 ; D. Snell, « The Mari Livers and the Omen Tradition », JANES 6, 1974, p. 119 ; L. Colonna d’Istria, thèse inédite, Lyon, 2009, p. 335-408.

    3  L’emploi du signe -ú- pour écrire la copule n’était pas propre à Mari, mais amplement attesté dans le corpus des textes divinatoires paléo-babyloniens ; par exemple A. Gœtze, YOS 10, 36 i 27.

  • 15Aperçu diachronique

    infinitive tebē’am, « se lever », caractéristique du style dit « mariote », conduit à dater le document postérieurement à l’époque des šakkanakku4. On soup-çonne les graphies i-ša-kà-an (nos 12 et 19), forme inaccomplie du verbe šakānu, « placer » (versus i-śá-kà-an, nos 23 et 29), et i-ša-ne (no 30), du verbe šanû, « changer » (versus i-śá-ni, no 11), d’être de même date. En un mot, ces trois maquettes (nos 12, 19 et 30) pourraient également être de l’extrême fin du xixe ou du tout début du xviiie siècle.

    On a voulu voir en elles les témoins des débuts empiriques de la science divinatoire. En réalité, les modernes s’opposent sur la manière dont celle-ci se constitua en Mésopotamie. Une thèse empiriste postule qu’une concordance entre deux événements observée dans le passé pouvait se répéter dans l’avenir. Jean Bottéro en fut le plus ardent défenseur5. Pour Jean Nougayrol et Jacob Joel Finkelstein6, les sentences divinatoires à caractère historique auraient pris forme dès le lendemain des événements dont elles conservaient la trace. Le roi ayant consulté les devins au moment d’entreprendre une action, la consulta-tion ayant été favorable et l’opération couronnée de succès, ceux-ci auraient immédiatement couché l’une et l’autre par écrit, les muant en précédents aptes à se reproduire. Récemment, Giovanni Manetti soutient encore cette thèse7. Pourtant, dès 1974, Daniel Snell8 avait émis les premiers doutes sérieux quant à sa validité. Depuis lors, les critiques se sont radicalisées.

    Les sources de Mari montrent que les maquettes étaient des copies d’origi-naux situées sur une chaîne plus ou moins longue de transmission et qu’elles étaient déjà le fruit de constructions a posteriori. Les pratiques de la compila-tion et de la réécriture constituent des actes conscients où des écarts peuvent volontairement se faire jour. Partant, et s’agissant des présages historiques, rien ne permet plus d’affirmer que les événements, tels qu’ils furent donnés à voir, s’étaient effectivement déroulés.

    Dans les énoncés, dont les verbes étaient à l’accompli, et qui consignaient un événement révolu, le devin déduisait un oracle d’un présage, la divination étant une science qui se tournait vers le passé dont elle s’inspirait : « Lorsque le roi rallia à sa cause un pays jusque-là ennemi – cela se présenta ainsi » (no 22). Dans d’autres énoncés, au contraire, dont les verbes étaient à l’inaccompli,

    4  J.-M. Durand, « À propos des foies de Mari », MARI 2, 1983, p. 218.5  « Symptômes, signes, écritures », in J.-P. Vernant et al., éds, Divination et rationalité, Seuil,

    Paris, 1974, p. 149.6  J. Nougayrol, Annuaire EPHE V, 1944-1945, p. 33 ; J.J. Finkelstein, « Mesopotamian

    Historiography », PAPS 107, 1963, p. 465.7  Theories of the Sign in Classical Antiquity, Indiana University Press, Bloomington &

    Indianapolis, 1993.8  D. Snell, JANES 6, 1974, p. 119 et 122.

  • 16 chapitre 1

    le devin traitait d’événements non encore advenus et, de ce fait, non encore observés. Il adoptait alors une démarche à rebours de la précédente, déduisant le présage de l’oracle, un mode opératoire qui fut abandonné dès la fin du xixe siècle : « Si un ennemi projette une attaque contre une ville quelconque et si son projet est dévoilé – cela se présentera ainsi » (no 19). Enfin, lorsque, en associant les deux types d’énoncés sur un même support, il offrait un mixte d’événements écoulés et à se produire, il extrapolait en direction de l’avenir des configurations et des enchaînements du passé : « Présage de paralysie selon lequel, à Kiš, à la face de l’armée, des sapes furent poussées et l’armée d’Išmē-Dagān (1953-1935) fut prise. Si la loyauté du pays change (cela se présen-tera ainsi) » (corpus no 256). Il ressort de ces exemples qu’à la charnière des IIIe et IIe millénaires, la pensée des devins s’était décrochée du réel et s’éloignait de la connaissance sensible pour s’affirmer comme un système. Un rapport de réciprocité était institué entre la nature et la culture, puisqu’il était loisible d’inférer la configuration d’un viscère d’agneau d’un événement politique ou militaire. On ne peut donc plus parler de culture d’expérience. Un événement du passé, qu’il fût réel ou fictif, pouvait enrichir par son exemplarité la réflexion sur les liens qui unissaient la nature et la société. Ces maquettes témoignent de la fin d’une époque. L’ultime événement datable qui y est rapporté évoque la mort du roi Sîn-iddinam de Larsa (1849-1843) (corpus no 257).

    Sans doute, des artefacts similaires continuèrent-ils à être fabriqués bien après la fin du xixe siècle, mais dans leur immense majorité ils le furent hors de Mésopotamie. Celui de Tell es-Sib, qui relatait la prise du pouvoir par Dāduša d’Ešnunna (mort en 1779 ; corpus no 259), mais aussi les textes d’apprentissage de Mari et de Tell Yelkhi (premières décennies du xviiie siècle), attestent le changement qui s’opéra. Les formulaires y étaient inédits. À Tell es-Sib, aux présages présents sur le foie et reproduits au trait, s’ajoutait la description ver-balisée de ceux qui figuraient sur les autres viscères, une description rigou-reuse suivie par l’énoncé de l’oracle sous la forme d’une proposition nominale, un exemple historique étant invoqué en guise de précédant. À l’exception des maquettes en ivoire d’Ugarit, elles étaient toutes des documents d’enseigne-ment et elles eurent en commun que l’oracle y était déduit du présage.

    Par la physicalité des supports, avec les dessins des présages, les déictiques qui les désignaient et la verbalisation des oracles, ces artefacts liaient l’espace de la performance, c’est-à-dire de la consultation oraculaire, et l’espace de l’énonciation, dont l’objet était l’édification et la glorification du monarque régnant. Le roi de Mari se voulait le continuateur des monarques dont les noms y étaient mentionnés. D’autre part, l’introduction de la dimension his-torique cherchait à articuler des temporalités multiples, l’historicisation visant

  • 17Aperçu diachronique

    autant le phénomène du passé que la situation présente, en établissant un lien entre les deux.

    2 Deuxième régime de rationalité : écrire, nommer, verbaliser

    L’époque paléo-babylonienne (on entend cette expression au sens restreint, les xviiie-xvie siècles) privilégia la créativité intellectuelle. Elle offrit à Babylone, la scène de l’intelligence et la capitale du moment, pour plus d’un millénaire et-demi, les moyens de domination sur les autres cultures du Proche-Orient asiatique, voire celles de la Méditerranée orientale tout entière. Ambitionnant de créer un lieu où se concentrent tous les savoirs, ses rois, Hammurabi le premier, se firent chasseurs de têtes9 et de textes. Avec eux, Babylone fut sur la voie de devenir le monde, le reste de la terre n’en étant que les faubourgs ! Paradoxalement, nous ne savons presque rien de cette ville où se fécondèrent tous les savoirs !

    Une pluralité de faits témoigne de ce que le pays fit alors l’expérience de profondes mutations. S’est-il agi de la prise de conscience d’un renouvelle-ment en acte ou de l’effet du tourment suscité par les crises des institutions ou des luttes fratricides que se livraient alors les royaumes en présence ? Les contextes politique et éthique y furent favorables. Les clivages sociaux, qui les accompagnèrent, contribuèrent certainement à engendrer les innovations dont la période fut féconde. Mais un bouleversement dans les registres des connaissances en fut indiscutablement le point d’origine.

    Depuis la fin du xxie siècle, des élites amorrites étrangères à la Mésopotamie s’emparèrent progressivement du pouvoir dans nombre de cités, provoquant une situation de crise, la coexistence de deux systèmes de valeurs générant des conflits. Au xxe siècle, la famille royale d’Isin, d’origine amorrite, se rattacha encore au prestige de la défunte dynastie d’Ur, dont elle se voulut la continua-trice. Petit à petit, cependant, les Amorrites s’affranchirent du poids culturel du monde suméro-akkadien, se passèrent du vieux mode de légitimation des souverains et firent appel à leurs propres lignées familiales. Ce ne fut que sous les règnes des successeurs de Hammurabi qu’ils franchirent tous définitive-ment le pas.

    Entre le xxe et le xviie siècle, une historiographie nouvelle vit le jour, même si des éléments de continuité avec certains usages antérieurs furent préservés.

    9  Voir, notamment, R. Harris, « Some aspects of the centralization of the realm under Hammurapi and his successors », JAOS 88, 1968, p. 727-732.

  • 18 chapitre 1

    En profondeur, les élites intellectuelles locales manifestèrent une fidélité farouche aux vieilles traditions sumériennes et akkadiennes, répondant à l’in-trusion amorrite par une acculturation limitée, mais, à l’opposé, les nouveaux dépositaires du pouvoir et leur entourage, tout en adoptant certains traits de la culture autochtone, introduisirent des éléments de la leur. Ainsi, la charte poli-tique qu’était la Chronique de la monarchie une continua-t-elle d’être copiée tout au long de la période, mais, à partir d’une certaine date, elle ne fit plus l’objet d’éditions nouvelles, qui en actualisaient le contenu ; elle perdura en tant qu’œuvre historiographique au projet politique pour lequel elle avait été concoctée au xxiie siècle.

    Les juristes inventèrent des catégories nouvelles. Le ‘Code’ de Hammurabi stipula que toute personne qui, sans en produire la preuve, accusait un tiers de meurtre ou dénonçait une femme de relations sexuelles non autorisées, subirait la peine encourue par les auteurs de tels délits, la mort dans le pre-mier cas, la flagellation et le rasage de la moitié du crâne dans le second. Dans une société dont il est de notoriété qu’elle encourageait la délation (l’auteur d’une lettre datant de la première moitié du xixe siècle désignait à son corres-pondant un individu qui « sera responsable auprès de toi pour toute dénon-ciation », ana taggirtim izzazkum10), ils inventèrent la catégorie juridique de la présomption d’innocence11.

    La culture sumérienne était en déclin. La langue s’oublia, non que les popu-lations sumérophones se perdirent dans les sables du désert ou se noyèrent dans les eaux du Golfe, mais pour des raisons extra-linguistiques, au nombre desquelles les affaires politiques tinrent une grande place. La population se détacha lentement de sa langue et une manière de bilinguisme vit le jour. Dans la correspondance privée, le sumérien suivit toujours davantage les règles de la syntaxe akkadienne. Le prologue et l’épilogue du ‘Code’ de Hammurabi sont, à leur manière, les témoins éloquents de cet effacement progressif. Ils furent composés en langue babylonienne pour un souverain d’ascendance amorrite, mais selon les règles de la syntaxe sumérienne, avec ses membres de phrases emboîtés les uns dans les autres, une procédure qui est un indice fort de la dis-parition d’une langue12. Pour mémoire, un scribe put se moquer des capacités

    10  M. Stol, Letters from Yale, AbB 9, Brill, Leyde, 1981, no 216 : 12-13 ; sur le contexte et la date de ce document : S.D. Walter, Water for Larsa, An Old Babylonian Archive Dealing with Irrigation, YNER 4, University Press, New Haven, 1970, p. 41 et 149.

    11  J.-J. Glassner, « Droit et divination : deux manières de rendre la justice », JCS 64, 2012, p. 55-56.

    12  Sur ce point, voir C. Hagège, Halte à la mort des langues, Odile Jacob, Paris, 2000, p. 108. Sur la mort du sumérien, voir C. Woods, « Bilingualism, Scribal Learning, and the Death

  • 19Aperçu diachronique

    limitées des lettrés de la ville d’Isin d’étudier le sumérien13 ! À côté de celui-ci, mué en véhicule de culture à l’instar du latin au cours de notre Moyen-Âge, la langue akkadienne vit son lexique s’enrichir par l’apport du vocabu-laire de la langue amorrite, avec toutes les conséquences que cela signifiait. Parallèlement, on assista à la naissance d’une littérature en langue akkadienne. Sans parler de l’Épopée de Zimrī-Lîm de Mari, composée sous ce règne, les plus anciens témoins de l’Épopée de Gilgameš datent, précisément, du xviiie siècle. Enfin, le style de la correspondance en cette langue gagna en qualité.

    La religion sumérienne elle-même cessa d’exister en tant qu’institution vivante. Les théologiens s’ingénièrent à reclasser les dieux dans des gro