la scolarisation des eleves “ intellectuellement precoces

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Rapports LA SCOLARISATION DES ELEVES “ INTELLECTUELLEMENT PRECOCES ” Rapport à Monsieur le Ministre de l’éducation nationale Jean-Pierre DELAUBIER [Janvier 2002]

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LA SCOLARISATION DES ELEVESINTELLECTUELLEMENT PRECOCES: MINISTERE EDUCATION NATIONALE FRANCE

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  • Rapports

    LA SCOLARISATION DES ELEVES INTELLECTUELLEMENT PRECOCES

    Rapport Monsieur le Ministre de lducation nationale

    Jean-Pierre DELAUBIER

    [Janvier 2002]

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    Au cours des deux dernires dcennies, des parents dlves qualifis traditionnellement de surdous ou de prcoces se sont regroups en associations et ont souhait faire entendre, de manire publique, leurs revendications. A tous les niveaux, ils sollicitent les responsables de lEducation nationale pour demander une meilleure rponse aux besoins de leurs enfants, en estimant que lorganisation actuelle du systme ducatif ne prend pas en compte leur spcificit. Ils font tat, avant tout, de la situation dune part importante de la population dite intellectuellement prcoce ( le quart? le tiers ?) qui rencontrerait des difficults, parfois graves, dans son parcours scolaire. La premire attente des familles est donc que tout soit mis en uvre pour prendre en charge, et dabord prvenir, la souffrance de ces lves qui, bien que disposant daptitudes particulires, se trouvent, ou sont susceptibles de se trouver, en chec dans leurs tudes. Dune manire plus globale, ils demandent que soient reprs, le plus tt possible, tous les lves considrs comme intellectuellement prcoces pour leur offrir des conditions de scolarit adaptes, afin de leur permettre de dvelopper pleinement leurs potentialits. Il est certain que ces attentes ne doivent pas demeurer longtemps sans rponse. Nous ne pouvons pas rester indiffrents la situation de souffrance et de difficult dun lve (quel que soit son potentiel ). De mme, sil est difficile denvisager a priori une cole plusieurs vitesses prdterminant des catgories denfants en fonction de leurs aptitudes et offrant des conditions de scolarit exceptionnelles ceux qui seraient reconnus comme les plus dous , il est tout aussi difficile de concevoir que notre systme ducatif, fond sur la volont daccueillir, sans exclusion, tous les lves et de conduire chacun au plus haut niveau de russite, puisse laisser de ct ceux qui, un moment de leur vie, manifestent des aptitudes , des talents , des besoins dapprentissage un peu diffrents Nous avons donc rpondre deux questions :

    1. Quelles solutions apporter aux lves intellectuellement prcoces qui rencontrent des difficults dans leur scolarit ?

    2. Des mesures sont-elles ncessaires pour que lcole puisse mieux prendre en charge

    lensemble des lves bnficiant daptitudes particulires ?

    Lexamen de ces questions suppose dabord de dfinir clairement la population dont nous parlons : qui sont ces lves ? que sait-on deux ? que recouvrent les expressions surdous , intellectuellement prcoces , lves haut potentiel ? Il est vident que tous ces termes sont chargs de connotations dont il faut nous garder. Sans cet effort pralable pour dlimiter le problme qui nous est pos et pour faire le point sur ltat des informations dont nous disposons, toute conclusion ou suggestion, sur un thme aussi sensible, serait susceptible de soulever des polmiques, voire des dbats idologiques. Il faudra ensuite analyser plus prcisment les difficults rencontres par une partie de ces lves, puis faire linventaire des dispositifs dj mis en uvre dans certains de nos tablissements ou dans dautres pays. Cette dmarche nous permettra de dgager quelques pistes de travail. Bien entendu, ces prconisations, dans ltat actuel de nos connaissances, ne pourront tre que modestes et prudentes . Ce rapport est le rsultat dune rflexion collective conduite par un groupe de travail qui sest runi douze fois depuis septembre 2000. Ses conclusions sont dabord fondes sur des entretiens avec les reprsentants des principales associations, avec des quipes engages dans laccueil des enfants intellectuellement prcoces et avec des chercheurs. Elles sappuient fortement sur les rapports raliss, ds lt 2000, par Messieurs Pierre Vrignaud et Denis Bonora (Service de recherche de lInstitut National dEtude du Travail et dOrientation Professionnelle) et par Madame Mathilde Bouthors (Institut National de Recherche Pdagogique). Ces travaux, qui constituent la base bibliographique du prsent rapport, sont joints en annexe. Avant la mise au point du rapport dfinitif, nous avons souhait recueillir lavis dun certain nombre de partenaires (reprsentants des psychologues scolaires, des rducateurs et des conseillers dorientation-psychologues, principaux syndicats enseignants et fdrations de parents dlves) afin de consolider nos conclusions et de prendre en compte lensemble des points de vue concerns. Enfin, il nous a paru important de consulter lInspection gnrale de lEducation nationale.

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    SOMMAIRE

    Introduction - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2

    1- Qui sont les enfants surdous ou intellectuellement prcoces ? 1-1 De quels enfants est-il question ? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 5 1-2 Le quotient intellectuel (QI) - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - 5 1-3 Que savons nous de ces lves ? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - 7 1-4 Quel nom donner cette population ? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 10

    2- Quel est le problme scolaire pos par les enfants quotient intellectuel lev ?

    2-1 La parole de familles confrontes des situations douloureuses 2-1-1 La raction de certaines familles - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- 12 2-1-2 Les associations - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - 12

    2-2 La situation scolaire des lves dits intellectuellement prcoces - - 17

    3- Des rponses ltranger et en France 3-1 La situation dans les autres pays - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 22 3-2 La position des organisations internationales - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 27 3-3 La situation en France 3-3-1 Le cadre institutionnel - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 30

    3-3-2 Les initiatives 3-3-2-1 Une premire exprience Nice - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 35 3-3-2-2 Des dmarches conduites dans certains collges - - - - - - - - - - - - - - 35 3-3-2-3 Des initiatives rcentes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- 38 3-3-2-4 Lenseignement priv - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- 39

    3-4 Les solutions adoptes les pistes de recherche - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 40

    4- Vers des propositions 4-1 Quelques conclusions - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 44 4-2 Des voies de proposition

    Mieux connatre les lves intellectuellement prcoces - - - - - - - - - - - 48 Prvenir les difficults - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 49 Accueillir les familles et les accompagner tout au long de la scolarit -- 50 Apporter une rponse aux difficults rencontres ds lcole primaire -- 51 Adapter les rythmes dapprentissage aux besoins des lves - - - - - - - - - 52 Dvelopper des possibilits denrichissement des parcours - - - - - - - - - - - 54 Dans le second degr, accueillir dans des classes htrognes - - - - - - - - - 55 Former les enseignants : vers une formation la diversit - - - - - - - - - 56 Dfinir des stratgies globales. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 57

    Annexes : Annexe 1 : Lettre de mission - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 58 Annexe 2 : Composition du groupe de travail - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 60 Annexe 3 : Liste des personnes rencontres - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- 61 Annexe 4 : Recommandation n 1248 du Conseil de lEurope - - - - - - - - - -- 64

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    Qui sont les enfants surdous ou intellectuellement prcoces ? 1-1 De quels enfants est-il question ?

    1-1-1 Il est difficile de dlimiter avec prcision cet ensemble denfants et dadolescents que lon qualifie de surdous ou de prcoces . Dune manire gnrale, ces termes sont utiliss pour dsigner un enfant qui manifeste la capacit de raliser, dans un certain nombre dactivits, des performances que ne parviennent pas accomplir la plupart des enfants de son ge. On peut dire quun jeune surdou est un enfant qui dispose, au moment de lobservation et dans les domaines considrs, daptitudes nettement suprieures celles de la moyenne de sa classe dge. Il est vident quil sagit dun concept tout fait relatif puisquil dpend

    - des domaines pris en compte (un enfant nest pas surdou de manire uniforme dans tous les champs dactivit),

    - et surtout du seuil que lon fixera pour dfinir la population surdoue (10% des enfants obtenant les meilleures performances? 5% ? 2% ? 1 % ?).

    On traduit souvent cette diffrence daptitudes par la notion davance ou de prcocit : lenfant prcoce serait caractris par sa capacit raliser des performances qui sont, en moyenne, celles denfants plus vieux de deux, trois, voire quatre ans ou plus. Il aurait, en quelque sorte, progress plus vite que les autres dans son dveloppement ou dans ses apprentissages. 1-1-2 En France, les interrogations actuelles et les demandes soutenues par les associations ne portent pas sur lensemble de la population surdoue , mais plutt sur une partie de cette population identifie partir dobservations et de tests mettant en jeu des aptitudes intellectuelles gnrales. Il faut remarquer que la situation des jeunes rvlant des potentialits exceptionnelles dans des domaines spcifiques tels que, par exemple, la musique, les arts ou les sports ne rentrent pas dans le champ de cette rflexion qui reste centre sur ce quil est convenu dappeler la prcocit intellectuelle . De manire plus prcise, si diverses approches sont utilises pour reprer des indices de prcocit intellectuelle (observations des parents sur le dveloppement et le comportement de leur enfant, performances scolaires, constat des enseignants), le seul outil communment admis pour dlimiter ce groupe denfants est le quotient intellectuel (QI) dtermin partir de batteries de tests tels que le WISC (Weschler Intelligence Scale for Children). Aucun autre critre objectif nest utilis de manire suffisamment large pour servir de rfrence. Un enfant est donc considr comme appartenant la population surdoue , si son quotient intellectuel a t reconnu exceptionnellement lev lissue dune valuation rigoureuse conduite par un psychologue.

    1-2 Le quotient intellectuel (QI).

    1-2-1 Il faut rappeler que, dans leur forme actuelle, le WISC et les tests analogues permettent lestimation du quotient intellectuel dun sujet par le positionnement de ses performances dans sa classe dge. Le test est en effet construit en fonction dun talonnage tabli partir dun chantillon reprsentatif de la population. On obtient ainsi la distribution des performances au test pour chacune des classes dges pour lesquelles ce test peut tre utilis. Ainsi, les performances dun enfant de six ans seront rapportes la distribution des performances de lchantillon denfants de six ans. La moyenne a t fixe 100 et lcart-type (qui indique la dispersion autour de la moyenne) 15. Un enfant dont les rsultats sont suprieurs la moyenne de lchantillon se verra attribuer un quotient suprieur 100. La distribution des performances de lchantillon constituant approximativement une distribution normale, la performance du sujet transforme en QI permet de situer ce sujet parmi la population de son ge : par exemple, une personne possdant un quotient intellectuel de 130 se situe deux carts-type au dessus de la moyenne et donc, puisquil sagit dune distribution normale, parmi les 2,3% de la population possdant le plus fort QI. Il faut souligner que le quotient intellectuel permet seulement de situer les performances dun individu par rapport celles de lensemble de la population de son ge. Il ne repose plus, comme lors de sa cration, par lallemand Stern, sur la notion dge mental : on valuait alors le rapport entre lge mental du sujet estim par des tests de dveloppement et son ge rel. Ce quotient tait multipli par 100. Un ge mental en avance sur lge rel aboutissait un QI suprieur 100.

    1-2-2 Si le classement par le QI constitue, en France, la seule chelle accepte par lensemble des partenaires, les avis sont plus partags pour fixer le seuil au del duquel il sera possible de parler de prcocit ou de surdouement : le niveau pris en compte pour tablir ce seuil varie, selon les

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    points de vue, de 120 140, voire au del. Il est, par exemple, fix 135 par Terman (International Encyclopaedia of Education, p. 2492), 120 dans certains tats amricains (cf. Encyclopaedia Britannica), ou encore 125 par le psychologue Jean-Charles Terrassier, fondateur de lANPEIP (Les enfants surdous ou la prcocit embarrassante 1991 / 1999, p. 24). Il est vident que selon le niveau considr, la population de rfrence nest pas du tout la mme. Si lon adopte le seuil de 120, on prend en compte un grand nombre dlves (un ou deux par classe). Au-del de 145 (un pour 1000), il sagit vritablement de sujets dexception, trop rares pour constituer un groupe susceptible dune description statistique ou de modalits de scolarisation communes. Le seuil de 130 (ce qui reprsenterait autour de 2,3 % de la population, soit un peu moins dune personne sur 40) est le repre le plus communment admis. Sur cette base, on peut estimer leffectif concern environ 200 000 lves entre 6 et 16 ans, priode de la scolarit obligatoire. Mais il faut bien prendre en compte le caractre arbitraire dune telle dlimitation et prserver une marge dapprciation.

    1-2-3 La rfrence au quotient intellectuel appelle un certain nombre de rserves :

    - Lidentification dune catgorie partir dun indicateur quantitatif unique ne peut qutre rductrice. Derrire, une mme valeur de quotient intellectuel existent dimportantes diffrences de profil. Le WISC, par exemple, comprend douze sries dpreuves (subtests) rpartis en deux chelles ( verbal et performance ) : il est vident que les enfants qui se voient attribuer un QI moyen de 130 peuvent prsenter un profil trs htrogne (par exemple 120 en verbal et 140 en performance ). De mme des lves, qui, en raison dun quotient moyen de 118, ne seraient pas classs surdous , peuvent accder dans lune ou lautre des chelles un niveau de lordre de 130, voire 135 Dans le mme sens, certains chercheurs anglo-saxons se sont attachs distinguer des facteurs diffrents, mais hirarchiss, dans ce que nous appelons globalement intelligence (Catell et Horn). Un autre chercheur, Gardner, identifie au moins sept formes dintelligences (logico-mathmatique, langagire, spatiale, musicale, kinesthsique ) indpendantes les unes des autres et se fonde, en particulier, sur lexistence de sujets manifestant une capacit hors du commun dans un domaine, mais des capacits mdiocres dans les autres champs. Dautres introduisent des formes dintelligence trs loignes des aptitudes prises en compte dans les batteries de tests traditionnelles (intelligence sociale, intelligence motionnelle, intelligence pratique ). Tous ces travaux font avancer lide dune conception multidimensionnelle de lintelligence.

    - Le caractre relatif et arbitraire du quotient intellectuel doit galement tre rappel : le QI nest pas une mesure indpendante de linstrument. Le recouvrement nest pas total entre les rsultats obtenus aux preuves mesurant la mme variable dans les diffrentes chelles (WISC, K-ABC, ) On peut penser que la valeur du quotient intellectuel peut varier en fonction du test choisi. De mme, la sensibilit des tests les plus souvent employs nest pas trs bonne dans les zones extrmes (vers le bas comme vers le haut de lchelle) : il est donc difficile de situer de manire fiable les sujets quotient intellectuel particulirement lev. - Une autre source dinterrogation sur lutilisation de tests dintelligence est le constat de laugmentation des performances aux tests au cours des gnrations. Ce phnomne dsign sous le nom deffet Flynn (du nom du psychologue britannique qui la mis en vidence) montre que les scores des tests dintelligence augmente denviron un cart-type par gnration. Par exemple, cela revient considrer quune grande partie des sujets haut potentiel dhier ne seraient que des sujets au dessus de la moyenne aujourdhui.

    - Plus globalement, la mesure du quotient intellectuel nest pas indpendante du contexte socio-culturel : Michel Duyme, directeur de recherche au CNRS, par exemple, a mis en vidence des accroissements significatifs de ce quotient chez des enfants issus de milieux dfavoriss, puis levs dans un autre milieu, nettement plus favoris ( entretien du 11 octobre 2001). Un quotient de 120 valu partir dune mme batterie de tests ne doit pas tre apprci de la mme manire sil concerne un enfant vivant dans un milieu dimmigration rcente ou dans un environnement particulirement favorable. En fait, le QI rend compte de la position dun individu lintrieur dune population de rfrence dfinie dans le temps et dans lespace. Il na donc de sens que si le sujet nest pas en dcalage trop sensible avec les caractristiques socioculturelles de lchantillon utilis pour talonner les tests .

    1-3 Que savons nous de ces lves ?

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    Les rapports raliss par Mathilde Bouthors (INRP) et par Pierre Vrignaud (INETOP), joints en annexe, permettent de dresser un tat dtaill des recherches accomplies autour de la question des surdous et de resituer celle-ci dans le cadre plus large de lvolution des champs scientifiques concerns. Ils ont constitu une base de rflexion pour le groupe de travail. Nous nous contenterons donc de dgager quelques points essentiels.

    Demble, il faut remarquer que trs peu de recherches scientifiques ont t conduites en France sur la population prcoce ou surdoue alors que ce mme thme fait lobjet dune production beaucoup plus abondante dans lespace anglophone, en particulier dans les revues . Ainsi, les bases de donnes relvent des milliers de rfrences sur les travaux publis en Amrique du Nord et en Grande-Bretagne. En revanche, nous navons pu recueillir que quelques dizaines de titres darticles ou douvrages raliss par des scientifiques franais. Lintrt pour ce sujet a t en effet constant dans le monde anglo-saxon depuis le dbut du vingtime sicle et, surtout, depuis Terman. Les travaux de ce dernier, par exemple lobservation poursuivie pendant plusieurs dcennies du devenir dun chantillon dun millier denfants considrs comme surdous (tude dite des Termites ), marque le dbut dune longue srie de recherches. Une littrature varie sest dveloppe, en particulier aux Etats-Unis, autour des intelligences dexception, des talents et des dons , des tests, des procdures de slection des tudiants, des russites hors du commun A lintrieur de cette diversit, on peut, sans doute, percevoir deux proccupations dominantes susceptibles dtre formules travers deux questions : dune part, comment reprer les personnes haut potentiel et leur permettre dexploiter pleinement leurs possibilits ? Dautre part, quels sont les paramtres qui permettent dexpliquer la russite exceptionnelle de certains individus (crateurs, mathmaticiens, joueurs dchec ) ? Ces deux perspectives, inities par Terman, ont ouvert deux voies de recherche : lune oriente vers les enfants, le reprage des potentialits remarquables, ltude de leur devenir ; lautre oriente vers les adultes, lanalyse des performances exceptionnelles, ltude de leur gense. Si ces thmes restent fortement prsents dans la recherche anglophone actuelle, on peut observer une volution significative. Jusquaux annes 80, la rflexion sur les individus rvlant des potentialits remarquables tait dabord fonde sur la mesure de lintelligence gnrale , et en particulier sur celle du quotient intellectuel. Dans le prolongement des travaux conduits en psychologie de lintelligence, mais aussi dans dautres champs (psychologie sociale ), les tudes consacres aux surdous se sont loignes de cette approche unidimensionnelle fonde sur la mesure du facteur gnral de lintelligence pour privilgier une approche multidimensionnelle. A lide, dj ancienne, de la multiplicit des facteurs impliqus dans les performances exceptionnelles de certains individus (facteurs lis au sujet et son histoire, mais aussi aux contextes ), sest ajoute celle que les potentialits de lenfant dit surdou forment un ensemble complexe non rductible au facteur gnral de lintelligence. La conception des intelligences multiples (Gardner), la reconnaissance du rle de la crativit (par exemple, Sternberg et Lubart (1993) : Creative giftedness : a multivariate investment approach. in Gifted Child Quarterly 37, n1, 7-15) ou encore de la motivation (Ford, Emerick ) ont considrablement renouvel les perspectives de la recherche. Certains travaux de Gardner sont, cet gard, particulirement significatifs : par exemple, Les intelligences multiples : Pour changer lcole, la prise en compte des diffrentes formes dintelligences (1993/1996, Paris : Retz) ou Les personnalits exceptionnelles. Mozart, Freud, Gandhi et les autres. (1999, Paris : Odile Jacob). Il faut enfin citer la dmarche de Renzulli qui tire les consquences pdagogiques dune approche multifactorielle de lintelligence.

    En France, la raret des travaux scientifiques sur ce sujet constitue une difficult majeure. Si quelques dpartements universitaires ont manifest un certain intrt pour la prcocit ou les enfants haut potentiel (Bordeaux II, Lille III ), le nombre de thses ralises sur ce sujet est trs faible (cinq recenses cette date) et aucune quipe ne sest, pour linstant, notre connaissance, constitue autour de cet axe de recherche. Il faut aussi observer que les nombreux travaux produits depuis plusieurs dcennies en France sur la russite scolaire nont que trs rarement pris en compte les cas exceptionnels (potentialits ou rsultats hors du commun). En consquence, nous ne disposons pas dobservations suffisamment larges et fiables sur la situation des lves fort quotient intellectuel dans le contexte ducatif franais. On se doit de constater que, jusqu ces dernires annes, les principales initiatives pour dvelopper une rflexion sur la situation des enfants surdous sont venues des associations ; directement ou indirectement, elles ont t lorigine de la majorit des textes produits sur la question dans notre pays. Cette rflexion sest dploye de plusieurs manires. Il sagit dabord des crits des responsables et des membres de ces associations eux-mmes : brochures pour informer les familles ou sensibiliser le public, comptes-rendus dexpriences Certains dentre eux, souvent partir dune pratique professionnelle,

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    ont engag des travaux plus approfondis, voire des recherches, sur les cas de surdous dont ils avaient connaissance. En premier lieu, doivent tre cits ceux de Jean-Charles Terrassier, psychologue et ancien prsident-fondateur de lANPEIP, qui proposa la notion de dyssynchronie partir de lide que lenfant surdou souffre dabord du dcalage entre ses potentialits dans certains domaines intellectuels et son moindre dveloppement dans dautres domaines (motricit, affectivit ). Ses ouvrages, dont le premier date de 1982, ont influenc les positions prises par lensemble des associations jusqu aujourdhui. On peut aussi voquer les travaux de Jacques Bert, enseignant et directeur dcole, qui a, entre autres, tent de dessiner le profil de llve surdou en mettant en vidence lcart constat entre ce profil et les attentes de linstitution scolaire. Il faut galement prciser que se sont mises en place, partir des associations, des structures de rflexion ou des groupes dtude qui se sont donn pour objectif de favoriser une meilleure connaissance des enfants surdous : cest le cas de lISFER (Institut du Surdouement, Formation, Education, Recherche) ou de lIEHP (Institut dEtudes des Hauts Potentiels). Les contributions de Jean Brunault et de Robert Pags, la fois chercheurs et prsidents-fondateurs respectivement dEurotalent (et de lISFER) et du GESPARE (Groupe Emprise de Sociopsychologie, Action Recherche Education) sont situer dans ce cadre. Enfin, les associations se sont efforces de mobiliser des universitaires et des chercheurs en les invitant diverses rencontres . Les colloques ou congrs organiss par lAFEP ( par exemple, en 1996 la Sorbonne, en 1998 au Palais du Luxembourg ou en 2000 au Palais -Bourbon), par lANPEIP-Aquitaine et lUniversit de Bordeaux 2 (en 1998, Bordeaux), par lANPEIP-Nord et par Eurotalent (en 2000 Lille) ont suscit des contributions issues dhorizons divers et parfois de vrais dbats (intervention de Franois Dubet Bordeaux en 1998). Ces initiatives des associations ont permis de faire connatre et dencourager des dmarches de chercheurs appartenant diffrentes disciplines. On peut citer celle de Laurence Vaivre-Douret, neuropsychologue et professeur de psychologie du dveloppement (Paris X et INSERM) qui, se fondant sur lobservation de trs jeunes enfants haut potentiel , remet en question la notion de dyssynchronie et voque lide dune prcocit plus globale, dune synchronie relative des fonctions du dveloppement psychomoteur (LaurenceVaivre-Douret : Actes du Congrs de Lille de lANPEIP-Nord , 2000). De mme, il faudrait voquer les travaux de Michel Duyme, directeur de recherche au CNRS, ou de Jean-Claude Grubar, professeur de psychologie exprimentale (Lille III). Les observations conduites par ce dernier mettent en vidence, chez lenfant intellectuellement prcoce, une corrlation forte entre le quotient intellectuel, la mmoire (quantit dinformations mmorises et dure de la mmorisation), la rapidit de traitement de linformation et la part du sommeil paradoxal dans les cycles du sommeil. Enfin, si globalement nous avons d constater la raret des travaux scientifiques labors, en France, sur les enfants intellectuellement prcoces, le groupe de travail a pu constater lintrt et la disponibilit dun certain nombre de chercheurs dans les domaines des sciences mdicales, de la sociologie ou de la psychologie cognitive et diffrentielle.

    Lexamen des recherches ralises sur les enfants dits surdous ou intellectuellement prcoces fait donc apparatre deux difficults :

    1 Si la littrature crite sur ce sujet est abondante, en particulier en Angleterre et en Amrique du Nord, elle se rvle dune trs grande htrognit : ainsi, certains auteurs sintressent effectivement aux enfants fort quotient intellectuel, mais en prenant en compte des seuils diffrents, dautres dfinissent leurs sujets partir de critres scolaires, parfois en se centrant sur un champ particulier (les mathmatiques ), dautres ont prfr tudier les talents particuliers, dautres encore, les cas extrmes d enfants prodiges On a parfois le sentiment que dun crit lautre, on ne parle pas de la mme ralit. 2 Sur la catgorie qui est aujourdhui lobjet de notre rflexion (enfants quotient intellectuel suprieur 130), nous manquons dtudes suffisamment tendues et approfondies, en particulier dans le contexte franais, pour avoir une vue claire de la situation et des besoins des 200 000 lves concerns.

    Ces deux difficults nous empchent de fonder ce rapport sur une base scientifique assure. En revanche, elles font apparatre un vritable besoin de connaissance quil parat important de relayer.

    1-4 Quel nom donner cette population ?

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    La langue anglaise a consacr les termes gifted - dou en rfrence au sport ou aux arts et que le dictionnaire rend par surdou dans le domaine intellectuel -, ainsi que le terme talented , quasiment synonyme dans ce contexte. Certains auteurs tendent diffrencier lemploi de gifted pour dsigner un sujet possdant un potentiel exceptionnel, de talented pour dsigner un sujet ayant actualis ce potentiel. On note, actuellement, en particulier en Grande-Bretagne, une extension aux termes able et highly able pour dsigner les sujets dous dans le contexte scolaire.

    Les dnominations en usage sont peu satisfaisantes : le terme surdou apparu dans les annes 1930 pour parler dun artiste ou dun sportif, sest systmatis partir dun article dAjurriaguera en 1970, pour dsigner les sujets ayant des rsultats levs aux tests. Mme si ce mot a t adopt dans la communication courante et par une partie des mdias, il renvoie la notion de don , trs contestable et non scientifique. Lexpression enfant ou adolescent haut potentiel intellectuel , utilise par certaines associations, ne peut que soulever des dbats et favoriser une apprciation dterministe et ingalitaire de la russite scolaire. Intellectuellement prcoce serait peut-tre la moins mauvaise appellation, mais elle laisse supposer que lon saccorde sur le fait que les niveaux daptitude correspondant un quotient intellectuel lev rsultent dune avance dans un dveloppement linaire. La diffrence est-elle seulement chronologique ? Sagit-il seulement denfants qui savent faire 10 ans ce que les autres font 12 ? Cette notion a-t-elle un sens lorsque ces jeunes atteignent 17 ou 18 ans tout en conservant le mme cart dans la russite des tests intellectuels ? Par ailleurs, il faut rappeler que la plupart des tests utiliss pour dterminer le quotient intellectuel (chelle de Wechsler) ne se rfrent plus au dveloppement de lenfant, mais seulement son positionnement lintrieur de sa classe dge.

    La premire difficult est que ces termes donnent limpression quils recouvrent une ralit objective, scientifique et unitaire alors que nous percevons bien le caractre relatif et htrogne des notions correspondantes. Dune manire gnrale, il serait souhaitable de ne pas crer une tiquette instituant une catgorie dlves (qui serait purement arbitraire). De mme quil est sans doute prfrable de caractriser les difficults des lves plutt que de parler des lves en difficult , il serait prfrable de dfinir les aptitudes particulires de certains lves plutt que de dsigner les lves haut potentiel . Nous ne pouvons donc que formuler trois propositions :

    1 viter les termes surdous et haut potentiel afin de prvenir les polmiques et les dbats sur linn et lacquis, ou sur lgalit des chances ; 2 accepter provisoirement lexpression enfant intellectuellement prcoce qui, bien que contestable, en particulier pour qualifier des collgiens ou des lycens, parat la moins charge da priori idologique : par dfaut, nous utiliserons cette expression dans la suite de ce rapport ; 3 poursuivre la rflexion pour choisir une expression susceptible de traduire, dune manire objective et ouverte, la situation dun lve manifestant des aptitudes particulires , quil sagisse ou non daptitudes identifies par le quotient intellectuel.

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    Quel est le problme scolaire pos par les enfants quotient intellectuel lev ?

    2-1 La parole de familles confrontes des situations douloureuses.

    2-1-1 Parmi les enfants intellectuellement prcoces, une partie importante (deux tiers ?) ne pose pas de problme particulier. Ce sont des lves qui poursuivent leurs tudes sans difficult majeure et lon peut supposer que beaucoup dentre eux obtiennent une vritable russite dans une voie quils ont choisie et dans laquelle ils se ralisent pleinement. En revanche, lcole est parfois mise en cause par des familles qui, confrontes aux difficults scolaires de leur enfant, dcouvrent que celui-ci a un quotient intellectuel lev, gnralement aprs consultation dun psychologue priv. Il est vident que ces parents ne peuvent que ragir en constatant lapparente contradiction entre les potentialits qui leur sont rvles par lexamen psychologique et la situation de difficult, voire dchec, rencontre lcole. On peut comprendre que leur premire attitude soit de reprocher aux responsables du systme ducatif de ne pas reconnatre la diffrence dun enfant quils peroivent comme malheureux et incompris. Cest visiblement partir de ces situations, que se sont dveloppes des associations dont la premire vocation a t daider des familles en dsarroi. Quels que soient leurs origines et leurs objectifs, souvent plus larges, elles doivent leur audience et leur impact au rle quelles jouent auprs de ces parents en les accueillant, en relayant leurs revendications et en leur proposant des solutions pour que soient trouvs des modes de scolarisation adapts leurs enfants. 2-1-2 Les associations forment un rseau complexe et changeant. Si nous avons pu en recenser un peu plus dune dizaine, seules deux ou trois dentre elles peuvent revendiquer une certaine reprsentativit au niveau national. Linventaire que nous avons tabli partir des documents qui nous ont t transmis, des contacts des membres du groupe de travail et de la consultation du rseau internet nest sans doute pas exhaustif :

    ANPEIP (Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Prcoces) : association cre en 1971 par le psychologue Jean-Charles Terrassier, elle est lorigine des expriences conduites dans la rgion nioise en 1987. Constitue en fdration en 1995, elle regroupe aujourdhui 12 associations rgionales et affirme quelle reprsente plus de 1500 familles. Prside par Madame Monique Binda, elle a son sige Nice et possde un site sur internet.

    AFEP (Association Franaise pour les Enfants Prcoces) : fonde en 1993 comme branche de lANPEIP (ANPEIP-Le Vsinet) par Madame Sophie Cote, Principale honoraire du collge du Cdre au Vsinet, elle sest constitue en association indpendante en 1995. Son action sest dveloppe partir de lexprience mene au collge du Cdre et sest oriente, en particulier vers la ralisation de colloques et de sessions de formation (par exemple, journes pdagogiques organises, sous le nom de Didactiques, en janvier 2002 lintention des professeurs de diverses disciplines). Elle affiche prs de 3000 membres. Elle reste prside par Madame Cote et possde galement un site internet .

    ALREP (Association de Loisirs, de Rencontres et dEducation des Enfants Prcoces) : fonde en 1981 et prside, depuis cette date, par Monsieur Paul Merchat, professeur de mathmatiques, elle a son sige Nmes. Elle sest oriente vers une activit originale : lorganisation de sjours de vacances pour enfants intellectuellement prcoces (4000 enfants inscrits depuis lorigine). Elle se dfinit comme philanthropique et laque et situe son action dans le prolongement de lcole publique. Elle dispose de relais en Ile-de-France, Midi-Pyrnes et Provence-Cte-dAzur. Elle diffuse diverses informations travers un bulletin (Enfants prcoces informations) et un site internet.

    IAS (Info-Actions-Surdous) et IEHP (Institut dEtudes des Hauts Potentiels) : ces deux associations, troitement lies, ont t cres rcemment (1999) partir de la branche parisienne de lANPEIP. LIEHP sest donn une large

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    vocation de rflexion et de recherche en direction la fois des adultes et des enfants haut potentiel. Prside par Monsieur Michel Chanconie, son sige est Saint-Aubin. Info-Actions-Surdous est plus directement tourn vers laccueil et le soutien des parents denfants surdous. Elle est prside par Monsieur Marc Lefeuvre, par ailleurs vice-prsident de lIEHP. Son sige est Paris. Laction de ces deux organisations semble, pour linstant, limite la rgion parisienne.

    AAREIP (Association dAide la Reconnaissance des Enfants Intellectuellement Prcoces) : implante Rives dans lIsre, elle se dfinit comme une association autonome fonde par des parents pour les parents. Nous navons pas eu de contact direct avec cette organisation.

    ISFER (Institut du Surdouement, Formation, Education, Recherche) : association cre en 1996 par Monsieur Jean Brunault, psychologue, par ailleurs prsident fondateur dEurotalent et conseiller scientifique de lANPEIP-Centre, et par Monsieur Pierre Morin, formateur et prsident de lANPEIP-Centre, lISFER sest donn une mission de formation et de recherche dans le domaine du surdouement .

    APPSIS : cette association a pris la place de lANPEIP-Centre depuis le 11 avril 2001. Elle offre des services particuliers aux familles denfants intellectuellement prcoces : dtections, suivis psychologiques, activits de vacances

    FRACTALES (France Actions Talents et Surdouements) : autre branche de lANPEIP (ANPEIP-Nord), devenue indpendante depuis quelques mois, cette association est prside par Monsieur Pierre Paoletti. Elle est lorigine de diverses actions de communication et de formation.

    CORIDYS : localise Paris, cette dernire association sest spcialise dans les dysfonctionnements neuropsychologiques rencontrs par les enfants intellectuellement prcoces.

    A cette liste, il faudrait ajouter trois institutions ayant une dimension internationale :

    Mensa : cette association, fonde Oxford en 1946 et reprsente dans de nombreux pays regroupe des individus dont le quotient intellectuel est suprieur celui de 98% de la population. Fortement implante dans les pays anglo-saxons (40 000 membres aux Etats-Unis, 35 000 membres en Grande-Bretagne ), elle sest fix pour buts dencourager la recherche sur lintelligence, de fournir ses membres un environnement intellectuel et social stimulant et de dtecter lintelligence humaine et favoriser son dveloppement pour le bnfice de lhumanit . Mensa-France, cre en 1965 par Madame Marianne Seydoux, regroupe maintenant prs de 550 membres. Elle sintresse depuis plusieurs annes aux enfants surdous , par exemple en implantant un rseau de Correspondants Rgionaux Enfants Surdous (CRES) et en mettant en place un Conseil National pour les Enfants Surdous (CNES) en 1998. Mensa-France est actuellement prside par Monsieur Jacques Quintallet et son sige est situ Paris.

    Eurotalent : organisation europenne (ONG) cre Tours par Monsieur Jean Brunault en 1988, elle rassemble une quarantaine dassociations et dorganismes de recherche issus de 18 pays appartenant au Conseil de lEurope,. dote dun statut consultatif auprs du Conseil de lEurope depuis 1994, elle a fait adopter une recommandation auprs de cette instance (recommandation 1248 adopte le 7 octobre 1994) relative lducation des enfants surdous (jointe en annexe du prsent rapport).

    Europrcoces : cette association implante Schiltigheim organise des colloques au niveau europen.

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    Enfin, en dehors de ces trois organisations implantes en France, devraient tre cites lEuropean Council for High Ability auquel adhre lAFEP et le World Council for Gifted and Talented Children dont est membre lANPEIP. 2-1-3 Si cet inventaire fait apparatre un paysage associatif foisonnant et complexe, il est cependant possible de dgager quelques traits significatifs :

    - Deux associations, occupent une place particulire et bnficient dune plus grande reprsentativit : lANPEIP, par le rle historique quelle a jou depuis 30 ans et en raison de son caractre fdratif (la plupart des autres associations se sont dveloppes lintrieur ou autour de lANPEIP), et lAFEP , par lintrt quelle est parvenue susciter dans le prolongement des congrs et colloques dont elle a pris rgulirement linitiative depuis 1995, en faisant appel des personnalits et des chercheurs (par exemple en 1996 la Sorbonne, en 1998 au Palais du Luxembourg ou en 2000 au Palais -Bourbon). Si les autres organisations ne semblent pas disposer dune audience nationale, certaines dentre elles se sont dfinies en se spcialisant : lIEHP est orient vers la recherche, lALREP a privilgi lorganisation de sjours de vacances, lISFER la formation, CORIDYS le traitement de difficults spcifiques telles que la dyslexie

    - Une remarque simpose : si plusieurs associations peuvent tre considres comme des

    interlocuteurs srieux et responsables, elles ne reprsentent quune faible part de la population intellectuellement prcoce. Il suffit de rapporter les chiffres fournis par les deux associations majoritaires (1500 familles reprsentes par lANPEIP et 3000 membres annoncs par lAFEP) aux 200 000 enfants et adolescents de 6 16 ans disposant dun quotient intellectuel suprieur 130.

    - Par del leur diversit, ces associations ont des positions relativement proches : elles se

    rfrent la mme catgorie denfants, ceux dont le quotient intellectuel a t estim, par des tests tels que le WISC, suprieur 130 (125 pour une association) et posent le mme problme celui du dcalage entre les besoins de ces enfants et les modes de scolarisation mis en place dans notre systme ducatif ; elles ont construit leur rflexion partir des travaux de Jean-Charles Terrassier quelles citent frquemment mme si certaines sen sont quelque peu loignes (la notion de dyssynchronie , par exemple, est souvent voque). De mme, toutes organisent leur activit autour de trois ples :

    1 laccueil des familles et loffre aux enfants intellectuellement prcoces, mais aussi aux parents, dun certain nombre de services ; 2 la communication et lexpression de revendications ; 3 la conduite dune rflexion, voire dune recherche ouverte aux apports scientifiques.

    - De ce fait, elles partagent un ensemble de revendications communes :

    1. la prise en compte par lEducation Nationale du cas particulier des enfants intellectuellement prcoces en dcalage avec le systme ducatif et de la spcificit de leurs besoins ;

    2. le reprage, ds la petite enfance, de ces situations et la prvention (ou le traitement) des difficults rencontres par ces lves ;

    3. la mise en uvre dune vritable pdagogie diffrencie permettant lpanouissement des potentialits de chacun ;

    4. la sensibilisation, voire la formation, de tous les acteurs impliqus dans lducation (enseignants, membres des rseaux daides et conseillers dorientation-psychologues, personnels dducation et dencadrement, parents ) ;

    5. lengagement dtudes et de recherches sur les enfants intellectuellement prcoces.

    - Il est vident que la demande de reconnaissance officielle de la spcificit du problme pos par les enfants intellectuellement prcoces sous-tend lensemble de ces attentes. Il est dabord souhait une prise de position du Ministre de lEducation Nationale accordant la diffrence inhrente la situation de ces enfants un statut comparable celle des handicaps, des lves non francophones ou des jeunes dyslexiques. Cest dans cette perspective quil faut comprendre la dmarche dEurotalent qui a souhait porter au niveau dune instance internationale cette revendication premire : La lgislation devrait reconnatre et respecter les diffrences individuelles. Les enfants surdous, comme les autres

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    enfants, ont besoin de conditions denseignement adaptes qui leur permettent de dvelopper pleinement leurs possibilits ; (Recommandation 1248 du Conseil de lEurope paragraphe 5. i). A travers les associations, les parents se placent, avant tout, sur le terrain du droit pour exiger une ducation conforme ce quils estiment tre les besoins de leurs enfants.

    - Dune manire gnrale, ils souhaitent que ces besoins soient pris en charge dans le cadre de

    lcole publique. La plupart des associations affichent mme une certaine dfiance pour toute solution qui passerait par une scolarisation dans des tablissements privs, en particulier hors contrat. Plusieurs (dont Mensa) vont jusqu mettre en garde leurs membres sur les risques dinfiltration sectaire de certaines structures denseignement priv intresses par laccueil denfants surdous . Globalement, elles revendiquent une adaptation du rseau public plutt que la libert de crer des tablissements spcifiques extrieurs au systme commun. De mme, elle attendent que le service public prenne directement en charge un certain nombre de prestations quelles assurent (ou qui sont assures par le secteur priv) : coute des parents, examens psychologiques, stages de formation, recherche, information

    - Bien entendu, par del cette forte convergence, quelques diffrences apparaissent dune

    association lautre, voire lintrieur dune mme association. La position et le langage dune organisation telle que Mensa , du fait de sa vocation et de ses racines anglo-saxonnes, ne peuvent videmment pas tre les mmes que ceux dassociations plus proches de notre tradition scolaire comme, par exemple, lALREP. Il est toutefois difficile de dgager des conceptions vritablement divergentes : seuls, deux points semblent faire lobjet de propositions diffrentes : dune part, les modalits daccueil des lves intellectuellement prcoces (cration de classes spciales ? regroupement dans des classes accueillant par ailleurs des lves non prcoces? maintien dans des classes banales, mais avec une aide particulire ?) et, dautre part, la possibilit dacclration du parcours scolaire par saut de classe ou rduction de la dure dun ou plusieurs cycles. Sur ces deux questions sur lesquelles nous reviendrons, il ne semble pas se dgager un consensus autour de solutions prcises.

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    2-2 Que peut-on dire de ces lves ?

    Comme nous venons de le voir, les situations denfants intellectuellement prcoces recenses par les associations et les rares chercheurs qui, en France se sont intresss ce sujet, ne reprsentent quune trs faible proportion des 200 000 enfants de 6 16 ans possdant un quotient intellectuel suprieur 130 (daprs les chiffres que nous avons recueillis, un maximum de 10 000 enfants, soit 5%). La majorit chappe en effet toute observation parce quelle est constitue, soit dlves sans problme , dont, sans doute, une partie importante russit excellemment son parcours scolaire (et fournit un nombre significatif dlves des grandes coles, de chercheurs ), soit dlves appartenant des milieux sociaux dfavoriss ou des familles moins investies dans le suivi de la scolarit de leurs enfants. Dautre part, les cas dont nous avons connaissance sont caractriss par le fait que leur reprage rsulte gnralement de la dmarche volontaire dune famille vers un psychologue priv, vers un mdecin ou vers une association. Il sagit donc, dabord de parents qui ont t alerts par des symptmes particulirement inquitants ou, plus rarement, de familles trs prsentes dans laccompagnement de leur enfant, ayant une forte attente quant sa russite et, bien sr, sensibilises la problmatique des enfants prcoces. Par ailleurs, nous ne disposons, en France au moins, daucune tude portant sur un chantillon reprsentatif de lensemble de la population. A ce stade, il nous est, par exemple, impossible daffirmer quelle est la part des enfants intellectuellement prcoces qui rencontrent de vritables difficults (les chiffres annoncs par les associations varient de un deux tiers des lves concerns). Les travaux de Jean-Charles Terrassier ou de Jacques Bert, les recherches de mdecins ou de neuropsychologues, les observations des quipes enseignantes ayant accueilli ces enfants ( Bron, Rouen, au Vsinet, Nice ) permettent toutefois de prciser quelques traits communs lensemble des lves intellectuellement prcoces recenss. Il sagit dabord daptitudes, de caractristiques correspondant aux aspects de lintelligence valus travers le quotient intellectuel, recouvrant peut-tre ce que certains chercheurs identifient comme le facteur gnral de lintelligence. La mmoire ou la rapidit du traitement de linformation font sans doute partie de cet quipement gnral de lintelligence. On peut voquer les travaux de De Groot (1974) ou de Jean-Claude Grubar (1997) qui mettent en vidence que la mmoire de travail des enfants fort quotient intellectuel contient plus dinformations que la moyenne et que la dure de stockage de ces informations y est plus longue. De mme, la plupart des observations mettent en avant des particularits que lon peut associer ce potentiel intellectuel gnral : la curiosit, laisance dans la communication orale, la richesse du vocabulaire, la capacit de sapproprier des connaissances par ses propres moyens Mais, ce qui permet de rapprocher les situations qui nous sont rapportes, cest avant tout le constat de difficults significatives dans le droulement des parcours scolaires. Il sagit dlves qui ont manifest, un moment donn, soit des troubles comportementaux importants, soit des difficults spcifiques dans les apprentissages scolaires, soit, plus globalement, un malaise, un mal-tre , un sentiment dennui qui a pu les conduire un vritable rejet de lcole. Et ce sont ces manifestations, souvent associes un sentiment dincomprhension de la part de lcole, qui conduisent les familles consulter un psychologue priv qui leur rvle la prcocit intellectuelle de leur enfant. Ce scnario [difficults - rejet plus ou moins fort de la situation scolaire absence dexplication et de solution lintrieur de lcole consultation dun psychologue rvlation dun quotient intellectuel lev ] est reproduit de manire redondante dans tous les crits que nous avons pu rassembler. On peut citer un exemple pris au hasard, le cas dun lve cit par lquipe du collge de Bron, dans lacadmie de Lyon : B lve de 4e g de 14 ans connat un parcours scolaire difficile. Il a chang plusieurs fois dtablissement suite des problmes relationnels avec des adultes. Ses professeurs reprochent B son manque dattention en classe, son absence de travail. B na jamais tout son matriel, il se trompe souvent demploi du temps. Ses cahiers sont pratiquement vides. Il rend rarement ses devoirs. Son criture est pratiquement indchiffrable. Ce comportement dconcerte ses camarades et ses professeurs. B est souvent rejet, il en souffre : venir lcole lui demande un effort considrable. Les parents inquiets sur ses capacits dcident de consulter un psychologue qui lui fait passer un test de mesure du quotient intellectuel (WISC 3). Il savre alors que le QI de B est largement suprieur la moyenne. . Il faut prciser que les tmoignages de ce type, trs frquents, concernent principalement des cas rvls pendant la scolarit obligatoire, en lmentaire et surtout au collge alors que les signalements sont beaucoup plus rares en maternelle (le passage anticip au CP apporte peut-tre une rponse aux problmes reprs cette tape) et que nous nen avons pratiquement pas relev au niveau du lyce. Pour mieux prcis er la situation de ces enfants, il faut considrer quils sont susceptibles de rencontrer trois types de difficults :

    - des difficults lies lcart entre les aptitudes fortes que rvlent ces enfants dans

    certains champs dactivit intellectuelle et leur moindre aisance, voire leurs manques, dans dautres domaines. La plupart dentre eux ont, en effet, en commun un dsquilibre entre les potentialits suprieures la moyenne dont rend compte le quotient intellectuel et qui se manifestent dans diverses situations (impliquant, par exemple, la richesse du vocabulaire, la lecture, la langue orale, la mmoire ) et des insuffisances marques dont les plus souvent

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    cites concernent lcriture, la prsentation des devoirs et des cahiers, les savoir-faire pratiques, la capacit entrer en relation et cooprer avec lautre, lorganisation du travail, la matrise des gestes et des motions, les activits physiques Sil nest pas question de sengager dans les discussions que peut soulever lexplication de ce dsquilibre (quil soit leffet dune dyssynchronie entre la prcocit intellectuelle et la maturation affective ou psychomotrice comme lavance Jean-Charles Terrassier ou dune dgradation des fonctions non exerces comme le suppose Laurence Vaivre-Douret) et sil est encore moins possible den tirer une conclusion gnrale sur un profil des enfants intellectuellement prcoces, il convient toutefois de reconnatre ce trait comme une constante des cas qui nous sont prsents en chec dans le systme ducatif. On peut sans doute supposer que les situations les plus critiques sont celles o ce dsquilibre, ou cette dysharmonie, est le plus marqu et o il conduit ces enfants surinvestir les domaines dans lesquels ils se sentent leur aise, essentiellement ceux qui mettent en jeu ce que lon peut appeler lintelligence gnrale et dsinvestir ceux qui engagent des savoir-faire sociaux, des habilets motrices

    - une difficult centrale : lincapacit (ou la faible capacit) sadapter aux situations

    scolaires avec ses consquences (isolement, ennui, rverie, agitation, refus de lcole.) : cette difficults ne doit pas tre prsente, dune manire trop simpliste, comme ayant pour seule cause linsatisfaction du besoin de connaissances prouv par ces enfants, insatisfaction engendrant lennui . Les cas qui nous sont rapports rvlent un tableau plus complexe :

    Ce sont effectivement des enfants qui nont, en gnral, quun faible intrt pour une

    partie des activits qui leur sont proposes, soit parce quelles portent sur des comptences ou des connaissances quils ont dj acquises et, donc, parce quelles ne rpondent pas leur besoin, ou envie, dapprentissage, soit parce quelles se situent dans des domaines o ils prouvent de relles difficults et quils ont dsinvestis (criture, ducation physique, orthographe ).

    Ils ont aussi du mal se plier aux contraintes inhrentes la situation scolaire, par

    exemple dans sa dimension collective ( attendre les autres , travailler avec les autres ). De mme, ils nacceptent pas facilement la ncessit dadopter une mthode, danalyser les donnes dun problme, de passer par un certain nombre dtapes pour atteindre une solution (ils prfrent sauter directement au rsultat). Ils ont lhabitude dune dmarche intellectuelle personnelle, libre, solitaire. Ils vont vers certaines connaissances par plaisir. Ils ne voient pas lintrt de se plier aux ralits dune situation dapprentissage impose par lcole pour construire un savoir quils ont limpression davoir dj dcouvert ou qui ne les attire pas.

    Il est vident que ce retrait, ce dfaut dinvestissement dans les activits scolaires

    conduit invitablement ces lves des rsultats dcevants. Leur travail, y compris dans des disciplines o ils devraient russir, fait lobjet dapprciations ngatives. Quils ragissent par un sentiment dinjustice et de refus ou quils finissent par accepter cette image de mauvais lve que leur renvoie le regard des autres, ils sont amens dsinvestir encore davantage le champ scolaire et entrer dans une spirale dchec

    Comme il sagit souvent dlves solitaires et mal intgrs dans le groupe-classe, il

    est certain que cette situation peut provoquer une grande souffrance. Mme si les ractions varient considrablement dun individu lautre (du repli et de linhibition jusqu lagitation extrme), la prsence de troubles du comportement est lun des lments les plus frquents des descriptions qui nous t faites par les enseignants, les parents ou les associations ... Plusieurs enseignants entendus par le groupe de travail nous ont fait part de cas denfants impossibles matriser, incapables de rester assis et totalement indisciplins. Lapproche de psychiatres tels quAlain Gauvrit qui conduisit une tude de 145 enfants surdous admis en internat psycho-pdagogique pour difficults scolaires et/ou troubles de la personnalit (thse de mdecine prsente lUniversit de Bordeaux II en 1984) doit tre prise en considration. On peut citer quelques lignes de la communication ralise par celui-ci dans le cadre du colloque de lANPEIP-Aquitaine en 1998 : Mais revenons aux enfants surintelligents. Peut-on parler de libert (puisque cest de cela quil sagit) lorsquils se trouvent rduits choisir entre deux souffrances ? Ou bien faire pnitence et purger leur peine (au sens affectif du terme) perptuit, en renonant

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    leurs potentialits et en dveloppant un sentiment de frustration. Ou bien tenter de svader, de fuir dans la solitude, la psychose ou le suicide, de se dsolidariser de leur milieu, et de payer leur pseudo-libert au prix de la marginalisation et de la culpabilit. Sadapter ou tre exclu ?

    Il est cependant vident que cette inadaptation peut prendre une intensit et une forme tout fait diffrentes dun enfant lautre en fonction de sa personnalit mais aussi des contextes scolaires (et autres) dans lesquels il volue. Lattitude de lenseignant et des parents, leurs relations, les choix pdagogiques et le type dcole ou dtablissement ont une influence dterminante.

    - des difficults personnelles sans lien direct (au moins apparent) avec les potentialits

    repres travers le quotient intellectuel. Il faut enfin rappeler que ces enfants sont, comme les autres, engags dans une histoire affective et sociale. Ils peuvent avoir, comme les autres, des maladies ou des handicaps. Ce qui importe, ce nest pas de chercher une cause principale leur souffrance (lcole, la famille, la particularit physique ou le QI), mais de prendre en charge un tre complexe et unique qui rencontre des difficults et qui, parmi ses particularits, a t repr comme ayant un QI lev

    Sil peut tre tentant dtablir un profil commun lensemble des lves intellectuellement prcoces en difficult , il est important de rappeler la trs grande diversit de ces lves. Une enseignante interroge par notre groupe de travail avait affirm que ces lves lui paraissaient encore plus diffrents que les autres lves . Dans le mme sens, Jacques Bert relve parmi les traits les plus frquemment signals le fait davoir une forte personnalit (remarqu pour 85% dentre eux et seulement pour 35% des lves dans un chantillon alatoire). Il faut galement observer que beaucoup de particularits communment cites ne concernent quune partie dentre eux : toujours daprs Jacques Bert, seulement 50 % auraient t considrs comme ayant une mauvaise criture ; linverse, les aptitudes physiques de 36% dentre eux seraient estimes bonnes ; et si 49% apparaissent comme trs actifs , 30% sont jugs apathiques De mme, il faut prendre en compte le caractre extrmement rducteur du QI qui rsulte dune moyenne des rsultats de douze subtests mettant en jeu des aptitudes diffrentes. Une analyse fine de la distribution des rsultats met en vidence des profils trs varis et parfois trs dysharmonieux (par exemple entre la composante verbale et la composante performance ). A titre de conclusion provisoire, on peut dire que lexamen de la situation de ces lves rvle quatre besoins :

    1. Un besoin de reconnaissance : il nest pas acceptable que des lves, quels quils soient, dots de potentialits, mais aussi manifestant des lacunes et des insuffisances, soient conduits une situation dchec et de souffrance. Cela suppose dabord de porter sur eux (comme sur tous les lves un peu plus diffrents que les autres ) un regard bienveillant et comprhensif. Ceci impose, en amont, un reprage prcoce et une analyse juste de leur situation, si complexe soit-elle.

    2. Un besoin de prvention, de remdiation et, parfois, de soin : les

    manques, les dsquilibres que rvlent beaucoup dentre eux doivent tre traits ou, mieux, prvenus. Les problmes psychomoteurs et comportementaux constats, les difficults pouvant aller jusqu la dyspraxie ou la dyslexie ncessitent des interventions spcialises lintrieur et/ou lextrieur de lcole.

    3. Un besoin de motivation : il faut quils puissent trouver en classe des

    rponses aux questions quils posent, des connaissances quils attendent sur des sujets qui les intressent, mais aussi une aide et des stimulations pour engager des apprentissages qui leur sont ncessaires et dont ils ne peroivent pas toujours limportance et lintrt. Il convient quil soient heureux daller lcole, la fois pour aller plus loin dans les voies auxquelles ils aspirent et, galement, pour sengager sur des itinraires quils ne devinent pas.

    4. Un besoin dquilibre : lcole doit aussi compenser leur tendance

    surinvestir les domaines intellectuels (et en particulier ceux qui sont les plus loigns des contraintes de la vie quotidienne). Pas pas, ils doivent tre accompagns dans leur ducation sociale, physique, affective, morale. Ils ont

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    aller vers les autres, apprendre travailler avec eux, dcouvrir limportance de la vie corporelle, constater la ncessit des savoir-faire pratiques et limportance de lintelligence du geste, passer par le dtour des mthodes et de lorganisation pour tre plus efficaces, se montrer capables de bien dessiner, de remettre aux autres des travaux propres et bien prsents

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    Des rponses ltranger et en France 3-1 La situation dans les autres pays. Pour examiner la manire dont les autres pays prennent en compte la situation particulire des enfants intellectuellement prcoces, nous nous sommes appuys sur trois sources :

    - avant tout, le rapport ralis par Pierre Vrignaud et Didier Bonora (joint en annexe), - le recensement labor par Jacques Bert (Etude compare des systmes ducatifs : Les mesures

    prises en faveur des enfants de QI lev dans le monde janvier 2001), - la consultation dinternet (sites de ministres trangers, dassociations, duniversits,

    dorganisations internationales ). Bien entendu, la position de chaque pays est profondment inflchie par ses particularits politiques, sociales, conomiques ou culturelles, par ltat de son systme ducatif et par le degr de dcentralisation de celui-ci, ou encore par la part laisse linitiative prive. Il est difficile de comparer les rponses apportes au problme de la prcocit dans des contextes aussi divers que les Etats-Unis, lAfrique centrale ou les pays issus de lancienne URSS. Par ailleurs, cette prsentation ne peut que reflter imparfaitement les positions des diffrents pays qui voluent rapidement en fonction des changements politiques. Dune manire gnrale, il convient de distinguer la position officielle des Etats et les dmarches mises en uvre dans un pays, quelles quen soient les origines. On peut rpartir les pays en quatre catgories correspondant quatre niveaux dengagement dans la prise en charge des lves intellectuellement prcoces :

    1) des pays o est affiche une attitude trs volontariste lgard des surdous : les Etats-Unis, le Canada, Isral et Tawan :

    Les Etats-Unis : il sagit sans doute du pays dans lequel existe la plus ancienne

    tradition de prise en compte des enfants prcoces, surdous et talentueux (gifted and talented). Comme nous lavons vu, cette proccupation a engendr une abondante littrature (scientifique ou non) et a souvent t anime par le souci de la slection et de la formation des lites.

    . Depuis les annes 50 et le National Defense Educational Act, les prises de position politiques et lengagement de ladministration fdrale ont t rguliers (avec toutefois quelques variations selon les priodes) : rapport du snateur Marland en 1972, puis cration dune agence fdrale (Office of the Gifted and Talented devenu le Council for Exceptional Children en 1981), vote par le Congrs du Javits Gifted and Talented Students Education Act lorigine dun programme dvelopp partir de la fin des annes 80, rapport Riley en 1993 Cet engagement fdral sest en particulier traduit par un effort dimpulsion et de coordination, et bien sr par le financement de recherches et de bourses accordes aux tablissements ou aux collectivits. . En revanche, on observe des diffrences considrables dun Etat lautre, tant pour la population prise en charge que pour le type dactions mises en uvre. Par exemple, le pourcentage dlves concerns par les programmes pour surdous peut varier de 2 ou 3% jusqu plus de 10% dans certains Etats. Dans certains cas, existe une slection partir du QI (en gnral 130), dans dautres, un reprage daprs des critres plus scolaires. Coexistent des coles prives hautement slectives recrutant tous leurs lves sur tests, des programmes spciaux ouverts aux lves surdous en difficult (mais ces actions ne toucheraient quun Etat sur cinq), des programmes de renforcement pour dexcellents littraires ou dexcellents mathmaticiens, des tablissements ouverts lt pour les surdous ( Governors schools ), des bourses pour trs bons lves Derrire cette multiplicit des dispositifs et de leur rpartition territoriale, on peut percevoir la diversit des choix politiques de chaque Etat et sans doute un sujet de dbat lintrieur de la socit amricaine. . Quant aux modalits de scolarisation de ces enfants et adolescents, si variables soient-elles, elles privilgient lide denrichissement des contenus . Majoritairement, il sagit dapporter des complments et des approfondissements

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    aux programmes communs plutt que dacclrer les cursus (apporter plus plutt que daller plus vite). . Comme dans beaucoup dautres pays, le dbat sur les enfants surdous semble tre revenu au premier plan, ces dernires annes. Les associations, et principalement la National Association for Gifted Children, y jouent un rle non ngligeable en faisant pression pour laugmentation des crdits fdraux attribus aux programmes en faveur de ces enfants. Ces quelques lignes tires dun article dEllen Winner, professeur de psychologie Boston, bien que dj anciennes, illustrent bien certains aspects de ce dbat : Nous sommes confronts un choix. Nous pouvons choisir de procder des amnagements dans nos coles pour les enfants ayant des capacits intellectuelles modres. Nous pouvons aussi choisir de procder des ajustements ducatifs pour les enfants ayant des capacits intellectuelles leves. Nous avons gnralement opt pour la premire solution. Nous avons ainsi t conduits disperser nos maigres ressources et nous avons d renoncer prendre en compte les besoins des lves les plus loigns de la moyenne. Si nous optons pour la seconde solution, nous pouvons nous concentrer sur ceux qui ont le plus besoin dun enseignement renforc. Choisir cette deuxime solution ne doit pas pour autant signifier que lon sacrifie les besoins des enfants moyennement dous. En effet, si nous levions le niveau, les enfants moyennement dous pourraient en retirer une stimulation bnfique. (The Miseducation of Our Gifted Children Education Week 16 octobre 1996).

    Le Canada : si la situation canadienne peut tre globalement rapproche de celle des Etats-Unis (mais dans une perspective trs diffrente), il convient de distinguer la partie anglophone o lengagement des Etats est tout fait significatif et la position particulire du Qubec.

    . Lexemple de lOntario est intressant : la question des surdous y est pose dans le cadre de laction globale en faveur des lves en difficult. La douance est considre comme lune des 11 anomalies potentielles que peut manifester un enfant (au mme titre que les troubles de la parole ou du langage , le handicap du dveloppement ou la difficult dapprentissage ). Elle est prise en compte dans le cadre des plans denseignement individualiss : En 1998, lOntario a commenc exiger llaboration dun plan denseignement individualis (PEI) pour chaque enfant identifi comme lve en difficult . Le PEI dcrit les forces et les besoins dune ou dun lve particulier. Il nonce les programmes et les services qui lui seront offerts. Le PEI doit aussi indiquer les attentes dapprentissage propres llves pour lanne en cours (Ministre de lEducation de lOntario 27 janvier 2000). Cette stratgie sinscrit dans une logique plus large de financement ax sur les besoins des lves . . Au Qubec, le problme des enfants surdous a souvent t pos dans le cadre du dbat suscit par la concurrence entre lenseignement priv et lenseignement public : partir de 1987, des mesures ont t prises pour viter la fuite des bons lves vers les tablissements privs. Des programmes spciaux ont t mis en place ; des coles vocation particulire ont t cres parmi lesquelles des coles de douance . Cette politique, fortement conteste, sest interrompue mme si demeurent des coles et des cursus orientation particulire (arts, langues, sports). Il ny a pas actuellement de dispositif spcifique prenant en compte les lves intellectuellement prcoces. Il existe toutefois la possibilit lgale dune entre anticipe lcole primaire. Enfin, plusieurs universits ont des modules de formation sur lenfant dou ou douance et talent .

    Isral : cest sans doute le seul pays o a t mis en place un dpistage systmatique des

    forts quotients intellectuels et une slection des lves les plus dous. Les tests organiss vers lge de 7 ans conduisent offrir aux enfants obtenant les meilleurs rsultats, soit des activits denrichissement lintrieur ou hors du temps scolaire, soit une scolarisation dans des coles spciales. Cette prise en charge concernerait 1% des enfants de 8 13 ans. Lintrt pour les enfants intellectuellement prcoces se retrouve dans les travaux de la recherche universitaire (par exemple, Avner Ziv, professeur de psychologie luniversit de Tel-Aviv).

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    Tawan : tout comme pour Isral, la situation gopolitique de Tawan peut expliquer la forte volont de cet tat de slectionner et de regrouper les lves bnficiant des plus hauts potentiels dans des tablissements spcialiss.

    2) des pays prenant en compte officiellement la situation de ces lves mais sans que soit labor un programme systmatique leur sujet : lintrieur de cette catgorie, nombreuse, on pourrait dlimiter quatre ensembles :

    plusieurs pays anglophones tels que la Grande-Bretagne, lAfrique du Sud ou

    lAustralie : dans ces pays, on relve un fort investissement universitaire, une politique nationale relativement incitative (enqutes, recommandations ) et une marge dinitiative laisse aux tablissements.

    des pays de lEurope de louest : lAllemagne, les Pays-Bas et lEspagne. Aux Pays-

    Bas, on soulignera le dveloppement de recherches (en particulier Nimgue autour de Mnks) qui ont permis diverses exprimentations. En Allemagne, o lon peut relever galement le dynamisme de certaines quipes de chercheurs (Heller Munich ou Hany Erfurt), le ministre fdral a manifest sa proccupation par un effort dinformation (par exemple, dition dune brochure destine aux enseignants). La situation est cependant trs diverse en raison de la responsabilit des Lnder. Un intressant rapport, ralis en 2001 par trois universitaires allemands (Heinz Holling, Miriam Vock et Franzis Preckel) la demande dune commission fdrale, montre lengagement fort de certains Lnder autour de ce thme. Huit axes daction sont voqus : lentre prcoce lcole ; le saut dune tape du cursus ; les classes spciales acclres ; lenrichissement ; la diffrenciation (avec regroupement dans la classe ou hors de la classe) ; la formation des enseignants ; lducation prscolaire ; la prise en compte des besoins spcifiques des filles surdoues. Enfin, il faut souligner lintrt que la question des surdous semble soulever en Espagne comme en tmoigne la tenue de la 14e confrence mondiale du World Council for Gifted and Talented Children Barcelone, avec lappui du ministre espagnol de lducation ainsi que de ladministration de la Catalogne. LEspagne a adopt diverses dispositions rglementaires en faveur des lves surdous (alumnos superdotados) partir du Dcret royal 696/1995 du 28 avril 1995 sur les lves ayant des besoins ducatifs spciaux (alumnos con necesidades especiales). Par exemple, a t tablie la possibilit dune acclration de deux annes sur lensemble de la scolarit (un an en primaire et un an dans le second degr).

    quelques pays asiatiques comme Singapour et la Core du Sud dont la situation

    serait rapprocher, mais avec un engagement moindre, de celle de Tawan. On peut toutefois remarquer que la Rpublique Populaire de Chine manifeste depuis quelques annes une volont de reprer les enfants fort potentiel et de mettre en place, leur intention, des modalits de scolarisation particulires.

    la Russie et certains pays dEurope de lEst : les systmes ducatifs de ces pays

    avaient une tradition de recherche et de formation des jeunes talents dans des domaines tels que les arts et le sport. Par ailleurs, il faut rappeler lexprience qui avait conduit, dans lURSS des annes 60, regrouper des jeunes au quotient intellectuel lev Akademgorod afin den faire des scientifiques de haut niveau. Cette dmarche, en raison de labsence de rsultats, avait t interrompue. Depuis le dbut des annes 90, on note une nouvelle volont de dvelopper les potentialits intellectuelles des enfants prcoces (avec, pour certains, le souci de compenser ou denrayer la fuite des intelligences vers les pays occidentaux).

    3) des pays o il existe des expriences et un intrt pour la question, mais sans prise de position

    explicite : la France et lensemble de la Francophonie, lAmrique latine, lAfrique En laissant de ct la situation franaise, on peut dire que ce qui runit ces pays est quil peut y exister des initiatives locales, des proccupations universitaires, des prises de parole dassociations ou de personnalits mais pas de positions officielles. Bien entendu, si on ne relve pas dengagement public sur la question de la prcocit et des lves fort potentiel intellectuel, on observe chez plusieurs responsables des systmes ducatifs concerns (en particulier parmi les pays africains) le souci de la slection des meilleurs tudiants et de la formation des lites. Enfin, la situation de la Suisse est lune des plus htrognes :

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    certains cantons ayant dcid des mesures en faveur des lves surdous (Canton de Vaud, par exemple), alors que dautres nont pris aucune initiative (Le Tessin ).

    4) des pays apparemment opposs toute mesure : on peut citer certains pays scandinaves, sans doute

    par refus dtablir une discrimination entre les lves (mais le classement gagnerait tre nuanc par un examen plus fin de la position de chaque Etat), et le Japon dont le systme de slection est dabord fond sur le travail et les rsultats.

    Cet inventaire, trs rapide, met en vidence la diversit des choix accomplis dun pays lautre. Cette diversit tient plus aux objectifs poursuivis et, plus largement, aux finalits des systmes ducatifs quaux mthodes et aux moyens mis en uvre. Dune manire un peu rductrice, on peut relever quatre considrations qui inflchissent la prise en compte de la prcocit et du surdouement dans les politiques ducatives :

    a) le souci de reprer et de dve lopper le potentiel, les gisements intellectuels que constituent les enfants prcoces, talentueux ou dous pour former les chercheurs, les ingnieurs, les dirigeants dont les pays concerns ont besoin : cette position traditionnelle aux Etats-Unis a t adopte, implicitement ou explicitement, par des pays pour lesquels la formation des cadres et la recherche des cerveaux ont une importance stratgique, engageant parfois mme leur survie (Isral, Tawan, certains pays de lest europen ). Ce souci du renouvellement des lites dpasse, bien entendu, la seule question du reprage des forts quotients intellectuels.

    b) la conviction quil faut permettre chaque personne de dvelopper ses aptitudes et

    ses potentialits particulires : lducation doit favoriser lpanouissement des talents (exceptionnels ou non) de chacun. Cette conception, plus centre sur lindividu que sur lintrt collectif, semble caractristique, par exemple, de lapproche anglaise de la question du don et de la prcocit. Il faut toutefois remarquer que le dveloppement des possibilits et de la personnalit de chaque enfant est repris dans les objectifs de nombreux systmes ducatifs (dont le systme franais).

    c) une raction face aux difficults particulires de certains lves surdous qui se

    retrouvent en chec lcole : il sagit dabord dapporter une rponse une situation douloureuse, un manque, un dficit et de traiter la prcocit dans le mme cadre que la dyslexie ou les handicaps. Cest cette raction qui amne lOntario faire entrer la douance dans la liste des anomalies que lcole doit prendre en compte et la situer dans le champ de lducation spciale. Comme nous lavons vu, la prise de conscience des difficults rencontres par les jeunes prcoces est aussi le point de dpart des demandes et des revendications des familles et des associations qui les rassemblent en France comme dans plusieurs pays.

    d) la volont de ne pas rompre lgalit des chances face lcole et donc de ne pas tablir

    une discrimination au bnfice de certains lves : le respect de ce principe fondateur de beaucoup de systmes scolaires modernes conduit viter la cration de filires et dtablissements spcifiques pour les lves disposant daptitudes particulires. Si cette proccupation peut inciter certains pays scandinaves refuser toute disposition en faveur des lves intellectuellement prcoces, elle suscite dans dautres pays la recherche de solutions intgratives susceptibles de prvenir toute forme de discrimination scolaire.

    Dans beaucoup de pays (la majorit ?), ces quatre proccupations coexistent, parfois concilies dans une mme politique ducative, parfois opposes dans le cadre dun dbat public ou dans la diversit des choix accomplis dans un cadre fdral (Etats-Unis, Canada, Suisse ). Une typologie des stratgies mises en uvre pourrait tre tablie en fonction de la part prise par chacune de ces quatre orientations. 3-2 La position des organisations internationales. Certaines grandes institutions internationales ont dfini des positions officielles, engageant leurs Etats membres, qui sont de nature inflchir les mesures prises dans chaque pays.

    - Il faut dabord rappeler la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de lenseignement , adopte par lUNESCO, signe le 15 dcembre 1960 et reprise,

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    en France, dans le Dcret n 61-1202 du 31 octobre 1961. Son 1er article, par exemple, stipule que Aux fins de la prsente convention, le terme discrimination comprend toute distinction, exclusion, limitation ou prfrence qui, fonde sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, lopinion politique ou toute autre opinion, lorigine nationale ou sociale, la condition conomique ou la naissance, a pour objet ou pour effet de dtruire ou daltrer lgalit de traitement en matire denseignement et notamment :

    a) Dcarter une personne ou un groupe de laccs aux divers types ou degrs denseignement ;

    b) De limiter un niveau infrieur lducation dune personne ou dun groupe ; c) Sous rserve de ce qui est dit larticle 2 de la prsente convention, dinstituer ou de

    maintenir des systmes ou des tablissements denseignement spars pour des personnes ou des groupes

    Cette convention pourrait sans doute tre invoque face des dispositions qui instaureraient un dispositif de slection systmatique sur la base dune valuation prcoce des quotients intellectuels

    - Dans un autre sens, on peut voquer larticle 5 de la Convention relative aux droits des enfants adopte le 20 novembre 1989 par lAssemble Gnrale des Nations Unies : Jai droit une ducation visant

    - favoriser lpanouissement de ma personnalit, le dveloppement de mes dons et de mes aptitudes mentales et physiques.

    - Il faut aussi citer la Dclaration de Salamanque (Confrence mondiale sur lducation et les

    besoins ducatifs spciaux organise par lUNESCO en juin 1994 et engageant 92 gouvernements). Si ce texte est destin affirmer le droit lducation des jeunes handicaps, il constitue un cadre susceptible dclairer les modalits de prise en charge de toutes les diffrences, par exemple travers son article 2 : Nous sommes convaincus et nous proclamons que : lducation est un droit fondamental de chaque enfant qui doit avoir la possibilit dacqurir et de conserver un niveau de connaissances acceptable, chaque enfant a des caractristiques, des intrts, des aptitudes et des besoins dapprentissage qui lui sont propres, les systmes ducatifs doivent tre conus et les programmes appliqus de manire tenir compte de cette grande diversit de caractristiques et de besoins, les personnes ayant des besoins ducatifs spciaux doivent accder aux coles ordinaires, qui doivent les intgrer dans un systme pdagogique centr sur lenfant, capable de rpondre ces besoins, les coles ordinaires ayant cette orientation intgratrice constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en crant des communauts accueillantes, en difiant une socit intgratrice et en atteignant lobjectif de lducation pour tous ; en outre, elles assurent efficacement lducation de la majorit des enfants et accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilit du systme ducatif tout entier. On peut ajouter quelques lignes du Cadre dAction qui accompagne cette dclaration (introduction 3me paragraphe) : Lide principale qui guide ce Cadre dAction est que lcole devrait accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs caractristiques particulires dordre physique, intellectuel, social, affectif, linguistique ou autre. Elle devrait recevoir aussi bien les enfants handicaps que les surdous, les enfants des rues et ceux qui travaillent, les enfants des populations isoles ou nomades, ceux des minorits linguistiques, ethniques ou culturelles ainsi que les enfants dautres groupes dfavoriss ou marginaliss. Dans lesprit de la dclaration de Salamanque, lUNESCO a dit, en 1998, un ouvrage ralis par deux universitaires, Catherine Clark (Universit de Newcastle) et Bruce M.Shore (Mac Gill University de Montral) : Educating Students with High Ability. Ce travail tente de montrer comment peuvent tre pris en compte, parmi les besoins ducatifs spciaux, les besoins des lves haut potentiel.

    - Enfin, la recommandation 1248, adopte le 7 octobre 1994 par le Conseil de lEurope la

    suite de linitiative de lorganisation non gouvernementale Eurotalent, constitue le premier texte engageant, travers une instance internationale, un nombre significatif dEtats et reconnaissant les besoins spcifiques des enfants surdous . Il est intressant de citer quelques extraits de ce document (joint en annexe) :

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    2. Si, pour des raisons pratiques, il faut des systmes denseignement qui assurent une ducation satisfaisante la majorit des enfants, il y aura toujours des enfants avec des besoins particuliers pour lesquels des dispositions spciales devront tre prises. Les enfants surdous figurent parmi ceux-l. 3. Les enfants surdous devraient pouvoir bnficier de conditions denseignement appropries leur permettant de mettre pleinement en valeur leurs possibilits dans leur propre intrt et dans celui de la socit [] 4. Lapport dune ducation spciale ne devrait toutefois en aucune faon privilgier un groupe denfants au dtriment des autres. [] 5. iv. Les dispositions en faveur des enfants surdous dans une matire donne doivent, de prfrence, tre mises en place au sein du systme scolaire normal, partir du niveau prscolaire. Les programmes souples, laccroissement des possibilits de mobilit, le matriel supplmentaire denrichissement, les auxiliaires audiovisuels et un style denseignement adapt la pdagogie de projet sont des moyens et des techniques permettant de favoriser le dveloppement de tous les enfants, quils soient surdous ou non, et didentifier les besoins spciaux le plus tt possible ; v. on devrait rendre le systme scolaire normal suffisamment souple pour permettre de rpondre aux besoins de ceux qui obtiennent des rsultats exceptionnels ou des lves talentueux ; vi. toute disposition spciale en faveur des lves surdous ou talentueux devrait tre prise avec discernement, pour viter le risque inhrent dtiqueter les lves, avec toutes les consquences ngatives que cela comporte pour la socit.

    Nous retiendrons des prises de position des organisations internationales trois ides centrales :

    1) Les besoins particuliers de tous les enfants doivent tre reconnus et pris

    en compte par tous les systmes ducatifs. Parmi ces besoins particuliers figurent ceux des enfants surdous ou talentueux.

    2) La reconnaissance de besoins spcifiques ne doit, en aucun cas,

    conduire tablir une discrimination ou privilgier une catgorie dlves par rapport une autre.

    3) Dans la prise en compte des besoins particuliers, il convient, chaque fois

    que possible, de prfrer les solutions qui peuvent tre apportes dans lcole ordinaire et lintgration, dans cette cole, de toutes les diffrences.

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    3-3 La situation en France.

    3-3-1 Le cadre institutionnel

    Il faut dabord rappeler quaucun texte officiel en vigueur ne fait rfrence, explicitement, aux lves surdous , intellectuellement prcoces ou haut potentiel .

    En revanche, lensemble des dispositions qui fondent notre systme ducatif, constitue un cadre gnral dans lequel peuvent tre labores des rponses adaptes la situation particulire de ces lves. La Loi dorientation du 10 juillet 1989 pose en principe que Le droit lducation est garanti chacun afin de lui permettre de dvelopper sa personnalit, dlever son niveau de formation initiale et continue, de sinsrer dans la vie sociale et professionnelle, dexercer sa citoyennet. et affirme que Le service public de lducation est conu et organis en fonction des lves et des tudiants . Dans le prolongement de ces principes, chaque tape du parcours scolaire est organise de manire prendre en compte les besoins des lves et leur permettre de dvelopper leurs possibilits :

    - En maternelle dabord : Lobjectif gnral de lcole maternelle est de dvelopper toutes les possibilits de lenfant , afin de lui permettre de former sa personnalit et de lui donner les meilleures chances de russir lcole lmentaire et dans la vie en le prparant aux apprentissages ultrieurs. Lcole maternelle permet aux jeunes enfants de dvelopper la pratique du langage et dpanouir leur personnalit naissante par lveil esthtique, la conscience de leur corps, lacquisition dhabilets et lapprentissage de la vie en commun. Elle participe aussi au dpistage des difficults sensorielles, motrices ou intellectuelles et favorise leur traitement prcoce. (Dcret n90-788 du 6 septembre 1990). Tous nont pas la mme maturit ni le mme rythme dacquisition : il ne faut ni mettre les enfants en difficult par des apprentissages prmaturs, ni freiner leur dsir dapprendre, mais prendre en compte lvolution de chacun pour exploiter pleinement ses possibilits. (Annexe de lArrt du 22 fvrier 1995 fixant les programmes de lcole primaire).

    - A lcole lmentaire ensuite : Lcole lmentaire apporte llve les lments et les

    instruments fondamentaux du savoir : expression orale et crite, lecture, mathmatiques. Elle lui permet dexercer et de dvelopper son intelligence, sa sensibilit, ses aptitudes manuelles, physiques et artistiques. Lcole permet llve dtendre sa conscience du temps, de lespace, des objets du monde moderne et de son propre corps. Elle permet lacquisition progressive de savoirs mthodologiques et prpare llve suivre dans de bonnes conditions la scolarit du collge. (Dcret n90-788 du 6 septembre 1990).

    - Pour ce qui concerne le collge, les textes rglementaires expriment cette volont constante

    daccueillir des lves divers dans un collge conu pour tous. Ainsi larticle 5 du dcret 96-465 du 20 mai 1996 indique : Le collge offre des rponses appropries la diversit des lves, leurs besoins et leurs intrts. Ces principes sont renforcs par les Orientations sur lavenir du collge du 5 avril 2001 : Notre ambition est de btir un collge pour tous qui soit en mme temps un collge pour chacun. Le collge rpublicain doit la fois donner aux jeunes de ce pays une formation de haut niveau et, pour y parvenir, reconnatre pleinement la diversit de leurs projets, de leurs gots et de leurs talents. et par la circulaire 2001-105 du 8 juin 2001 en vue de la prparation de la rentre 2001 dans les collges : Ces orientations ont rappel la fonction de creuset social du collge rpublicain qui doit tre anim dune triple ambition pdagogique :

    - concilier lunit des exigences et la pluralit des parcours[] ; - apporter une rponse plus efficace la russite et aux difficults des lves[] ; - prendre en compte dans lorganisation des enseignements les proccupations

    lies au dveloppement de llve dans sa globalit, ce moment trs particulier de construction de sa personnalit et de son affectivit.

    - Il nest sans doute pas ncessaire dvoquer de manire dtaille les dispositions qui fondent la

    scolarit en lyce : les choix offerts llve, chaque niveau, doivent lui permettre de construire un itinraire, un projet conforme, la fois ses objectifs, ses gots, ses aptitudes et ses talents . Les filires et les spcialits offertes, les enseignements de dtermination, lensemble des dispositifs optionnels, les travaux personnels encadrs , mais

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    aussi la prsence de laide individualise constituent un cadre particulirement favorable pour rpondre la situation particulire des jeunes fort potentiel .

    Pour favoriser ladaptation des enseignements aux besoins des lves, la scolarit est organise en cycles : Pour assurer lgalit et la russite des lves, lenseignement est adapt leur diversit par une continuit ducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarit . Cette disposition de la Loi du 10 juillet 1989 est complte dans le rapport annex lors de sa publication : La notion de cycle dapprentissage et une bonne articulation de ces cycles entre eux permettent de mieux tenir compte de lvolution psychologique et physiologique de chaque enfant et de cha