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Le bruit dans la ville Pour une approche intégrée des nuisances sonores routières et de l’aménagement urbain Janvier 2011 Marissa PLOUIN (urbaniste), avec les contributions de Benoit PETIT (École supérieure des géométres et topographes) et de Michel RUDYJ (CETE Ile-de-France) Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement d’Ile-de-France www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr

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Le bruit dans la villePour une approche intégrée des nuisances sonores routières

et de l’aménagement urbainJanvier 2011

Marissa PLOUIN (urbaniste), avec les contributions de Benoit PETIT (École supérieure des géométres et topographes) et de Michel RUDYJ (CETE Ile-de-France)

Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement d’Ile-de-France

www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr

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Table des matières

Résumé 1

Introduction 3

Références urbaines

Crescent Cove (San Francisco - Etats-Unis) 12

Nutheschlange (Potsdam - Allemagne) 25

Porte des Lilas (Paris, Bagnolet, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais - France) 40

Parc des Hautes Bruyères (Villejuif - France) 56

Fiche technique

Réduire la vitesse, réduire le bruit 65

Conclusion 78

Bibliographie 80

Remerciements 81

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Résumé

En Ile de France, environ trois quarts des habitants se déclarent quotidiennement gênés par le bruit. Bien au-delà de ques-tions de confort, le bruit est devenu aux yeux d’un nombre croissant d’acteurs une

nuisance dont les effets sur la santé doivent être pris en compte le plus en amont possible par les profes-sionnels de l’aménagement urbain. En milieu urbain, le bruit routier lié aux modes de déplacement, es-sentiellement automobile, est en général la nuisance la plus saillante. Due au bruit du moteur et au bruit causé par le contact entre la roue et la chaussée, dont l’importance augmente avec la vitesse, cette nuisance est également fonction des modes de gestion des infrastructures, notamment en termes de régulation du trafic et de vitesse maximale autorisée.

Ce constat a conduit à identifier la réduction des nuisances et des risques comme l’une des 10 lignes

d’action de la méthode @d aménagement durable®

sur laquelle la collectivité est amenée à se positionner pour élaborer un projet d’aménagement durable sur son territoire.

Si une certaine latitude est permise par la réglemen-tation en vigueur, laquelle définit le classement des infrastructures et requiert la réalisation de cartes de bruit stratégiques et l’élaboration de Plans de Pré-vention du Bruit dans l’Environnement, force est de constater que les solutions correctives mises en place

reposent aujourd’hui principalement sur la pose de coûteux murs antibruit. Des solutions alternatives, tra-vaillées à l’échelle du quartier, par l’aménagement ur-bain lui-même, sont cependant envisageables dans le cadre de nouveaux développements urbains comme dans le cadre d’actions de réinvention écologique de la ville existante.

La présente étude de cas, réalisée pour la DRIEA, et

portant sur quatre opérations, en France, en Al-

lemagne et aux Etats-Unis, illustre comment des

solutions acoustiques, envisagées au travers de

l’aménagement de quartiers, peuvent apporter un

confort sonore en même temps qu’une réelle qualité

urbaine. L’analyse est complétée par des simulations

issues de logiciels de cartographie acoustique.

Quelles alternatives au mur antibruit peut-on envisa-ger?

Un projet urbain dont les bâtiments mêmes font

office d’écran antibruit. A San Francisco, par exemple, un immeuble dispose d’une façade en continu pourfaire obstacle aux nuisances sonores provenant d’une voie ferrée ; à Potsdam, le long d’une autoroute, dix bâtiments sont reliés entre eux par des plaques de verre afin de former un écran antibruit. Dans les deux cas, une réduction allant jusqu’à 20 dB(A) a été consta-tée, permettant aux habitants de jouir pleinement des espaces habitables ainsi que des espaces communs

extérieurs (cours, terrasses, jardins). A San Francisco, cette disposition a également permis de réaliser des économies sur les coûts de renforcement acoustique d’autres bâtiments à l’intérieur du même projet.

Un agencement stratégique des immeubles où une

zone tampon (composée, par exemple, de bureaux

et d’équipements) à proximité de la source du bruit

protège des activités plus sensibles aux nuisances

sonores (habitations, écoles, crèches, etc.). C’est le résultat d’une structuration où la répartition des terrains est organisée, pour partie, en fonction des nuisances urbaines. Lors du grand projet de recouvre-ment du boulevard périphérique parisien à la Porte des Lilas, l’emplacement des bureaux et des équipe-ments s’est fait en priorité le long de la voie rapide pour qu’une deuxième rangée d’immeubles puisse accueillir des activités exigeant plus de tranquillité, telles que des habitations, des écoles ou des crèches.

Une forme et une disposition de bâtiments privilé-

giant de grandes emprises, des fronts bâtis continus

et une hauteur importante. Par rapport à un tissu urbain très fin, une forme urbaine « massive » est souvent mieux adaptée pour protéger les habitants et les usagers des nuisances sonores. C’est le cas de la Porte des Lilas où, par leur forme et leur disposition, les immeubles longeant la voie rapide font obstacle au bruit routier.

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Un espace vert servant de zone tampon et tirant

profit des éléments topographiques pour lutter

contre les nuisances sonores. A Villejuif, une ancienne zone industrielle a été transformée en vaste parc de23 hectares. Le Parc départemental des Hautes Bruyè-res est tout d’abord une zone tampon verte, située entre une autoroute et des habitations. Mais ce sont les éléments topographiques qui font réellement la différence sur le plan sonore. En particulier, une butte végétale longe l’autoroute et empêche que le bruit routier ne pénètre de toute son intensité dans le parc :alors que le niveau sonore au bord de l’autoroute peut atteindre plus de 80 dB(A), celui constaté à l’intérieur du parc est, en moyenne, de 20 dB(A) de moins. Autre point fort : le site auparavant accueillant une carrière de sablons, un « jardin de silence » a été aménagé dans l’une des anciennes carrières. A douze mètres de profondeur, ce lieu calme propice à la lecture et à la réflexion bénéficie d’un niveau sonore presque deux fois moins élevé que celui constaté au bord de l’autoroute. Des mesures acoustiques adaptées à la particularité du lieu contribuent à la reconquête d’un territoire jugé auparavant peu attractif et transformé en espace de détente de qualité.

Détails architecturaux optimisant les protections

acoustiques. Rarement suffisants pour lutter seuls contre des niveaux acoustiques très élevés, les détails architecturaux peuvent cependant améliorer la qua-lité sonore lorsqu’ils sont combinés à d’autres dispo-

sitifs acoustiques. Les références urbaines citées dans la présente étude proposent pour ces derniers, entre autres, une double façade le long de la source de bruit routier, des toits orientés en fonction de la provenance du bruit, l’absence de fenêtres sur la façade exposée à la source de bruit, des portes à double épaisseur et des fenêtres à double ou à triple vitrage.

Le recouvrement d’une voie rapide est une solution

qui permet de réduire les nuisances sonores à condi-

tion que l’aménagement en surface fasse l’objet

d’une stratégie de réduction de bruit. A la Porte des Lilas le recouvrement d’un tronçon du boulevard pé-riphérique représente une solution forte sur les plans symbolique, pratique et esthétique : une porte s’ouvre entre Paris et les communes limitrophes. Malgré une diminution des niveaux sonores auxquels les riverains sont exposés, les niveaux restent élevés, du fait de la forte circulation qui persiste sur les rues environnan-tes.

Une fiche technique complète l’étude par l’analyse

du lien entre vitesse pratiquée et bruit routier. Des références de collectivités ayant mis en œuvre des ac-tions de limitation du bruit routier par une réduction de la vitesse sont fournies, telle Gleisdorf en Autriche, où un système automatique de réduction de vitesse se déclenche lorsque les niveaux acoustiques sont trop élevés pour les riverains.

Les références citées ici montrent que le coût de la protection phonique mise en œuvre peut être ainsi réduit, en même temps qu’une valeur économique et urbaine nouvelle est donnée à des terrains auparavant délaissés du fait de ces nuisances sonores.

Bâtiments faisant office de protec-tions, agencement stratégique des immeubles, éléments topographi-ques optimisés, gestion des ambian-ces internes au quartier, détails archi-tecturaux optimisant les protections, intégration paysagère, telles sont quelques-unes des solutions qui se dégagent de cette étude.

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Introduction

Le bruit est l’objet d’une préoccupation croissante des habitants et des usagers des agglomérations – et donc des équipes mu-nicipales, des architectes et des urbanistes. Selon une étude publiée par l’Observatoire régional de la santé en Ile-de-France, 71 % des Franciliens se déclarent gênés par le bruit, les résidents

de Paris étant les plus touchés1. Plus l’environnement est urbain, plus les niveaux sonores sont élevés. Les nuisances sonores dues au trafic routier représentent la source de bruit urbain la plus saillante. Environ 360 000 ha-bitants de la petite couronne2 et 150 000 Parisiens3 subiraient des niveaux sonores liées au réseau routier d’une intensité supérieure à 70 dB(A) en fa-çade d’habitation dans la journée4, niveau définissant un « Point noir bruit », ou PNB [cf. p. 7]. A titre de comparaison, en France, deux millions de logements se situent dans ces zones PNB5. Au niveau européen, l’organi-sation mondiale de la santé (OMS) estime qu’un Européen sur trois environ souffre du bruit de la circulation routière6. Le problème entraîne déjà des dépenses considérables en France: en 2007, près de deux milliards

d’euros ont été investis dans la lutte contre le bruit, des frais répartis

entre les entreprises, les administrations publiques et les ménages7.

Traiter la question des nuisances sonores constitue l’une des dix lignes d’actions de la méthode @d aménagement durable®8. Elaborée par la DRIEA et les huit établissements publics d’aménagement en Ile-de-France, elle a pour objet d’outiller les collectivités locales dans leurs démarches d’aménagement durable.

Le bruit urbain représente pour beaucoup de personnes une gêne ma-jeure qui nuit à leur qualité de vie. Mais l’exposition au bruit peut aussi

provoquer des effets néfastes sur la santé, dont certains sont encore méconnus. Parmi ceux qui inquiètent particulièrement les experts, on peut mentionner des effets physiologiques, tels que l’apparition de troubles auditifs, des problèmes cardiovasculaires ou la perturbation du sommeil, et des effets psychologiques, plus difficiles à mesurer, comme l’anxiété, la dé-pression ou l’interférence avec la communication, qui peut provoquer une diminution des performances. Le bruit est considéré comme un « agent stressant » qui entraîne des effets aussi bien dans l’immédiat que dans le long terme9.

Même si le bruit n’est pas ressenti de la même façon par tout le monde – certains y sont plus sensibles que d’autres – des études ont néanmoins éta-bli quelques valeurs de référence sur le plan sanitaire : selon l’Organisa-tion mondiale de la santé (OMS), pour éviter des effets néfastes sur la santé, dans les zones résidentielles extérieures les niveaux sonores ne devraient pas dépasser 55 dB(A) en journée (pour un LAeq évalué sur une base de 16 heures d’exposition)10 ou 40 dB(A) la nuit (sur une base de 8 heures d’expo-sition)11 [Tableau T3 indique quelques repères des niveaux sonores dans la vie quotidienne].

Plus spécifiquement, les experts s’inquiètent de la santé de quelques populations jugées les plus fragiles : nourrissons et jeunes enfants, per-sonnes âgées, personnes atteintes de maladies particulières ou présentant un déficit auditif, aveugles, patients en hôpital ou en convalescence chez eux12. Protéger ces populations de niveaux sonores trop élevés est

indispensable et demande notamment à bien situer, isoler et protéger

certains environnements spécifiques tels que les crèches et les jardins

d’enfants, les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraite et autres cen-

tres de soins.

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Que faire pour lutter contre le bruit en milieu urbain ? Si de plus en plus de cher-cheurs étudient des solutions visant à rédui-re le bruit à la source – portant par exemple sur la gestion du trafic, le revêtement de chaussée, les pneumatiques ou même la propulsion des véhicules – les équipes municipales, les services techniques territo-riaux, les architectes et les urbanistes sont en première ligne pour aborder le problème par la voie de l’aménagement urbain.

Aujourd’hui dans les régions très urbanisées comme l’Ile-de-France, l’aménagement des sites rencontre une telle multiplicité de contraintes que la question du bruit ne constitue pas toujours une priorité ma-jeure. Cela conduit souvent à adopter des mesures certes classiques ou éprouvées – écran antibruit ou simple éloignement des sources de bruit – mais qui ne sont peut-être pas les mieux adaptées ou les plus opportunes. D’une part, les écrans antibruit ne s’inscrivent pas toujours de manière harmonieuse dans le paysage urbain et

représentent un coût extrêmement im-portant pour les finances publiques : entre 1 000 à 1 500 €/m² en Ile-de-France, selon le lieu de pose, le type de fondation et la nature des matériaux (soit 3 000 à 4 000 €/m² par mètre linéaire pour un mur de 3m de haut)14. Ces coûts peuvent jusqu’à doubler si les travaux doivent être réalisés sur une voie très fréquentée, qu’il s’agisse, dans le cas d’une voie ferrée, de ralentir le trafic ou, dans le cas d’une route, d’en fermer une voie. D’autre part, éloigner les sources de bruit des résidents et des usagers des agglomérations n’est, dans la pratique, que très rarement envisageable, du fait des cou-pures urbaines qui seraient ainsi créées [cf. tableaux T1 et T2]. Le long du périphérique parisien il faudrait, par exemple, compter une distance d’atténuation de plus d’un kilomètre pour atteindre 45 dB(A) en façade d’immeuble. Cette hypothèse entre en contradiction avec la volonté actuellement marquée d’œuvrer à une ville dense.

Néanmoins, du point de vue des équipes municipales et des services techniques territoriaux, la lutte contre le bruit peut comprendre un certain nombre d’appro-ches proprement urbanistiques qui ne se limitent pas à ces solutions classiques.

Le bruit en Ile-de-France

A quoi est dû le bruit en Ile-de-France ?

Selon un rapport réalisé par le STIF en 2005 sur le bruit et les transports, les circulations routière et ferroviaire sont la principale source de gêne sonore en Ile-de-France, sauf cas particuliers où le bruit de voisinage et celui dû aux aéronefs sont par exemple plus importants13.

La circulation routière en Ile-de-France

Le réseau routier francilien comprend quelque 40 000 km de routes, dont plus de 800 km d’autoroutes et voies rapides.

En Ile-de-France (hors Paris), en journée, près de 1 900 km de linéaire de tronçons routiers sont classés dans la catégorie supérieure à 70 dB (LAeq 6h-22h en façade d’habitation), et près de 550 km pour les tronçons à plus de 75 dB, selon la cartographie régionale de l’IAURIF relative au bruit des transports terrestres.Dans la petite couronne, environ 360 000 habitants, soit 9% de la popu-lation, subiraient, en journée, des niveaux sonores liés au réseau routier d’une intensité supérieure à 70 dB(A) en façade d’habitation (situation de 1994).A Paris, environ 150 000 habitants, soit 7% de la population, sont, en jour-née, exposés en façade de bâtiments à des niveaux sonores supérieurs à 70 dB entre 6 heures et 22 heures, selon l’Observatoire du bruit à Paris.

La circulation ferroviaire en Ile-de-France

Le réseau ferroviaire (hors métro) comprend environ 1 800 km de voies ferrées. En Ile-de-France, le jour, environ 300 km de linéaire de tronçons ferro-viaires sont classés dans la catégorie supérieure à 70 dB (LAeq 6h-22h en façade d’habitation), et près de 100 km pour les tronçons à plus de 75 dB. La nuit, un peu plus de 180 km de linéaire sont classés dans la catégorie supérieure à 70 dB et jusqu’à 400 km dans la classe supérieure à 65 km. Le STIF rappelle que si l’exposition au bruit des circulations ferroviaires s’avère moindre que celle liée au bruit routier, elle est particulièrement im-portante la nuit avec les circulations de trains de marchandises (matériels plus lourds et trains plus longs). Rappelons que l’Organisation mondiale

de la santé (OMS) recommande une limite d’exposition sonore nocturne

de 40 dB, sur une base de 8 heures d’exposition.

La circulation ferroviaire des seules lignes du réseau ferré national (hors lignes de métro aérien RATP et lignes RER) est responsable des zones Point noir bruit qui toucheraient à quelques 55 600 de Franciliens.

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Circulation Distance d’atténuation (m)

Type de voies Nature du trafic par jour pour atteindre 45 dB(A)

Ligne à grande Voyageurs ou Plus de 50 1 400

vitesse (130 km/h) Voyageurs + fret

Ligne classique Voyageurs et fret Plus de 50 1 500

(jusqu’à 200 km/h)

T2. Empreinte sonore pour les infrastructures ferroviaires de transport 15

T1. Empreinte sonore pour les infrastructures routières de transport 15

Type de routes Trafic moyen Distance d’atténuation (m)(véhicules/jour) journalier annuel pour atteindre 45 dB(A)

Autoroute 5 000 550 - 700

(130 km/h) 10 000 800 - 1 000

20 000 1 100 - 1 400

50 000 1 750 - 2 100

Route à chaussées séparées 5 000 470 - 650

(110 km/h) 10 000 700 - 950

20 000 1 000 - 1 300

30 000 1 250 - 1 600

Route à chaussée unique 5 000 380 - 550

(90 km/h) 10 000 580 - 820

20 000 850 - 1150

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La présente étude porte principalement sur quatre

projets urbains qui ont abordé le problème des nui-

sances sonores par l’aménagement en privilégiant

des solutions à l’échelle du quartier. Cet aménage-ment recouvre des options telles que l’agencement des bâtiments en fonction de leur utilisation ou la disposi-tion d’immeubles par rapport aux sources de bruit.

Dans la mesure où elle peut faire l’objet d’une interven-tion des pouvoirs publics locaux, la question des liens entre le bruit et la vitesse pratiquée sur les infrastructu-res majeures est abordée dans une fiche dédiée.

Les quatre références urbaines sont les suivantes :

Dans le projet résidentiel de Crescent Cove à San Francisco, une rangée de maisons de ville fait fonction de mur antibruit, l’aménagement du site répondant aux nuisances sonores dues à une ligne ferroviaire régionale et une autoroute surélevée. [Figure 1]

En Allemagne, à Potsdam, les habitants du Quartier

Nutheschlange sont protégés du bruit provenant d’une autoroute par une succession continue d’im-meubles avec isolation acoustique intégrée. Un tra-vail important sur le cadre paysager à l’intérieur du site contribue à créer une zone calme à l’intention

des riverains. [Figure 2]

En Ile-de-France, à Villejuif, le parc départemental

des Hautes Bruyères, entièrement aménagé en fonction des nuisances acoustiques causées par l’autoroute A6, sert de zone tampon verte qui pro-tège du bruit routier les visiteurs du parc. [Figure 3]

A la frontière entre Paris et des communes limi-trophes, la ZAC Porte des Lilas est une grande opération de renouvellement urbain qui porte notamment sur la couverture de deux tronçons du boulevard périphérique. Sur les parties non-cou-vertes du boulevard, c’est l’agencement de locaux et d’équipements municipaux qui protège du bruit routier un second rang de résidences, commerces et bureaux. [Figure 4]

La fiche technique qui constitue la dernière partie de l’étude propose une vue d’ensemble sur les recherches théoriques sur le lien entre réduction de la vitesse autorisée sur des routes majeures et baisse du niveau sonore, ainsi qu’un aperçu sur les villes qui sont pas-sées à l’acte.

Pour les quatre références urbaines, une analyse technique, réalisée grâce à un logiciel de cartographie acoustique, Mithra, complète l’analyse urbanistique en mesurant l’efficacité acoustique des choix opérés dans le cadre de l’aménagement du site.

Figure 1 Entrée principale de Crescent Cove. Image David Baker + Partners Architects. Figure 2 Les appartements du Quartier Nutheschlange à Potsdam.

Figure 3 Les jardins familiaux au Parc des Hautes Bruyères. Figure 4 Couverture du boulevard périphérique au niveau de la Porte des Lilas. Image Philippe Guigna.

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En France

La réglementation française relative à la lutte contre le bruit s’attache à limiter le bruit des routes nouvelles ou faisant l’objet d’une modification (article 12 de la loi n°92-1444 du 31 décembre 1992) et à réduire les nui-sances sonores auxquelles sont exposés les bâtiments nouveaux construits en bordure d’infrastructures existantes (article 13)16.Toutes les routes et rues dont le trafic jour-nalier moyen annuel est supérieur à 5 000véhicules par jour doivent être classées en fonction de leur niveau sonore. Disposer d’un tel classement fournit des critères permettant de s’assurer, au travers du permis de construire, que les futurs bâtiments érigés à proximité des infrastructures bénéficient d’un certain niveau d’isolation et de confort acoustique. Les dis-positions législatives portent également sur les émissions sonores des véhicules (cf. Arrêté du 13 avril 1972 relatif au bruit des véhicules automobiles).

Le plan national d’action contre le bruit, élaboré en 2003, s’articule autour de plusieurs points : l’isolation phonique des logements soumis à un bruit excessif à proximité des aéro-ports ; une campagne de réhabilitation acous-

tique de crèches et d’écoles ; une meilleure gestion des plaintes relatives au bruit de voi-sinage ; le développement de véhicules moins

bruyants ; la définition de nouveaux indica-

teurs de bruit et l’évaluation de l’impact des nuisances sonores.

Pour les infrastructures de transports terrestres, la réglementation française introduit les no-tions de Zone de bruit critique (ZBC) et Point noir bruit (PNB). Une zone de bruit critique est une zone urbanisée relativement continue où le bruit dû aux infrastructures terrestres et évalué en façades des bâtiments sensibles*dépasse, selon les indicateurs définis, la valeur limite de 70 dB(A) le jour et/ou 65 dB(A) la nuit. Un Point noir du bruit est un bâtiment sensible qui est localisé dans une zone de bruit critique engendrée par au moins une infrastructure de transport terrestre et qui répond aux critères d’antériorité.

* On entend par bâtiment sensible un bâtiment composé de locaux à usage d’habitations, d’enseignement, de soins, de santé ou d’action sociale.

Au niveau européen

En 1996, la Commission européenne publie le livre vert de la lutte contre le bruit, qui traite pour la première fois des nuisances sonores sous l’angle de la protection de l’environnement. Il a pour objectif de porter la lutte contre le bruit à un niveau plus élevé dans l’échelle des priorités législatives.

En 2002, la Directive européenne 2002/49/CE définit une « approche commune » dans le cadre de la lutte contre les nuisances sonores, visant à garantir l’information du public sur l’exposition au bruit. Elle prévoit notamment la réalisation de cartes de bruit stratégique (CBS), établies sur la base de méthodes communes aux pays européens et accessibles au public, ainsi que des plans d’action autour des zones bruyantes. Les CBS doivent être réalisées pour les agglomérations de plus de 100 000 habi-tants et servent de base à des plans de préven-tion du bruit dans l’environnement (PPBE). La directive prévoit également la mise en œuvre de politiques visant à réduire le niveau d’exposition au bruit et à préserver des zones calmes.

Les approches françaises et européennes du bruit dans la ville

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La question de bruit s’inscrit dans le cadre des objectifs du développement durable ; elle consti-tue l’une des dix lignes d’action de la méthode @d

aménagement durable®.

Par ailleurs, des mesures destinées à réduire les nuisances sonores dans la ville sont souvent effi-caces pour lutter en même temps contre d’autres types de pollution et de nuisance dans l’environ-nement : pollution de l’air et émissions de gaz à effet de serre, voire sécurité routière. Traiter la

question du bruit peut avoir un impact posi-

tif sur l’environnement global : envisager des

véhicules moins polluants, réduire la vitesse en

ville, protéger des zones calmes et en créer des

nouvelles de proximité permettent d’améliorer

la qualité de vie des citoyens en s’attaquant de

front à plusieurs problèmes environnementaux.

La lutte contre le bruit doit faire partie d’une approche globale pour traiter des nuisances environnementales.

Figure 5 Crescent Cove dans son contexte urbain : au premier plan, le projet résidentiel (entouré en orange), situé entre la voie ferrée au nord-ouest et l’autoroute 280 surélevée à l’est. “Downtown” à l’arrière plan. Image David Baker + Partners Architects.

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Qu’est-ce que le bruit ? Le bruit est un phé-

nomène physique dû à une variation rapide de la pression dans l’atmosphère. Le bruit perçu est une sensation auditive qui est liée physiologiquement au logarithme du niveau de pression acoustique, ce qu’on appelle éga-lement le niveau sonore.

Comment mesure-t-on le bruit? Le niveau sonore d’un bruit s’exprime en une unité logarithmique, le décibel, noté dB. Les ap-pareils de mesure acoustique, tels que les sonomètres, indiquent le niveau de pression acoustique en décibels. Par contre, le niveau exprimé en décibels ne reflète pas tout à fait la perception de l’oreille. L’oreille humaine n’a pas la même sensibilité au bruit à toutes les fréquences: elle privilégie les fréquences mé-diums et, à une intensité identique, saisit plus facilement les sont aigus que les sons graves. Pour tenir compte de cette sensibilité spéci-fique de l’oreille humaine, on utilise souvent un filtre de pondération fréquentiel appelé le filtre de pondération A : le niveau sonore s’ex-prime alors en dB(A), le décibel pondéré A19.

Quels niveaux sonores retrouve-t-on dans

l’environnement ? Dans l’environnement, les bruits audibles se situent entre 0 dB (le seuil d’audition) et 140 dB, le seuil de la douleur étant de 120 dB environ. Par contre, la gêne acoustique est une notion très subjective et n‘a pas une valeur absolue20. [cf. Tableau T3]

Comment additionne-t-on deux niveaux

sonores ? Lorsqu’on est confronté à plusieurs sources de bruit, il faut se rappeler que l’ad-dition de deux niveaux sonores ne se fait pas de la même manière que l’addition de deux nombres classiques car la représentation du bruit est une expression logarithmique : 60

dB + 60 dB ne font pas 120 dB. Lorsqu’on additionne deux sources de même niveau, toutes choses égales par ailleurs, le résultat global augmente de 3 dB.

Si deux niveaux de bruit sont émis simulta-nément par deux sources sonores, et si le premier est au moins supérieur de 10 dB(A) au second, le bruit le plus fort « masque » le plus faible: le niveau sonore résultant est le

Ambiance Niveau de dB Exemple

Calme 20 dB Conversation à voix basse

Bruits courants 40 dB Limite d’exposition sonore nocturne recommandée par l’OMS, sur une base de 8 heures d’exposition17

55 dB Limite d’exposition sonore journalière recommandé par l’OMS, sur une base de 16 heu-res d’exposition18

60 dB Conversation normale

Bruyant 65 dB Salle de classe

70 dB Téléviseur, rue à gros trafic

Pénible, nocif 75 dB Voiture, aspirateur

85 dB Cantine scolaire

Difficilement sup-portable, dan-gereux

90 dB Aboiement d’un chien, appareil de bricolage (scie circulaire)

100 dB Chaîne hi-fi, baladeur au niveau maximum

110 dB Concert de rock en plein air

Seuil de la douleur 120 dB Voiture de course

140 dB Avion au décollage

T3. Exemples de niveaux sonores

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plus grand des deux. Par exemple, si l’on est exposé au passage simultané d’une voiture émettant 60 dB(A) et d’un bus émettant 70 dB(A), le bruit du bus masquera celui de la voiture et l’oreille n’enregistrera que le niveau sonore du bus à 70 dB(A). On appelle ce phénomène l’effet de masque.

Quels indicateurs utilise-t-on pour mesurer le bruit ?

Le niveau acoustique du bruit routier est un bruit fluc-tuant et instable qui varie avec le temps. Pour prendre en compte l’aspect temporel du bruit fluctuant, on recourt à différents indicateurs qui sont des formules mathématiques représentant partiellement la sensation acoustique vraiment perçue :

Indicateurs énergétiques : LAeq, Lden

LAeq, ou Leq, est la moyenne énergétique de la variation du bruit au cours du temps et caractérise la « dose » de bruit reçue pendant une durée donnée. En France, on a adopté des périodes diurne (6h – 22h) et nocturne (22h – 6h) comme référence pour le calcul du LAeq. Les niveaux sonores des simulations

acoustiques dans la présente étude sont calculés en

LAeq (6h - 22h), conformément à la réglementation

française.

Lden (Level Day Evening Night), ou Ldn (Level Day

Night), est l’indice retenu par la Commission euro-péenne. Calculé à partir de valeurs LAeq sur trois pé-riodes de base (jour, soirée et nuit), cet indice pondère négativement les périodes de soirée et de nuit : on ajoute 5 dB(A) le soir et 10 dB(A) la nuit. Il a pour objet d’aboutir à une meilleure représentation de la gêne perçue par les riverains sur 24 heures.

Indicateur événementiel : Lmax

Lmax correspond au niveau sonore maximum produit par un événement unique (par exemple, le passage d’une voiture ou d’un train). Au contraire des autres

indicateurs, c’est une mesure physique qui corres-

pond à la sensation acoustique vraiment perçue.Cet indicateur permet de mieux prendre en compte la gêne due à de larges fluctuations du bruit dans le temps et d’évaluer les effets sur la santé de l’exposition au bruit.

D’où vient le bruit routier ? Pour ce qui concerne le bruit routier, le bruit provient du moteur et du contact entre les pneus et la chaussée. Pour des vitesses inférieu-res à 50 km/h, ce sont les bruits de moteur qui prédomi-nent. Pour des vitesses supérieures, sur autoroutes par exemple, ce sont les bruits de contact entre les pneus et la chaussée qui prédominent21.

La perception du bruit

Une variation de bruit d’1 dB(A) est à peine perceptible.

Une variation de 3 dB(A) est légèrement perceptible à l’oreille, tandis qu’une varia-tion de 6 dB(A) est nettement perceptible.

Une variation d’environ 10 dB(A) correspond à une sen-sation auditive de « deux fois plus fort ».

Le bruit produit par un poids lourd équivaut à celui produit par 4 à 7 véhicules légers, se-lon la vitesse de circulation.

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1 Grange, Dorothée ; Chatignoux, Edouard ; Grémy, Isabelle, Les perceptions du bruit en Ile-de-France, Rapport de l’Observatoire régional de santé d’Ile-de-France, mars 2009.

2 Situation de 1994

3 Situation de 2005

4 STIF, « Le bruit et les transports en Ile-de-France» dans Mobilité et Transports en Ile-de-France - Etat des lieux, rapport réalisé par le groupe « Mobilité et Transports » dans le cadre de l’élaboration du future SDRIF, mars 2005.

5 ADEME - CERTU, Agir contre l’effet de serre, la pollution de l’air et le bruit dans les plans de déplacements urbains : Approches et méthodes, rapport coédité par le CERTU et l’ADEME, juin 2008.

6 www.euro.who.int/Noise?language=French

7 Services de l’observation et des statistiques, « Comptes de la dépense de protec-tion de l’environnement », mai 2009. Cité dans le rapport du Commissariat général au développement durable, L’environnement en France. Edition 2010.

8 Disponible sur le site internet de la DRIEA : www.ile-de-france.equipement.gouv.fr /rubrique.php3?id_rubrique=515

9 Organisation mondiale de la santé (OMS), Guidelines for Community Noise, 1999.

10 Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Night Noise Guidelines for Europe,Copenhague, 2009.

11 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit.

12 Livre vert de la Commission européenne, du 4 nov 1996, sur la politique future de lutte contre le bruit [COM(96) 540]. Disponible à :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:1996:0540:FIN:FR:PDF

13 STIF, op. cit.

14 Selon les estimations de la Division Etudes et Stratégie des Déplacements au sein du Pôle Déplacements à la DRIEA.

15 Michel, Patrick et Monier, Thierry, BCEOM, L’évaluation environnementale des plans et programmes de transport, rapport du Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, France, 2001. Cité dans le rapport de l’IAURIF, Les zones de calme et aménagement : étude exploratoire sur la notion de ‘zone de calme’, les enseignements pour l’Ile-de-France, novembre 2006.

16 Articles 12 et 13 de la loi française n°92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit.

17 Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, op. cit.

18 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit.

19, 20, 21 www.bruitparif.fr

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informations clés relatives au projet

Site : 1,44 ha

Programme : 236 logements (soit 17 187 m²) destinés à accueillir des ménages à revenu modeste

Sources principales de bruit:une voie ferrée et une autoroute

Mesures acoustiques clés :

réalisation d’un immeuble écran continu le long de la voie ferrée et disposition originale de bâtiments

Réduction de niveaux sono-

res atteinte : jusqu’à 15 dB(A), suivant l’endroit

Coût estimé : 1 850 €/ m² SHON

MOA : The Related Companies of California, San Francisco Redevelopment Agency

MOE : David Baker + Partners (architectes), Andrea Cochran (paysagiste), Structural Design Engineers, Bhatia Associates, Nibbi Brothers

Livré : 2007

Crescent Cove | San Francisco (Etats-Unis)

Crescent Cove s’inscrit dans le grand projet de rénovation ur-baine que connaît actuellement le quartier de Mission Bay à San Francisco, situé à l’est de la ville entre l’autoroute 280 et la baie de San Francisco [Figure 1]. Couvrant quelques 123 hectares d’an-ciennes friches industrielles, le programme d’aménagement de Mission Bay s’articule autour d’un nouveau campus de

recherche publique pour l’Université de Californie à San Francisco et comprend 6 000 logements nouveaux dont un tiers accessibles aux ménages à revenu modeste, plus de 400 000 m² de bureaux dont une majorité dans le domaine des biotechnologies, près de 50 000m² de commerces, un hôtel, un hôpital, un nouveau réseau d’espaces verts et de nouveaux équipements publics.

Une disposition originale des immeubles pour résoudre un problème de nuisances sonores très élevées

Figure 1 (gauche) Situation de Crescent Cove (en orange), qui s’inscrit au vaste programme de rénovation urbaine du quartier Mission Bay, à l’est à San Francisco. Figure 2 (droite) Crescent Cove, entouré en orange au premier plan, à San Francisco. “Downtown” à l’arrière plan. Image David Baker + Partners Architects.

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Le trafic ferroviaire reste néanmoins la source des ni-veaux sonores les plus élevés. Selon une étude acous-tique réalisée en vue de l’aménagement proposé, le passage du train induit des niveaux sonores extérieurs de 76 Lden en moyenne en limite nord-ouest, avec des niveaux maximum (Lmax) de 95 db(A) lors du passage d’un train sur la voie la plus proche1. Le week-end, du fait de la moindre fréquence des trains et de la diminu-tion du trafic sur l’autoroute comme sur les rues avoi-

sinant le site, les niveaux sonores mesurés étaient de 10 à 12 dB(A) inférieurs à ceux de la semaine.

La réglementation acoustique de l’état de Californie exige que le bruit à l’intérieur d’une habitation ne dé-passe pas 45 dB(A) Lden. Elle requiert également que toute nouvelle construction résidentielle située dans un environnement où les niveaux sonores Lden dépas-sent 60 dB(A) soit soumise à une analyse acoustique2.

Le projet résidentiel de Crescent Cove se situe au nord-ouest de Mission Bay sur une ancienne décharge de la compagnie ferroviaire CalTrain, au cœur d’une zone industrielle en mutation. Les architectes ont été confrontés à un site peu commun qui ne couvre que 1,44 ha et comporte une difficulté majeure : sa proximité immédiate sur un côté à la voie ferrée d’un train de banlieue qui relie San Francisco et la Silicon Valley, et sur un autre côté à une autoroute surélevée, au trafic important. L’entrée principale du projet se fait sur le sud, au niveau de Berry Street, une rue qui mène aux commerces de proximité [Figure 3].

Les infrastructures ferroviaires et routières ne donnent pas uniquement au projet d’aménagement sa forme triangulaire, elles sont également une source de bruit extrêmement important et dont il fallait impérative-ment protéger les résidents sans donner l’impression d’un espace aux dimensions trop restreintes. Au bruit des véhicules de l’autoroute 280 qui débute en pleine ville à l’est du site, il faut ajouter celui du trafic routier de Seventh Street, une rue passante empruntée par de nombreux poids lourds et située de l’autre côté de la voie ferrée à l’ouest.

Figure 3 Crescent Cove, entouré en orange, se trouve entre une voie ferrée à l’ouest et une autoroute surélevée au nord-est.

Berry S

t.

Seventh St.

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Réduire les nuisances sonores:

un immeuble écran protège

l’ensemble du site

Confrontés à un site soulevant de nombreuses difficultés, notamment sur le plan acoustique, les architectes ont misé sur un aménagement as-tucieux pour obtenir le plus grand impact sur le plan sonore. La forme et l’orientation de l’ensem-ble des bâtiments, en particulier les façades ex-térieures continues des bâtiments en périmètre, contribuent à créer un environnement sonore conforme à la réglementation en vigueur dans les espaces extérieurs (cours et jardins) aussi bien qu’à l’intérieur des appartements.

Crescent Cove propose à la location 236 apparte-ments et maisons de ville, tous destinés à ac-cueillir des ménages à revenu modeste. L’ensem-

ble du projet se compose de deux immeubles : un immeuble écran incurvé qui épouse la courbe de la voie ferrée au nord-ouest du site et un deuxième immeuble en forme de main compre-nant cinq bâtiments reliés par des couloirs en verre [Figure 4].

Figure 4 Esquisse conceptuelle de l’architecte : comment aborder le problème de bruit à Crescent Cove. Image David Baker + Partners Architects (reprise par Marissa Plouin).

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Figure 5 (ci-dessous) Vue du projet depuis Berry Street : à gauche, la voie ferrée, derrière la grille ; au milieu, le profil de l’immeuble écran incurvé ; à droite, l’extrémité Est du principal bâtiment de l’immeuble “en forme de main” qui jouxte Berry Street. Image David Baker + Partners Architects.

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Figure 6 Immeuble écran (en jaune). Image David Baker + Partners Architects.

Figure 7 Immeuble en forme de main (en jaune). Image David Baker + Partners Architects.

L’immeuble écran de R+2 [Figure 6] propose un mélange de studios en rez-de-chaussée et de maisons de ville aux deux étages su-périeurs. Cet immeuble est le dispositif acous-tique clé du projet: sa forme incurvée suit la courbe de la voie ferrée et forme un véritable écran qui protège l’ensemble du projet des niveaux sonores élevés provenant des trains. La façade extérieure de l’immeuble comporte plusieurs caractéristiques acoustiques nota-bles : continuité et absence de fenêtres sur ses 183 m de long et 10,7 m de haut, épaisseur acoustiquement renforcée (suivant l’endroit, de 22 cm ou de 37 cm, par rapport aux 19 cm d’un mur standard) ; toit incliné vers l’intérieur pour gagner quelques mètres supplémen-taires et obtenir un écran le plus haut possible (le faîte est à 10,7 m de hauteur et le bord inférieur à 8,5 m) [Figure 8]. Enfin, les pièces à vivre, les fenêtres et l’aération sont situées uniquement sur le côté calme de l’immeuble, évitant ainsi les ouvertures dans la façade du côté de la voie ferrée.

Cet immeuble sert effectivement de «mur» antibruit intégré au projet – c’est d’ailleurs ainsi que les architectes ont choisi de dé-signer cette rangée de logements (« soundwall houses », littéralement : les maisons faisant office de mur antibruit). L’immeuble crée

une barrière phonique continue entre la voie ferrée et l’intérieur du projet, le bruit étant réduit aussi bien dans les cours et les jardins qu’à l’intérieur des appartements du second immeuble.

L’immeuble en forme de main [Figure 7],donnant sur Berry Street, comporte un bâti-ment principal orienté sud, ainsi que quatre bâtiments, appelés des « doigts » par les ar-chitectes, disposés à la verticale du bâtiment principal. Ces cinq bâtiments de R+3 sont reliés par des couloirs en verre transparents qui donnent aux résidents une vue sur les jar-dins communs aménagés entre les «doigts». Une petite ruelle sépare l’immeuble écran et l’immeuble « en forme de main » pour donner accès aux quelques places de stationnement en pied d’immeubles ainsi qu’au parking situé à l’est du site sous l’autoroute surélevée.

La disposition de cet immeuble a également été conçue en fonction de sa performance acoustique. En orientant les « doigts » vers l’immeuble écran, les concepteurs ont réussi à éloigner un maximum d’appartements de la voie ferrée, principale source de bruit: la fa-çade de la majorité des appartements donne sur l’intérieur du site, offrant aux habitants une vue sur les jardins. Cette forme inventive

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assure une certaine densité au projet (presque 164 logements/ha) tout en permettant une utilisation opti-misée des espaces extérieurs et en limitant le vis-à-vis dans la mesure où les bâtiments ne sont pas tout à fait parallèles.

Le bâtiment principal de l’immeuble « en forme de main » fait face à Berry Street et comporte également une façade continue d’environ 100 m de long sur 14,3 m de haut qui sert à protéger l’intérieur du site du bruit de la rue [Figure 8].

D’autres mesures acoustiques

viennent renforcer l’aménagement

antibruit Si l’emplacement et l’orien-tation des immeubles, ainsi que la réalisation de façades continues sur les bâtiments situés en périphérie, sont les procédés les plus efficaces en matière acoustique sur l’ensemble du site, des mesures plus classiques ont été appliquées, telles que les portes deux fois plus épaisses que les stan-dards et les fenêtres à double vitrage des appartements qui ne donnent pas sur la cour intérieure.

Figure 8 Restitution numérique en 3D de Crescent Cove : l’immeuble écran incurvé à l’arrière plan ; l’immeuble “en forme de main” au premier plan. Image David Baker + Partners Architects.

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Figure 9 (à gauche) Vue des jardins entre les bâtiments. Image David Baker + Partners Architects.

Figure 10 (à droite) Espace collectif offrant notamment des tables, des bancs et des barbecues. Image Brian Rose.

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Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des estimations simulant l’efficacité acoustique du projet d’aménagement. Les simulations, calculées en LAeq, conformément à la réglementation française, sont re-présentées dans les Figures 11 à 15. Les logiciels acousti-ques calculent les niveaux sonores de projets routiers à 2 m en avant des façades pour indiquer le bruit perçu par un habitant situé près de sa fenêtre ouverte. Certaines mesures de renforcement acoustique n’étant pas prises en compte par les logiciels (fenêtres à double vitrage, par exemple), les niveaux sonores indiqués restent néanmoins des estimations pertinentes pour évaluer les points forts ou faibles du projet sur le plan sonore.

Points forts du design

L’immeuble écran longeant la voie ferrée est l’élément acoustique clé du projet, qui absorbe les niveaux sonores les plus forts: toute la façade extérieure est exposée à des niveaux sonores pro-venant de la voie ferrée qui dépassent 70 dB(A), alors que les niveaux de la façade intérieure de cet immeuble sont entre 55 et 61,3 dB(A) [Figure 11].Les logements situés dans les bâtiments « en forme de doigt » sont bien protégés du bruit provenant de la voie ferrée, avec la plupart des ni-veaux sonores inférieurs à 60 dB(A), voire 55 dB(A) en façade d’immeuble.

Points faibles du design

A l’intérieur du projet, les étages supérieurs sont plus exposés au bruit que les étages inférieurs. Rappelons que l’immeuble « en forme de main » est plus haut que l’immeuble écran : si les habi-tants au dernier étage peuvent ainsi profiter des vues sur la ville, ils souffrent en contrepartie des niveaux sonores plus élevés. Les quelques logements situés face à l’autoroute [Figure 12] souffrent du bruit routier : aux éta-ges supérieurs, les niveaux sonores dépassent 70 dB(A). A part quelques mesures acoustiques classiques -- fenêtres à double vitrage et portes à double épaisseur -- ce bâtiment à l’extrémité nord-est du projet reste très exposé au bruit.

En résumé

La disposition d’un immeuble servant de mur antibruit le long de la voie ferrée est d’une grande efficacité avec une différence de plus de 15 dB(A) entre chaque face de l’immeuble. On obtient un résultat proche pour les bâtiments intérieurs.

Ces résultats permettent de supposer que le niveau sonore au cœur de l’ensemble immobilier est très faible et peut se comparer à celui d’une cour située au centre d’un îlot urbain clos. Un tel aménagement est efficace mais on ne négligera pas que les appartements situés du côté des nuisances sonores sont constamment exposés à un certain niveau de bruit.

Figure 11 Exposition acoustique. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

< 30.0

30.0 .. 36.3

36.3 .. 42.5

42.5 .. 48.8

48.8 .. 55.0

55.0 .. 61.3

61.3 .. 67.5

67.5 .. 73.8

73.8 .. 80.0

> 80.0

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En dB(A) Figure 12 (en haut, à gauche) Exposition acoustique de l’immeuble écran du côté de la voie ferrée. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

Figure 13 (en haut, à droite) Exposition acoustique des bâtiments “en forme de doigt” du côté de la voie fer-rée. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

Figure 14 (en bas, à droite) Exposition acoustique des bâtiments “en forme de doigt” du côté de l’autoroute. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

Figure 15 (en bas, à gauche) Exposition acoustique de la partie de l’immeuble “ en forme de main “ du côté de Berry Street. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

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Figure 16 (en haut) Vue de l’immeuble écran à partir de la voie ferrée. Image David Baker + Partners Architects.

Figure 17 (en bas) Vue de l’immeuble écran avec la fresque murale, en cours de réalisation. Image David Baker + Partners Architects.

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Leçons et limites

Un design réussi sur les plans acoustique et esthéti-

que L’un des objectifs de l’équipe municipale était de construire à l’intention de ménages à revenu modeste des immeubles qui ne dénotent pas dans le reste du parc immobilier. Les architectes ont relevé le défi en proposant un design qui n’est pas seulement efficace en matière de réduction des nuisances sonores, mais qui, recherché et inventif, est également parfaitement intégré aux environs. Rehaussé d’une grande variété de couleurs, de textures et de matériaux, le projet se distingue aussi par ses balcons en bois, sa halle d’en-trée et ses couloirs en verre et en métal.

Réaliser des façades continues sur l’ensemble du péri-mètre du site était indispensable pour protéger l’inté-rieur du projet du bruit, mais les concepteurs ont ainsi pris le risque de créer une sorte de « forteresse urbai-ne » qui resterait coupée de ses environs. Pour éviter le sentiment de bloc massif et impénétrable, une ruelle aménagée entre les deux immeubles permet d’ajourer en quelque sorte la façade sur Berry Street. Cette façade, où se situe l’entrée principale (construite en verre sur deux niveaux) de l’immeuble « en forme de main », se compose également d’un mélange de

baies vitrées, d’évidements, d’entrées piétons, de terrasses privatives et de poches paysagères afin de proposer une variété dans les textures et les reliefs.

Enfin, la forme triangulaire particulière au site a été bien exploitée : la plupart des logements de l’immeu-ble « en forme de main » ouvrent sur la petite rue à vocation résidentielle et sur Berry Street, tandis que le parking, à l’est du site, a été localisé en dessous de l’autoroute surélevée.

Une forte densité couplée avec des espaces exté-

rieurs protégés Les habitants de Crescent Cove béné-ficient d’un cadre agréable, où chaque appartement est équipé d’un balcon ou d’une terrasse privative et d’un accès direct aux jardins. Ceux-ci sont aménagés entre les « doigts » et offrent des petits coins verdoy-ants et variés, agrément non négligeable pour un projet résidentiel aussi dense (environ 164 logements par hectare) situé en pleine ville. Les dispositifs acous-tiques de l’immeuble écran permettent de réduire les nuisances sonores dans les cours et les jardins, rendant ainsi la fréquentation de ces espaces de plein air très agréable. Des espaces extérieurs collectifs, équipés de tables et de barbecues, sont mis à la dis-position des habitants [Figure 10]. Un nouveau réseau d’espaces verts et d’équipements publics est acces-sible juste en face de Crescent Cove, où les résidents peuvent bénéficier des terrains sportifs de Mission Creek. A un quart d’heure à pied, les habitants

Figure 18 (en haut) Entrée principale du projet sur Berry Street. Image David Baker + Partners Architects.

Figure 19 (en bas) Vue sur un bâtiment “doigt” et une cour intérieure. Image David Baker + Partners Architects.

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peuvent également jouir d’une ballade piétonne sur le « Bay Trail », un chemin piéton et cyclable de plus de 460 km aménagé le long de la baie de San Francisco et qui, à terme, reliera 47 villes de la région.

Réduction du bruit, réduction des coûts de

construction des bâtiments « en forme de doigt »

Comme autre point fort du projet, il est apparu que la réduction des nuisances sonores internes à l’îlot, obtenue grâce à la disposition de l’immeuble écran, a entrainé une baisse des coûts de renforcement acous-tique, et donc de construction, des bâtiments « en forme de doigt», qui sont situés à l’intérieur du site.

Accessibilité Crescent Cove se veut accessible à plu-sieurs sens du terme : accessible à des ménages à rev-enu modeste ; accessible aux transports en commun locaux et régionaux (des bus et des tramways relient Mission Bay au « downtown » et à d’autres quartiers dans la ville, tandis que CalTrain propose une liaison rapide avec la Silicon Valley) ; enfin, le projet jouit d’une accessibilité piétonne à une gamme diversifiée de services : une gare de train régional (10 minutes), un supermarché (12 minutes), un réseau d’espaces verts (2 minutes) et le stade de base-ball professionnel (15 minutes).

Une façade continue sans fenêtres Malgré un design réussi et un aménagement astucieux, il faut néan-moins se rappeler que l’on a affaire à un site qui pré-sente, dès le départ, un grand nombre de contraintes physiques : petite taille, forme triangulaire et surtout proximité avec plusieurs sources importantes de nui-sances sonores. L’aménagement de la façade continue sans fenêtres face à la voie ferrée représente l’élément clé du programme acoustique – mais il implique un désavantage important pour les habitants de l’im-meuble écran puisqu’ils ne disposent de fenêtres que sur le côté intérieur du projet. Les avantages de cet aménagement de façade l’ont emporté sur cet incon-vénient, dans la mesure où celle-ci permet de réduire significativement le niveau sonore sur l’ensemble du projet ; faisant office de mur antibruit de presque 11 m de haut, sans le coût important qu’aurait représenté l’édification d’un écran antibruit à part entière. Atout esthétique, une fresque murale sur le côté voie ferrée, réalisée par un artiste local, viendra embellir la façade à l’avenir.

Quelle intégration du projet à un tissu urbain en

pleine mutation ? A terme, la ville prévoit un fort développement résidentiel sur Berry Street, où Cres-cent Cove représenterait la pointe à l’ouest [Figure 1]. Un parc relié à un nouveau réseau d’espaces verts dans Mission Bay a été récemment aménagé juste

en face de la halle d’entrée de Crescent Cove, offrant aux habitants du projet la possibilité d’accéder à un espace vert et à des équipements sportifs. Le projet reste néanmoins entièrement coupé du tissu urbain sur les côtés nord et ouest (voire à l’est, vue la coupure symbolique créée par l’autoroute surélevée) et n’aura jamais la possibilité de s’y ouvrir si les infrastructures routières et ferroviaires lourdes demeurent. L’espoir de la municipalité, qui reste à concrétiser, est que, grâce au parc construit en face du projet et aux nouveaux logements prévus à l’est sur Berry Street (dont certains sont déjà réalisés), les habitants de Crescent Cove aient à terme le sentiment de bénéficier d’une vraie vie de quartier.

1 Les indicateurs Lden et Lmax représentent les deux types de nuisances acoustiques provenant de la voie ferrée : Lden,un bruit « de fond », correspond aux niveaux acoustiques moyens dus au roulement du train ; Lmax correspond aux événements acoustiques « uniques », comme par exemple le grincement des freins (bruit aigu de courte durée et plus fort que le bruit de fond).

2 California Code of Regulations, Title 24. Dans la régle-mentation californienne, les niveaux sonores sont mesurés en Lden, tandis que l’indicateur retenu dans le cadre de cette étude est le LAeq.

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proposées sont-elles applicables ailleurs ?

Au lieu de faire construire un mur antibruit à part entière, amé-

nager un immeuble avec une

longue façade en continu qui serve d’écran acoustique face à la source principale du bruit pour protéger les autres bâtiments et les espaces communs.

Tirer parti de la réduction des

nuisances sonores induite par la structure et la disposition des bâtiments pour réaliser des

économies sur le coût éventuel d’un mur antibruit ainsi que les coûts de renforcement acoustique d’autres bâtiments à l’intérieur d’un même projet.

A surface de bâtiment donnée, gagner quelques mètres supplé-mentaires de protection acous-tique grâce à un toit incliné vers

l’intérieur du projet.

Figure 20 Vue de la cour entre les immeubles en forme de doigt. Au fond, un couloir en métal et verre assure le lien entre les bâtiments. Image David Baker + Partners Architects.

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informations clés relatives au projet

Site : 2,2 ha

Programme : un écoquartier comprenant 223 appartements locatifs, dont la moitié de logements sociaux, au sein d’un grand jardin partagé

Sources principales de bruit:une autoroute

Mesures acoustiques clés : desbâtiments reliés qui forment ensemble un écran continu le long de l’autoroute ; une grande originalité dans la forme et la disposition des bâtiments

Réduction de niveaux sono-

res atteinte : plus de 20 dB(A), suivant l’endroit

Architectes : Hinrich et Doris Baller

Gérant de la propriété : ProPotsdam (anciennement GEWOBA)

Livré : 2002

Nutheschlange | Potsdam (Allemagne)

Potsdam connaît depuis plusieurs années un processus impor-tant de rénovation urbaine, réponse à une pénurie de logements qui affecte la ville depuis le début des années 1990. En 1997, un groupe de travail réunissant cinq coopératives immobilières et GEWOBA1 a été formé afin de moderniser et renouveler le parc immobilier de Potsdam. Leur programme comprend la réhabili-tation d’immeubles anciens et de bâtiments industriels, ainsi que la construction de nouveaux logements. Œuvrant à un déve-loppement urbain global et coordonné, le programme travaille également sur le réseau de transports, les infrastructures ainsi que l’accès aux services et aux commerces.

Le quartier étudié, Nutheschlange, ou « serpent de la Nuthe »,du nom d’une rivière qui coule à proximité, se trouve dans la zone résidentielle du centre-est de la ville. Depuis le début des années 2000, cette zone a bénéficié de 115 millions d’euros d’investissement en vue de la réhabilitation du parc immobilier, transformation qui s’est accompagnée d’un travail social soutenu afin de susciter une vie de quartier. Inspirés par la très grande place du jardin dans l’identité de Potsdam, les concepteurs des différents projets d’aménagement ont profité de la tenue du populaire festival national de l’horticulture dans la ville en 2001 pour mettre l’accent sur un cadre paysager marqué par la verdure.

Dans un cadre paysager, des immeubles reliés en-

tre eux font écran et créent un havre de calme à

quelques mètres d’une autoroute

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Le Nutheschlange a été aménagé sur un site long et étroit de 2,2 ha, les 450 m de sa bordure nord-est se situant à quelques mètres seulement de la Nuthesiedlung, une autoroute de deux fois deux voies qui relie Potsdam à Berlin [Figure 4].

En face du quartier, de l’autre côté de l’autoroute, se trouve le parc Babelsberg, qui ne bénéficie d’aucune protection acoustique. Dans la partie du parc situé à proximité de l’autoroute, le trafic routier génère une véritable gêne sonore pour les promeneurs. Les niveaux sonores constatés aujourd’hui dans le parc sont supérieurs à 75 dB(A) et peuvent être rapprochés de ceux que le site de Nutheschlange connaissait avant l’amé-nagement du projet.

Si l’autoroute représente la source majeure des nuisances sonores, le Humboldtring, une rue à trafic modéré qui croise la Nuthestrasse au nord-ouest, contribue également aux nuisances acoustiques sur l’ensemble du site.

Figure 1 (page précédente, à gauche) Situation de Potsdam.

Figure 2 (page précédente, centre) Situation du Nutheschlange à Potsdam.

Figure 3 (page précédente, à droite) Des appartements qui jouissent d’un beau cadre verdoyant.

Figure 4 (ci-dessous) Image satellite du Nutheschlange (dont son périmètre est entouré en orange) et ses environs.

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Les architectes berlinois Hinrich et Doris Baller ont converti des parkings et des garages en un havre de verdure com-prenant 223 appartements locatifs, dont la moitié sont des logements sociaux. En misant sur la forme et la disposition des bâtiments, et quelques éléments de renforcement acoustique, pour lutter contre les nuisances sonores, ils ont proposé une offre immobilière qui se partage en trois types d’immeuble :

le long de l’autoroute, une succession d’immeubles

est intégrée à un écran antibruit. Il s’agit de dix bâtiments de R+4 en forme de papillon, reliés par des plaques de verre constituant le reste de l’écran acoustique ; un grand immeuble de R+5 en terrasses étagées

situé à l’angle nord-ouest du site ;24 maisons de pêcheur, perchées au-dessus d’un étang en face de la rangée d’immeubles R+4.

Une petite ruelle piétonne menant au grand immeuble en terrasses étagées sépare les dix bâtiments des maisons de pécheur [Figure 5].

Figure 5 Plan masse du Nutheschlange. L’opération se trouve à proximité de deux sources de bruit routier : à l’ouest, une rue à trafic modéré, le Humboldtring, et au nord et à l’est, une autoroute, le Nuthestrasse. Au sud, des immeubles se retrouvent, grâce au Nutheschlange, désormais protégée par du bruit autoroutier.

Réduire les nuisances sonores : une succession d’immeubles forme un écran de 400 m de long pour abriter le site

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Figure 6 (ci-dessous) Plan masse de l’opération. En orange, les dix bâtiments en forme de papillon forment un écran le long de l’autoroute.

Les différents aménagements constituant les solutions trouvées par les architectes se composent de la succes-sion de bâtiments reliés entre eux, de l’immeuble en terrasses étagées, du jardin paysager et de plusieurs éléments ponctuels.

Dix bâtiments reliés entre eux par des plaques de verre

forment un écran le long de l’autoroute Le long de l’autoroute, dix bâtiments en forme de papillon sont reliés entre eux pour créer une façade continue de 400 m de long et de presque 15m de haut. Le lien entre les bâti-ments se fait au premier étage par des appartements et à partir du deuxième étage par des plaques de verre, qui of-frent une protection acoustique en même temps qu’une vue dégagée sur le parc Babelsberg situé de l’autre côté de l’autoroute. Ces dix bâtiments forment ainsi un écran de 15 m de haut qui longe l’intégralité de la partie du site jouxtant l’autoroute et protège ainsi l’ensemble du site du bruit routier.

Chaque bâtiment comporte 16 appartements et repose sur des pylônes répartis de façon à ce que le rez-de-chaussée, qui sert de parking, soit ouvert uniquement sur le côté de l’autoroute. Intercalée entre l’autoroute et la succession d’immeubles écrans, une paroi d’une épaisseur de 46 cm a été construite immédiatement devant l’im-meuble du deuxième au quatrième étage pour accroître la protection sonore des logements [Figures 7 et 9]. Grâce

à ce dispositif, l’ensemble des espaces situés derrière l’écran échappe aux nuisances sonores.

Les architectes ont exploité la forme particulière d’un papillon ouvrant les ailes pour lutter contre le bruit du trafic routier, les « ailes » formant la façade la plus lon-gue du bâtiment et se situant donc sur le côté extérieur face à l’auto-route [Figure 6]. Ce qui était à l’origine un inconvénient majeur du projet, la proximité immédiate à une autoroute, a donné, en fait, l’occasion d’aména-ger un véritable havre de verdure à l’intérieur du site en orientant les logements, les balcons et les terrasses vers le côté calme, où des jardins luxuriants ont été aménagés entre les bâtiments. Enfin, les pièces à vivre, orientées vers l’intérieur du site et donc vers les jardins, ont vue sur ceux-ci par l’entremise de vastes baies vitrées [Figure 8].Seules les fenêtres de la cuisine se trouvent sur le côté de l’autoroute, qui bénéficie cependant de la protection acoustique renforcée.

Directement ouvert sur l’extérieur du projet, mais situé en tranchée par rapport à l’autoroute, le rez-de-chaussée des dix bâtiments héberge un long parking, s’étendant sur 400 m. Ce parking semi-enterré reste non-fermé, donc visible, du côté de l’autoroute, mais totalement invisible depuis l’intérieur du site, où il est situé derrière un remblai planté [Figure 7]. Cette disposition fait que même si la voiture a sa place au Nutheschlange, on l’aperçoit suffi-samment peu pour que les habitants puissent profiter pleinement des jardins et des espaces extérieurs.

400 m

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Figure 7 (ci-dessous) Coupe de l’un des bâiments en forme de papillon. Autoroute à gauche. Image Baller Architectes (modifications apportées par l’auteur de l’étude).

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Un grand immeuble à terrasses étagées situé à l’angle de l’autoroute et d’une voie à trafic modéré A l’angle nord-ouest du site se situe un grand immeuble à terrasses qui, de part sa grande taille, sa forme trapézoïdale et sa position à la croisée de l’autoroute et du Humboldtring, représente un dispositif acoustique secondaire du projet. Il crée une sorte de bloc massif à la croisée de deux infrastructures routières, contribuant ainsi à protéger l’intérieur du site du bruit routier [Figure 11].

L’immeuble s’organise en deux grands niveaux fonction-nels : en bas, des parkings ; en haut, des appartements et des jardins. Trois niveaux de parking peuvent accueillir 200 véhicules, avec un rez-de-chaussée semi-enterré qui rejoint le parking de la rangée d’immeubles formant écran. Les

trois étages supérieurs hébergent 36 appartements répartis sur des dalles dont la disposition se veut une évocation des jardins de Babylone [Figure 12].

D’une surface allant de 60 à 70m², les appartements sont tous de petite taille et orientés vers un grand jardin amé-nagé à l’intérieur du bâtiment. Certains bénéficient d’une vue dégagée sur les jardins intérieurs, le parc Babelsberg ou les tours du parc Babelsberg érigées au niveau de la rivière Havel. La structure offre des possibilités d’évolution, telle que la mise en commun de plusieurs appartements, puisque le cloisonnement intérieur est constitué de placoplatre et que seuls les piliers sont porteurs.

Figure 8 (page précédente, à gauche) Des plaques en verre relient entre eux les dix bâtiments en forme de papillon et forment un écran acoustique protégeant les habitants du bruit, au même temps qu’ils per-mettent des perspectives sur le parc Babelsberg depuis l’intérieur du Nutheschlange. Image Jean-Michel Vincent.

Figure 9 (page précédente, en haut à droite) Vue depuis l’autoroute. Une paroi construite sur pilotis à partir du 2ème étage renforce la protection acoustique du Nutheschlange. Image Jean-Michel Vincent.

Figure 10 (page précédente, en bas à droite) L’intérieur du Nutheschlange, les maisons de pêcheur à gauche et les bâtiments en forme de papillon à droite. Image Jean-Michel Vincent.

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Maisons de pêcheur perchées au-des-sus d’un étang Perchées au-dessus d’un étang d’environ 0,2 ha, 25 maisons construites sur pilotis proposent des duplex de 75 à 85 m². On entre dans chaque maison en passant par un ponton puis une véranda de 42 m² non cloisonnés. A l’étage, on trouve deux chambres et une salle de bain. Sous les combles, 15m² sont prévus pour les surfaces annexes et souvent utilisés comme pièce d’appoint. Les façades qui donnent sur l’étang disposent de baies vitrées offrant une belle lumière et une vue directe sur l’étang.

Ces maisons ne font l’objet d’aucune mesure acoustique particulière : la dis-position des deux autres types de bâti-ment assure un faible niveau de bruit à l’intérieur du site, dont ces maisons paisibles sur l’étang bénéficient directe-ment. La hauteur des maisons en du-plex, bien inférieure à celle des autres immeubles du site (le grand immeuble de R+5 et la succession d’immeubles écrans de R+4), est également is-sue d’un choix réfléchi de la part des architectes : la hauteur des grands im-meubles est un dispositif acoustique de plus pour protéger les petites maisons de pêcheur à l’intérieur du site.

Figure 11 (page précédente, en haut à gauche) Plan masse. En orange, l’immeuble à terrasses étagées.

Figure 12 (page précédente, en bas à gauche) Coupe de l’immeuble à terrasses étagées. Image Baller Architectes (modifications apportées par l’auteur de l’étude).

Figure 13 (page précédente, en bas à droite) L’immeuble à terrasses étagées.

Figure 14 (à gauche, en haut) Plan masse. En orange, les maisons de pêcheur.

Figure 15 (à gauche, en bas) Coupe de l’une des maisons de pêcheur. Image Baller Architectes (modifi-cations apportées par l’auteur de l’étude).

Figure 16 (à droite) Maison de pêcheur. Image Jean-Michel Vincent.

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Outre les éléments du programme, des me-sures ponctuelles complètent les dispositifs acoustiques.

La forme, la hauteur et la disposition des trois types d’immeuble proposés par le Nutheschlange constituent les mesures les plus efficaces sur le plan acoustique. D’autres éléments concentrés sur les dix bâtiments « en forme de papillon », tels qu’un renforce-ment acoustique des logements à partir du deuxième étage sur le côté de l’autoroute, l’orientation des pièces à vivre, des balcons et des terrasses vers l’intérieur du projet et la quasi invisibilité de la voiture à l’intérieur de celui-ci, viennent renforcer les principaux dispositifs de lutte contre le bruit. La qualité paysagère et naturelle du lieu qui donne des bruits naturels (oiseaux, eau, bruissement des feuilles), couplé à l’absence de voitures à l’intérieur du projet, contribue à adoucir davantage l’ambiance sonore du site.

Figure 17 La paysage joue un rôle majeur au sein du Nutheschlange, l’une des inspirations du projet étant les

jardins de Babylone. Image Jean-Michel Vincent

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Figure 18 (en haut) Exposition acoustique : plan. Image Benoit Petit.

Figure 19 (en bas) Exposition acoustique : coupe. Image Benoit Petit.

0 50.0m

< 30.0

30.0 .. 36.3

36.3 .. 42.5

42.5 .. 48.8

48.8 .. 55.0

55.0 .. 61.3

61.3 .. 67.5

67.5 .. 73.8

73.8 .. 80.0

> 80.0

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Figure 20 (en bas) Exposition acoustique du Nutheschlange - vue depuis l’intérieur du projet. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

Figure 21 (en bas) Exposition acoustique du Nutheschlange - vue depuis le sud, avec l’autoroute à droite. Image Benoit Petit et Michel Rudyj.

En dB(A)

Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des estimations simulant l’efficacité acoustique du projet d’aménagement. Les simulations, calculées en LAeq, conformément à la réglementation française, sont représentées dans les Figures 18 à 21.

Au vue de la complexité de certains details architecturaux de ce projet, ainsi que des limites du logiciel Mithra, certains éléments ont dû être sim-plifiés lors de la réalisation des cartes acoustiques, notamment :

la paroi qui en réalité part du deuxième étage des bâtiments « en forme de papillon » part, dans les simulations acoustiques, du sol ;le matériau du revêtement en verre n’a pas pu être précisé ;la hauteur de la façade échelonnée de l’immeuble à terrasses éta-gées a dû être beaucoup simplifiée.

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Les niveaux sonores indiqués sont donc des estima-tions, qui permettent néanmoins d’évaluer les points forts et les points faibles du projet sur le plan sonore.

Points forts du design

Les bâtiments situés le long de la source prin-cipale de bruit remplissent parfaitement leur office d’écran antibruit. Si les niveaux sonores atteignent plus de 74 dB(A) du côté de l’auto-route, la plupart de la zone du côté cour et jardin est exposée à des niveaux acoustiques entre 49 et 55 dB(A), avec des niveaux légèrement supérieurs à mesure qu’on approche à l’ouest du projet.La hauteur des bâtiments longeant l’autoroute, supérieure à celle des maisons situées derrière, côté jardin, renforce la protection sonore pour l’intérieur du projet.Les balcons formés entre les « ailes » des pa-pillons sont très bien protégés du bruit. Il en est de même pour les maisons perchées au dessus de l’étang. Même certains immeubles qui étaient construi-tes bien avant l’arrivée du Nutheschlange profitent désormais de l’agencement du projet :ils se trouvent nettement mieux protégés du bruit routier grâce au bâti bien conçu sur le plan acoustique.

Points faibles du design

Les quelques espaces qui brisent la continuité du front bâti le long des sources de bruit routier, notamment entre l’immeuble à terrasses éta-gées et la succession d’immeubles « en forme de papillon », laissent passer le bruit et font que les habitants aux extrémités ouest et est sont moins bien protégés sur le plan acoustique que ceux qui se trouvent dans les appartements situés au milieu du projet. Malgré son aspect massif, l’immeuble à terrasses étagées n’a pas été conçu en longeur le long du Humboldtring, ce qui laisse la partie ouest moins protégée du bruit routier que le reste du projet.

En résumé

En construisant un bloc immobilier qui fait obstacle à la propagation du bruit, les architectes du Nuthes-chlange emploient une stratégie acoustique similaire à celui des concepteurs du « Crescent Cove » à San Francisco. Si les structures à Potsdam représentent une plus grande originalité dans les formes, l’effet acoustique de la disposition des immeubles est d’une efficacité semblable : le coeur du projet est la partie la mieux protégée sur le plan sonore, les espaces entre les bâtiments aux extrémités du projet représentant les quelques failles en termes acoustiques.

A la différence du Nutheschlange, le cas de Crescent Cove présente un bâtiment épousant la voie ferrée qui est moins élevé que les immeubles situés à l’intérieur du projet. Les étages supérieurs de ces immeubles sont donc plus exposés au bruit que les étages infé-rieurs. A Potsdam, les bâtiments « en forme de pa-pillon » situés le long de la source de bruit sont plus élevés que les maisons de pêcheur qui jouissent donc, à l’intérieur du projet, d’une ambiance très calme.

Leçons et limites

Des mesures acoustiques très efficaces L’écran fonctionne très bien : on n’entend pas le trafic routier depuis l’intérieur du site, tandis que de l’autre côté de l’autoroute, aux abords du parc Babelsberg, les nuisances sonores sont de l’ordre de 75 à 80 dB(A). La protection acoustique est si efficace que l’écran protège du bruit non seulement les résidents du Nutheschlange, mais également ceux des immeubles situés au sud-ouest du projet [Figures 4 et 18]. Aupara-vant, les habitants de ces immeubles n’étaient séparés de l’autoroute que par des parkings et des garages – installations peu qualitatives et sans réelle efficacité pour protéger du bruit généré par le trafic de l’auto-

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Figure 24 Les baies vitrées et les balcons permettent aux habitants de profiter pleinement du paysage riche à l’intérieur de l’opération. Image Jean-Michel Vincent.

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route. Depuis la construction du nouveau quartier, ils attribuent une nette amélioration de leur qualité de vie à la réduction de bruit induite par l’agencement des nouveaux bâtiments et à la jouissance d’un nou-veau jardin paysager.

Une architecture originale L’architecte Hinrich Baller est connu pour ses designs particuliers : « Si c’est de travers, c’est Baller ! » est l’un des slogans qui s’attachent à son œuvre. Nutheschlange n’échappe pas à la règle : la forme originale des bâtiments permet une protection acoustique améliorée ainsi qu’une variété de perspectives et la création d’espaces dynamiques – balcons, terrasses et autres coins et recoins – qui ont été, depuis l’achèvement du projet, appropriés par les habitants. Les baies vitrées don-nant sur les jardins remplissent les appartements de lumière. Le projet se veut évolutif dans la mesure où les architectes ont prévu que des appartements dans le grand immeuble puissent être recombinés et que le rez-de-chaussée sans cloisons des maisons de pêch-eur puisse être aménagé à la guise des habitants.

Un cadre paysager riche L’intérieur du Nuthesch-lange est totalement placé sous le signe de la verdure. S’inspirant de la forte identité horticole et paysagère de Potsdam, croisée avec une référence aux jardins suspendus de Babylone, les architectes-paysagistes ont créé une grande variété de paysages. La plupart des appartements bénéficient d’une terrasse ou

d’un balcon privatif. Depuis les étages supérieurs, les fenêtres comme les plaques de verre qui donnent sur l’autoroute offrent une vue dégagée sur le grand parc Babelsberg : même si un écran protège du bruit l’intégralité du site, le projet n’est pas pour autant isolé de ses environs. L’étang qui traverse le site est un élément qui contribue fortement à recréer la présence de la nature. Assurément, dans le Nutheschlange, le promeneur n’a pas vraiment l’impression de se trouver à quelques mètres seulement d’une autoroute.

Un écoquartier réussi Les concepteurs ont égale-ment intégré de nombreux éléments écologiques au projet, tels qu’une toiture végétalisée sur le grand immeuble (non accessible aux résidents), un réseau de récupération des eaux de pluie, auquel l’étang est intégré, des parkings à vélo au pied des immeubles. Le projet parvient à être à la fois dense (environ 100 logements par hectare) et très verdoyant.

La mixité sociale et générationnelle représente un autre objectif prioritaire du projet. Nutheschlange propose une offre immobilière riche : les logements sont destinés à des publics variés (la moitié sont des logements sociaux), soit par la taille et le type pro-posé (allant du petit appartement dans un immeuble de R+5 à la maison de pêcheur en duplex), soit par l’accessibilité de certaines unités aux personnes âgées ou handicapées. La dalle du parking du grand immeu-ble à terrasses étagées est en partie recouverte d’un

vaste espace extérieur regroupant des espaces de jeux et neuf jardins individuels, destinés aux familles.

A l’intérieur du site, on n’entend plus la voiture – et on ne la voit pas non plus : même si les parkings abri-tent 283 places de stationnement, leur disposition en entresol, visible uniquement du côté de l’autoroute, diminue la place de la voiture dans le projet, succès re-marquable pour un projet urbain situé au bord d’une autoroute.

Un design original mais peut-être compliqué Nuthe-schlange représente un cas réussi d’écoquartier qui propose un cadre exceptionnel à ses habitants. Cependant, la recherche d’originalité architecturale a parfois pu l’emporter sur la facilité de construction et la considération de la gestion du site. Aujourd’hui, les gérants de la propriété constatent que les coûts d’entretien sont élevés, notamment pour les espaces verts, le système d’irrigation et le nettoyage régu-lier des plaques de verre, et qu’un certain nombre d’appartements demandent déjà des rénovations importantes.

1 GEWOBA est une structure municipale créée en 1997 pour gérer les biens immobiliers de la ville et fait désormais partie du groupe d’entreprises Pro Potsdam.

Figure 25 (page suivante) Le projet urbain est totalement placé sous le signe de la verdure.

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proposées sont-elles applicables ailleurs ?

Un écran antibruit réussi : Nutheschlange montre qu’il est possible de relier plusieurs bâtiments pour en faire une façade continue qui protège tout le site du bruit routier. Une telle protection a notamment permis de réaliser un programme résidentiel varié quipropose un mélange des types d’habitations. Deux autres particularités de cet écran an-tibruit : les plaques de verre offrent un mur transparent proposant des vues sur l’extérieur du projet, et la réalisation d’un front bâti du côté de l’autoroute qui s’insère très bien dans le paysage.

Une présence « invisible » de la voiture quine circule pas à l’intérieur du site mais qui est toutefois présente au rez-de-chaussée des bâtiments.

Un écoquartier qui offre une densité végé-

tale remarquable, de nombreux éléments écologiques ainsi qu’une mixité sociale et générationnelle.

Un cadre paysager riche qui contribue à

adoucir la perception du bruit à l’intérieur

du site : au cœur de la verdure et au bord d’un étang, l’autoroute n’est qu’un souvenir loin-tain.

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informations clés relatives au projet

Surface : 25 ha

SHON construite : 125 000 m²

Programme : 50 000 m2 de bu-reaux, 13 000 m2 de commerces, 5 500 m2 de pépinières d’entrepri-ses, 4 000m2 d’hôtel, 6 500 m2 de logements, des équipements ainsi que des espaces verts

Sources principales de bruit : leboulevard périphérique et la circu-lation autour de la Porte des Lilas

Mesures acoustiques clés :

couverture de deux tronçons du boulevard périphérique, création de zones tampons le long des axes routiers bruyants, adoption d’une forme urbaine privilégiant les em-prises foncières importantes et des façades en continu

Réduction de niveaux sonores

atteinte : jusqu’à 20 dB

Coût total de l’opération :

1 875 €/ m² SHON (aménagements de la ZAC et couverture du bd périphérique compris)

Aménageur : SEMAVIP

Architecte coordinateur : Agence LLTR – Olivier Le Boursicot

Paysagiste : Philippe Hilaire

Porte des Lilas | Paris, Bagnolet, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais

Opération d’aménagement de 25 ha dans l’est parisien, la ZAC Porte des Lilas s’inscrit dans le cadre du Grand projet de renou-vellement urbain (GPRU) de la ville de Paris, dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des quartiers périphériques [Figure 1]. La ZAC s’étend, pour sa plus grande partie, sur deux arrondis-sements parisiens (19e et 20e) – en notant que la Porte des Lilas est l’un des rares endroits où la ville de Paris possède du terrain de l’autre côté du boulevard périphérique – et, pour une partie plus petite, sur trois communes limitrophes : Les Lilas, Bagnolet et Le Pré-Saint-Gervais [Figure 2].

Le projet consiste en deux éléments clés : la couverture de deux tronçons du boulevard périphérique de part et d’autre d’un pont existant, et l’aménagement d’un territoire couvrant les quelques 1,75 ha de la dalle de couverture ainsi que 23 ha situés à l’est du boulevard périphérique entre l’avenue de Belvédère au nord et le quartier Fougères au sud [Figure 3]. Au programme, une mixité urbaine qui favorise le développement économique (50 000 m2

de bureaux, 13 000 m2 de commerces, activités artisanales et PME, 5 500 m2 de pépinières d’entreprises), mais propose tout de même 300 logements, une résidence universitaire, un établisse-ment destiné aux personnes âgées, des équipements sportifs et culturels, des équipements municipaux, une gare de bus et des espaces verts dont 1,5 ha sur la dalle de la Porte des Lilas.

Un ensemble de mesures acoustiques, dont la couverture du boulevard

périphérique, pour composer avec un vaste tissu urbain existant

Figure 1 (à gauche) Localisation de la ZAC Porte des Lilas.

Figure 2 (à droite) Périmètre du projet d’aménagement, situé de chaque côté du boulevard périphérique et à cheval sur quatre communes.

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Figure 3 Plan masse de la Porte des Lilas. Image LTTR - Mairie du 20 arrondissement

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Plusieurs objectifs président à ce projet qui vise à aménager un « nouveau centre urbain » : améliorer le cadre de vie des riverains en établissant une conti-nuité urbaine entre Paris et les trois communes limi-trophes, faire émerger un nouveau pôle économique dans l’est parisien et favoriser la mixité urbaine par l’implantation de programmes diversifiés (économi-ques, culturels et résidentiels).

Bien que le périmètre de la ZAC ait été créé en 1993, le projet d’aménagement ne commence à prendre forme qu’à partir de 2001. En 2003, le Conseil de Paris approuve un programme de ZAC et le financement de la couverture du périphérique. Après plusieurs années de concertation entre les mairies concernées par le projet et des associations de riverains, les travaux de couverture sont réalisés entre 2005 et 2007. L’aména-gement de la ZAC se fait progressivement, avec le lan-cement de la dernière phase de travaux de logements prévu pour 2014.

Le boulevard périphérique, axe routier parmi les plus bruyants de Paris, touche plus de 100 000 habitants et de nombreux emplois le long de son parcours.

Selon une étude de Bruitparif publiée en janvier 2010 dans le cadre d’une campagne de mesure du bruit autour du périphérique parisien, « pour les riverains exposés en façade du boulevard périphérique, il n’y a jamais de répit, ni la nuit, ni le week-end, ni même pendant les vacances scolaires ». Les niveaux sonores sont importants dès 5 heures du matin et ce jusqu’à minuit, avec une baisse la nuit, mais faible seulement. Parmi les huit stations de mesures acoustiques mises en place par Bruitparif lors de son étude, celle instal-lée entre la Porte des Lilas et la Porte de Bagnolet a enregistré les niveaux sonores moyens les plus élevés pendant la journée (Lden) à 78,9 dB(A) aussi bien que la nuit (Ln) à 72,3 dB(A). De tels niveaux font de ce quartier l’une des Zones de bruit critique autour du périphérique. Même si le boulevard périphérique est la source de la plupart des nuisances sonores, il faut également compter avec les niveaux acoustiques élevés générés par la circulation sur les diverses voies du quartier qui mènent au périphérique.

Réduire les nuisances sonores :

une diversité de solutions antibruit

La ZAC Porte des Lilas est un projet urbain à la fois vaste et complexe, avec sa situation très symbolique,

à cheval sur la ville de Paris et la banlieue proche, sa proximité à l’une des infrastructures routières les plus fréquentées de la région, sa taille importante de 25ha et son découpage administratif et politique impli-quant cinq municipalités, des associations et des re-présentants de la ville de Paris ainsi que de la Région. Face à la complexité de ce « millefeuille » institution-nel, les aménageurs devaient trouver un ensemble de solutions d’échelles différentes pour répondre à des ambitions et des contraintes diverses, y compris pour les problèmes de nuisances sonores.

Dans un tel ensemble, une solution technique unique ne saurait suffire pour diminuer les nuisances acous-tiques dans toute la ZAC : même si la couverture du boulevard périphérique représente la solution acous-tique la plus emblématique de l’opération, d’autres mesures antibruit ont également été entreprises. Des zones tampons ont été créées à proximité de la source du bruit pour protéger des fonctions plus « sensi-bles », et le choix d’une forme urbaine « massive »privilégiant des emprises importantes et des façades en continu luttent également contre les nuisances acoustiques provenant d’autres rues à forte circula-tion. L’opération de couverture est donc une option qui ne dispense pas de concevoir l’aménagement même du quartier en réponse au bruit routier.

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Quelles solutions au problème de bruit?

La couverture du périphérique parisien :

« Je peux enfin ouvrir mes fenêtres » Le boulevard périphérique a été couvert sur deux tronçons : le premier de part et d’autre de la Place du Maquis du Vercours, sur une longueur de 100 m et au centre de l’anneau de l’échangeur [Figures 4 et 5]; le second de part et d’autre de la couverture existante au niveau du Quartier Fougères, en pro-longement de la dalle Léon-Frapié sur une longueur d’environ 70 m. Au total, grâce à la dalle, la couverture crée une nouvelle surface de 1,75 ha.

Le recouvrement permet, en principe, de satisfaire plusieurs ambitions à la fois : réduire l’exposition des riverains aux nui-sances sonores et à la pollution de l’air, ce qui leur permet de pouvoir enfin ouvrir leurs fenêtres. La couverture permet également de tisser une continuité urbaine entre Paris et les communes limitrophes et de dégager de nouveaux espaces fonciers, soit en en créant de nouveaux, avec, par exemple, les surfaces créées sur la dalle, soit par la réduction des nuisances auxquelles sont exposés les ter-

rains situés face à la nouvelle couverture, ainsi rendus beaucoup plus attractifs et, par-tant, constructibles. Par exemple, le terrain qui longe le boulevard René Fonck, depuis longtemps délaissé à cause de sa proximité au boulevard périphérique, a été « libéré »des nuisances sonores et esthétiques les plus intenses grâce à la couverture.

Créer des zones tampons le long des voies

urbaines les plus bruyantes Dans la mesure où la couverture du boulevard périphérique ne règle pas tous les problèmes acoustiques de la ZAC, les aménageurs ont systématique-ment disposé sur les lots les plus exposés au bruit routier des fonctions moins sensibles aux nuisances acoustiques – bureaux, com-merces, équipements et activités [Figure 7].Etablies à proximité des sources de bruit, ces zones tampons protègent les fonctions acoustiquement les plus sensibles, tels les logements, en les éloignant de la source de bruit et en faisant office d’écrans. Certaines activités sensibles – une résidence étudiante et un établissement destiné aux personnes âgées – s’y intégrent néanmoins, grâce à leur forme conçue en fonction de leur disposition par rapport à la rue.

Figure 4 (en haut) Photo aérienne de la Porte des Lilas avant les travaux de couverture du boulevard périphérique. Image Philippe Guignard.

Figure 5 (en bas) Photo aérienne de la Porte des Lilas à la suite des travaux de couverture du boulevard périphérique, avant l’aménagement, d’un côté de la Place du Maquis du Vercors, du parc Serge Gainsbourg et, de l’autre côté de la place, d’un cinéma indépendant, d’un local RATP et d’un espace cirque. Image Philippe Guignard.

Figure 6 (page suivante) Vue sur le bassin, avec en avant-plan le parc Serge Gainsbourg, amenagé sur la couverture du bd périphérique au niveau de la Porte des Lilas. Image SEMAVIP.

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Figure 6 Perspective de la couverture du bd périphérique depuis le nord, le lot M à droite. Image Semavip.

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Figure 7 (en haut) Vue sur le parvis : un nouveau cinéplex indépendent à gauche. Image Semavip.

Figure 8 (à gauche) Le nouvel espace RATP, avoisinant l’espace cirque. Image Semavip.

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Figure 9 Vue du jardin Serge Gainsbourg, aménagé sur la couverture du bd périphérique au nord de la Place du Maquis. Image SEMAVIP.

Figure 10 (page suivainte) Plan masse de la ZAC Porte des Lilas. Image LTTR - Mairie du 20e arrondissement

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Deux zones tampons sont visibles sur la vue d’ensemble du plan d’aménagement de la ZAC: (1) Lots F4 et G qui donnent sur la rue de Paris, entre l’avenue René Fonck et la rue Raoul Wallenberg/rue des Frères Flavien et (2) Lots B, I et J qui longent la partie non-couverte du boulevard périphérique.

Lots F4 et G [Figure 10] A l’entrée de la ville des Lilas, sur la très fréquentée rue de Paris, les lots F4 et G pro-posent un ensemble de bureaux avec des commerces en rez-de-chaussée. L’emplacement de bureaux et de commerces dans des immeubles de R+6 sur l’un des axes principaux de la ZAC permet de concentrer des fonctions économiques et de créer une entrée

de ville active et commerçante, contribuant ainsi à l’ambition des aménageurs d’implanter un nouveau pôle de développement économique. Cette disposi-tion peut être propice aux activités situées le long de la rue en leur permettant de profiter d’un accès aisé au nouveau pôle de transports (métro, nouvelle gare routière et, dès 2012, le prolongement de la ligne T3 du tramway) ainsi que de la visibilité qu’offre un tel emplacement.

Lots B, I et J [Figure 10] Entre les deux tronçons couverts du périphérique, une portion non couverte fait face aux lots B (en partie), I et J. Les lots B et I, en cours de programmation -- le plan masse ci-dessus

propose une forme des bâtiments à titre indicatif --, accueilleront à terme des bureaux et des commerces, tandis que le lot J est réservé à une déchetterie de la ville de Paris. Cette zone tampon, composée de bu-reaux, de commerces et d’équipements municipaux, servira à protéger l’ensemble des fonctions prévues pour les lots C, D et E, qui intègrent un foyer pour jeunes travailleurs, un foyer pour travailleurs migrants et un foyer d’aide médicalisée, une résidence étudi-ante, deux crèches municipales, un centre d’accueil d’urgence pour enfants et la cuisine centrale de la Caisse des écoles du 20e arrondissement.

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Une forme urbaine privilégiant les emprises importantes et les immeubles en façade continue A l’exception de la surface con-sacrée à l’infrastructure routière du boulevard périphérique et aux espaces verts, l’ensemble de la ZAC se compose d’îlots divisés en plusieurs lots de taille importante [Figure 13].Les structures déjà réalisées, dont certains gros équipements ainsi que des ensembles de bureaux, ont chacune une emprise fon-cière importante et une façade relativement longue et continue. C’est une forme urbaine « massive », performante sur le plan acous-tique dans la mesure où elle est composée d’un ensemble d’immeubles qui font écran pour protéger les structures les plus sensibles sur le plan sonore ainsi que le tissu urbain existant.

Par exemple, des deux côtés de la rue de Par-is, chacun des lots F4 et G est composé d’un seul immeuble de R+6 s’étendant le long de l’îlot avec une façade en continu sur quelques 70 m. Les immeubles, avec leur emprise considérable, leur hauteur importante et leur façade continue, forment chacun un écran le long de la rue qui permet, d’une part, de pro-téger des logements situés à l’arrière de ces immeubles (les chambres de la résidence étu-diante situées derrière le lot F4, par exemple) et, d’autre part, d’aménager des cours et des espaces verts au calme à l’intérieur de l’îlot.

Autres mesures acoustiques Des murs antibruit [Figures 11 et 12] ont été réalisés le long de la bretelle d’accès au périphérique extérieur et la plupart des immeubles qui lui font face ont peu de fenêtres, se sont vus aménagé des cours à l’abri du bruit routier à l’intérieur de l’îlot qui sont protégées par une longue façade donnant sur la rue.

Figure 11 (à gauche, en haut) Vue des deux écrans acoustiques qui ont été réalisés au nord de la porte des Lilas, le long du boulevard périphérique extérieur et de sa bretelle d’entrée . Image SEMAVIP.

Figure 12 (à gauche, en bas) Localisation des murs antibruit (traits orange) dans la ZAC. Image LTTR - Mairie du 20 arrondissement.

Figure 13 (à droite) La forme urbaine de la ZAC s’intègre dans le tissu urbain existant, privilégiant des emprises importantes et des immeubles qui se joignent (ou presque) pour proner une façade continue faisant face au bruit routier. Image Benoit Petit et Marissa Plouin.

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Figure 14 (à gauche) Exposition acoustique : plan de la ZAC. A noter que le plan définitif de cette opération est toujours en cours de programmation. Image Benoit Petit.

Figure 15A (à droite, en haut) Exposition acoustique : coupe tirée du secteur nord non-couvert du bd périphérique au niveau de la Place des Lilas. Image Benoit Petit.

Figure 15B (à droite, au milieu) Exposition acoustique : coupe tirée au niveau du recouvrement du bd périphérique, au sud de la Place du Maquis. Image Benoit Petit.

Figure 15C (à droite, en bas) Exposition acoustique : coupe tirée du secteur sud recouvert du bd périphérique. Image Benoit Petit.

A

B

C

A

B

C

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Figure 16 Exposition acoustique de la ZAC, vue depuis le sud. Image Benoit Petit et Michel Rudyj (modifications apportées par l’auteur de l’étude).

En dB(A)

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Figure 17 Exposition acoustique de la ZAC, vue depuis le sud-ouest. Image Benoit Petit et Michel Rudyj (modifications apportées par l’auteur de l’étude).

En dB(A)

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Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des estimations simulant l’efficacité acoustique du pro-jet d’aménagement. Les simulations, calculées en LAeq, conformément à la réglementation française, sont repré-sentées dans les Figures 14 à 17.

Les données trafic fournies au logiciel sont des estima-tions. Les chiffres de l’avant-projet ne sont en effet plus tout à fait valables dans la mesure où le réseau routier d’origine a été modifié du fait du recouvrement du boule-vard périphérique. Aujourd’hui, l’opération étant toujours en travaux, de fortes perturbations de circulation ne per-mettent pas de constater les niveaux acoustiques calculés par le logiciel.

Ensuite, l’opération est, dans sa topographie et ses formes architecturales, compliquée à simuler. De plus, certains éléments sont toujours en cours de programmation (notamment les lots qui longent la partie non-couverte du boulevard périphérique, au sud de l’ïlot D dans Figure 18) ce qui a obligé à formuler des hypothèses. D’autres éléments du programme ont dû être simplifiés pour être intégrés dans le logciel, notamment la forme des bâti-ments possédant des hauteurs différentes. La topogra-phie du terrain à certains endroits et le recouvrement du boulevard périphérique a également été difficile à simuler avec le logiciel Mithra.

Les cartes acoustiques proposées ici permettent néan-moins d’identifier les points forts et les points faibles du design de l’opération sur le plan acoustique.

Dans l’analyse qui suit, les zones d’intérêt sont identifées dans la Figure 18 ; on propose tout de même au lecteur de se référer aux Figures 14 à 17 pour étudier les cartes acoustiques.

Points forts du design

Le recouvrement du boulevard périphérique limite les niveaux sonores sur la dalle de part et d’autre de la Place du Maquis [zone B dans Figure 18]: on re-marque des niveaux sonores entre 61 et 67.5 dB(A) sur la dalle, comparés à des niveaux nettement plus élévés (supérieur à 80 dB(A)) sur les parties non-couvertes du boulevard [zone A].La disposition des immeubles donnant sur l’avenue Réné Fonck [zones C-C1 et D-D1], qui consiste en de longues façades entourant des cours intérieures, réussit à bien protéger les cours intérieures. Cette disposition offre aux usagers de l’immeuble des pièces intérieures (côté cour), ainsi que des espaces extérieurs, où l’on peut trouver le calme. Elle est aussi efficace face au bruit routier provenant du boulevard périphérique que face à celui provenant des rues environnantes, telle que la rue de Paris [entre les zones C-C1 et D-D1].

Place du Maquis

A

A

B

C

D

E

Figure 18 Plan acoustique de l’opération, avec des zones d’intérêt entourées de noir (A à E).

C1

D1

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La forme « massive » des immeubles qui longent le boulevard périphérique [zones C-C1 et D-D1]protège bien le deuxième rang de bâtiments qui se trouvent plus loin du boulevard [zone E].

Points faibles du design

Si la couverture du boulevard périphérique réussit à diminuer le bruit routier d’une vingtaine de décibels, les niveaux sonores restent toute de même relativement élévés sur la dalle [zone B].Dans la mesure où l’opération prévoit d’élargir les voies passant actuellement au-dessus du boule-vard périphérique pour assurer une circulation plus fluide, les riverains seront toujours, malgré le recouvrement, exposés à des niveaux sonores assez importants. Les zones tampons [zones C1 et D1, ainsi que le secteur au sud de la zone D, pas encore construit, qui est destiné à accueillir des bureaux, des commerces et des équipements municipaux]réussisent à éloigner les usages plus sensibles (logements) des sources princpales de bruit, mais c’est finalement la disposition et la forme de ces immeubles qui jouent le rôle principal sur le plan sonore. Les lieux les plus calmes se trouvent à l’in-térieur des îlots, grâce à de longues façades et une hauteur relativement élevée (allant de R+3 à R+8).

En résumé

L’ampleur de la réduction de bruit induite par le recou-vrement sera, en partie, limitée par l’élargissement de la voie actuelle qui créera une nouvelle source de bruit. Si la couverture entraîne des gains non-négligeables sur le plan acoustique, elle doit s’accompagner d’autres mesures pour lutter contre un ensemble plus large de nuisances sonores. La disposition et la forme des im-meubles le long des axes routiers bruyants s’inscrivent dans le cadre de telles mesures. Les immeubles permet-tent de faire obstacle au bruit environnant et protègent ainsi les autres immeubles au deuxième rang (tels que des logements, par exemple).

De manière générale, la couverture joue un rôle très important dans la qualité de vie du quartier, sur les plans symboliques et concrets -- notamment en tant qu’élé-ment fédérateur entre Paris et les communes limitro-phes.

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Leçons et limites

Une porte ouverte entre territoires limitrophes

L’aménagement de la ZAC s’articule autour de son élément emblématique, la couverture du boulevard périphérique. La couverture joue un rôle symbolique extrêmement important en instaurant, entre Paris et les communes limitrophes, une continuité urbaine qui permet aux riverains de part et d’autre de cette ancienne coupure de bénéficier d’un ensemble des nouveaux services et espaces de qualité : parcs, bib-liothèque municipale, cirque, cinéma indépendant et pôle multimodal de déplacements. L’aménagement de la dalle de couverture est remarquable dans la mesure où un espace qui était auparavant consacré au passage de voitures – une fonction dont les riverains subissaient les inconvénients (nuisances sonores, pollution de l’air, pauvreté esthétique) – a été re-conquis pour servir les habitants du quartier sous forme d’espaces de détente, de loisirs, de rencontre et d’échange. Au lieu d’une vue sur huit voies de trafic routier à toute heure, les riverains jouissent mainte-nant d’une vue sur de la verdure.

Un ensemble de mesures acoustiques pour un vaste

projet d’aménagement A la couverture du boulevard

périphérique à la Porte des Lilas s’ajoutent d’autres so-lutions pour lutter contre le bruit routier : notamment, des zones tampons le long des sources principales de bruit et une forme urbaine « massive ». Cette diversité d’interventions facilite l’application de ce qu’on pour-rait appeler une « juste mesure antibruit » caractérisée par un contexte, dans un projet aussi vaste que la ZAC Porte des Lilas. Elle permet également d’entreprendre des mesures efficaces et moins coûteuses que la cou-verture du boulevard périphérique qui ne règle pas tous les problèmes de nuisances sonores.

Accent sur la mobilité : faciliter le déplacement et

les échanges en circulations douces et transports en

commun Les concepteurs de la ZAC ont également misé sur la mobilité durable en améliorant le réseau de transports en commun et de déplacements en circulations douces. La Porte de Lilas se transformera à terme en véritable pôle multimodal où les échanges sont facilités : une nouvelle sortie de métro et une nouvelle gare routière rejoignent l’extension de la ligne T3 du tramway qui doit arriver à la Porte des Lilas en 2012. Aux deux kilomètres de pistes cyclables s’ajoutent une promenade verte traversant le quartier à partir du jardin aménagé sur la dalle au niveau de la Place du Maquis du Vercors. Au final, un lieu forte-ment marqué depuis des années par le trafic routier va bénéficier d’une diminution de la place accordée à la voiture, qui cédera du terrain à des modes de déplace-ment plus écologiques et moins bruyants

Un développement durable La ZAC comportera de nombreux bâtiments intégrant une dimension de développement durable. Les deux immeubles sur les lots F4 et G, par exemple, proposent par leur façade différenciée une « lecture » écologique (soit entière-ment vitrée pour laisser passer la lumière, soit proté-gée du soleil par des pare-soleils). La couverture au niveau de la Place du Maquis du Vercors accueille un jardin de 1,5 ha qui est conçu de manière durable en misant sur la récupération des eaux et la gestion des déchets verts.

Une concertation modèle inédite Par sa méth-ode de concertation inclusive et inédite, le projet d’aménagement a permis de faire participer une diversité d’acteurs significative tout au long du pro-cessus. La création du Comité Intercommunal pour le projet de couverture a impliqué des élus du Conseil Général et Régional, les maires des trois communes limitrophes, les maires du 19e et du 20e arrondisse-ments parisiens, ainsi que le maire de Paris qui a piloté l’opération. Cette coopération intercommunale a permis de déboucher sur des accords touchant des sujets sensibles tels que celui de l’emplacement dans la ZAC de certaines fonctions peu attractives, comme la déchetterie, par exemple.

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Coût extrêmement important d’une opération de couverture... La couverture du boulevard périphérique reste une solution antibruit assez rare au vu du coût important de sa réalisation : la couverture de la Porte des Lilas a réclamée un investissement de 99 millions d’euros, sans compter les aménagements de la surface.

... pour une réduction modeste des niveaux sonores Même si les niveaux acoustiques restent élevés aux abords de la portion couverte du boulevard périphérique, les gains sonores pour les ha-bitants sont loin d’être négligeables. En outre, les riverains jouissent des effets positifs du recouvre-ment en termes esthétiques, pratiques et symboliques.

Figure 19 Les pare-soleils protégeant les usagers du soleil permettent une lecture écologique par la façade de l’immeuble.

La couverture d’une voie rapide a été réalisée ailleurs en Ile-de-France dans les zones très denses (notamment sur le boulevard périphérique au niveau de la Porte de Vanves ou sur l’autoroute A1 à Saint Denis; des travaux sont également en cours sur l’autoroute A6 à Gentilly), mais il s’agit d’une solution antibruit coûteuse dont

l’efficacité acoustique dépend de la mise en place

d’une stratégie de réduction de bruit des rues en sur-

face. Ce type de mesure n’est envisageable que sur une minorité d’infrastructures urbaines.

Une forme urbaine « massive », plus performante

sur le plan acoustique : grandes emprises, fronts bâtis continus, hauteur relativement importante (R+6). Pour contrer l’éventuelle monotonie du rendu visuel de ce choix, une attention architecturale a été portée sur le relief, les matériaux et les couleurs : les deux immeubles sur les lots F4 et G proposent par leur façade différenciée une « lecture » écologique [Figure 19].

Agencement stratégique des immeubles: création d’une

zone tampon de bureaux et de locaux à proximité de

la source du bruit afin de protéger des activités plus sensibles, telles que les logements, les crèches, etc. Cela reste une solution antibruit moins performante que la disposition et la forme des bâtiments.

sont-elles applicables ailleurs ?

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informations clés relatives au projet

Surface : 23 ha

Programme : Un parc départemen-tal proposant des promenades bota-niques guidées, un espace d’aven-tures archéologiques, un jardin de silence, des jardins familiaux, des terrains sportifs, des aires de jeux, un jardin des plantes médicinales.

Source principale de bruit : trafic routier de l’autoroute A6 à l’ouest du parc

Mesures acoustiques clés : une butte végétale de 7 m (côté parc) élevée entre le parc et l’autoroute et un « jardin de silence » à 12 m de profondeur

Réduction de niveaux sonores

atteinte : jusqu’à 20 dB(A)

Paysagiste : Daniel Jarry, Conseil général du Val-de-Marne

Livraison : ouvert depuis 1987, aménagement progressif

Parc des Hautes Bruyères | Villejuif

A quelques mètres seulement de l’autoroute A6a et A6b – qui voit passer environ 240 000véhicules par jour – un vaste parc urbain de 25 ha à Villejuif a été transformé en havre de paix grâce à un aménagement alliant recherche topographique, vestiges archéologiques et qualité acoustique. Point le plus élevé du Val-de-Marne, le parc départemental des Hautes Bruyères culmine à 110 m. Son périmètre est délimité au nord par l’Institut Gustave Roussy et la redoute des Hautes Bruyères, au sud et à l’est par des habitations dont la ZAC Hautes Bruyères et à l’ouest par l’autoroute A6, source principale de bruit sur l’ensemble du parc et ses environs [Figure 2].

Ancienne carrière de sablons et friche, la plu-part du site a fait l’objet d’une exploitation in-dustrielle jusqu’en 1995. Transformer le site en immense espace vert public et en fonction du bruit provenant de l’autoroute a marqué une véritable reconquête d’un territoire jusqu’alors jugé marginal et peu attractif.

Un parc départemental

conçu en fonction des

nuisances sonores

Autoro

ute A

6

Figure 1 (en haut, à gauche) Situation du Parc des Hautes Bruyères.FIgure 2 (en haut, à droite) Vue aérienne du parc et de l’autoroute A6. Image Conseil Général du Val-de-Marne.Figure 3 (en bas) Les jardins familiaux au coeur du parc.

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Butte végétale

Espace archéologique

Jardins familiaux

La redoute

Jardin de silence

ZAC des Hautes Bruyères

Institut Gustave Roussy

1

2

3

4

5

6

7

1

2

3

4

5

6

7

Autoro

ute A

6

100m

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Comme tout projet paysager de cette ampleur, le projet évolue et se concrétise dans la durée, précise Daniel Jarry, paysagiste du Conseil général du Val-de-Marne et concepteur du projet d’aménagement depuis une dizaine d’années. Les aménageurs ont dû composer avec plusieurs contraintes, dont :

une situation géographique en rebord de plateau et en bordure d’une autoroute bruyante, une localisation dans une zone urbanisée compre-nant des habitations, des infrastructures lourdes et des équipements, la présence d’un certain nombre d’éléments pré-existants à conserver ou à utiliser (carrières et jardins familiaux, par exemple).

Entamée en 1984, la première phase d’aménagement couvrait 14 ha et comprenait un bassin, des planta-tions et des aires de jeux situés dans la partie sud-est du site actuel, 85 jardins familiaux, un canal le long de la ZAC Hautes Bruyères et quelques terrains de sport. Au début des années 2000, une relance du projet a prévu de porter la surface du parc à 23 ha avec la création d’un espace d’aventures archéologiques, un « jardin de silence » aménagé dans l’une des ancien-nes carrières de sablon et un jardin de plantes médici-nales, en référence à l’Institut Gustave Roussy, spécia-

lisé dans la cancérologie et situé à proximité du parc. Il est en outre prévu, d’ici quelques années, la construction d’une nouvelle entrée du parc du côté de l’Institut Gustave Roussy, le développement d’un pôle international de formation, de recherche et d’inno-vation thérapeutique dédié à la cancérologie et relié à l’Institut, ainsi que la construction des parkings. Le nouvel accès au Parc des Hautes Bruyères depuis l’Ins-titut permettra aux employés, qui fréquentent pour l’instant peu le parc et se plaignent de ne pouvoir y accéder facilement, d’en tirer pleinement profit.

Situé en limite de l’A6a et l’A6b, le lieu connaissait des niveaux sonores de l’ordre de 75 et 80 dB avant le lancement de la deuxième phase d’aménagement en 2000. Les nuisances sonores figuraient donc parmi les principales préoccupations du paysagiste lors de la conception de l’ensemble paysager : quelles mesures acoustiques prendre pour qu’un espace vert puisse lutter efficacement contre le bruit de l’infrastructure voisine ?

Figure 4 (page précédente) Plan d’aménagement du parc. Image Conseil Général du Val-de-Marne (modifications apportées par l’auteur).

Figure 5 (ci-dessous) L’extrémité ouest du parc (à gauche), situé en bordure d’un tronçon de l’autoroute A6.

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Réduire les nuisances sonores :

une zone tampon verte, une butte végé-

tale, un jardin de silence

Les 23 hectares du parc constituent avant tout une zone tam-pon verte qui isole les bâtiments de l’autoroute A6 et donc des nuisances qu’elle génère – même si ce dispositif reste relativement modeste en termes d‘efficacité acoustique. Afin de réaliser un ensemble harmonieux sur les plans paysager et acoustique, les concepteurs ont, en second lieu, tiré parti de la géographie et se sont inspirés de l’histoire du lieu pour concevoir le programme de diminution des niveaux sonores. Butte végétale imposante et efficace, bien positionnée, parc archéologique qui accentue l’effet acoustique de la butte, jardin de silence dans une ancienne carrière, tels sont les trois dispositifs emblématiques des aménagements réalisés.

Une zone tampon verte Aux abords de l’une des infra-structures routières les plus importantes de la région, le Parc des Hautes Bruyères sert de zone tampon verte isolant les bâtiments de la source de bruit. L’éloignement seul n’était pourtant guère suffisant. A son point le plus large, le parc ne

s’étend que sur 600 mètres. Pour une infrastructure routière connaissant une telle circulation (un trafic moyen journalier supérieur à 240 000 véhicules), il faut compter une distance d’atténuation de 2 km environ pour atteindre 45 dB(A) en façade d’immeuble, niveau sonore correspondant au niveau de calme souhaitable pour les zones résidentielles2. D’autres mesures acoustiques ont donc dû être entreprises.

Une butte végétale à cheval sur le parc et l’emprise autor-outière L’élément le plus efficace sur le plan sonore est une butte végétale située en bordure ouest du parc [Figures 6 et 7]. Massive, elle fait jusqu’à 60 m de large. Afin de maximiser l’efficacité acoustique de la butte et de diminuer son emprise sur la superficie utile du parc lui-même, le Conseil général a gagné 10 m supplémentaires en négociant avec l’Etat le po-sitionnement de la butte à cheval sur le parc et sur l’emprise autoroutière. Un écran acoustique, telle qu’une butte végé-tale, est d’autant plus efficace qu’il est situé près de la source de bruit. Avantage supplémentaire, depuis le sommet de la butte, à 110 m d’altitude, de belles vues s’offrent sur Paris et la région.

La butte s’élève à environ cinq mètres du côté de l’autoroute et à deux mètres de plus du côté du parc. Ces deux mètres ont été gagnés par le creusement des parcelles destinées à l’espace d’aventure archéologique, espace qui s’inscrit dans l’histoire du lieu en référence aux premières occupations qui remontent au néolithique. Ce creusement apporte ainsi un renforcement, bien que modeste, de l’effet acoustique du dispositif.

planter tout simple-ment des arbres pour

Selon les experts, un « écran »de végétation est très peu efficace pour faire obstacle au bruit. Malgré leurs nombreux avantages environnementaux, esthétiques, et en termes d’ambiance, les arbres ne pré-sentent qu’un intérêt très limi-té sur le plan acoustique : une bande forestière de 100 mde profondeur n’apporte pas plus de 3 à 5 dB d’atténuation acoustique supplémentaire, par rapport à une bande sans aucune végétation1.

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Figure 6 (en haut) La butte végétale, située en bordure de l’autoroute A6 pour protèger

le parc du bruit routier.

Figure 7 (en bas) Vue de la butte végétale depuis l’intérieur du parc.

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Un jardin de silence installé dans une ancienne car-rière industrielle Au cœur du parc se trouve un élé-ment paysager porteur d’une symbolique forte : le jar-din de silence. Les concepteurs ont conservé l’une des anciennes carrières de sablons pour la transformer en lieu de calme, d’observation et de méditation. Il s’agit du point le plus bas et le plus silencieux du parc, situé à 12m de profondeur, où les niveaux sonores sont de l’ordre de 20 dB(A) de moins que ceux estimés ailleurs dans le parc. La végétation caractéristique de la région pousse librement dans cet amphithéâtre d’un hectare, où les concepteurs ont souhaité préserver un aspect « sauvage » au paysage [Figure 8].

Autres mesures acoustiques Le cadre paysager n’a peut-être pas d’impact significatif sur le réel niveau de bruit, mais il joue sur la perception de celui-ci. Lors d’une promenade sur un chemin encadré de haies de 3 m, on se sent loin de la ville et de l’autoroute qui se trouve à quelques 200 m. Cette perception est induite par l’environnement naturel visuel et sonore : les sons de la nature – chants d’oiseaux, écoulement d’eau, bruissement de feuilles dans le vent – sont des bruits souvent perçus comme agréables et donnent ainsi l’impression de masquer les bruits moins plaisants du trafic routier.

Afin de lutter contre une source de bruit bien plus imprévue, les deux roues qui coupaient par le parc, les concepteurs ont posé des installations aux entrées pour empêcher le passage de motos et mobylettes.

Enfin, deux écrans antibruit ont été prévus en bordure du parc aux endroits où la topographie ne permettait pas la réalisation d’une butte -- mais leur réalisation a pour l’instant été suspendue.

Figure 8 Le jardin de silence, l’Institut Gustave Roussy en arrière plan.

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Figure 9 (en haut) Exposition acoustique : plan. Image Benoit Petit.

Figure 10 (en bas) Exposition acoustique : coupe. Image Benoit Petit.

Les simulations de l’efficacité acoustique du parc, calculées en LAeq, conforme à la réglementation française, sont représentées dans les Figures 9 et 10. Même s’il s’agit d’estimations, les niveaux sonores indiqués restent pertinents lorsque l’on souhaite évaluer les points forts et les points faibles du parc sur le plan sonore.

Points forts du design

Les niveaux sonores diminuent à mesure qu’on s’éloigne de l’autoroute [Figure 9], ce qui suggère que le parc sert, avant tout, de zone tampon entre l’autoroute et les habitations de la ZAC Hautes Bruyères [zone E dans la Figure 9].La Figure 9 permet de visualiser par différentiel l’efficacité de la butte vé-gétale [zone A] car, on peut noter que les niveaux sonores sont supérieurs à 73 dB(A) dans la zone B non-abritée de l’autoroute par la butte qui ne couvre pas le parc dans toute sa longeur. La coupe [Figure 10] montre directement le rôle acoustique clé joué par la topographie. La butte végétale empêche que le bruit provenant de l’autoroute, où les niveaux sonores sont supérieurs à 80 dB(A), ne pénètre de toute son intensité dans le parc : à l’intérieur de celui-ci, les niveaux sonores sont, en moyenne, de 20 dB(A) de moins que ceux constatés sur l’autoroute.

B

C

A

E

D

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Le lieu le moins bruyant est le point le plus bas du parc, c’est à dire le jardin de silence [zone C],où les niveaux mésurés sont entre 42,5 et 48,8 dB(A) en moyenne -- presque deux fois moins bruyant que l’autoroute.Le positionnement du jardin de silence est également ingenieux sur le plan sonore car il profite d’une protection acoustique supplé-mentaire fournie par les structures de la redou-te des Hautes Bruyères [zone D] qui font écran au bruit routier.L’ensemble des mesures antibruit contribue à adoucir les niveaux sonores auxquels sont exposés les habitants de la ZAC Hautes Bruyè-res, située à l’est du parc [zone E] : en façade de l’immeuble les niveaux sonores sont inférieurs à 55 dB(A).

Points faibles du design

Le bruit routier arrive à pénétrer dans le parc en particulier par les endroits où aucun obs-tacle n’y fait écran. Comme on l’a signalé plus haut, les concepteurs ont envisagé de prolon-ger l’écran de la butte végétale par deux murs antibruit, mais leur réalisation est pour l’instant suspendue. Ces protections supplémentaires auraient pu améliorer davantage l’environne-ment sonore du parc.

En résumé

Dans le cadre d’un parc, la construction d’une butte végétale pour lutter contre le bruit constitue une solution particulièrement adaptée aux fonctions du site. Néanmoins, elle reste difficilement envisageable dans un autre contexte urbain eu égard à la surface que doit avoir son emprise pour que la butte culmine à une hauteur permettant une protection satisfaisante contre le bruit.

Leçons et limites

Reconquête d’un territoire peu attractif transformé

en espace de détente de qualité Les habitants résidant à l’est et au sud du Parc des Hautes Bruyères bénéficient du voisinage d’un site bien plus agré-able que le terrain industriel et la friche qui s’y trou-vaient auparavant. La transformation du site a permis d’améliorer la qualité de vie des riverains sur plusieurs plans, car ils jouissent non seulement de la proximité immédiate d’un grand parc urbain mais également de niveaux sonores moins gênants, grâce à la butte végé-tale qui a été élevée au bord de l’autoroute. Le

parc propose également des activités et des ambi-ances variées : sport, promenades, jardinage, activités ludiques et éducatives.

Des mesures acoustiques adaptées à la particularité

du lieu Les concepteurs de cette zone tampon verte ont réussi à concrétiser un ensemble de mesures qui sont efficaces sur le plan acoustique en même temps qu’elles s’appuient sur la topographie et l’histoire du lieu. Opter pour une butte végétale est un dispositif antibruit qui s’inscrit parfaitement dans le paysage d’un parc – un mur anti bruit aurait eu un tout autre impact visuel et paysager. La reconversion d’une car-rière de sablons en jardin de silence répond à la fois au besoin des citadins de disposer d’un espace de calme et d’intimité en milieu urbain et à l’histoire du site, tout comme le creusement de l’espace d’aventure archéologique en contrebas de la butte évoque l’histoire de l’occupation ancienne.

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Une expression paysagère permettant des échanges orig-

inaux avec le tissu urbain Un jardin de plantes médicinales aménagé au nord-est du parc évoque l’Institut Gustave Rous-sy, un éminent centre de santé et de recherche oncologique. Des jardins familiaux ont été conservés à l’angle sud-ouest du parc et font le lien avec les habitations : les parcelles individu-elles et individualisées de ces jardins, protégés par des abris signés Renzo Piano, proposent une transition douce aux pe-tites maisons individuelles regroupées au sud. Enfin, une butte plantée protégeant le site du bruit routier semble être l’écran idéal pour un tel parc urbain.

Un lieu en évolution, en mouvement L’aménagement du parc se faisant progressivement depuis un quart de siècle, l’évolution du lieu a permis aux concepteurs successifs de bien l’intégrer à ses environs, voire d’anticiper les changements futurs. Le parc s’est d’abord développé dans ce qui est actuel-lement sa partie sud, juste en face des habitations et notam-ment la ZAC des Hautes Bruyères, lorsque des plantations et des aires de jeux ont été aménagées pour les nouveaux résidents. Les jardins familiaux, installés en 1990, ont pu être rénovés puis reliés aux éléments paysagers hétéroclites de l’époque. L’agrandissement du parc a imposé la réalisation de mesures acoustiques importantes, dont la butte et le jardin de silence. Bientôt, le parc s’ouvrira vers la station de la nouvelle ligne de tramway, T7, qui reliera Villejuif à Athis-Mons, ainsi que vers un campus de cancérologie relié à l’Institut Gustave Roussy.

Des dispositifs sonores suffisamment efficaces ? Si l’espace vert n’est pas en tant que tel une mesure acoustique, il con-stitue cependant une mesure d’éloignement de la source qui comporte nombre d’avantages pour les riverains. Le parc occupe une surface qui équivaut presque à celle de la ZAC Porte des Lilas, vaste opération d’aménagement proposant quelques 125 000 m2 de SHON construite à la porte de Paris. L’aménagement d’un programme urbain mixte sur le site du Parc des Hautes Bruyères aurait peut-être pu entrainer des réductions sonores plus importantes, avec, par exemple, la construction d’une rangée de bâtiments « écrans » au bord de l’autoroute, comme l’on a vu à Crescent Cove à San Francisco ou à Nutheschlange à Potsdam. Le choix d’aménager un vaste espace vert est néanmoins un tout autre geste urbanistique et paysager, qui sert d’autres ambitions du département comme de proposer une zone calme en milieu urbain, d’améliorer la qualité de vie des riverains ou de développer une coulée verte départementale.

Références1 Simons, Jean-Laurent; « Recommandations du vade-mecum du bruit routier urbain »,Présentation lors la conférence de Bruxelles Environnement, « Le bruit des transports à Bruxelles. Nouvelle cartographie : outil et exemples de bons aménagements », le 4 mai 2010 à Bruxelles.2 Michel, Patrick et Monier, Thierry, BCEOM, L’évaluation environnementale des plans et programmes de transport, rapport du Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, France, 2001. Cité dans le rapport de l’IAURIF, Les zones de calme et aménagement : étude exploratoire sur la notion de ‘zone de calme’, les enseignements pour l’Ile-de-France, novembre 2006.

proposées sont-elles applicables ailleurs ?

Créer une zone tampon

verte – mais attention, sauf à disposer de très vastes terrains, il faudrait souvent envisager d’autres mesures

acoustiques pour réaliser un environnement agréable sur le plan sonore: butte

végétale, zones calmes voire

silencieuses.

Bien que les aménagements acoustiques du Parc des Hautes Bruyères soient inspi-rés du contexte particulier du lieu, ils pourraient être inté-grés à des environnements divers : par exemple, dans un environnement naturel, on peut travailler la topographie

d’un site (hauteurs et pro-

fondeurs) pour faire varier

les ambiances sonores et

visuelles.

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Réduire la vitesse, réduire le bruit

De Grenoble à Hambourg, de Fribourg-en-Brisgau à Gleisdorf, on passe à l’acte : de plus en plus de collectivités françaises et européennes mettent en œuvre des mesures de réduction de vitesse en centre-ville ou sur des routes majeures qui

passent à proximité d’habitations. Si réduire la vitesse routière s’inscrit souvent dans le cadre d’un programme lié à l’amélio-ration de la sécurité routière ou à la qualité de l’air, cela peut également avoir un impact positif sur l’environnement sonore. Alors que les quatre projets urbains analysés dans la présente étude proposent des solutions pour lutter contre le bruit par la voie de l’aménagement, ce dernier chapitre étudie un moyen de limiter les émissions sonores en amont, en affrontant le bruit à la source, notamment sur les infrastructures routières majeures (grande artère, voie rapide, autoroute).

Quelques illustrations :Sur une autoroute à Gleisdorf, en Autriche, un système automatique de réduction de vitesse se déclenche lorsque le niveau acoustique est trop élevé. A Fribourg-en-Brisgau, un tronçon d’une voie rapide qui passe à proximité des habitations en centre-ville devient une zone 30 entre 22h et 6h pour limiter les nuisances so-nores nocturnes auxquelles sont exposées les riverains. Dans l’agglomération grenobloise, la mise en place, aujourd’hui à l’étude, d’une « autoroute apaisée » à haut niveau de service (AA HNS), où la vitesse serait limitée à 70 km/h, se veut un moyen de limiter l’étalement urbain et de fiabiliser les temps de parcours dans le territoire1.

Depuis 1990, des collectivités allemandes comme Hambourg mettent en place un programme global de lutte contre le bruit dont une mesure phare consiste à réduire la vitesse. Du petit village à la métropole, plus de 200 plans d’actions contre le bruit ont été élaborés.

Le lien entre vitesse et bruit dépend d’un certain nombre de facteurs – fluidité du trafic, proportion de poids lourds, type de revêtement et type de conduite, par exemple – mais les cher-cheurs s’accordent pour affirmer que, toutes choses égales par ailleurs, en réduisant la vitesse, on réduit le niveau sonore.

Le lien entre le bruit et la vitesse est illustré dans les Graphiques 1 (véhicules légers) et 2 (poids lourds), issus de la méthode de prévision de bruit routier actuellement utilisée en France. Ces courbes de Lmax montrent, par exemple, que sur un revête-ment standard et pour des véhicules légers, passer d’une vitesse de 120 km/h à 90 km/h permet de diminuer le niveau sonore réellement perçu de 4 dB(A). La même diminution sonore est obtenue en passant de 90km/h à 70km/h pour les poids lourds.

Comme l’indiquent également les calculs en LAeq présentés dans le Tableau 1 et le Graphique 3, l’impact d’une réduction de vitesse sur l’environnement acoustique est également mesura-ble en termes d’énergie sonore, le LAeq étant un indicateur très souvent utilisé dans les réglementations.

FICH

E T

ECH

NIQ

UE

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G1. Valeurs d’émission de bruit sur une route horizontale (allure stabilisée).

Véhicules légers

G2. Valeurs d’émission de bruit sur une route horizontale (allure stabilisée).

Poids lourds

Légende

R1 Revêtement “silencieux” (drainant/poreux)R2 Revêtement “classique” (souvent en ville)R3 Revêtement “bruyant” (gravilloné, souvent à la campagne)

Composante moteur

Source : INRETS, extrait du volume Emission de la méthode de prévision de bruit routier actuellement utilisée en France. Remerciements à Joël Lelong.

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En-dessous de 30 km/h, le bruit du moteur prédo-mine parmi les émissions acoustiques et il n’y a qu’un intérêt limité à réduire la vitesse pour améliorer la qualité de l’environnement sonore – sauf bien sûr si l’ensemble du parc automobile est électrique, donc avec des moteurs peu bruyants. A des vitesses su-périeures, une mesure de réduction de vitesse peut être efficace seule mais également se coupler avec d’autres mesures antibruit pour renforcer son action.

Réduire la vitesse s’inscrit également très favorable-ment dans le cadre d’un programme d’amélioration de la sécurité routière ou de la qualité de l’air. En effet, réduire la vitesse sur la route entraine un quadruple effet positif sur l’environnement sonore, la qualité de l’air, la sécurité routière et la valeur urbaine pour les zones riveraines, pour un coût en infrastructures négligeable. C’est également, comme propose le cas de Grenoble, un moyen de maîtriser l’organisation du territoire, en favorisant l’accessibilité aux services.

3

Réduction de vitesse Réduction de bruit (LAEQ, dB) Réduction de bruit (LAEQ, dB)(véhicules légers) (poids lourds)

de 130 à 120 km/h 1,0 --

de 120 à 110 km/h 1,1 --

de 110 à 100 km/h 1,2 --

de 100 à 90 km/h 1,3 1,0

de 90 à 80 km/h 1,5 1,1

de 80 à 70 km/h 1,7 1,2

de 70 à 60 km/h 1,9 1,4

de 60 à 50 km/h 2,3 1,7

de 50 à 40 km/h 2,8 2,1

de 40 à 30 km/h 3,6 2,7

2

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sur la réduction de vitesse

Si les mesures théoriques proposées dans les illustra-tions ci-dessus nous aident à comprendre la relation générale entre le bruit et la vitesse, la réduction de vitesse est une mesure de gestion du trafic dont l’effi-cacité, en termes d’impact sonore, peut être renforcée ou amoindrie en fonction d’un certain nombre de paramètres : fluidité et volume du trafic (différant aux heures de pointe et aux heures creuses), vitesse effec-tivement pratiquée sur la route, composition du trafic(véhicules légers, poids lourds, deux roues).

Fluidité du trafic Une circulation fluide est, a priori, positive pour le niveau sonore. Un trafic caractérisé par beaucoup d’accélérations et de décélérations provo-que des événements bruyants et donc plus de gêne acoustique. Par exemple, un véhicule roulant à 30 km/h et qui accélère génère une augmentation du niveau sonore de 2 dB en moyenne.

La fluidité peut néanmoins entrainer l’inverse de l’effet désiré si des dispositifs ne sont pas mis en place pour faire respecter la limite de vitesse. Une circulation flui-de risque parfois d’inciter les automobilistes à profiter de la moindre présence de véhicules pour augmenter la vitesse pratiquée, et, par suite, le niveau sonore. Un dispositif à l’œuvre pour favoriser la fluidité et contrô-ler la vitesse consiste à établir des « ondes vertes ». Il s’agit d’un phasage optimal des feux tel qu’un flot de véhicules circulant à la vitesse souhaitée (à 50 km/h,

par exemple) ne rencontre que des feux verts sur son parcours. Ce dispositif pourra être mis à l’œuvre sur une grande artère, par exemple.

Si l’impact de la fluidité sur le niveau sonore varie en fonction de la vitesse pratiquée, l’idéal sur le plan acoustique est une circulation fluide à une vitesse limitée et respectée.

Volume du trafic Le volume de trafic a un impact direct sur les émissions sonores : toutes choses égales par ailleurs, plus les véhicules sont nombreux sur la route plus il y a de bruit pour les riverains. Le Tableau 2indique la relation entre le volume de trafic et le niveau sonore. Cependant, la nature logarithmique de l’échelle de décibels fait que, quel que soit le nombre total de véhicules à l’origine, diviser par deux le trafic conduit à une diminution du niveau sonore de 3 dB (LAeq)4.

Réduire le volume de trafic conduit à une diminution du bruit mais peut induire des effets indésirables. Une diminution du nombre véhicules se traduit souvent par un gain de fluidité ce qui peut, on vient de le voir, inciter les automobilistes à rouler plus vite et donc à générer plus de bruit.

Réduction du

volume de trafic

Réduction de

niveau sonore (LAeq, dB)

10 % 0.5

20 % 1.0

30 % 1.6

40 % 2.2

50 % 3.0

75 % 6.0

sur le niveau sonore5

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Composition du trafic Le niveau sonore varie également en fonction du type de véhicules : véhicules légers, poids lourds et deux roues.

Les poids lourds En ville ou à des vitesses basses, un poids lourd est plus bruyant qu’un véhicule léger : ses émissions acoustiques peuvent, selon sa vitesse, surpasser celles produites par six véhicules légers, l’écart étant plus important à des vitesses basses.

Les poids lourds sont également une source impor-tante de gêne la nuit à cause des événements bruy-

ants qu’ils produisent, surtout lorsqu’ils sont plus nombreux sur la route par rapport aux voitures. Dans la mesure où ces événements bruyants sont peu ou pas pris en compte par les mesures en LAeq, les don-nées théoriques présentées dans le Tableau 1 ten-dent à minimiser l’effet de la réduction de la vitesse.

En revanche, sur des voies rapides et en journée, l’im-pact des poids lourds sur l’environnement sonore est souvent moins marqué que la nuit car les véhicules légers, en général plus nombreux, tendent à masquer le bruit des poids lourds.

Les deux roues Le bruit émis par le moteur des

deux roues est prédominant quelle que soit leur

vitesse. Les deux roues sont également sources d’événements bruyants : malgré une réglementation limitant théoriquement le bruit des deux roues, les

contrôles en la matière sont rares. Une moto équipée d’un système d’échappement illégal et conduite de manière agressive peut être bruyante de plus de 30 dB, soit 8 fois plus bruyante, qu’une moto équipée d’un système standard et conduite normalement.Le nombre de deux-roues en ville augmentant assez fortement, cette nuisance risque de devenir préoccupante.

Vitesse pratiquée Une réduction de la vitesse maximale autorisée risque de ne générer aucune diminution de niveau sonore si la nouvelle limite de vitesse n’est pas respectée. Pour cela, il faut que des dispositifs adéquats soient prévus à cette fin.

Selon des recherches, des panneaux statiques rappe-lant qu’une réduction de vitesse de 10 km/h est en vigueur, n’ont, par exemple, aucun effet sur la vitesse pratiquée6. Ce type de signalisation pour une faible diminution de vitesse ne fonctionne que couplé à une présence importante de contrôleurs (gendarmes, policiers ou radars).

Des panneaux électroniques et/ou dynamiques qui affichent la vitesse pratiquée au passage des véhicu-les, ou qui font varier la vitesse en fonction des condi-tions du trafic, sont plus efficaces que des panneaux statiques : on peut, en fonction de la réduction de vitesse, atteindre jusqu’à 3dB de réduction7.

* Un événement bruyant, tel que le passage d’un poids lourd, produit un bruit plus fort mais ponctuel par rap-port au bruit de fond de la circulation. L’indicateur Lmax correspond au niveau sonore maximum produit par cet événe-ment unique.

Figure 1 Un panneau autrichien : « La vitesse, c’est bruyant ! »

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Plus performants encore, des panneaux évoquant

le lien entre la vitesse et les nuisances sonores,

comme on en voit en Allemagne ou en Autriche,

peuvent entrainer jusqu’à 3,5 dB de réduction de

niveau sonore. La pleine efficacité de ces dispositifs reste dépendante du contrôle de la vitesse par les forces de l’ordre8.

A Gleisdorf, en Autriche, un système automatique

de réduction de vitesse se déclenche lorsque

le niveau acoustique est trop élevé. Grâce à des microphones qui enregistrent les niveaux de bruit en façade des bâtiments situés à proximité, des panneaux électroniques affichent une réduction de vitesse si le bruit provenant du trafic routier devient trop important [Figures 3 et 4]. La vitesse de 130 km/h est ainsi limitée à 100 km/h ou 80 km/h (véhi-cules légers), et 80 km/h ou 60 km/h (poids lourds) avec une réduction de bruit pouvant atteindre jusqu’à 6 dB9.

Figure 2 Une zone 30 sur la Edisonstraße à Berlin, indiquant les horaires de vigueur et l’intérêt de la mesure : « Lärmschutz », ou protection contre le bruit. image www.berlin.de.

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Figure 3 Exemple de signalisation autrichienne évoquant le lien entre vitesse et bruit : « Je veux dormir ! S’il vous plaît, CHUT ! » (LKW = poids lourds)

Figure 4 Dispositif de réduction de vitesse à Gleisdorf (Autriche).

Légende(1) Mesure des émissions acoustiques. (2) Signalisation automatique alertant les automobilistes lorsque le niveau sonore est trop élevé (PKW véhicules légers, LKW poids lourds, photo d’un nourrisson accompagnée du message : « Je veux dormir ! S’il vous plaît, CHUT ! »).(3) Revêtement de chaussée peu bruyant. (4) Ecran antibruit de 2 m. (5) Ecran antibruit de 3 m, avec panneaux photovoltaïques.

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Depuis 1990, les collectivités allemandes de toute taille – aussi bien une métropole com-me Berlin que des petits villages – ont mis en place un programme global de lutte contre le bruit.

Un programme qui se déroule en deux phases Pour les grandes villes, par exemple, Hambourg, Cologne ou Berlin, le programme se déroule en deux temps. Dans une première phase de stratégie globale, les priorités sont identifiées, ainsi qu’un ensemble de mesures antibruit qui peuvent être mises en œuvre à la grande échelle pour élaborer un plan d’action stratégique: réduction de vitesse sur des autoroutes, alternatives au fret routier, occu-pation stratégique du sol, etc. Dans un second temps, on passe au niveau du quartier pour produire un plan d’action local, et on exami-ne pour chaque rue quelles mesures antibruit seront les plus efficaces et les plus adaptées pour les inscrire au programme global de lutte contre le bruit.

Un ensemble de mesures antibruit envisagé à plusieurs échelles Le résultat est un en-semble de mesures antibruit qui se décline sur plusieurs échelles et permet de traiter le problème de manière intégrée. Pour le quar-tier Pankow à Berlin, par exemple, le plan d’action antibruit comprend, tout d’abord, des mesures à la source, pour éviter que le bruit ne soit produit. L’approche, élaborée au

niveau municipal voire régional, vise à réduire le volume du trafic grâce à une amélioration du réseau cyclable et piéton ainsi que de l’offre de transports en commun. Des mesures ont également été envisagées pour déplacer les activités bruyantes vers des lieux moins sensibles, ce qui nécessite parfois la création de nouvelles routes et une gestion de trafic qui répartit mieux le flot de véhicules à l’inté-rieur du réseau local. Enfin, il a été projeté de réduire les émissions acoustiques en réhabi-litant les chaussées et les voies ferrées et en promouvant, à petite échelle, une gestion de trafic qui apaise la circulation10.

Les clés du succès Quelles sont, aux yeux des acteurs allemands, les clés du succès ? Tout d’abord, les collectivités mènent auprès du public une campagne de sensibilisation visant à expliciter, via des affiches et des panneaux, le lien entre la vitesse et le bruit

[Figure 2]. Ensuite, un processus fortement participatif permet d’institutionnaliser et d’encourager l’implication des habitants de la ville, qui sont souvent parmi les premiers demandeurs de quartiers plus calmes. Enfin, une convergence d’intérêts s’est révélée entre les partisans de la lutte contre le bruit et les acteurs des domaines du changement clima-tique, de la sécurité routière et de la pollution de l’air, qui a débouché sur une forme d’al-liance « stratégique ».

Le modèle allemandFigure 5 (en haut) Carte de niveaux sonores Lden pour Berlin. Image www.berlin.de.

Figure 6 (en bas) Carte de niveaux sonores Lnight pour Berlin. Image www.berlin.de.

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réduction de vitesse par d’autres inter-ventions antibruit

Une simple réduction de vitesse peut ne pas entrai-ner de baisse de niveau sonore suffisante pour les riverains, mais il y a rarement une solution unique en matière de lutte contre le bruit. L’un des points forts de l’approche développée en Allemagne consiste à aborder le problème de bruit par plusieurs angles de vue et à concevoir des solutions opérant à des échelles différentes. Pour avoir un véritable impact sur le niveau sonore et sur la qualité de vie des rive-rains, c’est une combinaison de mesures qu’il s’im-pose de mettre en œuvre.

Alors qu’une réduction de la vitesse a des consé-quences acoustiques immédiates, d’autres mesures complémentaires peuvent êtres prises, suivant le contexte urbain et les objectifs urbanistiques du pro-gramme, et dont les effets se feront sentir à moyen ou long terme : gestion et apaisement de trafic, aménagement ingénieux des zones habitées le long de la route, amélioration du réseau de transports en commun et des infrastructures cyclables pour inciter à une mobilité durable par exemple. La combinaison de ces mesures permet un véritable impact sur l’envi-ronnement sonore.

Quelles mesures complémentaires sont particulière-ment adaptées à des autoroutes et des voies rapi-des ?

Gestion de trafic Les mesures d’apaisement de trafic permettent de ralentir les véhicules sur les rues en vil-le (zone 30, chicanes ou ralentisseurs, rétrécissement des voies, etc.). La mise en place de ronds-points ou d’« ondes vertes », dispositifs qui limitent les accé-lérations et les décélérations, améliore la fluidité du trafic en maîtrisant la vitesse, ce qui réduit le bruit. En Suisse, par exemple, le remplacement d’un feu par un rond-point sur une artère à forte fréquentation a conduit à une réduction sonore de 1,7 dB le jour et de 2,9 dB la nuit (LAeq)11. Ces dispositifs s’appliquent en ville ; ils sont rarement envisageables sur une autoroute ou une voie rapide, sauf à la transformer en boulevard urbain.

Interdiction de certaines catégories de véhicules ou restriction de la circulation à certains endroits Sur des parcours urbains où circulent des poids lourds en forte proportion, des villes, entre autres, anglaises, autrichiennes ou suisses, sont parvenues à mieux contrôler la composition du trafic sur les routes en limitant la circulation de poids lourds sur certaines tranches horaires (notamment la nuit), ou sur certai-nes secteurs géographiques. Une telle mesure peut conduire à un environnement sonore plus agréable pendant la nuit (des réductions de 7 dB ont été me-

Figure 7 (en haut) Marquage au sol d’une zone 30.

Figure 8 (en bas) Principe d’une « onde verte » : un phasage optimal des feux tel qu’un flot de véhicules circulant à la vitesse adaptée ne rencontre que des feux verts sur son parcours.

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surées en Autriche)12 , mais elle risque de créer une certaine gêne en début de matinée, au moment où l’interdiction est levée. A Londres et à Stockholm, la mise en place de péa-ges urbains qui visent à réduire le volume de trafic sur des parcours urbains (surtout en centre-ville) n’a pas d’impact significatif sur les niveaux de bruit13 .

Solutions technologiques Si, à des vitesses supérieures à 50 km/h, le bruit routier provient notamment du contact entre les pneus et la chaussée, les innovations en matière de revêtement et pneus peu bruyants représentent une voie pertinente pour les autoroutes et les voies rapides. Un rapport du gouvernement danois suggère, par exemple, que le remplacement du revêtement routier lors la mise en place d’une mesure pour réduire la vitesse peut doubler la diminu-tion de niveau sonore. La pérennité de la diminution sonore n’est cependant pas garantie, la performance acoustique du revêtement s’amenuisant avec le temps et l’usage14 .

A terme, on estime que des gains de 3 à 8 dB peuvent être at-teints grâce au développement de revêtements et de pneus peu bruyants. Si l’adoption de normes portant sur les pneus reste très largement en dehors du périmètre d’action d’une localité, car de niveau national, voire européen, le choix du revêtement pourra quant à lui être décidé par des maîtrises d’ouvrage plus locales : l’Etat en inter-région ou les départe-ments pour les routes majeures. Ces revêtements sont pour l’instant plus coûteux (le coût supplémentaire est de quel-ques pour cent) que les revêtements classiques, et la préser-vation de leurs propriétés absorbantes peut également né-cessiter un entretien plus onéreux. Certaines caractéristiques géographiques peuvent limitent le recours à certains types de revêtement : en Ile-de-France, par exemple, les enrobés

drainants, qui sont performants sur le plan acoustique, ne sont pas envisageables à cause du risque du gel15.

Dans la mesure où le bruit de propulsion (moteur) n’est pré-dominant qu’à des vitesses inférieures à 50 km/h, les véhicu-les utilisant des motorisations innovantes (hybride, électri-que), moins bruyantes que les véhicules standards, ne sont pas une option pour lutter contre le bruit sur des autoroutes ou des voies rapides.

Aménagement urbain ingénieux Comme nous avons pu le voir dans les projets d’aménagement présentés dans cette étude, de Paris à San Francisco, de Potsdam à Villejuif, l’amé-nagement urbain reste une voie efficace pour lutter contre le bruit en ville. Qu’il s’agisse de la création de zones tampons, de la construction d’un front bâti en continu ou de grandes emprises et de hauteurs importantes, de nombreuses appro-ches existent qu’on peut adapter aux sites et aux objectifs envisagés.

Amélioration de l’offre en matière de déplacements D’autres interventions prévoient des effets sur l’environne-ment sonore dans le long terme. Par exemple, à Bristol, une mesure de réduction de vitesse s’est accompagnée de la mise en place d’un couloir de bus à haut niveau de service (BHNS). Cette amélioration de l’offre en matière de déplace-ments incite à prendre les transports en commun à la place de la voiture individuelle avec, à long terme, le potentiel de réduire les nuisances sonores.

Figure 9 (en haut) Panneau interdisant les poids lourds.

Figure 10 (en bas) Revêtement de chaussée.

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Les retombées positives d’une réduction de vitesse se déclinent sur plusieurs fronts : l’envi-ronnement sonore, la qualité de l’air et la sécurité routière. Ce quadruple avantage débouche sur de gains notables en termes de santé (voir encadré) ainsi que de qualité de vie et l’attractivité des zones riveraines.

Qualité de l’air Outre des effets directs sur la santé, la pollution atmosphérique a des effets au

niveau local sur les matériaux (noircissement des bâtiments, par exemple) et les végétaux (réduc-tion de croissance des plantes ou de résistance à des agents infectieux), aussi bien qu’au niveau

régional (pluies acides et modification de l’ozone) [cf. encadré ci-contre, « Les principaux polluants »].Réduire la vitesse pourrait avoir un impact positif surtout au niveau local. Airparif constate qu’une

réduction de vitesse sur les voies rapides ayant

une vitesse moyenne supérieure à 70 km/h

favorise la diminution des émissions d’oxydes

d’azotes (NOx) et de particules fines16. Par ailleurs, des études théoriques traitant de la réduc-

tion de vitesse à proximité de Montpellier17 ou à Bristol18 prédisent qu’une telle réduction pourrait entraîner une diminution conséquente des émis-sions de gaz polluants.

Sécurité routière En France, la vitesse demeure

la première cause de mortalité sur les routes

(un accident mortel sur deux), devant l’alcool.Selon la délégation à la sécurité et la circulation routières, les excès de vitesse ont un impact sur le temps et la distance nécessaires pour ralentir ou manœuvrer, ainsi que sur le champ de vision du conducteur. La probabilité et la gravité des accidents augmentent avec la vitesse. Suite à l’adoption en France en 1990 de la limitation de la vitesse en ville à 50 km/h, une baisse d’environ 15% a été constatée pour les accidents corporels et mortels19. Réduire la vitesse sur la route, en s’assurant que la nouvelle vitesse soit respectée, conduit sans aucun doute à une route plus sûre.

...pour la création de valeur économique et

urbaine En réduisant la vitesse sur les routes ma-

jeures, des zones riveraines délaissées en raison

des nuisances qu’elles subissent retrouvent une

attractivité résidentielle et économique.

Les principaux polluants

Voici, sur la base des travaux d’Airparif, une descrip-tion des polluants principaux, ainsi que leurs effets connus sur l’individu et l’environnement.

Oxydes d’azote (NOx) sont responsables de trou-bles respiratoires chez l’individu et, sur le plan environnemental, ils contribuent à la formation de l’ozone et aux phénomènes des pluies acides.Monoxyde de carbone (CO), particulièrement nocif pour le système nerveux central chez l’indi-vidu, participe à la formation de l’ozone tropos-phérique et à l’effet de serre.Benzène fait partie des composés organiques vo-latils non méthaniques (ou COVNM), des irritants dont certains sont cancérigènes chez l’individu. Il intervient dans les réactions photochimiques à l’origine de la formation de l’ozone dans la cou-che troposphérique.Particules en suspension (PM), caractéristiques notamment des véhicules diesel, peuvent provo-quer des troubles respiratoires dont des maladies pulmonaires. Dans l’environnement, les particules sont la source du « smog » (mélange de fumée et de brouillard) dans certaines grandes villes, ainsi que le noircissement des façades des bâtiments.Gaz à effet de serre (notamment, le CO

2) bloque

la croissance des végétaux et agit sur le processus de réchauffement climatique.

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Moins de bruit, moins de nuisances,

d’environnement

Deux enseignements principaux peuvent être tirés de cette analyse :

Pour qu’un quartier et ses riverains jouissent de niveaux sonores acceptables voire agréables, il faut envisager les dispositifs antibruit au sein d’un ensemble de mesures diversifiées. Réduire la vitesse a un quadruple effet d’amélio-ration du niveau sonore, de la qualité de l’air, de la sécurité routière et de la valeur urbaine des zones riveraines.

Lutter contre le bruit par la réduction de vitesse contri-bue ainsi à créer une ville plus saine, riche d’une qualité de vie plus agréable.

Coût minimal : même s’il faut envisager l’application de dispositifs visant à faire respecter la nouvelle vitesse maximale autorisée (nouveaux panneaux, radars ou marquage au sol, par exemple) réduire la vitesse est une mesure peu coûteuse en regard de la construction de murs antibruit.

Effet direct et immédiat : dès que la dé-cision de diminuer la vitesse est prise et appliquée, le niveau sonore diminue.

« Quadruple avantage » : réduire la vitesse est une solution gagnante sur plusieurs fronts : le niveau sonore, la qualité de l’air, la sécurité routière et l’attractivité des zones riveraines.

Amélioration sanitaire pour les riverains :les riverains y gagnent également sur le plan environnemental et sanitaire.

S’accompagne facilement d’autres mesures antibruit : une réduction de vites-se n’empêche pas la mise en œuvre d’autres interventions pour lutter contre le bruit, elle est en effet plus performante lorsqu’elle fait partie d’un ensemble de mesures antibruit.

Particulièrement attractif dans les zones denses où les effets multiples et positifs peuvent être appréciés par les riverains.

Les centres de recherche travaillant sur le lien entre le bruit et la vitesse

Centre de recherches routières, Belgique

Institut fédéral de recherche sur l’autoroute (Bundesanstalt für Strassenwesen (BASt)),Allemagne

CROW : plate-forme technologique pour les infrastructures, la circulation et les trans-ports, Pays-Bays

Institut danois des routes (DRI), Danemark

Institut national de recherche sur les trans-ports et leur sécurité (INRETS) : Laboratoire transport environnement (LTE)

Laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC), France

Lärmkontor GmbH (Allemagne)

Laboratoire de recherche sur les transports (Transport Research Laboratory (TRL)), Royau-me-Uni

Université de technologie de Vienne (Tech-nische Universität Wien), Austria

VTI : Institut national suèdois de recherche sur les routes et les transports, Suède

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1 Agence d’urbanisme de la région grenobloise et Syndicat mixte du schéma directeur, CERTU (ed.), Chronoaménagement et autoroute autrement : la proximité au secours du territoire, avril 2009.

2 Graphique créée par l’auteur de l’étude, à partir des données présentées par Andersen, B, Réduction des nuisances sonores routières (Støjudsendelse fra biler på vejnettet), Direction nationale danoise des transports, Lyngby, Rapport 2, 2003.

3 Andersen, B, Réduction des nuisances sonores routières (Støjudsendelse fra biler på vejnettet), Direction nationale danoise des transports, Lyngby, Rapport 2, 2003.

4 Bendtsen, H. ; Haberl, J. ; Litzka, J. ; Pucher, E. ; Sandber, U. ; et Watts, G. Trafficmanagement and noise reducing pavements, Road Directorate, Danish Road Insti-tute, Roskilde, Report 137, 2004.

5 Ellebjerg, Lars (ed.). Noise reduction in urban areas from traffic and driver mana-gement. A toolkit for city authorities, rapport issu du Projet SILENCE de la Commis-sion européenne, août 2008.

6 Ellebjerg, Lars (ed.), op. cit.

7 Ibid.

8 Bendtsen, H. et al., op. cit.

9 Ibid.

10 http://umwelt.berlin.de/sen/umwelt/laerm/laermminderungsplanung/de/p3_strategien.shtml

11 Bendtsen, H. et al., op. cit.

12 Ibid.

13 Ellebjerg, Lars (ed.)., op. cit.

14 Bendtsen, H. et al., op. cit.

15 Discussion avec Rodolphe Guyon, Chef du département à la DiRIF – Service de l’Aménagement du Réseau, Responsable du Département d’Ingénierie Ouest

16 Airparif, Evaluation de la réduction potentielle des émissions de polluants due à l’application de la mesure de limitation des vitesses en cas d’épisode de pollution au dioxyde d’azote ou à l’ozone, 2003.Disponible à : www.airparif.asso.fr/airparif/pdf/question_7.pdf

17 Santacreu, Alexandre (sld)., Impacts de la réduction permanente de la vitesse sur l’A9, rapport du CETE Méditerranée, octobre 2009.

18 Crawshaw, Steven, Assessment of Noise and Air Quality : Impacts of Speed Limit Options on the M32 : Bristol, rapport du Bristol City Council, avril 2007.

19 Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, Vitesse : première facteur d’insécurité routière. Dossier de presse du 19 juin 2003. Disponible à : www.securiteroutiere.gouv.fr/IMG/pdf/vitesse_cle21a561.pdf

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Aujourd’hui, un ensemble de solutions de lutte contre le bruit sont à la disposition des professionnels de l’aménagement de la ville. Il n’y a pas de solution unique :chaque mesure doit s’adapter au contex-

te urbain dans lequel le projet s’inscrit ainsi qu’aux objectifs urbanistiques fixés par la collectivité. Qu’il s’agisse de stratégies d’aménagement pour faire face aux nuisances acoustiques ou de mesures réglemen-taires pour limiter l’émission de bruit à la source, telle qu’une nouvelle limite de vitesse, plusieurs options ont été analysées dans cette étude :

A San Francisco et à Potsdam, des immeubles font office d’écran antibruit pour conduire, dans les deux cas, à une réduction du niveau sonore de 15 à 20 dB(A) (LAeq). A San Francisco, un immeu-ble longeant la courbe d’une voie ferrée dispose d’une façade en continu de 180 m de long et de 11 m de haut pour faire obstacle aux nuisances sonores ; à Potsdam, le long d’une autoroute, dix bâtiments sont reliés entre eux par des plaques de verre afin de former un écran de 400 m de long et de 15 m de haut. Les deux projets intègrent égale-ment des détails architecturaux, tels que les por-tes d’entrée de double épaisseur (San Francisco) ou une double façade du côté de la voie rapide (Potsdam), afin d’optimiser la protection acous-tique de l’aménagement. A Potsdam, un cadre paysager riche contribue à adoucir la perception

du bruit à l’intérieur du site, même si la végétation n’a pas d’impact réel sur les niveaux sonores.

A la Porte des Lilas, à cheval sur le boulevard périphérique parisien, dont une portion a été re-couverte, la forme et la disposition des immeubles protègent les riverains du bruit routier. Il s’agit d’une forme massive qui consiste en de longues façades entourant des cours intérieures calmes où le niveau sonore est environ de 25 dB(A) (LAeq) inférieur à celui constaté au niveau du boulevard périphérique. Quant à la couverture du boulevard périphérique, les simulations des niveaux sonores indiquent qu’ils restent élevés aux abords de la portion couverte à cause de la forte circulation de surface. Cependant, on ne peut ignorer que les gains sonores pour les habitants sont loin d’être négligeables. En outre, les riverains jouissent des effets positifs du recouvrement en termes esthé-tiques, pratiques et symboliques.

Alors que le recouvrement du boulevard périphé-rique joue un rôle essentiel sur le plan pratique, esthétique et symbolique, il ne représente pas sur ce site une solution antibruit efficace dans la me-sure où la forte circulation des rues environnantes entretien des niveaux sonores gênants. Néan-moins, les mesures effectuées tendent à montrer que le recouvrement peut avoir un impact sonore positif si les niveaux sonores restent relativement

peu élevés en surface.

Le Parc des Hautes Bruyères, situé le long de l’autoroute A6 à Villejuif propose un aménage-ment paysager avec deux éléments topogra-phiques astucieux qui améliorent nettement la qualité de l’environnement sonore. D’une part, une butte végétale de 5 m de hauteur par rapport à l’autoroute fait écran au bruit routier et protège ainsi l’ensemble du parc, réduisant l’exposition au bruit d’environ 20 dB(A) (LAeq) en moyenne. D’autre part, un « jardin de silence », aménagé à l’intérieur du parc dans une ancienne carrière à 12 m de profondeur, propose un lieu d’un calme presque absolu -- le lieu étant presque deux fois moins bruyant que l’autoroute à proximité.

Si ces quatre références urbaines proposent des solu-tions pour lutter contre le bruit par la voie de l’amé-nagement, des mesures pour limiter les émissions sonores à l’amont en affrontant le bruit à la source sont également envisageables.

Une fiche technique en dernière partie de l’étude propose une vue d’ensemble des recherches théori-ques sur le lien entre réduction de la vitesse autorisée sur les infrastructures routières majeures et baisse du niveau sonore, ainsi qu’un aperçu sur les villes qui sont passées à l’acte. L’expérience allemande dans ce do-maine est particulièrement pertinente, dans la mesure

Conclusion

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où la mise en oeuvre d’une nouvelle limite de vitesse, réalisée dans des collectivités et sur des infrastructu-res routières de toute taille, s’inscrit toujours dans un programme antibruit global comportant des solutions opérant à des échelles différentes. Outre son coût minimal et son effet direct et immédiat sur les niveaux acoustiques, une mesure de réduction de vitesse a l’avantage de pouvoir aisément accompagner d’autres solutions antibruit. Elle est performante non seulement sur le plan sonore, mais également sur la qualité de l’air et la sécurité routière.

Réduction des nuisances sonores et amélioration de

la qualité de vie en ville, diminution de la pollution

atmosphérique, amélioration de la sécurité routière,

création de valeur économique et urbaine pour

des terrains délaissés, telles sont quelques-unes des conséquences positives d’une gestion intégrée de la question du bruit routier dans la ville.

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Bibliographie

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RemerciementsL’auteur souhaite remercier chaleureusement les personnes ayant apporté des contributions à cette étude :

Milène Adolf, DRIEA Architectes BallerDaphné Boret, DRIEAEstelle Chevallier, DRIEASteven Crawshaw, Sustainable City Group, Bristol City CouncilIan Dunn, David Baker + Partners ArchitectsAndrea Gaffney Florence Goupy, SEMAVIPRodolphe Guyon, DiRIFDaniel Jarry, Val-de-MarneBéatrice Jermidi, SEMAVIPKelley Kahn, San Francisco Redevelopment AgencyOlivier Le Boursicot, LLTR Architectes UrbanistesLudovic Leclercq, ENTPEJoël Lelong, INRETS Brian McManus, City of DublinEnda Murphy, University College DublinPierre Pellissier, DRIEAHélène Peskine, DRIEAChristian Popp, Lärmkontor GmbHAmit Price Patel, David Baker + Partners ArchitectsMichael PrytulaMichel Rudyj, DRIEAPetra Runge, ProPotsdamJean-Michel Vincent, DRIEAJeff White, San Francisco Redevelopment AgencyHenk Wolfert, Working Group Noise Eurocities

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Direction de la Stratégie, du Pilotage et de l'Animation - Département du Contrôle de Gestion

Direction régionale et interdépartementale de l’Équipement

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