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La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives TechnicoEconomie des Systèmes Energétiques La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de Numéro 34 ETE 2018 La Lettre de l'Itésé CEA Bâtiment 524 91191 GifsurYvette Cedex [email protected] ISSN 21076804 Editeur : CEA/DAS/Itésé Directeur de la publication : JeanGuy Devezeaux Rédacteur en chef : JeanGuy Devezeaux Rédacteurs : JeanMarc Agator Michel Berthelemy Patrick Criqui JeanGuy Devezeaux François Kalaydjian Elvire Leblanc Robin Molinier Nathalie Popiolek Olfa Tlili Anne TriboutMaurizi Julie Yu Editorial Le nucléaire dans le débat sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie Le débat national décidé par le gouvernement pour discuter le projet de révision de la PPE s’est clos à la fin juin. Une partie de cette lettre lui est consacrée. Un des points importants de l’exercice était la part prise par le nucléaire. Comme l’a souligné en clôture la Commission Particulière en charge de ce débat, le nucléaire n’a pas occupé dans le débat la place excessive que certains lui prédisait. Une partie centrale des discussions a cependant été dévolue à la date à laquelle cette énergie pourrait atteindre l’objectif de 50% de la production d’électricité en France. Il semble que, même si les avis divergent, un horizon de 2030 ou 2035 soit jugé préférable à celui de 2025 cité dans l’actuelle loi de transition. On notera que cette période dépasse l’horizon de la PPE (formellement 2023, avec un éclairage jusqu’à 2028). En parallèle de cette diversification graduelle du mix électrique, deux questions majeures devront encore être examinées avec grand soin. Il s’agit tout d’abord de la nécessité, mise en évidence notamment par la SFEN(*), de lancer rapidement un programme électronucléaire français de près d’une dizaine de réacteurs. Cette décision permettrait d’une part de réduire très nettement le coût de production de l’électricité des futurs EPR optimisés (de l’ordre de plus de 30%), et, d’autre part, de donner la visibilité absolument nécessaire à ce secteur industriel, sans laquelle il déclinerait très rapidement au profit essentiellement d’acteurs asiatiques et russes. L’autre enjeu est la poursuite de la stratégie de recyclage des combustibles usés, pour laquelle l’industrie française est leader mondial. L’avance technologique est là. L’économie d’ensemble est maîtrisée. Un contrat très important est en cours de finalisation avec la Chine. Le recyclage est un principe (économie circulaire) au cœur de la loi de transition. Il reste que les choix d’arrêt des réacteurs pourraient, s’ils limitaient les flux de plutonium recyclé, perturber l’équilibre économique de l’ensemble. Il faudra l’anticiper très en amont. JeanGuy Devezeaux de Lavergne Directeur de l'Itésé * Societé Française d'Energie Nucléaire Sommaire Dossier Les nouvelles technologies dans la transition énergétique Le rôle de la recherche dans les technologies mises en oeuvre dans le cadre de la PPE et de la SNBC Eclairages Le débat public sur la transition énergétique française ... Impact économique des organismes de recherche technologique européens et du CEA ... Brèves Atelier "SHS & Mobilités" Itésé à la conférence Energy System 2018 Présentations d'Itésé à la conférence de l'IAEE 2018 22 ème conférence du WEC Actualités scientifiques/ Vie de l'Unité 2 6 12 18 25 25 26 27 28 Le chiffre du trimestre Le chiffre du trimestre 100 M€ C’est le budget mobilisé par le plan national hydrogène pour accompagner les premiers déploiements de ces technologies de production et de transport dans les territoires. Le chiffre du trimestre

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La lettre de l'I­tésé

Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de

du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies AlternativesTechnico­Economie des Systèmes Energétiques

La lettre de l'I­tésé

Lettre trimestrielle d'information de l'Institut deNuméro 34 ­ ETE 2018

La Lettre de l'I­tésé ­ CEA ­ Bâtiment 524 ­ 91191 Gif­sur­Yvette Cedex [email protected] ISSN 2107­6804Editeur : CEA/DAS/I­tésé ­ Directeur de la publication : Jean­Guy Devezeaux ­ Rédacteur en chef : Jean­Guy Devezeaux ­

Rédacteurs : Jean­Marc Agator ­ Michel Berthelemy ­ Patrick Criqui ­ Jean­Guy Devezeaux ­François Kalaydjian ­ Elvire Leblanc ­ Robin Molinier ­Nathalie Popiolek ­ Olfa Tlili ­ Anne Tribout­Maurizi ­ Julie Yu

Editorial

Le nucléaire dans le débat sur la Programmationpluriannuelle de l'énergie

Le débat national décidé par le gouvernement pour discuter le projet derévision de la PPE s’est clos à la fin juin. Une partie de cette lettre lui estconsacrée.

Un des points importants de l’exercice était la part prise par le nucléaire.Comme l’a souligné en clôture la Commission Particulière en charge dece débat, le nucléaire n’a pas occupé dans le débat la place excessive quecertains lui prédisait.Une partie centrale des discussions a cependant été dévolue à la date àlaquelle cette énergie pourrait atteindre l’objectif de 50% de la productiond’électricité en France. Il semble que, même si les avis divergent, unhorizon de 2030 ou 2035 soit jugé préférable à celui de 2025 cité dansl’actuelle loi de transition. On notera que cette période dépasse l’horizonde la PPE (formellement 2023, avec un éclairage jusqu’à 2028).

En parallèle de cette diversification graduelle du mix électrique, deuxquestions majeures devront encore être examinées avec grand soin.Il s’agit tout d’abord de la nécessité, mise en évidence notamment par laSFEN(*), de lancer rapidement un programme électronucléaire françaisde près d’une dizaine de réacteurs. Cette décision permettrait d’une partde réduire très nettement le coût de production de l’électricité des futursEPR optimisés (de l’ordre de plus de 30%), et, d’autre part, de donner lavisibilité absolument nécessaire à ce secteur industriel, sans laquelle ildéclinerait très rapidement au profit essentiellement d’acteurs asiatiqueset russes.

L’autre enjeu est la poursuite de la stratégie de recyclage descombustibles usés, pour laquelle l’industrie française est leader mondial.L’avance technologique est là. L’économie d’ensemble est maîtrisée. Uncontrat très important est en cours de finalisation avec la Chine. Lerecyclage est un principe (économie circulaire) au cœur de la loi detransition. Il reste que les choix d’arrêt des réacteurs pourraient, s’ilslimitaient les flux de plutonium recyclé, perturber l’équilibre économiquede l’ensemble. Il faudra l’anticiper très en amont.

Jean­Guy Devezeaux de Lavergne

Directeur de l'I­tésé

* Societé Française d'Energie Nucléaire

SommaireDossierLes nouvelles technologies dansla transition énergétiqueLe rôle de la recherche dans lestechnologies mises en oeuvredans le cadre de la PPE et de laSNBC

EclairagesLe débat public sur la transitionénergétique française ...Impact économique desorganismes de recherchetechnologique européens et duCEA ...

BrèvesAtelier "SHS & Mobilités"I­tésé à la conférence EnergySystem 2018Présentations d'I­tésé à laconférence de l'IAEE 201822ème conférence du WEC

Actualités scientifiques/Vie de l'Unité

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Le chiffre du trimestreLe chiffre du trimestre

100 M€C’est le budget mobilisé par leplan national hydrogène pouraccompagner les premiersdéploiements de ces technologiesde production et de transportdans les territoires.

Le chiffre du trimestre

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 20182

Dossier

Les nouvelles technologies dans latransition énergétique

par Jean­Guy Devezeaux de Lavergne,CEA/I­tésé

Tous, au CEA, nous avons conscience de l’importance des enjeux énergétiques etenvironnementaux, à commencer par le risque majeur de réchauffement de laplanète. La France est un des pays leaders dans le domaine, l’exigence de nosconcitoyens est forte, l’engagement de la nation est volontaire et organiséprincipalement par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte(LTECV), qui fixe le cap.Pour tracer le chemin, le gouvernement met en œuvre deux actions coordonnées,la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la Programmation Pluriannuelle del’Energie (PPE). Cet exercice vise à définir les objectifs et moyens pour la période2019­2023, avec un éclairage jusqu’à 2028.La LTECV prévoit la révision de la PPE d'ici la fin de l'année 2018. Un débatpublic sur cette révision a été lancé en mars.

La 10ème journée de l’I­tésé qui s’est tenue le 19 juin s’inscrit danscette dynamique : elle était labellisée par la CommissionParticulière du Débat Public, en charge de ce débat.

Le rôle central de la technologie dans la décarbo­nation profonde de nos économies

Pour placer la planète sur ce cap et décrire des sentiersd’évolution de mix énergétiques aptes à limiter le

réchauffement au niveau retenu notamment par laConférence de Paris, la plupart des scénarios donne unrôle central à la technologie. Et en particulier àl’électricité, qui sera le principal vecteur de décarbonationdans le siècle.

Les défis sont immenses. Il faut en effet accompagnerl’humanité dans son légitime souhait d’amélioration desconditions de vie des zones encore en développement,avec devant nous un «crédit carbone» de moins de 30 ansd’émissions au niveau actuel. Outre la diminution pardeux des émissions mondiales en 2050, il faudra ensuiteles annuler bien avant la fin de ce siècle.

L’atteinte des objectifs de la SNBC/PPE passe par ledéveloppement à grande échelle de technologies bascarbone, associées à des changements de comportementsmajeurs. Un des prérequis de la transition est que celle­cisoit porteuse de bien­être et d’emploi. C’est l’associationd’une recherche nationale dynamique et de relaiséconomiques actifs, localement et globalement, qui feranaître le succès.

Au­delà, l’analyse des grandes filières et des championséconomiques nationaux montre que l’effort de courtterme doit conforter notre position de leader dans desdomaines comme l’automobile, l’aviation, les STICs,mais aussi dans des technologies clés qui méritent encoreplus d’efforts. Et particulièrement celles que nousdéveloppons au CEA : outre le nucléaire, il s’agit dusolaire, des technologies de stockage (court terme,notamment pour la mobilité et saisonnier), destechnologies de l’hydrogène (rappelons ici le planhydrogène qui vient d’être lancé le 1er juin par legouvernement et pour lequel le CEA a beaucoup œuvré),du numérique dans la transition et, à plus long terme, desbiocarburants de 3ème génération.

Le rôle de l’alliance ANCRE

Le CEA n’est pas le seul acteur de la décarbonation.L'Ancre (Alliance Nationale de Coordination de laRecherche pour l’Energie) réunit les principauxorganismes de R&D français impliqués dans cette actionau long cours. L’alliance a été créée en 2009 à l’initiativedes ministres en charge de l’Écologie, de l’Énergie et del’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle a pour

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ETE 2018­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 3

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mission de mieux coordonner et renforcer l’efficacité desrecherches sur l’énergie menées par les organismespublics nationaux. Elle participe directement à la mise enœuvre de la stratégie française de R&D dans ce secteur etest un des acteurs principaux en France de la progressiondes technologies aptes à contrer le réchauffement.

Notre Alliance propose par ailleurs des scénariosénergétiques de façon à illustrer les conditions de misesen œuvre des technologies avancées. L’I­tésé est un descontributeurs majeurs de la construction de ces scénarios.Ils permettent de décrire des chemins conduisant àl’atteinte des objectifs de transition. Ils mettent aussi enévidence les conditions de la réussite et l’effort trèsimportant qui reste à faire, notamment à moyen terme.

Augmenter la transversalité de la recherche

La science est le terreau de la réussite. Une premièrecondition de cette réussite est l'excellence de la rechercheet le soutien permanent des pouvoirs publics, desterritoires, des industriels à une recherche pourvoyeused'idées nouvelles. Sans être nécessairement orientée danstoutes ses dimensions, la recherche technologique doitpermettre d'ouvrir de nouvelles voies, de nouveauxsavoirs en lien permanent avec le monde extérieur.

Les réflexions menées dans le cadre de l’ANCRE nousconduisent à penser que la conception globale des actionsde R&D, pour contribuer à l’efficacité de l’ensemble, peuts’inscrire dans les principes suivants :

• Positionner la recherche dans une conceptiondynamique en allouant les moyens et en définissant desobjectifs à des technologies cibles choisies avec soin, avecun positionnement temporel précis :

o à court terme, il s’agit d’une recherche fina­lisée (démonstrateurs, diffusion, valorisation…) qu’ilfaut concentrer sur les technologies les plusprometteuses ;

o à moyen et long terme, nos travaux montrent lerisque de «technology gap» à l’horizon 2030­2035 ;c’est pour cela qu’il faut mener une puissanterecherche «amont» plus diversifiée, sur les procédés,les technologies génériques, les systèmes du futur. Deces travaux naitront les ruptures de demain.

• Promouvoir la recherche transverse : ce qui reste de larecherche «en silo» doit laisser la place le plus possible àune recherche ouverte tant en ce qui concerne lesdimensions spatiales que les expertises mobilisées dansde nombreux axes, qu’il s’agisse :

o des systèmes étudiés : Chaleur/électricité/gaz,conversion de vecteurs…

o des applications de la recherche : articulation terri­toires, régions, états, Europe ;

o des coopérations de recherche : notamment avec lesautres pays européens ;

o de l’expertise mobilisée : avec une orientation

renforcée vers l’interdisciplinarité et une colla­boration accrue avec les Sciences Humaines etSociales (économie, sociologie, histoire, droit, …).

La transversalité doit aussi se comprendre dans les choixde recherche, qui ne portent pas tous sur des technologiesou des filières uniques. Ainsi, les recherches sur la gestioncoordonnée et l’hybridation des réseaux (électricité, gaz,chaleur, froid…), le développement de capacités destockage (électricité, chaleur, gaz…) à bas coût, ladigitalisation et l’usage des STICS (qui touche tous lessecteurs et de très nombreuses technologies), l’économiecirculaire et le recyclage, la construction d’approchessystémiques et de solutions intégrées (notamment àl’échelle locale), les matériaux avancés… sont­ils desdomaines de recherche transverses ­ et souventinterdisciplinaires qu’il faut penser comme tels etinterfacer avec les recherches organisées par et avec lesfilières, pour favoriser les spillovers (retombéestechnologiques).Le soutien de la recherche à la décarbonation profondedevra aussi prendre la mesure des dynamiques propresau système énergétique: elles peuvent être de quelquesannées (applications informatiques…) à des décennies(centrales et réseaux électriques, parc immobilier…).

Il faut aussi articuler les temps relativement courts(comme ceux de la PPE) et les temps plus longs de larecherche et de la diffusion des technologies au sein de lasociété. Dans la période de 10 ans de la PPE, les outils quivont agir directement sur les résultats sont essentiel­lement ceux qui portent sur la diffusion des technologiesà maturité très élevée. Il faut aussi préparer l’arrivée destechnologies presque commercialisables, en particuliervia des actions de démonstrations en territoires. Il fautenfin mettre l’accent sur la recherche dans le domaine desusages «habituels» des énergies «traditionnelles», pourgagner en efficacité.

Dans l’optique de structurer les efforts dans le temps, lespriorités nationales de R&D bénéficient de la formulationde feuilles de route de développement technologique,d’autant plus qu’elles mettent explicitement l’accent surla connexion entre les maturités des technologies «bascarbone» étudiées, la maturité des marchés(accompagnement public, mobilisation des territoires etrégions, faisabilité sociétale) et la «fertilité» de l’industrienationale dans la mise en production de ces technologies(pour créer de l’emploi et fournir un «socle» applicatifnational à la recherche). Dans la période de la PPE, il estimportant de préparer les technologies des années 30 etau­delà.

Il faut accélérer la transition, et la recherche est unedes premières solutions

Notre pays est actuellement sur une trajectoire à peu prèsconforme à nos engagements, même si quelques retardsse font jours, comme l’a souligné récemment le Césé

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(Conseil économique social et environnemental). Il fautdonc veiller à ce que les années actuelles restent bien «enligne». Nous bénéficions encore fortement des gainsd’efficacité possibles avec les technologies existantes,dont certaines font, dans le court terme, des progrès«incrémentaux» exceptionnels : citons toutparticulièrement le solaire, le stockage, les technologiesnumériques. Mais la prise en compte des objectifs de laCOP21, des retards cités plus haut et surtout de latemporalité de la transition nous amène à la conclusion,compte tenu de l’ampleur des défis, qu’il nous fautmaintenant accélérer. C’est le message de l’Europe, c’estle message du Césé, c’est la volonté du gouvernementfrançais qui fixe maintenant un objectif de neutralitécarbone à l’horizon 2050.

Accélérer la transition passe en priorité par uneaccélération de la recherche. Pour réussir une transitionqui atteigne les objectifs et soit porteuse d'emploi, il fautaugmenter fortement les moyens dédiés (d’un facteur 3pour l’OCDE/AIE), ces moyens (essentiellement publics)ayant stagné depuis des décennies. Les engagements dela France dans la Mission Innovation devraientnotamment y contribuer. Une accélération de la rechercheprivée, avec un maillage plus fluide encore avec nospartenaires européens, une meilleure intégration desunités de recherche et des entreprises, une forte proximitéavec les territoires sera aussi nécessaire. Bien entendu, larecherche devra aussi augmenter son efficacité et rendrecompte de ses efforts.

L’apport de la pensée systémique, de l’économie etdes SHS dans la compréhension de la société et ladéfinition des choix

Cette évolution rapide du monde à laquelle nouscontribuons directement doit aussi être comprise commeune mutation socio­technique, dans laquelle se déploienon seulement la transition énergétique mais aussiconjointement d’autres transitions qui intéressent aussi leCEA : santé et numérique, notamment. Ce ne peut pasêtre la technologie ni la science seuls qui s’imposent aumonde social, ni le monde social qui s’impose, à l’inverse,pour définir tous les agendas de recherche. Mais c’estbien avec des scenarios, axés sur les comportements etles usages, qu’il faut appréhender le rôle de la technologiedans la société. Il ne s’agit pas seulement d’avoir identifiédes briques technologiques, il s’agit de mieuxcomprendre comment ces briques technologiquespeuvent s’insérer dans certains contextes et comment, enfonction de ces contextes, le rôle des technologies peutchanger.

Le CEA analyse le potentiel des technologies qu’ildéveloppe, leurs rôles possibles dans les sociétés dedemain, et doit être en capacité de faire les meilleurespropositions au gouvernement et aux industriels enfondant ses analyses sur des bases interdisciplinaires.

L’I­tésé est un acteur central dans cette fonction. L’instituts’est mobilisé pour contribuer directement à une grandepart de ces sujets, sous l’angle de l’évaluationéconomique. Outre ses recherches propres, il mène untrès important travail cette année avec nos alliés (CNRS etIFPEN principalement) au sein de l’Alliance ANCRE. Il acontribué ainsi à mettre en perspective le rôle de larecherche dans la PPE et au­delà. Son apport estnotamment précieux pour préciser les modalités deconstruction du mix électrique du futur, associant desEnR en croissance et un nucléaire progressivementrenouvelé.

Pour conclure sur la place de la recherche dans laPPE

La technologie est, sinon l’unique solution, mais aumoins l’une d’entre elles, si ce n’est la principale. Lesenjeux climatiques s’intensifient et nous avonsmaintenant conscience qu’il nous faut accélérer latransition.

La recherche nationale et européenne est la clé de latransition et de son accélération dans la durée. Pourqu’elle joue son rôle, au moins deux conditions doiventêtre réunies :

o qu’elle dispose de moyens accrus (par exemple larecherche publique pour l’énergie stagne dans lemonde, excepté en Asie, depuis des décennies) ;

o et qu’elle augmente son efficacité et fasse mentir lesnouveaux prophètes qui décrètent que les grandesinnovations sont derrière nous. Nous avons déjàprouvé qu’ils se trompent, et nous sommes décidés àrécidiver.

Cette composante de recherche dans l’atteinte desobjectifs est essentielle, et doit avoir toute sa place dans laversion finale de la PPE, attendue pour la fin 2018, quidécidera de notre trajectoire pour les 5 à 10 prochainesannées.

Pour accroître nos chances de succès et mieux utiliser lesmoyens, une analyse précise du potentiel destechnologies doit être menée en allant de nos labosjusqu’aux marchés. Un des premiers outils à mobiliserpour ce faire est l’expertise économique. Celle­ci doits’interfacer avec la technologie, dans une logiqueinterdisciplinaire. C’est ce que fait l’I­tésé. Son apport, lavaleur sociale qu’il crée, s’enracinent dans ses travauxacadémiques, garants de son expertise, mais aussiaiguillon pour traiter des sujets en profondeur et ne pascéder aux modes.

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Il est donc important que l’Institut cultive lestransversalités évoquées plus haut, et se dote des outilsde simulations (ou «de stimulation») adéquats. Ceci enparticulier en ce qui concerne les systèmes électriquesassociant nucléaire et EnR.Dans ce sens deux «produits de recherche» sont desmoyens performants pour alimenter la réflexion en cours,par exemple via des scénarios :

o des visions intégrées et cohérentes des futursénergétiques et sociétaux possibles, pour y «tester» lavaleur de notre R&D et contribuer à orienter nostravaux ;

o une articulation de feuilles de route de R&D, defeuilles de route technologiques et de feuilles de routeindustrielles, pour mesurer l’apport économique (etmulticritère) des nouvelles technologies dans leurenvironnement économique, réglementaire etsociétal.

Journée I­tésé 2018 "Les nouvelles technologies dans latransition énergétique

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Le rôle de la recherche dans lestechnologies mises en œuvre dans le cadrede la Programmation Pluriannuelle del’Energie et de la Stratégie Nationale BasCarbone

par Patrick Criqui, Jean­Guy Devezeaux de Lavergne,François Kalaydjian

Groupe Programmatique "Economie" de l'ANCRE (GP9)1

Comme le précise l’article de cette Lettre consacré aux nouvelles technologiesdans la transition énergétique, la R&D est indispensable à l’atteinte d’unetransition énergétique à la hauteur de ses enjeux et porteuse d’emploi et dedynamisme économique.

Dans le rapport du Césé sur l’accélération de la transition, dans le débat nationalqui vient de se clore, ainsi dans les échanges (ateliers) organisés par legouvernement pour définir les objectifs de la SNBC et de la PPE comme axeimportant pour favoriser la transition énergétique, le rôle de la R&D a été mis enévidence.

Le groupe programmatique 9 de l’Alliance ANCRE, que nous animons, a organiséune réflexion transverse avec les autres GP pour préciser quelle est la nature dela R&D qu’il faut mobiliser et renforcer pour atteindre ces objectifs. Lesprincipales contributions du GP9 proviennent de nos structures derattachement : CEA, IFPEN et CNRS. Cet article en résume les grandes lignes2.

•Progrès technique incrémental dans les grandes filières

L’analyse des grandes filières et du positionnementconcurrentiel des acteurs économiques nationaux montreque des efforts importants de développementtechnologique doivent être engagés rapidement :

• Pour préserver nos positions dans des domainescomme l’automobile, l’aviation, le nucléaire (actuellementen réorganisation profonde) et les STICs.• Pour améliorer nos positions sur des technologies cléspour la transition, telles que le stockage (de durée limitéeet saisonnier), les technologies du bâtiment, lesbiocarburants et les combustibles avancés (biodiesel,éthanol, bioGNV et H2) ; iii) enfin pour développer lestechnologies qui permettront aux réseaux d’intégrer uneproportion croissante d’énergies renouvelables variablestout en conservant le même niveau de qualité de service.Il est à noter que certaines technologies françaises depointe, comme le solaire ou le calcul haute performance,présentent des potentiels de développement trèsimportants et doivent être soutenues tant du point de vueorganisationnel et structurel qu’opérationnel.Les technologies en ruptures

L’ANCRE a d’autre part identifié des scénarios derupture qui permettraient, mais à plus long terme que laPPE, de diversifier les voies d’atteinte de la neutralitécarbone. Citons notamment :

• Le recours significatif aux technologies del’hydrogène : en particulier au sein du système gazier(ainsi un taux d’hydrogène de 15% apparait possible en2050).• La mise en œuvre de la capture et séquestration ducarbone (CCS) au plan français, avec un potentiel del’ordre de 20Mt/an à l’horizon 2050.• Le recours massif au chauffage urbain (et à la chaleurindustrielle) issu de la cogénération, en particulierd’origine nucléaire avec les nouveaux réacteurs àconstruire. Sur la base d’un programme modéré avec unevingtaine de réacteurs nouveaux d’ici 2050, il paraitpossible de distribuer 20 à 30 TWh de chaleur totalementdécarbonée à cet horizon.• La mobilisation de la biomasse via des technologiesallothermiques faisant intervenir de l’hydrogène obtenupar électrolyse avec de l’électricité décarbonée. L’enjeu estainsi de doubler l’efficacité de la biomasse mobilisée

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(chaque atome de carbone se retrouve dans les produitsfabriqués, à commencer par les biocarburants)3. Lamontée en maturité des technologies 2G permetd’envisager de telles solutions à partir de 2030.• Le rôle des biomasses de troisième génération (algues,ressources marines, etc.) sera d’autant plus important queles objectifs assignés à la biomasse seront hauts : c’est unevariable d’ajustement permettant de relâcher les attentessur les autres biomasses (à partir de 2030). L’un desverrous est d’étudier la monté en échelle des procédés devalorisation énergétique des algues et autres bio­organismes (biodiversité, ingénierie des souches, récolte,conduite de procédés, ...).

L’atteinte par la recherche française ou européenne deprogrès majeurs en la matière n’est pas certain, loin s’enfaut. Par contre il semble stratégiquement pertinent, dèsles prochaines années, de mettre en place et de renforcerles actions à même de déboucher sur ces ruptures.Les chapitres qui suivent portent principalement sur larecherche à maturité forte, ce qui est en ligne avec unemise en œuvre rapide. Ils n’excluent toutefois pas lesautres recherches, qui doivent préparer l’avenir pluslointain.

La recherche pour le secteur énergétique

Le système énergétique sera de plus en plus intégré. Pourles secteurs de la demande, les interfaces entre secteurs etentre vecteurs sont présentes. Pour la productiond’énergie, une gestion coordonnée des réseaux(électricité, gaz, chaleur) et des technologies de passageentre vecteurs apparaissent de plus en plus nécessaires.S’ajoute l’enjeu de l’émergence de nouvelles échellesgéographiques pour la gestion des réseaux (boucleslocales, quartier/ville). Pour le réseau électrique, il s’agitde s’adapter aussi à de nouvelles logiques dedéveloppement (production renouvelable intermittente,production distribuée, autoconsommation, véhiculeélectrique rechargeable, gestion de la demande, etc.) sansmettre en cause la fiabilité d’approvisionnement. Pour lachaleur, l’innovation portera sur la basse température,l’intelligence, le stockage, les injections multiples etl’utilisation d’énergies renouvelables et de récupération.Dans cette approche systémique, l’autoconsommationdoit être évaluée et gérée, les stockages (centralisés,décentralisés) coordonnés et gérés à distance, lanumérisation déployée (prévisions offre/demande,

pilotage de la demande/flexibilité, monitoring tempsréel, diagnostic de maintenance, autoconsommationcollective, stockages et services systèmes). L’hydrogèneconstituera une option importante, comme vecteurénergétique dès la future décennie, et à considérerprincipalement au­delà de la période de la PPE commemode de stockage stationnaire.

Les besoins en stockage dans la nouvelle configurationdu système énergétique de transition nécessitent uneR&D transverse sur l'utilisation du sous­sol commeréservoir souterrain (CO2, énergie thermique, et à unhorizon plus lointain H2) notamment par ledéveloppement de méthodes et d’outils pour lacaractérisation, la modélisation, le monitoring (profond etsurface) et la gestion des risques. Points particuliers àétudier : l’injectivité, l’intégrité des puits et l'impact desimpuretés co­injectées. Le stockage souterrain d’énergiedemande le développement des technologies d'aircomprimé adiabatique en cavités souterraines et denouvelles technologies de chaleur/froid (massifsrocheux, aquifères) et des évolutions vers les hautestempératures.

Hinkley Point C

Dans ce nouveau système énergétique, la recherche sur lenucléaire doit permettre d’exploiter les réacteurs auxmeilleurs niveaux de sûreté et de performance, avec unsuivi du vieillissement, une maintenance prédictive(techniques numériques) et une mise à niveau pourprolonger la durée d’exploitation, tout en permettantl’accroissement de la flexibilité du nucléaire pour soutenirun déploiement dynamique des énergies solaire etéolienne. A l’issue de la PPE, les enjeux portent sur : lescombustibles de 3ème et 4ème génération (performances etrésistance aux accidents, fabrication) et les cycles amontet aval (procédés miniers, recyclage en 4ème génération deréacteurs, nouvelle génération de procédés deretraitement/recyclage) ; les réacteurs de 4ème générationsà neutrons rapides et les technologies detraitement/recyclage des combustibles usés ; lespotentialités du nucléaire pour des applications nonexclusivement électrogènes et les réacteurs de petite taille(SMRs). Enfin, la recherche sur la fusion avec laréalisation d’ITER et les expérimentations associéescomplètent le panorama, mais dans une perspective trèsau­delà de la PPE.

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 20188

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Pour la géothermie profonde, les besoins portent sur lestechniques et outils d'exploration, de caractérisation et demodélisation, l’optimisation de l'accès à la ressource(forage, stratégies de stimulation, étude de la sismicitéinduite), l’adaptation des techniques d'exploitation, demaintenance, monitoring, matériaux pour la pérennitédes installations en sous­sol et en surface (corrosion,dépôts…). A plus long­terme, l’optimisation, de systèmesénergétiques complets (cogénération, stockage chaleur,hybridation avec d'autres énergies) devra êtredéveloppée.

Malgré la montée en puissance et la baisse des coûtsconstatée pour le solaire, les recherches doivents’intensifier, dans un contexte de forte concurrencemondiale, pour continuer à améliorer la technologiephotovoltaïque: recherche de matériaux et de procédéspour la fabrication de cellules et de modules à hautrendement et à bas coûts ; connaissance des mécanismesde vieillissement pouvant faire évoluer la productivité ;recyclage des panneaux anciens ; diversification desprocédés de fabrication des modules pour réaliser desproduits intégrant directement la fonction photovoltaïque: tuile, tôles, verres, bardage, goudron, carrosseries, etc.Pour le solaire thermique, les axes à suivre sont:technologies appropriées aux grandes installations àusage collectif, nouvelles technologies de stockage et decapteurs, hybridation avec les autres sources (via dessystèmes intelligents et le stockage). Dans le secteurindustriel, de nouvelles filières sont à prévoir pour lafabrication d’hydrogène, d’engrais, ou de produitsmétallurgiques sur la base d’une production d’électricitéà (très) faible coût dans les pays ensoleillés.

L’éolien est également un desleviers importants de latransition. Pour les filièresmatures, l’enjeu est celui de laréduction du couplecoût/risques avec une meilleure prévision du productible, la

poursuite de la croissance des puissances unitaires(> 10MW), le stockage et la gestion de l’intermittence,l’amélioration de la fiabilité, et sur le plan social unemeilleure faisabilité.

Pour les filières encore non matures dans la période de laPPE (énergies marines : vent, vagues, courant, houle), destravaux de recherche sont encore nécessaires pour mieuxcaractériser la ressource (estimation du productible etdimensionnement des technologies), comprendre etaméliorer l’aéro­ ou hydrodynamique (turbines,fermes…), caractériser les processus de vieillissement etdévelopper des dispositifs performants de raccordement

au réseau.A delà de la PPE, la prochaine génération de systèmesportera sur l’éolien à axe vertical, la mutualisationd’usages (ex. plateformes hybrides), les nouveauxvecteurs énergétiques (ex. hydrogène), les autres usages(désalinisation) et l’économie circulaire (matériaux etprocédés) …

Si la question des ressources végétales sera évoquée plusloin, la transition écologique à mettre en œuvre induitégalement d’autres besoins de matières. Les besoins enR&D portent sur les ressources minérales pour l'énergiepour caractériser les ressources nationales (terre, mer),quantifier les impacts du développement des ENRs (PV,éolien) et du stockage d'énergie (batteries), établir etaméliorer les analyses de cycle de vie. Les techniquesd'extraction et de recyclage sont également un domainede recherche à maintenir. Pour l’hydrogène naturel, laquantification et l’évaluation des impacts de laproduction (terre, mer) sont également nécessaires, à cesujet s’ajoute la mise au point des technologiesd'extraction, de stockage et de distribution à partir dessites de production.

La recherche dans les techniques agricoles

Au niveau énergétique, certaines problématiques del’agriculture rejoignent celles de l’industrie à savoir larecherche d’efficacité, notamment via la digitalisation(agriculture numérique, robotique...). L’agriculture peutaussi valoriser pour son propre compte des ressourcessous­valorisées et s’interfacer avec d’autres activitésnotamment, sur un territoire donné, l’industrie par larécupération de chaleur industrielle ou inversement lafourniture d’énergies biosourcées. La participationdirecte de l’agriculture à la décarbonation devra êtreaccélérée par la valorisation de ses productions/co­produits/déchets sous de multiples formes (chaleur,chaleur/électricité, biocarburants, biogaz, matériauxbiosourcés). Cette double attente de l’agriculture (moinsd’émissions, plus d’efficacité énergétique) appelle desrecherches visant à offrir une gestion durable etcompétitive des ressources nationales (voir plus loin) etproposer une évaluation fiable de ses potentiels(méthodologie, suivi des usages…). Plus profondément lemodèle du développement agricole est questionné quantà ses pratiques et à son rôle. Dans les innovationsidentifiées, on retrouve l’agro­écologie, la bioéconomie, lagénétique et les biotechnologies, sans oublier lesquestions traitées par les Sciences humaines et sociales(SHS) et qui dépassent la dimension productive dusecteur.

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 9

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La recherche pour la filière forêt­bois­biomasse

Mécanisation, digitalisation et fiabilité des évaluations(télédétection de type technologies LIDAR, mais aussiapproches SHS sur la disponibilité de la ressource etl’économie circulaire) sont des enjeux de recherche decette filière. Certaines questions portent spécifiquementsur la forêt comme l’exploitation en zones de montagne,la mobilisation de la ressource bois (notamment en forêtprivée). Mais des synergies doivent être égalementrecherchées de façon plus systématique avec l’agriculturepour avoir une approche plus globale de la biomasse.

Le développement des nouvelles filières demande lavalorisation des démonstrateurs, leur déploiementindustriel et le développement de projets de territoirepour articuler l’offre et la demande des biomasses. Cesfilières sont indissociables de la chimie durable (cf.industrie) et des nouveaux matériaux (ex. isolation desbâtiments). Les verrous à lever à court­moyen terme pourles procédés thermochimiques portent sur la gestion descomposés inorganiques, l’amélioration de l’adéquationde la biomasse avec ses utilisations techniques (variabilitédes biomasses, prétraitement spécifique), le dévelop­pement et l’intensification des procédés (biocarburant de2ème génération notamment, lesquels pourraient atteindrela maturité industrielle à l’issue de la PPE). Pour lesprocédés biologiques, les questions de recherche sontsouvent de plus long terme et portent sur le prétraitementde la ligno­cellulose, la biologie de synthèse etl’intensification des procédés. Préparer le futur, c’est aussimaintenir et développer des travaux sur les micro­organismes (pour les biocarburants de 3ème générationnotamment) par l’optimisation des briquestechnologiques et de la chaîne complète et par unemeilleure gestion des intrants.

Outre ces questions techniques, les questions dedurabilité des ressources, des concurrences/hiérarchieséventuelles d’usages, de la multifonctionnalité et de lafaçon de la mettre en pratique (consentement à offrirnotamment) sont autant de thèmes qui rappellent lebesoin de recherches associant les SHS.

La recherche pour l’industrie

La diffusion de nouvelles technologies: recyclage (voirplus loin), technologies d’efficacité, digitalisation sont lesenjeux majeurs de la transition dans les prochainesannées.

La recherche, dans la période de la PPE doit porter sur lessolutions de décarbonation et de recyclage des matériaux,dans une perspective d’économie circulaire et ens’appuyant sur la digitalisation. Il faut alors assurerl’intégration des meilleures technologies EnR dans lesprocédés par l’électrification (impliquant le stockaged’électricité), le développement du solaire thermique(impliquant le stockage de chaleur), l’usage de labiomasse et du biogaz. Une recherche privilégiantl’innovation incrémentale doit porter sur la thermique :les échangeurs, fours, système de production de froid etle séchage. De manière générale, la recherche sur desmoyens de réduire les émissions de CO2 d’origineindustrielle (sidérurgie, cimenterie, raffinage et chimie)doit être accélérée.

A plus long terme (post PPE), des ruptures serontnécessaires en particulier pour le captage (procédésadaptés aux procédés industriels tels que sidérurgie,cimenterie, raffinage et chimie), le stockage et laconversion du CO2. Il sera également nécessaire que sedéveloppent des solutions s’appuyant sur lesbioressources, gérant les matériaux rares et généralisantla conception durable.

La recherche pour la mobilité bas carbone

La France est dotée d’acteurs industriels de premier plan :énergéticiens, constructeurs, équipementiers. Lacompétitivité de ce secteur et les emplois qui y sontattachés demandent une R&D puissante portant tant surles technologies que sur les infrastructures à mettre enplace pour être consolidés, voire accrus. Les technologiesà développer portent sur :

• Le véhicule (chaîne de traction électrifiée à forte densitéde puissance/énergie­batteries, pile à hydrogène,machines électriques, électronique de puissance,

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 201810

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nouveaux matériaux et process de fabrication industrielspour réduire la masse, nouvelles motorisations à faibleempreinte environnementale compatibles avec lescombustibles alternatifs).• Les combustibles et leurs filières thermochimiques etbiologiques qui ont un potentiel national tant enressources qu’en acteurs (biocarburant de 2ème générationdans la fenêtre de la PPE, power to gaz et 3ème générationpour le futur pour répondre notamment à l’aviation qui apeu d’alternatives à moyen terme, au transport routiersur longue distance et à l’effort court­moyen terme dedécarbonation du parc de véhicules particuliers).• Le pilotage du véhicule (véhicule connecté etautonome ; gestion optimale des flux énergétiques à borddont la récupération d’énergie).

Les besoins en infrastructures demandent de développerde nouvelles approches systémiques de mobilité (micro­mobilité, robots taxi …) par des technologies dédiées, desoutils de modélisation et d’expérimentation, et une co­construction avec les usagers et les gestionnaires desréseaux, d’intégrer énergétiquement le véhicule dans lebâti (habitation, gare, quartier), de mettre en place desrégulations et gestions dynamiques des flux de mobilité àl’échelle locale et de mettre en place une infrastructure"fournisseurs" d'énergie optimisée.

La recherche pour décarboner le bâtiment

L’enjeu majeur pour le secteur du bâtiment est celui de larénovation du parc et donc d’une part des coûts etperformances des matériaux (isolants traditionnels, superisolants, matériaux biosourcés) et d’autre part dessystèmes intelligents de régulation des procéduresd’isolation (industrialisation et standardisation dessolutions), des équipements de production dechaleur/froid associés (approche système pour lespompes à chaleur, réseaux basse température, stockagethermique). Pour le bâtiment neuf, il s’agit de développerdes solutions plus intégrées à l’échellebâtiment/quartier/ville pour une meilleure organisationénergétique et spatiale. Ceci demande d’identifier dessolutions d’intégration et de mixité des usages (logement,services, mobilité) et d’interopérabilité destechnologies/vecteurs. Outre les technologies appro­priées, il reste à définir les dispositifs de soutien quipourraient favoriser la généralisation de la rénovationénergétique dans le parc existant.

A court terme, la recherche de solutions visant àl’industrialisation des solutions de rénovation thermiqueet d’optimisation du contrôle thermique pourraitcontribuer dans une large mesure à la massification de laréhabilitation du parc ancien, en s’appuyant sur unretour d’expérience plus systématique, une meilleureconnaissance des motivations, des coûts et performancesdes travaux, et des dispositifs d’action publique adaptés.

Au­delà de l’horizon de la PPE, cette problématique de larénovation du parc ancien conserve sa pertinence.Toutefois la perspective de la performance énergétiquedu bâtiment doit s’élargir pour intégrer une offre bascarbone étendue à l’échelle de l’îlot ou du quartier. Lestechnologies pour ces nouveaux systèmes existent (smart­home services, pompes à chaleur sur nappe ou forages,réseaux de chaleur BT, production PV, smart­grid, etc.)mais l’offre sous forme de systèmes intégrés appuyés surun modèle économique viable reste à construire.

La recherche pour le traitement des déchets

Ce secteur d’activité demande de concevoir etdévelopper l’économie circulaire et le recyclage desmatériaux (dont la conception et le développement deprocédés de recyclage des matières usagées en matièrespremières) avec tous les autres secteurs. Il demande un triefficace, une adéquation des matières premièressecondaires aux procédés, des processus de traçabilité,voire des classifications par hiérarchie d’usage afin devaloriser au mieux les matières. La collecte de déchets, enparticulier ceux qui sont diffus, demande desinvestigations spécifiques et des approches d’évaluationet de logistique plus fiables. Des recherches sur laréduction des volumes de déchets par la conception denouveaux produits plus durables et facilement réparablespuis recyclables (cf. industrie), des techniques séparativesnouvelles et plus performantes, des systèmes incitatifspour l’amélioration du tri notamment des déchets desménages, pourraient ainsi être engagées avec unecontribution active SHS.

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 11

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Annexe

Potentiels mobilisables et focus sur la biomasse

Un premier champ d’analyse de la recherche sur la définition des technologies et leur mis en œuvre porte sur lespotentiels des ressources bas carbone mobilisables en France.

Les travaux portant sur l’hydraulique montrent que les sites nouveaux sont essentiellement de taille modeste, et que leurdéveloppement restera quantitativement faible. Ceci principalement pour des raisons de protection de l’environnement.Un effort particulier sera déployé pour l’équipement en stations de transfert d’électricité par pompage (STEP), maisl’augmentation de puissance ne devrait pas excéder 2 à 3 GW d’ici 2030.

Les travaux de l’ADEME montrent que les gisements d’éolien et de solaire suffisent techniquement à satisfaire les plusgrandes ambitions des plans nationaux. La recherche dans le domaine n’est pourtant au bout de ses apports, notammenten ce qui concerne les sujets de localisation et de faisabilité socio­technique.

Le gisement majeur qu’il nous apparait nécessaire de mieux connaître est la biomasse, l’un des premiers moyens pouraller vers la neutralité carbone. Les recherches menées par l’ANCRE pour établir ses scénarios aboutissent à un recoursqui pourrait être de l’ordre de 50 TWh à long terme (2050). Nos évaluations de ressources de biomasse se fondent sur desquantités que nous pouvons qualifier de réalistes (pas de modification d’usage des sols notamment concernant laconversion de prairies ; prise en compte du consentement à offrir des propriétaires forestiers sur la ressourceadditionnelle dans un schéma pourtant dynamique de la filière tant sur l’usage matière que l’usage énergétique, …).Cependant, dans nos évaluations, une partie de la ressource en début de période devra provenir des importations étantdonné les trajectoires rapides demandées par les objectifs PPE 2018 et 2023 et une dynamique plus lente de l’offre deressources et de déploiement de technologies plus performantes et/ou nouvelles.

L’adéquation de l’offre nationale et de la demande est ainsi un enjeu fort étant donné l’inélasticité d’une grande partie del’offre additionnelle potentielle en biomasse (i.e. la ressource forestière). Même si un recours ponctuel aux importationspeut être envisagé (cf. supra), il faut éviter que ce découplage soit permanent. De plus le risque de substitution d’usageset de tensions sur les prix de la biomasse sont des sujets récurrents qui non seulement, peuvent déstabiliser des filièresexistantes, mais également mettre en péril des projets nouveaux étant donné le poids conséquent du coût de la ressourcedans les coûts de production (c’est notamment le cas des biocarburants 2G). Ainsi, si un recours massif à la ressource parle simple jeu des coûts marginaux croissants pour rechercher de la ressource moins accessible ou valoriser des terresmarginales peut conduire à accroitre de l’ordre de 50% le prix de la ressource (en moyenne, toutes ressourcesconfondues), d’autres évaluations dans leurs analyses de sensibilité simulent un triplement du coût de la ressource.

1 Les auteurs remercient l’ensemble des Groupes Programmatiques, qui ontcontribué à élaborer ce document. Ils remercient tout particulièrementElisabeth Le Net qui a largement contribué à cette synthèse.2 Le lecteur intéressé pourra trouver des compléments sur le site del'ANCRE : https://www.allianceenergie.fr/3 Les taux de conversion sont de ~18% pour les technologies 2G (BtL –Biomass to Liquid) autothermiques, 26% pour ces technologies optimisées(recyclage du gaz de tête) et de ~50% pour les systèmes allothermiques.

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 201812

Eclairages

Le débat public sur la transition énergétiquefrançaise : une analyse des cahiers d'acteurs

par Elvire Leblanc, Anne Tribout­Maurizi,CEA/I­tésé

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) est l’outil de pilotage de lapolitique énergétique créé par la loi de transition énergétique pour la croissanceverte (LTECV) votée en 2015. Elle est élaborée par le Ministère de la Transitionécologique et solidaire (MTES). Elle exprime les orientations et priorités d'actiondes pouvoirs publics pour la gestion de l'ensemble des formes d'énergie sur leterritoire métropolitain continental, afin d'atteindre les objectifs de la loi.

La première programmation publiée en octobre 2016, couvrait deux périodessuccessives de respectivement trois et cinq ans, soit 2016­2018 et 2019­2023. Larévision de la PPE d’ici la fin de l’année 2018 couvrira les périodes 2018­2023 et2024­2028. Contrairement à la précédente, elle est l’objet d’un débat public.

La PPE dans le débat

Ce débat public s’est tenu du 19 Mars au 30 juin 2018.Il a été coordonné par une commission particulière

(CPDP) animée par Jacques Archimbaud. Pour initier ledébat, le Dossier du Maître d’Ouvrage (DMO), rédigé parla Direction Générale Energie Climat (DGEC) duMinistère de la Transition écologique et solidaire (MTES),présente les enjeux énergétiques couverts par la PPE,ainsi qu’une série de questions ouvertes. Trois objectifsde la LTECV sont rappelés : réduire les émissions de GES,réduire les consommations d’énergie et développer lesENR.

Comme illustré sur la figure 1, le dossier précise que 70%des GES sont liés à l’utilisation de l’énergie, en particulierdans les secteurs transport (30%), résidentiel­tertiaire(16%) et industrie manufacturière (13%). Le pétrolereprésente près de 40% de l’énergie finale consommée,l’électricité 27%, le gaz 21%.

La commission met en débat quatre grands enjeux :

­ Comprendre : où en sommes­nous des objectifs prévusdans la loi de transition énergétique et la PPE ?­ Agir : quelles mesures prendre pour poursuivre etaccélérer la transition ? (d’un point de vue social,territorial, environnemental et économique)­ Choisir : quelles trajectoires pour les énergiesrenouvelables et la part du nucléaire ?

­ Gouverner : comment piloter et mesurer la politiqueénergétique de la France ?

Figure 1 : répartition par source des émissions de GES enFrance en 2014 (en %) (source DMO)

Le site internet de la CPDP avait vocation de donner àtous l’occasion de s’informer et de s’exprimer. Il a mis enligne les cahiers d’acteurs, établis par des personnesmorales, points de vue argumentés et documentés en lienavec les questions du débat. Ils ont été complétés par descontributions libres, un forum de discussion qui permet àchacun d’exprimer un avis, et par les questions posées àla commission et au ministère.

Par ailleurs, 12 ateliers d’information et de controverseont été filmés et mis en ligne sur le site de la CNDP pourque chacun puisse les visionner. A fin Juin, environ 90initiatives (débats, réunions, colloques) se sont tenuesdans toute la France. A noter que 3 d’entre elles ont étéorganisées par l’I­tésé (dont 2 avec l’ANCRE).

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 13

Eclairages

A l’issue de la période du débat, la commission a deuxmois pour rendre son rapport synthétisant les avisexprimés.

En parallèle, la version initiale de la PPE doit être rédigéedans les semaines à venir par l’Etat (la DGEC), maîtred’ouvrage. Celui­ci devra ensuite tenir compte desenseignements du débat public, et le texte définitif devraêtre règlementairement adopté avant le 31 décembre2018.

Quels acteurs, pour quels messages ?

Les cahiers d’acteurs publiés étaient au nombre de 111 endate du 28 Juin. A titre de comparaison, les débats sur lagestion des déchets radioactifs (2005), l’EPR de Penly(2010), et le Grand Paris Express (2010) avaient suscitérespectivement 23, 33 et 108 cahiers d’acteurs.L’analyse de ces cahiers que nous avons effectuée permetde distinguer différentes typologies d’acteurs commeindiqué sur la figure 2, basée sur le classement proposépar la CPDP.

Figure 2 : répartition des typologies d’acteurs, sur les 111recensés à la date du 28 juin (analyse I­tésé)

Le terme d’«associations», repris de la CPDP, est assezlarge et regroupe en fait différents types d’acteurs, aussibien des associations de professionnels de certainssecteurs, que des associations de défense del’environnement.

On notera que la majorité des acteurs sont des acteursnationaux. Le rôle des territoires est assez largementévoqué dans le débat mais ceux­ci ne sont que peureprésentés directement. On identifie néanmoinsquelques acteurs locaux visant à préserver l’économie etl’industrie de leur région (port de Dunkerque, centrales àcharbon Loire­Atlantique…).

Le secteur de l’énergie, fortement représenté

Nous avons répertorié les acteurs appartenant à unsecteur d’activité précis lié à l’énergie (donc sans intégrerà ce stade, les acteurs qui portent un message plus

général sur la stratégie de la transition) : ils représententenviron la moitié des cahiers d'acteurs.

Parmi ceux­ci, nous avons distingué les acteurs issus dusecteur de la production d’énergie, de ceux appartenantaux secteurs «utilisateurs» (demande finale) : cetterépartition est illustrée en figure 3.

Rappelons que les émissions de gaz à effet de serre sontmajoritairement dues aux secteurs du transport, dubâtiment et de l’industrie. Il aurait pu en découler que lessujets de la mobilité, et du bâtiment (qui touchent de prèsles citoyens) soient au cœur du débat. En fait, c’est un jeud’acteurs très différent qui s’est mis en place, laissant decôté les industriels de ces secteurs, pour des discussionsanimées basées sur l’offre et peu sur la demande finale.Pourtant, mettre au cœur du débat les utilisateurs finaux,aurait pu faire émerger des axes innovants et transversesrassemblant les acteurs de différents secteurs ;producteurs d’énergie et réseaux d’électricité, de gaz etde chaleur, mobilité intelligente et offres de services auréseau, bâtiment intelligent, industrie 4.0, villes etterritoires connectés.

Les domaines de la production d’énergie, représentés enpartie gauche de la figure 3, sont présentés par desacteurs économiques (filière gaz, Orano, EDF…), dessyndicats en soutien (le SER, Syndicat des EnergiesRenouvelables, a publié 10 cahiers distincts), ou encoredes associations d’anciens (des retraités du nucléaire parexemple). Le nucléaire est relativement peu représenté ennombre d’acteurs économiques, ce qui est cohérent avecune domination du secteur par des grands groupes (EDF,Orano). Au contraire, les énergies renouvelables sont trèsprésentes, aussi bien le gaz renouvelable que la biomasse,,le solaire et l’éolien. L’ensemble de ces acteurs mettent enavant les besoins de développement et d’accom­pagnement dans leurs domaines pour favoriser lesinvestissements (cadre réglementaire, mécanismes desoutien financier…) mais peu les besoins de progrèstechnique (rôle de la recherche).

La stratégie française en débat

Nous avons ensuite mené une analyse simplifiée des 111cahiers d’acteurs pour en relever les principauxmessages, illustrés figure 4. On notera qu’environ 40%des cahiers d’acteurs s’intéressent à la stratégie globale dela transition énergétique, donnant un avis sur l’évolutiondu mix énergétique et les priorités de la PPE. Nombred’entre eux insistent sur l’importance de cibler lestransports et le bâtiment, secteurs les plus émetteurs degaz à effet de serre, plutôt que l’électricité déjà fortementdécarbonée. La plupart expriment un besoin d’accélérerla transition et de fixer des objectifs et une trajectoireclairs.

Ainsi la cible de 50% de nucléaire est largement discutéeet environ 40% des d’acteurs donnent leur avis sur lecalendrier. Certains (13), majoritairement des

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associations) considèrent que cela doit rester un objectifferme pour 2025 voire qu’il est possible d’atteindre 100%de renouvelables, tandis que les autres (28),professionnels du domaine et organisations syndicales,mais aussi associations de scientifiques) appellent à unetrajectoire prudente et mettent en avant les atouts dunucléaire pour l’avenir de la France. Ainsi plusieursacteurs, en forte part des organisations syndicales,alertent sur les impacts sociaux, industriels, et surl’emploi, de la transition énergétique. Ils appellent à unemaîtrise des fermetures de sites, que ce soit des centralesnucléaires ou à charbon. La plupart des cahies d'acteursdéfendent également une montée en puissance des ENRdans le mix, en appelant au développement d’une filièrefrançaise.

De façon plus générale environ 20% des acteursprivilégient réalisme et stratégie de long terme, avec unmix équilibré et un développement raisonné desrenouvelables. Les acteurs de R&D et entités de conseil etexpertise se trouvent plutôt dans cette catégorie.

Une grande majorité des acteurs (les deux tiers) seprononcent explicitement en faveur du développementdes renouvelables. Ce message est porté par un nombrerelativement important d’acteurs économiques etorganisations politiques et syndicales. Certains acteurs(moins de 10%, majoritairement des associations)présentent à l’inverse une position assez critique vis­à­visdes renouvelables : les raisons en sont généralement lecoût (en lien avec le déséquilibre induit sur le réseau),l’impact négatif sur le territoire (cas des éoliennes),

l'abscence de filière industrielle française, et plusgénéralement l’absence de gain sur les gaz à effet deserre.

L’analyse fait également ressortir l’importance del’efficacité énergétique comme levier de la transition (28acteurs, dont la moitié environ sont des associations dedéfense de l’environnement).

Enfin, les énergies fossiles sont défendues par certainsacteurs du pétrole, charbon et surtout gaz : celui­ci estprésenté comme un atout du mix pour garantir la sécuritéd’approvisionnement et limiter la génération de gaz àeffet de serre par rapport aux autres énergies fossiles.

Les considérations économiques sont au cœur despréoccupations de nombreux acteurs, avec un souciaffiché de minimisation des coûts pour le consommateurmais aussi de nombreux discours sur les incitationsrèglementaires, les règles de marchés, la politique fiscale,la compétitivité des filières… C’est notamment le cas del’académie des technologies, qui regrette l’absence deconsidérations économiques dans le Dossier du Maîtred’Ouvrage.

L’approche proposée ici reste très simplificatrice, car bienévidemment, les catégories retenues ne sont souvent pasincompatibles entre elles : ainsi l’environnement est­ilune priorité affichée par la majorité des acteurs... réduirel’émission de GES est bien l’objectif de tous.

Figure 3 : vision schématique des domaines d’appartenancedes 56 cahiers d’acteurs relatifs à un domaine spécifique(analyse I­tésé) (pour chacun sont indiqués le nombred’acteurs, dont ceux qui traitent du besoin de R&D entreparenthèses)

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 15

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Figure 4 : Principaux messages portés par les 111 cahiersd’acteurs à la date du 28 juin (analyse I­tésé) (pour chacunesont indiqués le nombre d’acteurs, dont ceux qui traitentdu besoin de R&D entre parenthèses)

Focus sur quelques thèmes traités dans les cahiersd’acteurs en réponse au DMO

Les consommations d’énergie

Les mix énergétique et électrique et l’évolution desconsommations sont au cœur des échanges du débatpublic. La baisse des consommations d’énergie obtient unconsensus relatif ; ainsi l’ADEME propose une trajectoirede transition énergétique « ambitieuse et soutenable » enbaissant de 30% la consommation énergétique d’ici 2035.L’évolution de la demande d’électricité fait davantagedébat, notamment entre EDF qui annonce dans son cahierd'acteur «une hausse modeste de la consommationd’électricité sur les deux prochaines décennies, entre 0 et0,5% par an» et le gestionnaire de réseau RTE qui prenden compte une réduction dans ses scénarios. UFEconsidère comme EDF que la lutte contre leschangements climatiques pourrait induire une croissancemaîtrisée des consommations d’électricité via lestransferts d’usage.

Les émissions de gaz à effet de serre

Si les domaines du transport et du bâtiment représententprès de 45% des émissions de GES en France, lesconstructeurs (automobiles, maritimes, aériens et debâtiments) sont particulièrement absents du débat. Enrevanche, un très grand nombre d’expressions en ligne(près de 300) invite à l’électrification de ces secteurs ou àl’utilisation de biogaz. Les cahiers d’acteurs qui sepositionnent sur ce sujet sont des producteurs d’énergie,des associations, ou des acteurs de la recherche.

La plupart des acteurs mettent en avant un mix électriquebasé sur du nucléaire et des ENR comme un atout pourdécarboner le secteur du transport et de l’habitat. En cequi concerne la mobilité, EDF oppose batterie ethydrogène, jugeant clairement les batteries plus efficacesdans la période de la PPE. Dans le secteur du bâtiment,EDF ne croit pas à une décarbonation, jugeant l’étude del’ADEME sur le gaz 100% renouvelable trop optimiste, etdemande la définition d’une nouvelle règlementationthermique. L’IFPEN consacre son cahier d’acteur à ladécarbonation des transports, et met en avant lesbiocarburants lignocellulosiques. L’Institut appelle à desincitations réglementaires (à l’exemple de l’Europe), pourune augmentation progressive de l’incorporation de cesbiocarburants avancés de 2ème génération.

L’ADEME propose un développement accéléré de toutesles énergies renouvelables (doubler la part de laproduction renouvelable entre 2016 et 2028). Pour 2028,l’ADEME estime qu’une augmentation de 70% de laproduction EnR par rapport à 2016 est techniquementpossible et économiquement souhaitable en appliquantun prix du carbone suffisamment élevé.

Les acteurs de l’industrie manufacturière et de l’énergie(plus de 20% des émissions de GES) sont inégalementreprésentés : le gaz est très présent à travers différentesassociations et industriels (dont ENGIE), mais AirLiquide est absent bien que représenté à travers uneassociation, et Total ne présente pas de cahier d’acteurs.Néanmoins Total est présenté par la CPDP comme un«acteur important de l’énergie» et sa position sur latransition a été transmise aux participants du G400énergie.

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On notera que si l’électricité ne contribue que trèsfaiblement aux émissions de GES en France, elle est aucœur du débat (40 pages d’actualités ou d’évènements) etde nombreuses questions, expressions en ligne et avis(plus de 780).

Quel mix électrique et quelle place pour le nucléairedemain ?

Le déploiement des renouvelables est un enjeu majeurpour la PPE et fait dans le principe l’unanimité, lesacteurs s’opposant plutôt sur le volume cible de chaquetechnologie et le calendrier associé.Les acteurs du nucléaire, mais nombre d’associationségalement, mettent en avant la complémentariténucléaire/ENR : la SFEN insiste sur la compétitivité dunucléaire français et sa flexibilité, atout pour permettrel’essor des renouvelables.

EDF affirme la capacité technique du parc à atteindre 60ans d’exploitation et envisage de conserver certainsréacteurs à cette échéance, sans préciser combien.L’électricien propose une anticipation des arrêts deréacteurs à la 5ème visite décennale soit à partir de 2029pour les plus anciens, sans détailler plus avant le rythmede fermeture des réacteurs. Ceci au nom d’une stratégieindustrielle et économique d’échelonnement des arrêts, etdonc indépendamment d’une décision politique sur lemix. EDF affirme également le besoin d’une décisionprochaine sur la mise en service de nouveaux réacteursdès 2030, en indiquant travailler à un EPR «simplifié, deconstruction facilitée et compétitif».

Ce message est relayé par la SFEN qui considère que laFrance doit mener dès maintenant une réflexion sur lerenouvellement du parc, et qu’elle doit viser laconstruction d’une quinzaine d’EPR entre 2030 et 2050 ;une absence de décision aurait des conséquences lourdessur le tissu industriel de la filière nucléaire.

Orano appelle à la prudence sur le nombre et lecadencement des fermetures de réacteurs, et insistenaturellement sur le besoin de préserver les usines ducycle, dont le caractère stratégique a été confirmé. Sansadaptation des nouveaux réacteurs au combustible MOX,l’équilibre économique et la viabilité du cycle seraientmenacés au­delà de 8 fermetures nettes (en plus deFessenheim). Le passage en démantèlement des usinesdu cycle réduirait l’emploi d’un facteur 10 environ.

A l’inverse, les opposants au nucléaire (5 cahiersd’acteurs, qu’on peut élargir à quelques associations ouorganisations relayant le même type de message) basentprincipalement leur argumentation sur les risquesd’accident (ils jugent d’ailleurs que le sujet de la sûretédevrait être abordé dans le DMO), et la génération dedéchets radioactifs (ne pas se limiter aux GES maisprendre en compte l’impact environnement de façon pluslarge). Par ailleurs, de nombreux acteurs opposentnucléaire et renouvelables, considérant que les

investissements nécessaires au nucléaire freinent ledéveloppement des ENR.

On ne saurait parler de complémentariténucléaire/renouvelables sans parler de réseauxélectriques. Certains acteurs l’ont bien noté et mettent enavant les coûts de réseau induits par l’introduction desENR. Toutefois, on note peu de considérationsd’investissement sur ce sujet. RTE n’a pas présenté decahier d’acteurs ; en revanche leurs scénarios servent debase pour le DMO (Volt et Ampère y sont retenus par lemaître d’ouvrage comme les seuls respectant lescontraintes sur les GES) et sont largement référencés dansles cahiers relatifs au mix. Le besoin de stockaged’électricité est relayé par plusieurs acteurs sur le thèmedu développement de la part d’ENR dans le mixélectrique mais en se limitant à exprimer un besoin deR&D. D’autres cahiers d’acteurs mettent en avant laflexibilité de la consommation et le stockage commeamortisseurs de la variabilité et demandent un cadreréglementaire et des incitations.

La place de la recherche dans le débat

La période ciblée par la PPE (jusque 2028) relève du courtterme : les outils qui vont agir directement sur lesrésultats sont essentiellement ceux qui portent sur ladiffusion des technologies à maturité très élevée. Lesscénarios de RTE s’arrêtent d’ailleurs en 2035. Pourautant, il faut aussi préparer l’arrivée de nouvellestechnologies en soutien à la décarbonation ; lesdynamiques propres au système énergétique peuventaller de quelques années à plusieurs décennies.Ces sujets sont abordés plus en détails dans deux articlesde la présente lettre, consacrés aux nouvelles technologiesdans la transition énergétique et au rôle de la recherchedans le cadre de la PPE et la SNBC. La question desmoyens alloués à la recherche pour soutenir la transitiona été au cœur de la journée I­tésé qui s’est tenue le 19/06,labellisée par la CPDP. Hormis les cahiers d’acteurs, 2autres initiatives ont concerné la recherche (toutes deuxco­organisées par l’ANCRE) mais sur des domainesprécis (énergies renouvelables et stockage le 30/05 àSolaize, réseaux d’énergie et power­to­X le 25/06 àSaclay). Elles n’avaient pas vocation à faire émerger desfeuilles de route ni à aborder le sujet des moyens.

Comme précédemment évoqué, on peut noter une assezfaible représentation des sujets liés à la recherche etl’innovation dans les cahiers d’acteurs (environ 15% descahiers d’acteurs). Le CEA, l’IFPEN et l’IPVF relaient biensûr des messages sur l’importance de la R&D pourréussir la transition énergétique. Ils sont repris parquelques organisations syndicales et associations descientifiques.Un seul autre institut de recherche est représenté : leCREDEN, créé par Jacques Percebois, et spécialisé enanalyses socio­économiques. Si l’on revient à la figure 4,les acteurs qui relaient des messages sur l’importance dela R&D sont en majorité ceux qui prônent pragmatisme et

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stratégie de long terme : organismes de recherche biensûr, mais aussi Académie des Sciences ou associations descientifiques. Le CNRS est très peu présent dans lesdiscussions et n’a pas rédigé de cahier d’acteur (il estnéanmoins présent à travers celui de l’IPVF). On peutrelever l’absence de plusieurs acteurs de la recherche :BRGM, INERIS, IFRMER, INRIA, CSTB.Il est intéressant de noter que ce sont certains acteurséconomiques (dont le MEDEF) qui relèvent l’importancede la recherche. Certains acteurs considèrent qu’elle estsous­estimée dans la loi et n’apparaît pas dans le DMO.Les messages portent sur l’effort considérable à prévoirpar exemple sur le stockage de l’énergie pour assurer ledéveloppement des ENR, la stabilité des réseaux detransport d’électricité, les procédés innovants de«verdissement» des énergies (production d’hydrogène,biocarburants…). La PPE doit soutenir une rechercheforte et entraîner nos filières industrielles, parce qu’ellespermettront la transition énergétique en France maisaussi à l’international.

Conclusion

A la date de parution de cette lettre I­tésé le débat PPEaura pris fin. De nombreux enseignements seront à tirerde l’ensemble des expressions (terme regroupantcontributions, avis et questions parus sur le site internet),initiatives, débats… et il aurait été trop ambitieux deproposer une telle analyse dans le cadre de cet article. Cesera le travail de la commission dans les deux mois quiviennent. Nous avons donc choisi de circonscrire cetteanalyse préliminaire aux cahiers d’acteurs, qui délivrentdes messages clés alimentant l’ensemble du débat, et ontdonc un pouvoir d’influence.

Au 28 juin on comptait 111 cahiers. Ces acteurs sontprincipalement issus du secteur de l’énergie, plus que desutilisateurs finaux, alors que les émissions de gaz à effetde serre proviennent en premier lieu des transports et dubâtiment. Le nucléaire est largement présent dans ledébat, alors que ses performances «bas carbone» sontparmi les meilleures d’Europe. Le monde de la rechercheest par contre relativement peu présent dans le débat,même si nombre d’acteurs économiques mentionnent sonimportance.

Le développement des renouvelables fait une quasiunanimité, mais les acteurs s’opposent sur la trajectoire etle calendrier, certains prônant une trajectoire rapide etambitieuse tandis que d’autres appellent à la prudence etau réalisme industriel.Tous demandent une trajectoire claire et des prises dedécisions.

La réunion de clôture du débat du 29 juin a délivré despremiers chiffres : participation en ligne de 44000visiteurs uniques dont la moitié en Ile de France, plus de600 questions posées et près de 500 avis déposés sur lesthèmes des énergies renouvelables et du nucléaire.

Les 11000 réponses au questionnaire font apparaitre lesrésultats suivants : la majorité s’accorde sur le fait que laFrance est plutôt en retard au regard des objectifs de laLTECV et considère qu’il faut accélérer les efforts pour lagéothermie, les éoliennes en mer, le biogaz, lephotovoltaïque, mais émet des réserves sur l’éolien àterre. La majorité des répondants pense que les régionsdevraient avoir un poids plus important. Sur le nucléaire,les catégories de participants qui connaissaient la PPEconsidèrent plutôt qu’il faut reporter l’objectif deréduction de la part du nucléaire à 50%, en 2035, et sontfavorables à la prolongation des réacteurs et à denouveaux EPR. Au contraire, les autres participants etsurtout les participants au G400 sont majoritairementhostiles à ces propositions.

Les premières observations proposées par J. Archimbaudcomplètent cette vision et pointent en particulier que lesparticipants s’expriment en faveur d’un mix équilibré.Ces premiers éléments de synthèse du débat témoignentde disparités entre les tendances issues des cahiersd’acteurs, et celles qui ressortent de la globalité du débat.C’est bien l’agrégation de tous ces avis qui devraalimenter la prochaine révision de la PPE.

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Impact économique des organismes derecherche technologique européens et duCEA : décryptage d’une analyse footprintamendée d’un volet diffusion detechnologies

par Nathalie Popiolek,CEA/DAS/Université Paris­Saclay

L’association des organismes de recherche technologique européens (EARTO) apublié le 1er mars 2018 un rapport sur l’impact économique de ses membresdont fait partie le CEA. Au­delà de la présentation des résultats auxquels lesDirections des analyses stratégiques, financière et des programmes, desressources humaines et de la valorisation ont participé, nous souhaitons dans cetarticle resituer la méthode utilisée dans le contexte des analyses d’impact et entirer des éléments de réflexion sur l’impact du CEA compte tenu de sesspécificités par rapport à ses homologues européens.

«Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pasforcément», Albert Einstein.

Introduction : la difficile problématique de l’impactde la recherche

L’évaluation de l’impact des activités de recherche oudes infrastructures qui leur sont dédiées est une

question délicate à laquelle on ne peut apporterd’éléments de réponse sans avoir identifié au préalablequi pose la question, dans quel but et sur quel horizontemporel. Pour les infrastructures de recherche, onpourra d’ailleurs se reporter au cadre de référence quel’OCDE est en train d’élaborer en partant de l’analyse dubesoin de l’ensemble des parties­prenantes vis­à­vis de lamesure de l’impact1. Si la direction des organismes derecherche comme celle des infrastructures ou lesinstances d’évaluation scientifique à l’instar du HCERES2

en France sont plutôt concernées par l’évaluation desoutputs de la recherche (ex : publications, brevets, projetseuropéens, spin­offs), les autorités publiques, qu’ellessoient européennes, nationales ou locales vont examinerla création de valeur notamment en termes d’emploi, decompétitivité ou d’augmentation du PIB, permise par lesactivités de la recherche d’une part (ex : achats de biens etde services, achats de hautes technologies) et par sesrésultats scientifiques et technologiques (ex : transferts deconnaissance, augmentation des compétences, inno­vations) d’autre part. A noter que les activités derecherche et tout particulièrement ses résultats ont desrépercussions (knowledge spillovers) tant au niveau local

pour renforcer un cluster en place qu’à un niveauéconomique plus global (ex : région, pays, Europe).Quant aux investisseurs dans les programmes de R&D,ils cherchent à évaluer la rentabilité de leurinvestissement en termes de retour économique. C’est enparticulier le cas des entreprises qui signent despartenariats avec des laboratoires de recherche.

Du point de vue des autorités publiques quisubventionnent directement les organismes de rechercheet les infrastructures ou bien qui abondent les fondsdédiés aux appels à projets et aux investissementsd’avenir (ex : ANR, ADEME, Commission européenne,collectivités territoriales, CGI), l’objectif visé est laréponse aux défis sociétaux en initiant une innovationélargie ayant la force de transformer notre société sur lesplans symboliques, culturels, économiques etenvironnementaux. La question de l’évaluation del’impact de la recherche devient dans ce cadre­làtentaculaire avec des ramifications multisectorielles dontles effets systémiques sont échelonnés sur des tempslongs.

Choix de la méthode pour éclairer la puissancepublique : c’est aussi une question de moyens

Bien qu’il existe des méthodes mesurant l’impact de larecherche publique sur de nombreuses dimensions (ex :

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ASIRPA, Colinet et al. 2014, méthode multicritère fondéesur des études de cas, mise au point à l’INRA sur lapériode 2011­2014 et implémentée dès 2015), la plupartdes modèles utilisés pour aborder cette question ne traitequ’une partie du problème. La célèbre «méthode duBETA» par exemple, qui a d’abord été appliquée auprogramme de l’Agence spatiale européenne (ESA) entre1964 et 19803 (Bach et al. 1992), s’est attachée à examinerla dimension économique des retombées à long terme dela R&D. Elle a procédé par agrégation de résultatsd’enquêtes micro­économiques approfondies auprèsdes fournisseurs des technologies de pointe dontl’innovation a été stimulée par la commande publique. Enréalité, la richesse des interviews menées (fournisseurs etleur réseau) a permis d’apporter toute une gammed’éléments qualitatifs donnant de la chair à l’évaluationquantitative stricto sensu4. La méthode déployée pourmesurer l’impact du CERN a, elle aussi, reposé sur laconsultation d’entreprises de hautes technologies souscontrat avec cet important laboratoire scientifique(Bianchi­Streit et al. 1984)5. Si en Europe, le CERN estlargement cité, aux USA c’est la NASA dont lesretombées ont été évaluées sur la base de l’analyse de sesspin­offs (NASA 2012). Plus généralement, la mesure del’impact économique par analyse fine des effets de laR&D chez ses bénéficiaires (fournisseurs ou bienrécepteurs de technologies dans le cadre de collaborationde recherche ou d’achat de licence) devient relativementfréquente (ex : étude TNO aux Pays­Bas, Poliakov et al.20186). Cependant, la qualité des résultats est largementtributaire du temps alloué et des moyens d’investigationconsacrés notamment à la collecte et au traitement desdonnées de terrain. De plus il est essentiel de mettre cesrésultats en perspective avec une appréhensionqualitative du contexte (interne et externe) dans lequel ilsont été obtenus.

D’autres méthodes dites footprint (ou analyse Input­Output), plus répandues car plus aisées à mettre enœuvre, vont s’attacher à mesurer l’effet multiplicateurkeynésien associé à la dépense publique dans lesactivités de recherche : paiement des salariés et achats debiens et de services aux fournisseurs (ex : effetmultiplicateur mesuré ex­post de l’infrastructure decalcul GENCI, Martin et al. 20187 ou du centre derecherche néerlandais, Poliakov, Hu 20168). Ce typed’approche peut être utilisé ex­ante comme cela a été lecas avec ITER dont l’impact a été prévu pour sesdifférents cycles de vie (Alpe­Conchy 2002). Elle peutl’être aussi pour évaluer l’impact de l’implantationd’industriels donneurs d’ordre pour la R&D comme celaa été fait en Isère par la Chambre de Commerce etd’Industrie de Grenoble (Reverdy Associés 2012)9. Enpartant d’une analyse de la littérature, nous avons estiméen moyenne que le coefficient multiplicateur d’emploi(effets direct, fournisseurs et salariés) était autour de 3(fourchette entre 2 et 4,5). Quant à la création de valeuréconomique, d’après Simmonds et al. (2013) déjà cité,l’effet multiplicateur est souvent compris entre 2 et 310 .

On comprend que le prisme des méthodes footprint estlimité et qu’elles ne tiennent compte ni des fruits issusdes résultats de la recherche (ex : nouvellesconnaissances, renforcement des compétences, inno­vation et leurs impacts à court, moyen, long termes), nides achats de haute technologie. Elles sont d’ailleursutilisées pour mesurer l’impact d’activités qui ne relèventpas de la recherche (ex : étude de l’impact de la centralede Fessenheim sur l’emploi11). Ces méthodes footprintpeuvent néanmoins être amendées de modèlessupplémentaires à même d’estimer l’impact de ladiffusion des technologies dans le monde socio­économique. Les coefficients multiplicateur s’en trouventalors largement augmentés (ex : fourchette de 4 à 7 pourl’emploi avec une moyenne de 5 et une création de valeurmesurée en chiffre d’affaires qui dépasse 4 M€ enmoyenne par M€ dépensé, d’après notre benchmark).

C’est de celles­ci (footprint amendée) dont il va êtrequestion dans la suite de cet article. Nous allons présenterdans ses grandes lignes, les fondements de l’analysefootprint qui a été faite dans le cadre d’EARTO pour ungroupement de 9 organismes de recherche technologiqueeuropéens (RTOs) dont le CEA pour la France. Nousprésenterons dans un second temps la méthode qui a étéutilisée en complément pour estimer l’impact du transfertde technologies (i.e. impact de l’innovation issue de laR&D). Nous présenterons ensuite les résultats del’évaluation obtenue pour les 9 RTOs et pour le CEA,avant d’ouvrir des pistes de réflexion visant à enrichirl’appréhension de l’impact. Notons que ce type deméthode footprint amendée a aussi été utilisé pourl’impact économique de CEA Tech (2017). Méthodologie pour estimer l’impact des organismesde recherche technologique européens : footprintamendée d’un volet impact du transfert detechnologies

Le choix de la méthodologie a été fait par EARTO enconcertation avec ses membres.

Principe de l’analyse footprint du cœur d’activité desRTOs

Les variables d’impact étudiées dans le cadre d’une telleanalyse sont l’emploi, le chiffre d’affaires et la valeurajoutée. Elles sont déclinées selon trois axes :

• les effets directs liés aux activités de recherche elles­mêmes, à savoir le nombre de personnes employées dansles organismes de recherche, le chiffre d’affaires (CA) deces organismes (i.e. le budget) et la valeur ajoutée (VA),c’est­à­dire le budget auquel est retranché le montant desachats de biens et de services,• les effets indirects liés aux achats de biens et deservices analysés par secteur économique : ils impliquentune augmentation du chiffre d’affaires chez les

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fournisseurs et par conséquent, la création de valeurajoutée et d’emplois supplémentaires,• les effets induits liés à la consommation des salariésdes organismes de recherche (ex : à la boulangerie) ainsique celles des salariés des fournisseurs et desfournisseurs des fournisseurs, ainsi de suite…

En raison de la taxe sur la valeur ajoutée, des chargessociales, de l’impôt sur les salaires et sur les sociétés,l’ensemble de ces effets conduit à un retour fiscal danschaque pays de l’Union Européenne.

La figure n°1 décrit les grands principes de l’analysefootprint. Dans l’étude réalisée par EARTO, lescoefficients appliqués pour estimer les effets indirects etinduits ainsi que le retour fiscal, sont des moyennescalculées au niveau européen. En particulier, les matricesInput­Output de type Leontief utilisées dans le modèle,sont calibrées sur l’Europe.

Figure n°1 : Des « chocs » dans l’économie impulsés par lesdépenses publiques de recherche

Estimation de la diffusion des technologies

Pour élargir le prisme de l’analyse footprint en estimantla diffusion des technologies dans le tissu économiqueeuropéen, trois types de canaux sont considérés :

­ la mobilité des experts des RTOs vers le privé (transfertde connaissances et de compétences),­ les contrats de collaboration de recherche avec lesentreprises ou des entités publiques (collectivités, états,Europe),­ la création de spin­offs.

Si la mobilité des experts vers le privé n’est pas déclinéesur les variables valeur ajoutée et emploi, le montant descontrats de recherche et l’effectif des spin­offs encore enactivité en 2016 servent de point de départ à l’estimationde l’impact du transfert de technologies. En ce quiconcerne les contrats de recherche, il est supposé que lavaleur ajoutée directe créée dans l’économie grâce à eux,est proportionnelle12 à leur montant, celui­ci étant

interprété comme un consentement à payer pourbénéficier des fruits de la recherche. Les autres variables(chiffre d’affaires, emploi et valeur ajoutée) qu’elles soientappréhendées sur les plans direct, indirect ou induit, sontestimées avec les coefficients moyens de l’analysefootprint réalisée préalablement sur le cœur d’activitésdes RTOs. Il en est de même pour le retour fiscal.

Principales limites de la méthodologie

Comme pour toute modélisation, l’approche retenue parEARTO repose sur un certain nombre d’hypothèses qu’ilfaut avoir en tête lors de l’interprétation des résultats. Deprime abord, l’ensemble des paramètres du modèle (ex :taux d’imposition, TVA, salaire des chercheurs et deschômeurs) ont des valeurs moyennées au niveaueuropéen, ce qui nécessite de considérer les résultatsobtenus pour un seul RTO (en l’occurrence le CEA) nonpas en absolu, mais plutôt en relatif par rapport àl’ensemble des RTOs étudiés.

Ensuite, la question du coût d’opportunité de la dépensepublique qui désigne l’effet de distorsion sur l’économiede la taxation gouvernementale utilisée pour disposer defonds publics et, par conséquent, être en mesure deconsentir des subventions aux RTOs, n’est pas traitée. Orune approche dynamique de type macroéconomiquepourrait davantage suivre les déplacements qui s’opèrentdu fait des prélèvements, sur le marché du travail commesur celui des biens, des services voire de la monnaie.D’une manière générale, le choix d’un modèle footprint àstructure économique statique ne rend pas entièrementcompte du déplacement des équilibres de marchésinduits par les activités analysées. Par ailleurs, les effetsde l’allocation des ressources publiques à d’autres finsque la recherche (ex : hôpitaux, armées), ne sont pasétudiés. Ils demanderaient néanmoins à être analysésdans le cadre d’une démarche historique des politiquesd’innovation : autrement dit, une fois qu’un centre derecherche s’est constitué sur un territoire, il est préférablede continuer à en exploiter les ressources (historicité deschoix politiques).

Concernant le volet attaché à la diffusion technologiquequi est basé sur l’application d’un coefficientmultiplicateur, il faut souligner qu’il repose surl’hypothèse que l’intégralité de l’impact généré estconcentrée sur l’année de réalisation du transfert. Or letemps des cycles est plus long, même dans les secteurs lesplus innovants. De plus, la corrélation entre la R&D etses effets en aval mesurés sur les performances desentreprises (ex : chiffre d’affaires, emploi) est trèsdifficile à démontrer et renvoie à une possible baissemoyenne de la productivité de l’activité de recherche(Bloom et al. 2017). De plus il est difficile de prévoir cequi se serait passé si l’investissement dans la R&D n’avaitpas été fait (nécessité d’avoir recours à un«counterfactual test»13 ).

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Si ce choix méthodologique surévalue l’impact descontrats de recherche, il est à noter cependant quel’apport de fonds publics dans ces contrats (ex :collaboration avec co­financement public et privé)constitue un effet levier pour la recherche privée quin’est pas pris en compte. Dans le cas des pôles decompétitivité par exemple, des études ont montré que lefinancement public de la R&D entraîne un netaccroissement de l’autofinancement des activités de R&Dchez les entreprises privées membres : pour 1 euroadditionnel de financement public, ce sont en moyenne 2euros qu’une entreprise a engagés sur ses propres deniersen dépense de R&D en 2012 (Ben Hassine, Mathieu 2017).

De même les effets d’agrégation de connaissance et decréation de valeur autour des clusters constituésrégionalement par les RTOs ne sont pas évalués à leurjuste niveau (ex : le tissu économique attractif et spécialiséde Versailles­Saclay dynamisé par les secteurs derecherche à haute valeur ajoutée, INSEE Analyses 2018).

Enfin, comme cela a été dit, la méthode footprint de tientpas compte des retombées des achats de hautestechnologies.

Résultats

C’est le cabinet IDEA Consult qui a été mandaté parEARTO pour évaluer l’impact économique généré par lesactivités de recherche et la diffusion de technologies(spin­offs et contrats de recherche) de 9 de ses membres :AIT (Autriche), CEA (France), DTI (Dannemark), InstitutsFraunhofer (Allemagne), Imec (Belgique), SINTEF(Norvège), Tecnalia (Espagne), TNO (Pay­Bas) et le VTT(Finlande).

Comme chacun des RTOs, le CEA a largement participé àcette étude via la Direction des analyses stratégiques endiscutant les hypothèses du modèle et en fournissant,grâce à l’implication des Directions financière et desprogrammes, des ressources humaines et de lavalorisation, toutes les données nécessaires (achats,contrats de recherche, effectifs, spin­offs) à l’estimationdes effets directs, indirects et induits.

Application aux 9 RTOs en 2016

L’application de méthodologie footprint amendée d’unvolet diffusion de technologies a permis d’estimer pourl’année 2016 l’impact suivant pour les 9 RTOs dont lebudget atteint 7,2 Md€ (IDEA 2018) :

­ 252 400 emplois équivalent temps plein,­ 35,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires,­ 16,8 milliards de valeur ajoutée générée,­ 6,7 milliards de retombées fiscales directes et indirectes.

A noter que l’impact économique (emploi, CA, VA),provient pour 44% environ du cœur d’activité desRTOs, les 56% supplémentaires étant attribués autransfert de technologies (contrats de collaboration etspin­offs).

Application au CEA en 2016 (paramètres du modèlemoyennés au niveau européen)

En ce qui concerne le CEA (budget de 4,1 Md€), sonapport en termes de création d’emplois a été évalué à123 170 postes en comptant les 19 440 salariés qu’ilemploie à plein temps (ingénieurs, chercheurs,techniciens, personnel administratif, thésards et post­doctorants). Cette création d’emplois est attribuée à plusde moitié par le cœur d’activité du CEA.

Le Chiffre d’affaires total généré s’élève environ à 19Md€, la Valeur ajoutée créée à 8 Md€ et le retour fiscal à 3Md€.

L’impact de la construction du Réacteur de rechercheJules Horowitz (RJH), pilotée par la Direction del'énergie nucléaire du CEA a lui aussi été estimé compte­tenu de ses 66 M€ d’investissement et d’exploitation en2016 :

­ 1 118 emplois à temps plein supplémentaires créés ensus du personnel dédié au RJH,­ 140 millions d’euros de chiffre d’affaires généré par lesachats et les emplois supplémentaires,­ 63 millions de valeur ajoutée créée,­ 28 millions de retombées fiscales.

En 2016, ppoouurr cchhaaqquuee eemmppllooii ccrréééé ddaannss ll’’uunn ddeess RRTTOOss,,44 eemmppllooiiss oonntt ééttéé ggéénnéérrééss ddaannss llee rreessttee ddee ll’’ééccoonnoommiieeeeuurrooppééeennnnee et que pour cchhaaqquuee eeuurroo iinnvveessttii, sous formede subvention directe, les différents gouvernements ontbénéficié d’un rreettoouurr ffiissccaall ddee 33 eeuurrooss.

Pour chaque emploi créé au CEA, 5 emplois ont étégénérés dans le reste de l’économie européennemajoritairement grâce au cœur d’activité. En termes deretour fiscal, 1,2 € revient à l’Etat français pour chaqueeuro investi en subvention directe.

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Vue du chantier de construction du RJH sur le centre CEA deCadarache (2015) ­ © G. Lesénéchal/CEA

La durée de la construction s’échelonnant sur la période2002, 2020, l’impact total peut aisément être approximépar multiplication de ces montants annuels estimés,rappelons­le, au niveau européen (et non pasrégionalement).

Situation du CEA par rapport aux 9 RTOs

Les résultats concernant le CEA (civil et militaire) ayantété isolés de l’évaluation de l’impact des 9 RTOs, il nous asemblé intéressant de les comparer aux résultats globauxen notant au préalable que le budget total du CEAreprésente 60% de celui des 9 RTOs. La figure n°2représente la part de création de valeur ajoutée (VA) duCEA sur la création de valeur attribuée aux 9 RTOs. Nousavons pu décomposer ces résultats relatifs pour le cœurd’activité, les contrats de recherche et les spin­offs endistinguant la part civile et la part militaire.

Figure n°2 : Part relative de la VA créée par le CEA, le CEAcivil et la Direction des applications militaires (DAM)

Si, comme nous l’avons vu plus haut, l’impact du CEAest élevé vis­à­vis de l’emploi (5 emplois supplémentairescréés majoritairement attribués au cœur d’activitécomparés à 4 en moyenne pour les 9 RTOs), force est deconstater que l’impact sur la création de valeur ajoutéetotale est en retrait par rapport à l’ensemble des RTOsétudiés. Cela s’explique notamment par la composantedéfense du CEA dont l’impact économique bien quetrès important – au travers notamment de ses achats

d’équipements de haute technologie auprès d’un tissud’entreprises fournisseurs – n’est pas pris en compteavec la méthode employée dans l’étude EARTO.La création de valeur permise grâce aux spin­offs est, elleaussi en retrait : moins de la moitié de la création de VApour les 137 spin­offs du CEA encore actives en 2016 (sur387 pour 7 des RTOs considérés). Une analyse pousséedes différents contextes nationaux d’appui aux start­upsserait utile pour argumenter ces résultats. Si en France, lesentrepreneurs ont un accès facilité aux infrastructuresphysiques et logistiques, il est à noter d’après une étudedu Joint Research Centre européen14, qu’ils auraient plusde difficultés à obtenir des financements appropriésdurant les premières phases de la vie de leur start­up.

Concernant les retombées fiscales, le ratio pour lesrecherches menées au CEA est faible relativement à celuimesuré pour les 9 RTOs. Cela tient au fait que la défensereçoit une forte subvention pour assurer des missionsrégaliennes et que l’impact de celles­ci ne figure pas dansle cadre de l’étude. L’estimation du retour fiscal est eneffet de 0,4 € pour 1 euro investi dans les activités dedéfense du CEA, les activités de recherche à finalité civilegénérant quant à elles, 2,25 € de retombées pour 1 euroinvesti.

Conclusion

Pour évaluer l’impact économique en Europe de 9organismes de recherche technologique dont le CEA,l’association EARTO qui les représente à Bruxelles, s’estappuyée sur une méthode cernant les retombées del’ensemble de leurs activités : activités quotidiennes,recherches financées par fonds publics, contratspartenariaux avec l’industrie et activités des spin­offsqu’ils ont fait naître dans le passé. Malgré les réservesrelevant de la modélisation retenue obligeant à faire deshypothèses simplificatrices, les résultats démontrentnéanmoins le rôle crucial joué par ces organismes dansl’écosystème européen de recherche et d’innovation. Onpeut souligner par conséquent l’intérêt concret, pour lesdécideurs politiques européens et nationaux, depoursuivre et renforcer l’investissement dans les moyens– humains et infrastructures de recherche – nécessaires àces organisations. Et cette conclusion est d’autant plusrenforcée que tous les effets de la recherche n’ont pas puêtre mesurés avec le prisme choisi (et l’horizon de tempsréduit à une année), ce qui est tout particulièrement le caspour la CEA dont les missions dépassent celles des autresorganismes européens étudiés.

Nous avons en effet pointé plus haut que la commandepublique de haute technologie avait un impact fort qu’ungrand nombre d’études d’impact avait bel et bien mis enévidence (par exemple pour l’ESA, le CERN ou laNASA). L’implication des PME dans des grandsprogrammes de recherche bénéficiant des fonds publicsde la Direction des applications militaires est un vecteurcertain de création de richesse nationale même si

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 23

Eclairages

l’évaluation quantitative reste difficile (cf. encadré,création de valeur par les achats de haute technologie :exemple de la DAM).

On met le doigt avec des exemples empruntés à la DAM(mais que l’on pourrait trouver dans toutes directions derecherche opérationnelles) que l’impact est intimement liéà la façon dont la recherche est organisée et lespartenariats conçus. Chercher à améliorer par unmanagement de la recherche adapté au contexte ettourné vers les usages ou les besoins sociétaux est le défià relever tout aussi important que celui consistant à enévaluer les fruits a posteriori !

1 En 2016 à l’OCDE, Global science forum (GSF) a initié le développementd'un tel cadre : « Establishing a reference framework for assessing thesocio­economic impact of Research Infrastructures ».On se référera aussi au rapport de Simmonds et al. (2013) faisant une revuede la littérature très intéressante des études d’évaluation en termes derépercussions économiques et d’innovation, des grosses infrastructures derecherche durant leurs phases de conception, construction, utilisation,maintenance et démantèlement. La valeur économique pour les utilisateursdes infrastructures peut être estimée grâce aux techniques d’évaluationcontingente (prédisposition à payer pour avoir accès à l’installation). Lerapport conclue sur la nécessité d’investiguer davantage la question del’impact.2 Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignementsupérieur3 Chaque ECU (unité de compte européenne) investi par le contribuableeuropéen a généré presque 3 ECU de richesse économique mesurable.

4 La méthode du BETA a été adaptée plus tard à l’évaluation de l’impactdes infrastructures de recherche dans un contexte évoluant vers unenvironnement ouvert d'innovation et de recherche : cf. projet européen(2011­2013), EvaRIO (Evaluation of Research Infrastructures in Openinnovation and research systems).5 Sur la période 1973­1987, chaque Franc suisse dépensé par le CERN dansle domaine de la haute technologie a procuré 3 Francs de nouvelles affairesaux entreprises contractantes.6 D’après des résultats préliminaires, les entreprises qui collaborent avecl’organisme de recherche technologique TNO auraient une croissance deleur valeur ajoutée de 13 à 17% l’année suivante.7 Effets multiplicateurs des dépenses d’acquisition des supercalculateurs :1 million d’euros de dépense en faveur d’un supercalculateur fabriqué enFrance génère au total sur l’économie française 2,49 M€ de production,0,96 M€ de valeur ajoutée et 12 emplois. Les effets multiplicateurs desdépenses de maintenance sont respectivement, 2,82 M€, 1,44 M€ et 17emplois.

CCrrééaattiioonn ddee vvaalleeuurr ppaarr lleess aacchhaattss eett llaa ccoonncceeppttiioonn ddee hhaauuttee tteecchhnnoollooggiiee,,eexxeemmppllee ddee llaa DDAAMM

11)) LLaasseerr MMééggaajjoouulleeDans le cas du programme Laser Mégajoule (LMJ) lancé en 1995, l’organisation de la R&D selon laquelle llee CCEEAA eesstt rreessttéé mmaaîîttrree dd’’œœuuvvrreeeett aa ttrraannssmmiiss vviiaa lleess ccaahhiieerrss ddeess cchhaarrggeess ssaa ccoonnnnaaiissssaannccee, a impulsé d’importantes innovations dans de nombreux secteurstechnologiques (ex : optique, électronique, miroirs déformables) avec une diffusion assurée par les PME impliquées : un millierd’industriels impactés dont plus de 250 entreprises en contrat direct avec le CEA/DAM selon Pierre Vivini, ancien directeur duprogramme.

22)) SSuuppeerrccaallccuullaatteeuurrssL’exemple des supercalculateurs est aussi caractéristique de création d’emplois et de valeur ajoutée du fait du partenariat que leCEA/DAM a noué avec Bull, fournisseur d’équipements. L’accord de collaboration était fondé sur un co­développement : structuredu code de calcul (du côté de CEA/DAM) et structure des machines (du côté de Bull). Cette RReecchheerrcchhee iinnnnoovvaattiioonn eettddéévveellooppppeemmeenntt ((RRIIDD)) iimmbbrriiqquuééee a permis l’optimisation du résultat et le succès du programme. Bull en est sortie grandie etATOS (qui l’a achetée) compte parmi les fleurons mondiaux dans le domaine.

33)) CCeennttrree ddee ccaallccuull rreecchheerrcchhee eett tteecchhnnoollooggiiee ppaarrttaaggéé aavveecc lleess iinndduussttrriieellssLes contrats de partenariat sous convention de collaboration avec des industriels continuent à être noués au CEA/DAM notammentdans le cadre du Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) situé à Bruyères­le­Châtel dans les locaux du Très grand centre decalcul du CEA (TGCC). En équipe (petite communauté), les ingénieurs du CEA/DAM et les partenaires discutent de nouveauxbesoins, opèrent de nouvelles architectures et développent des services pour y répondre : mise à disposition de machines virtuelles,développement de solutions applicatives, de logiciels en open source... CCee ppaarrttaaggee eett ccee rreennffoorrcceemmeenntt mmuuttuueell ddee ccoommppéétteenncceesseett dd’’eexxppeerrttiisseess ont des répercussions positives (pour le CEA, pour les partenaires, pour la communauté scientifique, pour lesindustriels, pour l’économie et pour la société) difficiles à évaluer quantitativement tant elles sont multiples, diffuses, échelonnés dansle temps et tributaires du contexte. Pourtant, d’après Christine Ménaché, Responsable du TGCC­CCRT, après 4 ans de partenariats,100% des partenaires ont continué…

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25La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 201824

Eclairages

8 1 million d’euros de subvention pour l’organisme de recherchenéerlandais TNO, génère dans l’économie nationale 1,88 M€ de production,1,15 M€ de valeur ajoutée (PIB) et 13,3 emplois.9 Le coefficient multiplicateur d’emploi pour STMicroélectronique estautour de 4 en 2012.10 Cela signifie que pour chaque 1M£ public dépensé, entre 2M£ et 3M£sont générés dans l’économie à travers les achats de biens et de service et laconsommation des salariés.11 Syndex (2012) & INSEEAnalyses (2014).12 Le coefficient multiplicateur utilisé vaut 1,98. Il représente, moyennéesur l’Europe, l’intensité technologique totale d’un pays ramenée à son effortde R&D (Knell 2008) :

13 Un tel test a été réalisé par exemple dans l’étude « UK’s Economic andSocial Data Service (ESDS) » par Beagrie et al. (2012), ce qui estrelativement rare dans la littérature analysée.14 Van Roy, Nepelski (2016)

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25 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 2018 25ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé

Brèves

Atelier "Sciences Humaines

et Sociales et Mobilités"

Jean­Marc Agator,CEA/I­tésé

L'atelier scientifique sur lessciences humaines et sociales

et les mobilités du 13 juin 2018était organisé par le CEA/I­tésé ,au nom du club de l'Orme(acteurs en technico­économie dessystèmes énergétiques du plateaude Saclay), et par la fédération derecherche en sciences infor­matiques, humaines et sociales,qui regroupe des laboratoires del'UVSQ, en coopération avec

l'alliance ANCRE, l'IFPEN et l'IFSTTAR, et avec le soutiende la Maison des Sciences de l'Homme Paris­Saclay.http://msh­paris­saclay.fr/event/workshop­shs­mobilites. Il était labellisé par la commission nationale dudébat public (CNDP) sur la programmation pluriannuellede l'énergie (PPE).

Cet événement interdisciplinaire et interinstitutionneloffrait un cadre systémique de réflexion et de débat surles problématiques sociétales des nouvelles mobilités et asuscité des échanges féconds entre des chercheurs dedifférentes disciplines des SHS et des chercheurs ensciences pour l'ingénieur et en sciences du numérique.123 personnes s'étaient inscrites à l'événement, pour 72personnes présentes le jour même. Il s'agissait en majoritéde chercheurs de l'Université Paris­Saclay (et bien au­delà) et de participants des entreprises et des ministères.La variété et la pertinence des points de vue présentés ontgrandement contribué à stimuler les échanges avec lasalle et à assurer le succès de cet atelier scientifique. Lessupports de présentation des intervenants de même quedes films vidéo des interventions seront diffuséslargement par la MSH Paris­Saclay.

Une publication comportant une synthèse desenseignements et des perspectives de l'atelier, complétéepar des contributions plus spécialisées des intervenants,sera préparée dans le courant de l'été 2018. Elleconstituera un nouveau numéro de la collection "Actes"de la MSH Paris­Saclay. L’idée sous­jacente est demontrer la grande diversité des approches scientifiques etl’importance d’une vision du monde interdisciplinairepour comprendre les enjeux de la transition vers lesnouvelles mobilités. A ce stade, des enseignementsimportants ont été tirés, provenant essentiellement deséchanges avec les intervenants de la table ronde intitulée"La transition vers les nouvelles mobilités est­ellepilotable ?". Ils s'inscrivent pleinement dans le deuxièmeenjeu soumis au débat sur la PPE ("Agir") : "A l’horizon

de la PPE, des conditions doivent être réunies pourpoursuivre et accélérer les dynamiques constatées dans lesens de la transition énergétique", ceci en intégrant lespoints de vue social, territorial, environnemental etéconomique. Ils ont déjà fait l'objet d'un compte­rendusynthétique transmis à la CNDP le 22 juin 2018.

I­tésé à la conférence Energy

Systems 2018

Hyun Jin Julie Yu,CEA/I­tésé

La conférence Energy Systems 2018 s'est tenue du 19au 20 juin 2018 au QEII Center, Westminster, à

Londres, Royaume­Uni. Cette conférence, organisée parElsevier et Energy Institute UK, a rassemblé deschercheurs, des universitaires, des industriels, desinvestisseurs et des décideurs politiques pour explorer lesmoyens les plus appropriés et efficaces pour concevoir,financer et construire des systèmes énergétiques meilleurset plus durables.Le but de cette conférence est de fournir un aperçu de latransformation du système énergétique afin de proposerdes actions qui puissent répondre aux futurs besoinsénergétiques mondiaux, de manière sûre, sécurisée,durable et abordable.

Le secteur des transports, principal émetteur auRoyaume­Uni (124,4 MtCO2e en 2017, 34%) a été mis enavant pour la décarbonation du système énergétique.Dans le mix énergétique lié au transport routier auRoyaume­Uni, les produits pétroliers représententactuellement 98%. Le gouvernement britannique vainterdire les nouvelles voitures à essence ou diesel à partirde 2040 pour encourager l’achat de véhicules électriques.Hon John Gummer, Lord Deben (président du comitébritannique sur le changement climatique, anciensecrétaire d'État à l'environnement), a soulignél'insuffisance des crédits budgétaires alloués à ladécarbonation au Royaume­Uni. Il a mis en évidencel’importance des écarts entre la cible à atteindre et lebudget.Parmi les principaux obstacles au déploiement de pointsde recharge pour les véhicules électriques au Royaume­Uni qui ont été exposés, il faut noter : le manque decapacité de réseau pour supporter une demandesupplémentaire, l'insuffisance d'incitations pour lespropriétaires fonciers ou les détaillants pour offrir dessites où installer des infrastructures partagées à l'extérieurdes villes et l'incapacité des conseils municipaux à tirerparti des systèmes de financement gouvernementaux.

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ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 2626 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 2018

Brèves

Selon l'étude baromètre de l'énergie 2018 réalisée parEnergy Institute UK, la transition énergétique nécessiterala modernisation des infrastructures, l'amélioration del’efficacité énergétique et plus d'énergies renouvelablesdans l'économie britannique.

Les principaux défis auxquels les professionnels del'énergie sont confrontés sont : les incertitudes sur lapolitique énergétique (la politique actuelle manqued'orientations et de mesures d’avenir alors qu’il estnécessaire d’avoir un cadre politique transparent, fondésur des données probantes, qui permet d'atteindre desobjectifs politiques clairs en évitant les conséquencesimprévues) ; les risques du brexit (Les impacts potentielsdu brexit, considérés comme particulièrementproblématiques, sont les risques sur les investissements,la disponibilité de travailleurs qualifiés, la sécurité del'approvisionnement, l'accès au marché unique et la perted’influence du Royaume­Uni sur la réglementation) ; lesrisques sur les investissements et les coûts : la volatilitédes prix du pétrole devrait influencer les flux definancement en 2018.

Un changement radical se produit dans les systèmesénergétiques et le consommateur devient actif et de plusen plus exigeant. Cette tendance influence égalementl’industrie de l’énergie. Par exemple, selon Wilfrid Petrie,PDG d’ENGIE UK & Ireland, ENGIE passe d’uneentreprise axée sur l’offre à une entreprise axée sur lademande des clients et la stratégie de l’entreprise suit lesmarchés grâce à la technologie (ex. avec le big data).Mettre la durabilité au centre du système énergétique estun élément essentiel de la transition énergétique. Enoutre, le futur marché de l'énergie sera basé sur unsystème énergétique plus intégré et intelligent, ce qui n'estréalisable que si l'on considère toutes les parties dusystème et leur interaction, tous les types de participantset toutes les technologies possibles; par nécessité, celademande une approche interdisciplinaire.

Hyun Jin Julie Yu de l'I­tésé a participé à une sessionconsacrée au stockage de l’électricité. Sa présentations’intitulait ‘Economic assessment of residential PV self­consumption with batteries in 2030”. La dynamique demarché couplée du secteur PV et des batteries Li­ionaméliorant l’économie de l’autoconsommation PVrésidentielle, cette étude présente une analyseéconomique prospective de l’autoconsommation PVrésidentielle avec batterie en France pour 2030 afind’estimer l’apparition d’une demande naturelle sans

subvention.Sur la base d’un modèle calculant la rentabilité dessystèmes PV résidentiels avec batteries pour les ménages,cette étude conclut que ces systèmes deviendraientcompétitifs en France d'ici 2030 selon tous les scenariosAIE de développement du PV. En outre, si des politiquesciblées de réduction des soft­costs sont mises en œuvre,les systèmes photovoltaïques résidentiels avec batteriespeuvent devenir rentables en France avant 2030,notamment dans le sud qui bénéficie d'un insoleillementplus élevé. L'étude montre également la diminution desimpacts systémiques de l'autoconsommation PVrésidentielle avec batteries par rapport à l’injection totalesur le réseau et notamment la possibilité d’avoir desniveaux plus élevés de pénétration PV avant que lasurproduction ou les problèmes de prix négatifs del’électricité ne se produisent. En particulier, l'étudemontre l’impact moins important sur les centralesnucléaires en France qu’avec un déploiement PV sansbatteries avec injection sur le réseau.

Présentations d'I­tésé à la

Conférence de l'IAEE 2018

Hyun Jin Julie Yu, Michel Berthelemy,Robin Molinier

CEA/I­tésé

L’I­tésé a participé à la conférence 2018 del’Association Internationale des Economistes de

l’Energie (IAEE) qui a été organisée à Groningen auxPays­Bas du 9 au 12 juin. Le thème du congrès était«transformer les marchés de l’énergie». Cette conférenceinternationale de l’IAEE est le rendez­vous de référencedes universitaires, décideurs et représentantsd’organismes spécialisés dans ce domaine. Elle attirechaque année près de 700 participants.Hyun Jin Julie Yu a participé à une session consacrée austockage couplé à l’énergie solaire et les politiquesassociées. Sa présentation s’intitulait ‘Strategic applicationof residential battery systems: new grid service model ofPV self­consumption’. L’étude présente un nouveaumodèle de service au réseau associé àl’autoconsommation PV résidentielle pour réduire lescoûts d’intégration du PV en France. Ce modèle donneune seconde application aux batteries résidentiellespendant les mois d’hiver pour déplacer une partie de lademande lors du pic de consommation pendant despériodes hors­pic. L’étude conclut que le modèle proposépermet de lisser les variations de demande journalières et

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26 27ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé

Brèves

conduit finalement à réduire de manière significative lepic annuel de consommation, limitant ainsi les besoins deréserve. Le modèle nécessite un système de contrôlestandardisé relativement simple permettant desopérations automatiques calibrées pour obtenir un gainmaximum (vitesse et période de charge/décharge). Ledéveloppement de ce modèle peut être soutenupolitiquement via la réglementation, la standardisation, etle mécanisme de prix permettant de rémunérer lepropriétaire de la batterie pour les services aux réseaux.

Michel Berthelemy est intervenu dans la sessionconsacrée à l’économie du nucléaire avec uneprésentation des facteurs techniques et organisationnelsqui contribueront à une réduction des coûts deconstruction des futurs réacteurs de 3ème génération. Cetteprésentation s’appuie notamment sur le récent rapport dela SFEN coordonné par l'I­tésé consacré aux coûts desfuturs EPR en France. A titre anecdotique, on notera quela majorité des présentations consacrées à l’économie dunucléaire a porté sur l’anayse des conséquences descénarios de sortie du nucléaire au niveau européen, avecplusieurs équipes universitaires mobilisées dans cettethématique outre­Rhin.

Robin Molinier (thésard à l'I­tésé) a participé à unesession poster. Son poster s’intitulait : “Infrastructuresharing synergies: strategic capacity setting underuncertainty”. Ces résultats sont issus des travaux de sathèse menée à I­tésé et à CentraleSupélec sur le thème desécoparcs industriels et de leur analyse économique. Plusprécisément ce poster précise les stratégiesd’investissement en capacités (de production ou detraitement) d’acteurs industriels visant une mise ensynergie avec des partenaires futurs. En effet uneproblématique centrale pour les éco­parcs industriels(communauté d’acteurs cherchant l’amélioration de leursperformances opérationnelles par la coopération) est dechoisir un niveau de capacité pour une infrastructurepartagée. L’enjeu étant de proposer des tarifs acceptablespar tous les partenaires pour l’usage de l’infrastructure enquestion.La prochaine conférence internationale de l’IAEE sedéroulera à Montréal en mai 2019.

22ème conférence mondiale

de l’Hydrogène ­WHEC

Olfa TliliCEA/I­tésé

La 22ème conférence mondiale de l’Hydrogène (WorldHydrogen Energy Conference – WHEC) a eu lieu

cette année à Rio De Janeiro du 17 au 22 juin 2018. Durantcette conférence des chercheurs et des industriels venantde différentes régions du monde ont présenté leursopinions, travaux et résultats à propos de l’hydrogène.

Mentionnons en particulier la table ronde co­organiséepar la Task 38 de l’Hydrogen TCP de l’AIE dans laquellel'I­tésé est fortement impliquée et l’Hydrogen Council quia rassemblé chercheurs et industriels pour parler du rôlede l’hydrogène dans les scénarios énergétiques avec uneorientation vers les aspects modélisation et données.

Durant la conférence, différentes chaines énergétiques del’hydrogène ont été discutées, de la production vers lesmarchés finaux. A partir des présentations et sessionsplénières, différentes stratégies nationales ont étérecensées quand il s’agit de l’intégration de l’hydrogènedans le système énergétique. De la productiond’hydrogène via gazéification du charbon commepremière étape en Chine, au reformage d’éthanol auBrésil et à l’électrolyse en Europe. Les marchés envisagésvarient également d’une région à une autre. Le secteurdes transports semble ouvrir ses portes à l’hydrogène enAllemagne alors que le Royaume­Uni envisage plutôtl’hydrogène d’abord pour les applications de chauffagerésidentiel. L’aspect infrastructure pour le transport et ladistribution de l’hydrogène a été également abordé dansplusieurs présentations, avec des comparaisonsintéressantes des différentes options dont la rentabilitédépend de plusieurs paramètres comme la distance, lesvolumes d’hydrogène à transporter et la géographie.L’aspect réglementaire a également été mis en avantdurant la conférence et a fait l’objet d’une session dédiée.Lever les barrières réglementaires est une étape crucialesans laquelle la pénétration de l’hydrogène dans lesystème énergétique sera impossible à réaliser.

Olfa Tlili, doctorante en deuxième année à l’I­tésé, aprésenté une partie de ses résultats de première année dethèse durant la conférence. Sa présentation a porté surl’évaluation de la demande future de l’hydrogène entenant compte des dernières politiques énergétiques avecune comparaison du rôle de l’hydrogène dans lesscénarios énergétiques de référence. L’investigation dupotentiel de l’hydrogène en termes d’abattement de CO2a également été présentée avec un focus sur les fuites deméthane évitées par l’intégration de l’hydrogène dans lesystème énergétique.

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 2018 ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé 2828 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 2018

Actualités scientifiquesVie de l'unité

Sortie de la note SFEN « Les coûts deproduction du nouveau nucléaire français »

La nouvelle note de la SFEN,contribution au débat sur la PPE

intitulée : «Les coûts de production dunouveau nucléaire français» est sortie le 21mars. Elle est le fruit de plusieurs mois detravail de la section ST8 de la SFEN(Economie et stratégie énergétique) animée

par l'I­tésé. Cette note complète la première note publiéepar la SFEN (ST8) en septembre dernier sur le «coût deproduction du parc nucléaire français». Elle comprendelle aussi deux parties : un résumé pour décideurs et unenote technique approfondie.Cette nouvelle note a fait l’objet d’une conférence depresse le 21 mars dernier auprès d’une vingtaine dejournalistes et a été reprise dans la presse (La Croix,l’Humanité, Libération, Enerpresse….).

Participation d'I­tésé au 7ème ICITM 2018

Du 07 au 09 mars derniers, RobinMolinier, doctorant à I­tésé a participé

à la conférence ICITM 2018 organisée parl’IEEE (Institute of Electrical andElectronics Engineers) à l’Universitéd’Oxford.

Cette conférence internationale portait sur le thème desinnovations managériales et technologiques pourl’industrie du futur avec des contributions au niveauméthodologique ou applicatif.L'exposé de Robin Molinier portait sur un modèled’optimisation sous incertitude destiné à solutionner leproblème d’investissements en sur­capacités pour les éco­parcs industriels afin d’améliorer leur attractivité à longterme par des politiques de raccordement d’acteurs.La prochaine conférence ICITM 2019 sur la technologieindustrielle et la gestion se tiendra du 02 au 07 mars 2019à Cambridge, Royaume Uni.

Séminaire de lancement des scénarios SFENdans le cadre du débat national PPE

Le 17 avril dernier, la SFEN aorganisé à la Maison de la

Chimie un séminaire pourprésenter ses scénarios proposésdans le cadre du débat nationalsur la ProgrammationPluriannuelle de l’Energie (PPE).

Ce travail a été coordonné par la Section Technique 8,présidée par Jean­Guy Devezeaux, « économie et stratégieénergétique » de la SFEN à partir du modèle PRIMES,outil utilisé par la Commission européenne pourmodéliser les scénarios EUCO30 du Paquet d’hiver etdéveloppé par l’équipe du Professeur Pantelis Capros del’Université d’Athènes/E3­Modeling. Ces scénarioscomplètent les travaux de RTE en apportant trois

dimensions nouvelles : l’Europe, le long terme et lesystème énergétique dans son ensemble.Les trois enseignements majeurs de cette étude sont :

­ Les scénarios étudiés montrent une forte croissance desEnR et la nécessité d’un socle nucléaire à l’horizon 2050(minimum 35 à 40 GWe) ce qui implique la mise enservice d’une première paire d’EPR à l’horizon 2030 ;­ Le lissage de l’objectif de 50% de part du nucléaire de2030 à 2045 est la meilleure option sur le planéconomique ;­ Le vecteur électrique va jouer un rôle croissant pourdécarboner le système énergétique, en particulier dansune perspective de neutralité carbone à un horizon post­2050.

La présentation des enseignements tirés par la SFEN a étéréalisée par I­tésé Michel Berthélemy. Jean­GuyDevezeaux a animé une table ronde à laquelle ontparticipé : EDF, l'Université Paris Dauphine, RTE, laSFEN et le Professeur Pantelis Capros.

Sortie de la publication SHS­PV de la Maisondes Sciences de l'Homme Paris­Saclay

Cette publication est issue de la journée"Sciences Humaines et Sociales &

Photovoltaïque" du 25 avril 2017, organiséepar le Club de l'Orme (coordonné par l'I­tésé), le département SHS de l'UniversitéParis­Saclay, l'Alliance ANCRE et l'Institut

IPVF. Elle constitue le premier numéro de la nouvellecollection "Actes'" de la MSH Paris­Saclay.http://msh­paris­saclay.fr/actes­n1­shs­photovoltaique.

I­tésé collabore au rapport SAPEA "rapportnovel carbon capture and utilisationtechnologies"

Le Conseil scientifique pour les politiquesdes académies européennes (SAPEA) a

publié son deuxième rapport d'examen despreuves intitulé "Nouvelles technologies decapture et d'utilisation du carbone: aspectsde la recherche et du climat". Ce rapportexplore si les technologies de capture et

d'utilisation du carbone (CCU) ont le potentiel decontribuer de manière significative à l'atténuation deseffets du changement climatique.

En tant que partie intégrante du Mécanisme de conseilscientifique (SAM), il a été demandé à SAPEA deproduire ce rapport d'évaluation des preuves pourinformer l'avis scientifique du Groupe de conseillersscientifiques en chef de la Commission européenne.Pour produire le rapport d'examen des données du CCU,SAPEA a réuni des experts de toute l'Europe, via lesEuropean Academy Networks. Les experts ont constituéun groupe de travail présidé par le Professeur Robert

Page 29: La lettre de l'Itéséi-tese.cea.fr/downloads.php?file=/fr/Publications/LettreItese/Lettre... · recyclage est un principe (économie circulaire) au cœur de la loi de transition

28 29ETE 2018 ­ Numéro 34 ­ La lettre de l'I­tésé

Actualités scientifiquesVie de l'unité

Schlögl (Institut Fritz­Haber, Allemagne) et le ProfesseurMarco Mazzotti (ETH Zürich, Suisse). Jean­GuyDevezeaux était l’un des trois experts internationaux quiont évalué ce rapport rendu public.

Le rapport d'examen des preuves SAPEA est disponiblesur: www.sapea.info/carboncapture

Participation d'I­tésé à la "50ème édition desJournées de Statistique de la SFdS" &au "2018 International Symposium onEnviromental and Energy Finance Issues"

l'I­tésé (Séverine Dautremont) encollaboration avec le LGLS et l'IPFEN

(Alexis Bismuth et Frédéric Lantz), a présentéune commuinication à ces deux conférencessur le thème de l'économétrie appliquée auxmarchés de l'électricité.

La 50ème édition des Journées de Statistique (JdS) s’estdéroulée du 28 mai au 1er juin 2018 sur le site d'EDF LabParis­Saclay. Organisées chaque année depuis 1970 par laSociété Française de Statistique (SFdS), les JdS constituentla plus importante manifestation scientifique du mondestatistique francophone.Comme les précédentes, elles constituent unephotographie instantanée de ce qu’est la statistique enFrance. C’est aussi une fenêtre ouverte sur le monde grâceau plateau très international des conférenciers invités.Pendant une semaine, elle a réuni plus de 450 participantsissus du monde académique et de l’industrie française, cequi a permis de présenter 16 conférences et 63 sessionsparallèles, dont 18 sessions spéciales.Une attention particulière a été apportée aux thèmessuivants : Data Science et Apprentissage ; Défisstatistiques dans l’industrie ; Energie et Environnement.Plus largement, les Journées ont traité de tous les thèmesrelevant de la statistique. Ils ont été abordés aussi biendans leurs aspects théoriques qu’au travers desapplications.

Le 6ème Symposium internationalsur les questions de financement del'énergie et de l'environnement

(ISEFI­2018), co­organisé par le Centre pour l'Economiede l'Energie et l'Environnement de l'IPAG (IPAG BusinessSchool) et le CGEMP (Université Paris Dauphine) s’esttenu lui les 24 et 25 mai 2018 à Paris.Les prix de l’électricité constituent une hypothèse crucialepour la modélisation énergétique, en particulier pour lesunités consommatrices ou productrices. Mais égalementle recours croissant à l’électricité comme vecteur dedécarbonisation passe par la compréhension de ce marchéfortement volatil.Deux modélisations distinctes de la volatilité ont étéétudiées, chacune s’intéressant aux différentes périodesde la journée. La méthode utilisée pour cela est celle desséries temporelles ARMA­GARCH. La premièremodélisation est une approche complète des données

horaires des prix du marché spot et fournit un modèleavec de bonnes qualités prédictives de ces données. Ladeuxième permet d’évaluer les différences de volatilitésen fonction des grandes périodes de consommations.

L’objectif était de fournir aux universitaires, auxdécideurs politiques et aux praticiens un forum consacréaux discussions et à l'analyse critique sur des principauxproblèmes et défis qui interpellent l'énergie,l'environnement, la macroéconomie et les marchésfinanciers. De nombreux pays étaient représentés,regroupant des acteurs venant d’Europe mais aussid’Asie, d’Afrique et des Etats­Unis.

Co­organisation d'un séminaire ANCRE "Quelrôle de la recherche pour accélérer l'utilisationdes biocarburants dans l'aviation?"

L’Ancre s’est associée à 15 partenaires institutionnels etindustriels pour réaliser une feuille de route sur lepotentiel et les conditions de déploiement des filières debiocarburants pour l’aéronautique en France. Ce travaildu GP1, co­piloté par I­tésé (Elisabeth Le Net ) et laDirection Economie et Veille de l’IFPEN, dresse l'état deslieux (technologies, règlementation, acteurs), précise lespotentialités sur le marché français (ressources, R&D,outils de production), indique la priorisation des effortsde recherche et des moyens à mettre en place.

Un séminaire de restitution a été organisé le 29 juin avecle label Débat PPE, au Ministère de l’Agriculture (Paris 7)et a mobilisé environ 80 personnes. Ce séminaire s’esttenu pendant les Assises nationales du transport aérienqui se concluront en septembre 2018. Outre laprésentation de la feuille de route (méthodes, diagnosticet recommandation), cette demi­journée a permis derappeler les missions de l’ANCRE dans laprogrammation de la recherche, de placer ce travail dansla règlementation et les orientations politiques(interventions MTES/DGAC, MTES/DGEC, MAA/DGPE), d’échanger autour de deux tables rondes : l’uneavec les utilisateurs de biocarburants dans l’aviation(FNAM, Air France, Safran, Airbus) ; l’autre sur lesperspectives pour les biocarburants aéronautiques et lerôle de la recherche avec des producteurs (dont Total),des institutionnels (MESRI/DGRI et ADEME) et desacteurs de la recherche.

Plusieurs formats de restitution de la feuille de route : un« 4 pages » (diffusé lors du séminaire), un jeu de slides(présenté au séminaire) et un rapport complet (prévupour l’automne 2018).