la nouvelle presse magazine 303 fevrier 2013

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News & Politics


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2 FEVRIER1943 STALINGRAD Le tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale Une victoire qui redonne l'espoir Une Autre Voix Juive ( UAVJ) lance un appel à la solidarité financière**. Les dons sont à verser à Soutien Autre Voix, 14, rue du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris. Ces fonds sont destinés à permettre de faire connaître ses prises de position moyennant finance, L'Humanité et La PNM étant à notre connaissance les seuls titres de presse à publier gratuitement les communiqués d'UAVJ. * Vous aussi pouvez signer cet appel sur le site d'UAVJ : http://uavj.free.fr * Lors de la tenue du dernier Bureau de l'UJRE, ses membres ont chacun contribué et versé la somme totale de 250 €. Massacre de Charonne

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Page 1: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

2 FEVRIER 1943STALINGRAD

Le tournant décisif dela Seconde Guerre

mondialeUne victoire quiredonne l'espoir

Olivier Gebuhrer Premiers pas en l’an 2013

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.

Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

La PNMaborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. La PNMse prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

ISSN : 0757-2395Le N° 5,50 €

PNM n° 303 – Février 2013 – 31e année

Proche-OrientÉlections en IsraëlEntretien de P.Kamenka avec... M.Schattner 3

Droits de l'hommeIsraël, rapport de l'ONU PK 3France, égalité desdroits des immigrés H.Levart 4

Histoire / MémoireUn livre de Michel Sablic lu par. . . M.Radzynski 6USA, IV. L'Hallali L.Laufer 7Hommage à Marcel Rajman le 17 février 2013 6Cinéma Das Kind(hommage à Irma Miko de la MOI) 7

STALINGRAD70e anniversaire de la victoiresoviétique A. Lacroix-Riz 8La bataille du XXe siècle M.Weinstein 8

Billet d'humeurTolérance zéro J.Franck 4

Culture / LittératureIlya EhrenbourgII. Le plus Français des Soviétiques B.Frédérick 5La maternité suisse d'ELNE P.Outteryck 6Les métallos et l'anticipation sociale P.Kamenka 6Cinéma Dans la brume, Antiviral, Esclave libre LL 7

(voir article d'Annie Lacroix-Riz en page 8)

Janvier étant le mois des vœux, la PNM avaitsouhaité à ses lectrices et lecteurs de voir leurs

espoirs commencer à trouver leur réalisation.L’année 2013 commence mal.Il est légitime de se demander comment le « Re-dressement Productif », icône du quinquennat,peut commencer par l’acceptation de la mise enfriche des fleurons industriels de notre pays.Il est légitime de se demander comment « lacroissance », autre emblème quinquennal, peuttrouver sa source dans le déferlement du chô-mage de masse, l’abdication devant les exigencessans fin du Medef, lequel par ailleurs sembleexercer sur le gouvernement une véritable fasci-nation ; à peine l’encre de certaines signatures aubas d’un prétendu « accord historique » était-ellesèche que Renault annonçait un plan social d’unerare ampleur. Cadeaux fiscaux démesurés.Au plan international, l’horizon est sombre. Onpouvait penser que l’appui de la France à la de-mande de l’Autorité Palestinienne à l’ONU si-gnalerait un tournant de la politique extérieure denotre pays. La PNM ne boude pas cet acte quitourne le dos à tant d’années de soutien incondi-tionnel à la politique ultra des dirigeantsisraéliens. Mais si cela reste sans suite, ce sera aumieux de l’ordre du symbole fugace. À ces pré-

occupations s’ajoutent celles liées à l’opérationdes élections anticipées israéliennes.Tout est dit dans la remarquable interview del’historien israélien Zeev Sternhell parue dansl'Humanité Dimanche*. Après une analyseoriginale du « retour des anti-Lumières » et desdeux conceptions antagoniques de la nation,Sternhell montre par quels mécanismes unemajorité de citoyennes et citoyens israéliens(67%), favorable à la création d’un État Palesti-nien, s’apprête néanmoins à reconduire une poli-tique conduisant à l’apartheid pur et simple sousle couvert d’une domination religieuse ultra et fa-natique et le maintien de formes vidées de toutsens d’institutions démocratiques.Pour autant, les problèmes sociaux de la sociétéisraélienne révélés par le puissant mouvement desIndignés israéliens ne trouvent pas même un dé-but de solution. Nous ne citerons qu’une phrase àcet égard : «Les Israéliens savent que des sommesfolles sont dépensées pour contrôler les Terri-toires et poursuivre la colonisation au détrimentde l’emploi, de la santé, de l’éducation. Mais ilsl’acceptent au nom d’un intérêt national défendupar la droite »**.Or il se trouve qu’au moment où ces lignesétaient écrites, le peuple israélien a parlé [voir en

page 3]. Un tournant politique s’amorce-t-il dansl’opinion israélienne ? Une course de vitesse estdonc engagée et la marche au bord du précipicereste une possibilité mais pas la seule.Ces données redoutables se doublent des im-menses questions soulevées par la guerre au Malidont la France a décidé l’engagement.On peut en effet se demander si, au lieu de seprécipiter à Bruxelles pour signer avec la chance-lière d’Allemagne un traité qui est un garrot pourla politique économique et sociale, il n’eût pas étéplus urgent de tout entreprendre pour aider lecontinent africain et spécifiquement le Mali à re-dresser ses structures étatiques et leurs économiesdévastées par les ajustements structurels du FMIet autre Banque mondiale. Le cadre de tels effortsexiste ; c’est celui de l’ONU. La nécessité del’action politique très en amont était connue de-puis des mois.Si nous voulons que nos voeux se réalisent, il esttemps que le vent se lève ; à sa manière, la PNMy contribuera. ■

* L’Humanité Dimanche n° 21088 du 17 au 23janvier 2013

** Ibidem p. 47

Cette affiche soviétique montre un soldat démo-lissant un panneau indicateur allemand où l'onpeut lire : "Vers l'Est". Au bas de l'affiche, la lé-gende indique : "Vers l'Ouest", ce qui illustre bienl'aspect du "tournant décisif". Elle symbolise,après la victoire de Stalingrad, la contre-offensivede l'Armée rouge, qui se terminera par la chute deBerlin.н

азапад!(nazapad!):àl'Ouest!

Page 2: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

2 PNM n° 303 – Février 2013

Mazel Tov !

Les familles D'ASTE BLANC et STAROSWIECKI-ALMAN

sont heureuses d'annoncer la naissance le 27 janvier 2013

de Arthur, petit frère de Juleset fils de Jean et Nhuan Nhan D'ASTE BLANC

ÀStrasbourg, les deux semaines de l'Université d'étéYiddish se dérouleront du 22 Juillet au

2 Août au Centre Européen de la Jeunesse. Le matin sera consacré à l’étude du Yiddish àtrois niveaux respectivement destinés aux débutants, aux plus avancés, à ceux enfin quisouhaitent étudier la littérature yiddish (en yiddish ;-). L'après-midi sera consacré auxateliers : Chant Yiddish, Danse Klezmer et "Nigunim".Des projections, concerts, conférences... rempliront les soirées.Deux excursions guidées sont prévues, l’une à Strasbourg même, en bateau-mouche,l’autre dans différents sites juifs d’Alsace. Prix : 450 € (300 € pour étudiants). Possibilitéde bourses pour de jeunes étudiants des pays de l’Est. Possibilité aussi de logement et deprise des repas - au prix les plus bas de Strasbourg - au Centre Européen de la Jeunesse.Information / Inscription : [email protected]

PARRAINAGE(1 0 € po u r 3 mo i s )

J ' OFFRE UN ABONNEMENT À :Nom et Prénom .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Téléphone .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

BULLETIN D'ABONNEMENTJe souhaite m'abonner à votre journal

"pas comme les autres"magazine progressiste juif.

Je vous adresse ci–joint mes nom, adresse

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Magazine Progressiste Juiffondé en 1 934Editions :

1 934-1 993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse(clandestine de 1 940 à 1 944)

1 965-1 982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1 982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U. J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZRédacteur en chefRoland Wlos

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

Nicole MokobodzkiAdministration - AbonnementsSecrétaire de rédactionTauba-Raymonde AlmanRédaction – Administration

1 4, rue de Paradis7501 0 PARIS

Tel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

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IMPRIMERIE DE CHABROLPARISL

aPresseNouvelleMagazine

–ISSN

:0757-2395

A vos agendas !

Carnet

Monsieur Serge PORTIAS,son époux,

Madame Sophie PORTIAS,sa fille,

Mademoiselle Marie-Sarah BOUCHE-PORTIAS,sa petite-fille,

Hélène et Sam ROZENHOLC,sa belle-soeur et son frère,

ont la douleur de vous faire part du décès de

Madame Alice PORTIASnée ROZENHOLC

Fille de Majer Ber ROZENHOLCditMarcel, son père,engagé volontaire le 2 septembre 1939,

résistant au sein de la FTP-MOI, déporté à Auschwitz en 1943et de

Nechama Beila BAJERA dite Berthe, sa mère, égalementrésistante au sein de la FTP-MOI qui nous a quittés en 1989

survenu le samedi 5 janvier 2013 à l' âge de 70 ans.

Les obsèques ont eu lieu le mercredi 9 janvier 2013dans l' intimité au Cimetière Parisien de Pantin.

Joseph Bialot-Broda (1923-2012)Né en 1923 à Varsovie dans une famille juive arrivée àParis en 1930, Joseph passe sa jeunesse à Belleville.Engagé dans la Résistance, il est arrêté en 1944 et déporté àAuschwitz. Pour supporter "ce passé qui ne passe pas", ilsuit une analyse et passe une licence de psychologie àVincennes. En 1978, il se lance dans l'écriture et publiechez Gallimard "Le salon du prêt-à-saigner", couronné parle Grand Prix de littérature policière en 1979. Il ne lâcheraplus le polar. En 1990, il publie "La nuit du souvenir" et en2002, "C'est en hiver que les jours rallongent", ouvragesdans lesquels il se heurte à "l'invraisemblable vérité". Il necessera d'écrire. Il aimait jouer au Loto les chiffres tatouéssur ses bras à Birkenau et àAuschwitz. Il n'a jamais gagné.

Appel* publié le 6-7 avril 2003 dans Le Monde, le 7 avril2003 dans l'Humanité, et publié à nouveau dans uneversion mise à jour, en septembre 2004 dans Le Monde.

Parce que nous ne pouvons pas supporter l'horreur devenue quotidienne au Proche­Orient,Parce que quelques institutions et quelques hommes publics monopolisent abusivementl'expression des Français juifs, Parce que nous rassemble une certaine idée de l'humanité,Parce que, devant les répercussions en France du conflit du Proche­Orient, la résurgence del'extrême droite et la recrudescence d'actes antisémites, nous sommes amenés à revendiquerpubliquement la part juive de notre identité personnelle,Nous avons décidé de nous exprimer collectivement. Appel à soutienUne Autre Voix Juive (UAVJ) lance un appel à la solidarité financière**. Les dons sont àverser à Soutien Autre Voix, 14, rue du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris. Ces fonds sontdestinés à permettre de faire connaître ses prises de position moyennant finance,L'Humanité et La PNM étant à notre connaissance les seuls titres de presse à publiergratuitement les communiqués d'UAVJ.

* Vous aussi pouvez signer cet appel sur le site d'UAVJ : http: //uavj .free.fr* Lors de la tenue du dernier Bureau de l'UJRE, ses membres ont chacun contribué etversé la somme totale de 250 €.

31 e année de la PNM - Points de vue

Comme vous le savez, par son numéro300, la PNM appelait ses lecteurs à réagirà son contenu, à faire des propositions. . .Voici une toute première réaction, nous enespérons de nombreuses !L'équipe de la PNM s'efforcera de répondreau mieux prochainement à vos attentes.

Julien Hirszowski, Paris : Tout d'abordbonne année 2013 et meilleurs vœux àtous ! Vous m'avez demandé, en tant quelecteur de la PNM, de vous faire connaîtremon point de vue sur le journal afin devous permettre de répondre toujours plus etde mieux en mieux à mes attentes. Je lefais bien volontiers. D'abord sur ce qui ré-pond pleinement à mon attente : les conte-nus culturels riches et diversifiés, lesrubriques histoire, mémoire, sans oublier lecycle "Être juif au XXIe siècle", la vigi-lance contre l'antisémitisme lié aux ext-rêmes droites occidentales. De quoisatisfaire la curiosité, découvrir des chosesnouvelles, ouvrir l'esprit. Ce qui ne répondpas à mon attente, c'est le traitement duconflit israélo-palestinien. Alors que laPNM dispose du concours de spécialistesdu Proche-Orient, leur compétence n'estutilisée qu'à moitié : pour analyser de façoncritique les problèmes venant du côté is-raélien, jamais du côté palestinien. Person-nellement j'ai la chance d'avoir unophtalmo très compétent grâce à qui j'ar-rive à voir aussi nettement que possible desdeux yeux malgré ma myopie. Ce spécia-liste ne restreint pas ses consultations à unseul œil, toujours le même ! Et si c'était lecas, je trouverais qu'il bride exagérémentl'exercice de ses compétences, et j'estime-rais ne pas en avoir pour mon argent ! J'aireçu le dernier n° de la PNM avec l'inter-view du 19 décembre 2012 d'Alain Gresh,spécialiste indéniable du Proche-Orient. J'yai cherché en vain un commentaire sur lediscours du 8 décembre de Khaled Me-shaal à Gaza à l'occasion du 25e anniver-saire du Hamas. Ce discours important(voir les 3 liens ci-dessous) semble contre-dire certaines déclarations antérieures surl'acceptation par le Hamas de deux Étatsdistincts séparés par la ligne d'armisticed'avant la Guerre des Six jours. Une expli-cation par A. Gresh m'aurait permis d'yvoir plus clair sur cette apparentecontradiction. Malheureusement, l'absenced'analyse critique du Hamas dans la PNMn'est pas nouvelle et je l'ai déjà déploréeauparavant à plusieurs reprises. Faire l'im-passe sur le rôle dans le conflit israélo-pa-lestinien d'une organisation comme leHamas ne me paraît aller ni dans le sens duprogrès, ni dans celui de la paix. Je souhai-terais que la PNM puisse surmonter rapide-ment, pendant qu'il est encore temps, cedéficit d'information, ce qui aiderait àdissiper toute confusion possible avec lespositions des partisans d'un État unique,d'EuroPalestine, du PIR ou de l'UJFP. C'estl'amélioration que je peux suggérer ; cen'est pas difficile, il suffit que vous le vou-liez. Amitiés à tous. ■•http://www.rfi.fr/moyen-orient/20121208-territoires-palestiniens-gaza-hamas-25-ans-mechaal-israel•http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Le-chef-du-Hamas-appelle-a-Gaza-a-l-unite-pour-liberer-toute-la-Palestine-_NG_-2012-12-08-885503•http://soutien-palestine.blogspot.fr/2012/12/discours-integral-de-khaled-mechaal.html

Décès

Naissances

Commémoration du Massacre deCharonne Vendredi 8 février

• à 12h auMétro Charonne• à 13h au Cimetière du Père Lachaise• à 19h30 projection du film "Charonne, 8 février" par Olivier Doatau 3, place des grès Paris 20 (PCF 20e),

Les 70 ans de l’UJRE - En 201 3, l'UJRE célébrera le 70e anniversaire de sa création officielle.Poursuivre l'oeuvre entreprise dans la clandestinité, aujourd'hui où nous sommes largement entrésdans le XXIe siècle, reste pour nous un impératif exigeant et toujours plus actuel.

Lundi 29 avril 2013 de 18h. à 21h. à l'Hôtel de Ville de Paris

L'Assemblée Générale des adhérents de l'UJRE se tiendra au 14 rue de Paradis, Paris 10 leSamedi 24 mars 2013 à 15h.

V i e d e s a s s o c i a t i o n s

Yiddish à StrasbourgRafaël Goldwaser communique :

A vos agendas !

Page 3: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

3PNM n° 303 – Février 2013

PNMQuelles sont les leçons principalesdes élections israéliennes de 2013 ?

Marius Schattner Les observateurs ontété surpris par le résultat de ces électionslégislatives en Israël. Les sondages nousont tous trompés, pas sur le Likoud (31sièges) ni sur les Travaillistes (15 ), maissur le score du nouveau parti centristeYesh Atid - "Il y a un avenir" (19 sièges)de Yaïr Lapid. Certes il ne s’agit pas d’ unrenversement politique. Même si son par-ti a perdu 11 sièges, Benjamin Netanya-hou va rester à la tête du gouvernement.Mais ce scrutin n’en marque pas moinsglobalement un coup d’arrêt à l’extrêmedroite.PNMComment qualifier le parti YeshAtid ?

Marius Schattner Ce parti est sans posi-tion politique claire. Son programme esttout et n’importe quoi. Son seul cheval debataille pendant la campagne électorale aété d'exiger que les juifs ultra-orthodoxesfassent leur service militaire. Avant lesélections, la grande déclaration de YaïrLapid (ancien journaliste vedette de latélévision) a été d'affirmer qu’il n’accep-terait pas d’être ministre sans portefeuille.Au vu des résultats, il sera ministre avecun portefeuille.Le parti de Lapid n’est pas un parti degauche. C’est un parti qui représente lesclasses moyennes et les classes moyennessupérieures. Elles sont à la fois pour labaisse des impôts et en même temps ellesveulent des logements à bas prix. Maissur le fond, Lapid a pris position en fa-veur des gros blocs d’implantations dontcelui d’Ariel, et il a approuvé la construc-tion d’une université à Ariel. Immédiate-ment après son élection il a annoncé qu'ilavait l'intention de participer à un gouver-nement Netanyahou, et qu'il ne ferait pas"bloc avec la députée (arabe israélienne)Hanna Zoabi", bête noire de l'extrêmedroite israélienne.Il a critiqué en revanche avant le scrutinle Premier ministre pour avoir annoncéde nouvelles accélérations de construc-tion de colonies. Il rappelle beaucoup lespositions de l'ancien premier ministreAriel Sharon.PNM: Quel est le rapport de force à laKnesset** ?

Marius Schattner Il n’y a pas eu devague irrésistible de l’extrême droite nides partis religieux. On peut dire en re-vanche qu’il y a une radicalisation au seinde la droite : l’extrême droite est plusforte au sein du Likoud et les religieuxsont plus forts. Mais globalement au Par-lement, la droite ne s’est pas renforcée,elle s’est plutôt affaiblie.A gauche, il y a un renouveau, les Tra-vaillistes ont fait un mauvais score, maisle parti Meretz (6 voix) a effectué une re-montée sensible bénéficiant du vote desjeunes. Il passe de 3 à 6 sièges.Globalement, on peut estimer qu’il y a unaffaiblissement de la droite, avec un votetrès massif au centre, mais dont on ne saitquel sera l’axe politique. A gauche, on

constate un petit renforcement du campde la paix, même si les électeurs n’ontpas voté sur la question de la paix avecles Palestiniens. D’ailleurs, les partis quien ont fait leur thème de campagne,comme le parti de l'ancienne ministre desAffaires étrangères, Tzipi Livni (Hat-nouah, 6 sièges) ont obtenu un score trèsfaible.Le message, ambigu, des Israéliens à l’is-sue de ce vote est de signifier à BenjaminNetanyahou et aux colons "fous" que çàsuffit, que leur politique va trop loin, sansdessiner encore d'alternative .PNMQuelle politique va être conduitepar la nouvelle coalition entre la droiteet le centre ?

Marius Schattner Netanyahou fera lamême politique, mais elle sera habillée defaçon différente. Elle sera plus "présen-table" comme l'écrit le quotidien Jerusa-lem Post, pro Likoud. Ce n’est pas lapeine de proclamer qu’on va faire des co-lonies alors qu’on ne va pas les construiredu moins dans l'immédiat, cela juste pourfaire plaisir à l’électorat et ainsi prendrele risque d’aggraver les relations avec lesÉtats-Unis. Le nouveau gouvernement vadonc essayer de mettre un peu d'huiledans les rouages. A mon avis, cela ne de-vrait pas marcher. Le parti de Yaïr Lapiddit par exemple qu’il est favorable à la re-prise des négociations avec les Palesti-niens. Très bien. Mais les Palestiniensdemandent, pour pouvoir reprendre lesnégociations, qu’il y ait d’abord un geldes colonisations. Le parti de Lapid n’estpas pour ce gel. Les Palestiniens de-mandent également qu’il y ait une chanceréelle d’accord. Et sur cette question en-core, Lapid s’est abstenu.PNM: La question sociale a-t-elle jouéun rôle dans ces élections ?

Marius Schattner La question sociale aénormément marqué ces élections, maisde façon détournée. Elle a été totalementrécupérée par le parti centriste Yesh Atid.Il a joué sur l’ambiguïté du mouvementsocial de 2011 . Car ce mouvement n’étaitpas un mouvement des pauvres, mais unmouvement marqué par un grandmécontentement des classes moyennessur qui pèse tout le poids des taxes et desimpôts et qui se sentent pressées commedes citrons. La force de ce mouvementétait d’avoir des slogans très vagues, trèslarges, sympathiques, comme "le peupleveut la justice sociale". Le mouvement apris une ampleur phénoménale précisé-ment par son refus de prendre positionclairement sur des questions politiquesqui l'auraient divisé. Sans répondre à laquestion clef : où prendre l'argent ? Lemouvement par exemple n’a jamais de-mandé l’arrêt de la colonisation. Ce mou-vement a réussi en raison de cetteambiguïté, mais c’est également à causede cette même ambiguïté qu'il a abouti àune impasse.C’est ce qui se passe maintenant avec leParti du centre. Il réussit à cause de sonambiguïté et aussi du fait de raisons tota-lement irrationnelles : leur dirigeant est

relativement jeune, ila 45 ans, télégénique,sportif accompli, un physique à laGeorges Clooney etc.Comme le mouvement social, ça vamarcher au début à cause de l’ambiguïtéde cette formation politique, mais celarisque aussi d’aller à l’échec pour lesmêmes raisons.PNM : Sur la question palestinienne, lanouvelle coalition va-t-elle mener uneautre politique ?

Marius SchattnerNon. En revanche, il yaura plus de sensibilité aux inflexions dela politique américaine après les récentesdéclarations d’Obama à la presse. On at-tend aussi une initiative européenne surcette question. Sur le fond, il n' y aura pasgrand chose de changé, d'autant qu'il estquasiment certain que le parti religieuxultra-nationaliste Beit Yeoudi (Le Foyerjuif) qui a effectué une percée (12 siègescontre 7 à la précédente Knesset) va parti-ciper au gouvernement. Il ne faut pas sefaire d’illusion, il n’y aura pas de gel de lapolitique de colonisation. En revanche, iln’y aura pas de déclaration fracassantesur la multiplication de nouvelles colo-nies.Les Israéliens, en résumé, ne veulent pasla paix, mais ils veulent qu’on leur fichela paix… C’est l’aspiration des gens. Ilsne veulent pas des "colons fous", maissans vouloir en même temps le démantè-lement des colonies.Dans le domaine de la politique exté-rieure, on devrait par ailleurs assister àl’arrêt des projets d’attaque contre l’Iranpour l'empêcher de se doter de l'arme nu-cléaire. ■ Propos recueillis par

Patrick Kamenkale 24 janvier 2013

* Marius Schattner est journaliste. Il a étécorrespondant de l’AFP. On lui doit des articlesparus dans les revues Découverte et Esprit etdeux livres, "Israël, l'autre conflit, laïcscontre religieux" (Éd. André Versaille, 2008)et "Histoire de la droite israélienne deJabotinsky à Shamir" (Éd. Complexe, 1 991 ).Il prépare un livre sur la guerre de Kippour avecl'historienne Frédérique Schillo, qui doit sortir enoctobre prochain aux Éd. André Versaille.

La poursuite de la colonisationcondamnée par l’ONU et l’UE

L’Union européenne, par la voix de sareprésentante pour les Affaires étrangè-res, Catherine Ashton, et tous les mem-bres du Conseil de sécurité des Nationsunies à l’exception des États-Unis, ontcondamné Israël, à la suite de l’annonced’un projet de construction de mille lo-gements dans le quartier de colonisationde Gilo, à Jérusalem-Est.

En Israël même, cette poursuite de lapolitique de colonisation a été vivementdénoncée par le mouvement « La PaixMaintenant » qui voit dans le projet deGilo une volonté de créer une continuitéterritoriale juive entre le Goush Etzion etles quartiers de colonisation du sud deJérusalem. ■

Le Conseil des droits de l'hommedes Nations Unies demande l'ar-rêt de la colonisation

Le Conseil des droits de l'Homme desNations unies, dans un rapport d'expertsindépendants, a demandé l'arrêt immé-diat des colonisations des territoires. Ledocument, qui évoque pour la premièrefois un recours possible devant la Courpénale internationale, appelle au "retraitprogressifde tous les colons". Le minis-tère israélien des affaires étrangères acondamné ce document qui, selon Israël,va à l'encontre d' ''une solution durableau conflit israélo-palestinien" (sic). LaPNM traitera le sujet dans son prochainnuméro. ■

Actualité du Proche-Orient

Entretien avec Marius SchattnerEn février 2012 (PNM n° 293), ce journaliste franco-israélien* vivant en Israël faisait pour les lecteurs de laPNM le point sur le "printemps arabe vu d'Israël", lors d'un de ses passages à Paris. Aujourd'hui, il nouscommente les résultats des élections législatives du 22 janvier 2013.

** Knesset : Parlement israélien dont voici la nouvelle répartition :

En bref

Page 4: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

4 PNM n° 303 – Février 2013

Quelle enfance que celle de Michel !Une expression vient à l’esprit : laréalité dépasse la fiction !

La famille est à Varsovie, lorsque, enseptembre 1939 une bombe tombe sur lamaison et la détruit partiellement. Lepère prend alors la décision de partir, etvoilà le premier voyage : Bialystok,Moscou, Oural, et Orcha. C’est là que lepère est mobilisé et incorporé dansl’Armée rouge. Mais la ville subit desbombardements intensifs, et c’estl’exode, en direction du Sud-Est. Arrivéeà Orenbourg , à 2 000 km, aux portes duKazakhstan.La vie est dure, la mère tombe maladeet… meurt. C’est là que commence ladure vie d’orphelin de Michel.Premier orphelinat : petit établissementd’une vingtaine de gosses de cinq àdouze ans. Michel a cinq ans. Premièredes préoccupations : manger, trouver descombines pour avoir un peu plus que lanourriture de l’orphelinat.C’est là aussi que Michel va à l’écolepour la première fois, et qu’il doit aban-donner sa langue maternelle, le yiddish ,pour parler, lire et écrire le russe !Un nouvel arrivant lui apprendl’existence d’une « amicale polonaise »à Orenbourg. Michel la contacte, car il al’espoir de retourner à Varsovie et d'yretrouver son père.En effet, début 44, le voici dans un nou-vel établissement qui est administré pardes Polonais.L’été se passe et avec les autres enfantsde l’orphelinat, il fait les travaux deschamps. Rentrée scolaire en polonais !Michel doit apprendre un nouvel alpha-bet, une nouvelle langue !Et c’est là que survient une grande nou-velle : LAGUERRE EST FINIE !Dès le lendemain, il faut être prêt à partirpour la Pologne. Périple extraordinaireet qui l’emmènera, il ne le sait pas en-core, jusqu’en Palestine !Premier arrêt à Ulm, la ville nataled’Einstein : Michel y restera fort long-temps, sans scolarité aucune. Certainsenfants ont su, là, qu’ils allaient partiraux U.S.A pour y être adoptés !Ce n’est qu’au printemps 46 que Michelquitte Ulm pour Varsovie où le groupen’arrivera qu’après un interminablevoyage en train !Michel, qui va avoir sept ans se croit ar-rivé à destination. Il est en fait à la veilled’un nouveau périple de plusieursmilliers de kilomètres !Une personne se disant la tante de Mi-chel lui promet de venir le chercher, cequ’elle fait, mais pour l’emmener avectrois autres enfants à… Jérusalem !Débarquement en été 46 à Haïfa puisdestination définitive.Nouvel orphelinat, nouvelle vie, école,mais école religieuse. Coupe de che-veux, papillotes, casquette obligatoire,nouvelle langue : l’hébreu et quantité de

Mémoire

consignes religieuses à respecter tout aulong de la journée. Et aussi, la guerre àla porte de l'orphelinat.Et puis, coup de tonnerre dans la vie decet orphelin : il apprend qu’il a toute unefamille en Israël, et surtout, un père àParis ! ! ! Et du coup, il apprend son âgevéritable : Michel a treize ans et demi !C’est, alors, une longue et difficile at-tente dans la famille et chez des amis àTel-Aviv, et enfin, en possession despapiers nécessaires, l’arrivée à Paris, au-près de son père. C’est en février 1952.Quelles retrouvailles ! ! Tout le mondeparle yiddish, leur langue commune.L’émotion est immense : qui ne voudraitembrasser ce fils retrouvé ?Après le russe, le polonais, l’hébreu,Michel doit maintenant se mettre aufrançais ! Dans son livre*, Michel ra-conte le bonheur, et aussi les difficultésqu’il a dû vaincre pour s’intégrer à la viefrançaise. Et bien sûr, avec sa volonté, saténacité, il y est parfaitement parvenu.Le père de Michel, Joseph et sa femmeAla, chantaient à la Chorale populairejuive de Paris, et faisaient partie del’UJRE. Quand Joseph a su qu’il avaitretrouvé son fils, qu’il croyait disparu àjamais, et même mort, la nouvelle a faitle tour de tous les amis et des connais-sances, et même, m’a-t-on dit, beaucoupse sont mis à espérer retrouver un parent,un ami disparu…Lisez ce livre authentique et passion-nant, ce n’est pas un roman, c’est la viede Michel et c’est mieux ! ■

* Michel Sablic, Un orphelin dans la secondeguerre mondiale, Éd. l’Harmattan, coll. Gra-veurs de Mémoire, Paris, 2012, 250 p., 25 €

Un orphelin dans la SecondeGuerre mondiale

Varsovie, Moscou, Alma-Ata, Jérusalem... Paris !Un livre de Michel Sablic lu parMadeleine Radzynski

Égalité des droits des immigrés

L'ArlésienneparHenri Levart

Droits de l'Homme

La corbeille des engagements électoraux non tenus de François Hollandeest pleine à ras bord. L’un deux recueille pourtant l’assentiment largementmajoritaire de l’opinion publique : le droit de vote aux municipales des

immigrés extracommunautaires présents sur le territoire national.Les renoncements sont constants. Ce droit était pourtant déjà l’une des cent unepropositions de François Mitterrand en 1981 , resté quatorze ans à l’Elysée sansdonner suite. Puis Lionel Jospin, cinq ans Premier ministre, n’a pas levé le petitdoigt. L’occasion en est repoussée une nouvelle fois. Des sans-papiers au refusdu suffrage universel, manquer à la parole donnée, se renier sont une pratique te-nace chez ces gens-là.Tant d’étrangers sont en France depuisdes années. Leurs enfants et petits-en-fants sont naturalisés ou français denaissance. Ils seraient donc indignesd’exercer leur devoir de citoyen ? Ilsparticipent pourtant à la vie de la cité,contribuent à forger son destin, tra-vaillent dans l’industrie, le bâtiment, lestransports, le commerce, l’agriculture,soignent dans les hôpitaux, enseignentdans les universités et, mais oui, payentleurs impôts. De Marie Curie à Chagall,ils sont l’honneur de notre pays.Le pouvoir socialiste fait ainsi fi de nosvaleurs humanistes, malgré l’appelpressant de la Ligue des Droits del’Homme (LDH), malgré celui du col-lectif Votation citoyenne, initié par leFront de gauche auquel le PS avaitdonné son accord.Ne serait-ce qu’un double jeu ? Quifaut-il croire ? Harlem Désir qui écritaux députés de sa formation politiqueleur demandant d’adopter une loi favo-rable ou Manuel Valls, « l’ami desRoms », dont les propos : « Est-ce quec’est aujourd’hui une revendicationforte dans la société française ? Unélément puissant d’interrogation ?Non ! » sont intolérables.L’attachement patriotique des étrangersn’est plus à démontrer. Ils ont été desmilliers à s’engager lors de la déclara-tion de guerre en 1939. Ils ont été nom-breux à mener le combat antifasciste età donner leur vie pour notre liberté.L’UJRE dont l’histoire s’inscrit pleine-ment dans celle de l’intégration soutientle mot d’ordre si populaire : « On vit ici, on bosse ici, Il faudrait aussi parler des onvote ici ». Une avancée démocratique permise par le droit du sol, norme intangiblede notre République. ■

NDLR Il faudrait aussi parler des tra-vailleurs "au noir"... La Cgt mais aussi laLDH étudient les moyens de faire appa-raître publiquement la masse de travail-leurs vivant en France, souvent depuisune dizaine d'années, voire plus, dans laclandestinité que leur imposent les em-ployeurs qui ne les déclarent pas : dé-pourvus de bulletins de paye, non connusdes impôts, partant nul droit à rester enFrance, d'où à y voter... Exemple : la confec­tion. Des ateliers dissimulés, totalement clan­destins, exploitent une main­d'oeuvre souventthaïlandaise ou chinoise composée majoritaire­ment de femmes qui travaillent en moyenneonze heures par jour pour un salaire variant de4,80 € à 6 € de l'heure selon l'employeur, qui fa­briquent des vêtements pour des magasinsconnus : Morgan, Cache cache... Lors des né-gociations menées, MM. Valls et Sapinrefusent de parler de ces travailleurs invi-sibles. La future loi du gouvernement neprévoit rien pour contraindre les em-ployeurs à les déclarer. Pour un tra-vailleur étranger, l'argument ouvrantl'accès à l'égalité des droits devrait doncêtre, non plus de payer des impôts, maisde vouloir être déclaré, de payer des coti-sations, d'avoir ses feuilles de paye... Lacirculaire du 28 novembre 2012* quipermet nombre de régularisations desalariés volontairement déclarés par l'em-ployeur ne prévoit toujours rien pourcontraindre l'employeur à déclarer sessalariés employés "au noir", ce quiconstitue une véritable mine d'or pour lepatronat. ■

* Circulaire relative aux conditions d’examendes demandes d’admission au séjour déposéespar des ressortissants étrangers en situation ir-régulière dans le cadre des dispositions ducode de l’entrée et du séjour des étrangers etdu droit d’asile - NOR : INT/K/12/29185/C

La vertu doit être encouragée, mais le délit, le vice, le crime,même la moindre incivilité méritent un châtiment exemplaire.

Sinon, où irait notre société ?Par inconscience ou malhonnêteté, les parents d'une enfant de cinq ans avaientomis de payer en temps voulu les frais de cantine de leur gamine. Une telle cra-pulerie frustrait la communauté et constituait un exemple déplorable. Elle nepouvait demeurée impunie. "Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude".Son bras séculier, un agent de la Police investi de l'Autorité de l'État, intervint.Dans sa classe et en présence des autres enfants, le sbire s'empara de la fraudeuse.Sous bonne escorte, on la conduisit au commissariat. Je suppose qu'on la plaça engarde à vue… En fait, non. On avait simplement choisi ce lieu comme abri, enl'absence de ses parents.

Vous me croirez si vous voulez : cet "incident" ne se produisit pas sous le règnede Sarkozy. ■ 23 janvier 2013

par Jacques Franck

Billet d'humeurTolérance Zéro

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5PNM n° 303 – Février 2013

Un peu par hasard, Ehrenbourg entame,à cette époque, une carrière de journa-liste qui le mènera très loin. Il se faitcorrespondant du Birjevyé Vedomosti(Les Nouvelles de la Bourse) qui paraîtà Saint-Pétersbourg (devenu Petro-grad). Plusieurs fois il se rend sur lefront. Naît chez lui une haine de laguerre qui l’accompagnera toute sa vie.En février 1917, l’annonce du renver-sement du tsar le laisse d’abord incré-dule, puis avec des dizaines d’immigrésrusses, il se presse à l’ambassade pourobtenir l’autorisation de rentrer à Pe-trograd. A La Rotonde, c’est la fête. LaRévolution russe, à laquelle personneau fond ne comprend rien, fait vibrerles cœurs et se remplir les verres.Il avait dix-sept ans et « l’esprit d’exil »appartenait à un autre temps. Ilya nequittait pas la Russie de son plein gré. Ily était contraint par des raisons poli-tiques. Deux ans plus tôt, en 1906, ilavait fait au lycée la connaissance deNikolaï Boukharine qui était de deuxans son aîné : une rencontre qui allaitdéterminer sa vie. Ehrenbourg, fils d’unbrasseur, avait fait l’expérience de lacondition ouvrière : en 1905, il s’étaitpassionné pour la révolution, assistantaux meetings. Il inclinait pour les bol-chéviks « romantiques non romanti-ques ». Boukharine lui ouvrit le chemindu marxisme. Ilya adhère au Parti so-cial-démocrate de Russie. Il a quinzeans et se trouve en terminale. Il ne pas-sera pas son bac. Il est exclu du lycéepour propagande bolchévique. Deuxans plus tard, en 1908, il est arrêté. Ilfait cinq mois de prison. Son père quin’approuve pas l’engagement de sonfils paye une caution. Ehrenbourg estlibéré mais expulsé de Moscou.L’Okhrana, la police politique du tsar,le surveille de près. Il doit quitter lepays.Le 7 décembre 1908, il est à Paris. Il yrestera, pour ce premier séjour, jus-qu’en 1917. Ce sont, comme il le dira,ses années d’université. Mais son uni-versité se nomme La Rotonde ou LaCloserie des Lilas et tous ces cafés dusud de Paris, non loin de Montparnasse,où se réunissent les émigrés russes.Deux jours après son arrivée, Ilya ren-contre Lénine dans l’un de ces bistrots.Il fréquente aussi la bibliothèque del’avenue des Gobelins, rendez-vous del’immigration russe.Les années aidant, et tout en restantconstamment en contact avec lesRusses, Ehrenbourg découvre la poésie,la littérature, la peinture contempo-raines et leurs maîtres. Paris est alorsun foyer international de la créationsous toutes ses formes. Les Français y

Ilya Ehrenbourg

II . le plus Français des SoviétiquesparBernard Frederick(Suite du n° 299)

■ ■ ■ côtoient des Espagnols, des Italiens,des Américains, des Russes…Ilya tisse des liens avec Apollinaire,Max Jacob, Blaise Cendrars, JeanCocteau, Fernand Léger, Vlaminck, Pi-casso, Juan Gris, Modigliani, Chagall,Diego Rivera, Soutine, Zladkine.Tous ces artistes sont pauvres. Ilya l’estaussi. « Devenu un habitué de La Ro-tonde, je pris l’aspect d’un clochardaccompli », écrit-il dans ses Mémoires.Il commence à écrire des poèmes qu’ilenvoie sans trop ycroire à des revuesde Saint-Péters-bourg. Surprise !La revue SevernyeZori (Les Aubes duNord) publie un deses poèmes. D’autrespublications suivront: faibles tirages, peude ventes, maigresrapports… Mais IlyaEhrenbourg écrit etécrit encore…Il a rencontré à Parisles poètes russesparmi les plusgrands de l’époque :Konstantin Balmont,Alexeï Tolstoï, Volochine… Ils l’ in-fluencent comme l’influencera untemps Francis Jammes, donnant à sesécrits un caractère religieux qui ne du-rera pas.En 1910, Ilya épouse Katia. Le 25 mars1911 , naît à Nice leur fille Irina. Lecouple se séparera quatre ans plus tardet Ehrenbourg ne retrouvera sa fillequ’en 1923 pour ne plus la quitte u Pe-trograd). Plusieurs fois il se rend sur lefront. Naît chez lui une haine de laguerre qui l’accompagnera toute sa vie.En février 1917, l’annonce du renverse-ment du tsar le laisse d’abord incrédule,puis avec des dizaines d’immigrésrusses, il se presse à l’ambassade pourobtenir l’autorisation de rentrer à Petro-grad. A La Rotonde, c’est la fête. LaRévolution russe, à laquelle personneau fond ne comprend rien, fait vibrerles cœurs et se remplir les verres.Le 5 juillet, Ehrenbourg est à Petrogradoù règne la plus grande confusion : le3, le gouvernement provisoire a fait ti-rer sur une manifestation ouvrière ; leslocaux de la Pravda sont saccagés ; le11 , Lénine est contraint de fuir en Fin-lande. L’attitude du jeune intellectuelmarqué par son séjour de neuf ans à Pa-ris, sera très ambiguë tant face à une ré-volution qu’il ne comprend pastoujours qu’à l’égard des mouvementslittéraires emportés par la volonté de« faire du passé table rase ». Ses ren-

contres avec Pasternak ou Maïakovskivont le marquer, mais il n'adhère à au-cune école. Pris par la nostalgie de Pa-ris, il prétexte l’écriture d’un romanpour demander son passeport pour laFrance. Boukharine l’appuie.Ilya retrouve un Paris changé. Et lui-même n’est plus le jeune homme qu’ilétait avant-guerre. Sa nouvelle épouse,Liouba, l’accompagne. Ils descendent àl’Hôtel de Nice, boulevard du Mont-parnasse. S’il retrouve ses plus proches

amis, Picasso, DiegoRivera, FernandLéger, Zadkine, ilest boudé par lesRusses qu’effrayeson passeport sovié-tique. Il inquièteaussi la police. Lecouple est expulséen mai 1921 .Ils ne se réinstalle-ront à Paris qu’en1924. Entretemps,Ehrenbourg a sé-journé en Belgique– où il a achevé sonpremier grand ro-man Julio Jurenito,sorte de prémonition

sur l’arrivée du fascisme –, puis en Al-lemagne avant de rentrer à Moscou en1923. Lénine meurt le 21 janvier 1924.A l’automne, le couple et Irina qui vitmaintenant avec son père, se ré-installent à Paris. Ils ne le quitterontque pour de brefs séjour en Europe eten URSS.Les temps ont changé. C’est mainte-nant au Dôme qu’on se rencontre, LaRotonde étant laissée aux touristes. Ilyafait de nouvelles connaissances parmilesquelles Henri Barbusse qui dirige larevue Clarté à laquelle Ilya donneraquelques articles. Mais à l’effer-vescence des années vingt succèdebientôt la menace fasciste des annéestrente. Dès lors, l’écrivain soviétique vas’engager pour la Culture contre la bar-barie et à travers la Culture, pour lalutte antifasciste.Il joue un rôle prédominant dans l’or-ganisation du Congrès internationaldes écrivains pour la défense de laCulture qui se réunit du 21 au 25 juin1935 à la Mutualité. On y trouve toutesles mouvances de la gauche internatio-nale et tous les courants des arts et de lalittérature. Le congrès a un énorme re-tentissement. Un second congrès estconvoqué. Il se tiendra d’abord à Va-lence et à Madrid et se conclura à Paris,au théâtre de la Porte Saint-Martin les16 et 17 juillet. Cependant, en juillet1936, alors qu’Ehrenbourg ne dissi-

mule pas sa joie devant le Front popu-laire en France, la guerre civile éclateen Espagne. Ehrenbourg qui est devenudepuis quelques temps correspondantofficiel des Izvestia en France, rejointl’Espagne où il visitera tous les frontsjusqu’à la fin, en journaliste comme enmilitant antifasciste.En 1938, il dénonce avec férocité lesaccords de Munich. Pour lui, la Franceest en train de capituler. De nouveauune menace d’expulsion pèse sur lui etc’est grâce à Georges Mandel qu'Eh-renbourg peut demeurer en France. Etc’est encore grâce à lui qu’il ne sera pasexpulsé en mai 1940.Avec la signature du pacte de non-agression entre Staline et Hitler, Ilya estvu comme le citoyen, si ce n’est l’a-gent, d’une puissance ennemie. Mais saréputation et ses relations avec desintellectuels de toutes tendances ontraison des rumeurs et des attaques de lapresse d’extrême droite.

Ilya Ehrenbourg assiste ainsi, dans lacapitale, à l’effondrement de la Franceet à la trahison qui y a conduit. Ce serale thème d’un de ses romans les plusconnus, « La chute de Paris » qu’il pu-bliera à Moscou en 1942. ■

BiographieEwa Bérard, La Vie tumultueuse d'IlyaEhrenbourg - Juif, Russe et Soviétique,Ramsay, Paris, 1 991Lily Marcou, Ilya Ehrenburg, Plon,Paris, 1 992Dominique Vidal, Réhabilitation, Unebiographie d’Ilya Ehrenburg, paru dansLe Monde diplomatique, numérod’octobre 1996

Bibliographie (extraits)• La Chute de Paris, 1 942.• La Tempête, 1 947.• Le Dégel, 1 954.• Lazik le tumultueux, Éd. J-C. Lattès,Coll. Judaïques, une bibliothèque juive,Paris, 1 981 , 260 p.• Le livre noir, textes et témoignagesrecueillis par Ilya Ehrenbourg et VassiliGrossman, Éd. Solin/Actes Sud, Paris,1 995, 1 330 p.

Littérature

Twitter

Le Tribunal de grande instance de Parisa ordonné à Twitter de communiquer lesdonnées permettant d'identifier les au-teurs de tweets antisémites afin de mettreun terme à ces messages sur le réseausocial américain.

La justice a donné quinze jours à laplateforme de microblogging pourcommuniquer ces informations sur lesauteurs de ces messages "manifeste-ment illicites". ■

En bref

Ilya Ehrenbourg 1891-1967

portrait offert par Matisse en 1946

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6 PNM n° 303 – Février 2013

Le 22 juin 1940, Pétain signe un armistice ignominieux.Le 10 juillet, il est nommé chef de l’État. Quelques se-maines plus tard, il signe les décrets discriminant les juifset les tziganes, décrets qu'il annote pour les renforcer.En novembre 1942, les forces allemandes pénètrent dansla zone Sud et l’occupent. Pendant quatre ans, ÉlisabethEidenbenz et son équipe maintiennent la maternitéd’Elne. Élisabeth parcourt les camps où sont enfermésdes républicains espagnols et surtout des juifs. Elle dis-cute, argumente pour permettre à des femmes de veniraccoucher au manoir d’En Bardou. Elle doit négocieravec la Préfecture et les services municipaux d’Elne. Elledoit trouver du lait pour les enfants, de la nourriture pourson équipe et les mamans accueillies. Elle doit éviter lespressions de la Croix-Rouge suisse qui ne voit pas tou-jours d’un bon œil l’existence de ce havre. Toujours auxaguets, en contact avec la Résistance, elle doit prévenirles mamans lors des visites de la police française ou desautorités allemandes. Grâce à ces actions tenaces, cetteactivité inébranlable, près de 600 femmes espagnoles,juives, tziganes, pourchassées parce que résistantes, vontpouvoir mettre au monde leurs enfants.Au premier étage, salles de repos et de travail… Un esca-lier étroit mène au second : des dizaines de berceaux pro-fitent de la lumière et du soleil qui traverse l’énormedôme de verre… Parfois, des papas sont cachés dans desfermes proches. Toujours et toujours, il faut veiller à lasécurité de ces femmes et des nourrissons, Chaque nais-sance est répertoriée sur l’état-civil de la commune : laplupart des noms sont faux. Rusée, Élisabeth Eidenbenzn’indiquera pas les noms exacts des femmes déjà réperto-riés sur les registres de Rivesaltes. La maternité suissed’Elne fermera en avril 44 : une partie des nourrissons se-ra confiée à la pouponnière de Banyuls. Des mamans etleurs bébés trouveront refuge en Lozère.Élisabeth part alors pour Vienne, en Autriche, porter aideaux populations bombardées par les forteresses volantesanglo-américaines.

Pendant plus dequarante ans, cettemerveilleusehistoire est tombéedans l’oubli le plustotal. Grâce au nouveau propriétaire du domaine et aujeune maire d’Elne, Nicolas Garcia, elle ressuscite. Élisa-beth Eidenbenz a été nommée « Juste parmi les Nations »; elle est décédée en mai 2011 . Elle avait retrouvé avecune très grande émotion le lieu de son engagement.Plusieurs manifestations et expositions accueillent les vi-siteurs. Un indispensable travail de mémoire est en cours.Entre autre pour collecter noms et souvenirs des enfantsnés durant cette apocalypse ; plus de 150 sur les 600 ontété retrouvés. Le lieu vient d’être réhabilité : il sera réou-vert au printemps.Passants, voyageurs, faites une halte à Elne. C’est un deslieux où souffle un coin bleu d’Humanité. ■

* Professeur agrégé d’histoire et de géographie, président duConseil Scientifique de la Maternité Suisse d’Elne, a publié :Martha Desrumaux, une Femme du Nord, Ouvrière, Syndica-liste, Déportée, Féministe (Éd. Le geai bleu) et Hélène & AlainStern, les Métallos et l’anticipation sociale (Cgt)

** NDLR La Maternité suisse d'Elne était située auchâteau d'en Bardou, un peu à l'extérieur d'Elne,dans les Pyrénées-Orientales. À lire de TristanCastanier i Palau, "Femmes en exil, mères descamps", Éd. Trabucaire, 198p., 28€

Dans son livre« Les Métalloset l’anticipation

sociale », Pierre Outte-ryk trace les portraits

croisés d’Hélène et d’Alain Stern,illustrant la vie riche de deux militantsqui ont traversé l’histoire des luttes so-ciales de notre pays pendant plus d'undemi-siècle.Leur engagement syndical et politique,dès leur plus jeune âge, ne se démentirapas tout au long de ces années qui leurpermettront de travailler et de militer auxcôtés de Benoît Frachon, Georges Séguy,Henri Krasucki et bien d'autres et non desmoindres comme Ambroise Croizat pourAlain, tandis qu'Hélène sera la secrétairede Jacques Duclos mais aussi d' ÉtienneFajon.Alain est un enfant de "36" tout commeHélène. Il a fait ses « classes » lors desmanifestations parisiennes où il découvreles défilés populaires sur les épaules deson père, non loin d'ailleurs du quartieroù habitaient Hélène et les siens.Le père d'Alain, Ahiam, est né en Pa-lestine d’une famille originaire de Bessa-rabie. Après des études au Lycée françaisdu Caire, les Stern optent pour Paris oùAhiam rencontre Marie-Louise avec quiil se marie.

Ahiam, juif athée, s’inscrit au Parti com-muniste. Mais le ciel s’assombrit avec lamontée du nazisme et l’occupation de laFrance. Les parents d’Hélène, Rywka etHersch Sztulcman, originaires de Po-logne, sont arrêtés en juin 1941 . Dépor-tés, ils ne reviendront jamais. Hélène etson frère Nathan sont soustraits à la dé-portation par des policiers, certainementrésistants, au commissariat du 11 e arron-dissement où ils avaient été conduits. Ilsse retrouvent après quelques tribulationsdans un foyer de l’UJRE, au Manoir De-nouval à Andrésy. « Hélène garde un

souvenir de ce lieu, pourelle, enchanteur.», sou-ligne l’ouvrage qui rap-

pelle : «. . . l’UJRE avait transformé cettevaste demeure en un home pour ac-cueillir des dizaines d’enfants (près de200) garçons et filles, issus de famillesjuives… Pour la plupart, leurs parentsavaient été exterminés lors de la Shoah ».Dans cette maison dirigée par Pierre etZette Lunet, Hélène suit à quatorze ansune formation de secrétaire commerciale.Elle adhère à l’Union de la Jeunesse Ré-publicaine de France (UJRF).Alain pour sa part a été envoyé dès le dé-but de la guerre dans le Limousin àMont-Cocu où il obtiendra son Certificatd’études.

Tout comme Hélène, à treize ans, il prendsa carte à la JC, stimulé par les actionsdes maquisards. Mais Ahiam est arrêté àParis pendant la rafle du Vél' d'Hiv.Conduit à Drancy, il échappe de peu à ladéportation car il est marié à une Fran-çaise catholique.A la fin de la guerre, les Stern habitentBelleville, le quartier populaire où viventde nombreuses familles juives, commecelles d'Henri Krasucki et Henri Mal-berg. Alain devient ajusteur. En 1951 ,Hélène et Alain, chacun avec son organi-sation, participent au Festival mondial dela Jeunesse à Berlin où Alain fêtera son20e anniversaire.Après son service militaire, il sera em-bauché en 1953 dans une fabrique de ca-mions. La métallurgie sera désormais aucœur de l'activité professionnelle et syn-dicale d'Alain. Cette même année, Alainet Hélène se rencontrent en faisant ducamping en Normandie et se marient.Bientôt, Hélène attend son premier en-fant et accouche à la fameuse cliniquedes Bluets, l'une des conquêtes desMétallos où l'on pratique les accouche-ments sans douleur, une méthoderévolutionnaire inventée en URSS.Peu à peu, Alain s'investit dans l'actionmilitante au sein de la Fédération de lamétallurgie, à Nanterre pour commencer,

Les métallos et l'anticipation socialeUn livre de Pierre Outteryk lu par Patrick Kamenka

au moment où éclate la guerre d'Algérie.Alain parcourra la France en militant.Il sera responsable syndical des Renaultet devra coordonner les syndicats dansles usines qui comptent des dizaines demilliers de salariés.Hélène, très engagée dans l'Union desFemmes Françaises dans le 12e, sera ap-pelée à travailler avec Jacques Duclos ausiège du Pcf.En 1980, Alain est sollicité par HenriKrasucki pour une nouvelle étape de savie militante : l'action internationale.Il ira à Moscou pour "organiser les syn-dicats sur les cinq continents".Hélène l'aidera en travaillant à ses côtésau sein de la Fédération internationaledes Métaux.Ils vivront à Moscou la chute de l'URSS,avant d'aller à la Fédération syndicalemondiale (FSM) à Prague.

Interrogés par Pierre Outteryk, professeuragrégé d'histoire, Hélène et Alainrésument en quelques phrases leur viemilitante:

"Pourquoi avons-nous fait, pourquoi fai-sons-nous tout cela. . . ? Nous savons quece monde peut se transformer. L'émanci-pation des travailleurs est une idée tou-jours jeune. . . ". ■

* Pierre Outteryck, Hélène et Alain Stern, LesMétallos et l'anticipation sociale, édité avec leconcours de l’IHS Métallurgie Cgt, la Fédéra-tion des Travailleurs de la Métallurgie (FTM)et l’Union Fraternelle des Métallurgistes.

Juin 2004. Me voici à Elne**. Responsable du Se-cours populaire français, je rencontre NicolasGarcia, le maire d’Elne et son équipe. La veille, j’ai

parcouru les alentours de cette petite commune peupléede maraîchers et de fruitiers. Au bord d’une départemen-tale, le château d’En Bardou, ce manoir construit au débutdu XXe siècle par un architecte danois. Un bâtimentcentral éclairé par un énorme puits de lumière, deux ailes,un vaste terrain planté de vignes, pêchers et cerisiers.Mars-avril 1939. 600 000 Espagnols, femmes, enfants,vieillards, soldats passent la frontière, épouvantés par lasoldatesque franquiste qui les poursuit. Depuis l’automne1938, le gouvernement et les autorités françaises savaientl’Espagne Républicaine vaincue par le coup d’État deFranco. Tout le monde s’attendait à une catastrophe hu-manitaire : rien n’a été préparé… Au contraire, la bour-geoisie française, la presse conservatrice et bien-pensante,le gouvernement radical socialiste de Daladier vont en-fermer ces réfugiés dans de véritables camps deconcentration, à Rivesaltes, Argelès et Saint-Cyprien…Argelès et Saint-Cyprien, une bande de sable longeant lamer ; des barbelés enferment ces camps, des gendarmesmontent la garde ; aucune tente, aucun baraquement, rienpour se protéger de la tramontane ou du vent de mer ; lesréfugiés font des trous dans le sable pour tenter de se pro-téger…Infirmière suisse, Élisabeth Eidenbenz a été profondé-ment marquée par la guerre d’Espagne ; elle vient de pas-ser trois ans aux côtés des civils républicains : ces campsla glacent d’horreur ! De nombreuses femmes sontjeunes, des dizaines sont enceintes. La mortalité infantilefrôle les 100 %. Élisabeth Eidenbenz, soutenue par leComité Français de Secours aux Enfants et la Croix-rouge suisse, décide de louer le manoir d’En Bardou etd’en faire une maternité. En cet automne 1939, les négo-ciations avec les autorités préfectorales sont difficilesmais elle obtient le droit de faire sortir des femmes descamps, leur permettant d’accoucher dignement.

La maternité suisse d’ELNE- berceau d’une nouvelle humanité -

par Pierre Outteryck*

Elisabeth Eidenbenz, engagée pendant laguerre d'Espagne dans l’aide humanitaire(Ayuda suiza), poursuit en France, après laRetirada, son action en direction des mèreset des enfants réfugiés.

L'UJRE sera présente et vous appelle

à participer largement à la cérémonie

en mémoire de

Marcel RajmanDimanche 17 février 2013 à 11heures

au square Marcel Rajman

15 rue Merlin Paris 11e

Histoire - Mémoire

Page 7: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

7 PNM n° 303 – Février 2013

deYonathanLevy

- sortie le24 février -

à ne pasmanquer !

Irma Miko naîten 1914 à Czer-

nowitz dans l'Em-pire Austro-Hongrois. Promise à une bril-lante carrière de pianiste concertiste, elledécide néanmoins de rallier la cause com-muniste et devient, à 18 ans, militante clan-destine à Bucarest. En 1939, lorsque laguerre éclate, Irma est à Paris. Elle, la juive,rejoint alors la Résistance des étrangers oùlui est confiée une mission des plus péril-leuses : enrôler des soldats de laWehrmachtdans la Résistance… Plus de soixante ansaprès ces faits, Irma, accompagnée de sonfils André, entreprend un voyage intime àtravers l'Europe à la recherche de ce passédont elle est le dernier témoin.Ce documentaire primé au Festival euro-péen 2010 du meilleur film indépendant vaêtre projeté au cinéma le Balzac de Paris,deux dimanches de suite, fin février. Et si lepublic vient nombreux à ces deux projec-tions, d'autres seront programmées les di-manches suivants ! C'est tout le bien que luisouhaite la PNM, car ce film porte un éclai-rage rare sur la vie d'une résistante rou-maine de la M.O.I., en particulier sur lepérilleux "travail allemand" que prati-quèrent nombre de résistants de l'UJRE... ■Dimanches 24 Février et 3 Mars 2013 à 11h.au Cinéma le Balzac, 1 rue Balzac, 75008 Parishttp://www.facebook.com/daskindthemovie

Ce deuxième long métrage de Ser-guei Loznitsa s'inspire du roman

« V tumane» de Vassil Bykov. Lerécit montre Souchénia, un hommepaisible, échapper à une pendaison. Ila été libéré par les nazis pour servird’appât aux résistants lesquelsdécident de le supprimer. Dans uneforêt de Biélorussie, Voïtik et Bourovs'apprêtent donc à le liquider. Tuera,ne tuera pas ? Tel est le dilemme.

Bourov va douter de la culpabilité du prisonnier et Voïtik veut tuer sans au-cune réflexion, ni aucun scrupule.Le film n'échappe ni à l'angélisme, ni à une charge peu nuancée : Souchenia,l'innocent est montré comme un saint, alors que Voïtik, homme lâche et vil,pur produit du système soviétique est criminel par essence. Entre ces deuxpôles, Bourov l'indécis.Dichotomie morale, enchaînement des circonstances fortuites, quiproquoinextricable. . . Alternant développement du récit immédiat et flash-back, cefilm devient vite indigeste.Privilégiant une image, trop naturaliste à mon goût, plutôt que les dialogues,Serguei Loznitsa a supprimé toute musique. Il a travaillé avec l'opérateurphoto Oleg Mutu, celui-là même des films du Roumain Cristian Mungiu(Au-delà des collines).Dans la brume, présenté au dernier Festival de Cannes pour la compétitionofficielle, a obtenu le Prix de la critique internationale. Le public jugera àson tour, ce film pesant et trop long, plus prétentieux qu'ambitieux et dont lavision mécanique prétend que triomphe et prolifère le mal, au détriment dubien, par une sorte de sélection naturelle et perverse. ■

Le21 mars 1947, le Président Tru-man, dans sa lutte contre le com-munisme, lance un décret qui

impose de vérifier la loyauté de tous lesfonctionnaires fédéraux. Chaque minis-tère instaure une commission de contrôlede la loyauté. La procédure peut être dé-clenchée par simple dénonciation. L'em-ployé a le droit d'être entendu et assistéd'un conseil mais ne peut connaître lenom de son accusateur. La commissionrecommande le licenciement pur etsimple s'il existe de « bonnes raisonspour croire que la personne concernéeest déloyale envers le gouvernement desEtats-Unis ». Les chefs d'accusation rete-nus sont « le sabotage, l'espionnage, latrahison, l'intention de renverser le gou-vernement par la violence, servir les in-térêts d'un autre gouvernement ou êtreaffilié à un groupe désigné par le ministrede la Justice comme totalitaire, fasciste,communiste ou subversif». Les commis-sions reçoivent l'aide du FBI.La liste des organisations subversives estpubliée par le ministère de la Justice.John Parnell Thomas, représentant répu-blicain du New Jersey et nouveau pré-sident de la Commission des activitésantiaméricaines (HUAC), débarque à Los

Angeles avec toute son équipe composéede quatre démocrates et de cinq républi-cains dont le jeune Richard Nixon.L'HUAC auditionne d'abord des témoinsamis, tous membres de l’Alliance du ci-néma pour la préservation des idéauxaméricains (Motion Picture Alliance forthe Preservation of American Ideals, laM.P.A) dont Robert Taylor, Ginger Ro-gers, Adolphe Menjou, Gary Cooper, Ro-nald Reagan, les producteurs Jack L.Warner, Louis B. Mayer, les réalisateursWalt Disney, Sam Wood et Leo Mac Ca-rey. Le 24 octobre, Walt Disney dénoncetrois de ses anciens collaborateurs : Her-bert K. Sorrell, David Hilberman etWilliam Pomerance comme sympathi-sants communistes.Il faut maintenant établir les listes noireset appeler à la délation. Réunis à l'hôtelWaldorf Astoria de New York, les pro-ducteurs des plus grands studios adoptentdès novembre la Déclaration Waldorf :« (. . . ) aucun communiste ou subversifnesera employé sciemment à Hollywood. . .Nous invitons les associations d'artistesd'Hollywood à collaborer pour éliminertout élément subversif. Les personnalitéscommunistes, nous les renverrons, sur lechamp, sans indemnité et irrévocable-

ment, et notamment les Dix, jusqu'à cequ'elles soient acquittées ou acceptent decoopérer avec la justice, déclarant sousla foi du serment qu'elles ne sont pascommunistes ». La première "liste noire"est ainsi établie par les plus grands diri-geants des studios hollywoodiens.Presque tous sont d'origine juive etpauvre : le patron de la Columbia, HarryCohn, fils d'un modeste tailleur, JosephCohen, Jack L. Warner et Jacob Warner,créateur avec ses frères de la Warner, Jo-seph Schenck directeur de la Fox, SamGoldwyn né Schmuel Gelbfisz et LouisB.Mayer, deux créateurs de la firme aulion rugissant, la M.G.M.Louis B. Mayer prétend ne plus connaîtrele nom de son village de Russie et préfèrechoisir sa date de naissance, le 4 juillet,fête nationale des États-Unis. Tous ceshommes ont autrefois connu les persécu-tions et fui les pogroms mais, plongésdans le rêve américain de la réussite, ilsnient leur passé et font silence sur legrand frère de la croisade antirouge :l'antisémitisme. ■■■

Source : Thomas Wieder, Les sorcières deHollywood. Chasse aux rouges et listes noires(Réédition Ramsay – Poche cinéma, Paris,2008, 248p., 8€

Voici un autre fim sélectionné à Cannes dans la caté-gorie Un certain regard. Brandon Cronenberg espère

marcher sur les pas de son père avec ce film sur la conta-mination des corps par la machine. Hélas, nous sommes loin de la qualitédes films du papa, David Cronenberg ! Cette fiction prétentieuse, où le per-sonnage principal s'injecte à répétition le virus de la maladie qui a tué sonidole, la star Hannah Geist, provoque un ennui mortel. Antiviral prétend fairela critique du star system mais n'est qu'un mauvais film de vampires. Si vousajoutez que Brandon n'a absolument aucun sens de l'humour qu'on peut par-fois trouver dans le genre, il ne vous reste qu'à fuir ! ■

Espérons que ce film qu'on peut voir àla Filmothèque du Quartier latin, at-

teindra aussi les salles de province. Lerécit se situe à la veille de la Guerre de Sécession : Amantha (Y. de Carlo), filled'un grand planteur du Kentucky, apprend à la mort de son père que sa mèreétait une esclave noire, ce qui fait d'elle une esclave. Vendue aux enchères à laNouvelle Orléans, elle est acquise par Hamish Bond (Clark Gable), un richeplanteur dont la propriété est gérée par un esclave élevé comme son fils, Ra Ru(S. Poitier). Ce film, éclipsé par le célèbre et sudiste Autant en emporte le vent,adopte un point de vue totalement opposé montrant que l'accès aux droitségaux ne sera possible que par l'émancipation de tous les hommes. Ce filmtout autant romanesque que profond, prouve une fois de plus que Raoul Walshdirige à merveille des acteurs formidables et maîtrise à la perfection l'art durécit. Voyez la séquence de l'orage dans le patio : voilà ce qu'est la Poésie etvoilà ce qu'est le Cinéma ! Magnifique. ■ [ Première sortie en 1957 ]

Dans la brumede Serguei Loznitsa avecVladimir Svirskiy, VladislavAbashin, Sergueï Kolesov(sortie prévue le 30 janvier)

Chronique

de

Laura La

ufer

U.S.A. - Hollywood

IV. Hollywood et Maccarthysme : l'hallalipar Laura Laufer(Suite du n° 302)

■ ■ ■

Histoire - Mémoire

Antiviralde Brandon Cronenberg avec Caleb Landry Jones,

Sarah Gadon(sortie prévue le 13 février)

L'esclave librede Raoul Walsh avec Clark Gable,Yvonne de Carlo et Sydney Poitier

(depuis le 15 janvier)

Culture

(à suivre)

Page 8: La Nouvelle Presse Magazine 303  fevrier 2013

8 PNM n° 303 – Février 2013

Les conseils de l'auteurGeoffrey Roberts, Stalin’sWars : From WorldWar to ColdWar, 1939-1953, Éd. New Ha-ven & London: Yale University Press,2006 (à paraître sous peu en français) -Stalin’s general : the life ofGeorgy Zhukov,Éd. London, Icon Books, 2012Alexander Werth, La Russie en guerre,Cet ouvrage fondamental de 1964(Éd. Stock) vient d'être réédité (Paris, Éd.Taillandier, coll. Texto, 2011 , 2 vol.)NDLR Maréchal G. Joukov, Mémoires, 2tomes, Paris, Fayard, coll. Les grandesétudes contemporaines, 1970

vils. Il y eut moins de 300 000 mortsaméricains, tous militaires, sur les frontsjaponais et européen.

Ce n’est pas faire injure à l’histoire quede noter que les États-Unis, riches etpuissants, maîtres des lendemains deguerre, ne purent vaincre l’Allemagne etgagner la paix que parce que l’URSSavait infligé une défaite écrasante à laWehrmacht. Ce n’est pas « le généralHiver » qui l’avait vaincue, lui qui n’avaitpas empêché la Reichswehr de rester en1917-1918 victorieuse à l’Est.La France a confirmé la russophobie, ob-sessionnelle depuis 1917, qui lui a valu,entre autres, la Débâcle de mai-juin 1940,

La capitulation de l’armée de vonPaulus à Stalingrad, le 2 février1943, marqua, pour l’opinion pu-

blique mondiale, un tournant militairedécisif, mais qui ne fut pas le premier.Cette victoire trouve son origine dans lespréparatifs de l’URSS à la guerre alle-mande jugée inévitable : le dernier attac-hé militaire français en URSS, Palasse,les estima à leur juste valeur. Contre sonministère (de la Guerre), acharné à fairebarrage aux alliances franco-soviétique ettripartite (Moscou, Paris, Londres) quieussent contraint le Reich à une guerresur deux fronts, cet observateur de l’éco-nomie de guerre soviétique, de l’Arméerouge et de l’état d’esprit de la populationaffirma dès 1938 que l’URSS, dotéed’« une confiance inébranlable dans saforce défensive », infligerait une sévèredéfaite à tout agresseur. Les revers japo-nais dans les affrontements à la frontièreURSS-Chine-Corée en 1938-1939 (oùJoukov se fit déjà remarquer) confir-mèrent Palasse dans son avis : ils ex-pliquent que Tokyo ait prudemment signéà Moscou le 13 avril 1941 le « pacte deneutralité » qui épargna à l’URSS laguerre sur deux fronts.Après l’attaque allemande du 22 juin1941 , le premier tournant militaire de laguerre fut la mort immédiate du Blitz-krieg*. Le général Paul Doyen, déléguéde Vichy à la commission d’armistice,l’annonça ainsi à Pétain le 16 juillet1941 : « Si le IIIe Reich remporte en Rus-sie des succès stratégiques certains, letour pris par les opérations ne répondpas néanmoins à l’idée que s’étaient faiteses dirigeants. Ceux-ci n’avaient pasprévu une résistance aussi farouche dusoldat russe, un fanatisme aussi passion-né de la population, une guérilla aussiépuisante sur les arrières, des pertesaussi sérieuses, un vide aussi completdevant l’envahisseur, des difficultés aussiconsidérables de ravitaillement et decommunications. Sans souci de sa nour-riture de demain, le Russe incendie aulance-flammes ses récoltes, fait sauter sesvillages, détruit son matériel roulant, sa-bote ses exploitations ». Ce général vi-chyste jugea la guerre allemande sigravement compromise qu’il prôna cejour-là la transition de la France du tuteurallemand (jugé encore nécessaire) au tu-teur américain, puisque, écrivit-il, « quoiqu’il arrive, le monde devra, dans lesprochaines décades, se soumettre à lavolonté des États-Unis. » Le Vatican,meilleure agence de renseignement dumonde, s’alarma début septembre 1941des difficultés « des Allemands » et d’uneissue « telle que Staline serait appelé àorganiser la paix de concert avec Chur-chill et Roosevelt ».Le second tournant militaire de la guerrefut l’arrêt de la Wehrmacht devantMoscou, en novembre-décembre 1941 ,qui consacra la capacité politique et mili-taire de l’URSS, symbolisée par Stalineet Joukov. Les États-Unis n’étaient pas

encore officiellement entrés en guerre. LeReich mena contre l’URSS une guerred’extermination, inexpiable, jusqu’à saretraite générale à l’Est, mais l’Arméerouge se montra capable de faire échouerles offensives de laWehrmacht, en parti-culier celle de l’été 1942 qui prétendaitgagner le pétrole caucasien. Les historiensmilitaires sérieux, anglo-américains no-tamment, jamais traduits et donc ignorésen France, travaillent plus que jamais au-jourd’hui sur ce qui a conduit à la victoiresoviétique, au terme de l’affrontementcommencé en juillet 1942, entre « deuxarmées de plus d’un million d’hommes ».

Contre laWehrmacht, l’Armée rouge ga-gna cette « bataille acharnée », suivie aujour le jour par les peuples de l’Europeoccupée et du monde, qui « dépassa enviolence toutes celles de la PremièreGuerre mondiale, pour chaque maison,chaque château-d’eau, chaque cave,chaque morceau de ruine ». Cette victoirequi, a écrit l’historien britannique JohnErickson, « mit l’URSS sur la voie de lapuissance mondiale », comme celle « dePoltava en 1709 contre la Suède avaittransformé la Russie en puissance euro-péenne ».La victoire soviétique de Stalingrad, troi-sième tournant militaire soviétique, futcomprise par les populations comme letournant de la guerre, si flagrant que lapropagande nazie ne parvint plus à ledissimuler.L’événement posa surtout directement laquestion de l’après-guerre, préparé par lesÉtats-Unis enrichis par le conflit, contrel’URSS dont les pertes furent considé-rables jusqu’au 8 mai 1945.La statistique générale des morts de laDeuxième Guerre mondiale témoigne desa contribution à l’effort militaire généralet de la part qu’elle représenta dans lessouffrances de cette guerre d’attrition : de26 à 28 millions de morts soviétiques (leschiffres ne cessent d’être réévalués) surenviron 50, dont plus de la moitié de ci-

70e anniversaire de la victoire soviétique de STALINGRAD- 2 février 1943 - parAnnie Lacroix-Riz

STALINGRAD - « La bataille du XXe siècle ! » Une bataille de titans qui a fait prèsde deux millions de morts pendant qu'ont duré les combats qui se sont déroulés du 23 août1942 au 2 février 1943.* Alors que l'armée allemande déferlait sur le sud de l'URSS, arrivantsur les rives de la Volga, assurée, selon ses chefs et Hitler, de remporter là une victoire facile,elle se heurta à la résistance farouche de l'Armée rouge soutenue héroïquement par la popu-lation de la région, et en particulier par celle de la ville qui donna son nom à cette confronta-tion gigantesque. L'Armée rouge a contenu, stoppé et vaincu la déferlante nazie, au prix d'uneffort humain sans précédent. Ce furent le tournant décisifde la Seconde Guerre mondiale etles prémices de la défaite de la bête hitlérienne. La victoire de l'Armée rouge à Stalingrad amarqué le début du changement de physionomie de la guerre, encouragé les peuples à sou-tenir les efforts de guerre, y compris en participant activement, selon les possibilités locales etnationales, aux combats libérateurs. La France ne fut pas en reste, avec les luttes menées parles divers mouvements de Résistance qui s'étaient formés dans le pays et furent d'un renfortdéterminant aux troupes de l'Armée de Libération organisée à Londres par le général DeGaulle. Les militants clandestins de l'UJRE, de l'UJJ et de l'Union des Femmes Juives,dans cette région lyonnaise où, tout jeune garçon de seize ans, j'étais engagé dans l'UJJ,même s'ils ne se rendaient pas compte exactement à ce moment de l'ampleur de cette batailleet des sacrifices consentis, furent persuadés qu'il s'agissait d'une étape décisive vers la victoirefinale contre le nazisme et ses alliés, ce que la suite des événements démontra. Si cette vic-toire a marqué le tournant de ce terrible drame mondial, il n'en reste pas moins que lestroupes allemandes de l'arrière ont poursuivi et intensifié, en particulier en Europe occiden-tale et centrale, leurs actions criminelles contre les populations juives ou tziganes qu'ilsavaient vouées à l'extermination, ainsi que la chasse aux résistants, aidés en cela en Francepar la Milice. N'oublions pas l'apport décisifde la jeune Union Soviétique de l'époque pour laliberté dumonde. ■

Max Weinstein, Président d'honneur deMémoire des Résistants Juifs de la M.O.I.* Pertes Soviétiques : 478 741 morts ou disparus, 650 878 blessés et malades, 40 000 morts civils,4 341 réservoirs, 15 728 pièces d'artillerie, 2 769 avions de combat. Pertes Allemandes : 750 000 tuésou blessés, 91 000 capturés, 900 avions, 2741 bombardiers, 1 500 chars, 6 000 pièces d'artillerie

Histoire

o

Symphonie

de léningrad

chostakovitc

h écrite sous

les bombes,

représentée

sous les

bombes

(date ?)

5/3/42

bolchoi chef

d'orchestre

samuel

samusud

STALINGRAD. Ruines de l'immeuble transforméen forteresse sous le commandement de Yakov Pavlov

STALINGRAD. Bataille de rues

STALINGRAD - J’avais onze ans. Nous habitions à Belleville dans un immeuble oùvivaient plusieurs familles juives. En ce début 43, ça allait mal et même très mal, la granderafle du Vél d’Hiv avait eu lieu, suivie de beaucoup d’autres. Nous avions jusque-là été pro-tégés par un employé de la Préfecture de police qui nous avertissait des rafles qui auraientlieu les jours suivants. Mais j’avais déjà perdu un oncle, une tante et leur petite fille de sixans, ma cousine, adorable, à laquelle je pense toujours avec des larmes aux yeux. Nousn’avions aucun espoir que cela change un jour. La victoire de Stalingrad, inattendue, a crééune émotion inimaginable aujourd’hui. Nous avons organisé une petite fête le soir mêmeavec les moyens du bord, à laquelle assistaient les familles juives de l’immeuble. Un mon-sieur a dit : « La guerre n’est pas terminée, elle peut durer encore plusieurs années, maismaintenant on a de l’espoir ». Cette phrase, qui résume parfaitement ce que nous ressentionsà l’époque, est toujours restée gravée dans mamémoire. ■ JA, né en 1932

Stalingrad, 2 février 1943. Le général von Paulus signe la capitulation de l'armée allemande auprès du Haut Commandement Soviétique. Début du reflux de l'arméeallemande sur le front de l'Est. L'Union soviétique lance sa grande offensive vers l'Ouest pour écraser l'Allemagne nazie. . . Pour célébrer le 70e anniversaire de cetournant décisifqui redonna l'espoir aux peuples en guerre, la PNM a donné la parole à Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'UniversitéParis VII-Denis Diderot, à Max Weinstein, ancien résistant de l'Union de la Jeunesse Juive et à l'un de nos lecteurs. . .

en omettant d’honorer la Russie lors du60e anniversaire du débarquement enNormandie du 6 juin 1944. Le thème dusauvetage américain de « l’Europe » s’estimposé au fil des années de célébrationdudit débarquement. Les plus vieuxd’entre nous savent, même quand ils nesont pas historiens, que Stalingrad a don-né aux peuples l’espoir de sortir de labarbarie hitlérienne. À compter de cettevictoire, « l’espoir changea de camp, lecombat changea d’âme. »** Ce n’estqu’en raison d’un matraquage idéolo-gique obsédant que les jeunes générationsl’ignorent. ■ * Blitz Krieg : Guerre éclair

** Victor Hugo, Les Châtiments