le commerce équitable dans le nord pas-de...

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Près de 300 bénévoles dans le Nord-Pas-de- Calais tentent de sensibiliser les populations à la solidarité internationale Un petit groupe devenu grand p 4 Un magasin qui roule ! p 7 Sur la route de l’insertion p 8 En direct du Népal p 12 Sans boutique fixe p 14 Autour d’un café p 16 Solidarico : l’union fait la force p 18 Indépendance Douai p 11 Arra Arra s s Li Li lle lle T T ou ou r r c c oi oi ng ng V V i i lle lle n n eu eu v v e e Bou Bou l l ogn ogn e su e su r Me r Me r r - - Calais Calais Béthu Béthu n n e e Car Car v v i i n - Lié n - Lié v v i i n n Dou Dou ai ai Le commerce équitable dans le Nord Pas-de-Calais Tous les contacts des différents groupes de la région p 20 Mon café est éthique, et le vôtre ? Magazine réalisé avec le concours des étudiants de la filière “Presse hebdomadaire régionale” de l’Ecole supé- rieure de journalisme de Lille, à l’occasion de la sixième conférence européenne des Magasins du Monde

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Près de 300 bénévoles dans le Nord-Pas-de-Calais tentent de sensibiliser les populationsà la solidarité internationale

Un petit groupe devenu grandp 4

Un magasin qui roule !p 7

Sur la route de l’insertionp 8

En direct du Népalp 12

Sans boutique fixep 14

Autour d’un cafép 16

Solidarico : l’union fait la forcep 18

Indépendance Douaip 11

ArraArrass

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BouBoullognogne sue sur Mer Merr-- CalaisCalais

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Le commerce équitabledans le Nord Pas-de-Calais

Tous les contacts des différents groupes de larégion p 20

Mon café est

éthique,

et le vôtre ?

Magazine réalisé avec le concours des étudiants de la filière “Presse hebdomadaire régionale” de l’Ecole supé-rieure de journalisme de Lille, à l’occasion de la sixième conférence européenne des Magasins du Monde

Flux internationaux, import-export, le commerce équitableest d’abord un métier. Selonune étude commandée par l’as-sociation Lianes coopération,dix-huit organismes de larégion seraient impliquésdans le commerce équitable.Laure Bourgois, chargée demission chez Lianes, revientsur des années de vente et desensibilisation dans le Nord-Pas-de-Calais.

Faire du commerce équitable, ça nes’improvise pas. Il faut être capa-ble d’intégrer les circuitséconomiques internationaux.

Laure Bourgois vit et consommeéquitable. Elle en discerne pourtant leslimites. Dans son bureau, les dossierss’empilent. Des posters roulés sur laqualité de l’eau, des brochures sur la sol-idarité, la déclaration des droits del’homme et du citoyen en guise de déco-ration. La chargée de mission de Lianescoopération pose ses yeux écarquillés surchacun des documents et rassemble sesidées sur l’économie solidaire.L’association Lianes(Liaisons informations etappui à la coopérationNord-Est-Sud) est chargéede fédérer les initiatives régionales enlien avec la solidarité.En 2003, le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais lui a demandé de procéderau recensement de toutes les structuresimpliquées dans le commerce équitable.Bilan : sur les cinquante organismes quise sentaient concernés, seuls dix-huitrépondent vraiment aux critères. Etparmi eux, selon Laure Bourgois, cinqacteurs se distinguent et font du com-merce équitable leur principale activité :

Step Yamana, Artisans du monde, SchornSA, le Comité catholique contre la faim etpour le développement et Kulturs. « Lecommerce est un métier. Il faut maîtriserles circuits économiques et être présentdans le pays producteur en permanence.» Selon elle, beaucoup d’associationsdisent faire du commerce équitable alorsqu’elles ont seulement unedémarche plus honnête. « Cela

implique de créer desfilières économiques àpart, de les structureret de les développer.Elles doivent être

viables et durer même sans subvention. »Les petites associations sont, la plupartdu temps, gérées par des bénévoles quin’ont pas forcément des connaissancespoussées dans le domaine du commerce.Et notamment du commerce équitable.Par ailleurs, les grandes structures ontplus de facilité à convaincre la grandedistribution d’intégrer des produitséquitables dans leurs rayons. C’est l’ac-tion du collectif « Ethique sur l’étiquette»

qui note les entreprises en fonction deleur engagement. Avoir l’air éthique, çase travaille. Mais un produit MaxHavelaar sur 20 000 étiquettes, c’estencore loin d’être suffisant. Même si elles pêchent au niveau de lavente, la région et les petites associationsne manquent pas d’idées pour sensibilis-er le public à ce type d’échange.Interventions auprès des scolaires,forums, conférences, pression vers lagrande distribution et les collectivités...Le faible poids des petites associationssur le marché n’empêche pas les bénév-oles de se mobiliser sur le terrain. Leuréternelle cible : les consommateurs. Et enattendant que tous deviennent con-som’acteurs, Laure Bourgois continue derêver à « un commerce biologique etéquitable qui ne nuise à personne ».

Région

Page 2 - Artisans du monde

Commerce équitablePas facile d’être solidaire

Edith Rivoire et Laetitia Bourcet

Les magasins équitables se répandent de plus en plus, en France mais aussi dans larégion Nord-Pas-de-Calais. De plus en plus de monde semble acquis aux valeurs ducommerce équitable.

Avoir l’air éthique, ça se travaille

Sénégal Costa Rica Inde

Région

Artisans du monde - Page 3

Quatre casquettes pour une seule cause

« Une dynamique de solidarité »

Laurent Rousseaux est chargé de missionrelation et coopération internationales auConseil régional du Nord-Pas-de-Calais.

Pourquoi la région s’implique-t-elle dans lecommerce équitable ?Depuis le colloque sur le commerce équitableen 1997, le Nord-Pas-de-Calais soutient cettedynamique. Parce qu’elle est porteuse devaleurs, de solidarité dans les pays du Sud maisaussi dans la région.

De quelle manière participe-t-elle au com-merce équitable ?Le code des marchés obéit à des règles trèsstrictes. Malgré ces contraintes, la volonté estd’acheter des produits labellisés. Par exempleau Nouveau siècle (siège du Conseil régional),du café Max Havelaar est servi lors des collo-ques et des réunions. Mais l’offre de produitsproposée par les associations revendeuses ne correspond pas forcément aux besoins descollectivités locales importantes. La région sou-tient également la plateforme Solidareco qui avu le jour à Villeneuve-d’Ascq. Nous continuonsaussi à participer au « Collectif de l’éthique surl’étiquette ». De plus en plus de collectivitésveulent se fédérer.

Dans le rayon promotion du commerceéquitable, la région se démarque. Quelssont vos projets pour cette année ?Nous soutenons des associations commeArtisans du monde qui ont un programme d’ap-pui à la sensibilisation de lycéens. Nous cher-chons comment aller plus loin à ce niveau-là.Nous avons un fonds destiné à soutenir l’ou-verture de commerce équitable. Ce sont lesacteurs de terrain qui restent les meilleur relais.

Plus bénévole, plus convaincu ?Franchement, c’est difficile à trou-ver. Francis Louchez assume ses

quatre casquettes en toute modestie.

A la fois référent du commerce équitable pour leComité catholique contre la faim et pour ledéveloppement, délégué Max Havelaar pour larégion de Lille, correspondant local du comitééthique sur l’étiquette et membre de la plate-forme du commerce équitable, Francis Louchezest un bénévole retraité qui ne compte pas sesheures. Il en passe du temps à distribuer destracts, à convaincre la grande distribution decommercialiser le label Max Havelaar, à courirde forums en conférences, une liasse de péti-tions dans la poche. On ne chôme pas quand ondéfend l’économie solidaire. « J’interviens dansles facs, les lycées, dans des émissions de radio.La sensibilisation au commerce équitable est unengagement au quotidien. »

Selon Francis Louchez, la multiplicité des asso-ciations engagées dans cette cause et lemanque de missions communes n’est pas unobstacle. « C’est vrai qu’il y a beaucoup d’or-ganismes impliqués dans le Nord-Pas-de-Calais. C’est vrai aussi qu’ils ne sont pas organ-isés, qu’ils sont mal fédérés. Mais après tout, onse bat pour la même chose. Il n’y a pas de con-currence entre les différentes associations. Dansce milieu, on ne prêche pas pour sa paroisse.C’est d’ailleurs pour cette raison que j’assumemes différentes casquettes. » Alors la région est-elle pilote en la matière ? Selon le bénévole, iln’y a aucun doute. « Quand je regarde tout le boulot qui a été faitau niveau de la sensibilisation, toutes les actionsqui ont été menées, je suis convaincu que leNord-Pas-de-Calais est une région définitive-ment engagée. » Le secret de cette mobilisation,Francis Louchez le résume en un mot : « l’au-dace ».

« L’engagementne tarit pas »

Guillaume de Bretagne estsalarié à la boutique Artisansdu monde de Lille. Il n’estmembre d’aucune autre asso-

ciation de ce type, ce qui ne l’empêchepas de partager leur cause. « On joue surle même terrain, chacun avec des rôles dif-férents et on finit toujours par se retrouver àl’occasion d’actions nationales ou locales. LeNord-Pas-de-Calais est une région profondé-ment solidaire, sans doute grâce à l’espritmilitant des gens qui y vivent et à son his-toire sociale. » Guillaume de Bretagnecroit à la coopération entre les organ-ismes et il est persuadé que le commerceéquitable va continuer de se développer.« Cette année, Artisans du monde fête sestrente ans, son réseau en France se composede 120 groupes et de 4 500 bénévoles ».Neuf groupes dans le Nord-Pas-de-Calais,140 adhérents à Lille, 350 pour la région. »

« L’antenne de Lille a dû organiser plus de70 interventions éducatives en 2003. Lesbénévoles ont assuré des milliers d’heures depermanences au magasin. L’engagement netarit pas.

Depuis trois ans, de nombreux groupes sesont créés, grâce notamment à la Fédérationde développer le réseau. On sent une réellemontée en puissance des projets et de l’ent-housiasme en général. » Mission phare desprochains mois pour trois antennesADM du Nord-Pas-de-Calais : créer des“ jeunes ADM ”.

Les associations de Lille, La Gohelle etDouai vont progressivement travaillerensemble dans cinq lycées de la régionafin de mettre en place plusieurs groupesde jeunes motivés pour gérer des actionsau sein même de leurs établissements.

« Ils pourront organiser des conférences, despièces de théâtre, des documentaires, desexpositions d’arts plastiques sur le thème ducommerce équitable afin de sensibiliser lesautres de façon attractive. » Alors non,Guillaume de Bretagne ne s’inquiète paspour l’avenir.

Bangladesh

Niger

Népal

Tahiti

Argentine

Thaïlande Pérou Inde

Laos

C'est le 28 décembre 2000 que l'histoi-re du groupe Artisans du monded'Arras débute. A l'époque,Christine Champale, animatrice

régionale, avait pour projet de monter ungroupe à Arras. Quelques personnes, acquisesà la cause, se sont jointes à l’aventure. Et lebouche-à-oreille a fait le reste. Au début, unepetite dizaine de personnes s'est réunie à laMaison des sociétés pour réfléchir aux actionsà mettre en place. Le 5 janvier 2001, l'associa-tion obtient l’agrément «Artisans du monde ». Deux commissions sont alors créées pour pré-ciser les objectifs : l’une responsable des achatset des ventes et l’autre pour sensibiliser et édu-quer. L'action peut alors commencer. Grâce àdeux prêts, l'association constitue son premierstock de produits équitables (produitsalimentaires et artisanat). Au départ, elle nedispose que d'un petit local chez un particulierpour stocker sa marchandise. Très vite, legroupe s'organise. En 2001 débute l'aventuredes marchés : une fois par mois, le samedimatin, Artisans du monde Arras présente auxArrageois ses produits et leurs actions.L'opération est concluante. Comme l'expliqueJacqueline Perreau, présidente de l'associationdepuis 2002 et bénévole de la première heure :« Plus on vendait, plus notre stock augmentait. »

Peinture, nettoyage, aménagement...En plus de cela, l'association réussit à se faireconnaître par différentes interventions : desactions extérieures (dans les salons de la gas-tronomie, dans les expos-ventes, au momentde Noël), des actions de sensibilisation (ausein des collèges, lycées ou au coursd'échanges, de conférences...). La vente desproduits devient de plus en plus fréquente etmarche bien. Ce qui attire de nouveaux béné-voles. C’est en 2002 que l’idée d’ouvrir une boutiquegerme : un lieu de sensibilisation et d'action envue d'un changement des mentalités. Unenouvelle forme de commerce, en somme, oùles vendeurs seraient les bénévoles eux-mêmes. Le projet commence à prendre formequand, après bien des obstacles rencontrés,l'association trouve un local tout près du

centre-ville. C'est grâce à une association arra-geoise (contribuant à la création d'entreprisesayant un projet de développement ou d'inser-tion) que le groupe d’Arras obtient une sub-vention nécessaire à la mise en place de la bou-tique. Peinture, nettoyage, aménagement, ins-tallation des étagères et du magasin, chacunmet son énergie au service du projet. Le maga-sin ouvre ses portes le 8 mars 2003 et rend l'en-seigne plus visible pour l'ensemble des habi-tants. Progressivement, de nouveaux bénévoles

sont arrivés. Au début, la moyenne d'âge dugroupe était de cinquante ans ; actuellement «le groupe tend à se rajeunir » remarqueJacqueline Perreau. Beaucoup plus d'actifs sesont proposés en tant que bénévoles ainsi quedes étudiants qui se relaient dans la semainepour tenir la boutique. La boutique, qui vabientôt fêter son premier anniversaire a per-mis au groupe d'envisager de nouveaux pro-jets pour cette nouvelle année. Le premier

objectif est avant tout de développer l'infor-mation et la communication audiovisuelle.Pour cela, la boutique envisage de diffuser surécran des reportages sur le commerce équi-table, sur le travail des producteurs. Unréaménagement du magasin est égalementprévu. L'ouverture de la boutique n'empêchepas le groupe de continuer les actions exté-rieures, notamment les campagnes de sensibi-lisation dans les lycées. Le grand projet estégalement de former les bénévoles au coursde trois sessions : le but étant de faire mieux

connaître les produits. Les bénévoles, parallè-lement à la vente des produits, doivent pro-mouvoir l'information afin que les consom-mateurs deviennent des citoyens plus actifs.Redynamisé par l'ouverture du magasin etmotivé par la perspective de nouveaux objec-tifs, Artisans du monde Arras grandit sousl'impulsion de ses bénévoles. Pour un mondetoujours plus équitable.

Arras

Page 4 - Artisans du monde

Histoire d’un petit groupe devenu grand

Le groupe Artisans du monde d'Arras, c'est près d'une trentaine de bénévoles actifs, une centaine desympathisants, un ensemble de personnes luttant pour la même cause : un commerce plus équitable.Après des débuts plus ou moins difficiles,le groupe s'est structuré petit à petit jusqu'à pouvoir ouvrirun magasin, lieu de vente et de sensibilisation. Retour sur le parcours de ce petit groupe devenugrand.

Le chocolat reste le produit le mieux vendu.

Marie Perreau et Aurélie de Colnet

Tout invite au voyage dans la bou-tique d’Arras (café bio du Pérou,statuette en ébène du Kenya, fou-lard en soie d’Inde, voitures minia-tures en métal de Madagascar…) Cepoint de vente pas comme lesautres distribue depuis mars 2003ses produits « équitables ».Alors que la boutique s’apprête àsouffler sa première bougie, la pré-sidente, Jacqueline Perreau, nousaccueille et revient sur son enga-gement pour un commerce à visageplus humain.Comment avez-vous connu et choisi l’associa-tion Artisans du Monde ?

Mon parcours dans l’humanitaire est ancien.Dans les années 1970, je faisais déjà partie d’uneassociation, « Frère des hommes », qui tra-vaillait en partenariat avec les pays en dévelop-pement. C’est un ami d’origine indienne quim’a fait découvrir Artisans du Monde. Ce quime plaît, c’est son action toujours tournée versl’humain. C’est l’humain qui est capital.

Comment définiriez-vous votre engagementà Artisans du Monde ?

C’est un engagement total, non seulement entemps mais aussi parfois en argent, même sinous avons obtenu le soutien du conseil régio-nal. Faire connaître les produits du commerceéquitable, parcourir les salons, les marchés, lesétablissements scolaires… font partie de notrequotidien à l’association. Et puis, il y a la bou-tique. On ne joue pas seulement à la marchan-de ! Chaque produit a une histoire. Il faut infor-mer et sensibiliser le public en lui expliquantd’où viennent les articles, dans quelles condi-tions ils sont fabriqués… Certaines personnesviennent à la boutiquedans le seul but d’échangeravec les bénévoles et des’informer. Professeur defrançais dans un lycée, jen’hésite pas à sensibilisermes élèves. Ils connaissentmon action. C’est important pour moi de sensi-biliser les jeunes et de leur montrer qu’il existed’autres manières de consommer. Ceux-ci semontrent très réceptifs à ce genre d’action. Atravers mon engagement, j’essaie de dynamiserles jeunes.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées audébut de la boutique ?

Il fallait trouver un local bien situé, accessible etpas trop cher... Ensuite, les bénévoles se sontmobilisés pour retaper et repeindre la nouvelleboutique. Les étagères viennent d’Artisans dumonde de Charleville-Mézières. L’entraide,c’est important chez Artisans du Monde... Et lebouche-à-oreille a fait le reste ! Mais nous avonsété souvent l’objet de critiques. Les gens sedemandent, par exemple, si l’argent est biendestiné aux producteurs des pays du Sud, ilsveulent savoir aussi pourquoi Artisans dumonde Arras n’aide pas les chômeurs ou les

producteurs du Nord dela France.

Quelles réponses appor-tez-vous à ces critiques ?

Expliquer et dialogueravec les consommateurs, ça fait partie de notremission ! En ce qui concerne les relationsd’Artisans du Monde avec les producteurslocaux, nous les aidons en travaillant avec euxlorsque nous organisons des repas pour l’asso-ciation. Nous pensons également d’ici deux à

trois ans aider des jeunes à se réinsérer.

Qu’est-ce qui vous pousse à continuer votreaction ?

C’est un épanouissement personnel, uneouverture sur le monde. Je suis convaincuequ’un autre monde est possible. Le commerceéquitable est actuellement la seule alternativeau commerce traditionnel pour permettre auxproducteurs du Sud de retrouver leur dignité.Notre action reste modeste mais la dynamiqueest lancée. Agir en faveur du commerce équi-table, c’est remettre l’homme au centre des pré-occupations et laisser de côté toute la logiqued’argent et de profit. On devient citoyen et onapprend la tolérance. C’est hyper formateur !Cependant, à l’avenir, j’espère redevenir unesimple bénévole. Etre présidente à Artisans dumonde, c’est un véritable métier de relationspubliques. Il faut se former, assister auxréunions régionales, gérer la boutique, le plan-ning des bénévoles… en conjuguant cela avecvie familiale et activité professionnelle. Lamoyenne d’âge très jeune des bénévoles me faitespérer que la relève est assurée !

Propos recueillis par A. de C

Arras

Artisans du monde - Page 5

« C’est l’humain qui est capital ! »

« On ne joue pas seulement à la marchande. Chaque produit à une histoire. »

« Expliquer et dialogueravec les consommateursfont partie de notre mis-sion »

Béthune-Bruay

Des magasins alternaltifs

Béthune, place Jules Senis. QuilitQuilit n’a pas d’original que sonnom : cette petite librairie faitaussi office de salon de thé, bou-

quinerie, galerie d’exposition et point devente des produits Artisans du monde.Derrière sa devanture mauve, AmandineHubert, 27 ans, est fière d’avoir réussi sonpari : ouvrir un lieu culturel dans une villeoù les dernières librairies « ne font plus quedu simple commerce ». Teintes pastels, bou-gies, ambiance feutrée, la boutique est àl’image de sa propriétaire : douce etaccueillante. Et lorsque Laurence Roussel,présidente d’ADM Béthune-Bruay, eutbesoin il y a 2 ans d’un point de vente pourl’association, elle n’a pas hésité une secon-de.Acheter son café dans une librairie ?Pourquoi pas. Le produit vedette : le caféManoubé labellisé Max Havelaar. Mais,pour que l’alchimie littérature-Artisans dumonde fonctionne, tout est question dequalité. Amandine sélectionne avec soinchaque ouvrage présenté sur ses étagères.

Livres et café venus d’ailleurs

« Je ne rentre pas dans la logique commercialepure. Je privilégie souvent les petites maisonsd’édition », précise-t-elle.

Des livres triés sur levolet. Un conceptproche de celui del’association quiexplique le succès deQuilit Quilit, notam-ment auprès desenseignants. Valérie,29 ans, professeur defrançais-latin dansun collège deBéthune, profite deses passages dans lalibrairie pourprendre un café, faireses provisions deplaquettes de choco-lat ADM et bouqui-ner dans le coin lecture du salon de thé :« Non seulement, c’est la seule bouquiniste de laville, mais en plus le café est hyper bon. » SelonAmandine, « les profs cherchent un lieucomme ça, plein de livres mais calme pour pou-voir corriger tranquillement leurs copies. »Avec le temps, clients, profs et membres del’association sont devenus des amis. Et c’estpar l’amitié que riz, pâtes, thé et chocolatéquitables se sont retrouvés tantôt entredeux livres chez Amandine, tantôt entredeux flacons de parfum chez Marie-Thé.

Une parfumeriepas comme lesautres

Béthune, zone indus-trielle, à droite desdouanes. Drôle d’en-droit pour une parfu-merie. Marie-Thé y apourtant ouvertBeautiful en sep-tembre dernier. Àcôté des lotions etcrèmes de beauté trô-nent des bourses en

cuir, bougeoirs etsacs à maind’Amérique duSud, Inde ou Népal.Les senteurs desparfums se mêlent àl’artisanat d’ADMpour inviter le clientau voyage. Marie-Thé partage sontemps entre sa bou-tique et le magasinde conditionnement de parfum où elle tra-vaille à la chaîne. Elle sait d’expérience que« chaque travail a un prix. À 8 ans , ma mèretravaillait dans les rizières au Vietnam, raconte-t-elle, il n’y avait ni respect, ni protection pourles enfants. » Avec les produits ADM étaléssur ses étagères trop grandes dans sonmagasin tout neuf et tout blanc, Marie-Théa l’impression de contribuer au mieux-êtredes petits producteurs. Modeste et discrète,elle modère son rôle, se dit qu’elle pourraitfaire plus et qu’elle n’est « bénévole qu’ici».

Marie-Thé comme Amandine ont choiside mettre en vitrine leurs idées. Pourmieux les vendre.

Quilit Quilit, 69, place Jules Senis, Tél. 03 21 68 30 80Beautiful, zone industrielle, 1, rue Fleming,Tél. 03 21 57 00 18ADM Béthune-Bruay est aussi présent tous lespremiers samedis du mois, au marché biod’Hesdigneul.

Vendre des idées avant de vendre des produits. A Béthune, Artisans du monde a choisi une bou-quinerie et une parfumerie pour sensibiliser au commerce équitable. Des lieux décalés pour unconcept alternatif.

Quilit Quilit, à la fois bouquinerie et salon de thé.

Amandine Hubert, la bouquiniste de Quilit Quilit.

La « Beautiful »Marie-Thérèse

Troude.

Page 6 - Artisans du monde Sophie Charlier et Marine Legrand

Béthune-Bruay

J’aimerais qu’on ait un lieu de réunion,de discussion, d’échange. Une sorte demagasin mobile, destiné aux jeunes, où

on ne ferait pas que vendre mais aussi bouqui-ner sur place. » Laurence Roussel vapeut-être bientôt voir son souhait se réali-ser. Artisans du monde Béthune-Bruayprojette de récupérer un ancien bibliobusdu département et d’en faire un point devente et d’information pour l’association.Pourquoi un bus ? Avant tout pour pou-voir être mobile et aller à la rencontre desgens et en particulier des jeunes. « Onirait dans les cours des lycées, par exemple.Comme nous ne sommes pas très visibles, lebus serait alors surtout un outil publicitaire»,explique Patrice Besnard, l’un des deuxvice-présidents de l’association. « Avecune boutique normale, on ne toucherait pasautant de monde. »Faire d’une pierre deux coups : « Le bus

serait à la foisun magasin etun local pourArtisans dumonde. Lavente n’estqu’un desmoyens de sen-sibilisation du public au commerce équitable »,confie Patrice Besnard. Pour mener à bience projet, il compte sur les fonds que ver-serait la région « à qui ouvre un point devente », soit près de quinze mille euros,selon lui. De quoi le faire fonctionner etl’entretenir pendant un à deux ans.

Une idée à reprendre ?

En voie vers une certaine professionnali-sation, l’association aimerait embaucherun permanent à temps plein. Le salarié

aidera les bénévoles dans la vente, la ges-tion des stocks, les subventions, le sou-tien, etc. Une forme d’insertion, à l’imaged’Artisans du monde La Gohelle, qui aembauché une personne en insertion.En s’observant mutuellement, les localesd’Artisans du monde reprennent les idéesdes uns pour en faire profiter les autres.Qui sait ? Le magasin mobile de Béthunefera peut-être des émules dans la région.

M.L

Laurence Roussel préside avec dynamisme l’antenne de Béthune-Bruay depuis 3 ans

Meneuse de troupe

Dans le fond de sa R5 bordélique, despanneaux Artisans du monde sontentassés pêle-mêle. Cette après-midi,

elle fait une intervention d’une heure dans unlycée de Saint-Omer. Elle n’a rien préparé.Mais, comme la prof est une amie, elle n’a paspu refuser. Elle sort de sa voiture, les cheveuxdétachés, longs, fins, plutôt blonds. Deslunettes trop grosses tombent sur le nez, luidonnant un air hippie. Un pantalon rouge, uneveste violette, un sac en raphia, des couleurs quipètent le feu, à l’image de son allure. La veille,elle vient pourtant de terminer ses partiels à lafac. Laurence Roussel a le look étudiant. Elle a31 ans. Encore instit l’année dernière, elle étaitjusque-là une, somme toute, banale consom-matrice, militant à Attac et lisant Politis et LeMonde diplomatique. Ouverte sur le monde.Avant de s’engager dans le commerce équi-table il y a trois ans.

La consommatrice est devenue« consom’actrice »

Pour aller plus loin dans la réflexion, Laurences’est lancée dans l’aventure Artisans du mondeen créant l’antenne de Béthune-Bruay avec unebande d’amis. Ils ont la trentaine et regorgentde projets. Selon Patrice Besnard, un des deuxvice-présidents, c’est sur elle que repose ledynamisme de l’antenne. On ne sait si les idées

lui viennent en parlant ou si elle les mûritdepuis longtemps. Elle les jette, en vrac : « Undéfilé de mode avec des tissus africains organi-

sé par un bahut qui fait de la couture. Un repasavec des produits issus du commerce équitableorchestré par un lycée hôtelier. Début avril, unconcert avec trois groupes s’organise. C’estAmandine qui s’en occupe. » Un bon chefdélègue. Laurence confie avoir « déjà trop deprojets » quand on lui demande si elle ira auForum social de Bombay. Priorité donc à l’ac-

tion locale. Pas de boutique à Béthune spéci-fique à Artisans du monde, « la vente n’est pasma tasse de thé », lance Laurence. « Chezd’autres commerçants ? J’avoue, à titre person-nel, avoir du mal à voir les produits ADM trô-ner chez Carrefour, à côté d’autres produits quirépondent à une démarche commerciale diffé-rente… » Quand Laurence parle de son actionlocale, elle finit toujours par essayer de respon-sabiliser son auditoire. Sur le gaspillage de l’eaudans les pays riches, sur la stratégie desmarques, sur la mondialisation. On essaied’imaginer les effets de ses propos sur leslycéens.

« Réfléchissez bordel ! »

Car c’est auprès des lycéens et des étudiantsque Laurence estime exercer au mieux son rôled’adulte. Elle déclare sans ambages vouloir «faire du forcing auprès des lycées ». « La venteest aussi importante que le contact », répète-t-elle. Et ça marche ! Ala fac de Sciences-éco, ungroupe d’étudiants s’est déjà constitué pourétudier le commerce équitable et, au sein d’unBTS commercial, une étudiante se fait le relaisdes informations d’Artisans du monde.Laurence multiplie les interventions dans leslycées. D’ailleurs, il faut décidément qu’elleaille préparer celle de Saint-Omer.

S.C

Un magasin qui roule...

Laurence Roussel, une présidente militante.

Artisans du monde - Page 7

Un bibliobus pour acheter et s’informer

Nadine Pecqueur fait partie de cesnombreuses personnes que l’as-sociation Artisans du monde aideà se réinsérer dans la vie profes-

sionnelle et sociale. Nadine est le fruit d‘untravail consciencieux et réussi. Un fruit qui aplutôt bien mûri et qui s’est épanoui toutnaturellement au sein de cette association.Après une période de chômage d’environ 13ans, cette jolie blonde pleine d’enthousiasme adécidé de ne plus se consacrer exclusivementà ses enfants. « Ils étaient grands, ils avaientmoins besoin de moi. » Très vite, l’envie «d’avoir quelque chose pour soi » est née dansson esprit. Nadine s’est tournée vers l’Agencenationale pour l’emploi (ANPE). Au vue deson expérience (dix années dans la vente enpâtisserie), des postes similaires lui sont pro-posés. Elle est embauchée assez rapidementpar l’enseigne « King Discount ». Ce premiercontact se solde par un échec. « Etais-je compé-tente ? Je n’avais peut-être plus ma place sur lemarché du travail. » Nadine comprend alorsque la situation ne se règlerapas en un coup de baguettemagique. L’ANPE lui propo-se rapidement d’entrer dansle programme de formationd’Artisans du monde. « Cetteproposition m’a redonné espoir», avoue-t-elle. Son entrée enformation, comme celle dessept autres filles, marque unevolonté pour l’antenne dusecteur de la Gohelle, de tra-vailler pour la réinsertion. Legroupe a d’ailleurs toujoursun projet de magasin-écolequi accueillerait des per-sonnes en réinsertion pourvendre et informer. Nadine commence sa forma-tion en novembre 2002. Diffi-cile de s’y remettre après delongues années d’inactivité.Mais, comme elle l’affirme :« l’équipe sait donner espoir etcourage aux filles embauchées enCES (contrat emploi solidarité).» 160 heures de formation envente, 40 heures de formationinformatique et 20 heures devente en magasin. Beau chal-lenge pour Nadine.

« J’ai dû prendre sur moi mais je ne regrette rien. »Déterminée, elle s’accroche et participe active-ment à l’ouverture du magasin de Liévin. Etpuis « tout est allé très vite ». Un débat-confé-rence est organisé par la ville de Carvin afind’expliquer à la population la mission de l’as-sociation. Le trésorier de l’antenne, BenoîtDecq, demande à Nadine detenir et d’organiser le stand pen-dant ces quelques jours deconférence. Mission acceptée etréussie pour notre nouvellevendeuse. « J’ai aimé l’ambiancedu marché. Quand la municipalité de Carvin nousa demandé de revenir pour la manifestation deNoël, j’étais partante. »« Le commerce équitable , ça me ressemble, c’est

moi », lance-t-elle. Sensible à la mission del’association, elle accepte le poste de respon-sable de la nouvelle boutique de Carvin.Nadine se sent proche de la philosophie dugroupe. Un climat familial et chaleureuxfavorise son insertion dans le milieu. « Deve-

nir responsable en si peu de temps, c’est une chancequi m’était offerte, il me fallait assurer », sou-ligne-t-elle. La boutique carvinoise afficherapidement d’excellents résultats. Elles’agrandit dans les mois à venir afin de rece-voir sa clientèle dans de meilleures conditions.Quant à Nadine, elle semble réellement épa-

nouie. « J’ai besoin de faire ressentiraux clients qu’il ne s’agit pasd’un commerce comme lesautres. » La volonté de Nadi-ne, c’est de passer le message

: « Tout petit discours délivré au client me faitavancer. Les clients doivent savoir ce qu’ils font envenant chez nous. » Non seulement, elledéfend avec ferveur la cause d’Artisans dumonde mais aussi le modèle de réinsertionappliqué par l’association. « Tout le monde ale droit à sa chance. » Douce et agréable,Nadine l’est aussi avec ses deux filles, commeelle les appelle. « Ses » deux filles, Sandrine etCédrine, sont des employées en CES. Elle

connaît leur parcours,elle était à leur place, ily a plus d’un an.Apprentissage, aide,conseil, elle est de tousles instants. Telle unemaman. « Nous aidonsle Sud, c’est essentiel.Mais n’oublions pas leNord. » Son petit coinde paradis carvinoisfait prendre conscienceà n’importe quel clientde passage que la viedoit être toute entière,remplie de générosité,d’amour et d’espoir.Laissons-lui le mot dela fin : « Ce qui merévolte le plus, c’est quenous puissions tout avoiret être si difficile. Alorsqu’eux, là-bas, se nourris-sent simplement de larichesse du cœur. »

Carvin

Page 8 - Artisans du monde

« Étais-je compétente ?»

Modèle de réinsertion réussie, Nadine Pecqueur est devenue responsable de la boutique deCarvin.

« J’ai dû prendre sur moi mais je ne regrette rien. »Peggy Collette

« Devenir respon-sable en si peu detemps, c’est une

Carvin

Artisans du monde - Page 9

Elle a tout d’une grande

Benoît Decq, le présidentd'Artisans du monde LaGohelle, affiche unesérénité de circonstance.

Son association vogue sur unedynamique inégalée. Si la venteau sein des deux magasins, Lié-vin et Carvin, connaît un certainengouement, c'est à l'extérieurque l'association a frappé fort. Entémoignent les 44 stands tenusau cours de l'année dans 21villes. Et le groupe ne compte pass'arrêter là. Profitant du succèsdu point de vente de Phalempin(ouvert en octobre dernier), unmarché permanent s'installera le17 mars prochain sur le territoirede Wingles. « Ce développement estprogressif et on espère bien en ouvrird'autres », note Benoît Decq.« Une bonne partie des ventes se réa-lise hors du magasin. Notre travailpréparatoire et de sensibilisation por-te ses fruits car la population n'estpas la même que dans dans l'agglo-mération lilloise. » Les chiffres par-lent : de 39 097,27 euros en 2002,le montant des vente s'élève cet-te année à 105 292,84 euros. Soitpratiquement une multiplicationpar trois du chiffre d'affaire. Uneprogression qui s'expliquenotamment par la participationdes collectivités locales. Struc-tures para-publiques, associa-tions, mairies, la demande ne ces-

se de s'accroître. « La mairie de Lié-vin nous achète le café, celle de Bully,des cadeaux pour ses employés lorsdes fêtes de fin d’année et Aix-Nou-lette fait ses emplettes pour la ludo-thèque », se félicite Benoit Decq.Même son de cloche que pour lesventes, les municipalités ache-teuses font légion. « Elles sont pas-sées de deux à sept en une année. Deplus, six communes doivent encoredélibérer sur l'adoption d'une charte

pour des achats éthiques », ajoute-t-il. Dernière-née, l'éducation audéveloppement occupe égale-ment une place prépondérante.Sous la houlette de Didier Baccio-ni, salarié à mi-temps, elle consis-te en une intervention dans lescollèges, lycées et centres d'ani-mation. Vidéos, dessins animésou panneaux d'exposition ser-vent de support à la sensibilisa-tion du commerce équitable.

« Cela résulte d'une demande faitepar les enseignants. Parallèlement,on demande qu'un stand soit tenu àl'intérieur de l'établissement. Onespère toucher 5 000 jeunes », sou-ligne Didier Baccioni. Le lycéeHenri Darras s'est même tournévers l'ouverture d'un magasindans son enceinte. C'est ce quis'appelle avoir la « commerceattitude ».

Solidement installée derrière le comptoir de la boutiquede Liévin, Jessica fait partie des 21 salariées en insertionqui sont passées par le magasin-école. Seule associationà exercer l'activité insertion, Artisans du monde La Gohel-le s'est alliée avec l'organisme privé de formation Didac-tif. Ce dernier est spécialisé dans la formation aux com-merces et métiers de la vente. « Nous avons été agréé par le conseil départemental del'insertion afin d'avoir le droit d'exercer cette activité demagasin-école », précise Benoît Decq.Ce statut permet à l'association d'être reconnue commed'utilité sociale et donc d'employer dans le cadre d'uncontrat emploi solidarité. Alors que le contrat proposévarie entre 6 mois et un an, le temps de travail des sala-

riées en insertion s'élève à 20 heures hebdomadaires.« Elles suivent également le lundi une formation chezDidactif concernant l'informatique », ajoute le trésorier del’association, initiateur du projet. Le coeur de cible représenté se veut en difficulté (bénéfi-ciaires du RMI, de l'API ou reconnues COTOREP).Au 15 janvier 2004, 12 des 21 employées sont sorties :deux en CDI, trois en CDD de plus de 6 mois, deux en for-mation qualifiante, une en contrat de qualification etquatre sans suite. Un excellent bilan d'ensemble. Et ce n'est pas Benoît Decq qui dira le contraire : « Celareprésente 66 % de débouchés positifs. Les employeurssavent que celles qui sont passées par chez nous sontsérieuses. »

L’équipe d’Artisans du monde La Gohelle.

La « commerce attitude » de La Gohelle

Patrice Demailly

Sur la route de l'insertion« Ici, on trouve toujours de quoi s'occuper. C'est particulièrement enrichissant »

Questions pour des militantsBarbara Lefèvre, militante à Solidarité Entraide Liaison et Philippe Marseille, présidentd’Equi’terre collaborent avec Artisans du mondes à Douai. Ils se prêtent au jeu de l’interviewcroisée.

Douai

1/L’ assurance d’une paye honnête pour les produc-teurs et les artisans. Ils doivent vivre et non survivre.

2/ Pour l’instant, on ne peut pas vivre entièrementgrâce au commerce équitable. L’objectif serait d’aug-menter les moyens pour améliorer la portée du mou-vement. Toujours les augmenter…

3/Oui, peut-être mais il y a beaucoup de gens quivivent bien dans les pays du sud grâce au commerceéquitable.

4/Non, je ne pense pas. La prise de conscience estcollective et c’est bien qu’il y ait de plus en plus dejeunes qui adhèrent au mouvement.

5/Le fait d’être croyante et pratiquante m’a inspirée.Etre chrétien, ce n’est pas juste aller à l’église, c’est aus-si s’intéresser à la vie sociale. Aussi petit que l’on soit,on doit essayer de faire quelque chose.

6/ Le Service entraide liaison (SEL) ne fait pas que ducommerce équitable. Il y a des projets de développe-ment, des parrainages d’enfants, de l’alphabétisation.On ne fait pas que du commerce, le SEL est uneœuvre à part entière.

7/Nous avons des journaux d’information qui ren-dent compte des bilans, des visites d’ateliers, du res-pect de la charte. 8/La seule chose qui me dérange, c’est que les asso-ciations qui travaillent avec doivent se fournir inté-gralement chez eux. Sinon, j’ai entièrement confianceen leurs contrôles.

9/ Ce n’est malheureusement pas possible. Je devraisaller plus souvent au marché, chez le boucher, chez leboulanger mais c’est tellement facile de se rendredans une grande surface.

10/ Ce mouvement va durer mais il est limité. C’estdommage que les ateliers fabriquent des produitsdont on n’a pas forcément besoin. On achète dusuperflu. Ce n’est pas évident de modifier la gammedes produits.

1/ C’est un moyen de donner aux gens la possibilitéde s’aider eux-mêmes, c’est un contrat mutuel. Unefaçon de rompre avec la culture colonialiste danslaquelle le Nord s’impose face au Sud. Et bien sûr,c’est une autre forme de consommation.

2/Former des « consomm’acteurs » responsables etexigeants. Il doit permettre aux pays sous-dévelop-pés de s’émanciper.

3/ Tous les combats sont des utopies mais nous attei-gnons progressivement les objectifs que l’on s’étaitfixés.

4/ On peut le penser. Mais quand on voit les mêmespersonnes revenir plusieurs années de suite à notremarché de Noël par exemple, on se rend compte qu’ily a une certaine fidélisation.

5/ Le besoin de sortir de mon milieu professionnel. Jesuis professeur d’anglais et je propose d’ailleurs à mesélèves des études qui tournent autour du commerceéquitable.

6/ Les ventes ponctuelles, la formation d’adhérentset l’information.

7/ Tous les ans, des des permanents des centralesd’achat (Solidar’Monde, Oxfam, etc.) vont vérifier surplace le respect du cahier des charges. Nous nousbasons sur un système de confiance, y comprisactuellement dans une phase de fort développementdu commerce équitable

8/ Sensibilisation, commericalisation, développe-ment du commerce équitable : il s’agit de cahnger lecommerce monfdial en changeant les mentalitéslocales

9/ Oui, quand j’en ai la possibilité. Je cherche dans lesrayons des magasins les étiquettes style Max Have-laar mais la gamme des fournisseurs ne permet pasencore de consommer 100% équitable.

10/ On gagne progressivement du terrain. L’avenirdu commerce équitable est surtout important pournos enfants.

Propos recueillis par Marie-Hélène Degaugue et Geoffrey Sébille

1/ Quelle est votre définitiondu commerce équitable ?

2/ Quelle est selon voussa finalité ?

3/ Est-ce une utopie ?

4/ Est-ce un effet de mode ?

5/ Qu’est-ce qui vous pousse à vous investir ?

6/ Quelles sont vos actions concrètes ?

7/ Comment vous assurez-vous de leur efficacité ?

8/ Quel regard portez-voussur l’action d’Artisans

du monde ?

9/ Avez-vous la « commerceéquitable attitude » ?

10/ Comment voyez-vous l’avenir du commerce

équitable ?

« Aussi petit que l’on soit, on doitessayer de faire quelque chose. »

Former des « consomm’acteurs »responsables et exigeants.

Page 10 - Artisans du monde

Artisans du monde - Page 11

Artisans du monde n’existe pas à Douai. Du moins pas sous cette appellation. L’association y estreprésentée par Equi’terre/Projet Artisans du Monde Douaisis, « membre associé » et officielle-ment pérennisé en septembre 2003. Un statut partagé par quinze autres associations sur les 135existantes. Equi’terre un OVNI au sein de la fédération ?

Cassettes vidéo et dépliantspassent de main en mainautour de la table. Pour sa

permanence mensuelle,Equi’terre/Projet Artisans duMonde Douaisis entame sa réunionà la maison des asso-ciations de Douai enscrutant les brochureséditées par Artisans dumonde. Si les militants douai-siens utilisent lesmoyens de communi-cation édités par lafédération en raison deleur sérieux et de leurqualité, ils ne cachentpas leur volonté d’in-dépendance. « C’est unchoix de liberté de ne pasêtre officiellement reconnupour le moment », pré-vient d’emblée PatrickSauvaire, secrétaire del’association. A long terme, celle-ciopterait d’ailleurs pourl’appellation « Artisans du mondeDouaisis » plutôt qu’ « Artisans dumonde Douai ». Un détail qui a sonimportance pour Philippe Marseille :« Notre mouvement se veut aussi repré-sentatif de la population qui vit autour deDouai. (45000 habitants pour près de

250 000 habitants sur l’arrondissement» Autre point de divergence, la poli-tique même de la fédération. En inté-grant Artisans du monde, Equi’terrese verrait dans l’obligation de se four-nir principalement en stock de mar-

chandises auprès de Solidarmonde,la centrale d’achats de référence. Unchoix auquel Philippe Marseille trou-ve dommage de se résigner. Selonlui, « cette obligation se rapprochantplous d’une démarche strictement com-mericale que d’une démarche

associative.»Ces différentes remarques n’empê-chent toutefois pas l’associationdouaisienne de bénéficier avec plai-sir des moyens techniques et structu-rels fournis par Artisans du monde.

«Nous ne sommes pas des va-t-en-guer-re», rassure M. Sauvaire, «tout cela faitpartie de la vie d’une association et de sadynamoique et il est clair que nous béné-ficions des avantages liés à notre apparte-nance au réseau pour des moindrescontraintes » Les produits estam-

pillés « Artisans du monde » et misen vente par Equi’terre revêtent, eneffet, une certaine notoriété aux yeuxde l’acheteur. De fait, Artisans du monde etEqui’terre se complètent. En tant que

membre associé, Equi’Terreparticipe au développe-ment local de la Fédérationtout en bénéficiant d’unelarge autonomie dans sonfonctionnement. Quant àelle, la Fédération apporteses moyens techniques etlogistiques (information,communication, formation,conseil).Dans le respect del’esprit de la Charte, des sta-tuts, des critères au Nord etau Sud, Equi’Terre définit àsa façon la promotion ducommerce équitable.Tout est une question denégociation, comme ausein d’Equi’Terre. « C’est leprincipe même de la structureassociative », rappelle

Philippe Marseille. A la permanence, on discute, onéchange, on confronte les opinions.« Nous sommes des êtres humains avecnos contradictions », reconnaît PatrickSauvaire. Difficile de s’accorder sur la«commerce équitable attitude »…

M-H. D et G.S

Douai

Indépendance Douai

Bus ou boutique ?

Trouver un local pour vendre et sensibili-ser les clients. Voici à long terme l’un desobjectifs que s’est fixé l’association. Les

seuls moyens qu’Equi’terre possède à ce jourpour rencontrer ses militants ne sont qu’occa-sionels : fêtes de villages, forums et autres mani-festations municipales. En collaboration avec les étudiants de l’écoledes Mines de Douai, Equi’terre a effectué uneenquête sur la rentabilité d’une éventuelleenseigne. Bilan : le problème s’avère avant toutfinancier. Il faidrait absolument que celle-cis’installe à l’intérieur de la Croix de Douai. Unquartier du centre-ville où les loyers sont tropélevés par rapport aux bénéfices que pourrait

rapporter la boutique. « Les bénéfices dégagés doi-vent être suffisants pour pour payer le loyer, lescharges fixes (taxes, électricité, téléphone, eau, etc.),mais également pour financer les actions militantes»affirme Philippe Marseille

Un lieu ouvert au dialogue Le projet de boutique n’a pas qu’un but com-mercial. Sa mission consiste surtout à faireconnaître et transmettre les principes du com-merce équitable. Les achats doivent être unmoyen d’amener les clients à prendre conscien-ce de ce qu’implique l’achat d’un produit équi-table et de les fidéliser. Si un local n’est pas trou-vé, le projet est aussi envisagé sous une autre

forme que la boutique standard.Une boutique mobile type van qui se déplace-rait dans le Douaisis« un outil utilisable par tous les temps jusqu’au fin fond de la campagne ».Celui-ci serait équipé d’une plate-forme avecune toile qui se déplierait afin de doubler la sur-face de la boutique. « L’idéal serait d’avoir unpoint mobile et immobile pour toujours plus d’infor-mation et de communication » avoue PhilippeMarseille. Quelle que soit la forme retenue, les personnesconcernées par le commerce équitable bénéfi-cieront bientôt d’un lieu à cet effet. En atten-dant, Philippe Marseille positive : « Arras a missept ans à obtenir la sienne, nous on n’existe que

La dernière vente de l’équipe d’Equiterre a eu lieu au marché de Noël.

Lille

Page 12 - Artisans du monde

« Métissons le monde »

Qui êtes-vous et comment devient-on béné-vole à Artisans du monde ?

Monique : « Je suis une kinésithérapeuteretraitée depuis quatre ans, et je suis devenuemembre actif d’Artisans du monde il y a déjàsix ans. J’ai commencé par faire un peu devente et, depuis deux ans, je suis responsablede magasin et j’adore ça. C’est par une ren-contre que je suis devenue bénévole. J’étaiscliente depuis de nombreuses années, parceque j’appréciais les produits et aussi un peuparce que je pensais faire une bonne œuvre enachetant chez ADM. J’ai un peu honte mainte-nant. Et puis un jour, j’ai sauté le pas. Je voyaisma retraite et la peur de l’inactivité arriver àgrands pas. Je voulais me rendre utile maisdésormais cela va bien au-delà d’une actioncharitable, je le fais pour moi avant tout. »

Elise : « J’ai 21 ans et je suis institutrice. Pourdevenir bénévole, il faut être prêt à s’engager,et pour ça il faut une certaine maturité. J’étaiscliente de la boutique, et on m’a proposé defaire une campagne de Noël, mais la venten’était pas ce qui m’intéressait le plus. Depuisun an, je fais partie des commissions Educa-tion et Manifestations. Pour l’éducation, nousfaisons des interventions dans les écoles etnous adaptons et créons de nouveaux outils.C’est un investissement lourd qui demandedu temps. »

Quelles sont les raisons de votre engage-ment ?

Monique : « Mon engage-ment est d’abord militant.J’aime les causes justes,j’étais syndiquée pendantmon activité et je n’ai rienperdu de cette soif de justice.Je soutiens les thèsesd’ADM de tout moncœur : je pense qu’un autremonde est possible et que cen’est réalisable que par la communication etpar l’échange entre les gens. Avec ADM, j’aicompris que le commerce faisait égalementpartie de la vie et que l’on pouvait en tirerautre chose qu’un rapport consumériste. Quedans ces domaines, aussi, il y avait quelquechose de noble à accomplir. »

Elise : « C’est intéressant d’interroger lesjeunes sur leur mode de consommation. C’estune joie de faire naître l’esprit critique dans latête des enfants qui sont souvent plus ouvertsque nous. C’est plus facile d’être passifs, et ici,nous voulons être « sujet ». Acheter à la bou-tique d’Artisans du monde, c’est un acte enga-gé, qui n’est pas innocent. »

Au sein de l’association,vous rencontrez-vousautour des mêmesvaleurs ?

Monique : « C’est aussi undes attraits capitaux pourmoi de cette association :la rencontre, l’échangeintergénérationel. On par-tage énormément decauses et de valeurs mais,

comme l’âge des adhérents va pratiquementde 7 à 77 ans, nous ne les vivons pas de lamême façon. Ce qui me comble d’aise, c’estquand j’entends parler des jeunes comme Eli-se, j’aime qu’ils s’enflamment et j’admire leursconnaissances et leur militantisme. Ils sontd’un autre monde, d’un autre âge pour moi

qui pourrais être leur mère et bientôt leurgrand-mère, et ils ont tant à nous apprendre.Nos convictions, on les vit ensemble, chacunà notre façon, et c’est irremplaçable. »

Elise : « Ici, on se retrouve sur des convictionscommunes, même si chacun l’exprime diffé-remment. On est solidaires dans le projet.L’important pour nous, c’est de prendre durecul sur ce qu’on vit. On se retrouve autourdu partage, du respect de soi, du monde, del’environnement, et surtout on essaie de gar-der un esprit de critique et un peu de pouvoirsur nos vies par nos choix de consommation.Ce que j’apprécie, c’est notre façon de métisserle monde. »

Artisans du monde, en trois mots, pour vous,c’est ?

Monique : « Le respect de soi et des autres, devraies valeurs à partager ensemble, des foulesde rencontres qui éclairent une vie… »

Elise : « C’est avoir conscience de ce qui sepasse dans le monde. »

Deux femmes, deux regards différents. Deux visions pour une même cause. Monique et Elise, cesont deux bénévoles dont les expériences se complètent.

Deux générations de bénévoles : Monique (à gauche) et Elise (à droite ).

Elise : « Acheter à la bou-tique d’Artisans du monde, c’est un acte engagé »

Monique : « On partageénormément de causes et de valeurs »

Propos recueillis par Barbara Rigaux et Dorothée Caratini

Comment êtes-vous parti au Népal ?

Je participais en tant que bénévole à laconstruction d’un bâtiment scolaire près deKatmandou dans le cadre d’un chantier inter-national. J’en ai profité pour rendre visite àACP (Association for craft producers), ungroupement de producteurs qui fabriquent del’artisanat : textile, jouet, porcelaines…

Qu’avez-vous vu sur place ?

Là-bas, c’est ce qui se rapproche le plus d’unedémocratie. Et des personnes d’Artisans dumonde viennent régulièrement sur place levérifier. Il n’y a pas que du positif, notre visionfrançaise est très différente de ce qu’on peut

voir sur place. Mais ACP aide beaucoup deveuves et d’orphelins. Il ne faut pas oublierque le Népal est un pays très pauvre. Lesfemmes travaillent chez elles, et rien negarantit que les enfants ne les aident pas, maisce travail leur assure un salaire régulier. Enplus, la scolarité des petites filles est financée à75 % par l’association, le magasin du groupe-ment vend des produits de base très peuchers, et ils proposent aussi un système demicro-crédit… Le travail des enfants, c’est unmoindre mal, et là-bas, il vaut mieux travaillerque ne pas se nourrir. Et ils sont chez leursparents, à faire de l’artisanat, pas des jouetspour Disney… Il ne faut pas avoir une visiontrop politiquement correcte de ce qui se passelà-bas.

Vous êtes ingénieur informaticien, et voustravaillez en ce moment pour la grande dis-tribution. Qu’est-ce qui vous a attiré chezArtisans du monde ?

Je voulais occuper mon temps, ne pas resterdevant la télé affalé sur mon canapé. Je vou-lais aussi élargir mon horizon. Je fais partie dela commission « Journal » et je fais un peu devente pendant les fêtes. Je dépanne aussiquand il y a des problèmes d’ordinateur. Pourmoi, consommer, c’est voter. Il faut de plus enplus intéresser les gens aux problèmesd’éthique pour sensibiliser les multinatio-nales.

Lille

Artisans du monde - Page 13

Le jeu des chaises équitables

Guillaume de Bretagnearrive au lycéeMontebello, les bras

chargés de bocaux et de bou-teilles. Il va faire goûter les bonscôtés du commerce équitable àune trentaine d’élèves de termi-nale. « Le tout c’est de rendreattractifs des concepts abstraits, telque que la mondialisation et larépartition des richesses. Le jeu estun excellent médium pour fairepasser des notions a priori abruptes.Quel que soit l’âge, les enfants peu-vent s’intéresser au commerce équi-table et à ses répercussions mon-diales. De plus, le chocolat équitablea toujours beaucoup de succès. »Trêve de longs discours morali-sateurs, Guillaume entre dans levif du sujet. En quelques ques-tions, il s’assure la sympathiedes élèves, et vérifie des notionssimples.

« L’Afrique a mal »

Puis le jeu commence. On semet debout en cercle, on va faireun jeu de chaises... « Vous cinq,

vous serez l’Europe, vous deux,vous représenterez l’Amérique duNord », les élèves sont divisés encinq continents proportionnelle-ment à leur population. Pourillustrer la richesse de chaquecontinent, chaque groupe reçoitdes chaises : 10 pour l’Europe,12 pour l’Amérique du Nord, 4pour l’Asie ... et zéro pourl’Afrique. « Et maintenant,asseyez-vous, je vous en prie ».Image choc, le message est clair

et il a été entendu des élèves. Legroupe Afrique s’entasse à quin-ze sur trois chaises, l’Afrique està l’étroit, tandis que les deuxélèves représentant l’Amériquedu Nord ne savent plus com-ment se contorsionner pouroccuper leurs sièges restésvides. Les réactions ne se font psattendre : « l’Afrique a mal »,s’exclame une élève.La démonstrattion est imagée etporte ses fruits. Les élèves ont,

grâce à ce jeu, ouvert les yeuxsur une réalité économique par-fois lointaine et veulent réagir :« Ce n’est pas juste, que peut-onfaire ? » Mission accomplie pourGuillaume de Bretagne. Il repartheureux, conforté dans l’idéeque c’est grâce aux jeunes géné-rations « éveillées » qu’ils pour-ront, ensemble, refaire lemonde.

« Le monde n’est pas une marchandise », c’est un beau concept, mais comment le faire comprendre à des ado-lescents habillés de Levi’s et chaussés de Nike ? C’est le défi que Guillaume de Bretagne, animateur à Artisansdu monde, se propose de relever. Il s’occupe essentiellement de missions d’informations sur le commerce équi-table dans les établissements scolaires.

Les jeunes du lycée Montebello prennent conscience des inégalités entre le Nord et le Sud.

« Ce qui se rapproche le plus d’une démocratie »

Jeune bénévole du groupe Artisans du monde de Lille, Antoine Tissier est parti l’été dernier au Népal à la ren-contre d’artisans partenaires de l’association. Petit bilan de cette expérience peu commune.

Barbara Rigaux

Recueilli par Dorothée Caratini

Littoral

Page 14 - Artisans du monde

Sans boutique fixe

Un samedi matin, Grand-Rue,à Boulogne-sur-Mer. Le mar-ché bat son plein. Les pas-sants sont attirés par une

nouvelle enseigne. Artisans du mondes’y est installé depuis quelquessemaines.La naissance d’une boutique ne tientpas à grand-chose. M. Fréhat est pro-priétaire de plusieurs fonds de commer-ce à Boulogne. L’association « Artisansdu monde » cherchait à avoir pignonsur rue. Pour les fêtes de fin d’année,M. Fréhat est devenu son père Noël. Il amis à disposition une de ses boutiquesen plein centre-ville, inoccupée àl'époque. Initialement, ce prêt n’étaitprévu que pour le mois de décembre etne devait donc pas continuer en 2004.Mais les deux parties se sont misesd’accord et le cadeau se prolongera jus-qu’à la vente du magasin.

« Nos finances sont maigres »

Créés depuis un an, les Artisans dumonde boulonnais ne pouvaient comp-ter que sur la générosité d’un particu-lier pour obtenir une telle boutique. Lafaute à un manque de moyens. « Nosfinances ne nous permettent pas de payerun loyer », explique Marie-FrançoiseDjian-Dréhan, secrétaire du groupe deBoulogne. Les bénévoles n'étant pasassez nombreux, une trentaine environ,le magasin ne peut dès lors être ouverttous les jours et le chiffre d’affaires s’enressent. Un problème que l’on retrouveà Calais où l’association a été obligée de

déménager : « Nous ne vendons pas assezpour être propriétaire d’un magasin. Laboutique nous était prêtée », déploreAnnick Lecrinier, présidente par inté-rim du groupe calaisien. Mais cetteboutique, ouverte depuis Noël 1999 etsituée à proximité du marché, a dûdéménager en janvier dernier après lavente définitive des 80 m2 qu’occupaitalors Artisans du monde. « Grâce à cettesituation idéale, nos ventes avaient tripléen deux ans. J’ai peur que ce déménagementne rompe les habitudes de notre clientèle »,s’inquiète Annick. La gestion d’une boutique pose d’autresquestions. A Boulogne, Colette Bellart adémissionné de son poste de présidentejuste avant l’ouverture du magasin.« Dans une ville où le chômage est impor-tant, je trouve dommage que l’on fasseappel à des bénévoles pour gérer un com-merce. » L’ex-présidente craignait uneperte de valeurs au sein de l’associa-tion.

Le début de la reconnaissance

Elle pense que d’autres actions sontplus importantes à mener pour faireconnaître le commerce équitable. En cesens, Marie-Françoise Djian-Dréhanavoue que « l’ouverture de la boutique n’apas été facile. Les bénévoles ont pour la plu-part une activité professionnelle. Comman-der, étiqueter et gérer le stock demandent

énormément de travail. » Pourquoi alorschercher à ouvrir une boutique si tantde problèmes se posent ?Les ventes sur le marché bio de Wime-reux n’étaient que mensuelles pour legroupe boulonnais. De plus, l’associa-tion n’avait qu’une clientèle confiden-tielle. « Avoir une vitrine en centre-villepermet de communiquer plus facilement.Désormais, les gens savent où nous trouver.Avant, nous travaillions par commandes,maintenant nos produits sont sur place »,précise Marie-Françoise. La dernière-née des boutiques d’Artisans du mondedu Nord-Pas-de-Calais aura au moinseu le mérite de faire connaître le mou-vement. Même son de cloche à Calais.« Aujourd’hui, précise Annick, neuf clientssur dix qui franchissent la porte du maga-sin connaissent Artisans du monde ». Unconstat qui n’est certainement pasétranger à la récente médiatisation ducommerce équitable et au courant alter-mondialiste en général.« Avant, nous passions pour des illuminés,maintenant, nous sommes reconnus commeune alternative au système économiquemondial », analyse Marie-Françoise. Lesboutiques Artisans du monde touchentun public, donc une clientèle, non négli-geables. Aujourd’hui, le littoral comptedeux magasins qui, malgré leurs diffi-cultés, font désormais partie du visagecommercial de leurs villes respectives.

Quentin Lanvierge et Thierry Saint-Maxin

Depuis deux mois, Artisans du monde, à Boulogne, possède sa propre boutique. A Calais, le récentdéménagement du magasin n’est pas sans poser quelques difficultés. Malgré cela, les boutiquesde l’ association ont réussi leur pari : faire connaître le commerce équitable.

Patricia Bigot et Marie-Françoise Djian-Dréhan dans leur nouvelle boutique.

Annick Lecrinier, présidente par intérimd’ADM Calais.

Littoral

Artisans du monde - Page 15

Deuxième point de vente Artisans dumonde à avoir vu le jour dans larégion, la boutique calaisienne pro-

pose les références que l’on peut trouver dansune telle enseigne : produits alimentaires (café,thé, chocolat), bijoux, poteries… Mais, choseoriginale, le magasin de la cité des Six-Bourgeois s’est peu à peu spécialisé dans lesinstruments de musique. L’association, prési-dée par Annick Lecrinier, en propose en effetune vingtaine au succès grandissant. La bou-tique a même été en rupture de stock à Noël surcertains produits. Il faut dire que les prix pro-posés par Artisans du monde sont très compé-titifs par rapport aux autres magasins d’instru-ments de musique.

Pas question toutefois de croiser ici des gui-tares électriques ou le dernier synthétiseur.C’est plutôt flûte de pan du Pérou et balafond’Afrique noire (instrument à percussion forméde lames comme le xylophone). Quant au pro-duit vedette, le djembé, il en existe de tailles etde couleurs différentes, si bien que l’on vient dulittoral entier pour s’en procurer. De manièregénérale, les instruments de percussion ont la

cote. Maracas, tam-tams et autres tambourinsse côtoient sur les étagères.

Les instruments à vent ne sont pas pourautant oubliés. De nombreuses flûtesd’Amérique du Sud sont en vente dontquelques-unes, pyrogravées, qui sont de toute

beauté. Dans ce tour du monde musical, l’Asien’est pas en reste. Des instruments aussi exo-tiques les uns que les autres viennent duVietnam ou encore du Cambodge. Tout ce qu’ilfaut pour voyager en musique.

ABoulogne-sur-Mer, l’antenne a étécréée il y a un an. Une année d’ac-tivité pour cette section dyna-

mique. Du point de vue commercial, la tren-taine d’adhérents se relaient sur le marchébio de Wimereux les deuxièmes dimanchesde chaque mois. Un magasin vient d’ouvrirsur l’artère principale de la ville. Il compte àce jour soixante-dix produits différents.

Alimentation et artisanat remplissent lesrayons. Mais les objectifs de l’association nesont pas que commerciaux.

Développer le commerce équitable reste lapriorité. Pour cela, les membres d’Artisansdu monde interviennent dans les écoles de laville pour présenter l’utilité de ce type decommerce. Le message passe bien puisque lefoyer du lycée Mariette vend des barres de

céréales provenant du magasin.Les professeurs du lycée ontsuivi, ils se ravitaillent en café.Les entrepreneurs de la ville nesont pas en reste. L’associationBoulogne Synergie, composéed’entrepreneurs boulonnais, serassemble tous les mois autourd’un déjeuner-débat. Le com-merce équitable fut l’un dessujets évoqués. Après la ren-contre avec Artisans dumonde, certains entrepreneursont décidé de commander leurcafé à la boutique.

Les bénévoles du groupeboulonnais participent aussi à

des événements ponctuels. Au mois de mai,à l’occasion de la semaine du commerceéquitable, ils vont, par exemple, travailleravec les restaurateurs de la ville. Objectif :construire un menu où les produits de laboutique seront mis à l’honneur. Un défiléde mode de vêtements artisanaux est aussiprévu.

Dans un autre genre, l’année dernière, lesArtisans, en collaboration avec le cinéma «Les stars », avaient projeté les films deMichael Moore, The Big One et Bowling forColumbine. Ils en avaient profité pour pré-senter leurs produits. Autre action, maiscette fois dans le cadre de la semaine de lasolidarité internationale, organisé avec leCentre régional du tiers-monde (CRDTM),Artisans du monde avait présenté une expo-sition de photos sur le Bangladesh. FrançoisPersyn, le photographe, expose d'ailleurstoujours dans la boutique de la Grand-Rue.Une année 2003 chargée pour cette jeuneassociation qui a déjà un calendrier bienrempli pour les mois à venir.

Q.L

Calais

Quand la musique est bonne

Boulogne-sur-Mer

Un an d’existence, un an d’activités

Option « musique du monde » pour la boutique calaisienne.

Muesli, huile et café qui ont quelque chose de plus.

T.S-M

Tourcoing

Page 16 - Artisans du monde

Vous prendrez bien un café ?

Une table. Des chaises. Des tasses decafé et quelques carrés de chocolat.« On est reçu comme des princesses ! »Stéphanie, Florence, Sonia et Aurélie

sont les invitées du groupe tourquennois d’Arti-sans du monde. Elèves du lycée Sévigné, cesjeunes filles âgées de 18 à 21 ans préparent unbac pro commerce. Si elles se sont déplacées à laboutique en ce jeudi matin de janvier, c’est parcequ’elles se préparent à jouer les apprenti-ven-deuses. Prochainement, elles auront pour mis-sion, dans le cadre de leurs études, de vendre ducafé Max Havelaar dans un supermarché. Etpour en savoir plus sur ce produit vedette ducommerce équitable, elles sont venues chercherquelques conseils auprès de Claire Léger, res-ponsable de la commission éducation du grou-pe de Tourcoing.

« Mes réponses ne seront pas forcément complètes »,prévient Claire Léger au début de la discussion.Mais elle répond volontiers aux questions deslycéennes, qui l’interrogent d’abord sur la clien-tèle de la boutique. « Beaucoup de clients sont déjàsensibilisés. Très peu de gens entrent par hasard. Engénéral, on leur offre un café pour créer un momentconvivial et ensuite on commence à parler », expliquela bénévole. En effet, si vendre est une chose, convaincrel’acheteur en est une autre. Comment le persua-der de sortir de son porte-monnaie quelquescentimes d’euro supplé-mentaires pour un pro-duit labellisé « commer-ce équitable » ? C’estbien ce qui intrigue lesfutures vendeuses. « Mettez en avant la qualité duproduit », conseille Claire Léger. Rien de plus faci-le puisque le café sera en dégustation dans lesupermarché. Reste ensuite à faire passer la phi-losophie d’Artisans du monde. « Acheter un pro-duit du commerce équitable, c’est un acte politique,c’est être consomm’acteur. C’est dire que nous ne vou-lons plus de de monde-là », affirme Claire Léger.Artisans du monde est une association loi 1901,c’est-à-dire à but non-lucratif. L’essentiel étantque les producteurs soient réellement rétribuésen fonction de leur travail. « Le boulot du caféier, iln’y a rien de pire. C’est un boulot de fou », insisteClaire Léger. Et de poursuivre pour mieux mar-quer les quatre jeunes filles, qui ne perdent pasune miette de ses propos : « Il faut quatre ans pourqu’un caféier soit productif, et il ne l’est que pendant

trois ans. Et tout le travail est fait à la main. » Un tra-vail certes pénible, mais qui doit respecter cer-taines règles. Ainsi, Claire Léger sait-elle bienqu’il est difficile d’empêcher le travail desenfants dans certains pays du tiers-monde.Alors, « que les enfants travaillent, OK, mais dans debonnes conditions et qu’ils puissent aller à l’école »,concède-t-elle.

On l’aura compris, lelabel « Artisans dumonde » entend portercertaines valeurs,

proches des thèses altermondialistes. Tout enrevendiquant sa dimension mercantile. « Nousn’aidons pas les producteurs. Nous faisons du com-merce avec eux ». Du commerce « éthique », sou-haite préciser Claire Léger, dans un souci de« moraliser la vente ».Après plus d’une heure d’échanges, Stéphanie,Florence, Sonia et Aurélie en savent plus. Ellessont prêtes à jouer les ambassadrices. Enfin,presque... « Si on n’arrive pas à répondre aux ques-tions des gens, on leur dira d’aller à la boutique »,assurent-elles. En échange, Claire Léger prometd’aller les voir sur leur stand. Histoire, peut-être,de leur donner de nouveaux conseils. Autourd’un café, bien sûr.

La commission éducation du groupe de Tourcoing travaille souvent avec les établissements sco-laires. Ainsi, des élèves du lycée Sévigné ont vendu du café Max Havelaar dans un supermarché.Non sans avoir auparavant rendu visite aux bénévoles tourquennois.

En tant que responsable de la commission éducation du groupe de Tourcoing, ClaireLéger (à droite) mène des actions d’information auprès des lycéens.

Yoann HENRY

Pas simplement une boutique !Créé en janvier 2001, le groupe de Tourcoinga ouvert sa boutique en décembre de lamême année, « par le biais de la mairie quinous a fortement aidés », souligne VirginieDassonville, la présidente. Une quarantainede bénévoles participent à la vie du groupe :animation de la boutique bien sûr, maisaussi intervention dans les établissementsscolaires, vente sur les marché...L'antenne tourquennoise se chargera de l'ac-cueil des participants à la conférence qui setiendra du 12 au 14 mars 2004 à Lille. « Nousserons le sourire qui les attendra à la gare »,annonce un des bénévoles.

Viriginie Dassonville.

« On leur offre un café et ensuite on commence à parler »

Tourcoing

Artisans du monde - Page 17

La foi du commerce équitable

Cela fait longtemps qu’ilsont mis « le doigt dansl’engrenage ». Robert et

Françoise Holvoet ont enfourchéle cheval de bataille de la souve-raineté alimentaire il y a desannées. Et ils ne sont pas prêtsd’être désarçonnés. Militants au Comité catholiquecontre la faim et pour le dévelop-pement (CCFD), ils qualifientleurs lien avec Artisans dumonde de « long compagnonna-ge ». En janvier 2002, c’est toutnaturellement qu’ils se mettent àdisposition à la création de l’an-tenne tourquennoise. «Nous avonsdes engagements en poupéesgigognes », plaisante RobertHolvoet.Altermondialistes et catholiques.Pas forcément antinomique. « LaTerre est un bien commun, explique lecouple. On ne peut pas faire abstrac-tion de la richesse et de la dignité del’Homme. Et ce sont des valeurs toutautant humanistes que catholiques »

Alors oui, un autre monde estpossible. « A condition que nous ensoyons tous, les acteurs, complèteRobert. Un nombre de plus en plusgrand de gens se disent : on ne peut

pas continuer comme ça, on va dansle mur, on peut faire quelque chose ! » Robert est un fidèle des forums

sociaux mondiaux. Il était à PortoAlegre en 2002 et 2003. LesHolvoet se sont aussi rendus àParis pour le Forum social euro-péen, en compagnie de Kawtare,

la jeune bénévole de Tourcoing.L’annulation de la dette des paysen développement, les aides

publiques, tout concourt à uneprise de conscience collective. Comme le commerce équitable.Au sein d’Artisans du monde, lesépoux Holvoet, retraités de l’en-seignement privé, se sont ouvertd’autres horizons. « Artisans dumonde nous a fait réfléchir au com-merce équitable et influe sur notrecomportement de consommateurs,même ici, en France. Nous allonsdavantage vers les petits produc-teurs. » Si Robert et Françoise se sont enri-chis au contact des autres béné-voles, les voyages ont égalementcontribué à leur sensibilisation.Un premier contact avecl’Afrique en 1971, des rencontresavec des membres d’organisa-tions non gouvernementales. «C’est une longue histoire, résumeFrançoise Holvoet, c’est un peu uneimprégnation. On ne se sentait pasenfermé par des frontières. Notrepays, c’est le monde.»

Ses grands yeux noirs sont ouverts sur lemonde qui l’entoure. Kawtare a vingtans. Bénévole depuis septembre 2003 à

l’antenne tourquennoise d’Artisans dumonde, elle y conforte ses idéaux politiques etéconomiques au nom du commerce équitable.« J’ai découvert au Maroc ce qu’était le com-merce équitable, témoigne-t-elle. J’ai vouluapprofondir. Le développement durable est unthème fort au Maroc, c’est un grand chantier. »Elle s’enflamme, Kawtare. Elle s’engage. Au sein d’Artisans du monde, elle a trouvé desgrands frères et des grandes soeurs. « Ce sontdes gens qui m’apportent beaucoup, se réjouit-elle, ils ont une vie, des familles, un boulot et ilsprennent quand même le temps de s’investir. »Kawtare sait bien que les choses avancent tou-jours avec lenteur. Le développement du com-merce équitable ne mettra pas fin aux inégali-tés Nord-Sud à lui seul. Mais entrer dans unmagasin comme Artisans du monde, « c’est unpremier pas ». « Les gens qui viennent ici sont curieux, affir-me Kawtare. Acheter un café moulu à la mainqui ne soit pas en proie aux multinationales,c’est de la consom’action ! » La jeune femme

questionne souventles clients de la bou-tique sur « ce qu’ilsferaient s’ils avaientun peu de pouvoir». Bénévolat rimeparfois avec mili-tantisme.Cette forme,presque passion-née, d’engagement,Kawtare l'a en elle« depuis toute petite». « Les voyagesm’ont fait grandirplus vite, confie-t-elle, j’ai ouvert lesyeux. » Ennovembre 2003,Kawtare a participéau Forum socialeuropéen. « J’ai passé cinq jours à Paris. J’y aifêté mes vingt ans en gardant les pieds surterre. » Elle qui dit ne pas se reconnaître dans lagauche aujourd’hui préfère les combats

concrets. Comme d'apporter sa pierre à l’édifi-ce de la solidarité internationale. « Etre citoyen,ce n’est pas seulement voter ! »

« Etre citoyen, c’est voter, mais aussi s’engager »

Sébastien Lamarque

Kawtare est bénévole depuis un an à Artisans du monde.

Robert Holvoet et sa femme Françoise.

S. L

Page 18 - Artisans du monde

Solidarité ! La traduction est heu-reuse. Mieux : « Solidareco »,économie solidaire, le rappro-chement est facile. Mais difficile

de trouver plus juste que l'esperantopour symboliser le caractère fédérateurdu projet. M. Gabriels, président deSolidareco et de Mayacoeur, ne cachepas ses ambitions : « Devenir une plate-forme incontournable du commerce équi-table villeneuvois. » Mayacoeur(Association pour le développementdurable au Guatemala), ASPAL(Association de solidarité avec lespeuples d'Amérique latine), l'associa-tion Entraide France-Mali, sans oublierArtisans du Monde Villeneuve-d'Ascqet bien d'autres... les acteurs ne man-quent pas. C'est bien connu, l'union faitla force. Apporter son soutien au projetde développement et à l'essor du com-merce équitable, autant dire :Solidareco, Artisans du monde mène lemême combat. « On ne peut plus tra-vailler tout seul. L'avenir de nos projetsindividuels, de nos croyances, passe forcé-ment par cette association », conclut

M. Gabriels. Auchan, Monoprix...,même les grandes enseignes, se sontlancées sur le terrain de la coopérationNord-Sud. Logique mercantile, medirez-vous. Sans aucun doute. Mais...les faits sont là. « Commerce équitable »et « développement durable » rimentavec avenir. Artisans du mondeVilleneuve-d'Ascq en a bien conscience.En rejoignant ce collectif, ils jouent lacarte de l'expansion. D'un point de vuepurement financier, ce regroupementn'est pas innocent, comme le reconnaîtle président : « La municipalité n'est pastrès encline à donner de l'argent à chaqueassociation individuellement, elle préfèredonner à un groupe. »

En attendant la boutique...

« Notre but est de sensibliser, de promou-voir et de vendre », affirme M. Gabriels.Le mot est lâché. Qui dit commerce ditvente. L’objet de toutes les attentions,dans cette optique de consolidationd'un projet en commun, est l'ouvertured'une boutique. Voilà, à terme, la raison

d'être de Solidareco : la création d'unmagasin, sous cette enseigne, où pour-rait se réaliser, au quotidien, cette acti-vité commerciale. « Chaque assoc appor-terait sa clientèle mais ce serait égalementun lieu de découverte. Nos associations ontbesoin de ces points fixes de rencontre etd'action. De plus, se rassembler répond àune logique d'efficacité et de rentabilité deslocaux. Une association regroupant desbénévoles, ne peut, seule, assumer l'ouver-ture quotidienne d'un magasin », avoue-t-il. En attendant l’ouverture prévue aupremier semestre 2004, Artisans dumonde ouvre, tous les samedis matin,son tramway. Ici, l’achat est responsable. Consommern'est plus anodin car le consommateurpeut et veut savoir qui, et dans quellesconditions, produit les biens qu'il achè-te. Vitrine du commerce villeneuvois,Solidareco peut jouer le rôle de trem-plin pour Artisans du monde qui necherche qu’à « s'étoffer et se faireconnaître ».

Développement durable et commerce équitable ont trouvé leur porte-drapeau à Villeneuve-d'Ascq. Initié par l’adjointe au maire, Marie Agbessi, le collectif Solidareco combine motivations,initiatives et moyens.Artisans du monde Villeneuve-d'Ascq ne pouvait être étranger à la créationde ce pôle d'économie solidaire.

Le tramway solidaire d’Artisans du monde Villeneuve-d’Ascq.

Villeneuve-d’Ascq

L’union fait la force

Imad Taalabi

Motiv’ et p’tits dej’

Une quinzaine de membres et trois ansd’existence, Artisans du mondeVilleneuve-d’Ascq, s’articule autour

d’un noyau dur de bénévoles qui ne deman-de qu’à s’étoffer. Le tramway permet la vente,l’information et la sensibilisation. Les troisprincipes d’Artisans du monde. Si le groupes’est enrichi quantitativement et qualitative-ment tout au long de l’année 2003 et, s’il s’esttourné vers le milieu étudiant, notammentavec l’accueil d’un stagiaire, l’ouverture d’unmagasin a été reportée à 2004. Peut-être avec lecollectif Solidareco. Mais la grande réussite dugroupe reste les « petits déjeuners solidaires ».A cette occasion, les bénévoles accueillent lesVilleneuvois devant le tramway et leur propo-sent des cafés, jus d’orange et autres produitsissus du commerce équitable. Discuter déve-loppement durable et sensibiliser une futureclientèle est toujours plus facile autour d’unverre. Un concept que l’on retrouvera en maiet en novembre de cette année à l’occasion dessemaines du commerce équitable et de la soli-darité internationale. Pour Françoise Morel, présidente du groupe :« Alors que les pays riches le deviennent deplus en plus, les producteurs du Sud doiventpouvoir vivre de leur travail. » Et si « la moti-vation des bénévoles de Villeneuve est moinscommerciale qu’ailleurs, la mobilisation dechaque membre doit permettre de pérénniserl’association ».

Artisans du monde - Page 19

Pourquoi avoir créé une délégation muni-cipale au développement durable et à lacoopération Nord-Sud ?

Le développement durable regroupe des notionssociale, environnementale et économique. Pournous, une entreprise qui ferait de gros profitsmais qui dégraderait son environnement naturelne serait pas dans ce développement durable. Demême celle qui annonce des bénéfices et licencieà tour de bras, pour faire augmenter le profit deses actionnaires, ne s'y inscrit pas non plus.Le développement durable renferme plusieursprincipes : la défense de l'environnement, ladémocratie participative, l'efficacité économiqueet, enfin, la transversalité. Ce dernier point signi-fie que l'on ne peut travailler seul. C'est vrai pourle citoyen, pour le monde de l'entreprise, pour lesassociations et pour les élus. Un projet doit êtreconcerté et obtenir l'adhésion de toute la com-munauté. C'est le sens de ma délégation.

Comment travaillez-vous avec le groupeArtisans du monde de Villeneuve-d'Ascq ?

Le groupe Artisans du monde effectue un grostravail de sensibilisation au commerce équitable.La mairie a d'ailleurs mis à sa disposition le

wagon de tramway installé en plein centre-ville,même si son utilisation ne me semble pas assezimportante. Il y a trois ans, personne ne savait cequ'était le « commerce équitable », aujourd'huic'est une notion qui est entrée dans le langagecourant. Notamment grâce à Artisans dumonde. C'est dans l'optique de la réussite de cesprojets d'économie solidaire que j'ai initié« Solidareco ». En réunissant plusieurs associa-tions qui travaillent dans le même sens, on évited'éparpiller les moyens. Les associations ne peu-vent plus travailler seules dans leur coin face auxmarchés internationaux qui écrasent le plusfaible. Le problème est que si les consommateurssont sensibilisés par les associations, ils vont sou-vent acheter dans les rayons « équitables » desgrandes surfaces.

Encore faut-il disposer d'un magasin pour leurfaire face. Une structure commerciale associati-ve et équitable est-elle viable sur votre commu-ne ?

Les Villeneuvois aspirent au commerce équi-table. Avec le tissu associatif, la présence de nom-breux étudiants et la sensibilité économique de lapopulation, il y a un potentiel pour une boutiqueentièrement consacrée au commerce équitable.

Mais pour cela, un pro-jet solide est nécessaire.Il faut des objectifs clairset une bonne communi-cation. Les associationsdoivent corriger leursdéfauts : manque decommunication et demarketing et recherchede clientèle. Dans led é v e l o p p e m e n tdurable il y a le devoird'efficacité économique.Un projet doit êtreviable, durable et ne pasdépendre uniquementdes subventions quisont, par nature, dépen-dantes des change-ments politiques. Si cesassociations n'ont pasde stratégie commercia-le, elles risquent d'êtremarginalisées. Ellesdoivent appliquer les

« Les projets économiquesaussi doivent être durables »

Marie Agbessi est chargée du développement durable et de la coopération Nord-Sud à la mairie de Villeneuve-d’Ascq. Elle soutient le regroupement d’associations qui voudraient l’émergence d’une structure d’économiesolidaire.

règles basiques du commerce et tendre à l'équi-libre financier sans soutien extérieur. Le but n'estpas de se réunir entre purs et durs mais bien deconquérir des clients. L'ouverture d'un magasinsous la houlette d'Artisan du monde ou deSolidareco ne peut s'entendre que si l'enseigne estouverte au moins cinq jours par semaine voiresept jours sur sept. Villeneuve-d'Ascq n'est pas unpetit village de campagne ; avec Auchan enconcurrence directe, il faut faire le poids. Je rêved'un magasin équitable aussi vaste qu'Auchan,comme il peut en exister en Angleterre. Mais,pour cela, il faut s'unir et grandir.

Propos recueillis par Laurent Sévenier

Villeneuve-d’Ascq

L’élue verte à l’initiative de Solidareco.

Fédération ADMAnimation Région NORDAnimation Région NORD :

148, rue Pierre Legrand59000 Lille

Déléguée régionale : Christine Champale Tél. 03 20 33 89 19

[email protected]

ArrasPrésidente : Jacqueline Perreau

Tél. 03 21 51 31 37MagasinMagasin : 5, rue des Trois Visages

62000 ArrasHorairHoraireses : du mardi au samedi, de

10 h à 19 h

Béthune-BruayPrésidente : Laurence Roussel

Tél. 03 21 52 77 07- Bouquinerie-salon de thé Bouquinerie-salon de thé :

Quilit Quilit, 69, place Jules Senis62400 Béthune

HorairHoraireses : mardi -samedi, de 14 h 30à 19 h et le mercredi de 10 h à 19 h

Tél. 03 21 68 30 80- Beautiful ParfumerieBeautiful Parfumerie :

Zone industrielle 1, rue Fleming62400 Béthune Tél. 03 21 57 00 18

HorairHoraireses : lundi, vendredi et samedi,de 9 h à 19 h

Boulogne-sur-mer - Calais

Président : Etienne DubailleTél. 03 21 32 14 52

MagasinMagasin : 10, Grand-Rue62200 Boulogne-sur-Mer

HorairHoraireses : mercredi-samedi, toute lajournée, et jeudi, de 9 h 30 à 12 h 30

CalaisCalais : Présidente (par intérim)

Annick LecrinierTél. 03 21 34 08 59

MagasinMagasin : 10, rue du CommandantMengin 62100 Calais

Tél. 06 83 62 08 86HorairHoraireses : mercredi de 17 h à 19 h,

jeudi de 9 h 30 à 12 h 30 et samedi, de

9 h 30 à 12 h 30 et de 15 h à 19 h

CarvinMagasinMagasin : 16, rue Edouard Plachez

62220 CarvinResponsable de magasin :

Nadine PecqueurTél. 03 21 37 41 23

HorairHoraireses : du mardi au vendredi, de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h,

samedi de 9 h à 13h et 15 h à 18 h 30Magasin de Liévin : Magasin de Liévin :

72 bd JB Defernez62800 Liévin

Tél. 03 21 45 44 10HorairHoraireses : du mardi au samedi, de

10 h à 12 h et de 14 h à 19 h, mercredi de 9 h à 19 h

DouaiEqui’terrEqui’terree

(membre associé d’Artisans du monde)Président d’Equiterre :

Philippe Marseille Tél. 03 27 71 28 21Secrétaire : Patrick Sauvaire

Tél. 03 27 88 60 66

LillePrésidente : Véronique Liénard

Tél. 03 20 06 03 12MagasinMagasin : 7, rue des Fossés

59000 LilleHorairHoraireses : du mardi au samedi, de

11 h à 19 h

TourcoingPrésidente : Virginie Dassonville

MagasinMagasin : 14, rue Nationale59200 Tourcoing

Tél. 03 20 24 99 38HorairHoraireses : du mardi au samedi, de

11 h à 18 h

Villeneuve-d’Ascq

[email protected] Contact : Miguel Mercado (trésorier)

Tél. 03 20 56 54 46

Région

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Comment les joindre ?

Directeur de la publication : Loïc Hervouet, directeur général de l’ESJResponsable de la rédaction : Frédéric BaillotRéalisé par la 9e promotion de la filière PHR (Presse hebdomadaire régionale) de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. Mars 2004.