le carbone forestier, outil de valorisation des services
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Le carbone forestier, outil de valorisation des
services éco systémiques
Moyens et perspectives suivant un exemple en Bas Dauphiné
Faculté de géographie, Histoire Histoire de l’Art et Tourisme
Master Science des Sociétés et de leur environnement
Mention Etudes rurales
Master 2 spécialité professionnelle Aménagement et Développement Rural
Maître de stage : M. Christophe Barbe
Tuteur universitaire : M. Jean Luc Morineaux
Membre du Jury : Mme Christina Aschan
Septembre 2012
Mémoire de fin d’études présenté par :
Loïc CASSET
Forêt
Société CO²
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Remerciements
Mes remerciements vont d’abord à Xavier Martin, directeur du CRPF Rhône Alpes, qui m’a permis de
reprendre les études pour un temps, et, qui m’a surtout encouragé dès le début de mon travail sur la
thématique du carbone forestier. Je remercie Christophe Barbe, mon maître de stage et collègue de
travail, pour sa disponibilité, son recul sur les questions forestières et plus simplement pour ses
qualités humaines d’écoute et d’ouverture d’esprit.
Je remercie ensuite Olivier Picard, chef de service R&D de l’Institut pour le Développement Forestier,
et Eric Toppan, adjoint au directeur de la Fédération Forestiers Privés de France, pour leur appui et
pour la confiance qu’ils m’ont accordée dans l’aboutissement des projets de compensation réalisés
en Bas Dauphiné.
Je remercie les conseils d’administration de l’ASLGF du Bas Dauphiné, de l’Association Bonnevaux
Chambaran, de l’Association Drôme des Collines Forestière, à travers leurs présidents Claude
Desrieux, Paul Rostaing et Philippe Rivoire. Une mention spéciale pour Gilbert Cottaz, secrétaire de
l’Association Bonnevaux Chambaran depuis 1986, qui participe à toutes mes permanences chaque
mardi matin.
Je remercie Jean Pierre Ferragut, administrateur du CRPF Rhône Alpes, pour sa volonté et son
investissement autour des questions de regroupement de la propriété forestière.
Je remercie Henri Frisch, président de l’association La Forêt pour Témoin, pour son intérêt aux
problématiques de la forêt privée et pour la qualité de sa coopération dans nos réflexions parfois
complexes.
Je remercie la Banque Neuflize OBC à travers sa responsable du développement durable, Mme
Béatrice de Montleau, pour sa compréhension de nos difficultés et son engagement qui a permis
l’aboutissement d’un partenariat innovant.
Je remercie, Alexis Morrier et Mathieu Rousset de la DADR Rhône Alpes, pour l’attention qu’ils ont
portée à mon travail en proposant de reprendre une partie de mes conclusions dans la future
politique forestière régionale.
Je remercie Jean Luc Morineaux, mon tuteur universitaire, pour ses conseils avisés et ses remarques
éclairées, issus de son expérience de terrain.
Enfin, je remercie les membres de ma famille qui ont bien voulu relire ce mémoire pour le rendre
plus compréhensible et accessible.
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Liste des sigles
ABC : Association Bonnevaux Chambaran
ADEME : Agence du Développement Et de la Maitrise de l’Energie
ADCF : Association Drôme des Collines Forestières
AGRESTE: Service de la statistique, de l’évaluation et de la prospective agricole du Ministère de
l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
ASAGF : Association Syndicale Autorisée de Gestion Forestière
ASLGF : Association Syndicale Libre de Gestion Forestière
CDC : Caisse Des Dépôts et consignations
CDRA : Contrat de développement Rhône Alpes
IRSTEA : Institut national pour la Recherche en Science et Technologie pour l’Environnement et
l’Agriculture (ex CEMAGREF – 2011)
CFT : Charte Forestière de Territoire
CNPF / CRPF : Centre National de la Propriété Forestière / Centre Régional de la Propriété Forestière
CNUCC : Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique
CRE : Commission de Régulation de l’Energie
ETF : Entrepreneur de Travaux Forestiers
FCBA : Institut technologique forêt, cellulose, bois et ameublement
GAL : Groupe d’Action Local
GES : Gaz à Effet de Serre
GIEC : Groupe d’expert intergouvernemental sur le climat
IDF : Institut pour le Développement Forestier
IFM: Improved Forest Management
IFN: Inventaire Forestier National
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
INSEE: Institut National de la Statistiques et des Etudes Economiques
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques
OMM : Organisation Météorologique Mondiale
ONF : Office National des Forêt
PEFC: Program for the Endorsement of Forest Certification Schemes
PNAQ : Plan Nationale d'Allocation des Quotas
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement
PSADER : Projet Stratégique Agricole et de Développement Rural
PSG : Plan Simple de Gestion
SCEQE : Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions (ou EU ETS en anglais pour European Union Emission Trading Shemes)
TFNB : Taxe sur le Foncier Non Bâti
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
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Introduction
La forêt française souffre depuis de nombreuses années du déficit de sa balance commerciale
qui porte préjudice à tout l’équilibre d’investissement que constitue ce patrimoine partagé par plus
de 3,5 millions de français. Pourtant 3ème surface forestière au niveau européen, cet espace pâtit d’un
manque de reconnaissance comme sphère économique à part entière. Régulièrement redécouverte
au fil des crises pétrolières, la forêt française semble plus intéresser pour sa capacité à procurer de
l’énergie moins chère que pour sa capacité à offrir une source d’emplois durables notamment dans la
construction. Elément de structuration des paysages, pôle d’attractivité récréative, refuge de la
biodiversité1 ce sont peu à peu ces rôles qui sont dévolus à la forêt mettant à la marge la finalité de la
gestion forestière à savoir la production d’une matière première apte à satisfaire aux besoins locaux
(au sens large du terme) de manière durable. La disparition de nombreuses scieries entraînent deux
contraintes majeures, la perte de connaissance de la ressource locale (typicités, méthode de
transformation, usages possibles…) et l’abandon par les propriétaires forestiers de leur patrimoine
faute d’intérêt. Sans revenir sur les problèmes posés par le morcellement de la forêt privée française,
on voit peu à peu apparaître une spécialisation des zones forestières en fonction de la proximité des
villes mais également de la dynamique de la filière locale.
Depuis le protocole de Kyoto ratifié en 1997 et ses objectifs en termes de diminution des
rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de nombreuses réflexions ont vu le jour autour de la
forêt et de sa capacité à stocker notamment du dioxyde de carbone (le CO2). La succession des
conférences sur le climat, dont la dernière en date est celle de Durban en 2011 n’ont fait qu’affirmer
ce rôle et préciser les modalités de prises en compte et surtout de mises en œuvres techniques
d’actions autour de la question.
Egalement, depuis Kyoto, un processus d’estimation de la séquestration de CO2 est effectué
pour chaque pays et constitue le socle du système international d’échange de quotas carbone
destinés à sanctionner les industries les plus polluantes. Ces droits d’émissions sont côtés depuis
2008 par la première Bourse internationale du carbone « BlueNext » crée par NYSE Euronext et la
Caisse des Dépôts pour gérer le marché de quotas carbone européens (EU ETS – European Union
Emission Trading Scheme), allant de la négociation au règlement livraison à l’échelle mondiale. Pour
autant ce système affiche une extrême volatilité du prix de la tonne de carbone passant de 25€
(2008) à 4€ en l’espace de 3 ans et un risque de fraude élevé, en témoigne les récents scandales de
fraude à la TVA (« une fraude de 1,6 Milliards d’€, la plus importante fraude fiscale jamais commise
en France » selon la Cour des Comptes)2. Les fonds issus de la compensation carbone3 des Etats
peuvent alimenter de vastes projets internationaux de compensation carbone. Quelques ONG,
accréditées ou pas par l’ONU, réalisent ainsi de grands programmes de boisement / reboisement
1 Diversité du vivant : diversité des espèces végétales et animales, diversité génétique de l’ensemble des êtres vivants, diversité des structures. 2 In : Cour des Comptes - Rapport public annuel 2012 – La Fraude à la TVA sur les quotas de carbone – page 147 à 196 – Février 2012 3 La compensation consiste à mesurer les émissions de gaz à effet de serre générées par une activité (transport, chauffage, etc.) puis, après avoir cherché à réduire ces émissions, à financer un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de séquestration du carbone : énergie renouvelable, efficacité énergétique ou de reboisement, qui permettra de réduire, dans un autre lieu, un même volume de gaz à effet de serre. Source : ADEME
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notamment dans des pays du sud (Afrique subsaharienne, Asie du sud-est, Amérique du Sud). A
partir de 2013, les Etats pourront vendre aux enchères leurs quotas nationaux.
En France, la filière Forêt Bois à travers son représentant France Bois Forêt a présenté en
Juillet 2012 un projet destiné à mobiliser 25% de cet argent (250 Millions d’€) en passant par un
Fonds Forestiers Stratégique Carbone destiné à accompagner l’investissement en forêt et le
développement de la filière. Cette proposition a été reprise par l’Etat français dans le projet du
ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt dans son Plan d’Action pour la filière
Forêt Bois.
Sur le territoire national, « la gestion forestière représente le seul grand puits de carbone qui
s’élève en 2009 à 72,2 Millions de tonnes équivalent CO2 »4. C’est dans cet état d’esprit que la filière
Forêt Bois s’est intéressée à la question. Depuis 2005, elle mobilise ses équipes pour établir
notamment une norme permettant d’apprécier la capacité des forêts à absorber du gaz carbonique.
Puis, en 2009, elle participe au groupe de réflexion national porté par la Caisse des Dépôts Mission
Climat : le Club Carbone Forêt Bois. Ce groupe de recherche et de partage de connaissance auquel
participent des organismes forestiers tels que le CNPF, l’IDF, l’ONF est également composé de
régions (Rhône Alpes, Aquitaine, Bourgogne….) ou encore d’industries soucieuses de leur empreinte
environnementale (Dalkia, Astrium, Crédit Agricole….). Les travaux de ce groupe ont, pour l’essentiel,
porté sur la faisabilité technique de projets de compensation carbone en France et sur l’adaptabilité
des règles internationales régissant le marché du carbone au contexte forestier national. Cette
dynamique de recherche est également portée par une demande d’entreprises souhaitant
compenser leurs émissions sur le territoire national. Il s’agit alors de trouver une façon de travailler,
dans le respect des règles établies par le protocole de Kyoto, permettant de capter des fonds privés
pour les orienter vers des opérations de séquestration de gaz carbonique en forêt.
Parallèlement, les forestiers réfléchissent depuis de nombreuses années à la valorisation des
aménités5 forestières. Des initiatives diverses ont vu le jour allant d’une carte de ramassage de
champignons (Chartreuse, Vercors, Sud Drôme) en passant par des partenariats avec des sociétés
d’eaux minérales (Volvic) ou encore et plus simplement des opérations de sensibilisation du public
aux services rendus par la forêt (Nature Capitale en 2011). Dans la plupart des cas, traités de manière
individuelle, la valorisation de ces aménités reste souvent circonscrite à un massif ou à un enjeu
précis. Deux éléments majeurs manquent aujourd’hui pour la valorisation des services forestiers :
- La structuration des propriétaires de forêts pour assurer la tenue des engagements pris au
regard des échéances forestières qui s’évaluent sur plusieurs dizaines d’années
- La définition d’une échelle de valeur homogène et adaptable au regard de la diversité de la
forêt française et des techniques employées.
4 In : Proposition de Plan d’action carbone pour la filière Forêt Bois, Ministère de l’Agriculture de l’Alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, 10/01/2012 annexe 1 5 Les aménités sont définies comme étant des « structures uniques, naturelles ou construites par l’homme telles que la flore et la faune, les paysages cultivés, le patrimoine historique, voire les traditions culturelles.[…] » Source : OCDE 1999
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Ainsi, il convient d’élargir cette notion d’aménité ou de service forestier à celle de services éco
systémiques. On peut alors faire appel à la définition établie dans l’Evaluation des services rendus par
les écosystèmes en France de 20096 :
« Les services rendus par les écosystèmes désignent l’utilisation humaine des processus naturels à
travers la fourniture de biens matériels, la valorisation de mode de régulation écologique, l’utilisation
des écosystèmes de support à des activités non productrices de biens matériels (activité artistique,
éducation…). Les services se rapportent donc uniquement à des impacts positifs sur le bien être
humain à travers la fourniture de biens et services. [….] »
Cette définition pose le cadre de toute une réflexion autour du paiement pour les services
environnementaux (PSE) qui vise à : « favoriser des externalités environnementales positives grâce
au transfert de ressources financières entre les bénéficiaires de services écologiques et les
fournisseurs de services ou les gestionnaires des ressources environnementales »7.
Dans ce cadre de réflexion, les structures nationales de la forêt privée ont engagé différentes
initiatives. En Rhône Alpes, où les actions conjuguées des syndicats de propriétaires forestiers et du
CRPF ont permis l’émergence de différents outils, un travail pilote a été engagé sur la zone du Bas
Dauphiné, c’est l’objet du présent rapport :
Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques, moyens et perspectives en
Bas Dauphiné
Dans la première partie du rapport, on s’attache à replacer la dynamique de travail dans sa
dimension nationale en reprenant notamment les enjeux lourds de la filière forêt bois. Puis, dans la
seconde partie du rapport, on découvre le contexte particulier de ce secteur aux portes de Lyon et
Valence, et les préalables à la mise en œuvre d’une action aujourd’hui citée en exemple mais issue
d’un long travail d’écoute, de confiance et de partenariat.
Ainsi, l’action menée durant ce stage est d’abord l’aboutissement d’un travail de fond
entamé depuis 1985 par le CRPF Rhône Alpes. Mon travail a commencé en 2007 lors de mon
embauche en tant que technicien forestier sur le secteur des Bonnevaux Chambaran. Il a d’abord
fallu que je m’approprie un massif qui m’était complètement inconnu mais surtout une façon de
travailler radicalement différente des expériences que j’avais pu avoir dans mes précédentes
missions. J’ai pu tout de suite me mettre au diapason en conduisant une opération expérimentale en
partenariat avec le Conseil Général de l’Isère sur le traitement de la question du morcellement par
une opération de cessions/acquisitions de parcelles forestières. Cette opération s’est terminée en
2009 et, à abouti à la création d’une Association Syndicale Libre de Gestion Forestière (ASLGF). Cette
évolution relève d’une vraie cohérence puisqu’après avoir travaillé sur l’augmentation des
tènements forestiers et leurs gestions, il restait à travailler sur leurs améliorations sylvicoles. Ce
développement fait l’objet de la partie 2 du rapport et reprend les étapes de construction et
l’inscription dans le paysage local de cet outil. On notera que les ASGF sont des structures créées par
une loi de 1985 qui ont fait l’objet d’une modification lors de la loi d’orientation sur la forêt du 9
6 in Evaluation des services rendus par les écosystèmes en France – Etude exploratoire – Ministère de
l’Ecologie, du Développement Durable et de la Mer – Septembre 2009 7 In Le paiement pour les services environnementaux : Etude et évaluation des systèmes actuels – UNISFERA
International Centre – Karle Mayrand, Marc Paquin – Septembre 2004.
9
Juillet 20018. Le mode de fonctionnement unique mis en place sur l’ASLGF du Bas Dauphiné est repris
en Rhône Alpes et fait école sur le territoire national. La synergie Propriétaires adhérents/CRPF
Rhône Alpes/Régisseur permet un fonctionnement optimal et garantit, comme on le verra, le
traitement rapide des problèmes.
Mais surtout, l’ASLGF du Bas Dauphiné est une base pour la mise en œuvre d’un projte de
gestion durable de la forêt et ce, de manière trans-générationnelle. C’est ainsi que la question du
carbone a pu trouver une solution ici, et d’abord parce que le niveau de garantie en terme de
durabilité de la séquestration de CO2 a pu être établi. Loin de constituer une fin en soi, et comme on
le verra au fil du rapport, c’est une structuration locale autour d’un outil ambitieux et innovant mais
surtout un engagement fort des propriétaires forestiers qui a permis d’apporter la démonstration de
la faisabilité d’une opération relevant de règles internationales.
Le cahier des charges qui m’a été proposé pour ma période de stage était de pouvoir établir
les conditions d’une opération de séquestration de gaz carbonique dans les règles du protocole de
Kyoto, de trouver une convergence sur ce point avec la valorisation des services éco systémiques et
enfin de pouvoir reproduire cette opération ailleurs en France.
Ma période de stage est donc la finalisation de cette commande avec la signature de la
première convention nationale de compensation carbone par une sylviculture9 améliorée. Le
partenariat entre la Banque Neuflize OBC et l’ASLGF du Bas Dauphiné pour la compensation de 3 200
tonnes de gaz carbonique sur 40 hectares de taillis10 de châtaigniers est la preuve que la forêt privée
même morcelée peut-être un foyer d’innovation si on lui en donne les moyens. Avec plus de 32 000€
mobilisés pour la valorisation d’un geste sylvicole, c’est toute la responsabilité et le rôle du
propriétaire forestier d’abord dans le traitement de la question climatique mais surtout dans un
équilibre plus global qui sont valorisés. L’élaboration d’un prix de la tonne de carbone valorisée
incorporant les services écosystémiques a été un exercice délicat mais la rédaction de la convention
de partenariat et des engagements des différentes parties ont relevé du casse-tête juridique compte
tenu de l’absence de tout texte de loi régissant ce type d’action.
Pour autant, la réalisation de cette opération permet d’ouvrir un nouveau champ dans la
mise en œuvre d’une politique publique d’aide à la forêt en abordant la question du couplage des
moyens financiers, mais surtout dans la justification de l’usage de fonds publics à l’amélioration de
patrimoines privés.
8In : Loi N°2001-602 du 9 Juillet 2001 d’orientation sur la forêt – JORF N°159 du 11 Juillet 2001 page 11001
9 Art d’appliquer des techniques fondées sur des bases scientifiques dans le dessein de contrôler le développement naturel des forêts et de guider leur évolution dans la direction voulue. Elle peut être qualifiée de dynamique, extensive, intensive, ou proche de la nature. 10 Peuplement constitué de tiges provenant toutes du développement de rejets ou de drageons
10
PLAN
Remerciements ......................................................................................................................1
Liste des sigles........................................................................................................................4
Introduction ...........................................................................................................................6
I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ? .................................................12
I.1 Un passif difficile à assumer .................................................................................................... 12
I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde .......................................................... 18
I.3 Le carbone, un simple produit financier ?................................................................................ 24
II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas Dauphiné ................34
II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole ................................................ 34
II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière .................................... 41
II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné ................................................................. 52
III Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques .........................60
III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale ....................................................................... 60
III.2 Une nécessaire synergie « glocal » ........................................................................................ 68
III.3 Vers une cohérence d’action ................................................................................................. 74
Conclusion générale .............................................................................................................84
Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement local dans une économie
régénérative ................................................................................................................................. 84
Bibliographie .......................................................................................................................86
Table des figures ..................................................................................................................90
Table des matières ...............................................................................................................92
11
12
I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ?
Espace de nature, espace économique, espace de protection, depuis les années 1960-1970,
la forêt n’a jamais fait l’objet d’autant d’attention. Tiraillée entre ses différents « défenseurs », elle
cristallise les aspirations de nos sociétés modernes de « nature contrôlée » jusque dans leurs
contradictions les plus profondes. Comment envisager un espace sous cloche où l’intervention
humaine se limiterait à la sécurisation d’itinéraires de randonnées face au boom de la construction
bois et du chauffage au granulé ? Comment concilier la protection des espèces et l’anticipation de
l’évolution climatique ? La forêt est-elle un bien commun, ou relève-t-elle de la responsabilité unique
de ses propriétaires ? Loin de répondre à toutes ces questions, la première partie de ce mémoire vise
à esquisser les grandes tendances qui modèlent et modèleront la forêt française dans les années à
venir. Ces éléments (issus pour l’essentiel des rapports gouvernementaux Puech de 2009 et Bianco
de 1998) introduisent le contexte d’émergence de la partie II et constituent la base de réflexion de la
dernière partie du rapport.
I.1 Un passif difficile à assumer
Au fil des rapports ministériels et livres blancs (6 depuis 1945 voir chronologie annexe 2), les
enjeux autour de la filière forêt bois ont peu évolués et pas vraiment trouvé de réponse depuis 30
ans. La fin du Fonds Forestiers National11 le 1 Janvier 2000 porte une part importante dans l’inflexion
des politiques publiques en faveur de la forêt, mais pour autant, une filière économique dont
l’investissement est porté par une taxe (66 Millions d’euros/an pour plus de 2 millions d’hectares de
forêts boisés et reboisés en 50 ans) a-t-elle un avenir ?
I.1.1 Depuis 30 ans, le déficit de la balance commerciale
6,3 milliards d’€12, c’est le deuxième poste de déficit de la balance commercial française juste
après le pétrole. Ce déficit lié à la différence entre les importations et les exportations de bois croît
depuis 1993.
Ce déficit est d’autant plus surprenant que la France possède la 3ème surface forestière
européenne (15,7 millions d’hectares derrière la Suède et la Finlande) et le premier massif feuillus
pour 1/3 de sa surface totale. De plus, la filière Forêt Bois compte 230 000 salariés qui travaillent en
zone rurale et près de 450 000 personnes pour toute la filière.
Il faut alors détailler ce fameux déficit pour constater que les filières papier, pâte à papier et
ameublement représente 73% de ce dernier. On trouve alors des éléments d’explications dans le
11 Crée par la loi du 30 Septembre 1964 par application du programme du Conseil National de la Résistance et suivant les recommandations du rapport Leloup. Alimenté par une taxe fiscale (prélevé auprès des exploitants forestiers et entreprises de premières transformations), il échappait à l’annualité budgétaire mais contribuait selon l’Union Européenne à une distorsion de concurrence. 12
In : Rapport Puech « Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière Bois » remis au Président de la République le 6 Avril 2009
13
caractère très international de ces industries de transformations. Et d’abord, la pâte à papier qui
constitue une matière première au centre de nombreux enjeux d’autant plus dans la perspective du
développement des pays émergeants ou d’ores et déjà émergés. Ainsi, en Juin 2010, la tonne de pâte
à papier a atteint la barre des 1000 dollars la tonne, un prix jamais atteint sur les 15 dernières
années13. Pour la partie ameublement, on se trouve ici en limite de filière puisque c’est la création et
la commercialisation qui constituent l’essentiel du déficit. Il s’agit là d’un déficit d’abord financier
mais qui au final correspond à une faible quantité de bois.
Pour autant, c’est bien la faiblesse de nos outils de transformations par rapport à des
marchés internationalisés qui porte préjudice à l’ensemble de la filière et notamment au feuillus.
Pour exemple, la Chine (en 2011, premier producteur mondial d’ameublement et premier
importateur mondial de bois) importait en 2008 environ 30 000m3 de grumes de chênes français
essentiellement issues des forêts de l’Est de la France. Pour le seul premier semestre 2011 ce sont
près de 120 000m3 de grumes de chênes (soit +25%)14 qui ont rejoint les scieries de la République
Populaire de Chine. Cet intérêt a permis au cours du chêne de remonter (+20%) au détriment des
transformateurs locaux qui n’ont pas pu suivre financièrement.
Des pistes d’actions doivent alors être trouvées. Pourquoi pas dans des accords de
réciprocité (réclamés par la Fédération Nationale du Bois depuis 2011) mais surtout dans la
valorisation de nos produits. Ainsi des pistes de modernisations ont été élaborées sur la base du
rapport Puech et des conclusions du Grenelle de l’Environnement. Des axes de travail autour du bois
construction, du bois énergie et de la nécessité de structurer la filière bois ont été formulés,
souhaitons qu’ils soient suivis des mesures adéquates. La valorisation du bois feuillus doit relever des
premières priorités tout comme la recherche sur les huiles essentielles, le liège (270 millions d’€ de
déficit en 2010) mais aussi l’adaptation des moyens de transformation à la ressource et la
sécurisation des approvisionnements.
Malheureusement, l’hyper standardisation des moyens de transformations prôné par le
monde de la scierie semble bien loin de la réalité de la structure foncière des propriétés forestières.
Encore plus des possibilités offertes en matière de valeur ajoutée sur ces marchés internationaux de
produits standard ou la plus grande scierie française (SIAT Braun à URMATT avec 575 000 m3/an)
doit rivaliser avec des entreprises finlandaises, allemande, russes, nord-américaines où les unités de
production d’1 millions de m3 par an n’ont rien d’exceptionnel.
Cette tendance se trouve encore renforcée sur les marchés du bois énergie où des investissements colossaux sont réalisés. Ainsi, en plus des tensions internationales, on a ajouté des tensions locales avec une concurrence entre différents produits (plaquette forestière et piquet de châtaignier) bouleversant les équilibres locaux là où ils subsistaient. On rentre alors dans les problématiques de niveaux d’exploitation des forêts, objet du chapitre suivant. Ce qu’il faut retenir
- 3ème poste de déficit commercial national. - 230 000 salariés en zone rurale et plus de 450 000 au total. - 73% du déficit constitué par la filière papier/pâte à papier et ameublement.
13
In : Les Echos n° 20690 du 03 Juin 2010 , page 18 - Papier : les prix grimpent en flèche dans toute la filière 14 In : Le Figaro du 29 Mars 2012 , La Chine achète aussi les forêts françaises
14
I.1.2 La sous exploitation de la forêt française
Le rapport Puech (2009) évaluait à plus de 200 Millions de m3 le stock sur pied « en réserve »
des forêts françaises. L’Inventaire Forestier National dans sa note semestrielle l’IF N°28 des 3ème et
4ème trimestres 2011 indiquait un prélèvement de 44 Millions de m3 sur l’ensemble du territoire
national sur la période 2005-2010 pour un accroissement biologique des forêts de 85 Millions de m3
par an. On en parle comme l’une des causes principales du déficit de la balance commerciale mais il
faut d’abord s’interroger sur les causes de cette sous-exploitation.
La première d’entre elle est certainement le morcellement important de la forêt privée (90%
de la forêt française, avec une surface moyenne en Rhône Alpes de 2,1 ha par propriétaire) où
résident les ¾ du gisement mobilisable en plus, évalué à +21 millions de m3 d’ici à 2020. A cela
s’ajoute le fait que 20% des propriétaires forestiers possèdent moins de 4 hectares, seuil en dessous
duquel la rentabilité de la gestion devient aléatoire.
Cependant, les observations sont bien contrastées d’une région à l’autre mais aussi d’une
géographie à l’autre. Ainsi, c’est en zone de montagne, où les contraintes d’exploitation sont les plus
fortes, que se trouve l’essentiel du volume qui pourrait être mobilisé en plus. Le rapport Ballu (2007)
« sur l’insuffisante exploitation de la forêt française » remis au Ministère de l’Agriculture et de la
Pêche le 22 octobre 2007 identifiait des contraintes d’exploitabilité des forêts comme la nature des
sols, les contraintes de pentes, les distances de débardages et l’accessibilité. Ainsi, suivant cette
nomenclature, 30% des volumes étaient jugés comme difficilement ou très difficilement exploitable.
Pour solution, le rapport proposait l’installation de dessertes forestières et le développement de
techniques d’exploitation adaptées au travail en pente tel que le câble mât. Seulement, ces
techniques nécessitent un investissement important que peu de partenaires sont prêts à prendre en
charge compte tenu de la possibilité de retour sur investissement. La conduite de ces opérations
relève donc souvent d’une volonté politique à laquelle manque malheureusement les moyens
financiers.
Les pistes aujourd’hui empruntées par les industriels de la transformation pour augmenter la
mobilisation de bois relèvent surtout d’une intensification de l’exploitation par unité de surface. De
moins en moins de rémanents d’exploitations sont laissés sur les parterres de coupes pour
notamment valoriser les houppiers15 en plaquettes forestières16. Cette intensification pose des
problèmes en matière de protection des sols et de leurs richesses chimiques. La biomasse des sols
forestiers essentiellement constituée des feuilles et branches fines participe à la constitution d’un
humus qui sert d’engrais naturel mais aussi de tampon pour l’absorption des précipitations. Cette
tendance à l’intensification se retrouve à l’échelle de massifs forestiers de plaines et encore plus
dans les forêts de taillis. Car, la sylviculture du taillis (qui ne fait pas l’objet de directives du code
forestier notamment en matière de limitation en surface des coupes rases) et les faibles contraintes
topographiques induisent une « ruée vers l’or vert » principalement motivé par les cours de la
plaquette forestière. Ainsi, des zones « contraintes » par leur topographie ou la nature de leur sol
15 Ensemble des ramifications d’un arbre et de la partie supérieure d’un tronc, non comprise dans le fût. 16
Egalement appelée bois déchiqueté, la plaquette forestière se présente sous forme de petits morceaux de bois de taille homogène.
15
semble aujourd’hui abandonnés, la montée du cours du bois et notamment du bois énergie17
permettra de peu à peu « déverrouiller » des massifs forestiers rendant l’investissement dans du
matériel ou des équipements tout à fait opportun économiquement.
Le danger de cette volonté d’exploitation des « réserves forestières » réside dans la façon
dont est interprété le fameux « produire plus en préservant mieux » issue du discours d’Urmatt de
Mai 2009 prononcé par Nicolas Sarkozy alors Président de la République. Egalement, l’augmentation
des statuts de protection de l’espace (ENS, ZNIEFF, Natura 2000) pourrait conduire à une forme de
segmentation de la forêt avec des espaces de production dédiés (exemple de forêt de taillis) et des
espaces de semi-protection (cas des forêts de montagne qui, en Rhône Alpes, sont pratiquement
toutes localisées dans des périmètres de Parc Naturel Régionaux ou Nationaux).
Ce qu’il faut retenir
- On estime l’accroissement biologique des forêts à 85 Millions de m3/an. - La rentabilité de la gestion forestière devient aléatoire en dessous de 4 hectares. - 30% des volumes sont considérés comme difficilement ou très difficilement exploitables d’où
un risque de segmentation de l’espace forestier.
17
Le bois énergie est un type de bioénergie utilisant la biomasse constituée par le bois (bois bûche, plaquette forestière, granulé).
16
Les excès de la filière bois énergie
La substitution des énergies fossiles par la biomasse fait partie des grands objectifs européens repris
notamment dans le Paquet Energie Climat adopté par le Conseil Européen en 2007. Cette ensemble de
mesures visant à limiter le réchauffement climatique à 2,5° d’ici à 2100 propose notamment, d’augmenter la
part des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique, biomasse…) dans le mix énergétique
européen de 8,5% en 2008 à 20% en 2020. En France, les conclusions du Grenelle de l’environnement ont
amené l’Etat à prendre des engagements plus forts en diminuant par 4 (le facteur 4) ses émissions de gaz à
effet de serre d’ici à 2050. En passant sur les détails de ces mesures nationales, ce sont les projets de
production d’électricité qui sont les plus appuyés. La Commission de régulation de l’Energie (CRE : Autorité
administrative indépendante chargé de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en
France) rédige régulièrement des appels d’offre pour que les capacités de production répondent aux objectifs
définis par le ministère de l’énergie. Ainsi, en 2009 l’appel d’offre de la CRE portait sur la production de 250
MWe à partir de biomasse pour des installations dite de cogénération (production de chaleur et d’électricité).
56% des projets prévoyaient l’usage de biomasse issue de forêt (bois chablis, rémanents, arbres
d’alignements…). Pour exemple la centrale de cogénération du Tricastin d’une puissance de 12 MWe envisage
la mobilisation de 150 000 tonnes de plaquette forestière par an. Par extrapolation on peut alors établir que
l’usage de la plaquette forestière pour le seul appel d’offre CRE de 2009 nécessiterait la mobilisation de plus de
3 Millions de tonnes de plaquettes coproduit de l’exploitation forestière. Pour illustrer ce propos, on évalue, en
moyenne, entre 300 et 800 tonnes par hectare la quantité de bois qui peut être mobilisée sur 1 hectare de
taillis de châtaignier de 30 ans de bonne venue. Par an, se serait 4 000 hectares de forêts qu’il faudrait raser
pour le seul approvisionnement de ces projets. Des chiffres qui donnent le vertige quand on sait qu’en 2010 se
sont 700 MWe qui seront produit à partir de biomasse forestière.
Ainsi, de nombreux opérateurs de la mobilisation en forêt ont signé des contrats de fournitures de plaquettes
sans forcément intégrer la tension grandissante sur la mobilisation de parcelles forestières. Peu à peu un
système ultra mécanisé se met en place pour mobiliser plus vite au détriment d’une sylviculture où la
plaquette forestière n’est qu’un coproduit. Les grandes unités de cogénération travaillent pratiquement en flux
tendus, obligeant la conduite des opérations de mobilisation tout au long de l’année. Cette façon de travailler
pousse à la réalisation de coupes rases de grandes surfaces et à la transformation exclusive des bois mobilisés
en plaquette. On passe aujourd’hui dans des broyeurs des rémanents d’exploitation mais également du bois de
piquet ou plus grave du bois d’œuvre. Les techniques de mobilisation font peser un poids très lourd sur les
taillis (600 000ha en France) qui présentent l’avantage d’être souvent facilement mobilisable et sur lesquels la
coupe rase est une technique traditionnelle. Après, tout est affaire de mesure…. La Plan d’Approvisionnement
Territorial (ou PAT dispositif porté par l’association des Communes Forestières) a fait ressortir dès 2011 que
l’accroissement biologique de la forêt de Chambaran était d’ors et déjà prélevé. Une hausse du prélèvement
conduirait inévitablement à une régression forestière !
Mais la filière énergétique se rend bien compte des problèmes d’approvisionnement qui risquent de se poser
dans peu de temps. Ainsi, des investissements sont conduits notamment en Amérique du Sud et en Afrique
Equatoriale pour planter de l’Eucalyptus afin, entre autre, de produire de la plaquette forestière. Ces
plantations se font bien entendu au détriment de la forêt tropicale et utilisent des techniques de production
où les intrants permettent d’atteindre les objectifs de croissance. Déjà des ports français comme celui de
Bayonne se spécialisent pour recevoir les bateaux de plaquettes forestières. On peut alors s’interroger sur la
neutralité carbone de la filière mais encore plus sur sa neutralité environnementale. Ne sommes-nous pas
entrain de créer une bulle qui, à terme, viendra alimenter le déficit commercial de la filière…
17
I.1.3 La perspective de l’évolution climatique
Pour la France, des projections ont été réalisées avec le modèle ARPEGE de Météo France ;
un scénario avec faibles émissions de GES18 (scénario B2 du GIEC) et un scénario avec fortes
émissions de GES (scénario A2 du GIEC). Le scénario B2 établit pour la France une augmentation de 2
à 2,5° entre la fin du 20ème et le début du 21ème siècle. Le scénario A2 quant à lui table sur une
évolution de 3° à 3,5° sur la même période avec une diminution des précipitations estivales de 20 à
35%.
Un article19 publié dans la revue Science le 27 Juin 2008 a alerté le monde forestier sur
l’impact de l’évolution climatique. Cette étude menée en collaboration entre le CNRS, l’INRA et
AgroParisTech a comparé la distribution de 171 espèces forestières dans les montagnes françaises
sur deux périodes : 1905 - 1985 et 1986 – 2005. L’étude a montré une remontée des espèces de 29
mètres en altitude par décades.
Au-delà de ces résultats, on constate plus généralement un décalage des périodes de
précipitations, une augmentation du nombre de jours de vents et des phénomènes exceptionnels
(gel, crues, tempêtes, orages violents…). Il s’agit là d’autant de facteurs de stress propres à
bouleverser l’équilibre naturel. En forêt et plus particulièrement en Rhône Alpes, on distingue cette
évolution de manière claire sur l’aire de répartition de l’Epicéa commun qui a peu à peu disparu des
altitudes inférieures à 1800 mètres en subissant des sécheresses répétées et des attaques de
parasites très violentes.
Face à cette évolution, le forestier se doit d’imaginer quelles seront les conditions de croissance
de la forêt dans 50, 100, 200 ans. Cette tâche est d’autant plus ardue qu’il existe autant de modèles
climatiques que d’interprétations de cette évolution. Pour les arbres, l’adaptation à ce changement
prend différentes formes :
- L’allongement des périodes de végétation
- L’adaptation génétique
- La migration
- La mortalité
On sait qu’une forêt jeune et irrégulière20 a une meilleure capacité de réponse à des évènements
exceptionnels. Le travail résidera donc principalement dans le raccourcissement des durées de
rotation, dans la réalisation d’éclaircies régulières permettant de limiter le stress induit par la
concurrence dans le peuplement notamment pour l’accès à la ressource en eau, et pratiquer la
18 Les Gaz à Effet de Serre (GES) sont des gaz qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous la forme de radiations au sein de l'atmosphère terrestre, phénomène appelé effet de serre. 19In : « A Significant Upward Shift in Plant Species Optimum Elevation During the 20th Centurty » par J. Lenoir ; J.C. Gégout de AgroParisTech à Nancy, France ; P.A. Marquet de la Pontificia Universidad Católica de Chile, de l'Institut d'Ecologie et de Biodiversité à Santiago, Chili et de l'Institut Santa Fe à Santa Fe, NM ; P. de Ruffray du CNRS et de l'Université Louis Pasteur à Strasbourg, France ; H. Brisse du CNRS et de la Faculté des Sciences de Saint Jérôme à Marseille, France. 20 Se dit d’un peuplement d’arbres de diverses dimensions. Qualifie une structure, un traitement forestier où les arbres sont de diverses dimensions.
18
régénération assistée en « enrichissant » les peuplements de génotypes ou d’espèces mieux
adaptées.
Pour trouver des réponses à la hauteur à ce défi, les forestiers doivent se doter d’outils de
recherche mais surtout de transferts. Le Réseau Mixte Technologique AFORCE (Adaptation des Forêts
au Changement Climatiques) qui regroupe différents partenaires dont le Groupement d’Intérêt
Public ECOFOR (Ecosystème Forestiers) produit ainsi un certain nombre de recherches destinées à
anticiper et/ou préparer l’évolution climatique. Le travail de ces partenaires relève de 5 thématiques
qui représentent bien les grandes interrogations du monde forestier, à savoir :
- l’évolution des stations forestières
- la vulnérabilité des peuplements
- la gestion, la valorisation et la conservation des ressources énergétiques
- la croissance et la sylviculture des peuplements
- l’évaluation économique des décisions de gestion
S’il semble qu’un consensus ait été trouvé pour dire que nous allons vers une phase de
réchauffement global, l’évolution climatique reste aujourd’hui difficile à appréhender dans sa vitesse
d’évolution et dans son impact sur la distribution des espèces végétales et animales. Au sein même
de la filière, les avis divergent et amènent peu à peu à une forme de radicalisation du discours
privilégiant une réponse binaire : produire ou protéger.
Ce qu’il faut retenir
- Remontée des espèces de 29 mètres en altitude par décades. - Une forêt jeune et irrégulière à une meilleure capacité de réponse à des évènements
exceptionnels. - Consensus autour du réchauffement climatique mais divergence quant à sa rapidité.
I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde
Si le nombre important des acteurs de la filière forêt bois (voir organigramme annexe 3) rend difficile la perception d’un message cohérent, la présence de deux ministères sur la même problématique ne participe pas à la clarification de ce dernier. Ainsi, lors de l’élection présidentielle de 2012, les acteurs de la filière ont-ils demandé la création d’une délégation interministérielle à la forêt afin de croiser les choix politiques mais surtout de raisonner les directives dans un cadre plus global. A ce jour, cette délégation n’existe pas, la situation pourrait évoluer… Du côté de la forêt, la volonté d’harmonisation de la communication portée par France Bois Forêt et financièrement par une contribution volontaire obligatoire de la profession laisse entrevoir un début de structuration.
I.2.1 Une schizophrénie un peu embarrassante
La pathologie dont souffre aujourd’hui la forêt française, par la présence des ministères du
Développement Durable et de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt sur la même
19
thématique rend le dialogue très difficile. Comment faire converger les enjeux de production et ceux
de protection alors même que les organes de propositions sont différenciés.
Alors que le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt s’organise pour la
création d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone, le ministère du Développement Durable a lancé
début 2012 son fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologique21. Son
objectif est « d’apporter un soutien financier aux projets favorisant la protection de la biodiversité, la
préservation et la remise en état des continuités écologiques ». Les ressources du fonds proviennent
directement du budget de l’Etat et sont attribués par un comité consultatif. Le Fonds Forestier
Stratégique Carbone (sur lequel nous reviendrons à la fin de la première partie), pour sa part, se
donne pour ambition, entre autres : « la préservation des services écosystémiques et de la
biodiversité, l'accroissement de la mobilisation de bois (13 millions de m3 supplémentaires pour le
bois d'œuvre et le bois énergie), 40 % des surfaces non valorisées rendues accessibles (8 000 km de
dessertes forestières), la résorption du déficit commercial de la filière (500 millions d'euros/an),
[…]. »22
Ainsi, dans une période de forte tension budgétaire, on continue à scinder les questions
environnementales des questions forestières. On voit deux politiques qui se développent
parallèlement avec une volonté partagée de mieux intégrer la biodiversité dans un processus de
valorisation locale des services non marchands. Ce qu’il est intéressant de noter au passage, ce sont
les approches géométriquement opposées de ces deux ministères que l’on peut illustrer par :
- une approche Top-Down23 pour le ministère du développement durable qui part du cadre
international de la protection des espaces pour l’adapter au territoire
- une approche Bottom-Up24 pour le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt qui
part de constats locaux pour bâtir un programme de développement national
Un facteur extérieur relevant de la prise de conscience citoyenne et de la sensibilité aux
problématiques du développement durable fait aujourd’hui pencher la balance en faveur d’une
logique de protection de l’espace et déplace peu à peu les enjeux de la filière vers la non production.
L’« éco certification » constitue alors le point de convergence de ces points de vue même si là encore
la construction de dispositifs communs relève plus de l’affrontement que de la synergie (PEFC vs
FSC).
La filière regroupée au sein de France Bois Forêt25 a souhaité mobiliser des moyens financiers
dans la mise en place d’une contribution au financement d’opérations d’intérêt collectif et
notamment d’un programme de communication : la CVO pour Contribution Volontaire Obligatoire.
21
In : Décret N° 2012-228 du 16 Février 2012 relatif au fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologiques – Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable du Transports et du logement 22 In : Assemblée Nationale - Question N° 125149 – Intervention de Mr Alain Vidalies (député des Landes) – Publié au JO le 6 Mars 2012 page 2043. 23 Approche dite descendant, du haut vers le bas 24
Approche dite ascendante du bas vers le haut 25 Interprofession sous la forme d’une association loi 1901 crée en 2004 et regroupant les propriétaires et gestionnaires forestiers, les pépiniéristes, grainetiers et reboiseurs, ainsi que tous les professionnels de la première transformation
20
La CVO est payée par les professionnels du bois et par les propriétaires forestiers lors de la vente de
bois.
- Cette cotisation est volontaire, en ce sens qu'elle a été proposée par les organisations
professionnelles de la filière bois dans le cadre d'un accord interprofessionnel.
- Elle est obligatoire parce qu'elle donne lieu à un arrêté d'extension pris par le ministre de
l'Agriculture qui rend le paiement de cette cotisation obligatoire pour toutes les
entreprises de la filière et pour tous les propriétaires forestiers qui vendent à un exploitant
forestier, à une coopérative ou à tout autre acheteur de bois dès lors qu'il existe une
facturation.
La CVO est entrée en vigueur le 1er Septembre 2005 et ses moyens ont permis l’organisation
d’évènements importants pour la reconnaissance de la forêt et du rôle de la filière. Ainsi, on peut lire
dans le rapport moral de France Bois Forêt de 2011 que les priorités sont portées sur la
communication avec notamment la participation à l’évènement Nature Capital à Paris mais aussi à la
déclinaison de campagnes de communication vers des supports radios, web, télévisuel… Pour autant,
cette structure ne fait pas l’unanimité au sein de la filière et sa proximité avec les intérêts de grands
lobbys (pépiniéristes, coopératives…) tend à ternir l’image de ce regroupement. Malgré tout elle
constitue un début de structuration propre à porter un message fort auprès du grand public et des
décideurs sur l’importance de l’économie forestière en tant que filière d’avenir.
Mais alors, on peut s’interroger sur la légitimité des acteurs du débat en fonction du prisme
utilisé pour traiter un problème. C’est alors que, pour la première fois, le forestier pourrait être
dépossédé des questions forestières.
Ce qu’il faut retenir
- Deux ministères pour un même espace de travail. - Problème de chevauchement des politiques et de clarté du message porté par l’Etat. - Volonté des forestiers de se faire reconnaitre en tant que filière à part entière à travers
France Bois Forêt.
I.2.2 Des scénarios pour l’avenir
Si le forestier perd peu à peu sa place dans un débat autour de l’espace forestier et de ses
finalités, il convient de travailler alors sur une dimension plus prospective afin d’anticiper les
évolutions ou d’arrêter des décisions stratégiques lourdes.
A l’issue de la tempête de 1999, l’INRA et le CEMAGREF ont organisé la conduite d’une
expertise regroupant un nombre important de praticiens et de scientifiques afin de produire un
travail destiné à identifier l’aléa climatique tempête et les facteurs qui influent sur les forêts et les
arbres mais surtout à établir des recommandations sur l’importance de la reconstitution des forêts
dévastées.
21
Un volet de cette étude nous intéresse plus particulièrement, il s’agit du travail mené par Isabelle
Savini et Bernard Cristofini, tous deux chercheurs à l’INRA, sur la mise en évidence de scénarios
d’avenirs pour la forêt et l’industrie du bois mais surtout sur la liaison avec les territoires. En 2000
déjà, des questions structurantes avaient été dégagées par cet atelier de prospective dont une
présente un écho à la problématique développée dans ce rapport :
- Le bois restera-t-il la production principale de la forêt française ?
Pour répondre à cette question une grille de scénarios, reproduite ci-dessous, avait été établie :
Figure 1 - Grille des scénarios - Des scénarios pour d'avenir pour la forêt, l'industrie du bois et leurs liaisons au territoire -
Isabelle Savini et Bernard Cristofini – Dossier de l’environnement de l’INRA N°20 –Octobre 2000
Les scénarios qui figurent sur cette grille ont l’avantage de se positionner dans une réelle
dynamique et d’identifier des leviers d’actions « réalistes ». La contiguïté des différents modèles
22
proposés pose les bases d’une alternative où les conditions de passage d’un scénario à l’autre relève
de dimensions politiques et économiques plus seulement territoriales.
Cet étude s’inscrit également dans un cadre d’analyse plus global puisque l’option non bois a
été dégagée au regard de « plusieurs phénomènes de fond : la demande par une population en
majorité urbaine d'un accès d'usage au territoire rural ; l'artificialisation croissante de l'espace
agricole et le report de la demande d'espace naturel sur la forêt ; l'existence de craintes réelles
(fondées ou non) pour les équilibres globaux de la planète ».
Enfin l’option découpage/non découplage est encore aujourd’hui tout à fait d’actualité dans
les choix sur les outils de production et dans les stratégies d’investissements notamment dans la
perspective des critères du développement durable établie à Rio en 1992 et repris dans le chapitre IV
relatif au Dispositif institutionnel du développement durable Sous partie C Le pilier environnement
dans le contexte du développement durable 26 lors du Sommet Rio+20.
Ces propositions sous entendent également qu’il existe une valeur dans la non production
sans pour autant établir la détermination de cette valeur ou le levier qui permettrait de la mobiliser
et de l’orienter en forêt. Ainsi, peu à peu le débat glisse vers l’économie de la biodiversité et la
question du paiement pour service environnementaux.
Ce qu’il faut retenir
- Besoin d’un travail de prospective autour des types de production de la forêt. - Demande croissante d’une population à majorité urbaine d’un accès d’usage aux territoires
ruraux. - De l’économie forestière à l’économie de la biodiversité dans le cadre du développement
durable.
I.2.3 Internaliser les externalités environnementales
Derrière cette formule obscure, se cache en fait toute une réflexion autour de la dépendance
de nos sociétés contemporaines vis-à-vis du fonctionnement des écosystèmes. C’est en 1981 qu’on
parle pour la première fois de « services écosystémiques » (Erlich PR e Erlich AH) définies comme les
avantages que retirent les populations du fonctionnement des écosystèmes. Mais c’est entre 2001 et
2005 que le Millenium Ecosystem Assessment27 mettra en évidence que de nombreux écosystèmes
ont été dégradés alors même que la demande de leurs services est en augmentation. Pour illustrer ce
cas, nous pouvons prendre l’exemple de la Nouvelle Orléans qui fut ravagée par le cyclone Katrina en
2005. Les effets de la catastrophe ont été amplifiés notamment par l’intensité des atteintes à
26
In L’avenir que nous voulons, Relevé de conclusion Rio+20, Juin 2012, page 19 27 Travail d’expertise mené sous la houlette des Nations Unies ayant rassemblé plus de 1 300 contributions d’experts autour d’un état de santé des écosystèmes de la planète et de leur capacité à fournir un ensemble de services qui contribuent au bien-être des populations.
23
l’environnement local28 (édification d’un barrage bloquant l’arrivée de sédiments dans le delta et
contribuant à la disparition de 250 000 hectares de zone humide par an, rectification du cours du
Mississipi pour la desserte du port de la ville, plaine côtière quadrillée de canaux pour notamment le
passage de pipeline de gaz et de pétrole…). Le coût environnemental des ouvrages d’acheminements
du pétrole et du gaz n’est pas inclus dans le coût global du produit fini créant un vide alors même que
les responsabilités sont identifiées.
Ainsi, intégrer les externalités écologiques revient à identifier des services ; les externalités
(qui peuvent être positives –filtration de l’eau ou négatives – érosion des sols), et à intégrer leurs
coûts de conservation ou d’amélioration dans les activités et services propres à rendre négatives ces
externalités écologiques. Cette notion a été, d’une certaine façon, modélisée par Pigou en 1920 avec
la « taxe Pigouvienne » qui posait le problème de la « désadéquation » entre le coût privé et le coût
collectif. Ainsi, cette idée préfigure la notion « d’empreinte écologique » puisqu’elle établit qu’un
agent économique qui veut faire correspondre son calcul économique privé avec le coût social de son
activité doit alors intégrer l’usage et l’impact de son activité sur la ressource environnementale. Il
faut qu’il internalise les effets externes de son action.
En France, la volonté d’instauration d’une « taxe carbone » en 2009 devait s’appuyer en
partie sur cette notion en élargissant le principe du pollueur payeur à toute activité économique
influant sur l’environnement. Ainsi, la Contribution Climat Energie devait s’appliquer à toute activité
non régie par le système de quotas carbone du protocole de Kyoto, donc aux ménages et entreprises.
En 2010, le qualitatif de taxe carbone et un prix de 17€/tonne de carbone sont retenus par le
gouvernement Fillon. Mais, la même année, le Conseil constitutionnel jugera que « les régimes
d’exemption prévus sont manifestement incompatibles avec l’objectif général de réduction des
émissions de CO2 et avec le principe d’égalité devant les charges publiques »29. Ainsi, le principe
d’une taxe carbone gérée par un Etat est abandonné, pour un temps, frappé d’inconstitutionnalité.
Citons alors le Théorème de Coase (Ronald Coase, 1960) qui amène un éclairage nouveau sur
les travaux de Pigou et donc sur la notion de taxe : « en l’absence de coûts de transaction
(coordination des activités des firmes), il y a intérêt économique à ce qu’une négociation s’instaure
directement entre pollueurs et victimes jusqu’à ce que survienne une entente spontanée sur le
niveau de pollution acceptable. L’attribution des droits de propriété n’importe que dans la mesure
où elle est un préalable au démarrage de la négociation entre les deux parties concernées.».
Toutefois Coase précise que l’intérêt de l’ensemble des individus doit être pris en compte et pas
seulement celui des victimes des externalités. Cette affirmation met en évidence la possibilité
d’internaliser les externalités par le système de prix hors de toute intervention publique.
C’est alors que nous pouvons reprendre la notion de paiement pour service environnemental
(PSE) évoquée plus haut. Ce mécanisme relativement jeune vise à favoriser les externalités
environnementales positives. « Le principe fondamental du PSE est le suivant : les utilisateurs de
ressources et les collectivités qui sont en mesure de fournir des services écologiques doivent recevoir
28
in « Katrina et la Nouvelle Orléans : entre risque « naturel » et aménagement par l’absurde », François Mancebo, European Journal of Geography, article 353, 12 Octobre 2006. 29 In Égert, B. (2011), « Politiques environnementales de la France: Internaliser les externalités globales et locales », Éditions OCDE.
24
une compensation, et ceux qui bénéficient de ces services doivent les payer. Ainsi, ces avantages
sont internalisés. Il n’existe pas de définition généralement convenue des systèmes de PSE, mais
plutôt une série de classifications reposant sur le type de services environnementaux, la portée
géographique, la structure des marchés ou le type de paiement utilisé.[…] »30
Les marchés PSE constituent une structure particulièrement adaptable où une latitude de
construction assez large est possible. Retenons que les marchés PSE nécessitent une expertise
scientifique importante puisqu’une analyse fine des variables des écosystèmes permet de garantir le
sérieux et donc la fiabilité et la durabilité des sources de financement externes.
A ce stade, il est intéressant de lister quelques uns des marchés de PSE tels que les marchés
de services liés au bassin hydrographiques, les marchés des services de préservation de la
biodiversité, les marchés de services groupés (plusieurs services traités sur un même territoire) et les
marchés de la séquestration du carbone qui font l’objet du chapitre suivant. Une étude de 200231
concluait que seule la conservation d’au moins 70% de la forêt amazonienne permettrait de garantir
le maintien du régime pluvial du bassin de l’Amazone. Seulement et à ce jour, les mécanismes
existant pour protéger la biodiversité ne bénéficient pas encore de l’attrait financier que connait le
marché du carbone.
Ce qu’il faut retenir
- De nombreux écosystèmes ont été dégradés alors que la demande de leurs services est en augmentation.
- Problème de la « désadéquation » entre coût privé et coût collectif, la notion d’empreinte environnementale.
- La notion de paiement pour service environnemental (PSE) pour internaliser les externalités positives des écosystèmes.
I.3 Le carbone, un simple produit financier ?
Déjà évoqué dans les parties précédentes, la place du carbone dans le débat international
autour de l’évolution climatique est tout à fait prépondérante. Le rôle du dioxyde de carbone (CO2)
comme catalyseur principal de l’effet de serre a été démontré notamment par les travaux du GIEC32.
«[…] Les émissions mondiales de GES imputables aux activités humaines ont augmenté depuis
l’époque préindustrielle ; la hausse a été de 70 % entre 1970 et 2004. Les rejets annuels de dioxyde
de carbone (CO2) – le plus important gaz à effet de serre anthropique – ont progressé de 80 %
environ entre 1970 et 2004. […] En 2005, les concentrations atmosphériques de CO2 (379 ppm en
30 In « La paiement pour les services environnementaux : études et évaluation des systèmes actuels », Karel Mayrand et Marc Paquin, Unisfera International Centre, 2004 31 In Cloud and rain processes in biosphere-atmosphere interaction context in the Amazon region, Silva Dias et al. 2002, Journal of Geophysical Research. 32 Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été créé par l'OMM et le PNUE pour évaluer les informations scientifiques, techniques et socioéconomiques permettant de comprendre les changements climatiques, leurs impacts potentiels et les options en matière d'adaptation et d'atténuation.
25
2005 pour 280 ppm à la fin du 18ème siècle) ont largement excédé l’intervalle de variation naturelle
des 650 000 dernières années. La cause première de la hausse de la concentration de CO2 est
l’utilisation de combustibles fossiles ; le changement d’affectation des terres y contribue aussi, mais
dans une moindre mesure.[…]»33.
Même si des débats subsistent autour de l’intensité et de la rapidité du changement
climatique, il n’en reste pas moins que la relation entre concentration en CO2 dans l’atmosphère et
hausse des températures a été clairement établie. Aussi les Etats ont-ils souhaité réagir et s’engager
dans une voie propre à limiter les dégâts sur l’environnement qui, on l’aura compris dans le chapitre
précédent, impactent directement l’activité humaine.
I.3.1 La réaction des Etats : la CNUCC et le protocole de Kyoto
Le 15 Décembre 1993, l’Union Européenne ratifie la Convention Cadre des Nation Unies sur
les changements climatiques (CNUCC). Cette convention établit un certain nombre de principes clefs
pour la lutte internationale contre le changement climatique dont « la reconnaissance que le
système climatique est une ressource partagée dont la stabilité peut être affectée par les émissions
industrielles de CO2 […] »34.
C’est en 1995 que les Etats signataires de la CNUCC entament une réflexion sur l’élaboration
d’un protocole contenant des mesures de réduction des gaz à effet de serre pour la période
postérieure à l’an 2000 pour les pays industrialisés. Ce travail important aboutira à la création le 11
Décembre 1997 du protocole de Kyoto (du nom de la ville ou se tient l’adoption du protocole). Le
protocole s’attache à limiter les émissions de 6 gaz à effet de serre (GES) et en premier lieu le
dioxyde de carbone. Le protocole est constitué de deux annexes :
- l’annexe I qui liste les pays développés qui ont pris des engagements en terme de limitations et de réductions des émissions de GES. - l’annexe II qui précise les engagements de limitations et de réductions des émissions de GES pour chaque état signataire du protocole figurant à l’annexe I et pour une période d’engagement de 4 ans (2008- 2012).
Les pays contractants remettent ainsi chaque année au secrétariat de la CNUCC un inventaire
de leurs émissions de GES et devront, après 2012, restituer autant d’actifs carbone que leurs
émissions sur la période d’engagement. Pour ce faire, ils peuvent réduire les émissions sur leur
territoire, acheter des UQA (Unités de Quantités Attribués) à d’autres pays, ou investir dans des
projets réducteurs des émissions dans le cadre des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto.
Chaque Etat tient un registre de ces unités de carbone précisant leurs affectations et leurs usages.
Le protocole de Kyoto prévoit également des instruments dit de flexibilité pour réaliser les
engagements à un coût optimal. Ils constituent une série de moyens qui doivent permettre de
contribuer à la mise en place de politiques nationales de réductions des émissions (incitation au
33 In GIEC, 2007 : Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction de~)]. GIEC, Genève, Suisse, …, 103 pages. 34 http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/convention/items/3270.php
26
développement de sources d’énergies renouvelables, promotion d’une agriculture durable…) et de
dégager des vecteurs de coopération avec d’autres parties contractantes (permis d’émissions, mise
en œuvre conjointe -MOC35, mécanisme de développement propre-MDP36).
L’Union Européenne à travers son Système Communautaire d’Echange de Quotas
d’Emissions (SCEQE) a choisi de créer un outil visant à favoriser les échanges de quotas de CO2 entre
industries soumises aux quotas : L’EU ETS pour European Union Emission Trading Schemes.
Avec une valeur de transaction de 107 Md€ en 2011, il s’agit du premier marché carbone au
monde (86% du total mondial). Depuis 2005, ce système plafonne les émissions d’industries
fortement émettrices de GES (production électrique, cogénération, chauffage urbain, production de
métal, ciment et papiers) par une allocation annuelle attribuée par les Etats (au travers du Plan
National d’Allocation des Quotas - PNAQ), de quotas échangeables. Suivant leurs besoins, les
industries peuvent ainsi vendre ou acheter des quotas, c’est le mécanisme souvent désigné par
l’expression « droits à polluer ». Notons que l’EU ETS fonctionne comme une bourse où le produit
spéculatif est l’unité de carbone, ce qui, en temps de crise économique, implique une extrême
volatilité du cours du produit qui suit simplement le niveau de la production industrielle comme en
témoigne le tableau ci-dessous :
Figure 2 Evolution du prix de la tonne de carbone sur le marché européen EU ETS source : BlueNext/ECX
Dans son bulletin mensuel du marché du carbone d’Octobre 2011, la Caisse des Dépôts
constatait que les prix du quota européen tendaient à être quasi-systématiquement sous évalués
depuis la fin de l’année 2009 (-30% de leur valeur en 2010, 7€/t de CO2 début 2009). Selon les
35 Mise en oeuvre conjointe (MOC) : instaurée par l’article 6 du Protocole, la MOC promeut des projets de réduction d’émissions dans les pays développés (de l’Annexe B) financés par un autre pays développé (de l’Annexe B). Le développeur de projet obtient un crédit URE (ERU en anglais pour Emissions Reduction Unit)
pour chaque tonne d’équivalent- CO2. 36 Mécanisme pour un développement propre (MDP) : instauré par l’article 12 du protocole de Kyoto, le MDP vise à réaliser des projets de réduction d’émissions dans des pays en développement (hors Annexe B). Le développeur de projet obtient un crédit URCE (CER en anglais pour Certified Emissions Reduction) pour chaque tonne d’équivalent dioxyde de carbone.
27
analystes l’une des raisons est que les secteurs non énergétiques ont été particulièrement touchés
par le ralentissement de l’activité économique, augmentant l’offre de quotas à demande égale et
conduisant à un déséquilibre de conformité proche de celui observé en début de phase I (avant Mars
2008).
Toutefois, la crise économique n’explique pas tout et les raisons de cette sous-évaluation
semblent plus profondes. Ainsi, les épisodes frauduleux enregistrés au début de l’année 2010 (fraude
à la TVA évoquée en introduction) ont considérablement amplifié le manque de confiance des
acteurs dans le marché. Par ailleurs, l’équilibre offre-demande réel du marché est rendu encore plus
difficile à anticiper du fait de l’utilisation potentielle de crédits Kyoto (issu des outils de flexibilité cité
plus haut MDP, MOC), qui contribue à une augmentation de l’offre d’actifs carbone. Enfin, la
renégociation des quotas à partir de 2013 pour passer à un régime d’enchère majoritaire (diminution
des quotas alloués gratuitement par les états dans le cadre du PNAQ) ajoutent une inconnue dans
une équation qui devient plus complexe.
Les sommes générées par le marché des quotas sont utilisées pour l’investissement dans des
projets réducteurs d’émissions. On trouve pour la majorité de ces projets des investissements pour
limiter les émissions de GES sur des procédés de production d’énergie et de matières premières, les
projets liés à la forêt restent peu utilisés dans le cadre du marché réglementaire du CO2 malgré sa
contribution importante à l’absorption du dioxyde de carbone.
Ce qu’il faut retenir
- Le protocole de Kyoto établit les règles de la comptabilité « carbone » internationale. - L’Union Européenne s’est doté d’un grand marché du carbone à travers son EU ETS visant à
plafonner les rejets de GES d’industries classées comme polluantes. - On constate une extrême volatilité du cours ainsi qu’une forte sous-évaluation de l’unité
carbone du fait de phénomènes de concurrence entre types de crédits carbone.
I.3.2 La place de la forêt
Les forêts sont, après les océans, les plus importants puits de carbone. Elles compensent 19%
des émissions anthropiques annuelles de GES. Ce puits de carbone est assez bien réparti entre zones
tropicales et zones boréales et tempérées. Cependant, la déforestation et le drainage des forêts
marécageuses placent les forêts au cinquième rang des secteurs émetteurs de GES avec 11% des
émissions mondiales37.
Pour évaluer la quantité de carbone par surface de forêt, on utilise trois paramètres :
- Les compartiments (5 au total : biomasse aérienne, biomasse racinaire, litière, bois mort et
carbone des sols)
- les conditions locales (climat, sol…)
- le type de gestion (forêt primaire, courte rotation…)
37 In : Emissions from forest loss, Van der Werf et Al, 2009, Nature Geoscience vol.2.pp 737-738
28
Le projet Carbofor (2004) concluait à un stock moyen par hectare de 550T CO2/ha (en prenant la
biomasse + le sol) sur le territoire français. Si le marché EU ETS permet de valoriser les bénéfices
carbone liés à la substitution de combustibles de matériaux par du bois, il exclut l’utilisation de
crédits générés par des projets carbone forestiers. Pourtant, l’influence de la forêt en matière de
lutte contre l’effet de serre est maintenant bien connue et relève de 4 fonctions :
Figure 3 Le cycle vertueux Source Le Carbone édité par France Bois Forêt en 2012
Ces 4 fonctions relève des 3 S pour
29
Ainsi, deux leviers peuvent être mobilisés pour accentuer l’effet positif des forêts :
- augmenter le stock de carbone en forêt (amélioration de la gestion forestière) ou dans les
produits (travail sur la durée de vie du bois d’œuvre notamment)
- substituer par le bois des matériaux ou combustibles émetteurs (dans les limites de
l’exemple développé sur le bois énergie)
Le levier qui nous intéresse plus particulièrement est celui de l’amélioration de la gestion
forestière qui consiste à maintenir la forêt dans une dynamique de production et dans un état de
maintien de la fonction de « pompe à carbone » soutenu par la croissance des arbres. Il est établi
qu’une forêt arrivée au stade « d’équilibre » (cas des forêts tropicales) émet autant de carbone
qu’elle en absorbe. Il convient donc de valoriser le travail du forestier qui consiste à tirer parti de la
dynamique de croissance des arbres pour les orienter vers des productions susceptibles de répondre
aux besoins locaux (construction, énergie…) de manière durable. Les pays industrialisés peuvent
inclure dans le champ d’application du protocole de Kyoto article 3.4 l’activité « gestion forestière ».
Si le bilan net des flux de GES sur les forêts gérées correspond à une absorption nette, le pays
concerné peut alors disposer de l’équivalent en crédits carbone, de tonnes de CO2 fixées, à
concurrence d’un plafond qui, pour la France, a été fixé à 3,2 Mteq CO2 par an.
Toutefois, si le marché EU ETS interdit l’usage de crédits carbone issus de projets forestiers
(boisement/reboisement, amélioration de la gestion), il n’en reste pas moins que deux autres
possibilités s’offrent à la filière :
- Les marchés de la compensation volontaires où des agents économiques non soumis au
marché réglementaire souhaitent compenser leurs émissions de GES (50 fois inférieur au
marché réglementaire).
- Les mécanismes de projets du protocole de Kyoto (MDP, MOC).
Seulement et quel que soit le marché où le mécanisme utilisé, le projet devra répondre à trois
critères pour être certifiable et commercialisable :
- L’additionnalité : montrer que sans crédit carbone le projet n’aurait pas vu le jour du fait de
barrières financières, culturelles ou technologiques.
- La permanence : le carbone stocké dans une forêt ne l’est pas indéfiniment (risque naturel
notamment), il faut alors apporter des garanties en terme de durée et/ou d’assurance risque.
- Le non double compte : c’est la traçabilité du crédit valorisé, il faut démontrer que l’unité de
carbone générée n’est pas déjà comptabilisée notamment dans les réductions d’émissions
nationales.
Enfin, une méthodologie décrivant les méthodes de calculs des émissions/séquestrations du
projet par rapport à un scenario de référence doit être validée par une norme de certification. Cette
méthodologie doit être accompagnée d’un outil de monitoring (cahier des charges et tableau
d’indicateurs) qui, périodiquement, viendra vérifier la tenue des objectifs préalablement négociés. Le
problème majeur de la forêt est que les crédits sont générés à termes, à la différence d’un
investissement dans un filtre ou dans une chaudière bois énergie. Peut-on vendre des unités de
30
compensation carbone potentiellement généré ? Qui prend en charge la mise en place de la
méthodologie et le travail de monitoring ? Ces questions soulevées en France notamment par les
travaux du Club Carbone forêt Bois trouvent aujourd’hui un début de réponse dans la formulation
d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone par la filière. Il n’en reste pas moins que la valorisation de
la contribution des forêts par les marchés du carbone relève d’un cheminement compliqué où se
côtoient une diversité d’outils et une multiplicité de contraintes réglementaires.
Pour approfondir le sujet, je recommande la consultation du site de la caisse des dépôts et
consignation concernant les marchés du carbone : http://www.cdcclimat.com/Les-marches-du-
carbone.html.
Ce qu’il faut retenir
- Les forêts stockent 19% des émissions anthropiques annuelles mondiale de GES. - Le rôle de la forêt relève des 3 S pour séquestration, substitution, stockage. - Pour être commercialisable un crédit carbone doit satisfaire les critères d’additionalité, de
permanence et de non double compte établit par le protocole de Kyoto.
I.3.3 Des propositions concrètes pour 2013 : le Fonds Forestier Stratégique Carbone
Le 10 Juillet 2012, la filière Forêt Bois a présenté son projet forêt bois pour la France. Les
associations France Bois Forêt et France Bois Industries Entreprise ont conjointement travaillé un
ensemble de propositions visant à développer « une filière forêt bois à haut potentiel écologique,
économique et social »38. Les propositions formulées vont de la création d’emplois non
délocalisables, en passant par le maintien de la biodiversité et des services écosystémiques, le
respect des engagements biomasse énergie du paquet Energie Climat ou encore l’adaptation des
forêts au changement climatique. L’ensemble des mesures de ce projet s’appuie, pour leur
financement, sur la création d’un Fonds Forestier Stratégique Carbone.
En effet, une proposition de directive européenne39 prévoit l’évolution du système
d’allocations des quotas carbone. La Commission propose aujourd’hui d’ériger la mise aux enchères
au rang de principe de base pour l’allocation des quotas au nom de la nécessaire harmonisation des
règles d’allocation, de l’indispensable transparence dont le marché a besoin pour bien fonctionner,
et de l’efficience économique en vue d’éviter les effets non désirés de redistribution. L’ensemble des
États membres sont d’accord pour entériner le principe, sous réserve de trouver un compromis
acceptable pour l’allocation gratuite des secteurs exposés à la concurrence internationale.
Selon une étude du centre d'analyse stratégique40, les enchères de quotas pourraient, pour la
France, rapporter 20 milliards d'euros en 2020 dans l'hypothèse d'un prix du permis de 20 euros par
tonne de CO2. Les Etats auront l'obligation de consacrer au moins 50 % des recettes tirées de la mise
aux enchères des quotas à des actions tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La
38
In Le projet forêt bois pour la France, FBF FBIE, plaquette de présentation, Juillet 2012, 39 In Directive 2009/29/CE modifiant la directive 2003/87/CE 40
In Note d'analyse n° 252 de novembre 2011 du centre d'analyse stratégique relative aux financements innovants au service du climat
31
filière Forêt Bois revendique 25% de cette somme pour conduire son projet soit 250 Millions d’€ par
an en s’appuyant sur le fait que la forêt contribue déjà à l’heure actuelle à l’atteinte de cet objectif et
qu’elle est le seul grand puits de carbone national identifié pour la comptabilité Kyoto.
De plus, l’Union Européenne a proposé en Avril 2011 un modèle de taxe carbone harmonisée
(reprenant des travaux de 1992) pour éviter les distorsions entre les régimes de taxe carbone qui
pourraient être mis en place dans les différents états membres. Ainsi, la Contribution Climat Energie
française imaginée notamment par les travaux de 2009 de la conférence des experts sur la
contribution climat énergie présidée par Michel Rocard reviennent sur le devant de la scène. Cette
taxe viendrait compléter le marché EU ETS en élargissant le champ d’une contribution économique à
la lutte contre le réchauffement climatique aux ménages et aux entreprises. Il va sans dire que dans
la période de turbulence économique que l’Europe traverse, ce genre de débat n’a plus forcément sa
place. De plus, faire cohabiter un mécanisme de tarification par le marché (théorème de Coase) et un
mécanisme de tarification par l’impôt (taxe Pigou) nécessite « la convergence de règles européennes
régissant le marché avec les règles nationales41 ».
Les travaux du centre d’analyse stratégique évoquent que « la mise en place d’une taxe
carbone au niveau mondial permettrait de lever près de 30 Mds$ en 2020[…] ». On voit alors tout
l’enjeu pour les opérateurs de terrain à mettre leurs actions en phase avec ce discours global où les
services écosystémiques trouvent une valorisation économique à travers le marché du carbone,
étalon de valeurs du bien commun.
Ce qu’il faut retenir
- En Juillet 2012, la filière forêt bois a présenté son projet Forêt Bois pour la France. - L’Union Européenne a modifié le système d’allocation des crédits carbone pour passer sous
un régime d’enchères systématiques. - La filière Forêt Bois réclame 25% des sommes récoltées par l’Etat français pour alimenter un
Fonds Forestiers Stratégique Carbone.
41
In Prix du quota de C0² et taxe carbone : les choix économiques après la censure du Conseil Constitutionnel, Christian de Perthuis, Les cahiers du PREC, N°2 Février 2010.
32
Conclusion : Le réveil de la forêt pour bientôt ?
Cette première partie avait pour objectif de « planter le décor » en replaçant la filière forêt
bois dans ses enjeux actuels propres. Malgré un intérêt confirmé par la multiplication des rapports
gouvernementaux, la forêt n’a pas su capter les moyens financiers nécessaires à son évolution. Ainsi,
au fil des années, les problèmes de nature structurelle amplifient les phénomènes conjoncturels
entrainant l’ensemble de la filière dans une véritable « spirale infernale ». De plus, le télescopage
des problématiques environnementales et économiques accentuées par l’émergence d’un nouveau
rapport social à l’espace créent peu à peu une défiance vis-à-vis du monde forestier qui, du fait de la
multiplicité de ses structures de représentations, s’avère tétanisé dès lors qu’il s’agit de porter un
discours transversal de filière. Si la mise en place de la Contribution Volontaire Obligatoire par la
filière bois à travers France Bois Forêt devait pallier le manque de reconnaissance de la filière, elle
commence tout juste à intégrer les enjeux plus larges autour de l’espace forestier dans ses travaux.
La réflexion autour des services environnementaux et de leur valorisation est, on l’a vu, assez
jeune. Pour autant, la sensibilité de la société aux problématiques climatiques et écologiques se
renforce, malheureusement, au fil des catastrophes naturelles et phénomènes climatiques
extraordinaires. Plus que jamais, la perception de la place de l’homme dans un équilibre planétaire
global apparait comme prépondérante. La forêt tient là les clefs de son avenir, c’est paradoxalement
pour ses fonctions de non production (au sens forestier du terme) qu’elle peut aujourd’hui faire
reconnaitre sa valeur.
Si les marchés du carbone permettent aujourd’hui cette valorisation, il convient de se poser
la question de leur efficience. Comme on l’a montré, la construction « in vitro » d’un système
européen ne permet pas de prendre en compte l’apport des forêts dans le traitement de la
problématique climatique. Encore un paradoxe puisque c’est cette capacité à fixer du CO2 qui
détermine pour la majeure partie l’allocation nationale de crédit carbone pour chaque pays
européen.
Il est donc urgent pour les forestiers de proposer un modèle qui viendra anticiper l’inévitable
évolution des règles européennes et internationales. Il parait curieux qu’un massif forestier comme
le massif français issue d’une tradition séculière de sylviculture ne puisse valoriser sa valeur ajoutée
sur les plans économiques, sociaux et environnementaux. Toutefois, il convient de rester vigilant car
dans ce débat les intérêts sont nombreux et les dérapages lourds de conséquences. C’est bien la
crédibilité du monde forestier qui se joue sur ces questions, d’autant que la majorité des opérations
de compensation carbone international sont aujourd’hui portées par des acteurs du monde de la
protection de l’environnement.
La partie suivante illustre au travers de l’exemple du Bas Dauphiné une possibilité de mise en
œuvre d’un projet forestier de compensation carbone sur le territoire national. Bien que ne
répondant pas à tous les critères des normes réglementaires internationales, ce projet a le mérite
d’identifier les freins mais surtout le cadre et les opportunités de développement pour la forêt
privée française de ce type de projet.
33
Forêt de Bonnevaux
Massif de la Bièvre
Drôme des Collines
Forêt de Chambaran
Figure 4 - Le Bas Dauphiné - L Casset
Massif de Chambaran
Drôme des Collines
Massif des Bonnevaux
Massif de la Bièvre
St Jean de Bournay
La Cote St André
St Etienne de St Geoirs
Roybon Vinay
St Marcellin
St Donat sur Herbasse
Hauterives
Massif de Chambaran
Drôme des Collines
Massif des Bonnevaux
Massif de la Bièvre
Le Bas Dauphiné
34
II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas
Dauphiné
Comme on l’a vu précédemment, la multitude des contraintes qui pèsent sur la forêt privée
implique la recherche de nouvelles solutions. Au-delà du morcellement du parcellaire et des
difficultés de l’exploitation forestière, c’est toute la problématique de la transmission du patrimoine
entre générations de propriétaires forestiers qui se pose, ou comment passer d’un état de
propriétaire à celui de sylviculteur42.
Une réponse originale à cette question a été formulée en Bas Dauphiné en 2009. On le verra
tout au long de cette partie, la mise en place de cette structure a constitué un préalable
incontournable pour la possibilité d’un travail sur la valorisation des services écosystémiques de
l’espace forestier.
II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole
La région forestière du Bas Dauphiné (au sens de l’IFN43) située sur les départements de
l’Isère et de la Drôme s’étend dans un triangle dont Bourgoin Jallieu au Nord, Romans sur Isère au
Sud et Voiron à l’Est constituent les angles. Bordée par les vallées du Rhône et de l’Isère, elle offre un
paysage de collines avec la présence d’une agriculture céréalière dans les vallées et de forêts sur les
reliefs (carte ci-contre – figure 4).
Cette zone plutôt rurale de 230 km² abrite 50 000 habitants principalement répartis dans les
villes de Saint Jean de Bournay, La Cote Saint André, St Etienne de Saint Geoirs, Hauterives, Saint
Donat sur l’Herbasse. La forêt occupe 30% du territoire (moyenne nationale à 25%) et est constituée
de peuplements forestiers feuillus traitées majoritairement en taillis simple44.
Figure 5 – Photo Le Bas Dauphiné, une forêt feuillus de plaines et collines - Source GAL Leader+ Chambaran
42
Qui met en œuvre la sylviculture 43 Institut Forestier National fusionné avec l’IGN en 2012 44
Peuplement ne comportant que des arbres issus de drageons ou de rejets auquel est appliqué le régime du taillis.
35
Cette forêt est répartie en trois grands massifs forestiers à savoir les Bonnevaux autour de
Saint Jean de Bournay, les Chambaran près de Saint Etienne de Saint Geoirs et la Drôme des Collines
dont Saint Donat sur Herbasse constitue le centre. Ces trois massifs, s’ils sont très proches en matière
de peuplements forestiers, n’ont cependant pas les mêmes histoires. Ainsi la forêt de Bonnevaux fut
pendant plus d’un siècle la propriété d’une Abbaye (l’Abbaye de Bonnevaux fondé en 1117 détruite
en 1789) qui travailla à l’aménagement de nombreux étangs (plus d’une centaine) profitant de la
nature argileuse du sol. Chambaran fut pour sa part une réserve de bois stratégique pour l’industrie
locale et notamment à l’époque des Hauts Fourneaux et de la Canonnerie de Saint Gervais (1679). La
forêt de la Drôme des Collines pour sa part, fut de longue date parcourue par les troupeaux de
chèvres dont les fromages constituaient un revenu complémentaire pour les fermes locales.
Ces différents usages n’ont pas vraiment permis l’émergence d’une culture forestière locale,
et la nature généreuse des peuplements forestiers (taillis de châtaigniers pour l’essentiel) n’a pas
encouragé un travail sur les potentialités locales en termes de diversification des productions. La
pratique de la coupe rase à intervalle régulier (tous les 15 à 30 ans) reste la principale norme de
gestion forestière.
Ce qu’il faut retenir
- Le Bas Dauphiné est une zone de plaines et collines au pied du Vercors, longé par les vallées du Rhône et de l’Isère.
- 30% de son territoire est constitué de forêts. - La culture de la coupe rase à intervalle régulier fait partie de l’histoire locale.
II.1.1 Paradoxalement une économie forestière très dynamique
Avec plus de 12 scieries sur la zone, l’activité forestière reste cependant très dynamique. Ces
structures emploient au total près d’une centaine de personnes et mobilisent chaque année environ
50 000 tonnes de bois sur le massif. Cette activité participe au maintien d’exploitants forestiers, de
bûcherons, et de débardeurs et constituent aussi une activité complémentaire pour de nombreux
agriculteurs dans les mois d’hiver45.
Le piquet de châtaignier est la spécialité locale et représente 30% du volume des bois
transformés (60% en bois énergie – bûche et plaquette forestière). Cette activité est assez stable et
génère un volume de travail essentiellement tourné vers l’export (Europe du Nord – Belgique,
Allemagne, Danemark…). Le prix du piquet est assez homogène sur le massif et s’établit avec de
légère variations à 45€/tonne bord de route. Le bois de chauffage, pour sa part et compte tenu de la
position géographique du massif, reste le plus gros des volumes exploités. Les professionnels du bois
de chauffage commercialisent surtout des lots feuillus mélangés car le châtaignier pur subit une
image assez négative du fait de la présence de tanin dans son bois. Ainsi, on trie les bois durs
(chênes, charmes, châtaigniers, hêtres, robiniers faux acacia) des bois tendres (trembles, bouleaux,
aulnes glutineux) pour constituer des lots mélangés qui se vendent autour de 55€/tonne ou des lots
bois durs (en limitant le châtaignier à 10% du volume) qui se vendent 100€/tonne. Le bois d’œuvre,
45 In : Charte Forestière de Territoire des Chambaran – Rapport diagnostic – Mai 2007
36
même si il est recherché, est beaucoup plus limité en termes de mobilisation. Pourtant, avec des prix
allant jusqu’à 200€/m3 (vente ONF 2012 de Charmes sur Herbasse – Drôme des Collines) les grumes
de châtaigniers sont très recherchées notamment pour la réhabilitation de bâtiments historiques
(parquets et charpentes). Mais on constate là tout l’impact de l’absence de gestion sylvicole car si on
produit un piquet de châtaignier en 15 à 20 ans il en faut 30 à 40 pour faire une grume, la tradition
de la coupe rase impacte donc fortement la rentabilité des forêts et le marché du bois.
Les ventes de bois se font la plupart du temps « à la bloc » et sur pieds46. Les coupes de taillis
de châtaigniers sont achetées suivant un prix/hectare qui varie pour l’essentiel suivant l’âge du
peuplement, la conformation de ses tiges, l’exposition de la parcelle et son accessibilité. En 2009, le
prix moyen constaté sur la zone des Chambaran était de 1600€/ha pour une parcelle de châtaigniers
de 20 ans, avec des lattes de 16 mètres, exposée Nord et située à moins de 100 mètres d’une place
de dépôt47.
L’émergence récente de la demande en plaquettes forestières (bois déchiqueté) est venue
perturber cet équilibre local avec des méthodes d’exploitations des forêts beaucoup plus
« industrielles»48. Ce phénomène qui a peu à peu pris de l’ampleur depuis 2010 est aujourd’hui
particulièrement préoccupant et a suscité une réaction de la part des représentants des propriétaires
forestiers locaux (voir « Inquiétudes autour du bois énergie en Drôme Isère » annexe 4). On le voit
encore ici, c’est ce manque de culture forestière qui conduit aujourd’hui à cet excès et est en train de
bouleverser l’équilibre de la valeur ajoutée locale des bois dans le tri des produits.
Les seuls freins à cette exploitation galopante sont le morcellement de la propriété forestière
et le manque de places de dépôt susceptibles de recevoir le matériel lourd utilisé (camion à fond
mouvant, broyeur, porteur, abatteuse), deux éléments qui, jusqu’alors, étaient pointés du doigt
comme un obstacle à la bonne gestion forestière.
Ce qu’il faut retenir
- 12 scieries en Bas Dauphiné qui commercialisent environ 50 000 tonnes de bois. - Le piquet de châtaignier, un produit de niche assez stable qui se vend essentiellement à
l’export. - Tensions sur les marchés du bois énergie qui crée une concurrence très vive entre produits
forestiers.
46 Le prix est fixé pour le peuplement dans son ensemble avant exploitation. 47
In : Opération de restructuration foncière forestière – Massif de la Bièvre– Conseil Général de l’Isère/CRPF Rhône Alpes/SAFER /Chambre d’Agriculture – 2007/2010. 48
In « la récolte non contrôlée de bois énergie met en péril l’avenir de nos forêts des plaines et collines », courrier des associations de propriétaires forestiers ABC/ADCF/APUB/VALFOR, Avril 2011 annexe 6
37
II.1.2 Et classiquement une propriété forestière très morcelée
88% des forêts du Bas Dauphiné sont privées49. Il existe cependant une grande forêt
domaniale sur la commune de Roybon et des forêts communales assez importantes sur les
communes de Lieudieu, Chatonnay, Montrigaud, Saint Pierre de Bressieux et Moras-en-Valloire. Avec
plus de 75% de la surface forestière privée de moins de 1 hectare, le Bas Dauphiné correspond à la
moyenne constatée en Rhône Alpes (70%).
Les deux facteurs historiques qui sont à l’origine de ce morcellement sont les lointaines
dispositions du code Napoléon d’une part et la conformation des anciennes exploitations agricoles.
Le code Napoléon prévoyait lors des partages et successions la règle des parts équitables. Ainsi, les
forêts étaient divisées en parts égales entre chaque enfant, ce qui, au regard de la structure de la
cellule familiale de l’époque, représentait alors un nombre important de divisions. Ensuite, le
caractère poly-cultural des exploitations agricoles jusqu’au siècle dernier spécialisait les tènements
fonciers (le carré de pomme de terre, le carré de bois…) qui participait directement à la survie de la
famille. Le caractère quasi autarcique de ces exploitations conduisait notamment lors de
remembrement à l’attribution de lots destiné à répondre à ces besoins.
Pour en revenir à la structure foncière actuelle de la forêt, il faut distinguer deux formes de
morcellement : le morcellement parcellaire et le morcellement des comptes de propriétés. Une
étude menée en 2011 sur des communes de la Drôme des Collines50 a permis de constater que 68%
de propriétaires possédaient plus d’une parcelle pour une surface totale de 0,8 ha en moyenne, et
que la surface moyenne parcellaire était de 0,27 ha. Ces micro- parcelles provoquent un désintérêt
de la part de leurs propriétaires qui bien souvent ne savent même pas les situer sur le terrain et
encore moins les délimiter. Egalement, ce désintérêt s’illustre lors des successions avec l’oubli
volontaire et consenti des parcelles forestières dans les actes notariés. Ainsi, on ignore l’identité de 8
à 16% des propriétaires forestiers suivant les communes, créant les parcelles dites « biens vacants et
sans maîtres » qui pourraient devenir propriété de la commune après une procédure équivalente à
celle de la réattribution des concessions de cimetière. Cette initiative est assez rare d’autant qu’elle
porte sur des parcelles de taille tout à fait infimes. Enfin, dans le cadre du travail en Drôme des
Collines, on a constaté que 58% des propriétaires habitent à plus de 10 kilomètres de leurs parcelles
de forêt. Il s’agit là d’un élément majeur dans la perception du patrimoine forestier qui devient un
bien un peu flou, vestige de racines familiales sur une commune.
On relève également la présence de nombreuses parcelles en indivision ou en BND51 qui
ajoute au problème de l’identification des propriétaires. Ainsi, lors de l’opération foncière en Drôme
des Collines, on a identifié jusqu’à 12% de parcelles en indivision ou BND. Le paroxysme du
phénomène ayant été atteint sur une parcelle de 0,3 hectares, indivise entre 18 propriétaires.
Pourtant, il existe un attachement à la propriété forestière hérité des parents voir des grands
parents. Les forêts sont fréquemment « sacralisées », plus que les habitations dans certains cas,
parce qu’elle rappelle des souvenirs forts de moments partagés lors de la cueillette de champignons,
49
In : Données du cadastre 2009 50 In : Opération foncière canton de St Vallier– Conseil Général de la Drôme/CRPF Rhône Alpes - 2011 51
Bien Non Délimité : plusieurs propriétaires pour une même parcelle avec des surfaces attribués sur celle-ci sans qu’elles soient définies sur le terrain.
38
à la chasse ou à la coupe. On constate, lors des opérations foncières, qu’un temps de réflexion, ainsi
qu’une visite des parcelles est souvent nécessaire avant une prise de décision même si le propriétaire
ignore où elle se situe et ce qu’il y a dessus. Dans un second temps, la définition d’un prix de vente et
la possibilité de la constructibilité de la parcelle allonge le temps de décision. Le fait que l’impôt
foncier ne soit pas recouvré sur ces petites parcelles (seuil de recouvrement sur la zone établi à 12€
soit 15 hectares de taillis) ajoute à l’indécision du propriétaire qui se dit bien souvent que si son bien
ne lui rapporte rien , au moins il ne lui coûte rien (à la différence de l’habitation précédemment
citée). Enfin, la question qui revient le plus fréquemment, inhérente à l’absence de culture forestière
est : « qu’est-ce que je peux en faire ? ». Compte tenu des surfaces évoquées, la réponse à cette
question est souvent délicate et encore plus lorsque la parcelle est enclavée au milieu d’autres
parcelles ou inaccessible du fait soit de l’absence de desserte soit de l’état de la desserte.
Une disposition récente issue de la loi de modernisation de l’agriculture de 2011 tend à
apporter une solution à ce vaste problème. Le « droit de préférence »52 impose lors de la vente
d’une propriété forestière de moins de 4 hectares à un acquéreur non contiguë la diffusion des
conditions de la vente aux propriétaires voisins qui peuvent alors exercer ce droit en achetant la
parcelle. Le but étant d’agrandir peu à peu les surfaces moyennes des parcelles. Mais le montant des
frais d’actes notariés (1000€ en moyenne) et la lourdeur de la procédure (lettre avec accusé de
réception et délai à respecter) parasite la mise en œuvre du dispositif. En effet, dans la majeure
partie des cas, les frais d’actes constituent jusqu’à 70% du montant total de la vente pour des
parcelles de moins d’un hectare et il faut souvent plus d’un an pour disposer de l’acte définitif. Les
conseils généraux de l’Isère et de la Drôme ont mis en place une aide à l’acquisition de parcelles
contiguës pour aider à la mise en œuvre du dispositif mais la grande inertie du système donne des
résultats souvent mitigés.
Une des pistes de dynamisation réclamée de longue date par le monde de la gestion
forestière est le recouvrement de l’impôt foncier dès le premier mètre carré avec une base unique (à
12€ par exemple) pour toutes les propriétés forestières de moins de 1 hectare. Cette mesure
nécessiterait la mise à jour des bases cadastrales ce qui après 30 ans d’abandon constitue une
gageure et, il va sans dire qu’avec 1,5 millions de propriétaires forestiers, politiquement, la
manœuvre est risquée.
Ce qu’il faut retenir
- 88% des forêts du Bas Dauphiné sont privée. - 75% des parcelles forestières en propriété privée font moins de 1 hectare. - Grande inertie du marché des forêts pour les surfaces de moins de 5 hectares.
52 In : Code forestier – Partie Législative – Livre V – Titre 1 - Article L 514
39
II.1.3 La desserte en forêt : une partie de la solution
La desserte en forêt n’est pas techniquement compliquée en Bas Dauphiné, le relief assez
doux et la nature des sols (argile à galets) ne requiert pas forcément les méthodes employées en
montagne. Le coût reste assez maitrisé entre 2 000 et 5 000€/km quand on se situe plus près des 20
000 à 50 000€/km en montagne. En revanche, le positionnement, la conformation de l’ouvrage et
son statut juridique demandent réflexion.
On ouvre des routes et pistes forestières d’abord pour relancer l’exploitation sur des entités
homogènes. A ce titre, le Bas Dauphiné ne manque pas de voies d’accès en forêt. Seulement, la taille
et les méthodes d’exploitation ont beaucoup évolués. Quand auparavant, le tracteur agricole
renforcé (12 t hors charges) était l’outil de travail le plus utilisé, c’est aujourd’hui le camion grumier
(30t hors charges) qui doit s’approcher au plus près des parcelles pour éviter au maximum les
reprises de charges. Cette évolution fait que de nombreuses voies d’accès sont devenues obsolètes
du fait de leur faible largeur ou de la nature de la voirie (terrain naturel/ routes empierrées).
Ainsi, le principal problème en Bas Dauphiné ne réside pas dans la densité de voirie mais
dans son état, 80% des travaux de dessertes relèvent aujourd’hui de remises en état de voies
existantes. Ce problème est amplifié par le travail des forestiers en toutes saisons et par tous les
temps qui conduit à la création d’ornières et de points d’eau que les argiles tassés n’évacuent plus.
Vient ensuite le problème des loisirs motorisés qui sont à la recherche de ce genre de situation pour
faire usage des capacités de leur machine. Il s’agit alors d’une accumulation de facteurs qui
conduisent peu à peu à l’abandon de ces voies ou à la déviation par les parcelles voisines de l’axe de
la voirie pour contourner ces points noirs. On arrive alors dans des situations invraisemblables où
chaque exploitation utilise une voie différente parallèle à l’axe originel. Le statut juridique de ces
voies étant souvent à l’entrée chemin rural ou communal (de la responsabilité de la commune) puis
chemin d’exploitation (de la responsabilité des propriétaires desservies par l’axe) les entretiens
nécessaires à la conservation et à la remise en état des ouvrages ne sont jamais faits. Dans certains
cas, les déviations et contournements conduisent à la disparition de parcelles qui deviennent alors
des nœuds de circulation puis de vaste marais traversés d’ornières verrouillant l’accès au massif. Cet
état de fait conduit inévitablement à une surenchère au niveau des méthodes et moyens
d’exploitation. L’ouvrage étant détérioré mais desservant un beau massif, les exploitants forestiers
vont utiliser des engins propre à franchir l’obstacle et vont essayer de récolter le maximum de bois
pendant que la voie est « utilisable ». Puis, 15 à 20 ans après, lorsque la forêt a repoussé, c’est la
nouvelle génération d’exploitants forestiers qui se plaint du non entretien et qui demande la remise
en état de la voirie pour aller exploiter les forêts.
On comprendra qu’avec la tension sur les marchés du bois énergie, de plus en plus de
réserve sont émises sur la réalisation d’ouvrage d’art et notamment sur leur conformation. On hésite
aujourd’hui à rendre accessible les cœurs de massif à des camions qui pourraient être suivis de
broyeurs. De plus, la surenchère en matière de dimension et de poids des engins forestiers
nécessitent des aménagements lourds et donc coûteux : route empierrées, place de dépôt
stabilisées, place de retournement et niche de croisement. Plus ces engins vont pouvoir circuler
facilement, plus les coûts d’exploitation vont être diminués, plus on va chercher à exploiter le plus de
bois possible quitte à payer au prix fort. C’est donc un vrai dilemme auquel le forestier doit faire face
40
aujourd’hui qui nécessite plus que jamais une réflexion sur la finalité sylvicole des parcelles
desservies au-delà de leur simple exploitation.
Ainsi, sur un massif, d’un commun accord avec les maires, les opérateurs de la gestion
forestière cherchent à asseoir des ouvrages d’arts stratégiques pour la desserte des massifs. On
procède à une implantation en arêtes de poisson, de sorte que l’épine dorsale soit empierrée et
régulièrement pourvue de place de dépôt avec des chemins d’exploitations en terrain naturel qui
viennent se raccorder à l’ouvrage principal. L’ouvrage principal est pourvu de barrières à l’entrée et à
la sortie et d’un arrêté municipal limitant la circulation et les périodes d’usages. Cette façon de
procéder permet de contrôler la détérioration de l’ouvrage et de pouvoir exercer un pouvoir de
police sur la partie la plus onéreuse de la voirie qui est reclassée juridiquement en chemin rural ou
voie communale pour l’occasion. On veille également à limiter l’impact de l’exploitation sur les
voiries publiques en évitant les sorties sur des routes qui ne supporteraient pas le passage répété de
camions grumiers en charge ou en imposant des limitations de tonnage ponctuelles.
Cette façon de travailler correspond à un idéal qui est assez rare à observer, là encore, le
manque de culture forestière aboutit à des actions ponctuelles qui peu à peu enclavent les massifs
forestiers (limitation de tonnage sur toutes les dessertes, installation de rond-point, implantation de
zones d’habitations le long des voies forestières limitant l’emprise). En 2011, une action coordonnée
par la Charte Forestière des Chambaran vise à établir un diagnostic de la desserte (statut juridique,
état et caractère stratégique), cette initiative a conduit à l’émergence de 3 projets totalisant plus de
5 kilomètres de voiries. La possibilité de regrouper ces projets a permis d’accéder à un seuil de
subvention de 80% (Europe, Etat, Région, Département). Il n’en reste pas moins que les conflits
d’usages, le désintérêt de la majorité des propriétaires à la gestion de leur forêt et l’évolution des
pratiques d’exploitation forestières ont tendance à freiner l’avancement des projets.
La desserte n’est donc qu’une partie de la solution à un challenge plus vaste : la gestion
durable et raisonnée d’un espace forestier, récolter moins mais plus souvent en recherchant la
valorisation maximale en fonction des potentialités forestières.
Ce qu’il faut retenir
- La desserte en forêt n’a pas évolué aussi vite que les engins utilisés à l’exploitation. - Le classement juridique des chemins pose de vrais problèmes en termes d’entretien de la
voirie. - On constate une multiplication des conflits d’usages entrainant la nécessité d’actions
coordonnées onéreuses.
41
II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière
C’est dans cet état d’esprit qu’en 2008, un groupe de propriétaires forestiers issus des
Associations Bonnevaux Chambaran (ABC) et Drôme des Collines Forestières (ADCF) a choisie
d’engager un travail de réflexion en commun. Le CRPF Rhône Alpes, dont la mission sur les
territoires est d’accompagner l’émergence d’initiatives favorisant la gestion forestière, a alors été
associé. Cependant, il faut bien avoir à l’esprit que l’amorce de cette structuration locale est issue
d’un processus de réflexions basé notamment sur des expériences conduites sur les 10 dernière
années. Toujours en évolution depuis sa date de création en 2009, l’ASLGF du Bas Dauphiné devient
peu à peu une référence locale en matière de sylviculture mais surtout, elle est la suite cohérente
d’une action forestière entamée en 1985 par le CRPF Rhône Alpes aux côtés de l’Association
Bonnevaux Chambaran puis en 1992 avec l’Association de la Drôme des Collines Forestières. D’abord
outil de mutualisation de la gestion, l’ASLGF a su se servir de ses atouts statutaires et territoriaux
pour devenir un support du développement forestier local. C’est bien la valorisation d’un geste
sylvicole qui a permis à la structure de dimensionner la première opération nationale de
compensation carbone en forêt dès 2010. Et c’est surtout les conditions de transmission du
patrimoine forestier offertes par l’ASLGF qui séduisent de plus en plus de propriétaires.
II.2.1 Un travail de fond
Il faut remonter bien avant la date de création officielle de la structure pour en trouver les
origines. Comme il est évoqué dans l’introduction, c’est en 1985 qu’un personnel du CRPF Rhône
Alpes est affecté à un travail de structuration de la forêt privée sur le secteur des Bonnevaux
Chambaran. La première étape consistera donc à diffuser de l’information aux propriétaires
forestiers locaux sur les potentialités de leurs parcelles forestières et sur l’intérêt à se regrouper. A la
même époque est créée en parallèle l’Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux
Chambaran, association loi 1901 dont l’objet est alors « la diffusion de l’information sylvicole, le
portage d’une assurance responsabilité civile groupée et la participation à toutes actions visant à
l’amélioration de la mobilisation, à la dynamisation de la gestion et à la valorisation des produits
forestiers locaux. »53 A cette époque, l’Association Bonnevaux Chambaran compte 67 adhérents dont
65%54 sont alors des agriculteurs qui, pour la plupart réalisent eux même les travaux dans leurs
forêts.
Les difficultés de la diffusion d’un message clair et homogène en forêt privée
A cet époque, le statut du personnel du CRPF Rhône Alpes est alors très spécifique puisqu’une convention de
travail avec, notamment, la coopérative forestière COFALP permet au technicien du CRPF de pratiquer un
certain nombre d’opérations relevant du secteur commercial (martelage…). L’essentiel du travail consistera
alors à organiser des visites de chantiers en forêts et de scieries mais aussi et déjà à donner forme à une
gestion groupée des parcelles forestières sous la bannière COFALP. Ce mode de fonctionnement se maintient
jusqu’en dans les années 2000 après une quinzaine d’années de conventionnement. Les activités sont alors
53
In : Statuts de l’Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux Chambaran 54 In : Relevé des adhésions 1990 Association pour le Développement Forestier des Bonnevaux Chambaran
42
scindées avec un technicien CRPF qui réalise du développement forestier et un technicien « coopérative » qui
réalise de la mobilisation de bois. En 2006, la COFALP est absorbée par la COFORET, qui devient l’une des plus
importantes coopératives de l’Est de la France. Puis en 2011, la loi de modernisation de l’agriculture réaffirme
le rôle des chambres d’agriculture en forêt privée. Aussi, les rôles parfois très proches de ces organismes
brouillent un peu plus le message des organes de développement de la forêt privée en Bonnevaux Chambaran,
entre l’accroissement de la gestion forestière porté par les CRPF, la dynamisation de la mobilisation prônée par
le mouvement coopératif, et la recherche d’une légitimité en forêt par les chambres d’agriculture. En Drôme
des Collines, l’histoire est moins ancienne puisque un technicien CRPF est affecté à ce secteur en 1992. Les
activités sont alors scindées entre le travail de développement forestier (CRPF Rhône Alpes) et le travail de
mobilisation (coopérative COFOVE qui sera absorbé par COFORET en 2003).
Ainsi, la vulgarisation de techniques sylvicoles pour l’amélioration du taillis de châtaigniers
est diffusée sur le secteur depuis au moins 20 ans. Cette action a permis de pouvoir récolter les
premières éclaircies de châtaigniers et de montrer les avantages d’une telle sylviculture. Elle a
constitué la base d’un travail de recherche important conduit en partenariat avec l’Institut pour le
Développement Forestiers. Malgré cela, on constate un vrai déficit dans le suivi de la gestion car,
avec sa dynamique de pousse très forte (voir exposition autour du châtaignier annexe 5), le
châtaignier nécessite un suivi régulier qui, lorsqu’il n’est pas effectué, conduit à rendre véritablement
contre-productive toute opération d’amélioration.
De plus, en 2005 est engagée sur le massif de la Bièvre (voir carte II.1 Le Bas Dauphiné, un
territoire forestier sans culture sylvicole) à proximité de la Cote St André une opération pilote de
restructuration foncière forestière volontaire. Cette action prise en charge financièrement par le
Conseil Général de l’Isère avec un partenariat CRPF Rhône Alpes/Chambre
d’Agriculture/SAFER/Association Bonnevaux Chambaran, a porté sur un massif forestier de 1 000 ha
regroupant pas moins de 10 000 propriétaires forestiers. Si cette opération a permis de doubler la
surface moyenne des parcelles aidées passant de 0,3ha à 0,6ha, il n’en reste pas moins qu’elle n’a
pas favorisée la récolte raisonnée des parcelles puisque pour rentabiliser leur achat, les acquéreurs
ont d’abord cherché à vendre la coupe. Le Conseil Général qui aidait à l’acquisition des parcelles
contiguë à hauteur de 50% des frais d’actes n’a donc pas souhaité poursuivre le programme, qui s’est
arrêté en 2010. C’est ce constat qui a poussé l’Association Bonnevaux Chambaran, dès 2008, à
réfléchir à une réponse à la demande des propriétaires acquéreurs : « comment faire mieux que la
coupe rase sur des parcelles de tailles réduites ? »
En Drôme des Collines, c’est la remise d’un rapport d’étude (conduit par le CRPF Rhône Alpes
en 2007) sur le chancre bactérien du châtaignier avec des conclusions assez alarmantes qui a
déclenché l’amorce d’une réflexion sur une gestion régulière des taillis pour faire face à la non
gestion, principal vecteur de diffusion de l’infection. A cela, s’est ajoutée une enquête menée par le
CRPF en collaboration avec l’ADCF auprès des propriétaires forestiers locaux pour connaitre leurs
besoins en terme de suivi de la gestion qui a permis de cerner les attentes et les orienter vers un
outil plus adapté.
A noter qu’en 2008, le secteur de travail du technicien du CRPF a été modifié pour couvrir
l’ensemble du Bas Dauphiné. Ainsi, le travail d’appui aux associations de propriétaires forestiers a
permis d’identifier l’émergence d’une attente commune en Drôme et en Isère. C’est donc un travail
43
de rapprochement qui a été entamé afin de conduire la réflexion à l’échelle d’un secteur partageant
la même identité forestière : le taillis de châtaigniers.
Le travail en commun des deux conseils d’administration (ABC et ADCF), accompagné par le
CRPF Rhône Alpes, a permis de très vite distinguer la forme de l’Association Syndicale Libre (ASL).
Structure de droit privé, elle rassemble des parcelles représentées par leurs propriétaires. De plus, la
loi forestière de 1985 modifiée en 2001, permettait la création d’ASL de Gestion Forestière,
permettant d’étendre l’objet de cette structure à toute opération de gestion de la forêt en général.
En établissant son périmètre sur l’ensemble du Bas Dauphiné (Drôme et Isère) et en définissant son
rôle dans la structuration locale de la forêt privée (2 places réservées pour le président de l’ABC et de
l’ADCF au conseil syndical de l’ASLGF). L’ASLGF du Bas Dauphiné dont les statuts ont été approuvés
en Juillet 2009 par la préfecture de l’Isère (voir publication au journal officiel annexe 6) s’insère
parfaitement dans la dynamique du développement forestier local, comme un prolongement de
l’action des associations loi 1901 ABC et ADCF.
Figure 6 - Coordination inter structures en Bas Dauphiné - L Casset
Cette volonté est clairement affichée dans les statuts de l’ASLGF :
« Article 3 – L'association souhaite en appui à l'association pour le développement forestier des Bonnevaux Chambaran et de la Drôme des Collines Forestière : ▪ représenter localement la forêt privée en insistant sur sa spécificité et en se positionnant sur les programmes d'action concernant les forêts de Bonnevaux Chambaran et de la Drôme des Collines Forestière ▪ promouvoir le développement des fonctions écologiques et sociales de la forêt (accueil du public, ventes des menus produits de la forêt, aspects paysagers, régulation hydrologique, protection des sols…)
ASLGF
du Bas Dauphiné
Services aux adhérents:
Regroupement de la gestion
Assistance à la vente de bois
Support de valorisation des forêts locales
Association Drôme des Collines Forestières
Services aux adhérents :
Assurance Responsabilité Civile
(via Syndicat départemental)
Magazines de vulgarisations
Réunions de formation
(en collaboration avec le CRPF)
Association Bonnevaux Chambaran
Services aux adhérents :
Assurance Responsabilité Civile
(via Syndicat départemental)
Magazines de vulgarisations
Réunions de formation
(en collaboration avec le CRPF)
44
▪ intégrer la sylviculture à l'activité rurale ▪ réaliser ou exploiter toute étude ou expérimentation à caractère technique, économique ou social de nature à améliorer la production forestière, la production et la commercialisation des bois locaux. Participer à tout projet de mise en valeur des produits des forêts locales. ▪ aider les propriétaires qui le souhaitent à élaborer des projets spécifiques ▪ participer aux actions visant à l'équilibre sylvo-cynégétique ▪ promouvoir ou participer à des projets de valorisation de ses produits. Article 4 – L'association syndicale a pour objet de gérer l'exécution de travaux et d'opérations d'entretiens proposés et acceptés par le propriétaire sur les parcelles syndiquées visées à l'article 1 et plus particulièrement les travaux en vue de : a. préserver restaurer ou exploiter les peuplements forestiers comprenant en particulier : - le regroupement des travaux sylvicoles des associés pour leur attribution à des opérateurs ou leur réalisation par un ou des salariés de l'association - le regroupement des produits et services forestiers des associés pour leur mise en marché afin d'en obtenir la meilleure valorisation possible. b. d'aménager et d'entretenir des voies et réseaux divers pour le compte des associés c. de rendre tout service visant à la mise en valeur et à la protection des propriétés et, en particulier : - la réalisation de plan simple de gestion et l'obtention de toute garantie de gestion durable, ainsi
que la certification des forêts associées - les négociations concernant des services rendus par les forêts du secteur à la collectivité. d. d'entreprendre toute action visant à améliorer la structure foncière de la propriété forestière du secteur de l'association. »55
En 2012, l’ASLGF du Bas Dauphiné compte 40 adhérents pour 650 ha de forêt gérés en
commun (voir « Activité et objectifs de l’ASLGF du Bas Dauphiné » annexe 6). Sur un territoire de
près de 60 000 ha de forêt privée, on prend conscience de la marge de manœuvre de la structure.
Ce qu’il faut retenir
- La construction de l’ASLGF est le résultat d’une action de fond commencée dès 1985 par le CRPF Rhône Alpes.
- Elle apporte des solutions quant à la transmission du patrimoine forestier mais aussi dans le traitement de la question du morcellement.
- Son action vient en appui de celles de deux associations loi 1901 de vulgarisation des techniques forestières.
II.2.2 Un fonctionnement original
Structure associative malgré tout, l’ASLGF doit son activité à l’engagement de bénévoles qui
forment le conseil syndical. Ce conseil est composé de 6 propriétaires forestiers adhérents et des
présidents de l’Association Bonnevaux Chambaran et Drôme des Collines Forestière. Dès la création,
les fondateurs de la structure ont souhaité une organisation opérationnelle et la moins chronophage
possible. Avec la difficulté de recrutement de bénévoles, il a fallu travailler un projet séduisant et un
mode de fonctionnement simple et efficace. Dans cet esprit, la structure ne souhaite pas gérer de
55 In : Statuts ASLGF du Bas Dauphiné modifiés le 25/05/2012
45
personnel, ni assurer directement les opérations de comptabilité qu’implique la gestion de TVA.
L’ASLGF est appuyée par un technicien du CRPF pour un accompagnement technique (limité aux
opérations non marchandes), et par un régisseur qui assure la mise en œuvre des opérations de
terrain (activité marchande).
Ce n’est pas tant la valorisation économique instantanée de leur patrimoine qui motive la
majeure partie des propriétaires à adhérer mais bien les perspectives d’amélioration et de
transmission à long termes de leurs propriétés forestières. Les attentes des adhérents ne se situent
donc pas forcément sur la capacité de la structure à vendre des produits forestiers mais surtout sur
sa capacité à le faire dans de bonnes conditions technico-économiques. C’est tout l’objet de la
structure que de porter de façon concrète un projet de sylviculture locale.
Figure 7 – Les raisons de l’adhésion à l’ASLGF - Enquête auprès de membres de l'ASLGF Bas Dauphiné - Juin 2010 - L Casset
Pour ce faire, l’ASLGF s’est, dans un premier temps, rapprochée des élus locaux par
l’intermédiaire de la Charte Forestière de Territoire (CFT) des Chambaran. Après avoir présenté son
projet, ses difficultés et ses premiers résultats, la CFT a choisi d’accompagner l’ASLGF en prenant en
charge financièrement 35 jours par an durant trois ans (2009 à 2012) l’accompagnement du CRPF
Rhône Alpes. Sous la forme d’une convention tripartite entre ASLGF/CFT/CRPF qui établit le cadre
d’action et la nature de l’accompagnement apporté par le CRPF. Celui-ci a notamment en charge
d’appuyer le conseil syndical dans ses démarches administratives de demandes de subventions et de
communication, de suivi des adhésions. Le CRPF assure également un appui fort auprès du président,
du secrétaire et du trésorier dans la vie courante de la structure.
Pour la partie technique et marchande de son activité, l’ASLGF a souhaité bénéficier de
l’accompagnement d’un professionnel agrée de la gestion forestière. Après une tentative
infructueuse de rapprochement avec la coopérative COFORET (une ASLGF peut adhérer directement
à une coopérative), l’ASLGF a conduit un appel d’offres pour la réalisation d’un Plan Simple de
Gestion56 (PSG) groupé. Ce document est la base du fonctionnement de la structure et, on le verra, le
56
Le propriétaire d'une surface boisée de plus de 25 hectares doit présenter un Plan Simple de Gestion (PSG). La première partie consiste à décrire la propriété, ses peuplements et son environnement. Dans la seconde
36%
33%
19%
7%
5%
Les raisons de l'adhésion à l'ASLGF du Bas Dauphiné
Amélioration de la forêt
Transmission du patrimoineforestier
Augmentation de larentabilité du patrimoine
Accès aux programmes desubvention
Autres
46
pivot du programme de compensation carbone. En effet, celui-ci détermine pour les 15 années à
venir l’ensemble des coupes et travaux à conduire sur les parcelles apportées à l’ASLGF. Le Plan
Simple de Gestion est un document de planification de l’action en forêt soumis à l’agrément du CRPF.
Le PSG est établi en cohérence avec le Schéma Régional de Gestion Sylvicole (SRGS) et est obligatoire
pour toutes les forêts de plus de 25 hectares. Il s’agit donc d’un acte fort et contraignant pour les
propriétaires d’un tel document de gestion durable puisque s’il permet l’accès aux différents
programmes de subventions (FEADER57, PDRH58, Conseil Régional, Conseil Général), il constitue
surtout une feuille de route qu’il convient de respecter sous peine de difficultés en cas d’écart
constaté.
Le premier appel d’offres conduit par l’ASLGF du Bas Dauphiné dès Octobre 2009 a donc
consisté en la rédaction d’un PSG par un homme de l’art agrée, pour l’ensemble des parcelles qui
n’en étaient pas pourvues auparavant. Ainsi, cette opération a porté sur 226 hectares qui sont venus
s’ajouter aux 250 hectares déjà pourvus d’un PSG individuellement
Le travail d’élaboration du document consistait principalement en la visite de toutes les
parcelles adhérentes puis en la proposition d’un itinéraire de gestion sylvicole59 au propriétaire de la
parcelle. Ainsi, le propriétaire était en droit de refuser la proposition qui lui était faite. Le rédacteur
du document avait cependant des objectifs clairement fixés au préalable par le conseil syndical avec
notamment l’interdiction de proposer la réalisation de coupes rases. L’ensemble des propriétaires
adhérents ont signés leur itinéraire de gestion sylvicole permettant dès Mai 2010 de disposer du
document. Notons que l’opération a été prise en charge à 80% par la Région Rhône Alpes qui, pour
encourager l’initiative, a attribuée 10 000€ à l’ASLGF. Les 2 000€ restant ont été collectés auprès des
propriétaires adhérents lors de l’adhésion. Ce « coup de pouce » a sans nul doute aidé certains
adhérents à franchir le pas. Le numéro d’agrément du PSG de l’ASLGF a été délivré en Juillet 2011
avec un document en deux parties :
- Une première qui apporte des éléments d’analyses du secteur (découpage en 4 sous
massif : Drôme des Collines, Bonnevaux, Chambaran de l’Est, Chambaran de l’Ouest) et
de la volonté de l’ASLGF
- Une seconde composée de l’ensemble des itinéraires de gestions validés par chaque
propriétaire.
Egalement, l’agrément du PSG a permis dans la foulée d’établir une adhésion groupée au
programme de certification PEFC pour l’ensemble des parcelles de l’ASLGF. Mais une fois ce
document établi, il a fallu trouver les moyens de le mettre en œuvre. D’où la réalisation d’un second
appel d’offres pour la mise en œuvre du PSG. Ici le Conseil Syndical a choisi de faire durer cette
prestation sur 5 ans permettant de se prémunir d’éventuels écarts de conduite de l’attributaire. Cet partie, le propriétaire indique la gestion qu'il compte suivre et précise le programme d'intervention. Le PSG est ensuite agrée par le Centre Régional de la Propriété Forestière. 57 Le FEADER finance, en gestion partagée entre les États membres et la Communauté, la contribution financière de la Communauté aux programmes de développement rural exécutés conformément à la législation communautaire relative au soutien au développement rural par le FEADER. 58 Le programme de développement rural « hexagonal » (PDRH) couvre l’ensemble du territoire métropolitain hors Corse. Il se compose d’un socle commun de mesures applicable dans l’ensemble des 21 régions et de volets régionaux spécifiques dont la programmation est confiée aux préfets de région. 59 Ensemble des interventions sylvicoles à réaliser dans un cycle sylvicole (et dans des types de peuplements donnés) pendant une durée déterminée.
47
appel d’offres lancés en septembre 2010, a rencontré un succès moindre du fait notamment de la
réponse demandée. En analysant la charge de travail prévue au PSG on avait une idée de la charge
minimale de travail à venir pendant les 5 prochaines années. Il s’agissait bien de confier la régie des
travaux et pas les travaux en eux même. Fin Octobre 2010, un régisseur a été nommé. La démarche
de l’appel d’offres permet une vrai transparence mais demande un important travail en amont pour
établir la finalité de l’outil et la conduite du opérationnelle des actions.
Ainsi, on peut schématiser l’organisation de l’ASLGF de la façon suivante :
Figure 8 - Les rouages de l'ASLGF du Bas Dauphiné - L Casset
Pour la conduite des opérations de terrains sur les parcelles adhérentes, le régisseur s’appuie
d’abord sur le PSG groupé. Ainsi, chaque année, des surfaces de coupes et travaux sont prévus, le
régisseur prend alors contact par courrier avec les propriétaires concernés en leur faisant quatre
propositions :
- Réaliser les travaux par eux même : suivant les surfaces et les profils des propriétaires, le
travail du régisseur se limite alors au martelage de la parcelle.
- Les faire réaliser par une entreprise de leur connaissance : certains propriétaires ont des
habitudes avec des entreprises locales, le régisseur propose alors le cahier des charges
de l’ASLGF et assure le martelage et le suivi des travaux.
- Les confier à l’ASLGF : le régisseur procède alors au martelage, à la réalisation d’un appel
d’offres rassemblant l’ensemble des parcelles de l’ASLGF à traiter et adressé uniquement
aux entrepreneurs de travaux forestiers (ETF) ayant leur siège social dans le périmètre de
l’ASLGF puis au suivi des travaux.
- Enfin, le propriétaire peut choisir de repousser les travaux : cette possibilité est offerte
par une disposition légale de l’application d’un PSG qui offre le choix de réaliser
l’opération 5 avant ou 5 ans après la date inscrite au PSG.
• Appui du CRPF Rhône Alpes Conseil Syndical
ASLGF
Régisseur
Adhérents
48
A noter que l’ASLGF n’assure pas de vente de bois, son action se limite à la réalisation de
coupes et travaux de qualité, le but étant d’amener le bois à port de camion dans les meilleures
conditions de récolte possibles. Ainsi, le propriétaire peut soit vendre son bois par lui-même soit
confier la vente de ce dernier au régisseur de l’ASLGF qui reprend alors sa casquette d’expert
forestier avec cependant des tarifs préalablement négocié avec le conseil syndical. L’expert forestier
retient 12% du montant de la vente pour des bois de moins de 50€/m3, 6% pour des bois entre 50 et
100€/m3 et 3% pour des bois de plus de 100€/m3. Ce fonctionnement permet une autogestion du
régisseur puisque plus celui-ci aura un travail de qualité plus les propriétaires lui confieront la gestion
de la vente de leur bois. Cette possibilité offre par ailleurs la possibilité pour les propriétaires de
continuer à vendre leur bois par eux même avec leur scieur habituel sans déroger aux objectifs du
PSG groupé.
Chaque année, se sont 40 à 60 hectares de forêt qui sont travaillés en commun. Le travail
réside principalement dans la réalisation d’éclaircies, opération sur laquelle nous reviendrons dans le
chapitre suivant sur le carbone. Ces surfaces de travaux permettent de réaliser des appels d’offre
conséquents avec cependant quelques difficultés à travailler avec des ETF60 ne maitrisant pas
forcément les techniques d’abattages à utiliser. En effet, l’ASLGF souhaite peu à peu contractualiser
des équipes de bucherons/débardeurs formées à la technique mais elle rencontre des difficultés à
fidéliser ces partenaires. Un travail sur les conditions tarifaires et sur une méthodologie « éclaircie »
est engagé pour l’année 2012 afin de solutionner cette difficulté.
Pour illustrer ce rôle, on peut reproduire le schéma suivant :
Figure 9 - L'ASL dans son rôle de catalyseur entre les propriétaires et les professionnels - E Esmenjaud -
AgroParisTech/Mémoire de fin d'étude - Juillet 2011
Ce qu’il faut retenir
- L’ASLGF fonctionne grâce à l’action coordonnée et préalablement délimité du conseil syndical, du régisseur et du CRPF Rhône Alpes.
- Le régisseur est en charge des opérations de terrain, c’est en quelque sorte le chef d’orchestre du PSG groupé.
- L’ASLGF est une interface entre les propriétaires et les exploitants forestiers, scieurs, élus locaux
60 ETF : Entrepreneur de Travaux Forestier. L’entrepreneur de travaux forestiers est un prestataire de services qui exécute des travaux spécifiques (exploitation du bois, reboisement, équipement forestier) à la demande de donneurs d’ordres.
49
II.2.3 Des défis à relever
Outre la fidélisation de ses partenaires bûcherons/débardeurs, l’ASLGF doit faire face à
d’autres difficultés. Association sans but lucratif, la structure doit pouvoir équilibrer son budget, le
problème de la gestion des avances de trésorerie pour l’octroi de subventions (paiement de la
subvention sur facture acquittée) reste posé. L’ASLGF cherche actuellement des moyens de
constituer un fonds de roulement qui permettrait d’assurer de manière pérenne l’action en forêt.
Egalement, dans le contexte actuel de diminution des aides publiques la structure doit chercher de
nouveaux moyens pour appuyer la réalisation d’opérations d’améliorations sylvicoles déficitaires.
De manière interne, et face à l’augmentation des montants de travaux gérés (40 000€ pour
2012) une réflexion sur l’externalisation de la gestion de la TVA est en cours avec un rapprochement
possible avec le Centre d’Expertise Rural (CER). De la même façon, la perspective d’augmentation des
surfaces doit être anticipée avec le régisseur. Car si aujourd’hui l’ASLGF avec 650 ha occupe 60% du
temps de travail du régisseur, demain, avec 1 000 ha il en sera autrement (augmentation de 40 ha
par an en moyenne depuis 2009). Le but du conseil syndical étant de pouvoir disposer à terme d’un
prestataire à plein temps (sans s’engager pour autant dans un processus d’embauche).
Avec des demandes de subventions établies pour plus de 30 000€ pour 2012 (martelage,
éclaircie déficitaire, desserte forestière), l’ASLGF engage également une réflexion avec le CRPF Rhône
Alpes pour disposer d’un programme d’aide ajusté aux besoins et au cadre de mise en œuvre offert.
Ainsi, une action est engagée de manière coordonnée avec les 3 PSADER61 locaux (Drôme des
Collines, Bièvre Valloire, Sud Grésivaudan) pour définir la mise en œuvre d’aides sylvicoles
territorialisées couplant les moyens de la région et de des communautés de communes. Le but étant
d’identifier les opérations justifiant d’une aide, d’ajuster leurs montants et de définir un volume
financier prévisionnel annuel. Notons qu’en 2012, la Région Rhône Alpes a assoupli les règles
d’attribution de subvention pour le cas des ASLGF, les considérant non plus comme une structure de
regroupement mais comme une entité à part entière (annulant donc l’individualisation des dossiers
pour chaque propriétaire adhérent jusqu’alors nécessaire).
Le conseil syndical souhaite également établir en parallèle avec la rédaction du PSG et à
chaque nouvelle adhésion, une feuille de rentabilité des opérations proposées qui serait évolutive et
adaptable en fonction notamment des cours du bois. Un tel document aurait l’avantage de
permettre d’établir un taux interne de rentabilité pour chaque forêt, le but de la gestion groupée
proposée par l‘ASLGF étant d’atteindre des taux de rentabilité supérieurs à la moyenne nationale
(2,5%)62.
L’ASLGF va également renforcer sa communication locale. A cet effet et en plus de son site
internet « www.forestiersdubasdauphine.fr », le conseil syndical rédige actuellement une plaquette
de présentation et définit une nouvelle identité visuelle pour la structure.
Cette identité sera reprise sur des panneaux présentant les opérations sylvicoles directement
sur les chantiers forestiers et sur des autocollants. L’ensemble de ces opérations est rendu possible
61
PSADER : Plan Stratégique Agricole de Développement Rhône Alpes 62 In : Projet de loi d’orientation sur la forêt, Sénat, 2001
50
par une implication financière forte des élus locaux puisque l’intégralité de la communication ASLGF
est prise en charge par la CFT des Chambaran.
L’ASLGF commence à devenir peu à peu une référence locale en matière de sylviculture et
apporte de nouvelles perspectives à la lutte contre le morcellement. Cette position amène de
nombreuses sollicitations allant du foncier en passant par la gestion de projets sylvicoles et la
valorisation des services rendus par l’espace forestier. Pour autant l’ASLGF reste un outil au service
des forestiers où le partenariat avec le CRPF Rhône Alpes reste primordial. Un travail de
collaboration/coopération pour arriver à un équilibre permettant d’apporter des réponses
opérationnelles est donc nécessaire.
On l’aura compris, l’ASLGF est une structure très « plastique » offrant une multitude de
possibilités à adapter en fonction des territoires. Ainsi, une petite dizaine d’ASLGF ont été créées en
Rhône Alpes depuis 2009 avec des formes et des objectifs tous différents mais cherchant à s’adapter
au plus près du contexte forestier local. Une coordination de ces structures est donc difficile même si
des opérations semblent pouvoir être mises en commun notamment en matière de comptabilité et
de mutualisation d’un secrétariat.
On reprend dans le tableau ci-dessous, les caractéristiques de la structure et sa capacité
d’adaptation à d’autres territoires
Menaces Opportunités
- Pérennisation de la structure en fonction de la dynamique du bénévolat
- L’empilement de structures peut finir de brouiller le message (ASL, association loi 1901, ASA, coopérative…)
- Structure qui nécessite un message
clair sur son rôle et sa façon de mettre en œuvre son objet (via PSG notamment)
- Objet légal assez large permettant l’adhésion à une coopérative ou encore la réalisation de ventes de bois
- Possibilités de contractualisation avec des ETF voir avec des scieurs
- Incorporation de la structure dans
un projet de territoire plus large (PSADER, CDRA…)
Forces Faiblesses
- Solutions aux problèmes du morcellement mais surtout à la transmission du patrimoine entre générations de propriétaires
- Spécialisation possible de l’outil
suivant un massif forestier, un type de peuplement, une technique…
- Possibilité de maitrise d’ouvrage de
projets locaux relatifs à la forêt
- Fragilité de la structure de gouvernance
- Rôle limité à celui d’interface avec le monde de l’exploitation et de la transformation
- Mode de financement et
comptabilité lourde pour un trésorier bénévole
Figure 10 - Analyse MOFF ASL GF au sein d'un territoire - L Casset
51
La structure de l’ASLGF, si elle n’est pas exclusive, permet néanmoins de répondre à un
certain nombre de difficultés et peu devenir le socle d’une régénération locale de la sensibilité des
propriétaires à la gestion de leur patrimoine. Son objet peut être divers : protection des paysages
(ASLGF de Grâne), protection de l’eau (ASLGF des Moises) ou encore sylvopastoralisme (ASLGF de la
Montagne de Lure). Elle permet surtout de donner un interlocuteur influant directement sur la
gestion forestière locale et porteur d’un message à l’image des préoccupations de ses adhérents.
Enfin, si elle bénéficie d’un soutien public à la hauteur de ses engagements, elle peut devenir un
outil transversal pour le traitement de problématiques de territoires plus seulement ruraux. Ce sera
l’objet de la partie suivante.
Ce qu’il faut retenir
- L’ASLGF doit consolider sa position d’interface locale en fidélisant des bûcherons /débardeurs.
- L’ASLGF doit également trouver les moyens de générer un fonds de roulement pour gérer les avances de trésorerie.
- L’ASLGF est une structure souple et adaptable à de nombreux contextes mais repose toujours sur l’engagement de bénévoles.
52
II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné
Nous allons maintenant nous intéresser à une initiative originale et à ce jour unique de
l’ASLGF du Bas Dauphiné. Dans la perspective de la baisse des moyens alloués aux opérations
sylvicoles par l’état français, la région Rhône Alpes et les départements, le CRPF et la Fédération
Nationale des propriétaires forestiers de France ont engagé une réflexion autour de la valorisation du
geste sylvicole. Cette réflexion s’inscrit dans un champ large et transversal : qu’est –ce que l’action
du forestier apporte à l’écosystème local ? Comme on a pu le voir dans la première partie de ce
rapport, le rôle des forêts dans la séquestration de gaz à effet de serre est aujourd’hui évalué de
manière précise. Ces travaux scientifiques ont pu être mobilisés dans le dimensionnement d’une
opération de compensation volontaire des rejets gaz à effet de serre pour le compte d’un partenaire
extérieur.
II.3.1 Les conditions d’émergence du projet
L’appréciation de la capacité des forêts à stocker du carbone est un travail qui a déjà mobilisé
un certain nombre d’organismes de recherche. L’INRA, le LerFob et l’Institut pour le Développement
Forestier, pour les principaux, ont conduit de manière séparée ou de conserve, un certain nombre
d’expérimentation sur le sujet. Ces expérimentations ont donnés lieu à la publication de résultats
dont les principaux sont ceux de l’étude CarboFor (2004)63. Ainsi, la base de l’initiative
CRPF/FPF/ASLGF s’appuie sur cette question : comment valoriser une opération d’investissement
privée qui, au final bénéficie à l’ensemble de la société civile en matière de protection des
paysages, de l’eau, de la biodiversité et des potentialités forestières.
Le CRPF Rhône Alpes et l’ASLGF du Bas Dauphiné ont conduit une réflexion autour de l’avenir
des taillis de châtaignier. C’est cette réflexion qui a conduit à travailler la question de la
compensation de CO2 par l’intermédiaire d’opération d’amélioration de la gestion de la forêt. Aussi,
l’éclaircie de châtaigniers constitue à première vue une opération d’amélioration du peuplement
permettant de favoriser la production de produits à forte valeur ajoutée, il n’en reste pas moins que
sa réalisation permet également d’atteindre les objectifs précédemment cités. C’est aussi un moyen
de faire reconnaitre la responsabilité du propriétaire forestier comme acteur à part entière de
l’équilibre des écosystèmes notamment dans ses choix sylvicoles.
On travaille donc sur la valorisation du carbone séquestré par un projet de gestion sylvicole
amélioré. Ces projets (baptisés méthodologie IFM pour Improved Forest Management) ont pour
objectif « […] d’accroître le stock de carbone dans une forêt exploitée, le plus souvent en conservant,
voire en augmentant le volume récolté : le bénéfice « carbone » d’un projet est en effet mesuré
conjointement sur les stocks « forêt » et « produits ». Selon la terminologie Kyoto, ces types de projet
sont ceux qui sont implémentés dans « les forêts qui restent des forêts ». Plusieurs types de projets de
gestion sylvicole sont envisageables : substitution d’essences, modification des durées de rotation,
63 In : Séquestration de Carbone dans les grands écosystèmes forestiers en France. Quantification, spatialisation, vulnérabilité et impacts de différents scénarios climatiques et sylvicoles. LOUSTEAU Denis et al – Carbofor, INRA Bordeaux, Unité Ephyse, Programme GICC 001 « Gestion des impacts du changement climatique, GIP EcoFor, Juin 2004, 138p.
53
surdensification des peuplements, conversion d’un taillis en futaie, fertilisation phosphorée, etc. Ces
projets ont un impact sur la productivité des forêts et donc sur la capacité de séquestration dans
l’écosystème […]»64. Egalement, le travail conduit par l’Institut pour le Développement Forestier en
2010 sur la sylviculture du châtaignier a permis de dégager l’apport d’un tel projet en termes de
séquestration de CO2 (voir PIN Chataignier – Projet Neuflize OBC/ASLGF du Bas Dauphiné annexe 7).
L’ensemble du projet repose sur l’abandon de la coupe rase au profit de la futaie irrégulière65
permettant ainsi d’assurer un couvert forestier minimum à travers le temps. Cette technique permet
de conserver la forêt dans une dynamique de croissance tout en continuant à l’exploiter
régulièrement. On lisse le rythme d’exploitation de la forêt de façon à récolter moins mais plus
régulièrement. Ci-dessous, la figure 9 compare la séquestration de CO2 entre un scénario référence
(coupe rase tous les 20 ans) et un scénario projet (coupes d’éclaircies à 7 et 12 ans puis coupes
d’amélioration tous les 10 ans).
Figure 11 – Evolution de la séquestration carbone dans un projet de conversion de taillis en futaie irrégulière - Source CDC Climat
64 In: Valorisation carbone de la filière forêt bois en France - DEHEZA Mariana, BELLASSEN Valentin- CDC Climat Recherche, Etude Climat N°20, 2010-4 65 La futaie irrégulière fait cohabiter sur une même parcelle des arbres d’âge et de dimension très variés. Elle peut être conduite pied à pied (on parle de futaie jardinée), par bouquets ou les 2 à la fois. Ce traitement s’appuie préférentiellement sur le renouvellement des arbres par voie naturelle.
54
On voit très nettement l’apport d’une telle opération qui favorise la production de bois
d’œuvre augmentant ainsi d’autant la substitution « matériaux ». Aussi, après avoir établi les
conditions de mise en œuvre de la technique, l’ASLGF et ses partenaires ont conduit une première
expérimentation grandeur nature pour établir les conditions de l’opérabilité d’un tel projet.
Ce qu’il faut retenir
- Le projet de compensation est né d’une réflexion sur la place du forestier dans la société moderne.
- Des travaux de l’INRA, du Lerfob, de l’IDF et de la CDC Climat ont permis d’identifier l’apport d’une gestion sylvicole améliorée en matière de séquestration carbone.
- Le but est de garantir un stock minimum de CO2, on récolte moins mais plus régulièrement.
II.3.2 Un projet unique fruit d’un partenariat innovant
En 2008, l’ASLGF et l’association La Forêt pour Témoin66 ont conclu un premier partenariat
pour la compensation d’émissions de CO2 par la mise en œuvre de la technique décrite avant.
Portant sur 10 hectares d’éclaircie de châtaigniers, ce premier partenariat a permis de vérifier
d’abord des possibilités juridiques puis de la capacité d’une ASLGF à porter ce genre de programme
en servant d’intermédiaire avec ses adhérents. Au final, l’expérimentation a portée sur 6,5 hectares
de taillis pour 5 propriétaires engagés dans la démarche. Les principales difficultés identifiées ont
porté sur la rédaction des conventions de partenariat car l’objet ne pouvait être légalement la vente
de CO2 produit inconnu de l’administration fiscale. Pour pérenniser l’engagement « carbone » deux
conventions ont été réalisées. L’une entre l’ASLGF et La Forêt pour Témoin pour la mise en œuvre de
la compensation, l’autre entre l’ASLGF et les propriétaires volontaires pour pérenniser l’engagement
de compensation, contracté par l’usage de sommes dévolues à cette opération peu ordinaire. Au
final, l’ASLGF et ses adhérents ont souhaité céder 80t de CO2/hectares éclaircies pour la somme de
700€/ha. Cette vente permettait alors de couvrir environ 50% des frais de mise en œuvre de
l’éclaircie (abattage à bois perdu). Cette opération a permis d’apporter 4 550€ à l’ASLGF pour la mise
en œuvre de travaux sur les propriétés de ses adhérents volontaires.
C’est ce partenariat qui en 2012 a permis de renouveler l’opération sur une surface plus
conséquente et avec un nouveau partenaire. Contactée par l’intermédiaire de la fédération nationale
Forestiers Privés de France, l’ASLGF s’est vu proposer le renouvellement de l’opération « carbone »
avec pour partenaire la Banque Neuflize OBC67 (voir PIN Châtaignier Projet Neuflize OBC/ASLGF du
Bas Dauphiné annexe 7). Cette banque souhaitait compenser sur le territoire national 3 200 t de CO2
66
Association reconnue d'intérêt général sans but lucratif régie par la loi de 1901, déclarée auprès de la Préfecture de Hauts de Seine et référencée au Journal Officiel des associations du 6 août 2005. Elle a pour objet de "développer un ensemble forestier pour participer à l'amélioration de l'environnement". 67 La Banque Neuflize OBC filiale du groupe Néerlandais ABN Amro depuis 1977 est une des plus vieilles banques françaises. Son origine remonte à 1667 (Maison André à Gênes), elle a traversé les âges et les familles (Mallet, Schlumberger, de Neuflize) participant à la création de la Banque de France (en 1800, Guillaume Mallet est nommé régent de la Banque de France par Napoléon Bonaparte). Mais au-delà de son métier, la Banque Neuflize OBC a également crée en 2007 un fonds d’investissement (NOAM Planète) dans les entreprises engagées dans la lutte contre le changement climatique, elle s’est également vu remettre le prix de grand mécène par le Ministère de la Culture en 2009 pour l’ensemble de ses actions de mécénats.
55
générées par son activité. Elle avait déjà des expériences en termes de compensation carbone
volontaire puisqu’elle évalue et compense ses émissions depuis 2007 par l’intermédiaire de projets
internationaux (Pérou en 2011). Ces 3 200 t de CO2 ont été vendues pour la somme de 10€/t soit
32 000€ destinés à financer des travaux d’éclaircies en forêt privée par l’intermédiaire d’une
structure de regroupement. Le projet porte ainsi sur 40 hectares de forêts adhérentes au PSG de
l’ASLGF et réparties de façon assez homogène sur l’ensemble de son périmètre. En reprenant le
schéma précédemment établi avec l’association la Forêt pour Témoin, le projet a, cette fois, intégré
d‘autres coûts tels que le martelage, le débardage des rémanents d’exploitation,... En effet, les
tensions sur le marché du bois énergie obligent un martelage préalable des parcelles (identification
des arbres à couper et des voies de circulation pour la vidange de ceux-ci).
Là encore, l’ASLGF joue le rôle d’intermédiaire entre le partenaire et les propriétaires
forestiers volontaires. Ainsi, les propriétaires n’encaissent pas directement d’argent issu de
l’opération de compensation, les sommes sont déduites de leurs quotes-parts travaux par l’ASLGF.
Cette méthode permet une garantie de l’usage des fonds et du respect du cahier des charges
des travaux. Enfin, sans ASLGF il aurait été difficile de regrouper 40 hectares d’éclaircies de
châtaigniers et sans PSG groupé il aurait été impossible d’apporter le niveau de garantie
légitimement réclamé par le partenaire financier.
Figure 12 – Photo Eclaircie CO2 Le Mottier - L Casset - 2011
Stocker 80t de CO2 à l’hectare revient à garder 120 à 150 tiges à l’hectare sur les parcelles (et
sur la zone de travail de l’ASLGF Bas Dauphiné). Comme on le voit sur la figure 10, il s’agit alors d’une
vraie opération de gestion forestière où les arbres à garder sont ceux qui font l’objet de la
compensation et qui seront exploités à la fin de l’engagement remplacés par d’autres grâce à la
technique de la futaie irrégulière (c’est pourquoi la durée d’engagement a été abaissée à 30 ans pour
le partenariat Neuflize OBC/ASLGF). Les arbres conservés peuvent avoir deux objectifs :
- Produire du bois d’œuvre pour une séquestration de CO2 optimisée dans la durée et par
unité de produit
56
- Servir de brins « tire sève »68 pour favoriser le renouvellement du peuplement par des
arbres de francs pieds69 augmentant la dynamique de séquestration de CO2 à l’unité de
surface
L’opération fait donc appel à un homme de l’art pour la rédaction du PSG groupé et pour la
désignation des arbres puis à des entrepreneurs de travaux forestiers70 pour le
bucheronnage/débardage et enfin à des scieurs pour la valorisation des produits. On accentue ainsi
la dynamique locale autour de la gestion forestière et plus seulement de l’exploitation.
Il s’agit d’un élément fondamental du projet pour sa reconnaissance mais surtout dans sa
capacité à fédérer des acteurs endogènes et exogènes au territoire71.
Ce qu’il faut retenir
- Un premier partenariat avec l’association la Forêt pour Témoin a permis de dégager les conditions de mise en œuvre d’une telle opération.
- Le partenariat avec la Banque Neuflize OBC porte sur la compensation de 3 200 t de CO2. - L’objet de la vente est une opération de compensation permettant la séquestration de 80t de
CO2/ha sur 30 ans.
68 Brin conservé sur une cépée dans le but d’affaiblir la capacité de la souche à rejeter. 69 Tige issue de semence (non de rejet). 70 L’entrepreneur de travaux forestiers est un prestataire de services qui exécute des travaux spécifiques (exploitation du bois, reboisement, équipement forestier) à la demande de donneurs d’ordres. 71
Au sens des formations socio-spatiales du territoire qui dérivent du concept de « classes socio-spatiales » élaboré par Alain Reynaud en 1979
57
II.3.3 Les perspectives et les critères de reproductibilité d’une telle opération
L’opération Neuflize OBC /ASLGF du Bas Dauphiné a permis de démontrer l’intérêt de la
réalisation d’opération de compensation carbone en forêt. L’approche « gestion sylvicole
améliorée » permet d’établir qu’au-delà d’une opération d’investissement privé la gestion forestière
répond à une demande de la société : la lutte contre le changement climatique. Mais revenons sur
les ingrédients qui ont permis de rendre possible cette action de compensation.
Figure 13 - Les bons ingrédients d'un projet de compensation - L Casset
Le niveau de compensation et les garanties apportées permettent d’établir le niveau de
sérieux du projet, l’idéal étant que ce dernier réponde aux critères du protocole de Kyoto qui ont été
abordés précédemment. Egalement, on travaille ici à la définition du cœur du projet, ce sur quoi il
porte et comment on établit sa valeur ajoutée.
La pérennisation des garanties et la légitimité de l’aide apportée relèvent de la nature de la
structure, de sa façon d’encadrer le projet et du dimensionnement économique de son action de
compensation. En effet, un propriétaire seul aurait bien du mal à atteindre les niveaux demandés par
les acquéreurs de produits de compensation. Une étude de la CDC Climat72 établissait le niveau
minimum d’un projet à 800ha pour que celui-ci soit valorisable sur les marchés du carbone. Alors,
comment garantir la pérennité d’un projet de manière isolée ? Ici, l’ASLGF offre une réponse
intéressante en traitant ces deux impératifs d’abord par le regroupement de parcelles (et plus de
propriétaires), par l’encadrement de l’action dans un document de gestion durable, son PSG agrée
pour une durée de 15 ans. Enfin, le dimensionnement économique de l’action relève d’éléments
concrets qui montrent que, sans l’action de compensation, rien ne serait fait. Ici, l’ASLGF s’appuie sur
les coûts réels de mise en œuvre de l’opération (coût martelage, abattage, débardage moins vente
des produits) et établit très clairement les freins économiques et idéologiques locaux.
72
In : Valorisation carbone de la filière forêt bois en France - DEHEZA Mariana, BELLASSEN Valentin- CDC Climat Recherche, Etude Climat N°20, 2010-4
Niveau de compensation et
garanties apportées
Pérennisation des garanties et légitimité
de l'aide apportée
Capacité à créer une dynamique locale en
réponse à une problématique globale
Projet de compensation
58
Pour finir, il faut démontrer comment un projet local peut apporter une réponse à une
problématique globale. Sans anticiper sur la partie suivante, c’est la capacité à fédérer des acteurs
qui apportera une première réponse. La force du projet du Bas Dauphiné réside dans son
accompagnement par le CRPF, la Fédération Nationale Forestiers Privés de France et l’IDF mais aussi
par ses partenaires locaux Charte Forestière, Région Rhône Alpes… Mais en agrégeant aussi des
acteurs économiques autour du projet on renforcera également le rôle de catalyseur de la
compensation dans le cadre plus large de la gestion d’un patrimoine de façon trans-générationnelle.
Figure 14 - L'opération de compensation, une action ponctuelle d'appui à la pérennisation d’un patrimoine - L Casset
La vente de CO2 peut alors, également, agir ponctuellement comme un moyen de relance.
L’opération menée par l’ASLGF du Bas Dauphiné est donc parfaitement reproductible ailleurs dans la
mesure où une technique est préalablement identifiée, mesurée, expérimentée, validée et certifiée.
Un projet de compensation doit se prémunir des dérapages du green-washing73 et doit
absolument intégrer dans sa construction les dimensions plus larges du développement durable.
Ainsi, une coordination et une harmonisation des formes d’actions de compensation sont
impératives pour apporter la lisibilité et la transparence nécessaire à ce genre de projet qui pourrait
être qualifié de « fumeux », un comble pour une opération visant à capter des gaz à effets de serres !
Ce qu’il faut retenir
- L’opération témoigne de son sérieux en répondant aux critères du protocole de Kyoto. - On doit également démontrer l’intérêt du projet local dans un cadre global. - La limite entre opération de compensation carbone et mécénat environnemental est très
fine d’où un risque important de green-washing.
73
Le greenwashing, ou "blanchiment écologique", est le mot utilisé communément lorsqu'un message de communication abuse ou utilise à mauvais escient l'argument écologique.
Soutien à l’investissement en forêt
Protection d’un espace de vie
Maintien d’une activité en milieu rural
Production d’une matière première renouvelable et recyclable
Reconnaissance du service rendu par la forêt en matière de climat
Apport d’une valeur ajoutée durable au bois
Maintien de l’outil et des techniques de transformation Intérêt à la gestion du
patrimoine forestier
Vente de CO2
59
Conclusion : L’ASLGF le support idéal pour la conduite d’opérations de compensation
carbone?
Avant d’être un support pour la compensation carbone, l’ASLGF tel quelle a été créée en Bas
Dauphiné correspond à un idéal formulé par les propriétaires forestiers du massif. L’adaptabilité de
la structure et sa capacité à porter un projet de sylviculture local plait beaucoup. Ainsi, en multipliant
par deux ses surfaces adhérentes en 2 ans, l’ASLGF du Bas Dauphiné a d’abord démontré sa
synchronisation avec les attentes des propriétaires locaux. Egalement, par son fonctionnement
original, clair et à but non lucratif, elle offre des possibilités de partenariat intéressantes pour être un
support d’actions territoriales (parmi d’autres) d’une charte forestière, d’un PSADER, d’un Plan de
Développement de Massif ...
Si son périmètre d’action est très large, l’ASLGF ne vise pas pour autant à rassembler toutes
les surfaces de forêt, sa volonté première est d’apporter une solution aux propriétaires désireux de
mettre en œuvre une gestion forestière durable et différente de la méthode traditionnelle de la
coupe rase. En travaillant sur les massifs feuillus, l’ASLGF doit surtout trouver les moyens de
préserver les exploitants forestiers et scieries du massif qui donnent de la valeur aux forêts du
secteur. N’oublions pas que les plus beaux arbres s’ils ne sont pas accessibles ou s’il n’y a plus
personne pour les transformer n’ont pas plus de valeur que du bois énergie. L’ASLGF se veut donc
d’abord être un support permettant aux opérateurs locaux de l’exploitation de mobiliser du bois
mais, dans des conditions établies et maitrisables.
L’ASLGF permet d’apporter un certain nombre de solutions aux problématiques évoquées
dans la première partie du mémoire. Par sa capacité à fédérer des surfaces, elle lutte contre le
morcellement de la propriété. En regroupant des propriétés de plus de 10 hectares avec des
parcelles de 10 ares elle ouvre la possibilité d’améliorer ces petites parcelles en massifiant l’offre de
travaux et en densifiant les opérations de terrains. Elle permet également de travailler à la desserte
de massif forestier. Elle permet de porter la maîtrise d’ouvrage de routes et pistes forestières et
donc d’assumer la responsabilité de la création puis de l’entretien de ces réalisations. En mutualisant
les surfaces, l’ASLGF est alors un support pour toute une palette d’outils visant à dynamiser la
gestion forestière en forêt privée. Le Plan Simple de Gestion groupé validé individuellement, mis en
œuvre collectivement, illustre parfaitement cette capacité
La structure de l’ASLGF du Bas Dauphiné lui a également permis de se positionner à la pointe
de l’innovation en forêt. En effet, son programme de compensation carbone par une gestion
forestière améliorée, le premier en France, a su mobiliser mais surtout fédérer des partenaires très
divers. Elle est donc également un support de l’innovation en forêt tout à fait crédible.
Pour conclure, n’oublions pas que cette structure n’est qu’un support et ne saurait vivre sans
la volonté des propriétaires forestiers, l’engagement des bénévoles et l’appui de partenaires d’abord
publics. Aussi, l’ASLGF n’est pas le support unique, il correspond à un choix formulé au sein d’un
territoire par ses acteurs aux regards des enjeux locaux mais surtout d’une réelle vision responsable,
éthique, de la place de la forêt dans un équilibre plus large celui de la planète et du rythme sylvicole.
Si on ne peut recréer cette convergence, on peut au moins en dessiner les contours pour en favoriser
l’émergence comme on le verra dans la dernière partie.
60
III Le carbone forestier, outil de valorisation des services
écosystémiques
Cette dernière partie entend d’abord esquisser les possibilités offertes par la valorisation du
carbone dans un champ plus large : celui de la préservation des écosystèmes et de leurs équilibres.
Elle s’attache également à donner des points d’entrée pour la mobilisation de connaissances et de
moyens financiers propres à valoriser le rôle des forêts mais surtout du forestier. Elle aborde
également la question sensible du prix de la préservation des écosystèmes et des préalables
nécessaires à leur valorisation. Enfin, nous présenterons des pistes d’actions pour bâtir un projet
local dans un cadre régional répondant aux niveaux de garanties exigés par les règles internationales.
Ces éléments relèvent pour l’essentiel de réflexions personnelles issues de travaux de terrains
conduits notamment en Bas Dauphiné. Cela étant dit, le but final recherché est bien d’établir un
modèle reproductible sur d’autres territoires et générateur d’externalités positives reconnues par la
vente de crédits carbone.
III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale
Comme on l’a vu dans la première partie, le carbone forestier relève d’une problématique
tout à fait transversale qu’il s’agisse de porter un regard économique, écologique ou social sur lui. A
ce titre, il est à l’image de la forêt : multiple par la variété de ses dispositifs et unique par sa finalité,
la réduction des émissions de GES. Aussi, si le traitement de cette question peut faire appel à un seul
champ de connaissance : celui du fonctionnement des écosystèmes forestiers, en revanche, il peut
mobiliser une diversité de moyens financiers permettant d’assurer la pérennité et le renforcement
de ses fonctions écosystémiques. Le marché des quotas carbone, tel qu’il existe aujourd’hui, est créé
autour d’un principe : limiter les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Deux leviers pour
ce faire, la taxation d’activités émettrices et l’appui à toute opération permettant de limiter ou de
capter les émissions. C’est ce deuxième axe qui nous intéresse plus particulièrement car si le prix des
quotas d’émissions est établi suivant des paramètres essentiellement économiques (niveau de taxe
suffisamment coercitif), l’allocation de moyens à des projets ne peut pas suivre la même logique. En
effet, il parait normal que le prix de la tonne de CO2 ne soit pas le même entre la mise aux normes
d’une centrale à charbon et le boisement de terrain en Afrique Subsaharienne. Dans un cas, le
carbone valorisé est celui issu de la limitation des rejets, dans l’autre de la capacité de séquestration
des forêts. Le carbone forestier qui avait été initialement exclu des débats du protocole de Kyoto se
voit ouvrir un nouveau champ de développement depuis les accords de Copenhague reconnaissant le
rôle de la forêt dans la lutte contre le changement climatique. Si l’Europe reste réticente à cette idée,
de nombreux pays à travers le monde74 mettent en place à l’heure actuelle des entités nationales
(fonds carbone) pour la mise en œuvre de mécanisme REDD+75 visant à orienter des moyens
financiers vers le secteur forestier dans les pays en développement. En France, si des Conseils
74 Australie, Indonésie, Etats Unis, Nouvelle Zélande, Japon… 75
Programme des Nations Unis Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradations dans les pays en développement
61
Régionaux ont déjà bâti leurs propres fonds carbone76, la voie pour la reconnaissance des services
forestiers en matière de lutte contre le réchauffement climatique s’ouvre seulement maintenant.
Ce qu’il faut retenir
- Le carbone forestier relève d’une problématique transversale - Le prix de la tonne de carbone doit varier en fonction des projets et pas des marchés
financiers. - Des Régions françaises mettent en place des fonds carbone.
III.1.1 Les conditions d’usage de l’expression « compensation carbone »
Le travail préalable à la valorisation du carbone forestier consiste à identifier un
dénominateur commun pour s’assurer de la cohérence d’un système potentiel. Ainsi, la capacité des
forêts à séquestrer du carbone forestier semble être un bon point d’entrée. Une vraie fausse
bonne idée serait de pouvoir qualifier de « compensation carbone » toute opération de plantation
d’arbres. Certains dispositifs confondent mécénat environnemental et opération de compensation
carbone définie dans les critères du protocole de Kyoto.
En effet, et comme on l’a vu, les règles internationales définissent un cadre pour la mesure et
la reconnaissance du rôle des forêts. La réflexion doit être conduite à partir de ce cadre. Il existe un
certain nombre de standards de certification des crédits carbones77 qui ont fait valider leurs
démarches par l’ONU. La difficulté n’est donc pas de faire certifier des crédits mais de créer des
projets dans le cadre préétabli de la limitation des GES et répondant à une norme technico-
économique de terrain. Si les marchés réglementaires de quotas carbone, semblent assez fermés à
ce genre d’opération, les marchés de la compensation volontaire se prêtent tout à fait à
l’accompagnement financier de ce type de projet. Ces marchés permettent également la négociation
en direct entre financeur et opérateur de la compensation, c’est pourquoi ils nous intéressent tout
particulièrement.
La clef du système réside dans la démonstration de l’additionnalité des pratiques. Il s’agit de
démontrer que l’action pour laquelle des financements carbone sont demandés revêt un caractère
« extraordinaire » avec, pour finalité, d’augmenter ou de pérenniser une séquestration carbone
moyenne par unité de surface. L’autre aspect, tout aussi important, qui doit être pris en compte pour
la forêt réside dans la séquestration de carbone à l’unité de produit. En effet, l’allongement de la
séquestration de CO2 dans une plaquette forestière ou dans une lame de parquet sont
complètement différents, et relèvent d’objectifs sylvicoles distincts et/ou complémentaires.
A ce titre, trois éléments établis par le protocole de Kyoto doivent constituer la base pour la
définition d’un projet et son qualificatif de compensation carbone :
L’additionnalité : déjà évoquée plus haut dans le sens du « mieux qu’avant » avec une finalité de
pérennisation et/ou d’amélioration de la séquestration carbone. Ainsi, ce critère peut être assez
76
Aquitaine, Midi Pyrenees… 77 Verified Carbon Standard, Carbon Fix Standard, Chicago Climate Exchange…
62
réducteur car il exclut de ce fait certains types de forêt ou l’action de sylviculture conduirait à
diminuer le volume par hectare (cas des futaies surcapitalisées de montagne). On étudiera donc
également, l’effet d’additionnalité de la mise en œuvre d’un itinéraire sylvicole concourant à
diminuer les risques d’émissions de CO2 (baisse du risque incendie, ou de la sensibilité à la tempête).
La permanence : le projet doit démontrer de sa durabilité en prenant en compte les fuites
éventuelles78 et les risques liés à l’aléa climatique.
Le non double-compte : un crédit carbone ne peut pas être valorisé deux fois (dans la comptabilité
d’un Etat et dans un projet de compensation). Cependant le crédit carbone n’ayant pas été transposé
en droit français, il n’a pas d’existence fiscale (taux de TVA applicable ?). On s’attache alors à
valoriser une opération de séquestration carbone permettant la génération de crédits carbone
supplémentaires.
La piste travaillée, comme on l’a évoqué à la fin de la partie II, relève donc de la valorisation
d’une opération d’amélioration forestière. En d’autres termes, on cherche à valoriser le geste
sylvicole pour relocaliser la valeur du carbone. Pour autant, la définition du niveau de valorisation de
ce geste n’est pas uniforme et devra évoluer suivant les contextes et les types de projets développés.
Egalement, et pour traiter l’hétérogénéité de la forêt française, une approche projet est à
encourager. Elle a le mérite de contribuer à la redynamisation de certains territoires et dans certains
cas de déverrouiller des massifs (forêts périurbaines par exemple). Comme souvent, l’attrait financier
constitue un catalyseur pour le développement de ce genre d’initiative mais comment bâtir un
modèle là où le prix du produit (la tonne de carbone) est marqué par une volatilité extrême ?
Ce qu’il faut retenir
- Toutes les opérations en forêt ne relèvent pas forcément de la compensation. - On doit démontrer que l’usage de fonds carbone a permis de réaliser une opération
extraordinaire pour la culture locale. - Le carbone peut valoriser un geste sylvicole.
III.1.2 Le carbone a-t-il un prix ?
A la lecture des différents rapports et études menés sur le sujet79 on peut se demander si la
fenêtre d’analyse est la bonne : à savoir, donner un prix unique du carbone. Dans la majorité des
études techniques on cherche à établir ce prix en fonction d’externalités positives (produites par les
écosystèmes) et négatives (produites par l’activité humaine). En fonction des marchés et des
mécanismes on constate une variation extrême du prix unitaire de la tonne de CO2 allant de 10€/t en
moyenne sur les marchés volontaires à 6,54€/t sur les marchés réglementés et pour monter jusqu’à
25$ pour les crédits CER générés par le mécanisme MDP80. En 2012, l’étude de la reconnaissance des
78
La réduction de la mobilisation à un endroit donné peut conduire à un déplacement de cette mobilisation, éliminant le bénéfice du projet. 79
Voir bibliographie - Carbone 80 In : CDC Climat Recherche – Les marchés du carbone - 2011
63
biens publics sociaux et environnementaux menée par le GIP Massif Central81 évaluait la valeur non
marchande (reprenant les usages récréatifs, la valeur de la séquestration et du stockage de CO2 et les
services écologiques) des forêts du territoire concerné entre 1081,1 à 1098,5 M€ pour une valeur
marchande établie entre 105,2 et 111,4 M€. Ainsi, d’après cette étude la valeur des forêts du Massif
Central relèverait pour 90% d’une valeur non marchande ! Beaucoup de travaux ont été conduits
autour de l’évaluation financière des services éco systémiques mais la plupart de ces travaux ne sont
pas mobilisables directement. « Leurs résultats étant le plus souvent exprimés en consentements à
payer individuels, la construction de valeurs globales devient très délicate dès lors que l’écosystème
étudié diffère de celui d’où les résultats proviennent »82. Construire une norme de calcul pour
chaque écosystème relève d’un travail de Sisyphe d’autant plus lorsqu’on incorpore au travail la
dynamique de l’évolution climatique.
La piste la plus prometteuse semble être une définition du prix par projet et une mobilisation
de moyens financiers à travers des engagements préétablis. Aussi, le carbone forestier n’a pas un
prix mais bien plusieurs, en fonction des territoires, des types d’actions entrepris et surtout de
l’intensité de l’effort consenti à la pérennisation qualitative et quantitative des services
écosystémiques. Aussi, je parlerai de « prix projet » et garderai la tonne de CO2 comme unité. La
tonne de CO2 forme ainsi une sorte de prisme qui englobe la somme des valeurs des services éco-
systémiques (eau, air, biodiversité, sol, paysages…) et donc des externalités positives. Le prix du
carbone est composite et doit s’adapter à chaque projet, il convient d’établir des variables propres à
déterminer son prix final. On cherche à relocaliser la valeur du carbone dans une opération de
sylviculture identifiée et mesurable.
Nous vous proposons dans les lignes qui suivent une méthode élaborée suite à l’opération de
compensation carbone en Bas Dauphiné.
Le premier travail dans la détermination d’un prix projet, consiste à mesurer l’effort
nécessaire pour passer (pérenniser) de l’état actuel vers l’état souhaité (principe de l’ingénierie
reverse). Cet effort relève de trois dimensions qui se complètent et constituent le bloc « base » :
81 Etude prospective, le massif central territoire pilote pour un nouveau modèle de développement : de la reconnaissance des biens publics sociaux et environnementaux à un projet de territoire pour 2020 – Rapport final - Groupement d’Intérêt Public Massif Central – Juin 2012 82
In : Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, contribution à la décision publique - CHEVASSUS-AU-LOUIS Bernard, SALLES Jean Michel, PUJOL Jean Luc – Centre d’Analyse Stratégique, Avril 2009.
64
Figure 15 – Le bloc Base - L Casset
Le bloc base reprend donc l’ensemble des informations économiques du projet et établit un
coût total de l’opération. Ce coût total peut également intégrer, dans une certaine mesure, ceux liés
à l’élaboration des conditions d’émergence du projet (action de regroupement de la gestion par
exemple). Dans sa partie technique, il définit les orientations opérationnelles du projet et la façon de
les suivre puis il incorpore les éléments économiques pour atteindre ces objectifs et enfin relève un
niveau minimum propre à susciter l’intérêt des propriétaires forestiers et opérateurs techniques. On
arrive à un prix global pour la réalisation de l’opération.
Le deuxième travail relève de la pérennisation qualitative et quantitative des externalités
positives recherchées. Là encore on travaille sur plusieurs variables qui viendront, cette fois, et dans
un second temps, minorer le « bloc base », c’est le « bloc permanence ».
Figure 16 – Le bloc Permanence - L Casset
Tech
niq
ue
- On identifit la ou les techniques susceptible de générer des externalités postives à engager
- On établit le périmètre de l'opération (itinéraires techniques, surface à traiter)
- On dimensionne les outils de mesures et de suivi nécessaires
Eco
no
miq
ue
- On établit l'effort financier nécessaire à la réalisation de l'opération par rapport à un scénario classique
- On intègre l'echelle forestière locale pour mesurer le temps d'investissement nécesssaire à la réalisation des objectifs
Cu
ltu
relle
- On identifit les freins culturels à la réalisation de l'opération (du côté des opérateurs comme des bénéficiaires)
- On définit un niveau d'accompagnement propre à engager une dynamique locale durable
Conditions de pérennisation quantitative
Conditions de pérennisation quantitative
- Taille critique du projet pour en
maximiser les effets
- Garanties apportées pour assurer la
permanence des externalités générées
Conditions de pérennisation
qualitative
Conditions de pérennisation
qualitative
- Pertinence de l'outil de suivi des effets dans
le temps
- Dispositions contractuelles
permettant l'atteintes des objectifs
65
Le bloc « Permanence » vise à apporter un niveau de garantie suffisant pour répondre aux
exigences règlementaires (protocole de Kyoto) de la compensation carbone dans le cadre de la
génération de crédits potentiels. On va donc minorer le bloc « base » en fonction des conditions de
mise en œuvre du projet. Les conditions de pérennisation quantitative visent à évaluer les garanties
apportées par le projet pour assurer la durabilité de la séquestration de CO2 ainsi que l’effet de
massification du projet suivant la conformation des surfaces mobilisées. On s’attache à identifier le
type de garantie (mise en réserve de surfaces, de moyens financiers ou de tonnes de CO2) et la
localisation des surfaces intégrées au projet (surfaces éclatées, travail par massif…). Le but de cette
évaluation est de démontrer que le projet a intégré une dimension temporelle dans sa construction
et une dimension opérationnelle dans sa mise en œuvre. C’est dans ce bloc que l’on peut intégrer la
variable changement climatique en étudiant la prise en compte du phénomène par le projet.
L’impact du « bloc Permanence » peut être neutre si toutes les conditions sont réunies mais peut
minorer de manière très forte le prix projet si un niveau minimum de garanties et de réponses aux
exigences réglementaires n’est pas atteint. Ainsi, si les critères du protocole de Kyoto en termes
d’additionnalité et de permanence ne sont pas mis en évidence de manière satisfaisante, on pourrait
appliquer une minoration maximale de 50% sur le montant total du projet.
Enfin, on intègre une dimension de contexte local pour jouer sur le dernier levier : l’effet de
marché, l’offre et la demande. Intégré dans son territoire, le développement de tel projet prend tout
son sens, il contribue à la compensation d’émissions générées sur le territoire et peut donc,
légitimement mobiliser des moyens financiers issus des agents économiques locaux (collectivités
locales, industries, ménages…). Cette dernière variable forme le bloc « convergence ». Ce bloc vise à
valoriser la pertinence du projet (dans ses dimensions physiques et partenariales) et le niveau
d’engagement apporté par les opérateurs de la compensation.
Figure 17 - Le bloc Convergence - L Casset
Bloc convergence Bloc convergence
Incidence sur l'économie
locale
Incidence sur l'économie
locale
Prise en compte du
développement durable
Prise en compte du
développement durable
Transversalité des thématiques
traitées par le projet
Transversalité des thématiques
traitées par le projet
Réponses aux attentes
sociétales
Réponses aux attentes
sociétales
Prise en compte de la
biodiversité
Prise en compte de la
biodiversité
Objectifs locaux de réductions
des émissions de GES
Objectifs locaux de réductions
des émissions de GES
66
Ce dernier niveau d’analyse doit identifier en quoi le projet s’inscrit dans une cohérence
locale (économique, écologique et sociétal), en quoi il répond aux attentes des partenaires
(engagement en termes de réduction des émissions de GES) et à la dynamique du développement
durable (transversalité de la réponse apportée). Ce bloc a surtout pour but de lisser la minoration
du bloc « permanence » face au niveau des exigences réglementaires afin d’encourager les
initiatives territoriales.
Pour résumer, la détermination d’un prix projet t/CO2 s’agrège donc autour de 3 blocs. Le
bloc « base » constitue le socle du dispositif avec un chiffrage réel du coût de l’opération, les blocs
« permanence » et « convergence » viennent minorer de leur moyenne le bloc « base » en fonction
des facteurs précités. Notons que la minoration maximale ne pourrait excéder 50% pour chacun des
blocs « permanence » et « convergence ». Ainsi pour un projet qui ne répondrait pas au bloc
« permanence » (minoration de 50%) et de manière partielle au bloc « convergence » (minoration de
20%), on arriverait à une minoration du bloc « base » de 35%. C’est-à-dire que le projet de
compensation serait vendu pour 65% de sa valeur totale.
Figure 18 - Construction du prix projet - L Casset
L’avantage de la construction d’un prix projet comme elle vous est présentée ici est d’éviter
tout débat autour de la valeur de la biodiversité et de limiter l’effet des soubresauts de l’économie
sur la valeur du carbone. On s’attache à identifier un mode d’action et un point de bascule pour la
réalisation de celui-ci. On reconnecte ainsi le prix du carbone avec son coût de séquestration réel.
Mais en intégrant les services écosystémiques dans la construction de la valeur du crédit (valeur
chapeau), on n’incite pas forcément à l’augmentation de la séquestration de CO2 par unité de
surface. Ainsi, dans le cas d’une forêt de montagne, la décapitalisation du stock de bois sur pied peut
contribuer à l’augmentation du niveau de biodiversité. Le bloc « convergence » peut tout à fait
l’incorporer permettant d’équilibrer le déficit du bloc « permanence » puisque le projet perd alors sa
Bloc Base
€ t/CO2
Bloc Base
€ t/CO2
- Bloc Permanence
minoration max 50%
- Bloc Permanence
minoration max 50% Prix projet
€/tCO² Prix projet
€/tCO² - Bloc Convergence
minoration max 50%
- Bloc Convergence
minoration max 50%
Prix projet
€ t/CO2
Prix projet
€ t/CO2
67
capacité à répondre au critère d’additionnalité. A génération de surface travaillée équivalente, le
nombre de crédits générés et leur prix de vente ne seront donc pas équivalents. Il n’en reste pas
moins que la définition des niveaux de minorations doit relever d’une réflexion d’abord du monde
forestier qui s’assurera ainsi de l’opérabilité mais surtout de la crédibilité de ses actions. Cette
méthode a donc, et avant tout, pour ambition de constituer une base de réflexion pour les forestiers
et leurs partenaires dans la création de projets de compensation.
Ce qu’il faut retenir
- Le prix du carbone est composite. - On peut ouvrir la grille d’analyse aux variables connexes de la valeur du carbone. - Il faut limiter les effets externes sur la valeur du produit en partant du projet et de son coût
réel.
III.1.3 Une approche souple et adaptative
Ainsi, cette approche peut être reprise et ajustée en fonction des projets mais surtout des
contextes locaux. Elle présente l’avantage de ne pas être exclusive en fonction notamment de la
taille et de la nature des projets. La variable du prix projet viendra plus ou moins appuyer l’initiative
en incitant financièrement les démarches propres à générer des crédits carbone par la suite.
Pour autant, et comme on l’a vu en première partie, la forêt est hétérogène et les besoins
diffèrent d’un massif à l’autre. L’effort d’investissement dans une plantation de douglas et dans la
conduite d’éclaircies sélectives dans une futaie jardinée de montagne n’est pas le même. De plus,
une telle méthode implique d’écarter le produit de la vente des bois du calcul. En effet, celle-ci est
sujette à variation et les échelles de temps sur lesquelles s’inscrivent de tels projets trop longues
pour préjuger d’un résultat. De plus la capacité des projets à arriver à un financement de 100% doit
rester l’exception et ceci afin de ne pas déresponsabiliser le propriétaire forestier. Mais, comme le
laisse entendre l’étude du GIP Massif Central citée plus haut, si 90% de la valeur de la forêt réside
dans sa dimension non marchande, alors la production de bois peut devenir annexe. Toutefois, il ne
faut pas oublier que l’une des finalités de la séquestration carbone en forêt réside dans le
prolongement du stockage de CO2 dans les produits bois. On travaille donc sur le coût d’amélioration
de la gestion forestière dans une optique de production de bois allongeant la durée de stockage de
CO2 (du bois d’œuvre) et de génération d’externalités positives durables, la valorisation de crédits
carbone devenant dès lors un revenu additionnel diminuant la charge d’investissement pour le
propriétaire : un paiement pour service environnemental.
Pour autant, en forêt privée, les surfaces à engager pour atteindre un seuil critique en termes
d’effets de l’action induisent la création ou l’usage de structures de regroupements porteuses
d’engagements forts notamment sur l’allocation des moyens issus de la valorisation d’opérations de
compensations. La mise en œuvre d’un tel projet suppose donc des préalables et des niveaux
d’engagements bien spécifiques. De plus, et pour susciter l’attrait de financeurs, les porteurs de
projet doivent travailler la clarté et la transparence du fonctionnement de leur proposition. Il n’en
reste pas moins qu’une coordination à l’amont de ce genre de projet reste incontournable, c’est
l’objet de la partie suivante.
68
Ce qu’il faut retenir
- On peut adapter la méthode en fonction des contextes locaux. - La valeur du bois ne doit pas être déterminante pour la définition du prix projet. - La finalité de la séquestration réside dans la capacité à prolonger le stockage de CO2 dans les
produits bois issus de la gestion sylvicole améliorée.
III.2 Une nécessaire synergie « glocal »
Après avoir évoqué les questions économiques et leur traitement, il convient de s’attacher à
établir le cadre de mise en œuvre de tels projets. Si l’initiative individuelle de groupes de
propriétaires forestiers est à encourager, il faut aussi établir un cadre dans lequel ces demandes
pourront s’insérer. Les règles internationales sont, à l’heure actuelle, inadaptées au contexte de la
forêt privée. Elles sont compliquées et nécessitent une multitude d’intermédiaires extérieurs
conduisant à une hausse du coût du projet significative voir démobilisante pour les éventuels
partenaires financiers. Seulement, et comme on l’a vu, les règles évoluent et offrent une belle
opportunité pour qui sait la saisir et proposer un modèle innovant sans baisser les niveaux de
garanties exigés. Ce travail doit être conduit dans la perspective du traitement d’une question sans
frontière (le changement climatique) qui, cependant, trouve ses solutions dans des actions localisées.
C’est tout l’enjeu de cette synergie « glocale »83 que de remettre en phase les dispositifs
internationaux avec les possibilités des territoires.
III.2.1 Evaluer pour mieux dimensionner
Avant de lancer un projet de compensation on doit d’abord évaluer l’opportunité de
développement du projet. Aucune méthode spécifique à la forêt n’existe à ce jour. C’est pourquoi
l’Institut pour le Développement Forestier développe un protocole d’étude visant à établir un
niveau d’opportunité à la réalisation de projets de compensation. L’ « empreinte carbone forestière
territorial » a été testé lors d’un travail expérimental sur le Pays des Mauges et de la Vallée de la
Sartre84. Il vise à évaluer la capacité des forêts, d’un périmètre défini, à séquestrer du carbone puis, il
dégage des scénarios croisant différentes données : la hausse de l’exploitation forestière, l’incidence
potentielle de l’évolution climatique sur la séquestration de CO2. Le but de ce travail est de faire une
photo de la forêt (dans sa capacité à séquestrer du carbone) à un instant T, de dégager des scénarios
pour l‘avenir et donc de conseiller des pistes d’actions concrètes. Prochainement (en Octobre 2012)
cet outil va être déployé sur les boisements propriétés de la société d’Autoroute Paris Rhin Rhône
afin d’évaluer leur contribution mais surtout les pistes d’améliorations possibles pour la captation
CO2.
83 Contraction des mots global et local 84
Mesure de l’empreinte carbone territoriale pour les pays de la Vallée de la Sarthe et du Pays des Mauges – 2011 – Institut pour le Développement Forestier
69
Ce travail doit encore évoluer pour incorporer les services écosystémiques et l’incidence
d’opérations d’améliorations de la gestion forestière sur ces derniers. Il constitue un outil d’aide à la
décision intéressant mais sa mobilisation reste bien sûr optionnelle. Le principal avantage du « bilan
carbone territorial » réside dans sa capacité à pré établir un organe de mesure des effets du projet à
travers le temps. Il peut être un bon point de départ pour susciter l’intérêt et développer les
éléments abordés dans les chapitres suivants.
Ce qu’il faut retenir
- Il est nécessaire d’établir une méthode d’évaluation homogène. - La méthode doit servir de base à une réflexion quant à l’opportunité d’un tel projet. - Il faut dégager des scénarios d’évolution pour que la méthode devienne aussi un outil d’aide
à la décision.
III.2.2 Le partenariat, incontournable, pour densifier le projet de compensation
On peut identifier deux niveaux de partenariat incontournable pour l’émergence de projets
de compensation au sein des territoires. De cette articulation dépend la reconnaissance du projet
mais surtout sa capacité à fédérer des opérateurs et des financeurs. Il faut insister sur le fait que,
pour le cas de la forêt privée, la difficulté ne réside pas aujourd’hui dans la définition de projets mais
bien dans leur capacité à répondre aux critères du protocole de Kyoto transposés dans les textes
européens. Aussi, un travail important doit être conduit en amont de chaque projet pour établir leurs
conformités et leurs divergences. Le fait de travailler sous le régime de la compensation volontaire
permet une certaine latitude d’action mais les financeurs de telles opérations attendent au final, la
compensation véritable d’émissions de GES.
Le premier niveau de partenariat est à rechercher entre les structures qui traitent des
problématiques « carbone ». Le Club Carbone Forêt Bois constitue en ce sens le maillon idéal pour la
recherche de modes de valorisation répondant aux critères européens et restant déclinables sur le
terrain. Ce groupe de travail a l’avantage de rassembler des opérateurs très divers tels que des
entreprises, des ministères, des administrations publiques ou encore des opérateurs de la
compensation carbone. Si les études produites sont assez riches, il n’en reste pas moins que le lien
avec le terrain s’en trouve un peu perdu dans la jungle des textes nationaux, européens et
internationaux sur la question. Ainsi, les travaux du Club se cantonnent souvent à une approche Top
Down essayant de faire rentrer les propositions de projets de terrain dans un moule inadapté aux
spécificités de la forêt française. C’est là tout l’enjeu du deuxième niveau de partenariat.
Ce deuxième niveau vise à favoriser l’émergence de projets de terrain par un travail qui
relève de l’étude d’opportunité en rassemblant des partenaires locaux. Dans un premier temps, il
parait souhaitable d’évoquer la possibilité avec les détenteurs du produit de compensation : les
propriétaires forestiers locaux accompagnés de leurs structures dédiées (CRPF, syndicat, association
de sylviculteurs, groupement forestier, coopératives…). Si le retour de terrain est favorable, on peut
partager avec les partenaires publiques les éléments du projet. Cette étape est importante et permet
souvent de produire l’effort supplémentaire nécessaire à la création du support d’une telle
opération. De plus, l’appel de fonds publics pour ce genre de projet est facilité par la transversalité
70
de la problématique traitée. Il est également beaucoup plus aisé de justifier de l’usage d’aides dans
ce cadre. Si ce premier levier est actionné, l’action en forêt va gagner en clarté mais surtout en
cohérence. S’il est primordial que l’initiative vienne des détenteurs du produit de compensation, on
peut, dans un second temps, tout à fait imaginer l’agrégation autour du projet d’un programme
régional (type PSADER/CDRA en Rhône Alpes) d’une charte forestière de territoire, d’une
communauté de communes ou encore d’une structure inter régional comme le GIP Massif Central. La
diversité des acteurs publics et donc des moyens mobilisables permettent de réfléchir à l’intégration
du projet dans une action plus large qui convergerait vers un seul objectif la gestion durable de
l’espace forestier local et donc la préservation globale des services écosystémiques.
Pour illustrer cette construction, on peut prendre l’image de deux curseurs qui trouveraient
un point de convergence sur une ligne de jonction.
Figure 19 - Trouver le point de convergence - L Casset
Ainsi, ce mode de construction permet, là encore, la prise en compte des spécificités
territoriales. On adapte par la suite le projet au cadre carbone le plus adapté. Le fait d’associer des
partenaires locaux à la démarche permet dès le départ d’engager une dynamique territoriale et de
mettre en exergue la transversalité de la problématique traitée par le projet. De plus, le caractère
innovant et moderne de l’approche permet de valoriser la responsabilité du propriétaire forestier
passant de l’état passif de détenteur d’un patrimoine à celui d’acteur direct dans le traitement
d’une question mondiale. Ainsi, on densifie l’opération en la replaçant au cœur d’un débat plus
large : celui des services écosystémiques.
Régles internationales (Kyoto) et transposition européenne
Définition de critères nationaux
Cadres de mises en oeuvre possibles
(MOC, compensation volontaire...)
Niveau d'adaptation du
projet
Regroupement de partenaires locaux autour du projet
Elaboration du projet
71
Pour ce faire, encore faut-il que le cadre de mise en œuvre de l’action corresponde aux
possibilités opérationnelles et réglementaires afin notamment de rapprocher le point de
convergence des deux niveaux illustrés précédemment.
Ce qu’il faut retenir
- Il faut faire converger les partenariats nationaux et locaux pour mieux répondre aux réglementations internationales.
- Le forestier ne doit pas rester isolé mais chercher à agréger des partenaires atour de son offre.
- Les projets forestiers de compensation carbone permettent de faire passer le propriétaire d’un état passif de gestion de patrimoine à un état actif de traitement d’une question mondiale.
III.2.3 La définition d’un cadre de mise en œuvre
Définir le cadre de mise en œuvre de telles actions est, comme on l’a montré, assez ardu dès
lors que l’on cherche à correspondre parfaitement aux exigences internationales. Une approche plus
pragmatique permet de dégager trois impératifs essentiels déjà abordés de manière succincte dans
la définition du prix projet : la nature du support de l’action, le type d’engagement pris, la mesure de
l’efficience du dispositif. On doit bien sûr tenir compte de l’hétérogénéité des situations et imaginer
une solution permettant de correspondre à un large spectre de situations sans pour autant perdre
l’objet du projet : la compensation d’émissions de GES dans un processus de valorisation des
externalités positives sur un intervalle de temps long. L’engagement du propriétaire doit donc être
fort et durable ce qui peut passer par un transfert de l’autorité de gestion de son patrimoine vers une
structure ad hoc. Enfin, la taille critique que doit atteindre un projet pour permettre la génération
d’externalités positives de façon efficientes implique forcément, tout du moins en forêt privée, une
agrégation de surfaces.
La nature du support de l’action est l’élément essentiel qui forme la base du projet. Dans
l’exemple du Bas Dauphiné, le support du projet est une ASLGF, cependant d’autres types de support
existent, l’objectif final étant de garantir la cohérence de l’opération et surtout de faire en sorte que
le projet puisse générer des crédits dans l’avenir. L’élément fondamental à analyser est donc la
propension de la structure porteuse d’un projet à fédérer des surfaces de forêt dans le long terme.
On rejoint alors toutes les réflexions autour des structures de regroupement de la gestion de la forêt
privée. Le tableau ci-dessous en fait la liste et mesure leur adaptation au portage de projet de
compensation :
Type de structure Atouts Contraintes
Syndicat ou Association de propriétaires forestiers type Loi 1901
Facilité de création et de gestion au quotidien Présence assez homogène sur l’ensemble du territoire
Pérennité des adhésions très difficile Regroupe des propriétaires et pas des parcelles
Coopérative forestière Présence assez homogène sur l’ensemble du territoire
Regroupe des propriétaires et pas des parcelles
72
Dispose d’outil tel que le contrat de gestion pour la mise en œuvre des objectifs
Risque de collusions d’intérêt impactant l’impératif de transparence du projet
ASA GF Fort niveau de garantie quant à la pérennité des objectifs Permet d’anticiper les problématiques de transmission ou de vente du patrimoine
Lourdeur de mise en œuvre puis de suivi Périmètre à définir dès la création, possibilités d’évolutions limitées
ASL GF Regroupe des parcelles forestières Permet d’anticiper les problématiques de transmission ou de vente du patrimoine
Retrait possible du propriétaire à tout moment malgré des pénalités statutairement établies Périmètre et champs d’action de la structure difficile à établir dès le départ (massif forestier, type de peuplement, type de propriété…)
Groupement Forestier Regroupe des surfaces au sein d’une même entité Limite l’incidence sur les propriétés des problèmes liés à la transmission ou à la vente des parts sociales
Déresponsabilise le propriétaire qui devient actionnaire Surface et périmètre difficile à rendre efficient pour l’objectif recherché
Figure 20- Adaptation de différentes structures de gestion groupée au portage d'une opération de compensation carbone - L Casset
Si les deux premières structures (association loi 1901/syndicat et coopérative forestière)
offrent l’avantage d’être déjà bien présentes sur l’ensemble du territoire national, leur capacité à
engager des surfaces plus que des propriétaires peut être un facteur limitant pour la tenue
d’engagement. Les associations syndicales (libres et autorisées) traitent ce problème en agrégeant
des surfaces, elles offrent également de belles opportunités quant à la planification d’une gestion
forestière si leur périmètre et leurs champs d’action ont été préalablement bien définis. Leurs
administrations restent cependant assez lourdes et encore plus pour les ASA où les règles de
comptabilité publique s’appliquent. Ainsi, la structure idéale à l’heure actuelle pour le portage
d’opération de compensation semble être le groupement forestier. En effet, cette structure juridique
présente l’avantage de former une entité homogène répartie entre porteurs de parts permettant la
conduite d’opérations sur l’ensemble de son périmètre et de manière durable. Cependant, on peut
s’interroger sur l’efficience de la structure qui dépendra beaucoup de la taille de la propriété.
A l’heure actuelle, le niveau le plus abouti qui garantit de la façon la plus sérieuse la
réalisation des engagements pris serait un document de gestion définissant le calendrier des coupes
et travaux et reprenant les objectifs recherchés pour les parcelles engagées. Ce type de document
existe et prend la forme d’un Plan Simple de Gestion qui peut être groupé (plusieurs propriétés dans
un même document). Il peut être porté par toutes les structures citées précédemment toutefois les
structures regroupant des parcelles plus que des propriétaires offrent un niveau de visibilité et de
cohérence supérieur. Le cas de l’ASLGF du Bas Dauphiné est à ce titre intéressant car il regroupe des
parcelles de forêts que leurs propriétaires engagent dans un document de gestion groupée mis en
73
œuvre par un prestataire extérieur. Une coopérative pourrait faire la même chose en émaillant son
territoire d’actions de PSG groupés en fonction des types de peuplement ou de zones géographiques
localisées permettant la valorisation d’externalités bien précises. Seulement, le risque de la collusion
des intérêts (gestion, organisation et mise en vente de produits forestiers ou non) peut porter
préjudice à la transparence et donc à la cohérence d’une action. L’indépendance des propriétaires
du produit de compensation est primordiale pour établir les responsabilités mais surtout les règles
d’engagement entre opérateurs et acquéreurs du produit de compensation. Des niveaux
intermédiaires d’engagement peuvent exister, ainsi un document contractuel local et ponctuel peut
tout à fait suffire à la réalisation d’une opération mais pose la question de la permanence des
externalités générées.
C’est tout l’objet de la mesure de l’efficience du dispositif qui relèvera de trois axes :
- Un axe temporel qui, évaluera la pérennité des externalités générées
- Un axe « engagement individuel » qui apportera des informations quant au niveau
d’engagement de la responsabilité du propriétaire notamment dans le cas de cession à
un tiers de ses propriétés
- Un axe « risque exceptionnel » qui établira l’anticipation du traitement de questions liés
à la perte des externalités générées suite à un aléa extraordinaire (climatique, criminel…)
Fort de ces trois niveaux d’analyses, on peut alors établir un cadre de mise en œuvre pour
orienter l’émergence de projets et s’ouvrir la possibilité de répondre de la manière la plus
opérationnelle possible aux exigences permettant la génération de quotas carbone.
Figure 21 - Cadre de mise en œuvre d'un projet de compensation - L Casset
Projet de compensation
Support d'agrégation des surfaces du projet
Engagement de pérennisation des externalités générées
Encadrement de la mise en oeuvre des objectifs
74
La définition du cadre de mise en œuvre relève ainsi de choix qui peuvent être établis au niveau
national mais tout aussi bien régional ou territorial et notamment dans le cadre de l’élaboration d’un
fonds carbone. La construction de ce cadre relève de la recherche d’un équilibre entre le niveau de
garantie exigé et l’opérabilité des projets proposés. C’est pourquoi il doit s’inscrire dans une
réflexion partenariale où les porteurs de projets et les financeurs potentiels peuvent partager leurs
difficultés et leurs objectifs. Les collectivités locales ont un rôle tout à fait primordial à jouer dans ce
type de réflexion car elles disposent de moyens propres à enclencher les dynamiques locales à
travers par exemple, les dispositifs Plan Climat Energie Territoire85, contrat de territoire corridors
biologiques86 ou encore trame verte et bleu87. L’important est que l’action carbone locale s’engage
dans un cadre d’action global pour le traitement d’une question transversale portée par une
cohérence forte et partagée.
Ce qu’il faut retenir
- Il est nécessaire de créer des structures permettant de pérenniser collectivement les engagements pris individuellement.
- Le groupement forestier semble être la structure idéale au portage d’opération de compensation.
- Il faut trouver le juste équilibre entre garanties apportés et opérabilités des projets.
III.3 Vers une cohérence d’action
Cette dernière partie pose les bases d’une action carbone coordonnée à l’échelle de la
Région Rhône Alpes. Elle a pour ambition d’esquisser les possibilités de développement autour de la
question en identifiant des préalables et surtout des outils de mise en œuvre opérationnelle. Cette
proposition souhaite impulser un nouvel élan aux politiques d’appui à la forêt privée dans une
synergie d’actions visant à l’intensification de la gestion durable des forêts. Rappelons alors que le
préalable à toutes les pistes d’actions qui sont évoquées ci-dessous repose sur une structuration des
propriétaires privés et sur une volonté à s’engager dans des démarches lourdes de gestion en
commun de leur patrimoine forestier. Si l’argument économique est un point d’entrée, gardons à
l’esprit que l’attachement des propriétaires à leurs forêts reste fort88. Il s’agit donc, à travers une
démarche de gestion durable de la forêt, dans sa capacité de réponse aux enjeux de nos sociétés
modernes, de valoriser un état, celui de propriétaire forestier, en l’engageant dans une démarche
85
Le Plan Climat-Energie Territorial (PCET) est un projet territorial de développement durable dont la finalité première est la lutte contre le changement climatique. Institué par le Plan Climat National et repris par les lois Grenelle 1 et le projet de loi Grenelle 2, il constitue un cadre d’engagement pour le territoire. 86
Le Contrat de territoire « corridors biologiques » en Rhône-Alpes est destiné à soutenir des acteurs locaux dans la conduite de projets opérationnels visant à préserver ou restaurer la connectivité écologique d’un territoire. 87
La Trame verte et bleue est une mesure phare du Grenelle Environnement qui porte l’ambition d’enrayer le déclin de la biodiversité au travers de la préservation et de la restauration des continuités écologiques. 88 Voir résultats étude RESOFOP annexe 8
75
ambitieuse et dynamique ou la reconnaissance de l’effort consenti permet la valorisation
économique de services non marchands.
III.3.1 Appuyer à la création d’un label national
Comme on l’a dit plus haut, les possibilités offertes par l’évolution des règles internationales
et européennes en termes de reconnaissance de la place de la forêt, ouvrent de nouvelles
possibilités. La France, par sa culture forestière, est tout à fait à même de travailler à la construction
d’un label de certification national qui viendrait s’intégrer dans le cadre européen. Ce label viendrait
préciser les variables évoquées au chapitre III .2.3 « Vers la définition d’un cadre de mise en œuvre »
et permettrait la prise en compte des spécificités de l’espace forestier national. Ce dispositif offrirait
la possibilité de fédérer les projets territoriaux dans un cadre harmonisé pour faciliter leur lisibilité
face aux financeurs. Il offrirait également la possibilité de traiter d’égal à égal avec les grands
standards de certification internationaux (certifiés par l’ONU) pour adapter le cadre aux possibilités
et pas l’inverse. Ce label pourrait ainsi porter la certification de l’ensemble des crédits carbone
générés par les différents projets territoriaux renforçant encore la massification et la clarté de l’offre
de compensation.
Si les demandes des financeurs résident principalement dans des opérations de
compensation, il existe également un marché de la compensation environnementale tel que celui des
mesures compensatoires. Ainsi cet outil pourrait également développer différents niveaux de
labellisation en fonction des opportunités mais surtout de la variété des projets déposés. Il offrirait
également un dénominateur idéal pour la mise en œuvre de fonds carbone régionaux qui se
multiplient à l’heure actuelle. Soyons clair, son but ne serait pas de capter des moyens financiers
mais bien d’offrir un niveau de garantie homogène, adapté aux demandes des financeurs et aux
possibilités techniques de terrains.
L’action régionale doit appuyer au développement de cette entité unique car l’atomisation
des structures et la multiplication des types de certificats ne peuvent que nuire à la visibilité (sur le
marché international de la compensation) et à la fiabilité (en termes de niveau de garantie) des
projets nationaux. De plus, dans la recherche d’un bras de levier le plus efficient possible, il faut
travailler plus que jamais à la mise en cohérence d’un discours national par une structure spécialisée
et dédiée.
Ainsi, très concrètement, ce label aurait pour but de définir des itinéraires de gestions
sylvicoles présentant un niveau d’externalités positives optimal tant sur le plan de la séquestration
carbone que sur celui des services écosystémiques. Il pourrait également porter une norme de calcul
unique pour l’ensemble du territoire qui soit facilement mobilisable par les acteurs de terrain tant
dans la définition du projet que dans son suivi par la suite. Son rôle serait également d’apporter aux
partenaires des projets territoriaux des garanties en terme de pérennité des crédits. A ce titre, l’Etat
français pourrait lui attribuer annuellement un nombre de crédits carbone en fonction des projets
labellisés (comme il alloue des crédits aux industries). Ses crédits constitueraient un fonds de
garantie mutualisé garantissant pour parer à l’occurrence de phénomènes exceptionnels. Enfin, le
76
label aurait pour responsabilité le suivi des projets durant leur période d’engagement en réalisant les
contrôles nécessaires à la preuve de pérennité des crédits générés.
Figure 22 - Un label national pour quoi faire? - L Casset
Ainsi, ce label français de la compensation carbone pourrait, sans se substituer aux
mécanismes de financement, devenir un relais technique opérationnel (tant sur la capacité des forêts
à séquestrer du carbone que sur les produits bois) et résolument compétitif à l’échelle européenne.
Innovant, il pourrait préfigurer un modèle européen qui fort de sa connaissance des enjeux de
terrains pourrait avoir un travail de lobbying efficace lors de la prise de décisions politiques et
économiques.
Comme je l’évoquais, la force d’un projet réside dans sa capacité à mobiliser des acteurs, qu’il
s’agisse des propriétaires du produit de compensation ou des acquéreurs potentiels. Cette
implication, ajoutée aux possibilités de financement, forme un catalyseur des plus efficaces.
Pour autant, le travail nécessaire à l’émergence d’un tel projet n’est pas toujours évalué. Comme on
l’a vu dans l’exemple du Bas Dauphiné, l’opération de compensation est permise par un travail
préalable autour du support mais surtout par l’encadrement du projet. C’est là que la dimension du
couplage des moyens publics et privés intervient.
Ce qu’il faut retenir
- La création d’un label national permettrait d’anticiper et d’encadrer l’adaptation des projets à l‘évolution des règles internationales.
- Ce label devrait porter des itinéraires de gestion identifiés et calibrés ainsi qu’une norme de calcul unique pour l’évaluation de la séquestration de CO2 en forêt.
- Il s’agit d’établir un relais technique opérationnel et réactif.
Définition d'une norme de calcul national et validation d'itinéraires sylvicoles à externalités positives
Labellisation de projets nationaux
Fonds de garantie mutualisé pour la
pérennité des crédits générés
Gestion de la comptabilité des crédits générés
Interface avec les labels internationaux pour la certification de crédits
Suivi des projets durant leurs périodes
d'engagements
77
III.3.2 Associer les sources de financement
On revient ici dans l’action régionale et dans sa capacité à orienter l’action privée par
l’allocation de moyens ciblés. La mise en place de fonds carbone régionaux permet dès lors de
concentrer des moyens orientés vers la génération de crédits carbone. Cependant et à ce jour, aucun
des fonds carbone opérants n’a généré de crédits valorisables suivant les mécanismes
internationaux. Le problème de l’adéquation des moyens aux besoins réels se pose alors. La forêt, et
encore plus la forêt privée, a avant tout besoin de réflexion sur son orientation à long terme.
Comment un propriétaire forestier peut-il s’engager dans un dispositif lourd de cession de crédits
carbone dès lors que la connaissance de son patrimoine relève de l’abstrait ? L’usage idéal des
moyens publics serait donc avant tout dans l’appui à l’émergence d’une réflexion sur la qualité du
patrimoine forestier et dans la reconnaissance de la responsabilité de son propriétaire vis-à-vis de la
société. Pour illustrer cette idée reprenons l’exemple du Bas Dauphiné.
Si, à l’origine, l’ASLGF n’avait pas bénéficié d’une aide de la Région Rhône Alpes à
l’élaboration de son Plan Simple de Gestion groupé, ce document qui a permis d’atteindre le niveau
de garantie attendu dans le cadre de l’opération de compensation aurait-il existé ? On peut
effectivement en douter. Cette aide a donc donné l’élan pour une réflexion sur l’intérêt d’un tel
document et sa valorisation. On peut dérouler assez loin ce genre de réflexion en allant jusqu’à se
demander si, les conditions de la création d’une structure de gestion en commun à l’initiative de
propriétaires, auraient été réunies sans une réflexion plus large autour de la place de la forêt
demain ? Le rôle des financeurs publiques est capital et peut constituer le point de bascule pour
l’aboutissement d’un projet de compensation.
Comme on l’a montré dans la définition d’une méthode de calcul d’un prix projet (chapitre
II.1.2), le financement sera souvent en deçà des 100%. Aussi quand le prix projet présente un écart
trop grand avec le coût réel, les moyens publics peuvent tout à fait venir appuyer à l’aboutissement
de ce dernier. Ils peuvent le faire de manière directe (prise en charge d’une partie de la différence
coût projet/coût réel) ou d’une manière indirecte (prise en charge des frais de labellisation, du coût
de création du support ou encore du coût de l’encadrement de l’opération). Encore une fois, on peut
appeler l’expérience menée en Bas Dauphiné qui a également permis de tester sur le terrain le
couplage d’aides privés et publiques.
En amont de l’opération de compensation, la structure a bénéficié du programme d’aide aux
opérations sylvicoles de la Région Rhône Alpes. Elle a ainsi bénéficié d’aides au martelage en futaie
irrégulière (100% du montant hors taxe des travaux) mais également d’une aide au déficit
d’exploitation (50% du déficit d’exploitation HT). L’opération de compensation a permis de mobiliser
800€/ha pour un coût projet à 2 000€/ha.
Ainsi pour résumer :
Récapitulatif Compensation carbone en Bas Dauphiné (prix TTC/ha)
Martelage 250€
Bucheronnage + débardage 1 500€
Aide Région (martelage + déficit exploitation) 804€
Recette compensation Banque Neuflize OBC 800€
Reste à payer au propriétaire 146€ Figure 23 - Récapitulatif financier compensation carbone en Bas Dauphiné - L Casset
78
Le coût projet de l’opération ASLGF/Banque Neuflize s’élevait à 1 750€/ha pour un coût réel
(coût projet déduit de la valeur de vente des bois) de 1650€/ha. Ainsi dans ce cadre expérimental,
46% du coût projet a été couvert par les financements publiques, 46% par le financement privé et 8%
par le propriétaire. Cette démonstration illustre ainsi le couplage possible de financements privés et
publics. S’il ne présente que la part de la Région Rhône Alpes en tant que financeur public, il n’en
reste pas moins que les leviers sont multiples. Ainsi, on pourrait retrouver en complément ou à la
place de la Région, une commune, une collectivité locale, ou un programme type PSADER, PCET…
L’action publique prend alors une autre dimension replacée dans un dispositif cohérent, efficace et
agissant en synergie.
Du côté des financeurs privés, les possibilités sont tout aussi multiples, allant de la PME
locale à la multinationale, on pourrait même imaginer un dispositif de compensation territorial porté,
par exemple, par une agence de développement économique ou un regroupement d’entreprises et,
pourquoi pas, par une association de consom’acteurs. Ce sont les propriétaires du produit de
compensation qui détiennent les clefs de leur succès en élaborant une offre correspondant aux
attentes du niveau de partenariat qu’ils jugeront le plus adapté.
Mais faire converger des moyens nécessite un dernier niveau de coordination pour traiter
entre autre de la question des flux financiers mais surtout du niveau d’accompagnement nécessaire à
l’homogénéisation d’un dispositif.
Ce qu’il faut retenir
- Un projet peut agréger plusieurs niveaux de financement. - Les aides publiques permettent, en amont, d’appuyer à l’émergence des projets. - Les possibilités de financement privés sont proportionnelles au nombre d’acteurs
économiques.
III.3.3 Créer un organe de coordination régionale
Dernier étage de la proposition, la mise en place d’une structure de coordination. Cette structure
aurait pour principal objectif d’accompagner le développement de projet à externalités positives.
Pour ce faire elle devra être en capacité d’apporter une expertise de terrain tout en prenant en
compte le cadre de mise en œuvre qui serait défini. Rappelons alors que l’objectif n’est pas de
travailler sur la quantité mais bien sur la qualité des projets, en les orientant toujours vers la
génération de crédits carbone de façon additionnelle ou pérenne, et ce, à plus ou moins long terme.
Cet outil de coordination devra travailler en lien étroit avec le label national et notamment pour ce
qui est du contrôle des projets pendant leur durée d’engagement mais également quant à
l’identification d’itinéraires sylvicoles à externalités positives. Enfin, cette structure devra être en
capacité d’assurer la maîtrise d’ouvrage de projets pour parer à un problème important quant à la
mobilisation de moyens publics. En effet, si on connait une multitude d’opérateurs capables de
réaliser des maîtrises d’œuvres, on rencontre de grandes difficultés pour le portage des actions.
L’outil que l’on cherche devra dès lors pouvoir se positionner en tant que maître d’œuvre pour le
portage des projets de territoire permettant de faire converger les flux financiers et réglementaires
79
vers un seul opérateur. Cette position aurait l’avantage de mieux intégrer l’interface « glocale »
évoquée avant et surtout d’assurer un financement pour la mise en œuvre de l’objet de la structure.
Dans cette perspective et toujours dans la recherche d’un haut niveau de garantie, l’outil de
coordination pourrait assurer la gestion des flux financiers en servant notamment d’interface entre
acquéreurs et créateurs de projets par l’intermédiaire d’un fonds dédié. Ceci pour ouvrir deux
possibilités :
- La mise en œuvre d’un outil programmatique (échelonnement des actions de terrain
pour un projet global par exemple) qui nécessiterait des moyens financiers avant
l’aboutissement total de l’objet du projet.
- La preuve de l’usage de fonds à la réalisation des engagements définis (un apprentissage
du partenariat ASLGF/Neuflize)
Ainsi, le rôle même de ce genre d’outil serait d’assurer la mise en œuvre d’un fonds carbone régional.
Si l’appellation « fonds carbone » est la plus couramment utilisée, on l’entend ici dans le cadre d’un
fonds regroupant des moyens publiques et privés pour le développement/la pérennisation
d’externalités positives forestières. Ce fonds pourrait donc appeler des moyens issus du secteur
privé, du secteur public mais pourrait aussi gérer des programmes de compensation. Ainsi, ce fonds
de soutien aux externalités positives forestières, pourrait couvrir de son action des opérations
d’amélioration très diverses, par exemple :
- La conduite d’éclaircie et/ou de coupes d’amélioration (accompagner la dynamique de
séquestration CO2 par unité de surface),
- La réalisation d’élagage, de taille de formation (pour augmenter la part de bois d’œuvre
dans le produit final)
- La mobilisation de moyens d’exploitation spécifiques et adaptés aux milieux travaillés
(outil à chenille ou cheval en milieu humide, câble mât en zone de montagne…)
- La mise en œuvre coordonnée de mesures inscrites dans les documents d’objectifs
Natura 2000
Le fait de confier la mise en œuvre d’un tel fonds régional à une entité dédiée permettrait d’assurer
un fonds de roulement à l’action de la structure évitant de trop grandes tensions économiques
pouvant influer de manière importante sur les choix techniques.
Il existe un nombre assez important de structures possibles. Après étude de celles-ci, celle
qui répondrait le mieux aux critères déclinés plus haut serait une agence de développement (type
agence de développement économique) reconnue d’intérêt général. Le statut d’une agence de
développement relève de celui des associations loi 1901 et son outil de gouvernance réunit à la fois
des chefs d’entreprises, des élus des collectivités, des représentants des syndicats de salariés,
patronaux et des chambres consulaires, des universitaires, etc. En cela, elle serait un lieu privilégié de
concertation entre les acteurs locaux, leur permettant de définir des stratégies partagées et de
proposer des actions adaptées à leur territoire. De plus, la plupart des agences rassemblent, au sein
d’équipes légères (12 personnes en moyenne), des profils à haut niveau de compétences
(économistes, ingénieurs, commerciaux, etc.). Elles sont ainsi très opérationnelles et réactives pour
répondre de manière spécifique aux besoins des entreprises. Un tiers d’entre elles sont certifiées ISO
80
9 00189. On voit dès lors les possibilités d’adaptation d’un tel outil à notre problématique et on ne
peut que renforcer son action en lui confiant la responsabilité de mise en œuvre d’un fonds carbone
régional. De plus, au regard de son champs d’action et à terme, une structure regroupant 6
personnes serait suffisante pour l’ensemble de la Région Rhône Alpes (un agent pour les Savoie, un
agent pour la Drôme Ardèche, un agent pour l’Ain et le Rhône, un agent pour l’Isère et la Loire, un
agent comptable, un coordinateur régional).
Enfin et compte tenu des dispositions de la loi d’orientation sur la forêt de 2001 dans son
article 1er : « Art. L. 1er. - La mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d'intérêt
général. La politique forestière prend en compte les fonctions économique, environnementale et
sociale des forêts et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable.
[…]90 », la reconnaissance de l’action d’une telle agence dans la perspective de l’intérêt général prend
tout son sens. Le rôle d’un tel opérateur à l’échelle de Rhône Alpes relèverait de quatre dimensions
majeures qui répondraient à une seule problématique : la valorisation de la foresterie pour ses
externalités positives, elle pourrait prendre le nom de ForestCare (pour Foresterie éco-responsable).
Figure 24 - Le rôle de l'agence ForestCare - L Casset
L’agence ForestCare viendrait donc s’inscrire en interface des acquéreurs et producteurs de projets
de compensation. Elle permettrait d’intensifier les synergies, d’homogénéiser un message régional
tout en valorisant les spécificités territoriales. Avec un dimensionnement opérationnel et des modes
de financements pérennes, il lui reviendra, par l’intermédiaire de son mode de gouvernance,
d’établir un cadre de mise en œuvre régionale optimal et un mode de calcul du prix projet souple par
son adaptabilité et cohérent dans sa finalité.
89
In : Fédération des agences économiques et des comités d’expansion - http://www.cner-france.com/ 90 In : LOI no 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt – source : LegiFrance
ForestCare Rhône Alpes
Expertise en appui à
l'émergence de projets
Maitrise d'ouvrage pour des projets de
territoire
Lien avec le label
national
Centralisation de moyens
financiers à travers un fonds carbone régional
81
Toutefois, sa capacité à accompagner des projets et, donc, l’efficacité de son action dépendra de
l’acceptation du rôle de cette structure par les opérateurs déjà installés. En ouvrant son mode de
gouvernance aux partenaires forestiers (à travers France Bois Forêt par exemple), aux collectivités
locales (association d’agglomération, Département, Région) et aux entités environnementales, elle
devra trouver les moyens de créer une convergence entre des intérêts souvent divergeant. Son
impartialité, tant idéologique que financière, est donc un élément clef pour le traitement d’une
question au cœur des enjeux actuels.
Ce qu’il faut retenir
- Un outil de coordination régional intervenant de façon ponctuelle à la demande des territoires.
- Un outil de gestion des flux financiers liés à la compensation carbone régional par l’intermédiaire d’un fonds carbone.
- Une agence de développement légère et spécialisée pouvant servir d’intermédiaires ou de structures de portages de projets locaux.
82
Conclusion : Les moyens de la valorisation des externalités positives forestières dans une
démarche régionale opérationnelle et partagée
La dernière partie de ce mémoire visait à établir des possibilités de valorisation des services éco systémiques forestiers par la valorisation du carbone séquestré par ces milieux. Dans un premier temps, nous avons rappelé les conditions d’usage du vocable « compensation carbone ». Ce rappel est tout à fait primordial face à la multiplication de dispositifs qualifiés comme tels mais ne répondant pas aux exigences réglementaires internationales associées. Aussi, on peut s’interroger sur l’usage « carbone » du produit de la vente des quotas nationaux. On peut craindre que derrière les bonnes intentions se cache le spectre du vieux Fonds Forestier National, qui pour le coup était assez loin de ces questions par, notamment, sa politique d’enrésinement et d’uniformisation des types de peuplement. Aujourd’hui, la réflexion autour du carbone n’appartient pas qu’au monde forestier. S’il peut être force de proposition c’est d’abord à la société civile, à travers ses organes de représentations, de juger de l’opportunité de l’usage de moyens publics et encore plus dans nos temps de difficultés économiques.
Nous avons ensuite traité de la façon de valoriser financièrement un crédit carbone en
fonction de variables multiples. Pour ce faire, nous nous sommes dégagés des méthodes
traditionnelles pour replacer la fenêtre d’analyse sur le coût réel d’une opération de pérennisation
ou de développement des externalités positives. Le carbone constitue alors une valeur chapeau, un
dénominateur commun pour l’ensemble des services éco systémiques identifiés. La méthode
présentée se veut adaptative et transparente en positionnant le projet et ses partenaires au centre
d’une réflexion autour de la valorisation de leur produit de compensation. Cela rejoint la
préoccupation de création d’une synergie « glocale » visant à faire converger les exigences
réglementaires avec les possibilités de terrain. C’est à ce titre que l’on évoque ensuite les éléments
de définition du juste cadre de mise en œuvre qui doit pouvoir agréger physiquement et
durablement des surfaces. Le groupement forestier parait être la forme de réponse la plus adaptée
tant dans sa forme que dans ses garanties pour pérenniser des objectifs exigeants. Cette forme de
structure ouvre également la voie à une réflexion autour d’un revenu minimum annuel garanti pour
les projets des propriétaires qui apporteraient, dans le cadre d’un projet local, leurs parcelles. Ce
revenu minimum garanti s’appuierait sur une rente versée par une collectivité et/ou une structure
privée pour la préservation pérenne d’un écosystème forestier et de ses externalités (protection de
captage….). Le niveau de cette rente pourrait être de 12€/ha et par an, le seuil de recouvrement de la
Taxe sur le Foncier Non Bâti91 (TFNB) et viendrait compléter les revenus issue de la vente des bois. Ce
dispositif permettrait de mieux contrôler les surfaces forestières du projet et de mieux gérer les
phénomènes de transmission du patrimoine notamment.
Et pour finir, nous avons esquissé les grandes lignes d’un programme régional coordonné
s’appuyant sur trois entités : une structure nationale porteuse d’un label de garantie des projets de
compensation, un fonds de soutien aux externalités positives forestières permettant la convergence
de moyens financiers (privé et public) pour rendre lisible les opérations régionale et une agence
chargée de la mise en cohérence des projets jouant également le rôle d’interface entre acquéreurs et
vendeurs du produit de compensation et entre le label national et les projets réalisés au sein des
territoires. Ce triptyque se veut résolument opérationnel : il vise à rendre audible un message de
filière et visible une action de terrain transversale et concertée.
91
Les taxes foncières assises sur le non-bâti sont, en principe, redevables par tous les propriétaires d'un terrain, quelle que soit sa nature.
83
84
Conclusion générale
Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement
local dans une économie régénérative
Le travail présenté au fil des lignes a permis, tout d’abord, de faire le point sur la situation de
la forêt française. Au fil des ans, les problématiques lourdes auxquelles cet espace doit faire face,
glissent peu à peu de la production vers la protection. Dès lors, comment valoriser une ressource
immatérielle ? Si les services écosystémiques sont bien identifiés, il reste difficile de les évaluer
économiquement. Combien vaut un paysage naturel dans lequel réside une partie de l’attractivité
d’un territoire, combien vaut un couvert forestier permettant une meilleure régulation des
précipitations influant directement sur les productions agricoles, combien vaut la verte chlorophylle
pour son pouvoir apaisant ? S’il est difficile de répondre à ces différentes questions, il est encore plus
délicat d’établir notre propension à payer pour ces services. Les marchés du carbone permettent
aujourd’hui de mobiliser des moyens financiers conséquents. L’apport de la forêt est reconnu pour
son rôle positif dans l’atténuation du changement climatique. Rien n’empêche donc le
développement de projets établissant une valeur unique dont le dénominateur commun serait
l’unité de carbone.
Si les grands engagements internationaux dessinent des orientations globales, c’est au cœur
même des territoires que peuvent naître les idées concrètes pour apporter une solution aux
prochains défis de l’humanité. Ainsi, les forestiers doivent resituer leur action en identifiant les
différents niveaux de valeurs de la forêt. Ils doivent apprendre à valoriser la valeur de convenance
des services écosystémiques qu’ils protègent ou pérennisent par leurs actions sylvicoles. Ainsi, le
forestier doit assumer une responsabilité lourde, celle de la préservation d’externalités positives
fragmentées entre une multitude de propriétaires. Pour l’aider à assumer cette responsabilité, la
place de la société civile à travers ses outils de gouvernance est alors primordiale. Et si la question de
la forêt n’appartenait plus aux seuls forestiers ?
Les préoccupations au sein des territoires sont assez symptomatiques de cet état de fait.
C’est souvent le problème des conflits d’usages qui amènent les élus locaux à s’intéresser à l’espace
forestier. Par exemple, le cercle des acteurs des chartes forestières de territoire s’élargit peu à peu
aux centres équestres, associations de randonneurs (à pied ou motorisé) et associations de chasse.
La finalité économique et productive de la forêt s’en trouve peu à peu oubliée au profit des questions
d’usages de l’espace.
C’est ainsi que la forêt devient un bien commun ou l’hybridation des fonctions économiques,
écologiques et sociales relève de réflexions locales. Espace stratégique d’indépendance énergétique,
d’attractivité du territoire, et de création de valeur ajoutée économique et écologique, la forêt est
plus que jamais au cœur de tensions grandissantes. Il faut alors prendre du recul et imaginer l’espace
forestier de demain. La forêt peut redevenir une ressource territoriale, moteur du développement
local, en contribuant au rebond d’une économie rurale trop souvent moribonde. Ainsi, comme on
régénère les taillis de châtaigniers, on peut créer les conditions d’une économie régénérative dans
une proposition « carbone » visant à valoriser une tradition séculière de foresterie à la française.
85
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Bibliographie
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Autres La Commission Européenne et son action pour le climat http://ec.europa.eu/policies/climate_action_fr.htm Le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt http://agriculture.gouv.fr/foret-bois Le Ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Eau-et-Biodiversite,5772-.html Les marchés du carbone expliqués par la mission climat de la Caisse des Dépôts et Consignation http://www.cdcclimat.com/Les-marches-du-carbone.html Le portail des forestiers privés http://www.foretpriveefrancaise.com/ Le site du GIP Ecofor porteur de l’étude Carbofor http://www.gip-ecofor.org/ Le site du GIP Massif Central http://www.gip-massif-central.org/ North America Commission for Environmental Cooperation http://www.cec.org/ Le site des Nations Unies relatif au protocole de Kyoto http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/items/3274.php Le Verified Carbon Standart http://v-c-s.org/
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Table des figures
Figure 1 - Grille des scénarios - Des scénarios pour d'avenir pour la forêt, l'industrie du bois et leurs liaisons au
territoire - Isabelle Savini et Bernard Cristofini – Dossier de l’environnement de l’INRA N°20 –Octobre 2000 ..... 21
Figure 2 Evolution du prix de la tonne de carbone sur le marché européen EU ETS source : BlueNext/ECX ......... 26
Figure 3 Le cycle vertueux Source Le Carbone édité par France Bois Forêt en 2012 ........................................... 28
Figure 4 - Le Bas Dauphiné - L Casset ............................................................................................................... 33
Figure 5 – Photo Le Bas Dauphiné, une forêt feuillus de plaines et collines - Source GAL Leader+ Chambaran ... 34
Figure 6 - Coordination inter structures en Bas Dauphiné - L Casset.................................................................. 43
Figure 7 – Les raisons de l’adhésion à l’ASLGF - Enquête auprès de membres de l'ASLGF Bas Dauphiné - Juin 2010
- L Casset ........................................................................................................................................................ 45
Figure 8 - Les rouages de l'ASLGF du Bas Dauphiné - L Casset ........................................................................... 47
Figure 9 - L'ASL dans son rôle de catalyseur entre les propriétaires et les professionnels - E Esmenjaud -
AgroParisTech/Mémoire de fin d'étude - Juillet 2011 ....................................................................................... 48
Figure 10 - Analyse MOFF ASL GF au sein d'un territoire - L Casset ................................................................... 50
Figure 11 – Evolution de la séquestration carbone dans un projet de conversion de taillis en futaie irrégulière -
Source CDC Climat........................................................................................................................................... 53
Figure 12 – Photo Eclaircie CO2 Le Mottier - L Casset - 2011 ............................................................................. 55
Figure 13 - Les bons ingrédients d'un projet de compensation - L Casset .......................................................... 57
Figure 14 - L'opération de compensation, une action ponctuelle d'appui à la pérennisation d’un patrimoine - L
Casset ............................................................................................................................................................. 58
Figure 15 – Le bloc Base - L Casset .................................................................................................................. 64
Figure 16 – Le bloc Permanence - L Casset ....................................................................................................... 64
Figure 17 - Le bloc Convergence - L Casset ....................................................................................................... 65
Figure 18 - Construction du prix projet - L Casset ............................................................................................. 66
Figure 19 - Trouver le point de convergence - L Casset ..................................................................................... 70
Figure 20- Adaptation de différentes structures de gestion groupée au portage d'une opération de
compensation carbone - L Casset .................................................................................................................... 72
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Figure 21 - Cadre de mise en œuvre d'un projet de compensation - L Casset ..................................................... 73
Figure 22 - Un label national pour quoi faire? - L Casset ................................................................................... 76
Figure 23 - Récapitulatif financier compensation carbone en Bas Dauphiné - L Casset ...................................... 77
Figure 24 - Le rôle de l'agence ForestCare - L Casset ........................................................................................ 80
92
Table des matières
Remerciements _____________________________________________________________ 1
Liste des sigles ______________________________________________________________ 4
Introduction _______________________________________________________________ 6
I La forêt française et les marchés du carbone quels liens ? _________________________ 12
I.1 Un passif difficile à assumer ___________________________________________________ 12
I.1.1 Depuis 30 ans, le déficit de la balance commerciale _____________________________________ 12
I.1.2 La sous exploitation de la forêt française ______________________________________________ 14
I.1.3 La perspective de l’évolution climatique ______________________________________________ 17
I.2 Biomasse et biodiversité : la forêt, pomme de discorde _____________________________ 18
I.2.1 Une schizophrénie un peu embarrassante _____________________________________________ 18
I.2.2 Des scénarios pour l’avenir ________________________________________________________ 20
I.2.3 Internaliser les externalités environnementales ________________________________________ 22
I.3 Le carbone, un simple produit financier ? ________________________________________ 24
I.3.1 La réaction des Etats : la CNUCC et le protocole de Kyoto ________________________________ 25
I.3.2 La place de la forêt _______________________________________________________________ 27
I.3.3 Des propositions concrètes pour 2013 : le Fonds Forestier Stratégique Carbone _______________ 30
II Un outil pour répondre aux défis de la forêt privée : l’ASLGF du Bas Dauphiné ________ 34
II.1 Le Bas Dauphiné un territoire forestier sans culture sylvicole ________________________ 34
II.1.1 Paradoxalement une économie forestière très dynamique _______________________________ 35
II.1.2 Et classiquement une propriété forestière très morcelée ________________________________ 37
II.1.3 La desserte en forêt : une partie de la solution_________________________________________ 39
II.2 L’ASLGF, l’amorce d’une structuration locale de la gestion forestière __________________ 41
II.2.1 Un travail de fond _______________________________________________________________ 41
II.2.2 Un fonctionnement original _______________________________________________________ 44
II.2.3 Des défis à relever _______________________________________________________________ 49
II.3 L’action « carbone » de l’ASLGF du Bas Dauphiné _________________________________ 52
II.3.1 Les conditions d’émergence du projet _______________________________________________ 52
II.3.2 Un projet unique fruit d’un partenariat innovant _______________________________________ 54
II.3.3 Les perspectives et les critères de reproductibilité d’une telle opération ____________________ 57
III Le carbone forestier, outil de valorisation des services éco systémiques ____________ 60
III.1 Le carbone forestier pour valeur transversale ____________________________________ 60
III.1.1 Les conditions d’usage de l’expression « compensation carbone » _________________________ 61
III.1.2 Le carbone a-t-il un prix ? _________________________________________________________ 62
III.1.3 Une approche souple et adaptative _________________________________________________ 67
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III.2 Une nécessaire synergie « glocal » _____________________________________________ 68
III.2.1 Evaluer pour mieux dimensionner __________________________________________________ 68
III.2.2 Le partenariat, incontournable pour densifier le projet de compensation ___________________ 69
III.2.3 La définition d’un cadre de mise en œuvre ___________________________________________ 71
III.3 Vers une cohérence d’action __________________________________________________ 74
III.3.1 Appuyer à la création d’un label national ____________________________________________ 75
III.3.2 Associer les sources de financement ________________________________________________ 77
III.3.3 Créer un organe de coordination régionale ___________________________________________ 78
Conclusion générale ________________________________________________________ 84
Le carbone forestier, une ressource territoriale pour le développement local dans une économie
régénérative __________________________________________________________________ 84
Bibliographie ______________________________________________________________ 86
Forêt et regroupement des propriétaires ___________________________________________ 86
Carbone et services éco-systémiques ______________________________________________ 87
Autres _______________________________________________________________________ 89
Table des figures ___________________________________________________________ 90
Table des matières _________________________________________________________ 92