la réponse du spécialiste

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La , reponse du specialiste QUESTION Que/s sont les examens ccmpiementeires qu'jJ taut demander devant une angine? Faut-i/ en faire systematiquement ? Faut-i/ traiter toutes les angines par des antibiotiques? REPONSE Cela depend avant tout du type de I'angine : A- Lorsqu'on est en presence d'une angine erythemato-pultacee douloureuse, febrile, avec des adenopathies jugulo-carotidiennes sensibles, ll y a de tres fortes probabllltes pour qu'j( s'agisse d'une angine streptococcique . On peut s'aider alors d'examens complernentalres dont I'essentiel est la recherche de streptocoques dans la gorge. Cette recherche est utile a cond i- tion que Ie laboratoire recherche Ie caractere beta-hernolyttque de ce streptocoque et, si pos- sible, verlfle son appartenance au groupe A. En fait, cette recherche n'est pas indispen- sable, d'autant que la decision de traiter doit etre prise lmrnedtatement sans attendre les 2 ou 3 jours necessalres a obtenir la reponse du laboratoire. Quant aux antistreptolysines 0, elles sont sans grande valeur, et la numeration qui montrerait une polynucleose et une leucocytose, elle n'apporte pas de renseignement vraiment indispensable. Par centre, iI faut sans aucune hesitation donner des antlblotiques devant ce genre d'an- gine. L'essentiel est de donner des antibiotiques efficaces sur Ie streptocoque, c'est-a-dlre de la Penlcilline G injectable ou de I'Extencilline injec- table ou per os, ou de 1'0racilline, ou du Rixa- pen. On peut aussi bien d'ailleurs utiliser de la Rovamycine, de I'Erythromycine par la bouche. Un traitement antibiotique poursuivi pendant une semaine environ permettra d'eviter les compli- cations tardives des streptococcies: rhuma- tisme articulaire aigu et qlornerulonephrtte alque essentiellement. De toute facon, iI est bon de revoir Ie malade vers Ie 10 e -15 e jour et de faire a ce moment une recherche d'albumine dans les urines. B- l.orsqu'on est en presence d'une angine erythernateuse qui s'accompagne d'une rhinor- ree ou de signes de bronchite avec une toux seche ou ramenant une expectoration sereuse, lorsqu'on est dans une atmosphere de "grippe " familiale, iI s 'agit tres probablement d'une angine virale. II n'est pas question en pratique courante de rechercher des virus car ces examens sont :lIMeelne et )[a.ladles Infectl eus l"'. Yol. 1 - Xo 1- Fe--rIer 1971 41

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Page 1: La réponse du spécialiste

La ,reponse du specialiste

QUESTION

Que/s sont les examens ccmpiementeires qu'jJtaut demander devant une angine? Faut-i/ enfaire systematiquement ? Faut-i/ traiter toutes lesangines par des antibiotiques?

REPONSE

Cela depend avant tout du type de I'angine :

A - Lorsqu'on est en presence d'une angineerythemato-pultacee douloureuse, febrile, avecdes adenopathies jugulo-carotidiennes sensibles,ll y a de tres fortes probabllltes pour qu'j(s'agisse d'une angine streptococcique. On peuts'aider alors d'examens complernentalres dontI'essentiel est la recherche de streptocoquesdans la gorge. Cette recherche est utile a condi­tion que Ie laboratoire recherche Ie caracterebeta-hernolyttque de ce streptocoque et, si pos­sible, verlfle son appartenance au groupe A.

En fait, cette recherche n'est pas indispen­sable, d'autant que la decision de traiter doitetre prise lmrnedtatement sans attendre les 2 ou3 jours necessalres a obtenir la reponse dulaboratoire. Quant aux antistreptolysines 0, elles

sont sans grande valeur, et la numeration quimontrerait une polynucleose et une leucocytose,elle n'apporte pas de renseignement vraimentindispensable.

Par centre, iI faut sans aucune hesitationdonner des antlblotiques devant ce genre d'an­gine. L'essentiel est de donner des antibiotiquesefficaces sur Ie streptocoque, c'est-a-dlre de laPenlcilline G injectable ou de I'Extencilline injec­table ou per os, ou de 1'0racilline, ou du Rixa­pen. On peut aussi bien d'ailleurs utiliser de laRovamycine, de I'Erythromycine par la bouche.Un traitement antibiotique poursuivi pendant unesemaine environ permettra d'eviter les compli­cations tardives des streptococcies: rhuma­tisme articulaire aigu et qlornerulonephrtte alqueessentiellement. De toute facon, iI est bon derevoir Ie malade vers Ie 10e-15e jour et de fairea ce moment une recherche d'albumine dans lesurines.

B - l.orsqu'on est en presence d'une angineerythernateuse qui s'accompagne d'une rhinor­ree ou de signes de bronchite avec une touxseche ou ramenant une expectoration sereuse,lorsqu'on est dans une atmosphere de "grippe"familiale, iI s'agit tres probablement d'une anginevirale. II n'est pas question en pratique courantede rechercher des virus car ces examens sont

:lIMeelne et )[a.ladles Infectleus l"'. Yol . 1 - Xo 1 - Fe--rIer 1971 41

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onereux et ne donnent qu'une reponse tardive,de 15 [ours a trois semaines apres Ie preleve­ment, donc apres la querison du malade. Dernerne, l'antlblotheraple est inutile. II faut slrn­plement surveiller Ie malade, et en cas de surin­fection toujours possible qui se traduirait parune recrudescence febrile, I'apparition d'unenduit pultace sur les amygdales, d'une rhino­pharyngite purulente ou de signes de sinusite,iI faudrait alors dans un deuxlerne temps admi­nistrer des antibiotiques.

C - Lorsqu'on est en presence d'une anginepseudomembraneuse, iI faut penser a deux dia­gnostics essentiellement: la dlphterle ou lamononucleose infectieuse. Si l'on peut avoird'extrerne urgence une numeration et un MNI­test, on peut en attendre Ie resultat pour admi­nistrer Ie serum anti-diphterique au cas ou il nes'agirait pas de mononucleose infectieuse.

En dehors de ces circonstances qui sont tresrarement rencontrees, il est absolument lmpe­ratif d'administrer du serum antidiphterique a ladose de 20 a 100000 unites apres avolr fait unprelevernent de gorge pour recherche de bacillesde Klebs-Loeffler. D'autre part une numerationa la recherche de la Iymphomonocytose de lamononucleose infectieuse, et une reaction dePaul et Bunnell sont toujours indispensables.En attendant Ie resultat de ces examens, iI fautprescrire de Ia Penicllllne que I'on a interet aassocier a de I'Erythromycine ou de la Rovamy­cine, ces antibiotiques etant tres efficaces surIe bacille dlphterique.

Si Ie laboratoire ellrnlnalt la dlphterle etconfirmait la rnononucleose infectieuse, on pour­rait selon certains auteurs administrer plutot uneTetracycline.

D - l.orsqu'Il s'agit d'une angine unllaterale,surtout si elle est ulcero-necrottque, I'angine deVincent est Ie diagnostic Ie plus probable. IIfaut Ie confirmer par un frottis de I'exsudat amyg­dalien qut montrera I'association fusospirillairecaracterlstlque, mais iI ne faut jamais oublier laposstblllte de chancre syphilitique de I'amygdale,surtout si l'anqine evolue depuis plusieurs jourset s'il existe des gang lions volumineux; il fautalors rechercher Ie treponeme par ponction gan­glionnaire (car Ie frottis de la lesion est difficilea interpreter en raison de la quasi-constancedes spirilles non pathoqenes dans la cavlte buc­cale). II faudra bien evidernrnent faire une sere­logie syphilitique.

Le traitement antibiotique a base de Penicll­line est aussi efficace sur l'anqlne de Vincentque sur Ie chancre de I'amygdale, mais iI estessentiel pour I'avenir du malade de bien verifierqu'll ne s'agit pas d'une syphilis.

E - On diagnostiquera une angine phlegmon­neuse devant une tumefaction unllaterale consi­derable du pilier anterieur du voile du palalsavec trismus. I s'agit Ie plus souvent de sta­phylocoques, et il est indispensable d'adrnl­nistrer des anti-staphylococciques efficaces,injectabJes ou per os (Bristopen et derives, sta­phylomycine, Pyostacine, etc.). II est indispen­sable de montrer Ie malade a un specialisteO.R.L. qui fera une incision s'Il existe une col­lection suppuree deja constltuee. Le pus ainsievacue sera preleve et porte au laboratoire debacterioloqle.

La encore, iI faut penser a la posslblllte d'unesyphilis pseudo-phlegmoneuse, et au rnolndredoute rechercher Ie treponeme dans les gan­glions et faire une seroloqle complete.

En resume, les angines virales et les anginesstreptococciques sont les plus frequentes. C'estpourquoi, lorsqu'on est incertain de la semelo­logie, des antibiotiques anti-streptococciquespeuvent etre largement prescrits, tout en sachantqu'ils sont inutiles contre une angine virale.Ceci ne doit pas faire oublier les etiologies beau­coup plus rares, mais qui demandent un traite­ment tres adapte : dlphterle et syphillis amyg­dalienne surtout.

QUESTION

QueUes sont les indications de la vaccinationcontre la rubeole ?

REPONSE

Ces indications ne sont pas encore parfal­tement codlfiees :

A - Quel est Ie risque que cette vaccinationdoit couvrir?

C'est uniquement Ie risque d'une embryopa­thie rubeolique car, sauf chez la femme enceintedans les premiers mois de la grossesse, larubeola est une maladie remarquablementbenlqne,

Les femmes enceintes sont generalementcontamlnees par un enfant de la fratrie, donc ilserait souhaitable pour proteqer toutes lesfemmes enceintes, de vacciner systematique­ment toute la population enfantine.

B - Quelle est I'importance de ce risque?

II est en reallte assez faible puisque, dans laregion parisienne, 90 a 95 % des femmes en-

:I(ededne et :llaladl.s Inf.ell.uses. Yol. 1 - No 1 - Feni.r 1971 43

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ceintes sont deja lrnrnunlsees par une atteinterubeollque anterieure. Or, Ie vaccin s'Il etaltgeneralise remplacerait cette lmmunlte naturellepar une lmmunlte vaccinale dont on ne sait pasencore la duree ni la solldlte : et dans unehypothese pessimiste, si ce vaccin ne proteqeaitque durant quelques annees, et s'i1 etait adrnl­nlstre a toute la population enfantine, on pourraitaboutir a cette situation dangereuse ou tous lesadultes, et en particulier les femmes, seraientredevenus receptifs : il faudrait alors refairesysternatlquement des injections de rappel.

Mais, des injections de vaccin antlrubeolechez des femmes en periode d'activite genitalefont courir Ie rnerne risque d'embryopathie rubeo­lique que Ie virus sauvage; ll faudrait donc achaque vaccination s'assurer d'une contracep­tion efficace pendant deux mols,

En fait, pour toutes ces raisons. une vacci­nation generaJisee parait actuellement peurecommandable. II semble souhaitable de fairechez les fillettes agees de lOa 13 ans unserodiagnostic qui permettra de savoir si ellessont encore receptlves. En cas de serodiagnos­tic neqatlf, iI faudrait alors les vacciner. Si Ieserodiagnostic etalt positif, on pourrait conclurea une lrnmunlte naturelle donc durable. (Je vousrappelle a ce propos que 9 rubeoles sur lOne

sont pas reconnues c1iniquement, donc ce sero­diagnostic est absolument indispensable.) L'agede 10 a 13 ans semble preferable pour faire cetteenquete systematique. En effet, un serodiagnos­tic plus tardif - prenuptial par exemple - peutetre trop tardif en raison du risque eleve degrossesse dans cette perlode. Dans certainesrnaternltes, on fait systematlquernent un sero­diagnostic aux femmes enceintes, et celles quisont seroneqatlves sont vaccinees dans laperlode post-partum en profitant de la periodssterile.

C - Lorsqu'une femme en periods d'activitegenitale demande a etre vaccinee, il faut d'abordverifier par un serodiagnostic si Ie vaccin estutile; iI faut ensuite en rnerne temps que lavaccination prescrire une contraception efficacede deux mois.

CONCLUSION

Ces recommandations ne sont que provi­soirement valables, et il est possible qu'uneetude plus prolonqee de la vaccination et deses effets puisse modifier cette attitude.

44 !>[edeclne et ;I[aladles Intecttcuscs, Yol. 1 - Xo 1 - Fe\"rler 1971