Cahiers d'études africaines

La naissance de l'aire culturelle méditerranéenne dansl'anthropologie physique de l'Afrique du Nord.Monsieur Jean-Noël Ferrié

AbstractJ.-N. Ferrie — The Birth of the Mediterranean Cultural Zone in the Physical Anthropology of Northern Africa.The main idea in the physical anthropology of Northern Africa in the 19th century was that Berbers were a separate peopledistinct from Arabs and related to European populations on the northern shores of the Mediterranean. It would be erro-neous tosuppose that these anthropological taxinomies of race merely came out of the necessities of colonization and had nothing to dowith contemporaneous scientific paradigms. By dealing with the diffusionism of genes, anthropological research ended updealing with cultural diffusionism: race was a sort of infrastruc- ture; and culture, a sort of superstructure. It was also the vestigeof northern migrations; but interest in the vestiges of cultural practices and beliefs tended to reverse the diffusionist approach:the diffusionism of genes merely served as a grounds for cultural diffusionism. This reversai is analyzed so as to show how thequestion of the northern origins of Berbers (Bertholon) became the problem of the existence of a Mediterranean race (Sergi). Itis thus shown how certain cultural invariants could be studied in other than conjectural ways (Westermarck).

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Ferrié Jean-Noël. La naissance de l'aire culturelle méditerranéenne dans l'anthropologie physique de l'Afrique du Nord.. In:

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http://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1993_num_33_129_2076

Document généré le 02/06/2016

Jean-Noël Ferrie

La naissance de aire culturelle

méditerranéenne dans

anthropologie physique de

Afrique du Nord

Les anthropologues physiques au xixe siècle considéraient que les Ber bères constituaient une population spécifique nettement différente des Arabes et que cette population était une manière ou une autre apparentée aux populations européennes de la rive nord de la Méditerra née Cette parenté donné lieu de nombreuses publications et le contexte colonial favorisa cet engouement pour ethnogénie berbère Il serait faux cependant de croire que les taxinomies raciales élaborées par les anthropologues de époque ressortissaient la seule nécessité colo niale et ne inscrivaient pas intérieur des paradigmes scientifiques alors en cours Boëtsch Ferrie 1989 La fa on de classer les prétendues races de Afrique du Nord était la même que celle utilisée pour classer les Bretons les Limousins ou les Slaves du sud Nous admettons plus hui la manie classificatoire et hiérarchisante des anthropologues et des ethnologues de naguère Pourtant ce fatras classificatoire qui nous hérisse fut la première formulation de anthropologie méditerranéenne au sens culturaliste du terme1

anthropologie méditerranéenne au sens culturaliste du terme est dévelop pée partir des années 1950 avec les travaux de Peristiany de Pitt-Rivers de Peters de Stirling de Cambell et Abou Zeid est John Peristiany professeur Anthropologie Oxford qui patronnait ce groupe sous il bienveillant de Evans-Pntchard -RIVERS 1986 Les premières uvres marquantes furent publiées dans les années 1960 PERISTIANY 1965 1968 PITT-RIVERS 1961 1963 Il agissait abord une approche strictement comparative entre les sociétés du nord et du sud de la Méditerranée Pitt-Rivers ne considère toujours pas il faille aller au-delà et présenter la Méditerranée comme une aire cultu relle 1986 Toutefois ouvrage de Davis 1977 montré la consistance de cette aire et principalement en ce qui concerne les similarités entre Europe méditerranéenne et la Méditerranée musulmane En fait il existe des traits culturels non seulement analogues mais communs aux sociétés méditerra-

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affirmation de la berberite du Maghreb du christianisme primitif des Berbères de leur perpétuel état anarchie et de leurs origines nor diques attestées par leur blondeur Boëtsch Ferrie 1990 paraissait trop liée idéologie coloniale davantage ailleurs comme discours de légi timation que comme principes opératoires) pour être admise sans réti cences De même évocation de Afrique romaine qui aurait pu servir de base une approche de aire méditerranéenne comme communauté culturelle Brown 1984 1985) ne servit projeter dans le passé les préoccupations et les modèles coloniaux de la conquête fran aise Bena- bou 1980 Frémeaux 1984 Ce ont en commun ces analyses est une sorte de négation pernicieuse de historicité des sociétés du Sud Dans ce contexte insister sur les invariants méditerranéens en quoi par exemple les Berbères continuaient être des Berbères en pratiquant le culte du saint homme depuis Antiquité tardive revient affirmer leur regrettable et cependant fascinante marginalité dans le mouvement de histoire et justifier une certaine manière avec plus ou moins inno cence irruption militaire de la modernité européenne Pour anthropo logie coloniale apparentement des Berbères aux populations nord- méditerranéennes inscrivait dans une perspective centrée plus parti culièrement sur Afrique du Nord que sur la Méditerranée Il ne agissait pas de reconnaître homme méditerranéen dans son unité pour autant elle existât mais de prouver en quelque sorte appartenance euro péenne du Maghreb en faisant ressortir ancienneté de notre présence et le caractère superficiel des invasions arabes et de la culture arabo-musul mane

Cependant les recherches des anthropologues finissaient toujours force de traiter du diffusionnisme des gènes ce était toutefois pas le terme ils employaient) par traiter du diffusionnisme culturel pour eux la race était une sorte infrastructure et la culture les croyances esthétique et la technique représentait une sorte de super structure Elle était aussi la trace des migrations septentrionales Toute fois ces traces avaient un intérêt par elles-mêmes pour qui intéressait étude des pratiques culturelles et des croyances Et dans ce cas approche diffusionniste avait tendance inverser le diffusionnisme des gènes servant simplement de fondement au diffusionnisme de la culture

Mon analyse portera sur le sens et la fonction que on peut donner cette inversion en étudiant successivement les travaux de Bertholon de Sergi et de Westermarck Je tenterai de montrer comment la question longuement débattue de origine nordique des Berbères Bertholon)

néennes ce il est convenu appeler des invariants culturels méditerranéens en ce sens cf la synthèse de GILMORE 1982 Notons au passage que le thème de unité du monde méditerranéen avait déjà été abordé en France un point de vue culturaliste cf MAUNIER 1922 104-107 BENOIT 1943) mais il toujours pas donné lieu des travaux anthropologiques conséquents

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devenant celle de existence une race méditerranéenne Sergi) il fut possible aborder étude de certains invariants culturels autrement que sur le mode conjectural Westermarck insisterai toutefois sur les limites heuristiques de cette inversion

La théorie nordique de Bertholon

Lucien Bertholon 1854-1914) originaire de Tunis médecin militaire puis médecin civil membre eminent de la colonie fran aise du beyiicat et fondateur de Institut de Carthage consacra la majorité de son uvre anthropologie Selon Bertholon les Berbères ne constituaient pas une race homogène mais un ensemble de populations origines différentes plus ou moins mélangées et ses recherches attachèrent plus particulière ment étude des Berbères de souche européenne 1899 Ces Berbères seraient des géens arrivés en Afrique du Nord en passant par Asie mineure et Egypte2

En fait Bertholon se livrait un travail assez complexe et varié et il paraît un peu excessif de parler instar de Chantre de ses connais sances encyclopédiques 1915 4) il faut noter que ses connaissances ou ses prétentions dépassaient de beaucoup anthropologie Cette disci pline du point de vue opératoire avérait assez limitée et purement des criptive elle intéressait aux mesures métriques des populations vivantes anthropométrie et sur les morts étude du crâne la craniologie partir de là elle se proposait établir des comparaisons classificatoires et ethnogéniques puisque la classification toujours été considérée au xixe siècle et selon la définition même de Darwin comme un arrange ment généalogique 1876 494 Toutefois les faits scientifiques pour autant il en ait doivent toujours répondre une demande de sens qui dépasse de beaucoup leur contenu empirique et implique que les théories dans lesquels ils insèrent contiennent une part significative de propositions métaphysiques au sens que Carnap donne ce terme sur ce que le monde est en général La demande de sens qui exprimait pro pos de la mesure des hommes et des crânes appliquait ce que homme pouvait espérer être selon où il venait et ce il pouvait espérer faire

En somme ces mesures permettaient de tenir un discours sur ordre du monde sur le mouvement de histoire et organisation de la société humaine dont témoignaient par exemple le projet intellectuel qui fut origine de la création de la Société ethnologique de Paris et le rôle

uvre la plus connue de BERTHOLON été rédigée en collagoration avec Ernest CHANTRE Il agit des Recherches anthropologiques dans la Berberle orientale 1913) ouvrage encore cité par Charles-André JULIEN dans son His toire de Afrique du Nord 19861) mais assez sévèrement critiqué par Gabriel CAMPS 1961)

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jouèrent les saint-simoniens Blanckaert 1988 Dans cette perspective ethnogénie était en quelque sorte le couronnement discursif de la classi

fication ce dans quoi elle prenait sens Elle traitait de la transmission de identité dans le temps est-à-dire de la persistance et du métissage des groupes humains et de fa on inséparable de la persistance de leur manière être

De fait Bertholon se préoccupait moins de mesurer les indigènes que de découvrir leur origine Sa contribution principale dans ce domaine est article publié en plusieurs parties 1897 1898 1899 dans la Revue tuni sienne Les premiers colons de souche européenne dans Afrique du Nord Revenant sur ses travaux antérieurs 1882 1896 pour les criti quer ou pour les utiliser dans exposition de sa thèse Bertholon affirme que les Berbères descendent des anciens Libyens ce qui est pas parti culièrement original) peuple pélasgien venu dans le nord de Afrique en passant par Asie mineure et Egypte et porteur de la civilisation égéenne On peut dire sans trop exagérer sa thèse il considère les Berbères comme des géens les descendants des peuples qui construi sirent Cnossos et Mycènes Il affirme il agit là une position nova trice puisque avant lui on niait que élément hellénique ou préhellé nique ait joué un rôle appréciable en Afrique du Nord Bertholon 1899 419 De fait la période de référence fut longtemps Antiquité romaine comme en témoignent les premières décennies de publication de la Revue africaine inscriptions romaines vestiges archéologiques traces infimes de romanisation trouvent abondamment décrites intérêt plus tardif pour les inscriptions et les vestiges puniques inscrit assez exactement dans la même perspective histoire romaine comme ailleurs une par tie des hypothèses se rapportant simultanément la présence de blonds et de monuments mégalithiques évoquant ceux élevés par les Gaulois Boëtsch Ferrie 1990 Selon Féraud 1863) il agirait en effet de Gaulois mercenaires de Rome qui auraient introduit en même temps que leur blondisme ces monuments avec leurs pratiques cultuelles La posi tion de Féraud avait rien isolée et représentait un courant important celui de origine nordique des Berbères ou disons des Berbères signi ficatifs dans la mesure où aucun auteur ne prétendait que ensemble des Berbères en vinssent

Sur ce point Bertholon ne se distinguait guère des autres et considé rait aussi que les Berbères étaient plus ou moins des nordiques Toutefois sa thèse avère originale sur deux points indépendamment de la prove nance nordique de ses Berbères elle fait une civilisation méditerra néenne la civilisation égéenne le centre de diffusion pour parler comme les diffusionnistes de traits culturels constitutifs de identité berbère elle présente ces traits non comme des vestiges mais comme des réalités incorporées la société berbère moderne et fa onnant la pra tique sociale observable Bertholon 1904 1911 Son travail le plus achevé de ce point de vue est article intitulé Sociologie comparée des

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Achéens Homère et des Kabyles contemporains paru dans la Revue tunisienne en 1911 où il compare entre autres la vengeance chez les anciens Grecs et chez les Kabyles Ceci presque plus grand-chose voir avec anthropologie physique et ressemble assez une approche cultura- liste où ethnogénie origine et la dynamique une population sert de substrat analyse un processus diffusionniste et de ses effets

De fait les deux articles les plus ambitieux de Bertholon Les pre miers colons de souche européenne dans Afrique du Nord 1897) bien sûr et Essai sur la religion des Libyens 1908 ne sont pas des articles anthropologie physique mais plutôt des tentatives de reconstitu tion historique appuyant sur archéologie et la linguistique Il ne serait pas faux de dire que le fondateur de Institut de Carthage pouvait passer pour un spécialiste des anciens Libyens même si selon Oric Bâtes3 il avérait particulièrement aventureux dans sa méthode et dans ses conclu sions Il était pourrait-on dire la victime de ses connaissances encyclo pédiques Chantre 1915 4) confondant analogie et identité ce qui ne représente en définitive une légère extrapolation des postulats diffu- sionnistes ainsi en témoigne son article Origines néolithique et mycé nienne des tatouages des indigènes du nord de Afrique 1904 Cet article montre partir une collection de témoignages des statuettes des peintures des tatouages que les tatouages des Berbères modernes proviennent bien de la civilisation néolithique européenne dont est issue la civilisation égéenne et que sur les tatouages tunisiens particulièrement étudiés par auteur figure une navette symbole de la déesse Neït déesse nationale des Libyens Bertholon 1904 26 et représentation

locale de la déesse Athéna des Grecs Je ne discuterai pas de la pertinence de cette démonstration que Bâtes jugeait sévèrement The units of design employed in ancient Libyan tattooing are so simple that it is dange rous to try as has been done to relate them to extra-african origins 1970 139 Ce qui importe est la fa on dont elle circonscrit une aire culturelle méditerranéenne incluant Europe balkanique la Méditerranée égéenne et le nord de Afrique régions qui sont aussi incluses dans approche culturaliste actuelle De ce point de vue Bertholon modifie sensiblement la perception du monde méditerranéen en orientalisant même si ses géens sont origine des Européens. quoique de est rencontre des théories ouest-nordiques centrées sur le monde celto- romain

Quant la forme démonstrative est-à-dire anthropologie phy sique les traits culturels ne sont pour Bertholon que des confirmations de ce que anthropométrie et la craniologie établissent 1904 1908 Son Essai sur la religion des Libyens est assez révélateur de sa conception

Cf les commentaires il fait propos de ses thèses dans son ouvrage Thé Eastern Libyans 1970 74 139 177 206-207)

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des choses il affirme que les dieux des Carthaginois étaient des dieux Libyens découverte confirmant un fait si on peut dire établi par étude de plus de cinq cents crânes montrant que le type punique était exceptionnel dans la population carthaginoise et que les Phéniciens de Carthage étaient en fait des Libyens Bertholon considère ainsi premiè rement que les traces anthropologiques sont déterminantes et deuxiè mement que le diffusionnisme culturel est possible partir du diffu- sionnisme des gènes est-à-dire que les deux vont de pair idée selon laquelle les traces anthropologiques sont déterminantes peut donner lieu

diverses interprétations Randall Maciver et Wiikin 1901) par exemple partis en Algérie sur les conseils de Flinders Pétrie afin de démonter existence de contacts entre Berbères et gyptiens démontrèrent le contraire anthropologiquement les Berbères avaient rien voir avec les Libyens mais ils re urent néanmoins beaucoup de ces der niers On peut donc penser que les traits culturels et les traits biologiques se transmettent indépendamment sans méconnaître anthropologie phy sique se sentir dans une position intellectuelle particulièrement inconfortable Or intérieur du même paradigme scientifique Bertho lon croit le contraire et attache le démontrer Selon lui il pas assimilation de traits culturels sans assimilation de traits biologiques pas intégration culturelle sans intégration populationnelle est ail leurs ce point de vue il défend propos de la colonisation de la Tuni sie Bertholon 1901 la nécessité des inter-mariages compris avec une

élite tunisienne Et il ne fait au bout du compte exprimer là la conception fran aise de la nationalité

La théorie méditerranéenne de Sergi

Contrairement Bertholon Sergi ne pense pas que les Berbères pro viennent du nord mais inversement ce sont les Nordiques qui viennent du sud Je entrerai pas ici dans de longs commentaires sur les positions de anthropologue romain leurs enjeux classificatoires dépas sant de beaucoup aire méditerranéenne et aboutissant la synthèse exposée dans Uomo 1911 sur origine et la distribution des races humaines Disons que pour Sergi il existe une race méditerranéenne ori ginaire Afrique 1895 1901) dont est issue la race nordique cette race méditerranéenne est elle-même issue des Chamites qui occupaient le nord de Afrique Sergi 1897) et parmi lesquels il faut compter les gyptiens les Libyens et les Berbères actuels

Du point de vue du diffusionnisme culturel on aboutit ainsi une aire sensiblement identique celle proposée par Bertholon et allant grosso modo de Egypte la Scandinavie Sergi 1901 275) mais dont le centre de diffusion primitif serait cette fois le Bassin méditerranéen Pour Sergi unité culturelle de cette aire remonterait uniquement la période pré-

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historique entre le Magdalénien et le Néolithique) et ne relèverait pas de la diffusion ultérieure de la civilisation égéo-mycénienne origi naire Asie mineure 1901 282-296 On retrouve ici la position de Bertholon sur origine néolithique et aire extension quoique Sergi ne soit pas animé par un dessein similaire Bertholon en effet voulait montrer que les Berbères comme population et comme ensemble culturel étaient originaires du nord du Bassin méditerranéen alors que le savant romain visait démontrer que les Européens dans leur ensemble étaient originaires Afrique Sans avoir un esprit particuliè rement suspicieux on peut penser que les positions de Bertholon ne sont pas sans relation avec la colonisation fran aise de la Tunisie et de Algérie Le dessein de Sergi vrai dire ne répond pas une préoc cupation ordre colonial mais il est difficile de ne pas trouver aussi expression un souci assez clairement nationaliste montrer que la civilisation latine et les Latins ne sont pas des Aryens est-à-dire que les grandes civilisations classiques de la Méditerranée sont plutôt indi gènes importées et montrer par la même occasion que les Ger mains ne sont pas non plus des Aryens ce qui dans Europe fin-de- siècle est pas un projet tout fait innocent

cette différence près différence somme toute purement idéolo gique Sergi et Bertholon disent pratiquement la même chose propos du Bassin méditerranéen que les habitants des deux rives sont appa rentés génétiquement et culturellement et que cet apparentement se prouve par la mesure des crânes étude des langues et des autres traces culturelles mises au jour par archéologie Dans le détail bien sûr ni Bertholon ni Sergi ne sont accord et quand un cite autre ce est que pour utiliser des énoncés factuels des mesures des des criptions en ignorant les développements théoriques dans lesquels ils insèrent4 Sergi considère que les Berbères appartiennent au groupe chamitique et sont en quelque sorte des Méditerranéens de souche Bertholon quant lui pense au contraire il agit de Thraco-pélas- giens et que leur langue est en conséquence apparentée au grec Mais pour important il soit et pour fausse que soit la position de Bertholon ce désaccord ne modifie pas économie générale des faits le Bassin méditerranéen est parcouru de solutions de continuité et étude de ces solutions constitue un discours scientifique légitime En ce sens extension donnée par Sergi idée de race méditerra néenne limitée chez Bertholon et Chantre un type dolichocé phale mésorrhinien de petite taille Bertholon Chantre 1913 place la Méditerranée en position aire culturelle comme foyer une population spécifique répandue sur les deux rives On observera que ce était pas explicitement le cas avec Bertholon non plus avec les

Cf SERGI 1901 67 120-121

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autres anthropologues partisans de origine européenne des Berbères Bertholon envisageait plutôt unité de la Méditerranée sous la forme une colonisation réussie de sa rive sud époque égéenne

Westermarck tourne la page

Edward Westermarck était pas un anthropologue physique mais un eth nographe Ses travaux de terrain portent sur le Maroc et ont donné lieu de nombreuses publications dont le célèbre Ritual and Belief in Morocco 1926 Il consacré un ouvrage aux Survivances païennes dans la civilisa tion mahométane 1935) dont introduction se réfère presque unique ment aux travaux anthropologie physique portant sur origine des peuples du nord de Afrique Cette introduction quatre pages dans édi tion fran aise témoigne de la modification intervenue dans la perspective diffusionniste les traces culturelles ne servent plus témoigner de la dif fusion des gènes mais au contraire la diffusion des gènes sert cir conscrire une unité culturelle une certaine fa on les gènes sont consi dérés comme une sorte infrastructure il est plus nécessaire évoquer longuement puisque les théories concernant origine des Ber bères sont peu près claires

agissant de Afrique du Nord ces pays où se répandit Islam étaient habités par des Khamites Egypte par le groupe oriental des peuples ainsi nommés Tripoli Tunis Algérie et le Maroc par des Berbères appartenant au groupe sep tentrional du même complexe khamitique Telle est du moins opinion dominante hui bien que certains savants aient suggéré que les Berbères étaient pas des Khamites par la race mais des conquérants étrangers qui vainquirent les abo rigènes khamitiques de Afrique du Nord et adoptèrent comme bien autres vainqueurs la langue des vaincus Westermarck 1935 8)

Ces remarques constituent rien moins que épilogue de plus un demi-siècle anthropologie physique de Afrique du Nord Westermarck se réfère aux travaux de Lissauer 1908) de Topinard 1873) de Bâtes 1912) de Faidherbe 1873) de Bertholon et Chantre 1913 et de Sergi 1901 comme des acquis qui établissent premièrement que les Ber bères appartiennent une race méditerranéenne origine chamitique deuxièmement que élément arabe est négligeable et que les tribus dites Arabes ne sont arabophones troisièmement que le blon- disme des Berbères témoigne de infusion un sang étranger Wes termarck 1935 9) bien antérieur la venue des Vandales Ce dernier point semble hui assez discutable la lumière des travaux de Kidder Coon et Briggs 1955 65-66) qui montrèrent que la tendance au blondisme des populations berbères avérait équivalente celle de la plu part des groupes de race méditerranéenne Toutefois dans la mesure où il ne agit dans esprit de Westermack que une trace biologique il ne prétend pas connecter des traits culturels ainsi que le firent par

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exemple Bertrand 1863 et Broca 1876) assertion est de peu impor tance et le blondisme est évoqué que comme une singularité il importe de mentionner parce elle été beaucoup débattue

Les certitudes dégagées de la littérature anthropologique par Wester marck semblent plaider en faveur une conception cumulative de la science et fortiori de la discipline Cette conception est ailleurs celle des auteurs académiques quand ils se mêlent en faire historiographie avec une consternante absence de sens critique Ferembach 1975 Car si on peut effectivement admettre une science soit cumulative un certain point ce est jamais intérieur du même paradigme et pour le reste les disciplines sont forcément paradigmatiques Kuhn 1983 Il est ainsi permis de se demander quel est alors le statut épistémologique une discipline confondue avec un unique paradigme la race dans le cas de anthropologie physique De plus les auteurs cités par Edward Westermack et singulièrement Sergi et Bertholon ne sont cumulatifs ou commensurables que si on suit les idées générales en gros il pensent plutôt sans chercher intégrer les différentes théories qui se contre disent sur de nombreux points et usent des mêmes procédures ni des mêmes données En fait aurais tendance penser que Westermarck cumule parce il généralise en ce sens il présente un point de vue général et il généralise parce que les problèmes débattus ardem ment par la discipline ne intéressent pas tout au moins un point de vue technique

Les anthropologues étaient passionnés par ethnogénie le classement généalogique et toutes ces sortes de choses qui ont aucune importance pour Westermarck Il se contente un état de fait sans en rechercher la provenance En tout cas il paraît difficile de douter une très forte proportion voire la grande masse des Berbères soient membres une race qui occupe le Bassin méditerranéen et que on baptisa race méditerranéenne quelque origine on lui ait ailleurs assignée Westermarck 1935 8)

Peu lui importe où viennent les Berbères du moment ils forment ancien et toujours le principal ensemble de la population méditerra néenne en somme pour Westermarck la définition une aire culturelle cesse être un enjeu ethnogénique Celle-ci étant définie par autres il peut passer exploitation des traces culturelles disponibles Il agit prin cipalement du mauvais il de la malédiction de la conception de la sain teté et de Vachoura toutes traces identifiées comme renvoyant un stock de croyances répandues dans le Bassin méditerranéen avant la conquête musulmane de la rive sud et devenues des croyances musulmanes je ne veux pas dire par là orthodoxes au sens de islam scripturaire des ouléma Son travail ne consiste pas alors en rechercher origine mais dépeindre et analyser la richesse de leurs variations comme la multi plicité des influences qui se conjuguent pour les produire

est ici je crois que la notion aire culturelle méditerranéenne

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révèle toute sa spécificité en produisant un effet paradoxal On vu que sa constitution théorique aussi bien chez Bertholon que chez Sergi résul tait une hypothèse diffusionniste liant transmission culturelle et trans mission biologique Dans cette perspective aire était structurée par un mouvement migratoire déposant sur son passage des formes culturelles

motifs ornementaux langues ou pratiques sociales issues un même centre et toujours caractéristiques travers les variations locales de leur origine En somme les analogies étaient forcément des identités Fonda mentalement les anthropologues ne faisaient pas de différence entre un crâne une croyance et une tombe était autant de traces partir des quelles pouvait se lire la marque de origine Or chez Westermarck la notion aire ne résulte plus une hypothèse diffusionniste et ne la confirme pas davantage La notion aire est appréhendée comme un ensemble analogies géographiquement circonscrites et ces analogies ne renvoient plus forcément des identités ainsi en témoigne la conclusion de Westermark sur les croyances et les pratiques relatives au mauvais il

En somme elles soient sémitiques aryennes ou méditerranéennes les croyances et les pratiques relatives au mauvais il apparaissent tellement sem blables elles accordent si bien par les détails comme du point de vue plus géné ral de la force et de importance on impression un complexe simple dans lequel il est impossible de distinguer influence de telle ou telle race exclusion des autres Nous avons pas le droit de supposer elles proviennent un seul et unique point comme un centre autour duquel elles auraient rayonné Westermarck 1935 74)

En autres termes la transmission biologique et la transmission cultu relle cessent être liées une autre comme elles cessent être liées la nécessité une origine fondant leur spécificité car aire culturelle désormais stabilisée la définit par elle-même Le ce que on peut espé rer être en fonction du lieu où on vient qui constituait le fond méta physique du discours des anthropologues se transforme en un simple ce que on peut espérer être en fonction du lieu où on est une cer taine manière la principale différence entre Bertholon Sergi et Wester marck outre évidente différence disciplinaire semble tenir au statut de analogie Pour les premiers analogie découle de identité et la prouve pour le second elle la crée Suivant Bertholon le fait que la vengeance chez les Kabyles évoque la vengeance chez les Achéens Homère prouvait que les premiers étaient en quelque sorte les descen dants des seconds Pour Westermarck le fait que les Berbères partagent des croyances avec les autres peuples méditerranéens indique seulement que ce sont des Méditerranéens et la généalogie est pas nécessaire pour établir cette évidence

Institut de recherches et études sur le monde arabe et musulman Aix-en-Provence

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