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L’aidant naturel à l’hôpital: cet autre acteur de soins Mémoire de fin d’études UE 5.6 S6 – Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Directrice de mémoire : Nora MERNIZ 14/05/2018 Institut de Formation en Soins Infirmiers des Diaconesses de Reuilly RIGAUDEAU Anaïs – Promotion 2015/2018

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L’aidant naturel à l’hôpital: cet autre acteur de soins

Mémoire de fin d’études

UE 5.6 S6 – Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles

Directrice de mémoire : Nora MERNIZ

14/05/2018

Institut de Formation en Soins Infirmiers des Diaconesses de Reuilly

RIGAUDEAU Anaïs – Promotion 2015/2018

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Note aux lecteurs :

« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur ».

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« L’aide est un acte conforme à la nature.

Ne te lasse jamais d’en recevoir, ni d’en apporter. »

Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même

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Remerciements

Tout d'abord je souhaite remercier ma directrice de mémoire, Nora Merniz, qui m’a

suivie et guidée tout au long de ce travail de recherche, ainsi que Françoise Jardon,

documentaliste de l’IFSI, pour ses différents conseils et sa disponibilité, qui m'ont permis

d'avancer dans la rédaction de ce mémoire.

J’aimerais également remercier les formateurs de l’IFSI, pour avoir contribué à

l’amélioration de mes capacités d’analyse et de réflexion, tout au long de ces trois années de

formation ; l’ensemble des professionnels de terrain, qui m’ont appris énormément lors des

stages ; et les infirmières qui m’ont accordé de leur temps, et m’ont permis d’enrichir ce travail

de recherche lors des enquêtes exploratoires.

Je tiens à mentionner mes anciens collègues de pédiatrie, qui m’ont poussée et

encouragée à entreprendre cette formation enrichissante.

Je remercie mes camarades de classe et amies Lia, Vanessa, Sasini, Esther et Suzy, qui

ont été d’un soutien inestimable dans les moments difficiles de la formation.

Je désire exprimer ma reconnaissance à mes parents, ainsi qu’à mes frères et sœur, qui

m’ont soutenue et encouragée durant ces trois années, en espérant constituer une réussite et une

fierté pour eux.

Enfin, je souhaite remercier Marc, pour avoir surmonté les sacrifices imposés par cette

dernière année de formation.

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Table des matières

I. Introduction ......................................................................................................................... 1

II. Situations d’appel ................................................................................................................ 2

1) Description ................................................................................................................... 2

a. Situation 1 ................................................................................................................ 2

b. Situation 2 ................................................................................................................ 3

2) Analyse, questionnement et question de départ ........................................................... 4

III. Cadre de référence ............................................................................................................... 6

1) L’aidant naturel ............................................................................................................ 6

a. Définition ................................................................................................................. 6

b. Concept de proximologie ......................................................................................... 7

c. Distinction avec les concepts : famille, proche, personne de confiance .................. 8

2) Présence des aidants en fonction du type de séjour du patient .................................. 10

a. Court séjour ............................................................................................................ 10

b. Moyen et long séjour .............................................................................................. 11

3) Concept de prise en soins ........................................................................................... 12

a. Définition ............................................................................................................... 12

b. Prise en soins de l’aidant naturel ............................................................................ 13

4) La place des aidants naturels...................................................................................... 14

a. Historique de cette place ........................................................................................ 14

b. Quelle place à ce jour ? .......................................................................................... 16

c. Cadre législatif : droits des aidants ........................................................................ 18

IV. Enquête exploratoire ......................................................................................................... 20

1) Méthodologie ............................................................................................................. 20

a. Outil d’enquête ....................................................................................................... 20

b. Lieux et populations ............................................................................................... 21

c. Modalités de réalisation ......................................................................................... 21

d. Freins de la méthode .............................................................................................. 22

2) Présentation des résultats bruts .................................................................................. 23

V. Analyse .............................................................................................................................. 25

1) Des différences dans la présence et l’intégration des aidants aux soins .................... 25

2) Les soins prodigués par l’aidant naturel : proches de ceux de l’IDE ? ...................... 28

3) Sécurité des soins réalisés par l’aidant naturel .......................................................... 30

VI. Conclusion ......................................................................................................................... 32

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VII. Bibliographie ..................................................................................................................... 33

VIII.Table des annexes ............................................................................................................. 36

1) Annexe I : Guide d’entretien ..................................................................................... 36

2) Annexe II : Entretien « SSR - P » .............................................................................. 37

3) Annexe III : Entretien « C - A » ................................................................................ 45

4) Annexe IV : Entretien « C - P » ................................................................................. 50

5) AnnexeV : Entretien « SSR - A » .............................................................................. 54

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I. Introduction

Mon expérience en tant qu’auxiliaire de puériculture, exercé dans un service de pédiatrie

générale pendant cinq ans, m’a permis de constater l’importance d’intégrer les parents dans la

prise en soin de leur enfant, mais également de remarquer que cette intégration n’était pas

toujours constante, ni facile pour les équipes. Pendant ma formation en soins infirmiers, et lors

des différents stages effectués, je me suis aperçue que cette intégration des proches est encore

plus inconstante lorsque les patients sont majeurs. Or, actuellement dans une politique de

réduction des temps d’hospitalisation1, et en raison de l’augmentation de l’incidence des

maladies chroniques2, il est selon moi important de savoir travailler avec les proches des

patients, qui prennent notre relais dans la prise en soin au quotidien du patient en question,

lorsque celui-ci rentre à domicile. En effet, l’entourage portant la responsabilité de l’aide et du

soutien à toutes les étapes de la maladie, certains proches sont parfois amenés à effectuer des

soins auprès de patients hospitalisés. Si cette place du proche dans le relais des soins, en amont

et en aval de l’hospitalisation, semble être une évidence, quelque chose de « normal » et naturel

dans l’esprit des soignants, elle n’est pas clairement définie pour les soins effectués dans un

établissement de soins.

C’est pourquoi, j’ai souhaité effectuer un travail de recherches et d’analyses sur ce sujet.

Deux situations, tirées de ma pratique, et qui m’ont questionnée, débutent ce mémoire. Après

les avoir analysées, j’en dégage une question de départ, fil conducteur de mes recherches et

lectures, apparaissant dans le cadre de référence. Afin de confronter la théorie de ces lectures

et la pratique sur le terrain, j’ai effectué une enquête exploratoire dont l’élaboration et l’analyse

figurent par la suite. Enfin, mon travail se termine par une question de recherche, découlant de

cette analyse.

1 Rapport d’information de l’Assemblée Nationale n°2556 du 26 mai 2010, pp.11-12, disponible au format pdf à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i2556.pdf , [consulté le 29/10/2017] 506 pages. 2Rapport 2017 de l’INVS sur l’état de santé de la population en France, p.14, disponible au format pdf à l’adresse : http://invs.santepubliquefrance.fr/publications/etat_sante_2017/ESP2017_Ouvrage_complet_vdef.pdf, [consulté le 29/10/2017] 436 pages.

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II. Situations d’appel

1) Description

a. Situation 1

La première situation se déroule dans le service de Pédiatrie où j'ai exercé en tant

qu'auxiliaire de puériculture.

Dilcan3 est un enfant de 2 ans, d'origine kurde, que nous accueillons en hospitalisation,

pour gastro-entérite aiguë avec déshydratation. Il a en effet des vomissements

systématiquement après avoir mangé ou bu, et a eu plusieurs selles liquides. Il a également

perdu près de 10% de son poids. Le pédiatre a donc prescrit une réhydratation par perfusion,

combinée à un arrêt alimentaire et hydrique strict à réévaluer 12h plus tard.

La mère de Dilcan, ne maitrisant pas le français, restera auprès de lui pendant son

hospitalisation, car le père travaille.

Le pédiatre transmet à l'infirmière (IDE4) que les instructions (ni boire, ni manger) ont

été transmises à la mère, sans certitude qu’elles aient été comprises.

Lorsque l’IDE et moi constatons effectivement que l’enfant a un biberon de lait

chocolaté dans la main, nous réexpliquons à la mère les instructions du médecin. Cette dernière

acquiesce, mais persiste à laisser le biberon à l’enfant. Dilcan est de nouveau pris de

vomissements. Sa mère tient à rester auprès de lui pour le rassurer de sa peur des « blouses

blanches », et lui chante une chanson dans sa langue. L’enfant parvient à se calmer.

Dans l'heure qui suit, la mère de Dilcan persiste cependant à vouloir lui donner son

biberon et des gâteaux, ce qui provoque à plusieurs reprises vomissements, selles liquides et

une grande fatigue de l’enfant.

L'IDE finit par téléphoner au père de Dilcan, qui parle français, afin de lui faire part de

nos difficultés à nous faire comprendre de sa femme, et lui demander s'il peut faire la traduction

entre elle et nous. Il peut ainsi transmettre nos instructions à sa femme, et nous expliquer la

réaction de cette dernière. En effet, chez eux, "un enfant en bonne santé est un enfant qui mange

et qui grossit".

3 Le prénom de l’enfant a été changé, pour respecter le secret professionnel. 4 IDE = Infirmier (-ère) Diplômé(e) d’Etat

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b. Situation 2

La seconde situation a lieu dans une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) où j’ai

effectué mon stage de semestre 3.

Je prends en soin M.C, 32 ans, admis dans la structure depuis 2 ans. M.C est atteint

d’une sclérose en plaques découverte à l’âge de 21 ans. A ce jour, M.C est tétraplégique,

alimenté par gastrostomie, et éliminant ses urines par urétérostomie. Il est incontinent fécal.

Suite à une nouvelle poussée de sa maladie 6 mois auparavant, il est à ce jour trachéotomisé par

une canule à ballonnet, l’empêchant de déglutir. L’équipe soignante décrit M.C comme

quelqu’un qui était un « bon mangeur » avant la dernière poussée de sa maladie. M.C dit ne pas

souffrir de la faim, mais que le goût des aliments lui manque beaucoup. Son médecin s’oppose

toutefois à une alimentation par voie orale, qui « provoquerait à coup sûr une fausse route ».

Par ailleurs, sa canule l’empêche de parler. M.C s’exprime donc en bougeant ses lèvres,

et c’est à l’équipe soignante de lire sur ses lèvres. Cette méthode n’est pas toujours facile pour

M.C qui doit exprimer des phrases simples et souvent les répéter. M.C a une sœur plus âgée,

très présente, qui est également sa personne de confiance. Elle comprend facilement tout ce

qu’il dit et peut donc retransmettre ses propos à l’équipe. Elle connaît bien la maladie de son

frère, et assiste avec lui à tous ses rendez-vous médicaux. Elle a même été formée pour pratiquer

des aspirations par la canule, ce qui lui permet d’emmener parfois son frère en promenade.

Cet après-midi, alors que je suis seule dans le poste de soins, une aide-soignante

m’appelle en urgence car M.C s’étouffe. Je me précipite à son chevet et le découvre le visage

écarlate, les yeux révulsés, rouges et pleins de larmes, et des sécrétions sortant de manière

abondante de sa canule. Sa sœur est à côté de lui, tétanisée par la peur, une brique de jus de

fruits dans les mains. J’ordonne à l’aide-soignante d’aller chercher l’IDE et commence à aspirer

M.C. Il récupère lentement. Sa peau retrouve sa couleur habituelle. L’IDE demande alors à sa

sœur ce qu’il s’est passé. Cette dernière fond en larmes et nous répond qu’il lui a assuré avoir

déjà avalé de la salive sans faire de fausse route, et qu’il l’a suppliée de lui faire goûter du jus

de fruit. Elle a cédé à sa demande.

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2) Analyse, questionnement et question de départ

Ces deux situations ont démarré mon travail de recherche et d’analyse. En effet, malgré

des lieux d’action différents (l’un en pédiatrie avec un patient mineur, l’autre en MAS avec un

patient majeur), j’ai été frappée de constater les similitudes qui existent entre elles. Dans ces

deux situations, je constate que le proche du patient agit à l’inverse de ce qui est attendu et

demandé par l’IDE. Cela m’a marqué car à chaque fois le proche pense agir pour le bien du

patient : dans la situation de Dilcan, la mère désire faire reprendre du poids à son fils, dans la

situation de M.C la sœur souhaite lui faire plaisir. Ces actions entreprises par les proches ont

pour conséquence de dégrader la santé des patients. Cela m’amène à me poser cette première

question : en quoi les actions des proches des patients, pensant bien agir, peuvent être un

obstacle aux soins ? Cependant, je ne souhaite pas retenir cette notion d’obstacle, car je la trouve

trop péjorative.

J’ai également été marquée par le fait que la représentation du soin qu’ont les soignants

diffère de celle qu’ont les familles des patients. Ainsi, dans la première situation, les soignants

« soignent » Dilcan en le mettant à jeun quelques heures afin que l’inflammation de son tube

digestif diminue : chose inconcevable pour la mère qui doit à tout prix faire reprendre le poids

perdu à son fils. Dans la deuxième situation, les soignants évitent une dégradation grave de

l’état de M.C en interdisant toute alimentation par voie orale, tandis que la sœur de ce dernier

souhaite lui faire plaisir en satisfaisant un besoin sensoriel très important pour lui : le goût des

aliments. Ainsi, comment l’IDE peut-il inclure, dans sa démarche de soins, les proches des

patients tout en respectant leur propre vision culturelle du « prendre soin » ? Mais peut-on

réellement comparer ces deux représentations du soin : celle du soignant basée sur ses

connaissances, et celle des proches basée sur leur culture ? Cette deuxième notion étant très

vaste, là encore je ne souhaite pas orienter mon mémoire dans cette direction.

Je note, de plus, la similitude des actions entreprises par ces deux femmes dans chaque

situation : elles nourrissent le patient. Je pourrais me questionner sur les soins de maternage et

le stade de soin « oral » qu’elles prodiguent aux patients, sur leur fonction nourricière, et donc

sur la place qu’a l’affect dans les soins qu’elles donnent. Mais je ne désire pas non plus conduire

mon travail dans cet axe.

Enfin, je remarque que l’aide des deux femmes est importante aussi bien pour le patient

que pour l’équipe soignante (rassurer l’anxiété de l’enfant, faciliter la communication pour

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l’adulte). Cela m’amène à m’interroger sur la notion d’aidant, et à me demander en quoi la place

et le rôle de ces personnes sont importants. Pourtant, peut-on réellement parler d’« aidant »

lorsque le patient est mineur ? Il s’agirait plutôt d’un « parent », personne qu’on ne peut

dissocier de son enfant, en particulier quand celui-ci est mineur. Néanmoins, Pascale Thibault-

Wanquet5 compare bien les parents à des aidants naturels dans son ouvrage6. Dans la mesure

où, ici, ces deux femmes ont apporté une aide non négligeable au patient et à l’équipe dans la

relation soignant-soigné, je choisis comme elle d’employer le terme « aidant » pour les

désigner. Je me pose également les questions suivantes : de quelle(s) information(s) ont besoin

les aidants naturels pour prendre en soin les patients selon les attentes de l’équipe soignante ?

Quelle(s) information(s) l’équipe soignante peut-elle et doit-elle donner aux aidants pour

faciliter cette prise en soins ? Ainsi, je souhaiterai orienter mon mémoire particulièrement sur

ce rôle actif des aidants dans la prise en soin du patient, et retiendrai donc pour ce travail de fin

d’études la question de départ suivante :

Quelle place l'IDE peut-il laisser à l'aidant naturel pour la prise en soins du patient

dans un établissement de soins ?

5 Cadre supérieur de santé, puéricultrice, titulaire notamment d’un DU « Éthique et pratiques de la santé et des soins » (2003). 6THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, 155 pages.

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III. Cadre de référence

1) L’aidant naturel

a. Définition

Le concept d’aidant naturel apparaît au début du XXIème siècle, et est resté relativement

flou pendant longtemps, les textes parlant plutôt d’aidant familial ou d’aidant informel. Or, au

cours de mes recherches, j’ai pu constater que l’aidant n’était pas forcément un membre de la

famille du patient. De plus, cette place informelle a tendance à changer (nous le verrons plus

loin) avec l’apparition d’une reconnaissance juridique de ces personnes. C’est pourquoi, je me

concentre plus précisément sur le terme d’« aidant naturel », qui, finalement englobe les deux

qualificatifs précédemment cités.

A ce jour, il en existe plusieurs définitions. Ainsi, en 2011, le Ministère du travail, de

l’emploi et de la santé définit cet aidant comme étant une personne « qui vient en aide, à titre

non professionnel, en partie ou totalement, à une personne âgée dépendante ou une personne

handicapée de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne »7. Cette définition

restreint selon moi le rôle de l’aidant, que j’ai vu, au cours de mon expérience personnelle et

professionnelle, intervenir auprès de bien d’autres personnes que les personnes âgées

dépendantes ou personnes handicapées, c’est pourquoi j’en ai cherché d’autres définitions.

Pascale Thibault-Wanquet, définit les aidants naturels dans plusieurs de ses écrits

comme étant « les proches de la personne malade ou handicapée qui apportent une aide

régulière et indispensable à sa qualité de vie. Ils peuvent avoir avec le malade un lien de

parenté ou non »8, ou encore comme « les membres de la famille ou des amis qui offrent des

soins et de l’aide à une personne ayant des troubles physiques, cognitifs ou mentaux. Ils le font

par choix ou par nécessité »9. Lorsque le patient est mineur, elle ne distingue pas l’aidant

naturel du parent. Cette non-distinction est confirmée dans la définition que donne Florence

Leduc, présidente de l’association française des aidants : « Les aidants ne sont pas seulement

7Ministère du travail, de l'emploi et de la santé, Guide de l’aidant familial, Editions Ministère des solidarités et de la cohésion sociale, Paris, 2011, page 11. 8THIBAULT-WANQUET P., L'aide-soignante et l'accueil des familles en institution de soins et en établissement médico-social, Soins Aide-soignante, 2011, tiré à part, page 1. 9THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 21.

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les personnes qui accompagnent un proche âgé à domicile. Il s’agit bien de l’aide à un proche

de tous les âges de la vie, que ce dernier vive à domicile ou en établissement »10.

Ces définitions caractérisent bien l’aidant, mais pourquoi parle-t-on d’aidant naturel ?

Là encore, Florence Leduc précise : « le qualificatif ‘naturel’ renvoie à l’idée de normalité, à

quelque chose qui va de soi »11. On retrouverait donc dans cette précision l’attribut conceptuel

décrivant l’implication de la personne aidante comme rarement volontaire et choisie, mais

provoquée par les circonstances de la vie. Cette dernière proposerait son aide au titre de sa

proximité affective avec le patient.

Parler du concept d’aidant naturel dans un établissement de santé est directement en lien

avec les objectifs de la proximologie qui sont « d’envisager l’entourage du patient comme l’un

des éléments déterminants de son environnement et de l’efficacité des soins »12.

b. Concept de proximologie

Le concept de « proximologie » est un néologisme, apparu également au début du

XXIème siècle, composé du préfixe « proximo » du terme latin « proximus » signifiant

« proche » et du suffixe « logie » du mot grec ancien « logos », signifiant « discours, parole ».

Elle étudie les relations entre le malade et ses proches, et en particulier la relation de soins ou

d’aide à laquelle l’entourage participe. Hugues Joublin13 donne la définition suivante : « la

proximologie inscrit l’entourage de la personne malade au centre du complexe relationnel qui

le lie au patient, aux soignants, aux structures de santé et d’hébergement ainsi qu’à son

environnement professionnel et familial. (…) Elle envisage la présence et le rôle de l’entourage

comme des éléments déterminants de l’environnement du patient, donc de l’efficacité des soins

et de sa prise en charge »14. Ce concept fait ainsi de l’entourage des personnes malades ou

dépendantes un objet central d'étude et de réflexion. Il est nécessaire pour le patient que les

10LEDUC F., Les proches aidants, des acteurs invisibles, La revue de l’infirmière, Août-Septembre 2014, n°203, page 16. 11Ibidem, page 17. 12 JOUBLIN H. et al, La condition du proche de la personne malade : 10 études de proximologie, Edition Aux lieux d’être, Montreuil, 2007, page 11. 13Inventeur du concept de proximologie, et dirigeant le programme de recherche soutenu par Novartis sur les proches de personnes malades depuis 10 ans. 14JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 19.

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soignants en tiennent compte, d’autant plus que Pascale Tocheport15 et Alain Azémard16

précisent : « l’entourage est l’accompagnateur naturel du patient. Il connaît son histoire, sa

psychologie, sa manière de réagir, sa vie spirituelle, ses souhaits profonds »17. Il est donc un

acteur clé dans la prise en soins du patient.

Mais si l’aidant naturel est un proche du patient, le proche, lui, n’est pas obligatoirement

l’aidant naturel. Comment différencier ces concepts ?

c. Distinction avec les concepts : famille, proche, personne de confiance

Pascale Thibault-Wanquet définit la famille comme « un ensemble de personnes unies

par un lien de parenté, établi par le sang (naissance), l’alliance (mariage, PACS), l’adoption.

Il entraine une obligation de solidarité morale et matérielle »18. Cette obligation de solidarité

morale et matérielle, dont elle parle dans sa définition, insinuerait qu’un membre de la famille

a nécessairement un devoir d’aide. Mais la réalité semble en être tout autre, puisqu’en général,

une seule personne a ce rôle d’aidant principal auprès du patient.

Pascale Tocheport et Alain Azémard préfèrent désigner les relations du patient de

manière plus générale : « au-delà du modèle familial le plus répandu (père, mère, enfants) se

sont développées d’autres formes de familles (recomposées, monoparentales, homoparentales).

Encore faut-il ajouter les autres liens sociaux que sont les amis, le voisinage, la vie

associative… Aussi, nous préférons parler d’entourage ou de proche, terme qui englobe tout

type de relation qui entoure le patient »19. On constate ici que le terme de « proche » est un

terme vaste employé pour définir la personne qui entoure un patient, et qui a établi un lien

particulier avec lui. Il s’agit donc de l’entourage, au sens large du terme. En ce sens, le proche

n’est pas forcément un membre de la famille, et j’irai même plus loin en disant qu’un membre

de la famille n’est pas forcément un proche, si le patient n’a pas, ou plus, de lien relationnel

avec cette personne. Hugues Joublin confirme ce propos : « la qualification de proche peut

résulter tant d’un lien familial, auquel cas la qualification de proche se superpose à celle de

15 IDE spécialiste clinique douleur soins palliatifs à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. 16 Psychologue clinicien. 17TOCHEPORT P. et AZEMARD A., La place de la famille dans les situations de fin de vie, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, page 15. 18THIBAULT-WANQUET P., L'aide-soignante et l'accueil des familles en institution de soins et en établissement médico-social, Soins Aide-soignante, 2011, tiré à part, page 1. 19TOCHEPORT P. et AZEMARD A., La place de la famille dans les situations de fin de vie, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, page 14.

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membre de la ‘proche famille’, que d’un lien d’amitié. (…) Ainsi la proximité de nos vrais

proches résiderait dans l’affection plus encore que dans les liens du sang ou l’institution du

mariage »20.

Enfin, on pourrait penser que l’aidant naturel, qui a un rôle important

d’accompagnement du patient, serait aussi sa personne de confiance. Suite à la loi du 4 mars

2002, on retrouve ce droit du patient de désigner une personne de confiance : « toute personne

majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le

médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa

volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la

personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. (…) Si le patient le souhaite, la

personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux

afin de l'aider dans ses décisions »21. Ce concept recouvre une réalité plus restreinte que celle

d’aidant, puisqu’il ne semble désigner un rôle que dans les démarches administratives. La

personne aidante peut être désignée comme personne de confiance, mais ce n’est pas toujours

le cas.

Cette première partie du cadre de référence nous a permis de mieux définir le concept

d’aidant naturel et sa place auprès du patient. Il peut aider un patient à tous les âges de la vie à

partir du moment où celui-ci perd de l’autonomie physique, cognitive, ou mentale, ou ne l’a pas

encore acquise. C’est pourquoi, même un parent d’enfant mineur est définit comme aidant

naturel. Par ailleurs, le proche, la famille et la personne de confiance ne sont pas forcément

« aidants naturels », mais l’aidant naturel peut faire partie de l’une, de deux voire des trois

catégories. C’est le cas dans mes deux situations de départ, où les deux femmes sont des

membres de la famille des patients, la sœur de M.C étant également sa personne de confiance,

tandis que la mère de Dilcan est sa représentante légale. Pascale Thibault-Wanquet indiquant

que « les relations des soignants avec les proches varient énormément en fonction des services

20JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 29. 21Article L 1111-6 du Code de la Santé Publique[en ligne], [consulté le 13/02/2018], disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006685772

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et des motifs d’hospitalisation des patients »22, je préciserai dans la partie suivante cette

présence accordée à l’aidant naturel en fonction des services de soins.

2) Présence des aidants en fonction du type de séjour du patient

a. Court séjour

Il s’agit d’une hospitalisation dans le but de recevoir des soins de courte durée prenant

en charge des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obstétrique,

odontologie ou psychiatrie23. Les patients restent dans ce genre de services de quelques heures

(ambulatoire, hôpital de jour), à quelques semaines.

Une enquête réalisée en 2002 dans deux services de court séjour adultes au CHU de

Clermont-Ferrand s’est intéressée à l’intégration des familles à l’hôpital24. En effet, à cette

époque, « donner un rôle actif aux familles dans les services d’hémato-cancérologie reste rare

et non formalisé »25. Le résultat de cette enquête montre que les soignants sont à 90% pour

l’amélioration de l’intégration des familles aux soins, mais sont cependant réticents à la

participation des proches aux soins techniques.

Concernant les services de court séjour pédiatriques, les parents ont la plupart du temps

le droit de visiter leur enfant 24h/24, 7 jours/7. Il existe malgré tout des disparités dans leur

présence lors des soins, en fonction du type de soin, mais aussi en fonction de l’infirmier qui

les effectue26.

22THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 22. 23 MUNCH B. (sous la dir. de), Qu’est-ce qu’un établissement de santé ? [en ligne], [consulté le 15/02/2018], disponible à l’adresse : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/protection-sociale/etablissements-sante/qu-est-ce-qu-etablissement-sante.html 24FEDOR M-C. et LEYSSENE-OUVRARD C., L’intégration des familles à l’hôpital » : quelles attentes et quelles réticences de la part des patients, proches, et soignants ?, Recherche en soins infirmiers, 2007/2, n°89, pages 58-75. 25 Ibidem, page 59. 26THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 27.

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b. Moyen et long séjour

Les soins de suite et de réadaptation (moyens séjours), ont pour objet la rééducation ou

la réadaptation de patients qui connaissent des déficiences ou des limitations de capacité, et de

promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion27. Cette hospitalisation dure en moyenne de

quelques semaines à quelques mois.

Les soins de longue durée (longs séjours), prennent en charge des personnes en perte

d’autonomie durable et dont l’état de santé nécessite une surveillance et des soins28 .

L’hospitalisation de ces patients dure sur plusieurs années en général. On retrouve sous cette

appellation notamment les Unités de Soins Longue Durée (USLD), les MAS, les Etablissements

d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD).

Une enquête menée en 2006, par la Fondation Médéric Alzheimer, dans des

établissements d’hébergement adultes de longue durée, s’est intéressée notamment aux

modalités mises en place pour faciliter la participation des familles à la vie institutionnelle29.

Le résultat de cette enquête montre que les USLD et les EHPAD mettent plus souvent en place

des modalités organisationnelles facilitant l’implication des familles que les maisons de retraite

et autres petites unités de vie (non EHPAD), mais sans préciser les facteurs favorisant et les

facteurs empêchant cette implication des familles.

Il semblerait qu’il n’existe pas d’études concernant la présence des aidants dans les

services de SSR adultes.

Pour la population pédiatrique, les services de SSR mettent en place des horaires de

visite, « souvent peu compatibles avec les contraintes de travail et les obligations familiales

des parents »30.

27 MUNCH B. (sous la dir. de), Qu’est-ce qu’un établissement de santé ? [en ligne], [consulté le 15/02/2018], disponible à l’adresse : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/protection-sociale/etablissements-sante/qu-est-ce-qu-etablissement-sante.html 28 Ibidem 29 GUISSET-MARTINEZ M-J. et MIGLIORE L., La place et le soutien réservés aux familles dans les établissements d’hébergement collectif, La Lettre de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer, mars 2007, n°2, 4 pages. 30THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 30.

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Il semble ainsi exister une variabilité des pratiques concernant la présence des aidants

naturels auprès du patient hospitalisé selon les secteurs d’activité et la durée du séjour du

patient. Cependant, lorsque la présence de l’aidant est acceptée, peut-il participer à la prise en

soin du patient ?

3) Concept de prise en soins

a. Définition

Je parle, dans ce travail de fin d’études, de « prise en soins » du patient. La définition

est sensiblement la même que celle de sa « prise en charge », à la différence que je choisis de

ne pas considérer le patient comme une charge, mais plutôt de me concentrer sur la partie

« soins » qu’implique cette « prise en charge ».

La prise en soins globale signifie ainsi que « le patient doit être soigné en tenant compte

de son environnement personnel, familial, social, culturel, etc. »31. Cela implique de considérer

les spécificités de la personne soignée, ses habitudes de vie, ses attentes, ses besoins, mais

également ses relations sociales et donc son entourage.

Dans la vision sociale générale, prendre en soins c’est non seulement traiter le corps,

mais aussi l’esprit, chercher non seulement à ôter la maladie à l’autre, mais lui apporter le bien-

être. Virginia Henderson, définit cette prise en soin comme l’action d’« aider l’individu malade

ou en santé par l’accompagnement des tâches dont il s’acquitterait lui-même s’il en avait la

force, la volonté, ou possédait les connaissances voulues, et accomplir ces fonctions de façon

à l’aider à reconquérir son indépendance le plus rapidement possible »32. J’ajouterai à cette

définition que cette prise en soin a également pour objectif, lorsque cette « reconquête » de

l’indépendance n’est pas possible, d’éviter que la perte d’autonomie du patient ne s’aggrave.

Enfin, l’école de pensée infirmière basée sur l’interaction définit le soin comme « un

processus interactif entre une personne ayant besoin d’aide et une autre capable de lui offrir

cette aide »33. L’aidant naturel a donc toute sa place dans cette définition. Mais quelle prise en

soins exactement est-il amené à effectuer à ce jour ?

31THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 2. 32 FEDOR M-C. et LEYSSENE-OUVRARD C., L’intégration des familles à l’hôpital » : quelles attentes et quelles réticences de la part des patients, proches, et soignants ?, Recherche en soins infirmiers, 2007/2, n°89, page 68. 33 NAOUFAL C., Six écoles de pensées [en ligne], [consulté le 15/02/2018], disponible à l’adresse : http://recher cheensoinsinfirmiers.com/2014/06/02/six-ecoles-de-pensee/

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b. Prise en soins de l’aidant naturel

Plusieurs écrits recensent la prise en soin que l’aidant naturel effectue hors

établissements de soins.

Hugues Joublin indique par exemple que « l’entourage assume l’essentiel de la prise

en charge quotidienne : soins d’hygiène, préparation des repas, stimulation intellectuelle,

incitation à la marche, aménagement de l’environnement, (…) la surveillance du malade, les

déplacements extérieurs, les courses, la préparation et la prise des repas, la toilette et le suivi

des tâches administratives »34. Il s’agit essentiellement des soins de maternage, c'est-à-dire

« l’ensemble des soins courants prodigués par une mère à son nourrisson »35. C’est ainsi le cas

dans mes deux situations de départ.

Hugues Joublin précise également que les médecins généralistes semblent conscients du

rôle de l’aidant naturel au quotidien : « il participe notamment au soutien psychologique ou à

l’aide morale du malade (72 %), à l’alerte en cas de problème aigu (66 %), à l’aide pratique

dans la vie quotidienne (57 %) et constitue une présence rassurante (58 %). Dans plus d’un

cas sur deux (51 %), le praticien estime même que l’entourage contribue à l’efficacité des

soins »36.

Le Ministère du travail, de l’emploi et de la santé considère la chose suivante : « cette

aide régulière est permanente ou non. Elle peut prendre différentes formes comme le ‘nursing’

(…), les soins, l’accompagnement à l’éducation et à la vie sociale, les démarches

administratives, la coordination, la vigilance, le soutien psychologique, les activités

domestiques, etc. »37.

Ces différentes observations me permettent de dire que la prise en soins réalisée par

l’aidant naturel hors établissements de soins est celle que l’on retrouve essentiellement dans le

rôle propre de l’IDE. Mais l’aidant peut-il effectuer cette même prise en soins lorsque le patient

se retrouve institutionnalisé ?

34JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 131. 35Dictionnaire de Larousse français [en ligne], [consulté le 16/02/2018] disponible à l’adresse : http://www.laro usse.fr/dictionnaires/francais/maternage/49846 36JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 131. 37Ministère du travail, de l'emploi et de la santé,Guide de l’aidant familial, Editions Ministère des solidarités et de la cohésion sociale, Paris, 2011, page 11.

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Trois aides-soignantes (AS) témoignent qu’elles « sensibilisent les aidants en matière

d’alimentation, d’hydratation ou d’installation et les conseillent en fonction des situations et

des besoins »38 . Mais peu d’écrits existent concernant la place que les soignants leur

laissent réellement dans cette prise en soins en établissement de soins…

4) La place des aidants naturels

a. Historique de cette place

Nous l’avons vu précédemment, le terme d’aidant naturel n’est apparu qu’au début du

XXIème siècle. Cependant, au cours de l’histoire la place des proches auprès du patient

hospitalisé a beaucoup évolué en fonction des règles imposées par l’institution, et ces derniers

ont eu ou non l’occasion d’apporter leur aide. Par ailleurs, l’accueil du proche du patient mineur

a été différent de celui réservé au patient majeur.

Pascale Thibault-Wanquet écrit dans son ouvrage que « les premiers hôpitaux d’enfants

sont destinés à accueillir des orphelins »39. A ce titre, la question de la place des proches de

l’enfant ne se pose pas.

Dans la seconde partie du XIXème siècle, les hôpitaux s’organisent en « Pavillons »

pour séparer les enfants selon leur pathologie. « Les jeunes patients y étaient totalement séparés

de leur environnement habituel, considéré comme responsable de leur état. Dans ce contexte,

le rôle des mères était le plus souvent disqualifié »40.

A partir de 1898, de nouvelles catégories sociales sont admises à l’hôpital. Avant ça,

« les populations les plus favorisées étaient soignées à domicile par leur médecin personnel.

De ce fait, le malade bénéficiait de la présence de son entourage »41. Rien n’indique cependant

que l’entourage du patient pouvait être présent auprès des populations les moins favorisées, en

parallèle, à l’hôpital.

Dans la première moitié du XXème siècle, « le médecin, l’infirmière ou la visiteuse

médicale considèrent que la mère doit suivre à la lettre leurs prescriptions et ne pas prendre

38LOISEAU A., LEMERCIER M-C. et BAYER H., Encourager la famille à devenir partenaire des soins, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, pages 12-13. 39THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 7. 40Ibidem, page 8. 41THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 9.

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d’initiatives concernant la santé de l’enfant sans avoir consulté le médecin »42. Ainsi, même si

la mère de l’enfant pouvait être présente, sa place était très restreinte dans sa prise en soins.

A partir des années 1950, on commence à se soucier de la place des familles de patients

majeurs : « tout est mis en œuvre pour humaniser l’hôpital afin de répondre aux attentes d’une

clientèle de plus en plus exigeante et faire face à la concurrence croissante des lieux

d’hospitalisation privés. Les préoccupations des équipes soignantes se tournent alors vers

l’amélioration de la qualité de l’accueil, de l’information transmise aux familles et de la

relation famille-médecin »43. S’il y a une amélioration de cette relation entre la famille et les

soignants, ces derniers ne leur accordent cependant pas encore de réelle place dans la prise en

soins du patient majeur. En parallèle, concernant les patients mineurs, « les parents continuent

d’être éloignés, voire exclus des unités de soins »44.

Ce n’est que dans la seconde partie du XXème siècle que les soignants commencent à

« travailler avec les parents. Ils doivent les informer sur la maladie de leur enfant, et assurer

leur éducation lorsqu’ils seront amenés à effectuer certains soins à la sortie de l’hôpital »45.

Une place commence à être accordée aux aidants naturels des patients mineurs.

Néanmoins, cette place n’est pas identique d’un service pédiatrique à l’autre. Jusque

dans les années 1990, dans certains services, « les visites des parents ne seront acceptées qu’une

à deux fois par semaine, pendant quelques minutes, et parfois uniquement à la porte de l’unité

ou à travers la vitre du box »46. Alors que parallèlement, et depuis déjà près de vingt ans, « les

parents sont admis dans d’autres unités à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Ils

peuvent participer aux soins de maternage et à certains soins infirmiers »47. Les soins

infirmiers en question ne sont pas précisés.

42THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 9. 43THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 11. 44THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 9. 45Ibidem, page 12. 46Ibidem, page 9. 47Ibidem, page 9.

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b. Quelle place à ce jour ?

Les soignants semblent avoir conscience de l’importance de la place des proches de

l’enfant depuis plusieurs années maintenant : « chez l’enfant, les besoins, en particulier

psychoaffectifs, et les conséquences d’une séparation d’avec les parents lors d’une

hospitalisation ont fait l’objet de nombreux travaux »48. Cette séparation pourrait avoir en effet,

en fonction de la durée et de l’âge de l’enfant, des conséquences néfastes sur son

développement, pouvant aller jusqu’à l’hospitalisme. Mais chez l’adulte et la personne âgée,

« l’analyse des besoins et des attentes mérite encore d’être approfondie »49.

Nous sommes, à ce jour, arrivés à un carrefour où à la fois, comme l’écrit Maryse

Huguet (cadre de santé), « les soignants ont pris conscience que les proches ont une

connaissance du patient non détenue par eux-mêmes et qu’être à l’écoute des besoins du patient

et de son entourage peut créer une relation de confiance et des conditions d’optimisation des

soins »50, et à la fois comme le note Pascale Thibault-Wanquet, « les professionnels de santé

sont encore peu nombreux à considérer l’entourage familial comme un véritable partenaire et

à tenter de l’associer activement, s’il le souhaite, au projet de soin »51. La prise de conscience

des soignants concernant l’importance de l’intégration des proches dans les soins ne semble pas

suffisante en elle-même pour que cette intégration ait réellement lieu. Les aidants naturels en

témoignent d’ailleurs : « les aidants l’ont dit à l’occasion d’une récente enquête : les relations

avec les professionnels ne sont pas toujours simples. (…) Selon les situations, ils regrettent de

ne pas être suffisamment pris en compte, informés ou encore trop lourdement sollicités. La

question se pose alors pour les professionnels de savoir comment approcher ces situations pour

être dans le respect des choix des personnes accompagnées tout en tissant avec les aidants des

liens de confiance et de coopération »52. Cela m’amène à me poser la question suivante : quels

48 CALVAT T. (sous la dir. de), Quelle place pour l’entourage des personnes malades dans le système de santé ? [en ligne], Avril 2010, [consulté le 13/02/2018]. Disponible à l’adresse : http://www.proximologie.com/g lobalassets/proximologie2/pdf/reciproque s/reciproques-assises-def.pdf 49THIBAULT-WANQUET P., L'aide-soignante et l'accueil des familles en institution de soins et en établissement médico-social, Soins Aide-soignante, 2011, tiré à part, page 2. 50HUGUET M., La place des proches à l'hôpital, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, page 10. 51THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 24. 52JUNG E. LOZAC’H C., La triangulation des relations d'aide, décryptage et enjeux, La revue de l’infirmière, Août-Septembre 2014, n°203, page 21.

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sont les éléments qui empêchent les soignants d’intégrer les proches à la prise en soins du

patient ?

Lors des Assises Nationales de Proximologie d’Avril 2010, ce point a été soulevé :

« centré sur le malade, ses symptômes, les traitements et examens appropriés, le professionnel

de santé a rarement beaucoup de temps à consacrer à l’entourage. De fait, confronté à

l’angoisse légitime du ou des proches, il peut parfois ne pas les entendre et faire preuve de

réserve, voire de méfiance à leur égard »53. Selon cette remarque, ce serait le manque de temps

qui empêcherait le soignant d’intégrer les proches dans la prise en soins. Par ailleurs, il se

méfierait du proche ? Y aurait-il une sorte de rivalité autour de cette place et de ce rôle auprès

du patient ?

Deux soignantes semblent avoir réfléchi à la question : « un autre point fondamental est

de veiller à la non-confusion des rôles entre proches aidants et professionnels. L’image de

l’orchestre traduit bien ce principe : chacun joue sa partition, mais pas celle du voisin »54. La

place de l’aidant naturel serait-elle ainsi à définir en fonction du rôle qu’il a auprès du patient ?

Hugues Joublin attire notre attention sur la pose d’un « cadre clair et des missions

adaptées aux compétences de l’entourage, celui-ci n’ayant pas vocation à suppléer les limites

des systèmes de prise en charge ni surtout à se substituer aux soignants. Force est pourtant de

constater que certains proches (…) sont déjà mis à contribution pour des gestes médicaux qui

supposent une réelle technicité, telles l’administration de médicaments injectables sous-

cutanée ou en intraveineuse, la recherche du contrôle de la douleur, la pose de sondes

gastriques ou de cathéters, etc. »55. D’après cette constatation, Hugues Joublin semble mettre

en lumière que la place des aidants tend à être similaire à celle d’un soignant diplômé. Ils

pratiqueraient ainsi des soins prescrits pour lesquels une formation spécifique est nécessaire.

C’est le cas dans ma deuxième situation d’appel, où la sœur de M.C. a été formée à l’aspiration

par la canule du patient. Nous sommes bien loin, dans ce cas, des soins de maternage. Par

ailleurs, le fait que l’aidant pourrait se substituer au soignant pourrait-il avoir pour conséquence

53 CALVAT T. (sous la dir. de), Quelle place pour l’entourage des personnes malades dans le système de santé ? [en ligne], Avril 2010, [consulté le 13/02/2018]. Disponible à l’adresse : http://www.proximologie.com/ globalassets/proximologie2/pdf/reciproques/reciproques-assises-def.pdf 54JUNG E. et LOZAC’H C., La triangulation des relations d'aide, décryptage et enjeux, La revue de l’infirmière, Août-Septembre 2014, n°203, page 22. 55JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 132.

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d’entamer la vigilance de la surveillance du patient par le soignant ? Que dit la loi, concernant

la place de l’aidant, à ce jour ?

c. Cadre législatif : droits des aidants

Il n’existe actuellement pas de statut juridique unifié de l’aidant dans la mesure où les

proches sont susceptibles d’intervenir à divers titres pour soutenir le patient. En revanche, ces

dernières années, le législateur commence à lui reconnaître des droits : « la place de l’aidant

familial doit être reconnue et prise en compte, en tant que telle, dans toutes les politiques de

santé et de protection sociale. Cette reconnaissance sociale doit officialiser le rôle de l’aidant

familial. L’aidant familial a droit à des infrastructures de soins et à divers réseaux de soutien

moral et psychologique sur lesquels il peut s’appuyer »56.

L’aidant d’un patient mineur, le plus souvent le parent, a des droits qui lui sont reconnus

depuis plusieurs années déjà, notamment en terme de congés de présence parentale : « le

nombre de jours de congés dont peut bénéficier le salarié au titre du congé de présence

parentale est au maximum de 310 jours ouvrés (soit 14 mois) dans une période dont la durée

est fixée, pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap, à 3 ans »57.

Concernant l’aidant d’un patient majeur, celui-ci a le droit, depuis le 1er janvier 2017

« à un congé de proche aidant lorsque l'une des personnes suivantes présente un handicap ou

une perte d'autonomie d'une particulière gravité »58. Cette mesure élargit les bénéficiaires de

ce type de congé aux aidants sans lien de parenté avec la personne qu’ils aident et aux aidants

de personnes accueillies en établissement. Par ailleurs, l’article L.232-2 du Code de l’Action

Sociale et des Familles (CASF) pose le principe du droit au répit du proche aidant pris en

compte dans le cadre du plan d’aide établi pour l’attribution de l’allocation personnalisée

d’autonomie (APA).

Une loi apparue le 23 avril 2005 précise la place que les professionnels de santé doivent

accorder à l’aidant naturel dans la prise en soins à domicile : « la personne handicapée et les

56 Coface handicap, Charte européenne de l’aidant familial, article 5 [en ligne], [consulté le 13/02/2018], disponible à l’adresse : http://www.aidants.fr/sites/default/files/public/Pages/chartecofacehandicapfr.pdf 57 Ministère du travail, Les congés et absences pour enfant malade [en ligne], [consulté le 17/02/2018] disponible à l’adresse : http://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/temps-de-travail-et-conges/conges-et-absenc es/article/les-conges-et-absences-pour-enfant-malade 58Article L3142-16 du Code du travail [en ligne], [consulté le 17/02/2018] disponible à l’adresse : https://www.l egifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=59CA7D0D8F6BB1434E91D4D93F6AB9EC.tplgfr37s_1?idSectionTA=LEGISCTA000033003265&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20180217

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personnes désignées (NDLR : aidants naturels) reçoivent préalablement, de la part d'un

professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d'acquérir

les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la

personne handicapée concernée. Lorsqu'il s'agit de gestes liés à des soins infirmiers, cette

éducation et cet apprentissage sont dispensés par un médecin ou un infirmier »59. La technicité

des gestes en question n’est pas précisée. Par ailleurs, cette loi ne semble s’appliquer qu’à

l’aidant d’une personne handicapée. Qu’en est-il des aidants de toutes les autres populations

décrites au début de ce cadre de référence ?

En droit de la santé, la place des aidants est reconnue indirectement par divers textes qui

régissent la présence des familles dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux. En

revanche, aucun texte de loi ne légifère, à ce jour, la place que le soignant doit laisser à l’aidant

naturel dans la prise en soins du patient en établissement de soins. Il existe ainsi un « vide »

juridique.

59Article L1111-6-1 du Code de la Santé Publique [en ligne], [consulté le 17/02/2018] disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006685775&cidTexte=LEGITEXT000006072665

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IV. Enquête exploratoire

1) Méthodologie

a. Outil d’enquête

A la suite de mes lectures et de l’élaboration de mon cadre de référence, j’ai émis quatre

hypothèses à partir desquelles j’ai construit mon outil d’enquête. Ma première hypothèse était :

l’intégration des aidants naturels dans la prise en soin du patient est différente selon la

durée de séjour du patient. Ma deuxième hypothèse était que cette intégration est différente

selon l’âge du patient (majeur/mineur). Ma troisième hypothèse était que les soins de

maternage de l’aidant sont privilégiés par l’IDE, qui préserve précieusement son statut

de soignant face à ce dernier. Enfin, ma dernière hypothèse était que la prise en soins par

l’aidant naturel entame la vigilance de la surveillance du patient par l’IDE.

Après avoir émis ces hypothèses, j’ai choisi de mener mon enquête exploratoire à l’aide

d’entretiens semi-directifs auprès d’IDE ciblés. Cette méthode d’enquête qualitative m’a permis

de privilégier la relation avec les enquêtés et d’obtenir des réponses nuancées, qu’un

questionnaire ne m’aurait pas apportées. J’ai ainsi pu orienter leur discours sans pour autant

induire leurs réponses : j’ai élaboré un guide d’entretien pour lequel j’ai rencontré des

difficultés puisque certaines de mes questions étaient trop précises, et pouvaient induire les

réponses que je souhaitais obtenir. Il m’a donc fallu reformuler mes questions, afin qu’elles

soient plus générales, et préparer des questions de relance, dans le cas où les personnes

interrogées s’éloignaient du sujet traité, ou tout simplement pour clarifier certaines idées. Au

début de chaque entretien, j’ai donné aux IDE interrogés une définition commune de l’aidant

naturel, afin qu’il n’y ait pas de quiproquo tout au long de l’entretien. Ce guide d’entretien

figure en Annexe I.

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b. Lieux et populations

Souhaitant comparer l’intégration des aidants dans la prise en soins des patients en

fonction de la durée du séjour et de l’âge de ces derniers, j’ai choisi d’effectuer mes enquêtes

dans quatre services : un service de pédiatrie générale, représentant le court séjour pédiatrique ;

un service de SSR pédiatrique, représentant le moyen/long séjour pédiatrique ; un service de

médecine polyvalente, représentant le court séjour adulte ; et enfin un service de SSR

gériatrique représentant le moyen/long séjour adulte. Les services de pédiatrie générale et de

médecine polyvalente m’ont semblé importants pour cette enquête en raison de la diversité des

pathologies des patients et donc des soins que pouvaient être amenés à effectuer l’aidant naturel.

Cela m’a permis de vérifier l’hypothèse portant sur le type de soins laissé aux aidants (soins de

maternage et/ou soins techniques ?). Concernant les services de moyen/long séjour, je

souhaitais interroger un lieu dans lequel l’objectif est le retour du patient chez lui à moyen ou

long terme, et donc dans lequel les aidants naturels pouvaient retrouver une place active

d’aidant ultérieurement. C’est pourquoi j’ai exclu tous les services d’EHPAD, de maison de

retraite, d’USLD, de MAS, et me suis tournée vers des SSR. Je n’ai interrogé qu’un seul IDE

par service, et donc mené au total quatre entretiens que j’ai pu comparer entre eux.

Pour chaque entretien, j’ai en amont contacté chacun des cadres de service par téléphone

et leur ai demandé leur accord pour interroger, dans le cadre de mon travail de fin d’études, un

IDE diplômé d’au moins 5 ans, sur la base du volontariat. Je leur ai indiqué que mon sujet

traitait des aidants naturels, mais sans plus de précision afin de ne pas biaiser les réponses des

IDE. Je n’ai eu aucune difficulté à obtenir ces entretiens.

c. Modalités de réalisation

Les entretiens ont duré de 15 à 20 minutes en fonction des IDE. Les IDE interrogées

étaient toutes des femmes.

Pour chaque entretien réalisé, j’ai demandé aux IDE leur accord préalable concernant

l’enregistrement de nos échanges, afin de faciliter leur retranscription, ce qu’elles ont toutes

accepté.

Le premier entretien était celui en SSR pédiatrique. Il a eu lieu avec une IDE diplômée

depuis 17 ans, dans l’office alimentaire du service. Nous étions assises face à face, séparée par

Page 28: L’aidant naturel à l’hôpital: cet autre acteur de soins · patient majeur), j’ai été frappée de constater les similitudes qui existent entre elles. Dans ces deux situations,

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une table. Nous avons été dérangées une fois par des allées et venues dans la pièce, ce qui a fait

perdre à l’IDE le fil de ses pensées et a nécessité des questions de relance. Il m’a semblé que

cette IDE ne répondait pas de manière fluide et affirmée, au regard du nombre de ses hésitations

(« euh… »). Ces dernières peuvent signifier qu’elle ne s’était jamais véritablement interrogée

sur la place des aidants au quotidien lors de ses propres pratiques, ou alors que mon entretien

la renvoyait dans une posture dans laquelle elle n’était pas forcément à l’aise. Il semble, en

effet, que les parents font ce qu’ils « veulent » (rester/ne pas rester, aider/ne pas aider), mais

qu’elle ne les intègre pas elle-même de manière automatique dans sa pratique.

Le deuxième entretien était celui en médecine polyvalente. Il a eu lieu avec une IDE

diplômée depuis 8 ans, dans la pharmacie du poste de soins du service. Nous étions assises sur

des tabourets, face à face, sans aucun élément qui nous sépare. Le fait d’être situées dans la

pharmacie a eu pour conséquences d’être dérangées plusieurs fois par des IDE qui venaient

chercher du matériel. Ici aussi, l’IDE perdait le fil de ses pensées et j’ai dû utiliser des questions

de relance. Ses réponses semblaient confronter sa position d’IDE face à l’aidant, qui n’était plus

lui-même dans ce rôle d’aidant (sauf pour celui qui lui a appris un geste technique qu’elle ne

connaissait pas).

Le troisième entretien était celui en pédiatrie générale. Il a eu lieu avec une IDE

diplômée depuis 30 ans, dans la salle de consultations « hôpital de jour » du service. Nous étions

assises face à face, séparées par le bureau du médecin. Nous n’avons pas été dérangées, mes

questions de relance servant uniquement à éclaircir certains points. Au regard de ses réponses,

cette IDE semblait plus sûre d’elle face aux avantages d’une collaboration parents/IDE. Son

expérience de 30 ans et l’univers pédiatrique dans lequel elle évolue peuvent en être les raisons.

Le dernier entretien était celui en SSR gériatrique. Il a eu lieu avec une infirmière

diplômée depuis 12 ans, dans l’office alimentaire du service. Nous étions assises face à face,

séparée par une table. Là encore, nous n’avons pas été dérangées pendant toute la durée de

l’entretien. On retrouve, dans les réponses de cette dernière IDE, une description du champ

d’action des aidants assez réductrice.

d. Freins de la méthode

Les freins de cette méthode sont d’une part une retranscription longue des entretiens.

Par ailleurs, le fait d’effectuer ces entretiens sur les lieux de travail des IDE a eu pour

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conséquence des interruptions régulières par des collègues pour deux des entretiens. Les IDE

perdaient ainsi le fil de leurs pensées ou semblaient gênées de répondre devant leur collègue.

Enfin, je pense que le fait de répondre directement à des questions devant une personne qu’elles

ne connaissaient pas, en étant enregistrées, constitue en soi un biais puisqu’elles ont eu parfois

une attitude défensive et n’ont pas pu répondre aussi librement à certaines questions délicates,

que si ces questions étaient posées au travers d’un questionnaire anonymisé.

Cependant, les avantages de la méthode étant selon moi plus nombreux (voir « Outil

d’enquête »), je la choisirais de nouveau si c’était à refaire, en reformulant certaines de mes

questions.

2) Présentation des résultats bruts

Afin de traiter les données recueillies, j’ai d’abord retranscrit intégralement les quatre

entretiens effectués (Annexes II, III, IV et V). J’ai ensuite réalisé une grille de dépouillement

par question, me permettant de classer les éléments recueillis.

J’ai choisi un code pour chaque entretien afin de respecter l’anonymat des personnes.

Les codes sont les suivants : « SSR-P » pour SSR pédiatrique, « SSR-A » pour SSR gériatrique,

« C-P » pour le court séjour pédiatrique (pédiatrie générale) et « C-A » pour le court séjour

adulte (médecine polyvalente).

A la première question « Quels sont les horaires de visite des familles ? », les 2 IDE des

services d’adultes « SSR-A » et « C-A » indiquent des horaires de visite sur une tranche horaire

de 13h à 20h, en accordant toutefois de rares exceptions au cas par cas et à la demande des

familles, tandis que les 2 IDE des services pédiatriques « SSR-P » et « C-P » déclarent qu’il

n’y a aucune restriction concernant les parents ou référents les remplaçant.

A la deuxième question « Lorsque vous effectuez les soins, la famille reste-t-elle

présente ? », les 2 IDE des services d’adultes répondent non, surtout pour les soins invasifs ou

de pudeur, alors que les IDE des services pédiatriques laissent le choix aux parents de rester ou

non.

A la troisième question « Arrive-t-il que les familles participent aux soins dans votre

service ? », toutes les IDE déclarent que cela arrive, même si l’IDE « SSR-A » précise que c’est

assez rare. Concernant les types de soins effectués par les aidants dans ces cas-là, les IDE des

services pédiatriques indiquent qu’il peut s’agir de soins parfois très techniques. En effet, l’IDE

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« SSR-P » parle d’hydratation des enfants brûlés, de pose d’attelles, de mise en place de

vêtements compressifs, et de soins de trachéotomie avec changement de canule. L’IDE « C-P »

énumère l’administration de traitements par chambre d’inhalation, l’injection d’insuline avec

manipulation des pompes, les glycémies capillaires, et parfois l’aide à la réfection d’un

pansement de cathéter central. L’IDE « C-A » parle surtout de soins de maternage (aide aux

repas, et aide à la toilette) ainsi que de soins sur gastrostomie. Enfin, l’IDE « SSR-A » indique

qu’il est extrêmement rare que les aidants fassent des soins de nursing dans son service, mais

qu’ils sont parfois amenés à effectuer des glycémies capillaires, des injections d’insuline et des

changements de poches de stomies.

A la quatrième question « Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration des

aidants dans la prise en soins du patient ? », les IDE des services adultes et l’IDE « C-P »

répondent que ce n’est pas vraiment le rôle de l’aidant de faire des soins à l’hôpital. Les IDE

des services d’adultes estiment que l’hospitalisation du patient permet un moment de répit à

l’aidant, tandis que l’IDE « C-P » pense que le rôle des parents se situe plutôt au niveau du

réconfort du patient. L’IDE « SSR-P », quant à elle, répond que l’objectif des parents est de

récupérer leur enfant au domicile et souhaiterait améliorer leurs conditions d’accueil,

notamment accueil de nuit, et développer d’autres programmes d’éducation thérapeutique.

A la cinquième question « Vous est-il arrivé d'être en désaccord avec la famille sur la

prise en soins du patient ? », les IDE des services pédiatriques répondent par la négative ou que

cela n’arrive que très rarement, tandis que les IDE des services adultes affirment avoir déjà été

en désaccord. En leur demandant si elles se sont déjà senties dépossédées de leur rôle de

soignantes, en revanche, toutes les IDE réfutent la question.

Enfin, à la dernière question « Selon vous, la sécurité des soins est-elle assurée lorsque

ceux-ci sont réalisés par l'aidant naturel ? », les IDE des services de moyen/long séjours

répondent par l’affirmative puisqu’elles ont pu valider les soins en amont. L’IDE « C-P »

réplique qu’il en va de sa responsabilité et que c’est du cas par cas. Pour finir, l’IDE « C-A »

certifie ne jamais avoir eu le cas où un aidant a mis en danger le patient.

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V. Analyse

Je vais désormais mettre en lien les éléments extraits des quatre entretiens avec mon

cadre de référence. Pour cela, je choisis d’analyser les entretiens réalisés en fonction des

hypothèses que j’ai émises en amont, afin de confirmer leur vérification ou non.

1) Des différences dans la présence et l’intégration des aidants aux soins

Mes deux premières hypothèses étaient que l’intégration des aidants naturels dans la

prise en soins du patient est différente selon sa durée de séjour, et selon son âge

(majeur/mineur).

La première question que j’ai posée (« Quels sont les horaires de visite des familles ? »)

me donnait une idée concernant la présence des familles autorisée par le règlement de

l’établissement. En effet, j’ai constaté au cours de mes lectures que la présence des familles

dans les services n’était pas la même dans les services d’adultes et d’enfants, et pouvait différer

selon le type de séjour de ces derniers. Cette différence était également notable dans les services

de mes situations d’appel : la maman de Dilcan allait rester auprès de lui la nuit, alors que la

sœur de M.C ne pouvait venir que l’après-midi. Quel que soit la position du soignant vis-à-vis

de cette intégration aux soins des aidants naturels, il est, de toutes façons, difficile pour lui de

les inclure dans les soins si le règlement du service ne permet pas leur présence. Ainsi au vu

des résultats à cette première question, je peux confirmer qu’il existe bel et bien une différence

dans l’autorisation de cette présence : dans les services pédiatriques, les parents ou référent s’y

substituant sont autorisés sans restriction horaire, tandis que dans les services d’adultes les

visiteurs ne sont autorisés que l’après-midi et en début de soirée, et ce quel que soit la durée du

séjour du patient. De rares exceptions sont cependant acceptées par les IDE des services

d’adultes, à la demande des familles. La possibilité des parents de venir quand ils veulent,

évoquée par l’IDE « SSR-P », contredit les dires de Pascale Thibault-Wanquet concernant les

horaires de visites des parents en SSR pédiatrique. Cette différence dans les horaires, entre les

services adultes et pédiatriques est justifiée par la charte de l’enfant hospitalisé, dont l’article 2

spécifie : « Un enfant hospitalisé a le droit d'avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui

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jour et nuit, quel que soit son âge ou son état. »60. Il n’existe pas, à ce jour, de tel droit

concernant l’adulte.

Ma deuxième question (« Lorsque vous effectuez les soins, la famille reste-t-elle

présente ? ») me permettait cette fois-ci de connaître la place que l’IDE elle-même était amenée

ou non à accorder à l’aidant naturel. En effet, nous l’avons vu dans le cadre de référence, le rôle

de l’IDE est de prendre en soins le patient dans sa globalité. Il s’agit pour lui de faire appel au

concept de proximologie en envisageant « l’entourage du patient comme l’un des éléments

déterminants de son environnement et de l’efficacité des soins »61. Malgré tout, Pascale

Thibault-Wanquet indiquait que les professionnels de santé sont encore peu nombreux à

« l’associer activement, s’il le souhaite, au projet de soin »62. Dans mes situations d’appel, la

mère de Dilcan et la sœur de M.C ont pu assister aux soins décrits. Cependant, là encore, lors

de mes entretiens, je constate, dans les réponses des IDE, une différence de cette présence

autorisée par celle-ci lors des soins entre les services d’adultes (où l’IDE fait sortir la famille)

et de pédiatrie (où l’IDE laisse le choix aux parents). Cette remarque confirme les propos de

Mme Thibault-Wanquet. Les IDE des services adultes ont justifié le fait de faire sortir les

familles lors des soins essentiellement pour une question de pudeur du patient, ou lorsqu’il

s’agissait de soins invasifs (mais sans plus de précisions pour ces derniers soins). Il ne semble

pas y avoir de différence notable en fonction de la durée de séjour du patient.

Concernant la troisième question de mon guide d’entretien (« Arrive-t-il que les familles

participent aux soins dans votre service ? »), elle me permettait cette fois de connaitre le rôle

actif que les aidants pouvaient avoir dans ces différents services, en présence ou non de l’IDE.

Toutes les IDE ayant répondu par l’affirmative, il ne semble pas y avoir de différence notable

en fonction de la durée du séjour du patient et l’âge de ce dernier, ce qui rejoint les cas de mes

deux situations d’appel, où les deux femmes prodiguent des soins aux patients.

Enfin, la quatrième question (« Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration

des aidants dans la prise en soins du patient ? ») permettait aux IDE interrogées de s’exprimer

librement, et à moi-même d’évaluer l’évolution des pensées du côté des soignants. En effet,

60Association Européenne pour l’enfant à l’hôpital, Charte de l’enfant hospitalisé [en ligne], [consultée le 26/04/2018], disponible à l’adresse : https://www.sparadrap.org/content/download/5075/47849/version/2/file/Ch arte%20enfant%20hospitalise2017.pdf 61 JOUBLIN H. et al, La condition du proche de la personne malade : 10 études de proximologie, Edition Aux lieux d’être, Montreuil, 2007, page 11. 62THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 24.

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comme je l’ai écrit dans mon cadre de référence, Maryse Huguet affirme que les soignants ont

pris conscience de l’importance de l’intégration des proches dans les soins. Cependant, lors des

Assises Nationales de Proximologie d’Avril 2010, il en était ressorti « un manque de temps (des

soignants) à consacrer à l’entourage »63. Dans mes situations d’appel, le fait que les aidants

soient volontaires pour effectuer des soins aux patients, mais que ces soins en question

dégradent l’état de santé de ces derniers, me laisse penser qu’il y aurait quelque chose à

améliorer dans cette intégration de l’aidant dans la prise en soins. Malgré tout, d’une manière

générale, les IDE des services d’adultes ont répondu que ce n’était pas vraiment le rôle de

l’aidant de faire les soins à l’hôpital, que l’hospitalisation du patient leur permettait justement

un moment de répit. Cette réponse me permet de me rendre compte que les résultats de l’enquête

réalisée en 200264 (montrant que 90% des soignants étaient pour l’amélioration de l’intégration

des familles aux soins) ne reflètent pas la réalité dans tous les services, et rejoint la pensée de

Mme Thibault-Wanquet selon laquelle l’aide apportée par les aidants naturels peut être « par

nécessité »65, et l’implication de ces derniers est rarement volontaire et choisie. Par ailleurs,

l’IDE « C-P » ne trouve pas utile d’impliquer les parents aux soins si ces derniers sont ponctuels

et dispensés uniquement à l’hôpital (soins très techniques), mais pense qu’il est nécessaire de

les y mêler si les soins prodigués sont amenés à se répéter dans le temps (notamment lors de

pathologies chroniques). Ce dernier point rejoint la pensée exprimée par l’IDE « SSR-P » selon

laquelle les parents ont pour objectif de gagner en autonomie afin de dispenser eux-mêmes les

soins à leur enfant. Elle souhaite ainsi améliorer les programmes d’éducation thérapeutique et

l’accueil des parents (j’ai constaté qu’elle est la seule IDE à faire des propositions concrètes

pour une meilleure intégration aux soins de l’aidant). Aucune des IDE interrogées n’a

mentionné un manque de temps les empêchant d’intégrer les aidants naturels dans la prise en

soins des patients.

63 CALVAT T. (sous la dir. de), Quelle place pour l’entourage des personnes malades dans le système de santé ? [en ligne], Avril 2010, [consulté le 13/02/2018]. Disponible à l’adresse : http://www.proximologie.com/ globalassets/proximologie2/pdf/reciproques/reciproques-assises-def.pdf 64FEDOR M-C. et LEYSSENE-OUVRARD C., L’intégration des familles à l’hôpital » : quelles attentes et quelles réticences de la part des patients, proches, et soignants ?, Recherche en soins infirmiers, 2007/2, n°89, page 59. 65THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital, Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, page 21.

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Après la première partie de cette analyse, je peux valider ma première hypothèse selon

laquelle l’intégration des aidants naturels dans la prise en soins du patient est différente selon

sa durée de séjour, chez des patients mineurs. En effet, la chronicisation de certaines pathologies

oblige les parents à gagner en autonomie dans la prise en soins de leur enfant, et leur intégration

est plus grande lorsque l’hospitalisation se prolonge. Cependant, cette hypothèse n’est pas

vérifiée lorsque le patient est majeur, la durée du séjour de ce dernier n’influant pas l’intégration

des aidants, qui sont peu associés aux soins.

Je peux ainsi valider ma deuxième hypothèse selon laquelle l’intégration des aidants

naturels dans la prise en soins du patient est différente selon l’âge du patient. En effet, les

règlements des services n’autorisent pas leur présence de la même façon dans les services

pédiatriques et les services d’adultes. Cela se répercute sur leur présence lors des soins, qui ont

tendance à être effectués le matin, et pour lesquels elle n’est que très rarement tolérée dans les

services d’adultes.

Malgré tout, toutes les IDE ayant répondu qu’il pouvait arriver que les aidants naturels

participent à certains soins, quel(s) type(s) de soins leur laissent-elles l’occasion d’effectuer ?

2) Les soins prodigués par l’aidant naturel : proches de ceux de l’IDE ?

Ma troisième hypothèse était que les soins de maternage de l’aidant sont privilégiés par

l’IDE, qui préserve précieusement son statut de soignant face à ce dernier. Cette hypothèse

inclus deux notions : la première selon laquelle l’IDE laisse plus facilement l’aidant naturel

effectuer des soins relevant de son rôle propre, la seconde selon laquelle il pourrait y avoir une

confusion des rôles et la création d’une rivalité entre eux.

Lorsque j’ai posé la question concernant la participation des familles aux soins et que

les IDE ont répondu par l’affirmative, j’ai essayé d’en savoir un peu plus sur le type de soins

que ces aidants naturels pouvaient être amenés à réaliser à l’hôpital. J’ai en effet pu remarquer

dans mes situations d’appel qu’il s’agissait essentiellement de soins de maternage pour la

pédiatrie, et qu’il pouvait s’agir aussi de soins techniques pour le cas de M.C (aspirations par

la canule de trachéotomie). Lors de la description de mon cadre de référence, j’ai constaté que

Hugues Joublin énumérait essentiellement des soins de maternage, mais affirmait également

que « certains proches (…) sont déjà mis à contribution pour des gestes médicaux qui supposent

Page 35: L’aidant naturel à l’hôpital: cet autre acteur de soins · patient majeur), j’ai été frappée de constater les similitudes qui existent entre elles. Dans ces deux situations,

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une réelle technicité »66. Lors de mon enquête exploratoire, les IDE ont décrit des soins de

maternage (aide à la toilette, aide aux repas) pour les services d’adultes. J’ai constaté avec

étonnement que les IDE des services pédiatriques ne décrivaient pas de tels soins, mais parlaient

essentiellement de soins techniques. Serait-ce parce qu’elles ne considèrent pas les soins de

maternage comme des soins en tant que tels ? Ou alors, pour elles ces soins vont de soit pour

un parent envers son enfant et n’ont pas pensé à les mentionner ? Je n’ai pas creusé ce point-là,

et ne peux donc l’identifier précisément. Concernant les soins techniques que les quatre IDE

décrivent, il s’agit de soins nécessitant une formation spécifique, relevant de leur rôle prescrit

pour la plupart, et décrits dans l’article R4311-7 du Code de la Santé Publique67 : pose de

vêtements compressifs, administration de traitements en chambre d’inhalation ou par voie sous-

cutanée, réfection de pansements de cathéter central, changement de canule et soins de

trachéotomie, changement de poche et surveillance d’une stomie. Cette constatation confirme

directement le second propos de Hugues Joublin : la place des aidants naturels tend à être

similaire à celle d’un soignant diplômé. Cela m’amène à la seconde notion de mon hypothèse.

J’ai posé une cinquième question aux IDE (« Vous est-il arrivé d'être en désaccord avec

la famille sur la prise en soins du patient ? »), dans l’espoir qu’elles développeraient un peu

leurs propos, et éventuellement aborderaient la notion de rivalité des places entre elles et les

aidants. J’ai effectivement remarqué qu’il pouvait exister des désaccords dans la prise en soins

du patient lors de mes situations d’appel, et au cours de mes recherches au moment de la

rédaction de mon cadre de référence, j’ai lu un rapport des Assises Nationales de Proximologie

d’Avril 2010. Il y avait été soulevé le point selon lequel le professionnel de santé « peut parfois

ne pas les (NDLR : l’entourage du patient) entendre et faire preuve de réserve, voire de

méfiance à leur égard »68. Ce nouvel élément est venu agrandir mon point de vue sur les raisons

d’un tel désaccord entre les soignants et les aidants naturels, et j’ai voulu connaître la façon de

penser d’infirmières diplômées. Les quatre IDE interrogées m’ont répondu qu’il leur arrivait

parfois d’être en désaccord avec les familles (même si cela arrive plus rarement pour les IDE

des services pédiatriques), mais ont évoqué la plupart du temps un manque d’informations des

66JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, page 132. 67Article R4311-7 du Code de la Santé Publique [en ligne], [consulté le 27/04/2018] disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006913895 68 CALVAT T. (sous la dir. de), Quelle place pour l’entourage des personnes malades dans le système de santé ? [en ligne], Avril 2010, [consulté le 13/02/2018]. Disponible à l’adresse : http://www.proximologie.com/ globalassets/proximologie2/pdf/reciproques/reciproques-assises-def.pdf

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familles à l’origine de cette mésentente. Lorsque je leur ai demandé ensuite s’il leur était déjà

arrivé de se sentir dépossédées de leur rôle de soignantes, j’ai constaté au regard de leur attitude

défensive (« On n’est pas du tout là dedans ! », emploi du mot « jamais »), que cette question

était trop directe et qu’elles ont pu se sentir jugées sur leur pratique. Elles m’ont donc toutes

répondu « non », mais cette réponse est peut-être biaisée.

A la suite de ces entretiens, j’infirme donc ma troisième hypothèse selon laquelle les

soins de maternage de l’aidant sont privilégiés par l’IDE, qui préserve précieusement son statut

de soignant face à ce dernier, puisque les IDE peuvent laisser à l’aidant naturel des soins

techniques également, et qu’aucune n’a abordé la question de la rivalité des places avec ce

dernier.

3) Sécurité des soins réalisés par l’aidant naturel

Mes situations d’appel portant sur des dégradations de l’état de santé des patients suite

à des soins effectués par l’aidant naturel, ma dernière hypothèse était donc que la prise en soins

par l’aidant naturel entame la vigilance de la surveillance du patient par l’IDE. Cette hypothèse

s’est renforcée au cours de mes lectures lorsque j’ai appris que non seulement, comme l’a mis

en évidence Hugues Joublin, la place des aidants tend à être similaire à celle d’un soignant,

mais qu’en plus il n’existe à ce jour pas de statut juridique unifié de l’aidant naturel. Lorsque

j’ai posé ma dernière question aux IDE (« Selon vous, la sécurité des soins est-elle assurée

lorsque ceux-ci sont réalisés par l'aidant naturel ? »), les IDE des services de moyen/long séjours

répondent que comme elles ont pu valider les soins en amont avec l’aidant au travers de

l’éducation de ce dernier, elles sont persuadées que la sécurité des soins est assurée. L’IDE « C-

P » n’en est, quant à elle, pas si sûre et affirme que les soins dispensés par l’aidant relèvent de

sa responsabilité dans tous les cas. Enfin l’IDE « C-A » n’a jamais eu le cas d’un patient mis

en danger par l’aidant, mais ne précise pas si elle pense que ça peut arriver.

Ces IDE semblent plutôt avoir répondu sur le retour au domicile du patient. Elles

énoncent qu’elles ont tout mis en place pour que cette sécurité des soins soit effective (éducation

de l’aidant, contrôle et validation des gestes lors de l’hospitalisation). Cependant, lors de

l’hospitalisation, la plupart du temps, elles semblent garder sous contrôle leurs propres soins

techniques, et même si elles font participer certains aidants pour certains soins, elles ne les

laissent pas pour autant seuls pour les faire, car elles ont bien conscience de leur responsabilité.

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Seule une IDE s’est retrouvée en position d’« apprenante » sur un geste technique, qu’elle ne

connaissait pas, et il a pu être observé une « inversion » des rôles où l’aidant formait la

professionnelle.

Ainsi, ma dernière hypothèse est plutôt infirmée, car la vigilance de l’IDE ne baisse

pas : elles se sentent toujours responsables des soins faits sur leurs patients.

A la suite de l’analyse de ces quatre entretiens et leur confrontation avec le cadre de

référence, les situations d’appel et mes idées personnelles, je souhaiterai développer le point

abordé par ma dernière hypothèse. En effet, à la suite des entretiens, cette dernière est infirmée.

Or il existe des situations où des incidents peuvent avoir lieu à la suite de soins prodigués par

l’aidant naturel au patient (cf. situations d’appel de ce mémoire). Par ailleurs, comme nous

l’avons vu dans le cadre de référence, il demeure un « vide » juridique concernant la place que

le soignant peut légalement laisser à l’aidant naturel dans la prise en soins du patient. Cette

place accordée à l’aidant semble ainsi dépendre du soignant en question. J’ai ainsi dégagé la

question de recherche suivante :

Dans quelle mesure la qualité de la collaboration entre l’IDE et l’aidant naturel

influe-t-elle sur la sécurité des soins prodigués au patient ?

Page 38: L’aidant naturel à l’hôpital: cet autre acteur de soins · patient majeur), j’ai été frappée de constater les similitudes qui existent entre elles. Dans ces deux situations,

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VI. Conclusion

Ce travail de fin d’études m’a permis d’élargir mon point de vue concernant la place

que l’IDE peut être amenée à laisser à l’aidant naturel dans la prise en soins du patient. En effet,

avant de débuter ce travail, je voulais à tout prix que cet aidant naturel garde une place proche

de celle qu’il peut avoir à domicile, lorsque le patient se retrouve en établissement de santé.

Cependant, après mes différentes lectures et l’enquête exploratoire que j’ai menée auprès d’IDE

exerçant dans divers services, j’ai pu remarquer que cette place accordée pouvait varier. Les

raisons que j’en retiens semblent multiples : une absence de législation, mais aussi parfois un

aidant naturel, pas toujours volontaire, s’accordant un répit lors de l’hospitalisation de son

proche.

Cependant, ce dernier retrouve inexorablement sa place à la sortie du patient d’autant

plus rapidement que les durées moyennes de séjour (DMS) tendent à se raccourcir. Le répit

n’est alors que de courte durée. C’est pourquoi en tant que future IDE, je veillerai à respecter

son choix de participer ou non aux soins, de n’en faire qu’une partie, la totalité ou rien, mais

aussi à l’encourager dans son droit au répit pour lui éviter l’épuisement, inévitablement délétère

aux soins du patient qu’il aura à poursuivre. Je prendrai le temps de m’adapter au rythme de cet

aidant, je le formerai au mieux aux soins qu’il sera amené à reproduire à domicile, mais ma

vigilance restera en alerte, car la qualité des soins du patient hospitalisé relève bien de ma

responsabilité. Cependant, l’ensemble des décisions qui seront prises ne le seront qu’avec

l’accord du patient en premier lieu. Enfin, je pense que le « prendre soin » se révèle dans toute

sa dimension lorsque l’IDE agit, accompagne, et éduque l’aidant naturel. Parfois lui-même, par

sa connaissance parfaite de son proche, nous interroge sur nos pratiques et peut être une

véritable personne ressource.

Je souhaiterais donc poursuivre ce mémoire de fin d’études par un travail de recherche

sur cette collaboration entre l’aidant naturel et l’IDE, et sur sa conséquence sur la qualité et la

sécurité des soins prodigués au patient.

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33

VII. Bibliographie

Articles

• FEDOR M-C. et LEYSSENE-OUVRARD C., L’intégration des familles à l’hôpital » :

quelles attentes et quelles réticences de la part des patients, proches, et soignants ?,

Recherche en soins infirmiers, 2007/2, n°89, 130 pages.

• GUISSET-MARTINEZ M-J. et MIGLIORE L., La place et le soutien réservés aux

familles dans les établissements d’hébergement collectif, La Lettre de l’Observatoire

des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer,

mars 2007, n°2, 4 pages.

• HUGUET M., La place des proches à l'hôpital, Soins Aide-soignante, Septembre-

Octobre 2014, n°60, pp 10-11

• JUNG E. et LOZAC’H C., La triangulation des relations d'aide, décryptage et enjeux,

La revue de l’infirmière, Août-Septembre 2014, n°203, pp 21-22

• LEDUC F., Les proches aidants, des acteurs invisibles, La revue de l’infirmière, Août-

Septembre 2014, n°203, pp 16-18

• LOISEAU A., LEMERCIER M-C. et BAYER H., Encourager la famille à devenir

partenaire des soins, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, pp 12-13

• THIBAULT-WANQUET P., L'aide-soignante et l'accueil des familles en institution de

soins et en établissement médico-social, Soins Aide-soignante, 2011, tiré à part, pp 1-2

• TOCHEPORT P. et AZEMARD A., La place de la famille dans les situations de fin de

vie, Soins Aide-soignante, Septembre-Octobre 2014, n°60, pp 14-15

Ouvrages

• JOUBLIN H., Le proche de la personne malade dans l’univers des soins. Enjeux

éthiques de proximologie, Editions Erès, Toulouse, avril 2010, 311 pages, ISBN : 978-

2-7492-1251-7

• JOUBLIN H. et al, La condition du proche de la personne malade : 10 études de

proximologie, Editions Aux lieux d’être, Montreuil, 2007, 188 pages, ISBN : 978-2-

9160-6354-6

• JOUBLIN H. (Coordination et Préface), Proximologie : Regards croisés sur l'entourage

des personnes malades, dépendantes ou handicapées, Editions Flammarion, 2006, 114

pages, ISBN : 978-2-2571-0187-7

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• Ministère du travail et de l'emploi et de la santé,Guide de l’aidant familial, Editions

Ministère des solidarités et de la cohésion sociale, Paris, 2011, 166 pages, ISBN : 978-

2-11-008728-7

• THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’adulte à l’hôpital,

Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, 155 pages, ISBN :

978-2-294-70530-4

• THIBAULT-WANQUET P., Les aidants naturels auprès de l’enfant à l’hôpital,

Editions Elsevier-Masson, Issy-les-Moulineaux, septembre 2008, 155 pages, ISBN :

978-2-294-70221-1

Sites internet

• Article L 1111-6 du Code de la Santé Publique [en ligne], [consulté le 13/02/2018],

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=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006685772 • Article L1111-6-1 du Code de la Santé Publique [en ligne], [consulté le 17/02/2018]

disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle

=LEGIARTI000006685775&cidTexte=LEGITEXT000006072665 • Article L3142-16 du Code du travail [en ligne], [consulté le 17/02/2018] disponible à

l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=59CA7D0D8F6B

B1434E91D4D93F6AB9EC.tplgfr37s_1?idSectionTA=LEGISCTA000033003265&ci

dTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20180217

• Article R4311-7 du Code de la Santé Publique [en ligne], [consulté le 27/04/2018]

disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte

=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006913895 • Association Européenne pour l’enfant à l’hôpital, Charte de l’enfant hospitalisé [en

ligne], [consultée le 26/04/2018], disponible à l’adresse : https://www.sparadrap.org/c

ontent/download/5075/47849/version/2/file/Charte%20enfant%20hospitalise2017.pdf • CALVAT T. (sous la dir. de), Quelle place pour l’entourage des personnes malades

dans le système de santé ? [en ligne], Avril 2010, [consulté le 13/02/2018]. Disponible

à l’adresse : http://www.proximologie.com/globalassets/proximologie2/pdf/reciproque

s/reciproques-assises-def.pdf

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• Coface handicap, Charte européenne de l’aidant familial, article 5 [en ligne], [consulté

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es/public/Pages/chartecofacehandicapfr.pdf • Dictionnaire de Larousse français [en ligne], [consulté le 16/02/2018] disponible à

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17/02/2018] disponible à l’adresse : http://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-

travail/temps-de-travail-et-conges/conges-et-absences/article/les-conges-et-absences-p

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[consulté le 15/02/2018], disponible à l’adresse : http://www.vie-publique.fr/decouvert

e-institutions/protection-sociale/etablissements-sante/qu-est-ce-qu-etablissement-sante

.html • NAOUFAL C., Six écoles de pensées [en ligne], [consulté le 15/02/2018], disponible à

l’adresse : http://rechercheensoinsinfirmiers.com/2014/06/02/six-ecoles-de-pensee/ • Rapport d’information de l’Assemblée Nationale n°2556 du 26 mai 2010 [en ligne] 506

pages, [consulté le 29/10/2017], disponible à l’adresse : http://www.assemblee-nat

ionale.fr/13/pdf/rap-info/i2556.pdf

• Rapport 2017 de l’INVS sur l’état de santé de la population en France [en ligne], 436

pages, [consulté le 29/10/2017], disponible à l’adresse : http://invs.santepubliquefranc

e.fr/publications/etat_sante_2017/ESP2017_Ouvrage_complet_vdef.pdf

Image :

• RIGAUDEAU Aurélien, Care and Cure, Mai 2018, Tous droits réservés.

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VIII. Table des annexes

1) Annexe I : Guide d’entretien

1. Quels sont les horaires de visite des familles ?

→Objectif : Connaître la présence des familles autorisée par le règlement de

l’établissement.

2. Lorsque vous effectuez les soins, la famille reste-t-elle présente ?

→Objectif : Identifier la place accordée à l’aidant naturel dans le service, et le

positionnement de l’IDE par rapport à celle-ci.

3. Arrive-t-il que les familles participent aux soins dans votre service ? Quel type de soins

sont-elles amenées à faire (à faire préciser en fonction de la réponse à la première question)

?

→ Objectif : Connaître le type de soins que l’IDE laisse à l’aidant naturel (soins de

maternage, soins techniques).

4. Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration des aidants dans la prise en soins du

patient ?

→Objectif : Que l’IDE s’exprime librement afin d’évaluer l’évolution des pensées du

côté soignant.

5. Vous est-il arrivé d'être en désaccord avec la famille sur la prise en soins du patient ? Vous

est-il arrivé de ressentir une dépossession de votre rôle par la famille (garder cette question

pour la fin si la personne n’aborde pas elle-même le sujet) ?

→Objectif : Recueillir le positionnement de l’IDE concernant la question de la

« rivalité » des places.

6. Selon vous, la sécurité des soins est-elle assurée lorsque ceux-ci sont réalisés par l'aidant

naturel ?

→ Objectif : Savoir si l’action de l’aidant entame la vigilance et la surveillance de

l’IDE.

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2) Annexe II : Entretien « SSR - P »

Entretien effectué dans l’office, à 14h30. SSR pédiatrique. IDE diplômée depuis 2001 (17 ans).

Les propos de l’IDE sont en italique, les miens sont en gras.

« Je vais vous donner une définition de l’aidant naturel afin que l’on parle de la même

personne.

L’aidant naturel est un proche qui offre des soins et de l’aide, à titre non professionnel,

en partie ou totalement, à une personne âgée dépendante, une personne malade ou une

personne handicapée de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Ils le font

par choix ou par nécessité. Il s’agit bien de l’aide à un proche de tous les âges de la vie,

que ce dernier vive à domicile ou en établissement.

Donc je vais commencer par une question assez générale : quels sont les horaires de visites

des familles au sein de votre service ?

Ba théoriquement c’est 8h-20h, sauf que si les parents veulent rester il y a pas d’interdiction

par rapport aux parents.

D’accord, par rapport aux parents…

Ça peut être aussi par rapport à l’aidant comme euh tu dis parce que par exemple une mamie

ou euh voilà si une autre personne reste auprès de l’enfant, cette autre personne euh voilà peut

rester…

Prend le relais…

Oui voilà. On a le cas en ce moment, on a eu le cas ce weekend, c’est la mamie qui est restée

la nuit auprès d’un enfant. Après euh c’est rare qu’ils restent dormir, c’est vraiment là parce

que c’était une petite fille qui venait d’arriver et euh elle faisait vraiment hurler euh voilà.

D’accord. Ils ne restent pas dormir parce que les enfants restent longtemps hospitalisés ?

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Voilà, en fait c’est pas vraiment le but ici… enfin le but… En fait il y a un service avec des

chambres mère-enfant. Si vraiment y a besoin, euh en fonction voilà, ils vont aller dans ce

service là. Nous on n’a pas de chambres mère-enfant, euh c’est souvent des enfants qui ont été

hospitalisés déjà en aigu euh souvent les parents sont restés, enfin en arrivant ici souvent euh

les parents euh ça fait un mois ou plus qu’ils dorment non stop auprès de leur enfant, ils sont

épuisés. Donc ici on a une maison des parents qui est un petit peu plus loin dans le parc euh et

qui permet aux parents aussi de euh « lâcher » entre guillemets et de pouvoir se reposer un

petit peu. Après parfois quand au départ c’est un petit peu compliqué, on leur permet de dormir

ici mais ça va jamais être sur de longues périodes. Pas dans notre service. Après ils peuvent

aller dans un autre service. Mais nous ça va jamais être sur une longue période. Le temps qu’ils

nous fassent confiance, que euh voilà ils s’adaptent et euh en général ça se passe comme ça…

D’accord. Lorsque vous effectuez les soins, est-ce que la famille reste présente ?

S’ils le souhaitent.

S’ils le souhaitent. D’accord.

On n’a pas énormément de familles ici hein.

D’accord vous n’en avez pas beaucoup ok.

Non. Parce que euh… on est aussi un établissement avec beaucoup de euh… problèmes

sociaux…

D’accord ok. Et donc quand il y a des familles, comment est-ce qu’elles se comportent du

coup quand vous faites les soins ? Comment ça se passe si elles restent lors des soins en

fait ?

(Silence)

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Elles assistent juste aux soins ou parfois elles ont envie de faire les soins avec vous ?

Ouais et ba ça dépend vraiment euh des parents, enfin de la personne hein. C’est très… ça

dépend euh… il y en a qui souhaitent sortir lors des soins. Il y en qui souhaitent être présent

qui sont juste euh… la plupart du temps ils sont là quand même pour accompagner l’enfant et

ils nous laissent faire nos soins. Voilà… euh… après on a aussi tout ce qui est éducation

thérapeutique et donc là à ce moment-là on est dans une autre démarche et on leur apprend à

faire des choses donc euh…

D’accord. Et donc dans cette éducation thérapeutique, quels sont les… genres de soins

que vous pouvez éduquer aux parents ?

Euh… ba nous on a plusieurs programmes ici… euh… et dans ce service là nous on travaille

sur la brûlure, l’éducation thérapeutique beaucoup c’est ce qu’on fait le plus et euh la nutrition

entérale.

D’accord. Et donc après, quand les enfants sortent, les parents savent prendre en

charge…

Ouais… ouais… après les enfants sont cicatrisés. C’est surtout tout ce qui est suite de brûlure,

mais euh… on a tout un programme du coup, il y a une maison d’éducation thérapeutique, et

on a tout un programme avec euh… du diagnostic éducatif jusqu’à l’évaluation. Donc voilà,

tout ça c’est fait en partenariat avec euh… la personne qui s’occupe de la maison d’ETP69 et

euh et nous en fait on voit qui a le temps de faire quoi… voilà.

Ok. Donc ça c’est des soins qu’ils vont être amenés à faire une fois que l’enfant est sorti.

Oui. Oui c’est ça.

69 ETP = Éducation Thérapeutique du Patient

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Est-ce qu’au sein du service ils font des soins sans que vous soyez forcément présents…

Ah ba oui oui. Une fois qu’on sait qu’ils sont capables de le faire, ils le font. Enfin ils peuvent

le faire s’ils le souhaitent. Ba par exemple l’hydratation des enfants brûlés, pose des attelles

euh… tout ça ils le font. Puisqu’après euh… en fait ça nous permet de voir euh… comment ils

gèrent la chose parce qu’après les enfants euh… y a plusieurs étapes, d’abord ils partent en

permission le weekend et ensuite c’est la sortie définitive… Mais en général on souhaite, enfin

c’est quasi obligatoire qu’ils aient fait les soins dans le service. Avant de partir en permission…

D’accord. Donc à chaque fois qu’ils font les soins seuls, c’est que vous les avez validés en

amont… de eux-mêmes ils ne vont pas faire des soins que vous n’avez pas forcément vus…

Ba après tout dépend… euh… là je parle de la brûlure, donc non en général c’est nous qui leur

apprenons comment faire après euh… par exemple un polyhandicapé. Par exemple en ce

moment on a une petite polyhandicapée, la maman la connait par cœur, enfin c’est en général

le cas de tous les polyhandicapés, les parents les connaissent très très bien, mieux que nous et

du coup euh là par exemple euh… ils vont gérer certains soins euh qu’on aura pas forcément

validés euh… enfin voilà, parce qu’on sait que c’est eux qui les gèrent d’habitude à la maison

mais c’est autre chose… enfin quoique ça fait partie de ton thème je pense…

[Interruption : une personne rentre dans la pièce]

Donc selon vous, qu’est-ce qu’on pourrait améliorer dans cette intégration des aidants

dans la prise en soins ?

(Silence)

[La personne ressort de la pièce]

Est-ce que vous voyez des choses qu’on pourrait améliorer pour les intégrer au mieux ?

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Ba après c’est… des conditions de euh… d’accueil. Mais bon ça… les locaux ah c’est sûr que

s’ils pouvaient rester plus facilement dormir ou euh… voilà auprès de leur enfant ça serait plus

facile… Euh sauf que ça bin… Voilà. Après euh… après développer peut-être d’autres

programmes d’éducation thérapeutique sur d’autres thèmes, mais euh nous quand même euh

je trouve qu’on les implique. Alors après peut-être parce qu’on n’a pas énormément de parents,

mais quand ils sont là euh nous on les implique quand même assez rapidement et euh… et en

fait je pense que c’est plus facile pour des enfants en fait, les parents s’occupent de leurs

enfants, donc en fait c’est déjà le rôle des parents. Donc du coup euh… c’est un tout, c’est

global, et euh les parents en général veulent récupérer leur enfant donc ils vont s’impliquer

très rapidement, on n’a pas besoin de les obliger ou euh… voilà euh ça se fait tout naturellement

en fait. Donc euh… moi je trouve que ça se fait plutôt bien euh… plutôt pas si mal. Après euh…

moi je suis à fond pour intégrer les parents et il y en a dans l’équipe qui sont un peu plus

réticentes… Pour l’intégration des parents on a des soins par exemple des bains de brûlés qui

sont difficiles parce que là je vais vous parler surtout de l’après mais euh… quand ils arrivent

euh les brûlés ils sont pas cicatrisés enfin c’est quand même des soins difficiles et je sais que

j’ai des collègues qui n’aiment pas… ou alors euh… pour une prise de sang ou pour un truc

comme ça elles aiment pas trop.

Elles n’aiment pas que les parents assistent ou participent ?

Oui assistent, ba parce que parfois le comportement de l’enfant change hein…

Ok. Est-ce que c’est déjà arrivé que vous soyez en désaccord avec la famille sur la prise

en soin de l’enfant ?

(Silence)

Qu’ils avaient un projet pour l’enfant et finalement ça ne va pas vraiment avec ce que

l’équipe avait prévu ?

(Silence) Euh… (Silence)

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Dans leur culture on fait les soins de telle façon et en fait à l’hôpital on ne les fait pas trop

de cette façon-là…

Attends j’essaye de trouver un truc, mais ça peut arriver mais euh… (silence)… en fait sur des

soins vraiment techniques non.

D’accord. Ça va être surtout sur des soins un peu de maternage…

Voilà. Des soins de confort qui sont pas faits euh… Mais bon on respecte les cultures. Enfin,

même si c’est pas fait à notre façon euh du moment que euh… l’hygiène enfin toutes les euh…

choses essentielles sont respectées, nous on a euh… c’est pareil on a l’habitude quand même

d’avoir toute euh (rires) voilà euh des gens qui viennent d’un peu partout et euh nous on

respecte ça facilement donc euh (soupir)… non euh j’ai pas de euh… Après c’est parce que ça

va être des choses nous qui peuvent nous choquer par exemple c’est des parents qui arrivent

euh à 13h en pleine sieste de l’enfant et qui vont réveiller leur enfant. Alors je sais pas est-ce

que c’est culturel ou pas je euh ça je sais pas trop, mais euh… voilà. C’est des choses comme

ça par exemple. Donc ça, rien à voir avec l’hygiène, mais ça oui vraiment on a du mal de toutes

façons ça revient tout le temps… (Sourire)

Ok. (Sourire). Donc là vous me parliez de vos collègues qui avaient un peu plus de

difficultés à accepter que les parents assistent aux soins… Est-ce que vous pensez que la

raison ça pourrait être que si les parents avaient une part vraiment active dans la prise en

soins, elles se sentiraient un peu dépossédées de ce côté soignant, qui serait donné du coup

aux parents ?

Je pense pas. C’est pas du tout une question de euh… On n’est pas du tout là dedans ! On se

sent pas dépossédé… enfin je pense pas que (rires) moi pas du tout et je pense pas que ce soit

un sentiment de… voilà au contraire on les accompagne pour que nous on ait toutes euh… on

est vraiment là pour que ça se passe au mieux après à la maison donc le but c’est de les

accompagner et pas tout faire à leur place… Et puis ce qui est important, c’est de pas les

déposséder eux de leur rôle de parent. Celle qui sont réticentes je pense que euh soit elles sont

pas sûres d’elles et du coup c’est un peu déstabilisant, soit euh… que voilà le comportement de

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l’enfant forcément euh… est un petit peu différent avec les parents et des fois c’est plus

compliqué avec les parents…

Ok. Donc ma dernière question : quand les parents ont une part active dans les soins, pour

vous la sécurité des soins est assurée quand les parents les font ?

Ba si c’est validé… oui. Et puis vraiment euh on a un programme, on a… encore une fois tout

est bien… carré quoi. Tout est bien établi donc euh… enfin pour euh la brûlure et la nutrition

entérale. Après dans l’établissement il y a aussi l’épilepsie euh… l’obésité, je crois que c’est

tout. Enfin vraiment un programme euh… Mais par exemple on fait aussi euh… mais sans

programme par rapport à la trachéotomie, mais euh… Ba là on va faire par exemple là on a

une petite qui une trachéo euh… on fait les soins de cordon à chaque fois que la maman est là

c’est elle qui fait les soins de cordon avec nous… bon ba voilà la petite elle part en permission,

mais on sait que euh… les soins de cordon sont très bien faits à la maison. Il y a pas de souci,

maman elle les fait très bien. Ça a pas… c’est pas rentré dans un programme. Mais euh… mais

voilà ça a été validé euh…

Donc cette maman-là elle saurait par exemple si… si elle a une trachéotomie c’est-à-dire

qu’elle a une canule, elle saurait changer cette canule si besoin ?

Ouais. Elle sait la changer. Elle le fait ici, dès qu’il y a un changement de canule elle essaye

d’être là pour le faire elle-même, comme ça si à la maison il y a un souci elle saura le faire.

D’accord. Et donc pour la nutrition entérale les parents sauraient aussi poser… alors c’est

des gastrostomies souvent ? C’est pas des sonde naso-gastriques ?

Si si ça peut.

Ils sauraient aussi poser ces sondes… mettre en place une alimentation ?

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Oui oui. Par rapport aux gastrostomies, alors ici les parents qui savent faire, on leur donne le

Flocare®, enfin ça dépend des parents hein mais il y en a à qui on donne juste le Flocare®, la

tubulure, et on fait confiance.

Et quel autre genre de soins les parents sont amenés à faire à la maison ?

Et ba c’est euh… l’hydratation, il y a des vêtements compressifs, et la pose des appareillages.

Il peut y avoir pas mal d’appareillages, et puis la surveillance cutanée, tout ça.

Ok. J’ai terminé mes questions. Je vous remercie. »

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3) Annexe III : Entretien « C - A »

Entretien effectué dans la pharmacie du poste de soins, à 10h30. Médecine polyvalente adulte.

IDE diplômée en 2009 (8 ans).

Les propos de l’IDE sont en italique, les miens sont en gras.

« Je vais vous donner une définition de l’aidant naturel afin que l’on parle de la même

personne.

Les aidants naturels sont des proches qui offrent des soins et de l’aide, à titre non

professionnel, en partie ou totalement, à une personne âgée dépendante, une personne

malade ou une personne handicapée de son entourage, pour les activités de la vie

quotidienne. Ils le font par choix ou par nécessité. Il s’agit bien de l’aide à un proche à

tous les âges de la vie, que ce dernier vive à domicile ou en établissement.

D’accord.

Donc ma première question : au sein de ce service, quels sont les horaires de visite des

familles ?

C’est 13h-20h.

13h-20h pour toutes les personnes…

Pour toutes les personnes. A part si exceptionnellement ils nous demandent « est-ce que je peux

venir plus tôt » pour justement aider pour un repas ou euh… ou une toilette parce qu’il y a des

mamies, il y a des personnes âgées qui veulent pas que ce soit le personnel soignant…

[Interruption : une personne rentre dans la pièce]… que ce soit le personnel soignant qui fasse

leur toilette parce que pour des raisons de pudeur, puis d’habitude de… et donc ils viennent un

peu plus tôt des fois pour faire la toilette, mais euh… ça arrive pas souvent hein.

[La personne ressort de la pièce]

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Ok. Et donc du coup, lorsque c’est vous qui faites des soins, est-ce que ces personnes-là,

les aidants, peuvent rester présents ?

C’est rare qu’ils restent présents. Ils sont plus pour les soins… les soins… moi je fais pas rester

les familles pour les soins. A part si c’est pas des soins invasifs ou des soins d’hygiène, de

pudeur euh je fais systématiquement sortir les familles et euh même les personnes qui sont

aidants naturels enfin… ils sortent sans trop de difficultés. Ils restent pas systématiquement

pour les soins.

D’accord. Donc vous avez dit que les familles participaient à certains soins dans votre

service, vous m’avez dit des repas, ça peut être des aides à la toilette… Est-ce qu’il y a

d’autres types de soins plus, entre guillemets « techniques » auxquels elles vont

participer ? Des réfections de pansements ou des actes…

Aaah des réfections de pansements non ça n’est pas… ça ne me vient pas en tête. Un soin dans

lequel une famille, une maman a participé il y a pas longtemps, c’est son enfant qui avait une

GPE70. La GPE c’est un peu spécifique que elle, elle connaissait parce qu’elle l’avait à la

maison et qu’elle s’en occupait régulièrement. Moi je la connaissais pas particulièrement parce

que c’était un nouveau système machin, et c’est elle qui m’a montré comment nettoyer l’embout

de la GPE, le machin truc. Donc euh oui ça, ça arrive que pour… là c’est un soin technique

elle m’a… c’est elle qui m’a montré comment on faisait le soin quoi.

Ok. Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration des aidants dans la prise en

soins du patient ?

(Silence)

70 GPE = Gastrostomie Percutanée Endoscopique.

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Est-ce que vous souhaiteriez améliorer cette intégration aux soins ?

Ba euh je pense pas qu’on soit réfractaire à cette intégration des aidants aux soins. Euh… après

je suis pas sûre que eux, vu que c’est une structure hospitalière, ils soient très enclins à rentrer

dans le soin à ce moment-là quoi. J’ai l’impression, je pense plus qu’ils sont euh… ouais dans

un moment de répit justement quand les patients sont à l’hôpital. Donc euh… ils vont venir, ils

vont être présents, il vont être euh… en visite. Vraiment. Mais en soins c’est pas euh…c’est

plus leur rôle, vu que le patient est dans un hôpital. Enfin moi c’est ce que je ressens en tout

cas.

Donc souvent les aidants s’occupent des personnes qui ont des pathologies chroniques et

donc quand ils sont hospitalisés c’est suite à une rechute ou une aggravation… et il peut

arriver parfois que ces patients aient des soins supplémentaires une fois de retour à la

maison. Est-ce que du coup vous formez ces aidants à ces soins supplémentaires, ou…

vous leur proposez plutôt des aides à domicile ?

C’est plus des aides à domicile. Un simple passage infirmier s’ils en ont pas, ou plus

régulièrement si besoin ou euh… voilà. C’est plus ça. Après on forme sur une euh…

surveillance glycémique, une injection d’insuline oui euh si besoin, mais c’est vrai que c’est

pas… c’est pas régulier. C’est vraiment très exceptionnel.

Ok. Est-ce que ça vous est arrivé d’être en désaccord avec la famille sur les soins ?

Oui ça arrive. Ba ils ont tellement l’habitude de prendre en charge leur famille à domicile avec

leur… façon de le faire finalement. Que nous à l’hôpital on a d’autres protocoles, on a d’autres

systèmes puis on a un médecin qui a vu… je sais pas une plaie ou un… et qui a changé le

protocole. On suit pas forcément notre protocole à nous, on a parfois des protocoles hein c’est

le médecin qui prescrit, donc euh oui après ils sont pas d’accord forcément… « A la maison

moi je mets pas ce modèle-là c’est pas le même » ou des fois c’est juste un changement de

laboratoire, qu’ils comprennent pas pourquoi c’est pas exactement la même chose que eux ce

qu’ils avaient à la maison…

[Interruption : une personne rentre dans la pièce]

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Donc euh… oui ça arrive qu’on soit pas forcément d’accord. Ceux qui ont l’habitude d’être

aidants naturels et qui sont…

[La personne ressort de la pièce]

Quand ils viennent à l’hôpital ils sont pas dans leur principe d’aidant, mais ils sont (rires)…

ils ont un rôle de donneurs de leçons quoi je dirai. C’est-à-dire qu’ils viennent dire « ba non

moi je fais pas comme ça, c’est comme ça qu’il faut faire, à la maison il prend ça comme ça, il

fait ça comme ça » et faut apprendre aussi à les recadrer à leur dire ba le problème c’est que

là euh… c’est pas comme à la maison, il mangera pas à la même heure qu’à la maison, il

prendra pas ses traitements comme ce que vous faites à la maison parce qu’on fait comme on

peut aussi nous de notre côté…

D’accord. Et donc… la famille des fois peut-elle imposer quand même et malgré tout faire

comme elle a envie et…

Oh c’est rare. Après si nous on a expliqué, si ça passe pas l’explication par nous en tant

qu’infirmières, le médecin passe les voir et puis euh soit il y a un accord qui est pris pour

essayer de euh… faciliter un peu la prise en charge des deux côtés, soit c’est le côté médical

qui prime et ce sera notre prise en charge qui va euh… être imposée je dirai. Mais euh… il n’y

a pas de gros conflits, ça arrive très rarement. Voilà.

Ok. Alors là c’est une question un peu plus personnelle. Peut-être pour vous ou… si vous

avez le cas peut-être avec une de vos collègues… vous m’avez dit du coup l’aidante qui en

savait un peu plus que l’équipe sur la GPE… est-ce que ça peut arriver dans ces cas-là

quand l’aidant en sait un peu plus sur les soins à faire au patient que l’équipe elle-même,

est-ce que ça peut arriver que l’équipe se sente un peu comme dépossédée de son rôle

soignant en fait…

Non parce qu’on est là pour apprendre, il y a pas de souci. Moi je… moi quand elle m’a montré

comment c’était, bah j’étais… voilà, j’étais contente qu’elle me montre quelque chose. Je pense

pas que j’aurai à faire cette GPE tous les jours parce que c’est vraiment un truc spécial, mais

euh… non je pense pas… parce que je la connais pas, on apprend une nouvelle technique, on

apprend à faire autrement, ba parce que ça fonctionne comme ça ou ça a changé de euh… truc,

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on fait avec et on s’adapte en fait. Je pense pas qu’on se braque ni qu’on… ni qu’on le prenne

mal (rires).

Ok. Et ma dernière question ça concerne du coup la sécurité des soins. Est-ce que vous

pensez que lorsque l’aidant fait les soins lui-même… vous pensez que la sécurité des soins

elle est assurée ?

(Silence)

Vous avez contrôlé avant s’il savait le faire ou parfois ils prennent des initiatives sans vous

en aviser et du coup, là vous pouvez vous rendre compte qu’il y a des soins qui sont faits

mais qui auraient pas dû être faits comme ça ?

Si c’est le cas, ba on leur donne l’information hein. On leur dit « Ba non finalement il aurait

peut-être pas fallu le lever aussi rapidement parce que là il faut lui mettre des chaussures… »

enfin, mais en général les aidants familiaux qui viennent de… qui aident, enfin qui sont là, il

font de leur mieux et ils font euh… de toutes façons au plus… plus prudemment possible quoi.

Donc euh j’ai jamais eu le cas où ils ont mis en danger leur famille de toutes façons. Ça me

parle pas en tout cas.

Ok, ça marche. J’ai terminé mes questions. Je vous remercie. »

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4) Annexe IV : Entretien « C - P »

Entretien effectué dans la salle de consultations Hôpital de Jour (HDJ), à 14h30. Pédiatrie

générale. IDE diplômée en 1988 (30 ans).

Les propos de l’IDE sont en italique, les miens sont en gras.

« Je vais vous donner une définition de l’aidant naturel afin que l’on parle de la même

personne.

L’aidant naturel est un proche qui offre des soins et de l’aide, à titre non professionnel,

en partie ou totalement, à une personne âgée dépendante, une personne malade ou une

personne handicapée de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Ils le font

par choix ou par nécessité. Il s’agit bien de l’aide à un proche à tous les âges de la vie, que

ce dernier vive à domicile ou en établissement.

Donc ma première question concerne les horaires des visites des familles au sein de votre

service.

Alors là il n’y a pas de restriction d’horaire pour les parents. Il est d’ailleurs préférable qu’il

y ait toujours un parent qui reste. Quand les parents ne peuvent pas, il peut s’agir d’un référent

euh… grand-parent, oncle, tante, frère, sœur s’ils sont majeurs, et avec un mot des parents.

Mais dans ce cas on préfère quand même que ce soit un grand-parent.

Ok. Quand vous faites les soins, les parents restent présents ou ils sortent ?

Ba moi, quand je les connais pas au départ euh je leur demande ce qu’ils souhaitent. Moi je

leur dis que s’ils euh… restent avec moi pendant le soin euh… moi ça me gênera pas. Après

euh… c’est à eux de s’adapter s’ils pensent que le soin c’est trop… c’est trop difficile pour eux

de le supporter ou… mais moi, moi honnêtement ça me gêne pas que les parents euh soient là

aussi… Effectivement quand ils sont là les enfants sont… vraiment plus calmes et plus sereins

euh… on leur demande d’être là pour les aider euh… ici on a des petits quand même donc c’est

euh… on leur raconte une histoire, chanter, choses comme ça hein…

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D’accord. Et est-ce que ça arrive que les parents participent aux soins, mais dans le sens

où ils font le soin avec vous. C’est-à-dire que vous faites un soin à quatre mains ou ils vous

aident à faire un pansement ou…

Ba euh… j’allais dire ce que les parents peuvent nous aider c’est quand on utilise du MEOPA71,

souvent ils tiennent le masque. Et ils aident euh… au niveau de l’attention. De l’enfant. Et

éventuellement « contention » entre guillemets, je veux dire euh (rires)… voilà. c’est plutôt une

aide logistique et pas tellement au niveau de l’acte.

D’accord. Mais sinon ils ne vont pas faire eux-mêmes un soin où… finalement c’est vous

qui les encadrez dans le soin…

Si ça peut arriver, par exemple des enfants qui ont une nutrition qu’il faut refaire à la maison

ou euh… l’éducation de l’utilisation du Babyhaler®, ou pour le diabète les injections

d’insuline, les dextros… C’est plutôt d’ailleurs souvent les mamans. Une ou deux mamans qui

participaient vraiment euh… au soin proprement dit lors de la réfection d’un cathéter central

ou des choses comme ça parce qu’elles… l’avaient fait à la maison, parce que ci, parce que ça.

Et donc… elles s’étaient… mises dans le soin. Mais euh… généralement, l’objectif n’est pas

que les parents soient là pour les soins, mais plutôt pour les câlins, réconfort. Après si les

mamans ont l’habitude de faire un soin particulier, que l’enfant est plus euh… plus habitué

avec elle et plus en confiance, il y a pas de souci à ce que la maman fasse euh… le soin. Je veux

dire par exemple si c’est pas un grand soin, mais par exemple au niveau du diabète, les enfants

qui sont sous pompe, c’est vrai qu’on ne manipule pas tellement et donc c’est vrai que s’il faut

modifier des bolus ou des choses comme ça, ba… je laisse faire la maman, sauf si elle me dit

« non je veux pas le faire ». Mais bon, comme elles ont l’habitude de le faire pendant toute la

journée… généralement elles font ce soin, enfin si on peut appeler ça un soin, mais bon c’est

quand même adapter la dose d’insuline, manipuler la machine etc. Donc elles le font comme si

elles étaient à la maison.

71 MEOPA = Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote.

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Ok. Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration des aidants dans la prise en

soins du patient ?

Ba euh… nous ici on fait beaucoup… on a différentes pathologies on va dire euh… beaucoup

d’onco-hémato, donc KT, chambre implantable euh… c’est des soins qu’on peut pas laisser

aux parents. Là comme on a beaucoup d’enfants drépanocytaires, on fait des transfusions

d’échange euh… et puis après euh… après on a des enfants qui viennent pour des tests euh…

on a des diabétiques donc ça… après on a toutes les pathologies de l’appareil digestif, donc

c’est euh faire une prise de sang, poser un médicament… donc ça on peut pas intégrer les

parents euh… Après tout dépend vraiment de la pathologie, et du suivi et de la longueur euh…

en temps. Euh pas en temps ponctué sur une journée mais en temps euh sur années euh… Si en

effet euh… je ne sais pas moi euh… voilà un enfant a une gastrostomie euh il va rentrer avec

sa gastrostomie et il aura des soins à faire au niveau de sa gastrostomie euh… généralement

ils sortent avec l’aide d’un prestataire, je pense que rapidement pour une question d’autonomie

et de ne pas être fixés à un prestataire, à quelqu’un qui vient à domicile, certains parents vont

vouloir prendre la main et donc euh… essayer de faire eux-mêmes le soin. Donc ça ça dépend

vraiment de beaucoup de choses, du souhait des parents euh… donc je l’ai dit de la pathologie

et de la longueur du temps. Ou sinon, si c’est vraiment ponctuel, moi je trouve qu’ils aident…

certainement… beaucoup plus en étant sur l’aspect confort, câlin, divertissement que sur le

soin… à proprement dit qui est un soin qui n’est pas toujours douloureux et si c’est un soin

ponctuel qui n’est fait qu’à l’hôpital, bah je ne vois pas l’intérêt à ce que ce soit les parents qui

fassent le soin.

Ok. Est-ce que c’est arrivé que vous soyez en désaccord avec les parents sur la prise en

charge de l’enfant ?

Non pas vraiment. Après ça peut être des choses à revoir avec eux… par exemple pour le

diabète euh ça peut être de leur redire de changer le site d’injection quand euh… ils le font

toujours dans la cuisse par exemple. Il faut qu’on leur dise « ba non » et on leur explique le

pourquoi du changement, mais sinon… j’ai jamais de… Bon après par exemple pour l’onco-

hémato euh… on travaille avec des centres de référence par exemple pour la réfection du

pansement quand ils viennent au début on leur dit que nous on a une manière de faire mais que

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si… que peut-être l’hôpital de référence ne fait pas tout à fait pareil… que s’il faut positionner

le KT d’une certaine euh… d’une certaine manière pour le confort de l’enfant euh… nous après

euh… on écoute les parents hein. Parce que des fois ils arrivent avec des pansements très longs

donc euh… nous on essaye d’alléger pour que ça leur rende la vie la plus facile, mais bon euh

après c’est des petits conseils euh… mais honnêtement euh… (soupir) moi j’ai jamais connu de

situation où les parents étaient euh… pas vraiment d’accord avec nous. Si on leur explique

euh… pourquoi nous on fait comme ça et que c’est mieux… bon après on s’adapte à leur

demande aussi hein mais bon… ça se passe bien.

D’accord. Est-ce que ça vous est déjà arrivée de vous sentir comme dépossédée de votre

rôle de soignant face à un parent ?

Non, jamais… Ba non, les parents ont un rôle euh… de parents, et les soignants ont un rôle de

soignants…

Ok. Et ma dernière question : pensez-vous que la sécurité des soins est assurée lorsque les

parents font les soins ?

Bah euh… je ne sais pas où en est la législation par rapport à ça. Puisque c’est nous qui sommes

responsables euh… je veux dire on nous confie l’enfant pour faire un soin, on est habilitée pour

ça. Est-ce que si on laisse le parent faire le soin à notre place et qu’il se passe quelque chose,

je pense que ça va être sous notre responsabilité puisque c’est nous qui avons délégué les

parents, mais ce n’est pas leur rôle. Donc tout ça c’est… je pense que c’est… c’est pas très

bien fixé et… et c’est vraiment au cas par cas.

Merci pour vos réponses. »

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5) Annexe V : Entretien « SSR - A »

Entretien effectué dans l’office alimentaire, à 15h30. SSR gériatrie. IDE diplômée en 2006 (12

ans).

Les propos de l’IDE sont en italique, les miens sont en gras.

« Je vous donne déjà une définition de l’aidant naturel afin que l’on parle de la même

personne.

Les aidants naturels sont des proches qui offrent des soins et de l’aide, à titre non

professionnel, en partie ou totalement, à une personne âgée dépendante, une personne

malade ou une personne handicapée de son entourage, pour les activités de la vie

quotidienne. Ils le font par choix ou par nécessité. Il s’agit bien de l’aide à un proche à

tous les âges de la vie, que ce dernier vive à domicile ou en établissement.

Donc ma première question : au sein de ce service, quels sont les horaires de visite des

familles ?

13h-20h.

13h-20h pour toutes les personnes sans exception ?

Ba si il y a déjà… euh ba on n’est pas non plus des sauvages s’il y a des gens qui finissent le

travail à 19h30 s’ils viennent entre 20h et 21h on va pas les foutre dehors quoi. Après c’est vrai

que… le matin on évite les visites parce qu’on est dans les soins les toilettes et que… bac’est

pas adapté en fait. Et euh… après il y a des gens qui viennent de loin. Il y a des gens qui disent

« oui j’peux venir que ce matin parce que je pars à Montpellier ou j’arrive de Montpellier »,

ils viennent de loin donc on fait des exceptions on les autorise à venir à 10h-11h mais faut pas

qu’ils restent 2h là parce que nous ça nous handicape dans notre organisation de soins. Mais

on fait des exceptions mais bon si on fait des exceptions pour tout le monde… C’est vraiment à

titre exceptionnel. Les visites c’est de midi on va dire, de midi à 20h. A midi on a fini en général

donc euh ça pose pas de problème.

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Ok. Donc lors des soins les familles ne restent pas, même si elles viennent le matin, vous

les faites sortir lors des soins…

Ah oui, ah oui oui ! Ba oui, si on met la personne tout nu pour faire sa toilette euh… Même

pour des soins, des pansements, des prises de sang on fait sortir tout le monde.

Ok ça marche. Et est-ce que ça arrive que les familles d’elles-mêmes souhaitent faire des

soins ? Par exemple un patient ne souhaite pas que ce soit une aide-soignante du service

qui l’aide à faire sa toilette mais qu’il préfère que ce soit par exemple son épouse… Est-

ce que ça peut arriver ça ?

Oui ça peut arriver. C’est déjà arrivé. Mais c’est rare. Là on autorise. Si la personne est dans

le refus total, ne veut absolument pas que ce soit nous qui fassions sa toilette, on va pas entre

guillemets « se battre avec lui ou elle » pour faire sa toilette. L’important c’est qu’il soit lavé.

Après si la famille préfère euh… que ça se passe bien, qu’on soit pas dans l’opposition

constante, ba… on autorise à ce que la famille fasse la toilette. Mais c’est rare hein franchement

euh… en 12 ans de diplôme euh… je crois que ça a dû m’arriver peut-être pour deux familles

euh en 12 ans c’est extrêmement rare que les familles fassent les toilettes hein. Quand ils on

pas le choix au domicile ils le font, mais à l’hôpital euh entre guillemets « on est payé pour ça »

donc euh… non mais c’est triste, mais c’est vrai hein ils vont pas ils vont pas euh… ils estiment

qu’on est là pour ça et que c’est à nous de le faire quoi. Donc euh les familles euh c’est

extrêmement rare que le matin ils vont venir faire la toilette hein. Même l’après-midi euh…

parce que c’est quand même physique ! Il y en a plus des familles je pense qui voudraient aider,

qui pensent qu’ils ont pas beaucoup de compétences pour le faire… ils ont peur de mal faire

donc ils s’aventurent pas là-dedans. Ils nous laissent euh… le soin de le faire quoi.

Et ces personnes-là qui souhaiteraient aider et qui pensent qu’elles n’ont pas les

compétences, elles vous demandent de leur montrer des soins pour qu’elles puissent les

refaire à la maison par la suite ?

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Non. En général, les gens qui rentrent au domicile ils ont les ordonnances pour euh… comment

dire, pour une auxiliaire de vie ou euh une aide ménagère pour faire le ménage et faire les

soins euh et faire à manger. C’est euh… Les familles franchement ils vont s’occuper de faire le

repas donc ils vont soit mettre des Tupperwares®, des gamelles, faire le ménage euh ça y a pas

de souci mais euh… les soins de nursing euh… c’est extrêmement rare euh… que les familles

fassent les soins de nursing hein. En tout cas moi en 12 ans de métier j’ai rarement vu des

familles proposer de faire les soins de nursing hein…

Et du coup, est-ce que ça arrive que parfois les familles soient amenées à faire d’autres

types de soins que les soins de nursing ?

Si, si, si. Il y a des familles qu’on éduque. C’est l’éducation thérapeutique, qu’on éduque sur

d’autres soins comme par exemple les stomies. Les stomies euh… la poche de stomie en fait ça

peut lâcher à n’importe quel moment. L’infirmière, elle va passer, une fois par jour, pour faire

les soins, changer la poche, nettoyer, euh et tout. Mais on éduque la famille, euh si c’est des

poches vidangeables à vidanger les poches, et si jamais la poche elle lâche, elle pète à 2h du

matin… euh en fait il faut pas laisser la stomie à l’air comme ça. Donc on va éduquer un aidant

proche euh… si c’est pas la femme, ba ça va être les enfants euh quelqu’un, une voisine,

n’importe qui qui habite avec la personne et qui est très proche euh qui peut intervenir

rapidement euh à changer la poche quoi. Ça on fait souvent ça. Ça par contre c’est souvent.

Dès qu’il y a des stomies, quand les gens ils retournent à la maison même s’il y a euh… une

infirmière qui vient à la maison, l’infirmière elle est pas là 24h/24. Elle peut très bien changer

la poche à 10h et à 18h la poche elle lâche hein. Il y a des fuites au niveau des stomies ça arrive

souvent. Le socle qui se décolle… La personne elle a fait une mauvaise manipulation, elle bouge

pas bien… Et bin on éduque quelqu’un à changer les poches quoi. Et pour les diabétique euh…

il y en a plein qu’on éduque aussi à faire faire leur insuline euh… à faire leur dextro euh…

Ceux qui ont euh… les patients qui sont pas déments et qui euh… Parce que ba chez les

personnes âgées malheureusement ça touche beaucoup de personnes âgées euh… la démence

sénile, ou les Parkinson tous ces gens-là c’est pas possible de les éduquer quoi. Donc euh…

soit on éduque les proches ou soit y a une infirmière qui passe au domicile pour faire si c’est

pas possible.

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Que peut-on améliorer selon vous quant à l'intégration des aidants dans la prise en soins

du patient ?

Ba des fois il y a des proches qui sont volontaires, mais les proches il y en a ils travaillent quoi.

Même s’il y a des aidants des fois on est confronté à des situations où il y a des gens qui veulent

aider mais qui ne peuvent pas car ils ont une situation professionnelle ils travaillent quoi. Après

des fois on veut mais on peut pas quoi. On peut pas arrêter de travailler pour s’occuper de nos

proches hein c’est la crise hein ! (Rires) Après des fois on éduque l’aidant mais on sait pas ce

qu’il fait à la maison. L’autre fois il y a une dame euh elle est revenue dans un état bien pire

que quand elle était venue la première fois. Elle marchait plus, elle se lavait plus, elle mangeait

plus toute seule, alors que quand on l’avait laissée rentrer elle marchait, elle mangeait et elle

aidait à la toilette… Là c’était euh lève-personne, toilette complète au lit et compagnie euh…

voilà. On sait pas trop euh… ce que son mari faisait à la maison.

Est-ce que c’est arrivé que vous soyez en désaccord avec les familles quant à la prise en

charge des patients ?

Ah oui ça c’est déjà arrivé. Ba on essaie de trouver un terrain d’entente. Pour euh… pas le

bien-être de l’aidant mais le bien-être du patient. C’est euh le plus important c’est que le patient

il soit bien quoi. Après des fois euh les gens ils sont pas toujours d’accord sur certaines choses

mais bon on leur explique que c’est comme ça et euh voilà. Ou même je sais pas un exemple

pas forcément sur un soin mais euh les gens ils veulent que leur famille aille en permission le

weekend. Là il fait super beau, « oui je veux emmener mon père toute la journée et tout », ils

sont pas d’accord, ils comprennent pas. Je fais « ba oui mais bon il est trop fatigué, il est pas

bien, s’il fait un malaise à la maison on fait comment, vous allez appeler le SAMU, les

pompiers… », euh il est quand même sous notre responsabilité. Donc euh les familles sont pas

d’accord, mais ils ont pas le choix quoi. Le médecin a dit non, c’est non quoi. Ou même sur des

soins euh… par exemple la personne elle était à la maison avant, il avait des soins faits d’une

telle façon, euh mais en fait nous ici on a des protocoles de soins, on fait les choses d’une

certaines façon. Après de toutes façons les gens s’ils sont pas d’accord, on leur explique le

pourquoi de c’est comme ça, et l’intérêt, le bénéfice que ça peut avoir…

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Et au cours de votre carrière, est-ce que c’est arrivé que l’aidant, souhaitant faire les soins

à l’hôpital pour le patient, vous avez ressenti un sentiment un peu de dépossession de votre

rôle d’infirmière ?

Non jamais ! Non parce que je me sens pas euh… dépossédée de quoi que ce soit. Les gens sont

hospitalisés, je fais mon travail, après du moment où on éduque les gens, on leur explique, c’est

un apprentissage, c’est un partage de notre savoir pour une bonne prise en charge future au

domicile… En fait, moi on est dans un euh processus d’aide. On aide la personne pour que les

soins soient réalisés de la meilleure façon que possible. Je me sens pas dépossédée, je préfère

montrer à la personne pour que les choses soient faites correctement que si c’est pour la laisser

partir à l’abandon avec un petit livret débrouillez-vous euh… et que les soins soient mal faits

et après ba que les gens ils reviennent et que les gens se sentent démunis, que les gens se sentent

pas bien, frustrés, stressés euh… ils vont nous appeler en fait. Il vaut mieux que les gens partent

avec les clés en mains, avec le maximum de connaissances justement pour que les soins soient

faits de la meilleure… Après euh, c’est pas les aidants ils ont pas fait 3 ans d’étude d’infirmière

ils vont pas euh… moi ils me volent rien du tout.

Ok. Et ma dernière question ça concerne la sécurité des soins. Quand l’aidant fait les

soins, pour vous la sécurité des soins est-elle assurée ?

Ba oui parce que en fait les aidants on leur demande pas… Franchement les aidants ils vont

faire que des soins en fait… des soins qui n’engagent pas euh… bon après l’insuline c’est

dangereux si on fait n’importe quoi, mais en général les gens euh… qui sont éduqués pour

l’insuline ou les glycémies capillaires euh… c’est des gens qui ont toute leur tête quoi. On les

a formés, on les a vu pratiquer, parce que déjà on va les observer euh « ba maintenant

aujourd’hui c’est vous qui faites » tu vois on les regarde, on les regarde faire le dextro, on les

regarde faire l’insuline, on voit comment ils manipulent, on voit comment ils vérifient, s’ils ont

bien compris les protocoles euh… « à la moindre question vous n’hésitez pas à téléphoner, le

médecin traitant ou quelqu’un ». Les gens sont… comment dire, on soit sûr avant qu’ils partent,

avant de les laisser justement être aidants pour les soins, qu’ils on bien compris, donc euh…

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Franchement au niveau de la sécurité après, il y a toujours une part de risques, mais comme je

vous dit on peut pas surveiller tout ce qui se passe à la maison. Voilà.

Merci beaucoup. »

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Résumé

Abstract

L’aidant naturel à l’hôpital : cet autre acteur de soins Dans une politique de réduction des temps d’hospitalisation, et dans l’ère d’une augmentation des maladies chroniques, les aidants naturels prennent une place de plus en plus importante dans la prise en soins du patient à domicile. L’objectif de cette étude est de s’interroger sur cette place en établissement de soins. Lors de l’hospitalisation du patient, quelle place l’infirmier peut-il laisser à cet aidant ? Existe-t-il des différences selon la durée de séjour du patient ? Selon son âge (majeur/mineur) ? Y a-t-il un impact sur la qualité et la sécurité des soins ? Afin de répondre à ces questions, et après avoir effectué des recherches dans la littérature scientifique, j’ai mené quatre entretiens semi-directifs auprès d’infirmières exerçant dans des services différents : pédiatrie court séjour, pédiatrie moyen/long séjour, adulte court séjour, et adulte moyen/long séjour. Les résultats mettent en évidence que cette intégration des aidants naturels aux soins du patient diffère selon la durée de séjour et l’âge du patient. Les infirmières peuvent laisser à l’aidant naturel aussi bien des soins de maternage que des soins techniques, sans baisser pour autant leur vigilance sur la qualité et la sécurité des soins. En tant qu’infirmier, il est important de respecter aussi bien la volonté du patient que le choix de l’aidant de participer ou non aux soins effectués en établissement de santé. Il est toutefois nécessaire de l’accompagner et de le former au mieux aux soins qu’il sera amené à reproduire à domicile. Mots clés : Aidant naturel, Prise en soins, Intégration, Hospitalisation

The informal caregiver at the hospital : this other helper in care In a policy of reducing hospitalization times, and at these times of increase in chronic illnesses, informal caregivers are becoming increasingly important in home care. The aim of this study is to ask ourselves about this role in a health institution. During the patient's hospitalization, what role can the nurse give to this informal caregiver ? Are there differences depending on the length of stay of the patient ? According to his age (major/minor) ? Is there an impact on the quality and safety of care ? In order to answer these questions, and after doing researches in the scientific literature, I led four semi-directive interviews with nurses working in different departments : pediatrics short-stays service, pediatrics medium/long-stay service, adult short-stay service, and adult medium/long stay service. The results highlight that this integration of informal caregivers into patient care differs according to length of stay and age of the patient. Nurses can leave maternal care and technical care to the informal caregiver, without reducing their vigilance on the quality and safety of care. As a nurse, it is important to respect as well the will of the patient as the choice of informal caregiver to participate or not in health care. However, it is necessary to accompany him and train him at best in the care he will have to reproduce at home. Keywords : Informal caregiver, Care, Integration, Hospitalization