la présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

18
Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 310 | Mars-avril 2009 La gestion de l'eau en France La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans une commune Un facteur d’amélioration du bien-être collectif ? Supplying raw water to household for their outdoor needs: does it improve collective welfare? Marielle Montginoul, Patrice Garin et Marwan Ladki Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economierurale/2173 DOI : 10.4000/economierurale.2173 ISSN : 2105-2581 Éditeur Société Française d'Économie Rurale (SFER) Édition imprimée Date de publication : 5 avril 2009 Pagination : 57-73 ISSN : 0013-0559 Référence électronique Marielle Montginoul, Patrice Garin et Marwan Ladki, « La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans une commune », Économie rurale [En ligne], 310 | Mars-avril 2009, mis en ligne le 01 mars 2011, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/2173 ; DOI : 10.4000/economierurale.2173 © Tous droits réservés

Upload: others

Post on 18-Jun-2022

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Économie ruraleAgricultures, alimentations, territoires

310 | Mars-avril 2009La gestion de l'eau en France

La présence d’un réseau de distribution d’eaubrute dans une communeUn facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

Supplying raw water to household for their outdoor needs: does it improve

collective welfare?

Marielle Montginoul, Patrice Garin et Marwan Ladki

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/economierurale/2173DOI : 10.4000/economierurale.2173ISSN : 2105-2581

ÉditeurSociété Française d'Économie Rurale (SFER)

Édition impriméeDate de publication : 5 avril 2009Pagination : 57-73ISSN : 0013-0559

Référence électroniqueMarielle Montginoul, Patrice Garin et Marwan Ladki, « La présence d’un réseau de distribution d’eaubrute dans une commune », Économie rurale [En ligne], 310 | Mars-avril 2009, mis en ligne le 01 mars2011, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/2173 ; DOI :10.4000/economierurale.2173

© Tous droits réservés

Page 2: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Introduction

La demande en eau potable en régionméditerranéenne se caractérise par un

pic durant la période estivale dû à l’af-flux de population saisonnière conjuguéeaux besoins en eau plus importants poursatisfaire les usages extérieurs (jardins,piscine, etc.). Une telle situation amène àdimensionner les réseaux de telle sortequ’ils puissent répondre à la demande depointe, ce qui est coûteux en termes d’in-frastructures (investissement, renouvelle-ment...), avec une répercussion sur le prixde l’eau. D’un autre côté, la déprise agri-cole s’accompagne d’une urbanisationd’anciens périmètres irrigués en périphé-rie d’agglomérations en expansion conti-nue et la baisse de la demande d’irrigationfragilise l’équilibre financier de leurs struc-tures gestionnaires.

La présence d’un double réseau « eaubrute - eau potable » offre parfois des situa-tions gagnant-gagnant à nombreux égards :– le double réseau peut diminuer le coût del’eau pour les usagers, toute l’eau n’étantpas traitée et l’assainissement n’étant plusfacturé ;– c’est parfois pour l’organisme distributeurd’eau brute une des conditions de surviepermettant par exemple la pérennisation del’irrigation et de l’infrastructure ;– sur le plan environnemental, on ne gaspillepas de l’énergie en ayant rendu inutilementpotable une eau destinée à l’arrosage des jar-dins ou le remplissage des piscines parexemple (American Water Works Associa-tion, 1994 ; Dalhuisen et al., 2001). Onvalorise ainsi des ressources en eau d’unequalité inférieure (Rudolph, 1979 ; Butler,

1999), tout en diminuant la pression sur laressource en eau de bonne qualité (Rudolph,op. cit. ; Chilton et al., 1999) ; – enfin, pour la collectivité en charge del’eau potable, le recours à une eau de sub-stitution limite les investissements actuels etfuturs en écrêtant les pics de consommationd’eau liés à la période estivale (taille descanalisations, réservoirs et stations de trai-tement de l’eau potable...) (Rudolph, op.cit. ; Rump, 1979 ; Butler, op. cit. ; Mont-ginoul et Rinaudo, 2003 ; Sociology WaterLab et Colorado Institute for IrrigationManagement, 2003).

Cependant, le double réseau génère aussides coûts collectifs (investissement dans ledouble réseau) (Sociology Water Lab etColorado Institute for Irrigation Manage-ment, op. cit.) et peut induire certains risquespour les services publics (tentation desménages d’utiliser l’eau brute à des finsdomestiques, report sur le réseau de distri-bution d’eau potable en cas de pénurie d’eaudu réseau d’eau brute) et la collectivité(risque d’accroissement de la consommationtotale d’eau, car l’eau brute est très bonmarché et les ménages ne sont pas incités àl’économiser).

Cette situation présente donc des coûts etdes bénéfices potentiels individuels et col-lectifs que nous tentons d’évaluer à partird’un cas concret. Après avoir dressé un étatdes lieux de la fourniture d’eau brute, en par-ticulier en France, et exposé la méthodolo-gie et le site d’étude, nous estimerons l’im-pact de la présence d’un double réseaud’abord sur la consommation d’eau de villepuis sur le bien-être collectif. La conclu-sion élargira le débat.

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 57

La présence d’un réseau de distributiond’eau brute dans une communeUn facteur d’amélioration du bien-être collectif ?Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI • Cemagref, UMR G-Eau, Montpellier

Page 3: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Nous définissons le bien-être collectif enadoptant une approche individualiste, consi-dérant que le bien-être de la société peuts’apprécier à partir du niveau de satisfactionindividuelle de tous les agents. Nous noussituons ainsi dans la démarche des utilita-ristes qui, de Bentham à Jevons, ont tenté departir des préférences des agents pour l’es-timer, nous dissocions donc de l’approchedéfendue par Tinbergen pour qui le bien-êtresocial est synonyme de l’intérêt général dela nation.

Cette posture est ici envisageable car,notre cas d’étude s’intéressant à l’évalua-tion du bien-être à l’échelle de la communede la présence d’un double réseau, les quatreconditions permettant l’agrégation des pré-férences individuelles énoncées par Ken-neth Arrow (Arrow, 1963) semblent réunies :(1) liberté de choix des individus en fonctionde leurs goûts, (2) existence d’un état opti-mal (critère de Pareto), tous les individuspréférant un état donné de la société sans sus-citer l’objection d’un autre citoyen, (3) indé-pendance entre les séries de choix successifs(puisqu’il y a choix entre deux situations enne tenant pas compte d’autres éventualités)et (4) principe de non-dictature, aucun indi-vidu ne pouvant modifier les préférencesdes autres et imposer ses choix.

La fourniture d’eau brute aux villesÉtat des lieux

Le système avec double réseau peut êtredéfini comme deux réseaux séparés qui four-nissent deux types d’eau, l’un potable etl’autre non, sur le même espace géogra-phique. La qualité, la quantité et la pres-sion disponible de chaque système dépen-dent des usages prévus pour chaque typed’eau (Haney et Beatty, 1977). Nous appel-lerons par la suite « double réseau », leréseau distribuant de l’eau non potable.

Plusieurs types d’eau peuvent être mobi-lisées dans les doubles réseaux : de l’eau depluie (en particulier en Australie, en Bel-gique, au Canada, au Japon et à Singapour),

de l’eau grise (en particulier en Allemagne,en Angleterre, en Australie, au Japon et auxÉtats-Unis) ou de l’eau brute de surface (enparticulier aux États-Unis et en France)(Montginoul, 2006).

Cette eau peut avoir différents usages : leplus courant est l’arrosage des jardins, leremplissage des piscines (Europe, États-Unis), voire l’alimentation des chasses d’eau(notamment au Japon).

En Australie, Belgique, au Canada, auxÉtats-Unis et à Singapour, le principalmotif du développement du double réseauest de réduire les tensions sur la ressource(Montginoul, 2006). En France, cette offreest surtout développée dans le quart sud-estde la France (carte 1), la plupart du tempsdans des zones qui connaissent peu de ten-sions sur la ressource – il y en a peu enZones de Répartition des Eaux, telles quedéfinies par le décret n° 94-3541, bien queces services soient de plus en plus propo-sés dans des localités du sud-ouest ou médi-terranéennes sensibles à des restrictionsd’usage, ou comme sur le cas étudié àGignac. L’objectif est avant tout de réser-ver les eaux d’excellente qualité aux usagesqui en ont besoin et de valoriser la pré-sence d’une eau brute relativement plusabondante (American Water Works Asso-ciation, op. cit.). Mais il y a aussi parfoisl’évacuation des eaux pluviales par lescanaux (Japon) (Okun, 2001) ou la dimi-nution des factures d’eau des ménages(France – cas des villes de Bretagne)(Lamezec, 2002).

Ces doubles réseaux, sans être généralisés,sont loin d’être anecdotiques (Rudolph etSchäffer, 2001). Certains États encouragentleur création, soit par des subventions, soit pardes législations favorables : l’Arizona, laCalifornie, la Floride ou le Texas par exempleont développé des réglementations qui encou-ragent très fortement la réutilisation des eauxusées (American Water Works Association,

58 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

1. Décret du 29 avril 1994, modifié par le décret du11 septembre 2003.

Page 4: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

1994). Ailleurs, ce sont des collectivitéslocales qui, via l’octroi de subventions, favo-risent l’installation de systèmes de récupé-ration d’eau de pluie ou la construction deréseaux collectifs d’eau brute.

En France, certains fournisseurs d’eaubrute à usage d’irrigation deviennent proac-tifs en proposant aux particuliers laconnexion à un double réseau. Ils peuventêtre des Sociétés d’Aménagement Régional(SAR) ou des Associations syndicales auto-risées (ASA).

Les ASA sont des associations de pro-priétaires fonciers instaurées pour gérer ladistribution de l’eau par des systèmes decanaux gravitaires anciens (elles sont envi-ron 1 000) ou par des réseaux sous pres-sion (environ 860) sur un ensemble de par-celles équipées dûment identifiées, quidéfinit un périmètre syndical propre à cha-cune d’elle (Garin et al., 2001). L’apparte-nance à ces associations est liée à la pro-priété foncière. Les ménages périurbainsqui s’installent sur une ancienne parcelleagricole inscrite dans un tel périmètredeviennent automatiquement membres et

redevables de la tarification de l’ASA, cartoute demande de radiation doit s’inscriredans une procédure administrative de modi-fication du périmètre syndical longue etcomplexe (Garin et al., 2002).

Dès les années 1980, la périurbanisationa affecté de nombreux périmètres irrigués àla suite de la déprise agricole et aux trans-ferts fonciers qui en ont résulté, particuliè-rement dans le sud de la France.

En 2006, une enquête a été conduite surles 600 structures d’irrigation gravitairedu Languedoc Roussillon (LR) et de Pro-vence Alpes Côte d’Azur (PACA) pourqualifier l’importance des autres usagesque l’eau d’irrigation au sein des ASA etleur prise en compte (Ladki et Béchard,2007). Le bon taux de retour (127 ques-tionnaires exploitables) donne quelqueschiffres clés, même si nous ne pouvonsaffirmer que cette population soit repré-sentative de l’ensemble des ASA gravi-taires françaises. Il est possible que lesrépondants soient ceux qui se sont plusparticulièrement sentis concernés par cetenjeu.

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 59

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Carte 1. Présence de doubles réseaux en France

Source : carte réalisée à partir de différents travaux du Cemagref (Garin et al., 2001; Montginoul, 2006 ; Ladki etBéchard, 2007)

Pas ou peu de double réseau

Présence de double réseau

Pas d’information

Page 5: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Ces structures sont plutôt de petite taille,plus de la moitié ont un périmètre inférieurà 140 hectares (tableau 1). Elles sont très lar-

gement urbanisées (91 % avec adhérentsurbains) dont le poids est inversement pro-portionnel à la taille de la structure.

60 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

Tableau 1. Nombre de structures collectives d’irrigation selon la diversité d’usages et leur taille

Source2 : conception des auteurs après enquête

Sans Urbain Avec Urbains Total< 140 hectares 10 68 78 (61 %)140-800 hectares – 29 29 (23 %)> 800 hectares 1 19 20 (16 %)Total 11 116 127 (100 %)

Mais l’intégration effective de ces usagesurbains est loin d’être acquise, faute d’adap-tation du tarif ou du service d’eau. Dans68 % des cas (tableau 2), le service renduaux particuliers n’est que fictif : en pra-tique, soit ils n’ont pas physiquement accèsà l’eau brute (par exemple, la parcelle agri-

cole de départ avec une seule prise d’irri-gation a été morcelée en plusieurs lots, dontla plupart n’a pas un accès à la prise d’ar-rosage), soit ils y ont accès dans des moda-lités non conformes à leurs attentes (tourd’eau rigide, parfois en pleine nuit, amenéed’une main d’eau de 25 l/s par gravité, etc.).

Ce qui gêne cette adaptation du service,c’est son coût élevé, variant de quelquescentaines à près de 2 000 euros (€) par habi-tation, selon les contraintes techniqueslocales, pour installer un point d’accès àl’eau à la demande et sous pression à chaquejardin en remplacement de la prise d’eau(système gravitaire) ou de la borne d’irri-gation (système sous pression) unique enbout de champ :– la situation la plus favorable est celle d’un

lotisseur qui installe les 2 réseaux d’eaulors de la viabilisation du terrain, inté-grant le coût marginal du système d’eaubrute au prix du foncier. Le surcoût, réduit,peut alors être entièrement supporté par lefutur résident ;

– le prix du raccordement est beaucoup plusélevé quand il intervient après la construc-tion du lotissement, les nouveaux pro-priétaires étant en outre peu enclins àassumer une charge financière supplé-mentaire qu’ils n’avaient pas prévue dansleur plan d’investissement initial.

Or rien n’oblige les lotisseurs à installer ledouble réseau lors de la viabilisation desterrains et, jusqu’à la réforme de la loi sur lesASA en 2005, l’inscription des parcellesdans le périmètre syndical ne faisait pasl’objet de publicité foncière. De nombreuxnéo-propriétaires ont appris leur apparte-nance de fait à une ASA en recevant leurpremière taxe d’arrosage, alors même queleur parcelle lotie n’était pas reliée au réseaud’eau brute.

En outre, pour les systèmes gravitaires, lamultiplication de ces petits réseaux souspression à la demande peut devenir techni-

Tableau 2. Type d’adaptation des structures d’irrigation aux urbains

Source : conception des auteurs après enquête

Pas Adaptation Adaptation Adaptation Totald’adaptation tarifaire technique complète

< 140 ha 78 % 18 % 4 % 0 % 100 % (78)140-800 ha 62 % 24 % 7% 7 % 100 % (29)> 800 ha 42 % 16 % 26 % 16 % 100 % (20)Total 68 % 19 % 9 % 4 % 100 % (116)

2. Pour l’ensemble de l’article, les sources destableaux, graphiques et figures sont issues desauteurs (conception et calculs).

Page 6: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

quement incompatible avec la régulationmanuelle des canaux. Pour éviter assecs etdébordements, il faut alors construire desréservoirs tampons qui alourdissent encorele coût d’adaptation.

Coût d’investissement élevé et difficultéstechniques expliquent pourquoi les petitesstructures gérant des réseaux gravitairess’adaptent le moins (tableau 2), même si laproportion d’urbains peut y être très éle-vée. À l’inverse, les plus grandes ASA col-laborent avec les collectivités et les princi-paux lotisseurs pour systématiser la posedes doubles réseaux dès la viabilisation desparcelles, équiper les espaces publics (parcs,espaces sportifs et récréatifs…), voire poursuppléer les réseaux d’eau potable pour desfonctions annexes (bornes anti-incendie).

Quand il modifie la tarification, l’objec-tif du directeur ou du président d’ASA estde couvrir les surcoûts de gestion (inves-tissements, fonctionnement) imputables à cechangement d’usage. La tarification forfai-taire demeure proche de celle des parcellesagricoles, quand le système de distributiongravitaire perdure, car il n’est pas possibled’estimer la consommation réelle. Le forfaitest également pratiqué dans les réseauxsous pression lorsque la gestion d’un comp-teur par usager urbain est d’un coût prohi-bitif par rapport aux recettes générées (casde Gignac décrit dans le chapitre suivant« Méthodologie et site d’étude »). Mais lacapacité à payer de ces nouveaux usagersétant supérieure à celle agriculteurs, la stra-tégie de ces gestionnaires est parfois detirer profit de cette opportunité pour moder-niser leur réseau et en faire profiter les agri-culteurs restants.

Nous avons choisi d’analyser plus parti-culièrement une situation de collaborationactive entre des collectivités et une grandeASA gérant un canal ancien dans le Sudde la France, Gignac, dans la moyenne val-lée de l’Hérault. Ces collaborations concer-nent les gestionnaires de réseaux d’eaupotables, les dirigeants de l’ASA et les ser-vices d’urbanisme. Nous avons tenté d’es-

timer le surplus de bien-être collectif générépar cette situation « gagnant-gagnant ».

Méthodologie et site d’étude

1. Contexte de l’étude

Deux réseaux coexistent depuis des décen-nies sur la commune de Gignac : un réseaud’eau potable, géré depuis 1911 par la régiemunicipale et un réseau de canaux pour lafourniture d’eau brute à des usagers essen-tiellement agricoles géré à son origine parune ASA : l’ASA du canal de Gignac.

L’eau potable prélevée dans la nappealluviale de l’Hérault est distribuée auxménages via un réseau de canalisationsreprésentant 50 kilomètres. La station detraitement de l’eau potable comme la stationd’épuration (classique) sont gérées par larégie. Cette régie applique une tarificationbinôme avec un abonnement trimestriel de2,74 € et un prix au mètre cube de 1,65 €

(données 2000).La forte croissance démographique

actuelle, sous forme de lotissements péri-urbains, pose à la régie la question dudimensionnement de ses ouvrages (princi-palement forage et réservoir). Ces rurbains,souvent étrangers à la région, implantentdes jardins plus adaptés au climat océa-nique que méditerranéen. Le problème prin-cipal vient de la forte consommation d’eaude pointe en été, en raison de l’arrosage desgazons en particulier. La commune manquede capacité de stockage (moins d’un jour),ce qui soulève la question de la constructiond’un nouveau réservoir. Une question iden-tique se pose pour le forage.

À l’origine, l’ASA a été créée pour ali-menter en eau d’irrigation des terres agri-coles (essentiellement viticoles), progres-sivement viabilisées en lotissement enpériphérie des villages. Son périmètrecouvre 3 000 hectares sur 13 communes.Sur Gignac, près 1/5 du périmètre s’esturbanisé (81 ha sur les 453 ha dominé parle canal) de manière accélérée ces dix der-nières années. En 2007, l’ASA comptait

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 61

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Page 7: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

ainsi 630 propriétaires urbains sur la com-mune, contre environ 200 en 2001. Leréseau est composé de sections à surfacelibre (réseau gravitaire : canalettes : 1/3 desparcelles en 2007), en réseau « basse pres-sion » (2/3 des parcelles en 2007) etquelques exceptions en réseaux sous pres-sion classique. Le réseau gravitaire consti-tuait l’essentiel de la distribution en eaubrute de Gignac jusqu’en 2001. Depuisl’ASA a achevé la modernisation des sec-teurs en « basse pression », plus adaptéesaux exigences des rurbains là ou c’étaitéconomiquement possible et a équipé tousles nouveaux lotissements de ce systèmeplus coûteux en termes d’investissement,mais qui permet de diminuer la consom-mation d’eau et les charges d’entretien,mais aussi d’avoir de l’eau à la demande.

En l’absence de compteur, l’ASA pra-tique une tarification forfaitaire : elle s’éta-blit à 49 € par an pour les anciens adhé-rents (tarif TA) et à 82 € pour les nouveaux(tarif TN). Le forfait est valable pour les par-celles dont la surface est inférieure à1 500 m2. Au-dessus, le montant de la rede-vance est proportionnel à la surface(414 €/ha), identique quel que soit l’usage.Un tarif « sans consommation » est aussipratiqué pour les adhérents qui n’utilisentpas l’eau (ou qui ne peuvent être raccordésdu fait de contraintes techniques).

L’eau du canal n’est pas être la seulesource d’eau alternative des ménages habi-tant à Gignac : dans le centre du village,quelques vieux puits subsistent. Enfin cer-tains ménages disposent de deux compteurssur le réseau d’eau potable : un pour la mai-son et un pour le jardin. La mairie a décidéde ne plus proposer dès 1997 cette dernière« source alternative », qui n’en est pas réel-lement une mais qui peut y être assimilée vuqu’elle est facturée à un prix nettement plusfaible que « l’eau de la ville » (1,09 €/m3

contre 1,65) : en effet, n’est payé que leservice de distribution de l’eau potable etnon le traitement de l’eau usée, les usages(piscine, voire jardin) ne rejetant pas cette

eau dans le réseau d’assainissement. Deuxraisons sont principalement évoquées :– comme nous l’avons précédemment noté,

la capacité de stockage de la régie deseaux est limitée. Un prix bas pour lesusages « extérieurs » favoriserait laconsommation d’eau de ville, ce quiaggraverait le problème de stockage. Ellepréfère encourager pour ces usages exté-rieurs, le recours à l’eau du canal ;

– les détournements éventuels d’utilisationde l’eau du compteur jardin pour un usageà l’intérieur de la maison. Certainsménages pourraient être incités à connec-ter leur logement sur cette eau bon marché,situation observée sur la commune deGignac3.

2. Démarche adoptée

Pour connaître l’impact sur le bien-être col-lectif de la présence du canal, nous avonsprocédé à une enquête en 2001 auprès de109 ménages logeant dans un pavillon indi-viduel. Ces ménages habitent l’un des cinqquartiers sélectionnés en fonction de leurdate de construction, de leur accès ou non àl’eau du canal et du type d’habitat(tableau 3).

Le questionnaire a été établi de manièreà connaître les principales caractéristiquesdes usagers (position géographique par rap-port au canal, présence d’une piscine,nombre de personnes habitant le logement,habitat permanent ou non, surface habi-table, présence de personnes au chômage,etc.) ainsi que les usages faits de l’eau brute,pour les personnes y ayant accès.

Ne pouvant pas procéder à une enquêteexhaustive des 388 ménages habitant les

62 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

3. Nous avons ainsi le cas d’un ménage qui a unetrès forte consommation hivernale sur le compteurjardin (en hiver 2001-2002 : 57 m3) par rapport àcelle relevée sur le compteur normal (3 m3). Cecas est à comparer au comportement d’un autreménage au même profil socio-économique et dontla structure de consommation hivernale est opposée(3 m3 sur le compteur jardin et 33 sur le compteurnormal).

Page 8: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

cinq quartiers, il a été décidé de tirer unéchantillon de 25 habitations par quartier.Nous n’avons pu interviewer que 19 habi-tations dans le quartier des Coquelicots, cedernier n’étant composé que de 28 terrainset uniquement 14 ménages dans le quartierdu centre (« petite couronne »), du fait denombreux refus pour répondre à une enquêtequi ne semblait pas les concerner.

Pour compléter les enquêtes, les archivesde la régie ont été consultées, pour releverles chroniques trimestrielles de consomma-tion d’eau de 1996 au premier trimestre2002. Nous avons également eu accès à labase de données clients de l’ASA, ce qui apermis de connaître le tarif pratiqué pourchaque ménage interrogé.

Impact sur la consommationd’eau potable

d’un réseau d’eau brute

Sur les 109 ménages, 65 ont accès et utili-sent l’eau du canal. Cette eau sert principa-lement à arroser le jardin (100 % des enquê-tés) mais aussi à laver leur voiture (65 %).Elle permet parfois de répondre à d’autresbesoins en eau extérieurs : comme remplirune piscine (5 réponses), laver des sols,chaussées et terrasses (4 réponses), fabriquerdu béton (5 réponses)... Notons enfin que surles 65 personnes disposant de l’eau du canal,aucune ne l’utilise pour couvrir des besoinsintérieurs.

Nous avons vérifié que la consommationhivernale est semblable quel que soit le moded’accès. En revanche, la consommation esti-vale (d’avril-mai à septembre-octobre)dépend fortement de la présence ou non d’un

jardin (quartier du centre-ville) et du moded’accès à la ressource en eau (uniquementl’eau du réseau de distribution d’eau publiqueou avec un accès à l’eau du canal).

Le niveau de la consommation totale (eaupotable + eau du canal) dépend des usagesextérieurs (jardin, piscine) : plus ils sontnombreux et plus cette consommation estélevée. Mais elle dépend aussi du prixauquel un ménage paie l’eau : par extrapo-lation des figures suivantes (figures 2 et 3),ne connaissant pas la quantité d’eau de canalconsommée (faute de compteurs), nous pou-vons faire l’hypothèse que, toutes chosesétant égales par ailleurs, une habitation avecde l’eau du canal consomme en moyennedavantage qu’une autre avec un compteurjardin qui, elle-même, consomme davan-tage qu’un logement ne disposant que del’eau de ville.

Pour conforter cette assertion, lesménages ayant un accès à l’eau du canaldéclarent arroser en moyenne une surface

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 63

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Tableau 3. Descriptif des cinq quartiers sélectionnés (situation fin année 2000)

Source : calculs des auteurs après enquête

Font Croix de Les Roqueyrol Petite couronned’Encouvi Campagne Coquelicots (centre-ville)

Année du lotissement 1980 1970 1995-2000 1990 1800-1900Taille des parcelles petites grandes très petites grandes très petitesEau du canal oui oui oui non nonNombre de terrains 106 75 28 109 82Taux d’enquête 24 % 33 % 69 % 24 % 17 %

Figure 1. Évolution de la consommation d’eau deville selon la localisation géographique et l’accès àl’eau du canal (base : l’échantillon enquêté)

Source : conception des auteurs après enquêtes

1 Centre ville 2 Avec canal3 Autres quartiers sans canal Hiver

Été250m3

200

1 1 1 1 1 1

2 2 22 2 2

33 3

33

3

150

100

50

01996 1997 1998 1999 2000 2001

Page 9: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

plus importante que ceux sans accès (340 m2

contre 190 m2). La différence est particu-lièrement forte pour les petits terrains demoins de 500 m2 : les personnes sans eau ducanal n’arrosent pas (en moyenne 5 m2 étantdéclarés arrosés), contrairement à ceux yayant accès (en moyenne 140 m2 étant décla-rés arrosés) (figure 2).

La taille de la parcelle n’est pas un facteurexplicatif important du niveau de laconsommation d’eau de ville pour lesménages avec accès à l’eau du canal4 : ilsmobilisent donc bien l’eau du canal pourarroser leur jardin. Par contre, nous obser-vons de fortes variations de consommationd’eau de ville pour les ménages sans accès.Il y aurait deux comportements contrastésdans les zones sans accès à l’eau du canal :– les ménages modestes sur des petits ter-

rains, économes, répugneraient à arroserleur jardin avec de l’eau de ville ;

– les ménages de revenus moyens à élevésaccepteraient de consacrer un montantmoyen de l’ordre de 165 €/an, permettant

d’arroser une surface d’environ 300 m2

et d’éventuellement remplir une piscine,quitte à laisser le reste de leur superficiesans irrigation.

Les foyers disposant d’une piscine ont uneconsommation annuelle moyenne statisti-quement plus élevée que les autres (figure3). Nous ne pouvons pousser l’analyse plusloin à ce stade compte tenu de la taille del’échantillon : dans les 20 maisons avecpiscine, seuls 5 ménages déclarent l’avoirremplie avec l’eau du canal et 2 avec l’eaudu compteur jardin. Notons toutefois queles ménages remplissant la piscine avecl’eau du canal ont de petites piscines, ceuxdisposant d’un seul compteur pour l’eau deville des piscines moyennes et ceux aveccompteur jardin de grandes piscines.

Une analyse factorielle multiple permetde distinguer quatre types de ménages(figure 4) :– les couples de retraités habitant un petit

logement (localisé plutôt dans le centre duvillage), n’ayant pas (pour 29 %) ou peu desurface arrosée et consommant peu d’eau ;

– des familles arrivées récemment dans levillage (pour 42 % après 1999) logeant plu-tôt dans un lotissement construit ces der-nières années avec accès à l’eau du canal,ayant installé des dispositifs d’économie

64 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

4. Leur consommation moyenne d’eau de ville estsimilaire pour les moins de 1 000 m2, elle est légère-ment supérieure pour les parcelles de plus de 1 000 m2

mais l’on peut le mettre au crédit du fait qu’il existeune période de chômage du canal et que durant cettepériode hivernale les habitants utilisent l’eau de ville.

Figure 2. Consommation d’eau de ville en fonction dela surface cadastrale, avec ou sans accès à l’eau ducanal (et indication de la surface moyenne arrosée.Base : 106 ménages enquêtés – non compris lesménages disposant d’un compteur jardin)

Source : conception des auteurs

1 Accès à l’eau du canal2 Sans accès

HiverÉté200m3

1 1 2 1 22

150

100

50

0Moins de 500 m2

140 m2

5 m2

380 m2

250 m2

820 m2

330 m2

Surf

ace

cad

ast

rale

De 500 à 1 000 m2 Plus de 1 000 m2

Figure 3. Consommation d’eau de ville en fonction dela présence d’une piscine et de l’origine de l’eau per-mettant de la remplir (et indication du volume moyende la piscine. Base : l’échantillon enquêté)

Source : conception des auteurs

HiverÉté250m3

200

150

100

50

0 Pas de piscine Remplie à l’eaudu canal

Remplie à l’eaude ville

Remplie à l’eaude ville “verte”

14 m3

29 m3

40 m3

Page 10: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

d’eau mais consommant plus d’eau de villeque la moyenne du fait de leur taille ;

– des couples présents dans le logementavant 1990 disposant d’une grande par-celle (et d’une grande surface habitable)localisée principalement dans le quartierde la Croix de Campagne. Ils ont accès àl’eau du canal mais ont aussi une piscine,ce qui explique un niveau de consomma-tion d’eau de ville supérieur à la moyenne ;

– des ménages, plutôt des familles, avec defortes consommations d’eau de ville car(1) ils n’ont pas accès à l’eau du canal(habitent le quartier Roqueyrol) et (2) sontde grands consommateurs d’eau (grandesparcelles, jardins arrosés à l’eau de ville,de grandes piscines).

Impact d’un réseau d’eau brutesur le bien-être collectif

Le supplément de bien-être collectif du faitde la présence de l’eau du canal peut êtreévalué en sommant les bien-être particu-liers ressentis par (1) les urbains connectésau canal, (2) le service de distribution del’eau potable et (3) l’ASA. En effet, cesdifférents bien-être, dans le cas présent,sont complémentaires, ils représentent lesbien-être des ménages urbains (1 et 2) etagricoles (3). Dans notre approche indivi-dualiste du bien-être, la sommation est doncenvisageable.

1. Impact de la présence du canal sur les usagers urbains connectés au canal

Pour estimer le supplément de bien-être desusagers urbains ayant accès à l’eau du canal,nous raisonnons dans un premier temps entermes d’impact sur la facture d’eau. Ceteffet semblant inférieur à l’agrément exprimépar ces ménages, nous ajoutons ensuited’autres paramètres à cette évaluation.

Estimation de l’impact sur la factured’eau de l’accès à l’eau du canalLa facture d’eau est la somme de la factured’eau potable et d’eau du canal. Estimerpour un ménage la diminution de la factured’eau rendue possible par l’accès à l’eaudu canal revient donc à résoudre l’équationsuivante :

∆FEau = [ConsoEauPotableSansCanal

– ConsoEauPotableSiCanal]* PEauPotable – PEauBrute

Le différentiel de facture est donc égal audifférentiel de consommation (d’eau potablesans accès au canal et d’eau potable en casd’accès) valorisé au prix de l’eau potableauquel il faut soustraire le coût de l’eaubrute (incluant la redevance annuelle à ver-ser à l’ASA et l’amortissement du bran-chement au réseau basse pression quandcelui-ci a eu lieu).

La difficulté principale pour évaluer legain sur la facture d’eau est l’estimation dece que serait la consommation de l’eaupotable sans canal. Elle peut se faire detrois manières : (1) en prenant comme basede comparaison la consommation moyennedes ménages qui n’ont pas accès à l’eau ducanal, (2) en demandant aux ménages ayantl’eau du canal de combien ils estiment leurfacture réduite et (3) en reconstituant laconsommation d’eau potable d’un ménageayant le canal s’il n’y avait plus accès.

� Consommation observée

chez les enquêtés sans accès au canal

Cette première estimation est établie à partirdes consommations observées sur Gignacdans les différents quartiers et présentées

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 65

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Figure 4. Typologie des ménages enquêtés

Grand jardin arrosé

Pas de jardinFaib

le c

on

som

ma

tio

n d

’ea

u d

e v

ille

Fort

e c

on

som

ma

tio

n d

’ea

u d

e v

ille

Couple deretraités dans

un petitlogement

Ménage avecimportant besoin

en eau de ville

Coupleayant une

grandeparcelle avec

piscine

Eau du canal

Eau de la ville

Famillerécemment

installée danslotissement

Page 11: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

dans la figure 1. À partir de ces différences deconsommation et des prix des eaux (potableet brute), nous concluons que la facture d’eaud’un ménage avec accès à l’eau du canal estsupérieure de 12 % (tarif TA) et de 25 % (tarifTN) à celle d’un ménage sans accès à l’eaudu canal. En excluant les ménages résidant aucentre du village, la différence est moindre,la facture d’eau étant inférieure de 1 % avecTA et supérieure de 10 % avec TN (cf.tableau 7).

Tableau 4. Equivalent en m3 d’eau de ville consomméedu coût du forfait « eau brute »

Tarif TA Tarif TNCompteur normal 30 m3 50 m3

Compteur jardin 35 m3 65 m3

En d’autres termes, le différentiel deconsommation d’eau de ville entre lesménages connectés au canal et ceux nonconnectés est faible (et ne couvre souventpas le surcoût généré par le forfait « eaubrute » facturé par l’ASA (tableau 4).

Tableau 5. Avis sur le prix de l’eau du canal (popula-tion : ménages la payant)

(total : 100 %) Tarif TA Tarif TNBon marché 3 % (1 550 m2) 0 %Justifié 37 % (956 m2) 14 % (473 m2)Trop élevé 30 % (761 m2) 16 % (545 m2)

Dans ces conditions, comment expliquerque la majorité des ménages estime le prixde l’eau du canal bon marché ou justifié(tableau 5) ? Une analyse plus fine dessituations nous apporte un premier élémentde réponse. C’est pour la catégorie 500-1000 m2 que l’eau du canal semble être par-ticulièrement avantageuse : elle réduit signi-ficativement la facture d’eau (entre 12 et21 %). Ceci est dû au fort différentiel deconsommation d’eau de ville observé danscette catégorie de ménage sur une parcellemoyenne, entre ceux avec et ceux sans accèsà l’eau du canal. Pour les plus de 1000 m2,nous retrouvons des valeurs négatives avecle tarif TN (facture supérieure de 6 %) (cf.tableau 7).

� Consommation d’eau perçue

par les ménages ayant le canal

Cette méthode semble a priori meilleure,puisqu’on demande directement auxménages leur point de vue sur la question del’économie d’eau. Mais peu de ménages(31 % dans notre échantillon) déclarentconnaître le niveau de leur consommationd’eau de ville5. De plus, ce n’est pas parceque nous connaissons notre consommationd’eau du robinet (il suffit pour cela de serappeler des relevés des factures d’eau) quenous sommes capables de quantifier uneéconomie d’eau.

Ces limites étant posées, analysons lesrésultats obtenus : 56 ménages reliés aucanal ont donné une estimation de l’éco-nomie d’eau de ville réalisée en pourcentagede leur consommation d’eau potable.Connaissant leur consommation d’eaupotable des années 1999-2001 (années quisemblaient être celles sur lesquelles les per-sonnes interrogées reposaient leur estima-tion), nous avons évalué le volume d’eau deville économisé : les réponses sont trèsvariables (figure 5) avec une moyenne de59 m3 (écart type de 74 m3).

66 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

5. Un point positif : lorsqu’ils l’estiment, leurréponse est majoritairement (à 70 %) proche de laconsommation observée sur les trois dernièresannées (ou sur la dernière année).

Figure 5. Estimation par les ménages* de l’économied’eau potable réalisée grâce au canal (56 réponses)

Source : conception des auteurs

00 10 20 30 40 50

100

200

300

500m3 d’eau économisés

* enquêtés avec accès à l’eau du canal et ayant répondu

400

Page 12: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Comparées aux valeurs issues de la pre-mière estimation, les ménages ont enmoyenne une facture d’eau plus faibleque s’ils n’avaient pas accès à l’eau ducanal. Ainsi, on peut estimer le seuil derentabilité de l’eau du canal à 0, 83 €/m3

(tarif TA) et 1, 39 €/m3 (tarif TN) à com-parer au prix de l’eau de ville qui est à 1,65 €/m3 en tarif normal et 1, 28 €/m3 entarif jardin.

� Reconstitution

de la consommation d’eau

Sur l’ensemble des utilisateurs de l’eau ducanal, 26 % des ménages déclarent qu’ilsne restreindraient pas leur consommationd’eau s’ils n’avaient pas accès au canal.Dans ces conditions, l’économie d’eau esten moyenne de 40 m3 (écart type 127 m3)et le canal ne semble plus avantageux quequand un ménage a accès au tarif TA (etpaie le forfait minimum) : sa facturemoyenne est alors réduite de 7 %, alorsqu’elle est augmentée de 7 % en cas de tarifTN (cf. tableau 7).

En conclusion, la rentabilité de laconnexion au canal n’est pas systématique.Et il peut paraître surprenant de constaterla forte proportion de personnes qui sedéclarent satisfaites du niveau du prix del’eau du canal.

Cette eau apporte donc davantage que laseule réduction sur la facture, ce que nousallons maintenant estimer, d’abord quali-tativement en analysant les services renduspar l’eau du canal puis quantitativement enchiffrant le bien-être dégagé.

Évaluation du supplément de bien-être desurbains ayant accès à l’eau du canalLes ménages avec accès à l’eau du canalsont globalement satisfaits et considèrentqu’elle procure un bien-être supplémen-taire : 68 % de ces derniers estiment qu’ilsseraient obligés de restreindre leur consom-mation d’eau s’il n’y avait pas le canal.Le principal usage qui en pâtirait serait lejardin. C’est le jardin dans toute son inté-

gralité qui est principalement cité (38 %) ;certains sont plus précis : la pelouse (18 %),le potager, les arbres ou les plantations,l’arrosage des fleurs du fait du chlore. Enessayant de préciser le type de confort per-mis par sa présence, la majorité revientsur le fait que cela permet d’avoir un beaujardin (46 %) ; en corollaire, 26 % parlentdu fait que cela rend l’arrosage bon mar-ché ; 6 % parlent des économies d’eaupotable...

Ainsi, l’eau du canal ne permet pas uni-quement de réaliser des économies sur lafacture, elle augmente aussi le bien-êtredes ménages, ce que nous allons essayermaintenant de valoriser. À défaut d’uneestimation des niveaux d’utilités (avec etsans canal) et de leur différentiel, noussupposons que ce supplément de bien-êtreest égal à l’accroissement de consomma-tion d’eau valorisé au prix de l’eau potabledéduction faite du prix de l’eau du canal,soit :

∆BEUrbains = [ConsoEauTotaleSiCanal

– ConsoEauPotableSansCanal]* PEauPotable – PEauBrute

Nous estimons la quantité d’eau ducanal consommée par les urbains (étantdonné qu’il n’y a pas de compteurs) à par-tir de leurs usages. Le prix de l’eau deville est celui en vigueur pour tous lestypes d’usages (« tarif normal ») ou uni-quement pour les usages ne rejetant pasd’eaux usées dans le réseau d’assainisse-ment (« tarif jardin »). Sauf précision,nous prenons systématiquement le prix del’eau le plus intéressant pour chaqueménage, compte tenu de la consommationestimée d’eau extérieure.

Comme pour le calcul de l’impact sur lafacture d’eau de l’accès au canal, les esti-mations du bien-être apporté par le canaldiffèrent fortement d’un ménage à l’autre :la médiane se situe à 124/71 €/an (« tarifnormal »/« tarif jardin ») et la moyenne à229/141 €/an (+/– 283/186) (figure 6).

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 67

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Page 13: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

Ainsi, la présence de l’eau du canal procureun bien-être supplémentaire estimé enmoyenne à 140 € par an et par ménage. Maisles situations sont très contrastées : 14 % desménages enquêtés, très faibles consomma-teurs d’eau du canal (car avec un très petit jar-din) subissent une perte de bien-être, tandis qued’autres ont un bien-être très fortement accru(+ 510 € par an) (tableau 6).

Synthèse des résultats concernant lesménagesLe tableau 7 synthétise l’ensemble des résul-tats présentés dans cette section, en termes denombre de m3 d’eau potable économisée,d’impact sur la facture (en %) et de supplé-ment de bien-être (évalué à partir de la dimi-nution de facture ou à partir de l’augmentationde consommation permise par l’eau du canal).

68 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

Figure 6. Estimation du bien-être supplémentaire apporté par le canal (en euros par an, pour les 65 ménagesutilisant le canal)

Tableau 6. Évaluation du supplément de bien-être annuel d’un ménage du fait du canal

NégatifFaiblement positif Positif Très positif

Moyenne(< 100 €/an) (100-300 €/an) (> 300 €/an)

Bien-être moyen (€/an) – 51 50 175 510 140

% de ménages concernés 14 % 40 % 32 % 14 % 100 %

1 10 20 30 40 60 0 1 000 2 000 3 000 4 00050

1 400

Bien-être du canal(valorisation au tarif normal)

Bien-être du canal(valorisation au tarif jardin)

1 200

1 000

800

600

400

200

0

1 000

800

600

400

200

0

-200-200

Surface du terrain (m2)

Tableau 7. Tableau de synthèse concernant les différentes estimations du supplément de bien-être dû à la présence du canal

Impact sur la facture Estimation du supplémentNbre m3 d’eau (en %) de bien-être (en €)

économisés Tarif bas Tarif haut Tarif bas Tarif haut(TA) (TN) (TA) (TN)

1. Économie sur la factureTotale 10 m3 + 12 % + 25 % – 32 € – 65 €

Sans le centre 31 m3 – 1 % + 10 % + 2 € – 31 €

< 500 m2 – – – – –

500-1 000 m2 78 m3 – 21 % – 12 % + 80 € + 47 €

> 1 000 m2 39 m3 – 5 % + 6% + 15 € – 18 €

Économie perçue 59 +/- 74 m3 – 20 % – 6 % + 48 € + 15 €

Consommation reconstituée 40 +/– 74 m3 – 7 % + 7% + 16 € – 17 €

2. Valorisation des services rendus(selon le tarif appliqué)

140 € (cf. tableau 6)

Observationde la

consommation

Page 14: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

3. Impact de la présence du canal sur lagestion de l’eau potable

La quantification de l’économie d’eaupotable réalisée par la régie du fait de laprésence d’un réseau d’eau brute permetd’avoir une estimation du supplément debien-être des ménages connectés au réseaud’eau potable. En effet, cette économied’eau va se traduire par une diminution dela facture d’eau pour tout abonné au serviced’eau potable. Cette quantification s’effec-tue à partir des éléments suivants :– la connaissance du nombre de parcelles

situées dans le périmètre de l’ASA et de larépartition entre les ménages qui consom-ment de l’eau du canal et ceux qui n’enconsomment pas ;

– la consommation d’eau annuelle moyennepour les ménages enquêtés sur la période1999-1er trimestre 2002 des cinq quartiersen distinguant ceux avec ou sans accèsau réseau. Nous avons aussi estimé celledes ménages n’habitant pas le quartiercentre (quartier trop particulier car souventsans jardin) et celle relevée sur le comp-teur jardin (des deux ménages non « frau-deurs ») ;

– la consommation d’eau des ménages de lacommune de Gignac observée en 2000.

Nous considérons trois hypothèses quantà l’économie d’eau réalisée par foyer : unehypothèse basse (faible économie corres-pondant à l’économie moyenne observéesur l’ensemble des ménages), moyenne(économie moyenne observée sur les « quar-tiers comparables ») et haute (forte écono-mie – compteurs jardins) (figure 7). Celanous conduit aux estimations d’économied’eau décrites dans le tableau 8, économiesque nous avons concentrées sur les troismois d’été (juin-juillet-août), pour estimerdes niveaux moyens de réduction des pics deconsommation d’eau de ville.

Pour la régie de Gignac, le réseau de dis-tribution d’eau brute présente certains avan-tages : il écrête (en partie au moins) les picsde consommation d’eau de la période esti-vale, la demande saisonnière liée à l’arrosagedes jardins et au remplissage des piscinesdans certains cas étant satisfaite par ceréseau. Il permet de ce fait au gestionnairede mieux dimensionner son réseau d’ali-mentation en eau potable6 et lui évite detraiter une eau qui n’en a pas besoin. Cesavantages ont été particulièrement perçusdans les années à forte demande en eau(2003 et 2006) pour lesquelles, selon le res-ponsable de la régie municipale de Gignac,le canal a permis de passer ces crises, laconsommation d’eau potable ayant certesaugmenté notamment du fait que certains

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 69

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

6. L’abaissement du débit de pointe est le principalintérêt du canal pour la commune car cela réduit lesinvestissements. Par contre, un gestionnaire n’a,sauf contrainte sur la ressource, généralement pasintérêt à ce que la consommation d’eau annuellebaisse du fait de l’importance des coûts fixes.

Figure 7. Fourchette d’estimation de l’économie d’eaupotable réalisée grâce au canal

75 m3 Compteur vert – (souvent jardin + piscine)

31-40 m3 Quartiers comparables (avec jardin) –consommation observée ou calculée

10 m3 Tous quartiers – (même sans jardin)

Tableau 8. Estimation de la réduction de la consommation d’eau de ville durant les trois mois d’été

Économie d’eau Hypothèse Hypothèse Hypothèse(en % de la consommation communale) basse moyenne forte

actuelle 5 % 18 % 39 %

si toutes les parcelles urbaines de l’ASA consommatrices 9 % 34 % 68 %

si toutes les parcelles urbaines de l’ASA consommatrices13 % 46 % 98 %+ 316 autres parcelles de la commune reliées

Page 15: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

ménages ne sont pas reliés au canal, maisdans des proportions bien moindres que sil’eau du canal n’avait pas été disponible(133 m3 par abonné en 2003, 130 m3 en2006, contre une moyenne de 125 m3 enannée normale).

L’économie d’eau potable réalisée par lacommune du fait de l’existence du réseaud’eau brute semble non négligeable : ellereprésenterait 5 % de la consommationd’eau de la commune de l’année 2000(avec une fourchette comprise entre 2 et12 %), soit 18 % de la consommation esti-vale. La quantité d’eau économisée pour-rait encore être plus importante car (1) il ya, dans le périmètre de l’ASA, des par-celles non consommatrices (316), soit parchoix (ne trouvent pas l’utilité du canal),soit par obligation (parcelles non reliées) et(2) on pourrait imaginer l’extension desservices de l’ASA à des quartiers hors dupérimètre.

En supposant que toutes les parcellesurbaines situées dans le périmètre de l’ASAaccèdent à l’eau du canal, l’économie d’eaupotable pour la commune pourrait repré-senter 10 % de la consommation en eau del’année 2000 (avec une fourchette compriseentre 3 à 21 %), soit 32 % de la consom-mation estivale (9-68 %). Si l’on équipaittous les quartiers périphériques urbanisésaujourd’hui à Gignac cette économie pour-rait alors correspondre à 14 % de la consom-mation d’eau potable (avec une fourchettecomprise entre 5 à 29 %), soit 46 % de laconsommation estivale (13-98 %). De tellesestimations ne semblent pas exagérées :Roth et Schlichtig (1994) parlent d’une éco-nomie d’eau envisageable de l’ordre de 23à 64 % de la consommation d’eau potable etMöhle (1980) de 30 % des besoins en eaudes ménages.

Ces chiffres permettent de comprendre laposition très favorable de la commune vis-à-vis de l’ASA (ainsi, elle conditionnel’amenée de l’eau potable dans les nou-veaux lotissements appartenant au périmètrede l’ASA à la connexion au canal) et sonintérêt à étendre ce système.

Nous n’avons pas mené d’étude analoguepour les SAR, qui offrent des contrats defourniture d’eau brute à durée limitée sansattache au foncier. Cependant on constateque dans l’est montpelliérain, la compagnieBas Rhône Languedoc a offert à de nom-breuses collectivités qui connaissent unecroissance démographique rapide la possi-bilité de doubler le réseau d’eau potabled’un réseau d’eau brute pour les nouveauxlotissements, en utilisant les mêmes argu-ments quant aux effets sur l’AEP : la satis-faction des rurbains.

3. Impact de la présence d’usagers urbainsSur la gestion de l’eau du canal

Enfin, il est possible d’évaluer l’impact dela présence d’usagers urbains sur la gestionde l’eau du canal, dont l’importance tanten nombre d’adhérents que de superficiesouscrite ne cesse d’augmenter. En corol-laire, depuis 1993, la facturation a été dif-férenciée pour les « jardins » (augmentationde la taxe) (Fargier, 1997).

En termes d’hectares souscrits, les jardinssont encore très minoritaires mais ils contri-buent plus que proportionnellement auxrecettes (à hauteur de 38 %). Toutefois,comme ils représentent près de la moitié desparcelles de la commune de Gignac (44 %)(tableau 9), il serait dangereux de conclureque les urbains contribuent au maintien del’irrigation agricole. Nous pouvons évo-quer en effet deux raisons.

70 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

Tableau 9. Poids des différentes catégories d’usagers de la commune de Gignac dans l’ASA

Année 2000 Recettes Hectares souscrits ParcellesParcelles agricoles 62 % 79 % 56 %Jardins 38 % 21 % 44 %Total 100 % 100 % 100 %

Page 16: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

D’une part, les coûts d’investissement sontplus importants pour équiper les zones péri-urbaines, en particulier pour passer à un réseaubasse pression. L’ASA et la commune ont faitle choix de ne pas transférer cette charge auxpropriétaires, dans des secteurs déjà urbanisés.En 1997, pour 55 terrains du quartier du Fontd’Encouvi, le coût supporté par l’ASA s’estélevé à environ 457 € par terrain raccordéauquel il faut rajouter autant que la communea pris en charge (Fargier, 1997).

D’autre part, le coût de gestion des dossiers(convocations aux assemblées, facturation...),avec l’informatisation du système, est iden-tique pour chaque abonné, quels que soient lasurface et le nombre de parcelles souscrites.Proportionnellement à la surface possédée, unurbain induit donc des frais de dossier plus éle-vés qu’un agriculteur. Et le coût supportéréellement par l’ASA est plutôt proportionnelau nombre d’abonnés (donc proche des 44 %).Pour palier cet inconvénient, l’ASA facture,depuis 2003 des frais d’émission (3, 93 € parfacture en 2007).

Ces deux éléments modérateurs ayant étésoulignés, il est cependant important de noterl’intérêt d’avoir des usagers urbains pourpérenniser ces associations d’usagers utili-sant une eau brute. Cet intérêt est d’ailleursreconnu par l’ASA de Gignac qui tente de lesfaire participer également aux prises de déci-sion (campagne d’invitation des urbains àparticiper à l’Assemblée générale, implicationd’un urbain avec voix consultative dans leConseil syndical où aucun non-agriculteurn’avait été élu). Ces effets positifs sur la via-bilité des réseaux d’irrigation d’une diversi-fication de l’offre de service vers les pro-priétaires urbains ont été soulignés par laplupart des gestionnaires d’ASA interrogés parLadki et al. (2007).

Conclusion et discussion

Globalement donc, le bien-être collectif estaccru par la présence de l’eau brute, même sinous n’avons pu en quantifier l’impact,n’ayant réalisé qu’une estimation non moné-

taire des impacts pour les services (eau potableet eau d’irrigation) : les ménages résidantdans des communes avec double réseau,comme la commune de Gignac et le fournis-seur d’eau brute ont en effet un supplément debien-être ou de recettes du fait de la présencedu canal et de sa mise à disposition aux usa-gers urbains. Les évaluations réalisées ici nesont qu’une estimation « minimale » de l’im-pact positif de la présence du canal. En effet,d’autres aménités existent : des quartiers plusverdoyants, un prix de l’eau de ville ainsiplus faible (moindre investissement néces-saire), etc. En questionnant les ménages ayantaccès à l’eau du canal sur l’impact global dela présence du canal pour la collectivité, nom-breux sont ceux qui mentionnent plutôt desimpacts individuels : un beau jardin, une plus-value foncière, une eau non javellisée. Certainsévoquent des questions financières intéres-sant également la collectivité telle l’économied’eau potable. Ils ne sont qu’une minorité (5personnes) à aborder l’impact sur le quartierdans son ensemble : un quartier vert.

Élargissons maintenant notre cadre d’ana-lyse en nous plaçant non plus au niveau dela commune de Gignac (niveau 0), mais àune échelle plus grande : celle du périmètrede l’ASA du canal de Gignac (niveau 1) oude la moyenne vallée de l’Hérault (niveau 2).

� Si au niveau 0, tous les acteurs paraissentêtre gagnants, il faudrait étendre l’échelled’analyse et étudier si au niveau 1 aucunacteur ne voit son bien-être diminuer du faitde la distribution d’eau brute à des ménagesde Gignac : en particulier, en aval, cela neconduit-il pas à une diminution de la quantitéd’eau (ou du débit) ? En première approche,il n’existe pas d’effets pervers du fait de laconcomitance de deux facteurs :– la modernisation de la distribution « éco-

nomise » de l’eau. A Gignac, les parcellesagricoles ont un droit d’accès à l’eau élevé(19 200 m3/ha sur 6 mois d’été), biensupérieur aux besoins maximaux d’un jar-din arrosé par aspersion ou au goutte-à-goutte (de l’ordre de 5 000 m3/ha) ;

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 71

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI

Page 17: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

American Water Works Association (1994).Dual water systems. Manual of watersupply practices, Denver, USA, 89 p.

Arrow K.-J. (1963). Social choice and indi-vidual values. New York, London, Sydney,2d Ed., John Wiley & Sons, Inc, 124 p.

Butler D. (1999). Guest editorial. UrbanWater, 1(4), p. 273.

Chilton J.-C., Maidment G.-G., MarriottD., Francis A., Tobias G. (1999). Casestudy of a rainwater recovery systemin a commercial building with a largeroof. Urban Water, 1(4), p. 345-354.

Dalhuisen J.-M., De Groot H.-L.-F., Nij-kamp P. (2001). Thematic report on theeconomics of water in Metropolitanareas. ESI, Vrije Universiteit Amster-dam, METRON project, The Nether-lands, April 18, 56 p.

Fargier Y. (1997). Rapports de mission -ASA du canal de Gignac. DRAF Lan-guedoc Roussillon, 31 octobre, 53 p.

Garin P., Loubier S., Gleyses G., Platon J.-P., Lunet de Lajonquière Y. (2001). Lesassociations syndicales autorisées :bilan d’étude sur leur fonctionnement etleurs stratégies de maintenance. Mont-pellier, Cemagref, Série Rapports Irri-gation, juillet, 57 p.

Garin P., Montginoul M., Ruf T. (2002).Intégration du multi-usages de l’eaudans les périmètres irrigués méditerra-néens. Communication au colloque“Irrigation water policies: micro andmacro considerations”, Agadir,Morocco, 15-17 June, p. 105-117.

Haney P.-D., Beatty F.-K. (1977). Dualwater systems - Design. Journal of the

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

– après viabilisation, une partie du terrainauparavant irrigué est dédiée au logementet ne consomme de ce fait pas d’eau.

Mais nous nous situons dans un contextedans lequel nous avons une ASA qui prélèveson eau dans le fleuve Hérault. Le « droitd’eau » (jusqu’à 3, 5 m3/s en été et 5 m3/s enhiver), historiquement défini par rapportaux besoins des agriculteurs (principale-ment viticulteurs), pourrait être remis encause par une gestion de l’eau à une échellesupérieure, la moyenne vallée de l’Hérault(niveau 2) : un conflit d’usages existe car ledébit du fleuve n’est parfois pas suffisant enété pour faire face aux besoins du canal deGignac et aux autres usages tels que lemilieu aquatique et le tourisme. Jusqu’àprésent, les termes du partage se jouaiententre des usages producteurs (en particu-lier les agriculteurs) et des usages « récréa-tifs » (la pêche et les loisirs aquatiques).Ces termes pourraient évoluer en prenant encompte la nouvelle situation dans laquelle la

quantité d’eau dévolue aux usages pro-ducteurs passe progressivement aux mainsd’autres usagers, les urbains : pourquoices derniers, dans une règle d’allocationmulti-usages, seraient-ils prioritaires parrapport à d’autres usages de même type(l’agrément) ?

Ainsi, le bien-être ressenti par la collec-tivité est différent selon l’échelle sur laquelleon se situe : s’il est incontestablement aug-menté par la présence de l’eau du canal àl’échelle locale (niveau 0), sa hausse (etl’ampleur de celle-ci) est plus probléma-tique à une échelle supérieure (niveau 2). ■

RemerciementsCe travail a bénéficié du soutien financier duministère de l’Ecologie et du DéveloppementDurable, du ministère de l’Agriculture et de laForêt et de la Direction scientifique du Cema-gref. Nous remercions l’ASA du Canal de Gignacet la régie municipale de Gignac pour leur pré-cieuse collaboration, sans laquelle ce travail n’au-rait pas pu être conduit.

72 • ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009

Distribution d’eau brute : facteur d’amélioration du bien-être collectif ?

Page 18: La présence d’un réseau de distribution d’eau brute dans

American Water Works Association,n° 69, p. 389-398.

Ladki M., Béchard M. (2007). L’adaptationdes associations d’irrigation gravitaireau phénomène d’urbanisation par lavalorisation de la multifonctionnalité deleur système irrigué - Résultats d’uneétude statistique auprès de 600 associa-tions des régions PACA et Languedoc-Roussillon. Montpellier, Cemagref -UMR G-Eau, 241 p.

Lamezec S. (2002). Economies d’eau sur laville - Opération Lorient Ville PiloteEconomies d’eau. Communication aucolloque « Réunion sur l’Observatoirede la consommation en eau potable »,Ministère de l’Aménagement du Terri-toire et de l’Environnement, 24 avril,15 p.

Möhle K.-A. (1980). Theorie und PraxisDoppelter Wasserversorgungsnetze. Was-ser und Boden, 32(10), p. 442-451.

Montginoul M. (2006). Les eaux alterna-tives à l’eau du réseau d’eau potablepour les ménages : un état des lieux.Ingénieries - E A T, n° 45, p. 49-62.

Montginoul M. et Rinaudo J.-D. (2003).Impact de la tarification sur les stratégiesde consommation et d’approvisionne-ment en eau des ménages. La HouilleBlanche, n° 3, p. 107-111.

Okun D.-A. (2001). Keynotes address:

water reuse introduces the need to inte-grate both water supply and wastewatermanagement at local and regulatorylevels. Communication au colloque« IWA », Berlin, 15-18 octobre, p. 8.

Roth U., Schlichtig B. (1994). Regenwas-sernutzung - Ein Beitrag zum Gewäs-serschutz oder eine Gefährung für dieSicherheit unserer Wasserversorgung?Wasser und Boden, , 46(11), p. 14-21.

Rudolph K.-U. (1979). Trennsysteme fürdie Wasserversorgung - ein altes Themaunter neuen Gesichtspunkten. GWF Was-ser - Abwasser, 120(5), p. 207-211.

Rudolph K.-U., Schäffer D. (2001). Inter-national Survey on Alternative WaterSystems: Extended Summary. Germany,Institute for Environmental Engineeringand Management, University of Wit-ten/Herdecke gGmbH, June 30th, 31 p.

Rump M.-E. (1979). Demand managementof domestic water use. J.I.W.E.S., 33(2),p. 173-182.

Sociology Water Lab Colorado Institutefor Irrigation Management. (2003). Thebenefits and costs of pressurized dualwater systems in Colorado and the poten-tial role of canal companies and irriga-tion districts in providing the pressurizedirrigation water supply portion of dualsystems. Colorado State University, USA,September 1, 175 p.

ÉCONOMIE RURALE 310/MARS-AVRIL 2009 • 73

RECHERCHES

Marielle MONTGINOUL, Patrice GARIN, Marwan LADKI