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N°25 Décembre 1990
LA VENUE SUR LES NUEES EN GLOIRE
Au début du carême de Noël, que nous appelons Avent, le lectionnaire local nous
propose de lire, le 33è dimanche de l'année C et pendant la 34 è semaine du temps
de l'Ordinaire, le discours de Jésus sur la ruine du Temple.
En utilisant la méthode d’exégèse inaugurée par le grand Origène, qui consiste à
expliquer le texte des Ecritures par l’Ecriture elle-même, nous allons essayer de
commenter ce passage difficile de l’enseignement du Sauveur.
Luc 21, v.5 à 7. “Comme certains disaient du temple qu’il était décoré de belles
pierres et d’offrandes votives Jésus dit, De ce que vous contemplez, des jours
viendront où il ne sera pas laissé pierre sur pierre : tout sera détruit. Alors ils lui
demandèrent : “Maître, quand donc cela aura-t-il lieu, et quel sera le signe”.
Viendront les faux prophètes, les guerres, les bouleversements, les tremblements de
terre, les famines, les pestes ; avant tout cela les persécutions puis Jérusalem sera
investie par les armées.
“Et il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles... Alors on verra le Fils
de l’Homme arriver dans une nuée avec beaucoup de puissance et de gloire.
Quand ces choses commenceront à arriver, prenez confiance et relevez la tête, car
votre délivrance est proche”. (Luc 21 v.25 à 28).
Nombreux entendent ces derniers versets comme l’annonce des signes avant-
coureurs de la fin des temps et du second avènement du Messie.
Dans cette perspective, la ruine de Jérusalem et la fin du monde sont unies
mystérieusement, le premier évènement étant le symbole du second. Jésus, à la
question des apôtres “quand donc cela aura lieu ?”, aurait donné une double
réponse, deux prophéties successives, celle de la ruine de Jérusalem puis celle de la
fin du monde et de sa venue en gloire.
Cette interprétation est assise sur la question des apôtres sur le Mont des Oliviers
dans le récit de St-Mathieu 24 v.3 : “Dis-nous quand cela (la destruction du
temple) aura lieu et quel sera le signe de ton avènement et de la consommation du
monde ?” Elle est donc légitime, mais elle ne peut occuper tout le champ de
l’exégèse.
D’autres commentaires, aussi avec raison, montrent que la triste banalité des
évènements annoncés par Jésus n’a pas vraiment le caractère de signes. Il y a hélas
toujours des bruits de guerres, des tremblements de terre, quant aux signes
cosmiques, nous verrons plus loin.
Christ veut détourner ses disciples de l’angoisse et des illusions apocalyptiques.
“Ne vous souciez pas du lendemain.” En revanche, Il veut mettre en garde ses
fidèles contre l’illusion de l’installation du royaume terrestre du messie.
Jésus prophètise sur le temple alors que déjà “les grands prêtres et les scribes
cherchent moyen de le supprimer” (Luc 22).
Avant sa Pâque, Il veut faire comprendre aux siens que leur participation à ses
souffrances est essentielle au développement du Royaume et qu’ils ne peuvent pas
atteindre la Gloire sans passer par là où passe le Maître.
“Votre délivrance est proche (v.28). Jésus compare les épreuves avec les douleurs
de l’enfantement. Quand la femme enfante, elle est dans la tristesse, quand l’enfant
est né, elle est dans la joie. Les épreuves et les calamités sont la souffrance de la
parturition d’un monde nouveau.
Michée 4 v.9 à 5 v.4 utilise la même image pour promettre à Sion la délivrance. Il
conclut par la fameuse prophétie, “Et toi Bethléem... de Toi sortira pour moi celui
qui doit être souverain en Israël et ses origines remontent aux temps anciens, aux
jours antiques...”
Les signes cosmiques terrifiants ne doivent pas obligatoirement être pris à la lettre.
Ils faut tenir compte du style du genre prophétique. A.Feuillet (1) propose deux
exemples qui se rapportent à notre discours : Jérémie (4v.23-24) écrit à propos des
malheurs de Jérusalem “Je regarde la terre, et voici qu’elle est informe et vide, les
cieux, et leur lumière ont disparu. Je regarde les montagnes et voici qu’elles sont
ébranlées, et toutes les collines chancellent.
Ezéchiel (32v.7 et 8) fait participer la terre entière au deuil de pharaon : “En
t’éteignant, je voilerai les cieux et j’obscurcirai leurs étoiles, je couvrirai de
nuages le ciel et la lune ne donnera plus sa lumière. Je vêtirai de deuil tous les
astres qui brillent dans le ciel.”
On peut ajouter Isaïe 34v.4 où l’univers entier paraît s’associer à la ruine d’Edom
“toute l’armée des cieux sera réduite en poussière, les cieux roulés comme un
livre..."
Il est évident que les évènements ne se sont pas passés exactement comme ci-
dessus décrit.
Toutes ces images veulent marquer un tournant important dans l’histoire, mais pas
la fin de l’histoire. Elles signifient surtout que l’univers est mystérieusement
solidaire de l’homme.
Dans le temple réside la Gloire du Seigneur. Elle va bientôt apparaître dans la nuée
lorsqu’on verra le Fils de l’homme. (Luc 21v.27)
Le temple de Jérusalem est le signe de l’unité d’Israël, le peuple de Dieu. Le
sanctuaire fait de mains d’hommes va disparaître pour laisser la place au sanctuaire
non fait de main d’homme (Héb.9v.11). Le Christ est le centre invisible de
rassemblement des croyants. En lui réside la gloire, lui qui est le rayonnement et
l’empreinte de la substance du Père (Héb.I v.3).
La venue en gloire du Fils de l’homme décrite ici n’est donc pas exclusivement
celle du dernier jugement mais essentiellement celle de l’accomplissement en Jésus
de la figure du messie. Un monde nouveau commence, l’Eglise corps du Christ,
mènera à son terme ce temps messianique.
Augustin d’Hippone interprète dans l’apparition du Christ qui rassemble les élus,
“sa venue invisible soit dans ses fidèles, qui sont comme autant de nuées,
soit dans son Eglise, son corps, qui comme une nuée se répand dans
l’univers et ne cesse de porter des fruits de sainteté". (2)
& E-P
(1) cette monographie doit beaucoup à
l’étude de A.Feuillet, le discours sur la
ruine du temple in Revue Biblique
1948,1949.
(2) Augustin, lettre 199, P.L. 33