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9 La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle (loi du 23 juin 1961) Questions de procédure Jacques ENGLEBERT 1 maître de conférences à l’U.L.B., avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris 1. Je remercie particulièrement Isabelle Crispin pour son attentif et ingrat travail de relecture. Sommaire SECTION 1 Propos introductifs 401 SECTION 2 Problèmes de procédure 412 SECTION 3 Considérations finales 460 Avec l’aimable autorisation des éditions Larcier J. Englebert, « La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle (loi du 23 juin 1961). Questions de procédure », in Les actions en cessation, Larcier 2006, CUP, vol. 87, pp. 399-465.

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9La demande de diffusion d’une

réponse dans la presse audiovisuelle(loi du 23 juin 1961)

Questions de procédure

Jacques ENGLEBERT 1

maître de conférences à l’U.L.B.,avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris

1. Je remercie particulièrement Isabelle Crispin pour son attentif et ingrat travail de relecture.

Sommaire

SECTION 1Propos introductifs 401

SECTION 2Problèmes de procédure 412

SECTION 3Considérations finales 460

Avec l’aimable autorisation des éditions Larcier J. Englebert, « La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle (loi du 23 juin 1961). Questions de procédure », in Les actions en cessation, Larcier 2006, CUP, vol. 87, pp. 399-465.

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Propos introductifs

A. L’action « en droit de réponse » 2 dans l’audiovisuel est-elle une action en cessation ?

Le droit de réponse dans l’audiovisuel a été reconnu dans notre système législatif parune loi du 4 mars 1977 3 qui est venue compléter la loi du 23 juin 1961 relative au droitde réponse qui ne prévoyait, à l’origine, un droit de réponse qu’à l’égard des « écritspériodiques ».

Le législateur n’a toutefois pas simplement élargi le champ d’application dudroit de réponse. Il a en réalité introduit un nouveau type de « droit de réponse », pro-pre à l’audiovisuel, d’une conception « diamétralement opposée » 4 à celle régissant ledroit de réponse pour les écrits périodiques.

En effet, plutôt que de reconnaître à la personne mise en cause dans une émis-sion audiovisuelle un réel droit de réponse, le législateur a préféré lui reconnaître uni-quement un droit de rectification.

C’est ainsi que, si en matière de presse écrite, toute personne (physique oumorale), citée nominativement ou implicitement désignée dans un écrit périodique, a ledroit de requérir l’insertion gratuite d’une réponse 5, seules les personnes justifiant d’unintérêt personnel ont, dans l’audiovisuel, le droit de requérir la diffusion gratuite d’uneréponse qui doit être de nature à rectifier un ou plusieurs éléments de faits erronés les con-

SECTION 1

2. C’est par un glissement de langage que l’on parle improprement de « demande en droit de réponse ».L’expression, entrée dans le langage courant, vise en réalité le droit de demander la diffusion d’une réponse (voy.F. Jongen, « Le droit de réponse dans la presse et l’audiovisuel », in Prévention et réparation des préjudices causéspar les médias, dir. A. Strowel et F. Tulkens, Larcier, 1998, pp. 51 à 65, ici pp. 53 à 55).

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3. Répondant à une question préjudicielle, la Cour d’arbitrage dans son arrêt 14/91 du 28 mai 1991, a ditpour droit que les dispositions relatives au droit de réponse dans l’audiovisuel, insérées dans la loi du 23 juin1961 par la loi du 4 mars 1977, ne violaient pas les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-cipour déterminer les compétences respectives de l’État, des Communautés et des Régions. En d’autres termes,selon cet arrêt, le législateur fédéral serait resté compétent pour légiférer dans cette matière. Sur le conflit decompétence entre législateurs fédéral et communautaires et l’incidence de cette question sur l’évolution de lalégislation dans cette matière, voir infra, nos 5 à 11.4. M. Hanotiau, Droit de l’information et de la communication, P.U.B., 1991-1992, p. 199 ; F. Tulkens et M.Verdussen, « La radio et la télévision, le délit de presse et le droit de réponse », Ann. dr. Louvain, 1987, 53-93, icip. 83.5. Loi du 23 juin 1961, art. 1er.

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cernant ou de répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinteà leur honneur 6.

Cette distinction a une incidence directe sur la procédure.

En matière d’écrits périodiques, l’insertion d’une réponse est de droit pour lapersonne « citée nominativement ou implicitement désignée ». Si l’éditeur refuse d’insérercette réponse dans les conditions fixées par la loi et pour autant que la réponse n’entrepas dans une des hypothèses de refus visées par la loi 7, il s’expose à des poursuitespénales 8. Si une plainte est déposée, c’est le juge pénal qui sera amené à ordonner ladiffusion de la réponse. En effet, « si, à la date du jugement, la réponse n’a pas été insérée,le tribunal en ordonne l’insertion dans le délai qu’il détermine » 9.

Bien que cette voie ne soit pas expressément reconnue par la loi du 23 juin1961, rien n’empêche, évidemment, le demandeur en diffusion d’une réponse de renon-cer à entamer des poursuites pénales et, en conséquence, de solliciter du juge civil lacondamnation de l’éditeur à diffuser sa réponse 10. Le juge saisi (qu’il s’agisse d’unechambre correctionnelle ou d’une chambre civile du tribunal de première instance)doit, au vœu de la loi, statuer sur cette demande « toutes affaires cessantes » 11.

Au contraire, en matière audiovisuelle, s’il n’y a pas d’accord entre le deman-deur en diffusion d’une réponse et l’organisme producteur 12 sur la diffusion d’un texte(soit celui initialement demandé, soit celui résultant d’une contre-proposition de l’orga-nisme producteur), le demandeur en diffusion d’une réponse doit saisir le président du

6. Loi du 23 juin 1961, art. 7.

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7. Loi du 23 juin 1961, art. 3 : « Peut être refusée, l’insertion de toute réponse : 1° Qui n’a pas de rapport immé-diat avec le texte incriminé ; 2° Qui est injurieuse ou contraire aux lois ou aux bonnes moeurs ; 3° Qui met un tiersen cause, sans nécessité ; 4° Qui est rédigée dans une langue autre que celle du périodique ».8. Loi du 23 juin 1961, art. 5, al. 1er.9. Loi du 23 juin 1961, art. 5, al. 3.10. S. Hoebeke et B. Mouffe, Le droit de la presse, Académia-Bruylant, 2e éd., 2005, p. 594, nos 861 et 863 ;Dans le même sens, la cour d’appel de Bruxelles a jugé, dans un arrêt prononcé le 14 juin 1966 (Pas., 1967, II,106 ; J.T., 1966, p. 635), que « l’insertion forcée ne constitue pas une peine que seules les juridictions répressives pour-raient prononcer ; qu’elle est une forme de réparation donnée par la loi à la personne qui s’est vu refuser l’insertiond’une réponse sans motif valable. Le tribunal civil, compétent pour connaître de la demande en insertion, l’est éga-lement et par le fait même, pour juger du caractère justifié ou non du refus de cette insertion ». C’est d’ailleurs cettereconnaissance qui est à l’origine de la controverse quant à savoir si, en matière de presse écrite, le juge des réfé-rés peut intervenir pour ordonner, au provisoire, l’insertion d’une réponse (voir infra, nos 56 et 64 à 67). Cetteopinion n’est toutefois pas unanimement partagée. Ainsi, selon les auteurs de la proposition de loi relative au droitde réponse et au droit d’information et modifiant l’article 587 du Code judiciaire (Doc. parl., Chambre, 1999-2000,n° 0325/001, p. 6), il conviendrait « d’extraire la problématique du droit de réponse du contexte pénal » au motif« que le passage obligé par le droit pénal afin de faire droit à une demande de droit de réponse, peut constituer unfrein à l’action du juge ».11. Loi du 23 juin 1961, art. 18.12. La loi précise qu’en matière audiovisuelle la demande de diffusion d’une réponse doit être adressée à« l’organisme producteur de l’émission ou du programme » ou à « l’éditeur ». Pour simplifier, j’utiliserai ci-après uni-quement le terme d’organisme producteur.

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tribunal de première instance s’il veut contraindre l’organisme producteur à diffuser saréponse. L’article 12 de la loi du 23 juin 1961 précise que le président, « siégeant commejuge unique 13, statue au fond et en dernier ressort et selon la procédure prévue auxarticles 1035, 1036, 1038 et 1041 du Code judiciaire ».

Nous tenons-là notre action comme en référé, objet de la présente note.

On relèvera d’emblée que le législateur s’est contenté de faire référence à quatredes sept articles de la partie du Code judiciaire consacrés à l’« Introduction et [l’]instruc-tion de la demande en référé » 14, alors que, plus généralement, lorsqu’il instaure des pro-cédures comme en référé, le législateur se contente de préciser que le juge saisi, « siège »et/ou « statue » comme en référé ou que la demande est « introduite et instruite commeen référé » 15.

L’action dont peut être saisi le président du tribunal de première instance enmatière de droit de réponse dans l’audiovisuel tient sans doute une place un peu à partdans le cadre du présent recyclage dès lors qu’à mon sens, il ne s’agit pas stricto sensud’une action en cessation. On peut certes soutenir que la demande a pour but de fairecesser le refus illégitime — selon le demandeur — opposé par l’organisme producteur àla demande de diffusion d’une réponse. Toutefois, comme le souligne à juste titre Ch.Dalcq, le demandeur ne sollicite en réalité pas une mesure de cessation mais bien unemesure d’injonction : « l’injonction d’insérer un droit de réponse dans une émissionaudiovisuelle » 16.

En matière audiovisuelle, il n’y a infraction pénale que si l’organisme producteur ne dif-fuse pas la réponse, soit après avoir marqué son accord sur la demande d’insertion decelle-ci, soit après que le demandeur ait marqué son accord sur la contre-proposition del’organisme producteur, soit encore après que le président du tribunal ait ordonné ladiffusion d’une réponse.

B. État actuel de la législation en matière de droit de réponse

La coexistence de deux régimes différents en matière de droit de réponse, l’un s’appli-quant aux écrits périodiques, l’autre à l’audiovisuel, fait l’objet de critiques anciennes et

13. Cette précision laisse perplexe. Comment en effet, pourrait-il en être autrement ?

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14. Quatrième partie, Livre II, Titre VI du Code judiciaire.15. Not. art. 587, al. 2, C. jud.16. Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », in Le référé judiciaire, dir. scient. J. Englebert et H. Boularbah,éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 2003, pp. 145 à 193, ici p. 170 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, « La nature et lerégime de la compétence exercée ‘comme en référé’ — l’exemple de l’action en dommages et intérêts », J.T.,1996, pp. 554 à 558, ici sp. note (1), p. 554 ; add. Ch. Dalcq et S. Uhlig, « Vers et pour une théorie générale du« comme en référé » : le point sur les questions transversales de compétence et de procédure », dans le présentouvrage.

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récurrentes de la part de la doctrine qui en appelle régulièrement à une unification desconditions d’exercice du droit de réponse et des procédures à mettre en œuvre en casde refus 17.

Depuis une dizaine d’années, la matière a fait l’objet d’une série de projets et depropositions de lois, visant notamment à unifier les deux régimes en étendant le prin-cipe du droit restreint de rectification à la presse écrite (ainsi qu’aux nouveaux mediaissus de la société de l’information) 18.

C’est en réalité une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce 19 deBruxelles, le 6 janvier 1995, qui mit le feu aux poudres.

En effet, saisi sur requête unilatérale par la SABENA, ce magistrat fit interdictionau quotidien flamand De Morgen de publier un article si cette publication ne s’accom-pagnait pas simultanément du droit de réponse du requérant 20. C’est en réaction à cettedécision, violemment contestée par les organes de presse écrite, mais également criti-quée par une partie de la doctrine 21, que fut déposée la proposition de loi du13 décembre 1995 22. Cette proposition visait à étendre purement et simplement à lapresse écrite le régime applicable à l’audiovisuel et notamment la procédure prévue àl’article 12 de la loi du 23 juin 1961. Cette première proposition de loi ne connutaucune suite.

Le gouvernement s’est, à son tour, saisi de cette question en 1997. Toutefois, cettematière n’a pas échappé aux aléas des réformes institutionnelles belges et plus particu-lièrement à la communautarisation des compétences en ce qui concerne les matièresrelevant de la radio et de la télévision.

17. En ce sens, notamment F. Jongen, « L’indispensable réforme du droit de réponse », A.&M., 2000, pp. 167 à170, et du même auteur : « Le droit de réponse dans la presse… », op. cit., p. 65 ; « L’intervention du juge dansla procédure de droit de réponse », note sous civ. Liège (réf.), 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 423 ;« L’intervention du juge dans l’exercice du droit de réponse », note sous Cass., 29 octobre 1998, R.C.J.B., 2001,pp. 273 à 302, ici sp. pp. 301 et 302 ; S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., nos 816 et 817.18. Dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif au droit de réponse et au droit d’information et du projet deloi modifiant l’article 587 du Code judiciaire, déposés par le Gouvernement le 4 mars 1999 (Doc. parl., Chambre,S.O. 1998-1999, 2034/1 et 2035/1, p. 2), le ministre de la Justice souligne que « au cours des dernières années, lemonde du journalisme et spécialement la presse écrite, a exprimé une certaine irritation à l’égard du système légalactuel gouvernant le droit de réponse, estimant que celui-ci accorde trop facilement le droit de réponse et que sesmodalités sont critiquables. En effet, l’article 1er de la loi actuellement en vigueur, ne requiert, en ce qui concerne lesécrits périodiques, aucun intérêt personnel dans le chef du requérant et n’exige pas que l’information suscitant le droitde réponse soit incorrect ou dommageable (alors que ces conditions ont bien été imposées en 1997 pour l’audiovisuel) ».

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19. Qui s’était estimé matériellement compétent dès lors que le demandeur était commerçant.20. Comm. Bruxelles, (prés)., 6 janvier 1995, inédit, cité par S. Hoebeke et B. Mouffe, p. 595, n° 863. Cettedécision fut rétractée sur tierce opposition du journal par une ordonnance du 6 mars 1995, Mediaforum, 1995,n° 4, p. B55 ; sur cette affaire, voyez S. Hoebeke et B. Mouffe, p. 595, n° 863.21. Not. M. Hanotiau, op. cit., p. 207.22. Proposition de loi modifiant la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse, Doc. parl., Chambre, S.O.1995-1996, 311/1.

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C’est ainsi qu’après avoir adopté en juillet 1997 un avant-projet de loi visant àuniformiser les deux procédures et à étendre le champ d’application de la loi sur ledroit de réponse aux nouveaux moyens de communication issus de la société de l’infor-mation (et plus spécialement Internet) 23, le gouvernement fédéral s’est, dans un pre-mier temps, résigné à déposer, le 4 mars 1999, un double projet de loi visant à réformerla législation en matière de droit de réponse, mais excluant expressément « de sonchamp d’application le droit de réponse s’exerçant par la voie de la radio et de la télévisiondès lors que de l’avis du Conseil d’État, le droit de réponse s’exerçant par la voie de la radioet de la télévision échappe à la compétence du législateur fédéral pour ressortir de celle dulégislateur communautaire, ceci conformément à l’article 4, 6° de la loi spéciale du 8 août1980 de réforme institutionnelle » 24. Ce projet n’ayant pas survécu à la dissolution deschambres intervenue le 5 mai 1999, il fut réintroduit, à l’identique mais cette fois-cisous forme de proposition de loi, le 17 décembre 1999 25.

Toutefois, ayant manifestement revu sa position sur ce point, le nouveau gou-vernement redéposa lui-même, le 17 juillet 2000, deux projets de loi 26 s’écartant cettefois-ci résolument de l’avis précité du Conseil d’État. Le but recherché était une modifi-cation globale du droit de réponse, tant en matière d’écrits périodiques que d’audiovi-suel 27. Dans les grandes lignes, la réforme proposée intégrait les adaptations suivantes :

« - uniformiser les règles en la matière, indépendamment du support sur lequel lemédia périodique est diffusé ;- éviter un usage non justifié du droit de réponse et, partant une utilisation abu-sive de celui-ci ;- préciser, dans les limites du champ d’application de la loi en projet, les critèresdéterminant la longueur de la réponse d’une manière uniforme ;- mettre en place, en vue de confirmer le principe de la présomption d’innocence,un droit sui generis ‘d’information’ (rectification a posteriori) pour les personnesdésignées dans un média périodique comme étant inculpées, prévenues, ou accu-sées et ensuite libérées de toute poursuite ou acquittées ;- améliorer l’efficacité du droit de réponse en permettant une décision de justicerapide, sans que soit altéré l’équilibre précaire entre les revendications du deman-deur et de la liberté rédactionnelle de la presse ;- extraire la problématique du droit de réponse du contexte pénal 28 ».

23. Sur le contenu de cet avant-projet, voyez F. Jongen, « Le droit de réponse dans la presse et l’audiovisuel »,op. cit., pp. 56 et s.24. Doc. parl., Chambre, S.O. 1998-1999, 2034/1 et 2035/1, pp. 2 et 3.25. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0325/001 ; une proposition similaire fut déposée au sénat le3 décembre 1999 (Doc. parl., Sénat, 2-234/1).26. Projet de loi relatif au droit de réponse et au droit d’information (Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000,0815/001) et Projet de loi modifiant l’article 587 du Code judiciaire (Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0816/001).27. Voy. D. Voorhoof, Handboeck mediarecht, Larcier, 2003, pp. 180 et s.

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On notera que le projet avait notamment pour effet de généraliser la compé-tence du président du tribunal de première instance, siégeant comme en référé, parl’insertion d’un 10° à l’article 587, alinéa 1er, du Code judiciaire, prévoyant que le prési-dent serait dorénavant compétent pour statuer « sur toute contestation résultant de la loirelative au droit de réponse et au droit d’information » 29.

D’un point de vue strictement procédural, le projet prévoyait par ailleurs l’intro-duction d’un chapitre XXV dans le livre IV (« Procédures particulières ») de la quatrièmepartie du Code judiciaire. Ce nouveau chapitre, ne comportant qu’un seul article(l’article 1385duodecies), prévoyait, d’une part, l’usage de la requête contradictoire(articles 1034bis et suivants du Code judiciaire) pour l’introduction de la demande 30 et,d’autre part, que « lorsque le président du tribunal de première instance ordonne l’inser-tion d’une réponse ou d’une information, il statue au fond et en dernier ressort ». Il étaitencore prévu que « si, à la date du jugement, la réponse ou l’information n’a pas été insé-rée, le juge en ordonne l’insertion dans le délai et selon les modalités qu’il détermine, le caséchéant, sous peine d’astreintes ». Enfin, un dernier alinéa précisait que « le président dutribunal de première instance peut, à la demande des parties, adapter le contenu de laréponse ou de l’information ».

Le gouvernement fédéral fut toutefois interrompu dans son élan puisque le Parlementflamand saisit la Chambre d’une motion faisant état d’un conflit d’intérêt mettant encause la compétence du législateur fédéral à intervenir en matière de droit de réponse àla radio et à la télévision 31.

À la suite de cette motion, la Commission de la justice de la Chambre a rendu le21 mai 2001 un rapport circonstancié sur le conflit de compétences entre l’autoritéfédérale et les autorités fédérées pour légiférer en matière de droit de réponse dansl’audiovisuel. Deux conclusions étaient soumises au vote des membres de la Commis-sion, l’une confirmant la compétence du Parlement fédéral, l’autre estimant que laréglementation du droit de réponse s’exerçant par la voie de la radio et de la télévision,ressortait à la compétence du législateur communautaire. C’est la première propositionqui fut adoptée, par neuf voix contre six et une abstention.

Saisie de la même question, la Commission des affaires institutionnelles du Sénatarriva à la conclusion que « le conflit d’intérêt soulevé par le Parlement flamand est enfait un conflit de compétences qui devrait être tranché par la Cour d’arbitrage. Par consé-

28. Doc. Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001 et 0816/001, pp. 8 et 9.29. Article 2 du projet de loi modifiant l’article 587 du Code judiciaire, Doc. parl., Chambre, S.O., 1999-2000,0816/001, p. 45. On sait par ailleurs, que le second alinéa de cet article précise que « sauf si la loi en dispose autre-ment, les demandes prévues au premier alinéa sont introduites et instruites selon les formes du référé ».30. Cette demande devait être introduite dans un délai d’un mois à compter, soit de la date à laquelle laréponse ou l’information aurait dû être insérée, soit de la date à laquelle le refus d’insérer était porté à la con-naissance de la personne qui a fait usage du droit de réponse ou d’information, soit de la date à laquelle la contre-proposition a été refusée, soit encore de la date à laquelle une réponse ou une information non-conforme auxdispositions de la loi aurait été insérée.

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31. Voyez Doc. parl., Chambre, S.O. 2000-2001, 0815/002.

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quent, on peut conseiller au comité de concertation de conclure qu’il n’y a pas de conflitd’intérêt, de manière à ce que la procédure législative puisse suivre son cours à laChambre ». Cette position fut adoptée par huit voix contre une.

Malgré ces prises de positions favorables à l’initiative fédérale, les projets de loidu gouvernement ne connurent aucune suite jusqu’à ce qu’intervienne la dissolutiondes chambres le 10 avril 2003.

Au cours de l’actuelle législature, c’est au Sénat qu’une « proposition de loi relative audroit de réponse et au droit d’information » a été déposée, le 11 août 2003, par H. Van-denberghe. Cette proposition reprend intégralement le texte des projets de loi déposés àla Chambre en 1999 32 qui, comme on l’a vu, excluaient de leur champ d’application ledroit de réponse en matière de radio et de télévision.

Cette « nouvelle » proposition fut envoyée en Commission et n’a connu jusqu’àce jour aucune suite.

Les choses n’en sont toutefois pas restées là, puisque prenant le législateur fédéral devitesse, le Parlement flamand a adopté, le 18 juillet 2003, un décret insérant dans lesdécrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, « undroit de réponse et un droit de communication à l’égard de la radio et de la télévision ».Une numérotation des articles devenus totalement illisible a conduit le Parlement fla-mand à procéder à une nouvelle coordination de ces décrets, le 4 mars 2005. Le droit deréponse est repris aux articles 177 à 191 des décrets coordonnés 33.

On constate donc que le désir d’unification de la législation en matière de droitde réponse quel que soit le média concerné est loin d’avoir été concrétisé puisqueaujourd’hui la situation est la suivante :

� le droit de réponse en matière d’écrit périodique est toujours réglementé, dansl’ensemble du territoire belge, par les articles 1 à 6 de la loi du 23 juin 1961relative au droit de réponse ; le régime est toujours celui d’un droit quasi discré-tionnaire ouvert à toute personne citée nominativement ou implicitementdésignée ;

� par contre, le droit de réponse dans l’audiovisuel est réglementé, d’une part, parles articles 7 et suivants de la loi du 23 juin 1961 et, d’autre part, pour les émis-sions de radio et télévision produites par des organismes producteurs soumisaux décrets flamands relatifs à la radiodiffusion et à la télévision 34, par lesarticles 177 et suivants de ce même décret.

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32. Doc. parl., Chambre, S.O., 1998-1999, nos 2034/1 et 2035/1.

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33. La communauté germanophone a, par décret du 27 juin 2005 sur la radiodiffusion et les représentationscinématographiques, prévu de son côté, que « les chapitres II et III de la loi du 23 juin 1961 relative au droit deréponse, insérés par la loi du 4 mars 1977, s’appliquent aux programmes des organismes de radiodiffusion télévi-suelle, de la chaîne ouverte et des organismes de radiodiffusion sonore » (art. 5). L’art. 40 du décret de la Commu-nauté française du 17 juillet 1987 sur l’audiovisuel contenait la même précision.34. C’est-à-dire les émissions produites par la VRT ainsi que par les radiodiffuseurs privés agréés par le Gou-vernement flamand ou par le Vlaams Commissariaat voor de Media.

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On retiendra que l’article 185 des décrets flamands maintient la compétence duprésident du tribunal de première instance « siégeant comme en référé », pour connaîtrede toute contestation en cette matière. Cet article est en réalité très largement inspirépar le projet d’article 1385duodecies, qui était contenu le projet de loi du 17 juillet2000 35.

Un doute subsiste quant au pouvoir des Communautés à légiférer dans cette matière.Par son arrêt du 28 mai 1991 36, la Cour d’arbitrage avait expressément rappelé que lamatière du droit de réponse dans l’audiovisuel restait une compétence du législateurfédéral 37. Il semble toutefois que cette jurisprudence soit elle-même devenue obsolète.En effet, la Cour d’arbitrage avait conclu à la compétence du législateur fédéral aumotif que la matière du droit de réponse participait de l’exercice d’un droit fondamen-tal. Or, depuis, comme le souligne F. Jongen, « le Conseil d’État a considéré qu’il n’y avaitplus de compétence fédérale exclusive sur les droits fondamentaux, et cette thèse a été con-firmée par un arrêt de la Cour d’arbitrage du 25 novembre 1999 (…) » 38. L’auteur sedemande toutefois s’il ne serait pas opportun d’envisager une modification de la loi spé-ciale de réforme institutionnelles du 8 août 1980, « afin d’y inscrire la réglementation dudroit de réponse comme une exception explicite à la compétence des Communautés enmatière de radiodiffusion et de télévision » 39.

Seule une future saisine de la Cour d’arbitrage, soit sur la validité du décret fla-mand, soit une nouvelle fois, sur celle de la loi du 4 mars 1977, serait de nature à réglerdéfinitivement cette controverse.

35. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001. L’article 185 des décrets flamands est rédigé comme suit :« Sans préjudice de la faculté des parties de soumettre le litige à un organe sectoriel compétent, toutes contestations résul-tant du présent titre sont de la compétence exclusive du président du tribunal de première instance, siégeant comme enréféré. Le demandeur saisit le président du tribunal de première instance dans un délai d’un mois à compter de la dateà laquelle, conformément aux dispositions du présent décret, la réponse aurait dû être insérée ou de la date à laquellele refus d’insérer a été porté à la connaissance de la personne qui a signé la requête, la contre-proposition a été refuséeou dans le mois de la date à laquelle une insertion non conforme aux dispositions du présent décret a été insérée.Lorsque le président du tribunal de première instance ordonne l’insertion d’une réponse, il statue au fond et endernier ressort.Si à la date du jugement, la réponse n’a pas été insérée, le juge en ordonne l’insertion dans le délai et selon les moda-lités qu’il détermine, le cas échéant sous peine d’astreinte.Le président du tribunal de première instance peut faire droit aux suggestions des parties visant à adapter le contenude la réponse ».

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36. C.A., arrêt 14/91, 28 mai 1991 ; à propos de cet arrêt, voy. F. Jongen, « Contre toute attente… », note sousl’arrêt, J.L.M.B., 1991, pp. 1193 à 1195 et du même auteur : « Le droit de réponse dans l’audiovisuel : en routepour la Cour d’arbitrage », note sous Civ. Bruxelles, 12 janvier 1990 (il s’agit du jugement qui a posé la questionpréjudicielle à la Cour d’arbitrage à l’origine de l’arrêt du 28 mai 1991), J.L.M.B., 1990, pp. 429 à 431 et « Droitde réponse : en attendant… la Cour d’arbitrage », note sous civ. Nivelles (réf.), 30 octobre 1990, J.L.M.B., 1991,pp. 671 et 672.37. Sur les arguments qui peuvent être développés en faveur de la compétence du législateur fédéral, voyez Doc.parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001 et 0816/001, pp. 4 à 8 et Doc. parl., Chambre, S.O. 2000-2001, 0815/002.38. F. Jongen, « L’indispensable réforme… », op. cit., p. 168. Voy également, du même auteur : « Modificationsdans l’audiovisuel flamand », J.T., 2004, p. 498 ; D. Voorhoof, Handboeck…, pp. 175 et 176.39. F. Jongen, « L’indispensable réforme.. », op. cit., pp. 168 et 170.

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C. Présentation descriptive de l’action « comme en référé » prévue à l’article 12 de la loi relative au droit de réponse

En matière audiovisuelle, la demande de diffusion d’une réponse doit être adressée parpli recommandé à l’organisme producteur de l’émission, au plus tard le trentième jourqui suit la date de l’émission 40.

L’organisme producteur peut accepter cette demande ainsi que le texte proposé.Dans ce cas, il devra diffuser la réponse « à l’occasion de la plus prochaine émission ou duplus prochain programme de la même série ou du même type, à l’heure la plus proche decelle où cette émission ou programme a eu lieu » 41.

L’organisme producteur peut également accepter la demande de réponse maispas le texte proposé. Dans ce cas, il doit soumettre au demandeur une contre-proposi-tion qui doit être communiquée par pli recommandé à celui-ci dans un délai de quatrejours ouvrables prenant cours le lendemain du jour de la réception de la demande dediffusion d’une réponse 42. Dans cette hypothèse, le demandeur peut soit accepter cettecontre-proposition, soit la refuser.

Enfin, l’organisme producteur peut refuser purement et simplement la demandede réponse. Dans ce cas, il doit en avertir le demandeur par lettre recommandée tou-jours dans le même délai de quatre jours ouvrables, prenant cours le lendemain de laréception de la demande 43.

En cas de refus de la demande de réponse ou en cas de refus de la contre-propositionformulée par l’organisme producteur ou encore « en cas d’absence » des formalités pré-vues à l’article 11, § 2, alinéa 1er et § 3 (en d’autres termes, en cas d’absence de réactionde l’organisme producteur à la demande de réponse), le demandeur peut introduire uneaction en justice dans un délai de quinze jours qui suit la notification du refus ou de lacontre-proposition (ou à partir de la date à laquelle le refus ou la contre-propositionaurait dû lui être notifié, dans l’hypothèse où sa demande n’a suscité aucune réactionde la part de l’organisme producteur).

Dans le même délai, le demandeur peut choisir de ne pas introduire directementune action contentieuse, mais bien de déposer une requête écrite en conciliation 44.L’article 12 de la loi relative au droit de réponse renvoie à cet égard expressément auxarticles 731 et suivants du Code judiciaire 45. L’article 12 précise que « cette requête pro-

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40. Loi du 23 juin 1961, art. 8.41. Loi du 23 juin 1961, art. 11, §1er.42. Loi du 23 juin 1961, art. 11, §2.43. Loi du 23 juin 1961, art. 11, § 3.

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44. Je pense pouvoir signaler que le recours à cette procédure préalable en conciliation est plus fréquent quene le pense la doctrine (not. F. Jongen, « L’intervention du juge dans l’exercice du droit de réponse », op. cit.,p. 283, n° 14). La pratique montre en effet que cette voie, qui reste certes minoritaire, garde les faveurs de cer-tains demandeurs avec parfois à la clé un procès-verbal de conciliation, même lorsque l’organisme producteuravait initialement opposé un refus pur et simple à la demande.45. Toutefois, en exigeant une requête écrite, la loi déroge au droit commun qui autorise une demande ver-bale en conciliation (art. 732 C. jud.).

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duit quant au délai de quinze jours les effets d’une citation à la condition que celle-ci soit don-née dans les quinze jours du procès-verbal constatant la non-conciliation des parties ». End’autres termes, si une requête en conciliation est introduite dans le délai de quinze joursvisé à l’article 12, alinéa 1er, le demandeur en droit de réponse disposera d’un nouveaudélai de quinze jours pour introduire une procédure contentieuse dans l’hypothèse où laconciliation n’aboutit pas (et ce à dater du procès-verbal de non conciliation).

Le président du tribunal, siégeant comme en référé, statue au fond et en dernier res-sort 46, sur l’obligation de l’organisme producteur de diffuser la réponse.

L’article 12, alinéa 5, précise que « l’ordonnance » 47 est notifiée aux parties parpli judiciaire 48. L’alinéa 4 du même article précise que lorsque « l’ordonnance » est ren-due par défaut, une opposition peut être formée « dans la quinzaine de la notification ».

Dans le cadre du présent recyclage, il m’a paru utile de consacrer ma contributionexclusivement aux questions de procédure que posent les dispositions législatives enmatière de droit de réponse dans l’audiovisuel. Je n’aborderai donc pas, ou que très inci-

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46. Voir infra, nos 51 à 63.47. Avec G. Closset-Marchal, je pense que « le terme ‘jugement’ […] paraît plus adéquat dans la mesure où ladécision est rendue au fond » (G. Closset-Marchal, « Eléments communs aux procédures comme en référés’ », inLe développement des procédures ‘comme en référé’, C.I.U.D.J., Kluwer/Bruylant, 1994, pp. 17 à 36, ici p. 32) ; dansle même sens voyez J. van Compernolle, « La rançon d’un succès : le développement des procédures ‘comme enréféré’ — conclusions générales », in Le développement des procédures ‘comme en référé’, op. cit., pp. 206 à 220,ici p. 218, n° 21 : « Bien que souvent qualifiée d’ordonnance par le législateur, la décision rendue par le présidentstatuant comme en référé est un véritable jugement » ; D. Van Gerven, « Le droit d’action en matière de protectionde l’environnement », J.T., 1993, p. 619, note (101).48. À titre d’exemples de la confusion qui règne quant à la qualification de la décision rendue en applicationde l’article 12 de la loi du 23 juin 1961, on peut relever que le président du tribunal de première instance deBruxelles a qualifié sa décision de « jugement » notamment dans les affaires suivantes : civ. Bruxelles (prés.),25 novembre 1994, inédit, RG 94/1559/C, Nicoletti/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 18 janvier 1995, inédit, RG94/15947/A, TCB/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.), 19 février 1996, inédit, RG 96/1266/A, Thorburn/RTL-TVI ; civ.Bruxelles (prés.), 19 février 1996, inédit, RG 96/1267/A, Thorburn/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 25 juin 1997,inédit, RG 97/4487/A, Plaquet/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F..Au contraire, la décision rendue est qualifiée « d’ordonnance » par la même juridiction, dans les cas suivants :civ. Bruxelles (prés.), 30 décembre 1992, inédit, RG 17/005/92, Van Den Eynden/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.),7 avril 1993, R.W., 1993-1994, p. 471 ; civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7322/A, Jacques/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7323/A, Sierra 21/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.),17 septembre 1996, inédit, RR 96/902/C, Eykerman/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 24 juin 1997 ; inédit, RR 97/433/C, Front National et cts/TéléBruxelles (on notera que dans son dispositif, le président persistant dans la con-fusion, précise qu’il statue « au provisoire » ; il faut sans doute y voir une erreur de plume provoquée par l’habi-tude — en ce sens, F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », J.L.M.B., 1999, pp. 900 et 901) ; civ. Bruxelles (réf.),10 septembre 1997, J.L.M.B., 10 septembre 1997, p. 893 (dans cette affaire également, le président précise, dansson dispositif, qu’il statue « au provisoire ») ; civ. Bruxelles (prés.), 7 mai 2002, inédit, RG 01/8720/A, Postal/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 4 mai 2001, J.L.M.B., 2004, p. 803 ; civ. Bruxelles (prés.), 3 juin 2004, A.&M., 2005,p. 84.

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demment 49, les questions de fond essentiellement relatives à la pertinence du texte dela réponse proposée, ni les conditions de forme que doit respecter la demande réponseelle-même, visées par les articles 8 et 9 de la loi du 23 juin 1961.

Le demandeur en droit de réponse sera toutefois particulièrement attentif à cesconditions, eu égard notamment au délai de prescription, extrêmement court, pourpouvoir introduire une demande en diffusion d’une réponse (trente jours à dater de ladiffusion de l’émission).

Il est utile de savoir que le non-respect des conditions de forme ou de fond de lademande de réponse, peut être soulevé par l’organisme producteur pour la première foisdans le cadre de la procédure judiciaire. En effet, si l’article 11, § 3, de la loi du 23 juin1961, précise que le refus d’une demande de diffusion d’une réponse doit être motivé, iln’est nullement précisé qu’en cas de procédure judiciaire, l’organisme producteur nepourrait pas soulever d’autres moyens de défense que ceux déduits de la motivation deson refus de diffusion de la réponse 50. Cette solution est logique puisqu’en réalité, ilapparaît d’une lecture combinée des articles 11 et 12 de la loi, que l’organisme produc-teur pourrait très bien décider de ne réserver aucune suite à la demande de réponse, atti-tude équivalente à un refus qui, par la force des choses, ne sera pas motivée.

Or, les conditions de forme prévues à l’article 8 de la loi relative au droit deréponse, sont prescrites à peine d’irrecevabilité de la demande de diffusion d’uneréponse. En cas de procédure judiciaire, si une seule de ces conditions n’est pas respec-tée, le président du tribunal ne pourra que constater l’irrecevabilité initiale de lademande de diffusion d’une réponse et en conséquence, le non fondement de l’actionjudiciaire visant à condamner l’organisme producteur à diffuser la dite réponse.

Et au moment où ce constat sera fait par le juge, le délai pour introduire undroit de réponse sera inévitablement dépassé, interdisant au demandeur de réintroduireune nouvelle demande, cette fois-ci correcte en la forme.

Une dernière remarque s’impose avant d’aborder les questions de procédures. C’est surla base de données factuelles manifestement incomplètes que certains ont pu prétendrequ’en matière de droit de réponse, « le juge est devenu un point de passage quasiobligé » 51. L’analyse statistique des demandes de diffusion d’une réponse, en tous casdans l’audiovisuel 52, montre que la grande majorité des demandes de réponses sont

49. Sous réserve de ce qui sera dit ci-dessous quant aux conditions dans lesquelles une demande de diffusiond’une réponse peut être formulée par l’avocat du demandeur (infra, nos 17 à 27) et de quelques considérationsquant aux délais applicables au cours de la phase précontentieuse (infra, nos 26 et s.).50. En ce sens (solution implicite) : civ. Bruxelles (prés.), 27 décembre 2001, inédite, Boscherini/R.T.B.F.

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51. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 279, n° 7.52. Certes, les chiffres dont je dispose ne concernent que la R.T.B.F.. Ils m’ont été aimablement communiquéspar le service juridique de celle-ci. Le lecteur en trouvera un tableau synthétique en annexe I à la présente note.Toutefois, comme le souligne à juste titre F. Jongen, en cette matière, ce sont surtout les chaînes publiques quialimentent le contentieux judiciaire (« L’intervention du juge… », op. cit., p. 279, n° 7).

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réglées sans l’intervention du juge. À mon sens, il s’agit donc d’un contentieux qui n’aconnu aucun développement exceptionnel ces dernières années 53 et qui reste éton-namment marginal, malgré les (prétendues) dérives dont il est de bon ton, de nos jours,d’accabler la presse.

Enfin, j’estime encore devoir avertir le lecteur qu’ayant, en ma qualité d’avocat,le plaisir de défendre depuis plusieurs années les intérêts d’un organisme producteurd’émissions de radio et de télévision, notamment pour le contentieux dit du « droit deréponse », les considérations qui suivent et qui se veulent les plus objectives possibles,sont tout autant le fruit des analyses d’un spécialiste de la procédure civile que desexpériences et des réflexions d’un praticien de la procédure « comme en référé » endroit de réponse.

Problèmes de procédure

A. La demande de réponse adressée par un avocat - Nécessité d’un mandat

Bien que cette question ne concerne pas strictement la procédure judiciaire en droit deréponse, puisqu’elle se situe dans la phase précontentieuse, il n’est pas sans intérêtd’attirer l’attention de l’avocat sur le fait que l’acte consistant à adresser à l’organismeproducteur une demande de diffusion d’une réponse ne relève pas de son mandat adlitem, qui ne vaut que pour la représentation en justice du client et qui est donc limitéeaux actes de procédure accomplis pendant l’instance 54.

Il convient donc que l’avocat qui adresse lui-même une demande de diffusiond’une réponse ait reçu de son client un mandat spécial à cette fin.

Par ailleurs l’article 8 de la loi relative au droit de réponse prévoit, à peined’irrecevabilité, que la demande de réponse doit être signée et doit, pour les personnesmorales ainsi que pour les associations de fait, indiquer « la qualité du signataire de lademande ».

53. Voir les chiffres repris en annexe I.

SECTION 2

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54. Sur l’étendue et les limites du mandat ad litem qui trouve son fondement légal dans l’article 440 al. 2, C.jud., voy. not. A. Braun et F. Moreau, R.P.D.B., V° « Avocat », complément VI, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 190 ;P. Lambert, Règles et usages de la profession d’avocat du Barreau de Bruxelles, Bruxelles, Nemesis, 2e éd., 1988,p. 313 ; D. Sterckx, « Le mandat procédural de l’avocat », J.T., 1997, pp. 412 et s. ; P. Corvilain et F. Glansdorff,« Mandat de l’avocat et apparence », Cah. dr. jud., 1993, pp. 84 et s.

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Qu’en est-il lorsque la demande est adressée à l’organisme producteur par l’avocat dudemandeur qui se contente de préciser qu’il intervient « en qualité de conseil » de celui-ci ?

Par jugement du 4 mai 2001 55, le président du tribunal de première instance deBruxelles a considéré que la demande en diffusion d’une réponse envoyée et signée uni-quement par l’avocat du demandeur en droit de réponse n’était pas recevable dès lorsqu’en l’espèce, l’avocat « se limite à dire être ’ le conseil ’ [de la demanderesse], ce quin’implique nullement l’existence d’un mandat spécifique pour signer la demande de droitde réponse, un conseil juridique n’étant en réalité qu’un intermédiaire de fait pour négocierou exprimer des arguments, mais jamais pour poser un acte juridique en droit ». Le tribu-nal précise que si une demande en droit de réponse peut être signée par un mandataireconventionnel, « encore faut-il que le mandataire conventionnel, signataire de lademande, invoque l’existence de ce mandat spécifique, pour que sa qualité soit valable-ment exprimée comme le requiert l’article 8 deuxième tiret [de la loi relative au droit deréponse] ». Partant « la demande de droit de réponse, signée par une personne, soit-elleavocat, qui n’indique pas sa qualité de mandataire [de la demanderesse] ni l’existence d’unmandat spécial pour introduire un droit de réponse, est irrecevable ».

Le tribunal précise par ailleurs que « la preuve d’un mandat spécial, produit ulté-rieurement dans le cadre des débats judiciaires, ne peut couvrir l’irrecevabilité initiale,pour défaut d’indication de la qualité du signataire ».

On relèvera qu’une décision qui semble aller en sens contraire, a été rendue par le tri-bunal correctionnel de Bruxelles, le 18 janvier 2000 56. En l’espèce, il s’agissait de lademande d’insertion d’une réponse dans un écrit périodique. L’avocat du demandeur eninsertion avait adressé lui-même la demande de réponse à l’éditeur de l’hebdomadairepar une lettre contenant l’indication suivante : « je vous écris en ma qualité de conseil de(…) ». L’éditeur avait refusé d’insérer la réponse en invoquant notamment l’absence designature du demandeur. Si le tribunal correctionnel a rejeté cet argument, c’est aumotif qu’en matière de presse écrite la loi n’exige pas, à l’inverse de la procédure enmatière audiovisuelle, que la demande de réponse soit signée par le demandeur ni, afortiori, qu’elle contienne la qualité précise du signataire de la demande. L’enseigne-ment de cette décision n’est donc pas transposable en matière audiovisuelle.

Par jugement du 27 décembre 2001, le président du tribunal de première instance deBruxelles a confirmé sa jurisprudence du 4 mai 2001, mais cette fois-ci dans une hypo-thèse ou la demande de diffusion d’une réponse était introduite par un particulier (etnon plus par une personne morale). La demande de réponse adressée et signée parl’avocat du demandeur est irrecevable s’il se contente de préciser qu’il intervient « en

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55. Civ. Bruxelles (prés.), 4 mai 2001, J.L.M.B., 2004, p. 803.

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56. Corr. Bruxelles, 18 janvier 2000, A.& M., 2000, p. 143.

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qualité de conseil » de son client, sans faire état de ce qu’il agit en vertu d’un mandatspécial. La demande de réponse adressée à l’organisme producteur étant irrecevable,l’action judiciaire doit être déclarée non fondée 57.

Notons qu’en France, la Cour de cassation a été amenée à trois reprises à se pencher surla question de la demande de réponse effectuée par un avocat pour le compte de sonclient.

La cour d’appel de Paris avait estimé que c’était à bon droit que le directeur dela publication n’avait pas fait droit à la demande de réponse dans la mesure où« l’exercice du droit de réponse de toute personne (…) lui est personnel, qu’elle est seulejuge de l’opportunité d’en user et (…) qu’elle seule peut requérir du directeur de publicationl’intervention d’une réponse à un article la mettant en cause ; que, si l’avocat est seul habi-lité à assister ou représenter une partie devant les juridictions et les organismes juridiction-nels de quelque nature que ce soit, et peut, de même, assister ou représenter autrui devantles administrations publiques, ce monopole a ses limites, et ne saurait s’étendre au-delà descas prévus par la loi (…), qu’un organisme de presse n’étant ni une juridiction, ni un orga-nisme juridictionnel, ni une administration publique, l’avocat ne peut prétendre à représen-ter sans pouvoir spécial, une partie exerçant un droit de réponse ».

Saisi d’un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation de France a, par un arrêtdu 9 mai 1990 58, rejeté le recours au motif qu’« aucune disposition de la loi du31 décembre 1971 59 n’autorise l’avocat à exercer, sans mandat spécial, le droit exception-nel et personnel accordé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 aux personnes mises encause dans un écrit périodique ».

Dans un second arrêt du 22 février 2000 60, la Cour de cassation de France fran-chit un pas supplémentaire. L’arrêt soumis à sa censure avait décidé que « si aucune dis-position de la loi du 31 décembre 1971 n’autorise l’avocat à exercer, sans mandat spécial,le droit exceptionnel et personnel accordé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1981 auxpersonnes mises en cause dans un écrit périodique, aucun texte n’exige que ledit mandatsoit joint à la demande d’exercice du droit de réponse ; qu’il suffit par conséquent, quel’avocat puisse en justifier ». Dans son pourvoi, le directeur de la publication concernéeinvoquait que, dès lors qu’un avocat ne peut adresser une réponse au nom de son clientque s’il peut justifier d’un mandat spécial, il s’en déduit que « ce mandat doit nécessaire-ment être transmis par l’avocat au directeur de la publication dans le même courrier quela réponse établie au nom de son client ». Faisant droit à cet argument, la Cour de cassa-tion a décidé que « le directeur de la publication n’est pas tenu d’insérer une réponse enapplication de l’article [13 de la loi du 29 juillet 1881] lorsqu’elle lui est demandée par un

57. Civ. Bruxelles (prés.), 27 décembre 2001, inédit, Boscherini/R.T.B.F.

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58. Cass. fr., ch. crim., 9 mai 1990, Bull. crim., 1990, n° 178, p. 453.59. Loi portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, organisant notamment la professiond’avocat en France.60. Cass. fr., ch. crim., 22 février 2000, Legipresse, 2000, III, p. 217 avec note de P. Ader, p. 218.

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avocat sans que celui-ci produise le mandat spécial qui lui a été remis à cet effet par lapersonne mise en cause ». La Cour de cassation de France poursuit ainsi : « en se conten-tant de constater que le mandat spécial avait été produit devant le premier juge et qu’ilétait ainsi établi que l’avocat en disposait bien lorsque le directeur de publication a reçu lademande, mais ‘sans constater que le mandat spécial dont disposait l’avocat avait été portéà la connaissance de la prévenue lors de la demande d’insertion’, la cour d’appel n’a pasdonné de base légale à sa décision ». En conséquence, le directeur de publication n’ayantpas été valablement saisi de la demande d’insertion d’une réponse, il ne pouvait pasêtre poursuivi du délit de refus d’insertion de réponse.

La Cour de cassation française a complété cette jurisprudence par un arrêt du14 décembre 2000 61, rendu cette fois-ci au civil. La Cour y confirme d’une part quel’avocat qui forme pour son client la demande d’insertion d’une réponse doit préciserqu’il agit en vertu d’un pouvoir spécial et qu’en outre, d’autre part, il doit joindre lapreuve de ce mandat spécial à son courrier.

B. L’introduction de l’action - Incidence de la tentative de conciliation

À défaut de disposition spécifique, l’action en justice en vue d’obtenir la condamnationde l’organisme producteur à diffuser une réponse dans l’audiovisuel doit être introduitepar citation. La référence à l’article 1035 du Code judiciaire, contenue dans l’article 12,alinéa 3, confirme sans la moindre hésitation possible cette règle 62.

La saisine du président du tribunal de première instance par requête contradic-toire ne sera donc pas valable 63. Le choix d’un tel acte introductif d’instance sera sanc-tionné par l’irrecevabilité de la demande dès lors qu’il contrevient à une règled’organisation judiciaire d’ordre public selon laquelle, sauf dérogation expresse prévuepar la loi, les actions en justice doivent être introduites par citation 64.

Saisi d’une demande de diffusion d’une réponse à l’encontre de la R.T.B.F., par requête— en l’espèce, il s’agissait d’une simple lettre adressée par le demandeur en droit deréponse au président du tribunal de première instance —, le tribunal a, par erreur, d’ini-

61. Cass. fr., 2e ch. civ., 14 décembre 2000, Legipresse, 2001, III, p. 34.

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62. En ce sens, G. Closset-Marchal, « Eléments communs aux procédures ‘comme en référés’ », op. cit., p. 27,n° 31.63. Si le projet de loi du 17 juillet 2000 relatif au droit de réponse et au droit d’information (Doc. parl., Chambre,S.O. 1999-2000, 0815/001) prévoyait l’introduction de la demande par voie de requête contradictoire (ce qui estparadoxal puisqu’en pratique cela aurait inévitablement pour effet de retarder la procédure — en ce sens : J. vanCompernolle, « La rançon d’un succès », op. cit., p. 217, n° 18), l’article 185 des décrets flamands relatifs à laradiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, bien que s’inspirant très largement du texte du pro-jet de loi, ne reprend pas cette possibilité d’introduire la demande par requête contradictoire.64. Cass., 27 mai 1994, Pas., I, 519 ; Cass., 30 octobre 1997, Pas., I, 1102.

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tiative inscrit cette requête « dans le registre des conciliations » et l’a traitée comme unedemande fondée sur l’article 12, alinéa 2, de la loi du 23 juin 1961 relative au droit deréponse, c’est-à-dire comme une demande en conciliation (qui peut être suivie d’uneaction au fond en cas d’échec). La lecture de la « requête » faisait toutefois apparaîtrequ’il n’y était nullement demandé l’intervention du juge dans le cadre de la procédureen conciliation, mais bien la condamnation de l’organisme producteur à diffuser laréponse sollicitée, ce que le requérant confirma lors de la séance en conciliation.

Constatant cette erreur, le président du tribunal de première instance de Bruxel-les a dû, à l’issue de l’audience de conciliation, réserver un sort à la requête. Par ordon-nance du 8 avril 2005 65, après avoir relevé que « lors de l’audience de conciliation, il aété souligné qu’un problème de recevabilité ne manquerait pas de se poser si l’affairedevait être traitée au fond, la demande comme en référé devant être introduite par citationet non par requête », le président du tribunal se contenta de renvoyer l’affaire au rôle,laissant aux parties le soin de « prendre telle initiative qu’elles jugeront appropriée si ellescroient devoir plaider le fond du dossier ». Convaincu de son erreur et de l’impossibilitéde corriger celle-ci (le délai de quinze jour pour saisir le tribunal étant largementdépassé), le demandeur en droit de réponse renonça à poursuivre son action.

Le président du tribunal de première instance de Bruxelles avait déjà eu l’occasion derappeler la règle selon laquelle la demande en droit de réponse devait être introduiteexclusivement par citation, dans une affaire ayant donné lieu, cette fois-ci, à une vérita-ble procédure préalable en conciliation.

À l’issue de la procédure en conciliation qui n’avait pas abouti et qui avait doncdonné lieu à un procès-verbal de non-conciliation, le demandeur en droit de réponseavait fait inscrire par le greffe sa demande en diffusion, au rôle général du tribunal, sursimple présentation du procès-verbal de non-conciliation. L’organisme producteur sou-leva une exception d’irrecevabilité pour violation des règles d’organisation judiciaire (leCode judiciaire ne reconnaissant pas la possibilité d’introduire une action par mise aurôle du procès-verbal de non conciliation). Le demandeur soutenait en réponse que lademande en conciliation produisait les mêmes effets que la citation et qu’en consé-quence, elle avait valablement saisi le président du tribunal siégeant comme en référéde la demande contentieuse en diffusion de la réponse.

Par jugement du 3 juin 2004 66, le président du tribunal de première instancerelève que « contrairement à ce qu’allègue le demandeur, il ne se déduit pas [du dernieralinéa de l’article 12 de la loi du 23 juin 1961] que la requête en conciliation produirait‘tous les effets d’une citation’ ; que le texte précise en effet uniquement que ce n’est que‘quant au délai de quinze jours’ que la requête produit les effets d’une citation et ce, à lacondition qu’une telle citation soit effectivement donnée dans les quinze jours du procès-verbal de non-conciliation ; qu’ainsi l’alinéa 2 de l’article 12 précité ne constitue pas unedérogation à l’article 700 du Code judiciaire mais prévoit seulement que la requête en con-

65. Civ. Bruxelles (prés.), 8 avril 2005, inédit, Grétry/R.T.B.F., Registre des conciliations n° 05/89/T.

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66. Civ. Bruxelles (prés.), 3 juin 2004, A.& M., 2004, p. 84.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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ciliation a, à l’instar de la citation, un effet interruptif de la prescription et ce, pour autantque les conditions à ladite disposition soient réunies ; qu’il n’appert en revanche pas de cesdispositions que le requérant serait, après le non-aboutissement de la phase gracieuse de laprocédure, exempté de l’obligation d’introduire la phase contentieuse de la procédure parune citation ou par un des modes introductifs d’instance visés à l’article 700 du Codejudiciaire ; que l’invitation faite par le demandeur au greffe d’enrôler l’affaire et de la fixerà une audience du président du tribunal siégeant en référés ne constitue pas un des modesprévus par ledit article 700 (…) ; qu’à tort, le demandeur soutient qu’un nouvel acte de sai-sine ne se justifierait pas dès lors que les objets de la requête en conciliation et ce nouvelacte seraient identiques ; que l’objet de la requête en conciliation était « de tenter de conci-lier les parties » alors que celui formulé actuellement devant le tribunal de céans par ledemandeur est d’ordonner à la défenderesse la diffusion du droit de réponse ».

On ne peut évidemment pas confondre la portée de la procédure gracieuse enconciliation qui constitue, de droit et en toute matière 67, un préalable laissé quant àson opportunité à l’appréciation des parties, avec la procédure contentieuse visant àobtenir la condamnation par le juge de la partie appelée à comparaître en justice.

La conséquence de cette erreur d’appréciation est évidemment grave puisque, eu égardau délai de prescription extrêmement court, il n’a plus été possible au demandeur decorriger le tir et de réintroduire une nouvelle action. Or, comme le souligne à juste titrele président du tribunal dans l’affaire précitée, « la violation de l’article 700 du Code judi-ciaire relevant de l’organisation judiciaire 68, les articles 860 à 867 du Code judiciaire netrouvent pas à s’appliquer 69 ; que le fait que les droits de la défense de la défenderessen’auraient pas été violés dès lors que celle-ci a comparu et a conclu ne justifie partant pasla recevabilité d’une action qui n’a pas été introduite par citation ; que la violation del’article 700 du Code judiciaire est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande ; que lademande du demandeur sera dès lors déclarée irrecevable ».

67. Pour autant que le litige oppose des parties capables de transiger et qu’il porte sur un objet susceptibled’être réglé par transaction.

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68. Le jugement cite Cass., 27 mai 1994, Pas., I, 519 et Cass., 30 octobre 1997, Pas., I, 1102.69. Le jugement cite G. de Leval, Eléments de procédure civile, Larcier, 2003, n° 61 et G. Closset-Marchal, « Lesexceptions de nullité, fin de non-recevoir et violation des règles touchant à l’organisation judiciaire », note sousCass., 24 mai 1994, R.C.J.B., 1995, p. 646, nos 8-9.

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C. L’impossible calcul des délais 70

La demande de diffusion d’une réponse doit être adressée à l’organisme producteur,par pli recommandé, au plus tard le trentième jour qui suit la date del’émission 71. Ce délai est prescrit à peine d’irrecevabilité de la demande 72. Il faut yvoir un délai de prescription préfix, et non un délai de procédure stricto sensu 73. Eneffet, la demande de diffusion d’une réponse est formulée dans une phaseprécontentieuse : aucune procédure judiciaire n’est encore introduite.

Il s’en déduit que les règles des articles 48 à 57 74 du Code judiciaire, et spéciale-ment celle de l’article 53 qui prévoit une prorogation du délai jusqu’au premier jourouvrable suivant, lorsqu’il se termine un samedi, un dimanche ou un jour férié, ne sontpas applicables au délai fixé par l’article 8 de la loi du 23 juin 1961 75.

On notera à cet égard que le projet de loi relatif au droit de réponse et au droitd’information du 17 juillet 2000 76, prévoyait le renversement de cette règle en sonarticle 14 : « sauf pour les délais prévus à l’article 8 77, la computation des délais prévusdans la présente loi est réalisée conformément aux articles 52, alinéa 1er, 53 et 54 du Codejudiciaire » 78.

70. « Si le législateur a prévu des délais précis dans lesquels le droit de réponse doit être exercé, c’est parce que l’écou-lement d’un laps de temps trop long entre l’émission comportant des propos contestés et la réponse diminue considé-rablement l’intérêt de celle-ci. L’exercice tardif d’un droit de réponse empièterait de façon déraisonnable sur lesémissions futures ; Il s’agit de trouver un équilibre entre les droits respectifs des parties (…). Cet équilibre a été fixé parle législateur, à travers une succession de délais à respecter par les parties respectives, enlevant de la sorte toute pos-sibilité au président du tribunal d’interpréter [au] cas d’espèce et de balancer les intérêts particuliers en présence » (Civ.Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur www.juridat.be).

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71. Loi du 23 juin 1961, art. 8, 1er tiret.72. Si à la suite d’un premier refus de l’organisme producteur, le demandeur adresse une seconde demandede réponse rédigée de façon telle à ce qu’elle réponde aux objections émises par l’organisme producteur pourrefuser la première demande, cette seconde demande devra elle-même être introduite dans le délai de trentejours après la date de l’émission sous peine d’être irrecevable (Civ. Bruxelles, réf, 8 septembre 2000, inédit, Four-naux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur www.juridat.be).73. Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible surwww.juridat.be.74. Qui constituent le chapitre VIII (« Délais ») de la première partie du Code judiciaire.75. F. Tulkens et M. Verdussen, op. cit, p. 91, qui insistent sur la « procédure extrajudiciaire, aux méandres fortcomplexes » qui se situe en amont de la saisine présidentielle.76. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, n° 50 0815/001.77. À ne pas confondre avec l’article 8 de la loi actuelle. Il s’agit dans le projet des délais dans lesquels doitintervenir « l’insertion de la réponse », dans l’hypothèse où elle est acceptée par l’organisme producteur.78. La même disposition est reprise dans la proposition de loi du 11 août 2003 (Doc. parl., Sénat, S.E. 2003,3-144/1), qui pour rappel exclut de son champ d’application le droit de réponse en matière audiovisuelle. Ainsi,si cette proposition devait connaître une suite, on risquerait de se retrouver dans une situation où les délais danslesquels la demande doit être introduite et dans lesquels il faut y répondre seraient soumis aux règles du Codejudiciaire pour les demandes de réponse dans la presse écrite et dans les médias issus de la société de l’informa-tion mais ne seraient pas applicables en matière audiovisuelle, sauf en région flamande (l’art. 191 des décretsrelatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnées le 4 mars 2005, reprenant presque à l’identique la textede l’article 15 de la proposition). On est loin de l’harmonisation tant souhaitée (voir supra, nos 5 et s.).

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Exemple I :Si l’émission litigieuse est diffusée le 5 mai 2006, le trentième jour qui suit la datede l’émission est le dimanche 4 juin. Le pli recommandé contenant la demande dediffusion d’une réponse doit en conséquence être impérativement remis aux servi-ces de la poste au plus tard le samedi 3 juin 79.

Si la demande et le texte de la réponse proposé sont « agréés » par l’organisme produc-teur, la loi ne précise pas dans quel délai celui-ci doit informer le demandeur de sonacceptation. Par contre, la loi précise dans quel délai la réponse doit être diffusée 80.

Par contre, s’il refuse la demande ou s’il accepte celle-ci dans son principe mais formuleune contre-proposition de texte, l’organisme producteur doit communiquer 81 saréponse 82, par pli recommandé, dans les quatre jours ouvrables prenant cours le lende-main de la réception de la demande.

Exemple II :Si la demande a été adressée par pli recommandé le 3 juin 2006, on peut raisonna-blement considérer qu’elle sera reçue par l’organisme producteur entre le lundi 5 etle mercredi 7 juin (personne ne pouvant déterminer avec une précision absolue letemps que mettront exactement les services de la poste pour acheminer le pli à sondestinataire). Admettons, pour les besoins de mon exemple, que le pli est présentépar la poste à l’organisme producteur le mardi 6 juin. L’organisme producteur doitcommuniquer sa réponse au demandeur, au plus tard le lundi 12 juin (dans lesquatre jours ouvrables prenant cours le lendemain de la réception de la demande).

79. Il est possible de connaître les bureaux de poste ouverts le samedi en effectuant une recherche sur le sitede La Poste (www.laposte.be).

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80. Loi du 23 juin 1961, art. 11, § 1er : « cette réponse est diffusée à l’occasion de la plus prochaine émission oudu plus prochain programme de la même série ou du même type, à l’heure la plus proche de celle où cette émissionou programme a eu lieu. Si la demande de réponse vise une édition périodique, le texte est inséré dans l’éditionsuivante. En cas de périodicité trop éloignée, le requérant peut demander la diffusion de sa réponse dans la plus pro-chaine émission ».

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81. À défaut d’autres précisions, il n’est pas possible de déterminer la raison d’être du choix par le législateurdes termes retenus. Il parle, s’agissant du demandeur, de l’obligation d’adresser sa demande (par pli recom-mandé), alors que l’organisme producteur doit, lui, communiquer sa réponse (toujours par recommandé). D’unpoint de vue purement procédural, adresser et communiquer ne sont évidemment pas synonymes (voy. not. J.Englebert, « Requiem pour l’article 745, alinéa 2, du Code judiciaire », note sous Cass., 9 décembre 2005, J.T.,2006, pp. 4 à 9, ici p. 8, n° 8 et H. Boularbah, « Vous communiquiez ? J’en suis fort aise. Eh bien ! Déposez etenvoyez à présent », note sous Cass., 9 décembre 2005, J.L.M.B., 2006, pp. 7 et s., ici p. 11, n° 9). Il me sembletoutefois qu’ici cette distinction n’est pas de mise. S’il fallait prendre en compte la date de la remise de la décisionde l’organisme producteur au demandeur (en d’autres termes, sa communication effective), cela ne laisseraitmatériellement quasi pas de temps à cet organisme pour prendre sa décision (vu le délai de quatre jours ouvra-bles). Il faut donc admettre que la réponse doit être adressée au demandeur dans le délai de quatre jours.82. Étrangement, F. Jongen parle d’un « accusé de réception » que devrait envoyer l’organisme producteur dansle délai de quatre jours, accusé de réception contenant sa contre-proposition ou son refus (F. Jongen,« L’intervention du juge… », op. cit., p. 282, n° 12). Ce terme, à mon sens inapproprié et non repris par la loi, nedoit pas être retenu. Il est de nature à créer d’inutiles confusions.

Les actions en cessation

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En cas de refus de l’organisme producteur, ou s’il n’est pas d’accord sur la contre-propo-sition, le demandeur peut, dans les quinze jours qui suivent la notification du refus oude la contre-proposition, saisir le président du tribunal (ou introduire une requête enconciliation).

Pour rappel, en cas d’action en justice, c’est la date de la signification de la cita-tion (pour autant qu’elle soit ensuite valablement mise au rôle) qui est à prendre enconsidération 83. En cas de demande en conciliation, ce sera la date de la remise de larequête au greffe 84.

La date de la notification du refus peut également faire l’objet d’une controverseselon qu’on lui applique mutadis mutandis 85 la jurisprudence de la Cour de cassationqui considère que la notification (au sens du Code judiciaire) a lieu au moment de laremise du pli judiciaire à la poste 86 ou la jurisprudence de la Cour d’arbitrage quiestime, au contraire, qu’en cas de notification, il faut prendre en compte la date de laréception du pli par son destinataire (en pratique il s’agit de la date de la présentationdu pli à son destinataire) 87. Le législateur a récemment tranché cette controverse en cequi concerne les notifications effectuées dans le cadre de procédures judiciaires, enfaveur de la solution de la réception 88.

Selon F. Jongen, dans le silence de la loi et de la jurisprudence, « la logique dutexte semble » imposer que l’on tienne compte de la date d’envoi du recommandé,« même s’il eut été plus logique de compter le délai à dater de la réception du courrierrecommandé » 89. Vu l’extrême brièveté du délai pour agir (quinze jours), la différenced’un (ou deux) jour(s), selon que l’on retienne l’une ou l’autre solution, peut avoir uneimportance capitale.

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83. Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102 (jurisprudence depuis lors constante).84. Pour rappel, par dérogation à l’article 732 du Code judiciaire, la demande en conciliation doit, en matièrede droit de réponse dans l’audiovisuel, obligatoirement être formulée par requête écrite (loi du 23 juin 1961,art. 12, al. 2).85. Ne s’agissant pas d’une notification judiciaire, rien ne permet de transposer purement et simplement cesrègles de procédure civile à la phase précontentieuse de demande de diffusion d’une réponse.86. Cass., 26 novembre 2004, J.T., 2005, p. 554, avec obs. de J.-F. van Drooghenbroeck.87. C.A., arrêt 170/2003, 17 décembre 2003, J.T., 2004, p. 46, et note de J.-Fr. van Drooghenbroeck,« Revirement spectaculaire : détermination de la date de la notification par application de la théorie de laréception ».88. L’article 2 de la loi du 13 décembre 2005 portant des dispositions diverses relatives aux délais, à la requêtecontradictoire et à la procédure en règlement collectif de dettes (entré en vigueur — en ce qui concerne l’art. 2 —le 1er janvier 2006), a introduit un article 53bis dans le Code judiciaire rédigé comme suit : « A l’égard du desti-nataire, et sauf si la loi en dispose autrement, les délais qui commencent à courir à partir d’une notification sur sup-port papier sont calculés depuis : 1° lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par courrierrecommandé avec accusé de réception, le premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au domicile du destina-taire, ou, le cas échéant, à sa résidence ou à son domicile élu ; 2° lorsque la notification est effectuée par pli recom-mandé ou par pli simple, depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où le pli a été remis aux services de la poste,sauf preuve contraire du destinataire ».89. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 282, n° 12.

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À défaut d’autres précisions, il sera prudent de prendre en compte le délai leplus court pour éviter toute discussion et tout risque de voir la demande être déclaréetardive et, partant, irrecevable.

Exemple III :La notification du refus (ou de la contre-proposition) étant, dans mon exemple,intervenue le 12 juin 2006, le délai pour saisir le président du tribunal expire lemardi 27 juin (15e jour qui suit la date de la notification), et ce même si le deman-deur n’a reçu effectivement la réponse de l’organisme producteur que le lende-main (au mieux) de l’envoi du pli recommandé (voire même plusieurs jours après).À nouveau, si le 15e jour devait être un samedi, un dimanche ou un jour férié, ilappartiendrait au demandeur de saisir le président le dernier jour utile, soit le der-nier jour ouvrable avant l’expiration du délai de 15 jours. Il n’y a pas en l’espèced’application possible de l’article 53 du Code judiciaire 90.

Plus délicate enfin est l’hypothèse où l’organisme producteur ne répond pas à lademande. Dans ce cas (« en cas d’absence des formalités prévues » à l’article 11, §§ 2 et3), l’action doit être introduite « dans les quinze jours à partir de la date à laquelle lerefus ou la contre-proposition de texte auraient dû être notifiés ». (loi du 23 juin 1961,art. 12, al. 1er).

Première constatation : le législateur ne parle plus de quinze jours qui suivent ladate à laquelle le refus aurait dû être notifié, mais bien de quinze jours à partir de cettedate. Le délai d’introduction de la demande est donc amputé d’un jour par rapport àl’hypothèse précédente.

Seconde constatation — et celle-ci est plus fondamentale encore — : cette date(date à laquelle le refus aurait dû être notifié) est en réalité inconnue du demandeurpuisque, sauf s’il a pris soin d’envoyer sa demande par pli recommandé avec accusé deréception, il ignore la date de la réception de sa demande par l’organisme producteur 91.Or, l’organisme producteur doit normalement répondre dans les quatre jours qui sui-vent la date de la réception de la demande.

Le demandeur sera prudent en considérant que la date de réception de sademande est la première date utile possible (à savoir le premier jour ouvrable qui suit lejour où il a envoyé sa demande), même si rien ne dit que c’est réellement à cette dateque sa demande a été réceptionnée.

90. S’agissant d’un délai de prescription, les articles 860 à 867 C. jud. ne sont évidemment pas applicables audélai de 15 jours visé à l’article 12 de la loi du 23 juin 1961. En ce sens : F. Jongen, « L’intervention du juge… »,op. cit., p. 281, n° 11 ; Civ. Bruxelles (réf.), 9 juin 1999, J.L.M.B., 2000, p. 1799 (somm.) et disponible in extensosur www.juridat.be ; Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponi-ble sur www.juridat.be.

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91. Il ne suffit donc pas simplement, comme le suggère F. Jongen (« L’intervention du juge… », op. cit., p. 282,n° 12), « d’additionner des jours ouvrables — quatre — et des jours francs — quinze ». Encore faut-il déterminerquand doit commencer le calcul des quatre jours ouvrables.

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Exemple IV :Dans mon exemple, la demande ayant été envoyée le samedi 3 juin, elle peut êtreprésumée reçue par l’organisme producteur le lundi 5 juin. Dans ce cas, la réponseaurait dû être notifiée le vendredi 9 juin. L’action doit alors être introduite au plustard le vendredi 23 juin 2006 (15 jours à partir du 9 juin).Alors qu’on a vu que si la réponse est effectivement réceptionnée le 6 juin, le délaide quatre jours ouvrables se termine le 12 juin, ce qui permet au demandeurd’introduire son action jusqu’au plus tard le 26 juin !

Enfin, on peut se demander quelle date doit être prise en compte lorsque l’organismeproducteur répond (soit refuse, soit formule une contre-proposition), mais sans respec-ter le délai de quatre jours ouvrables. Est-on dans ce cas dans la première hypothèsevisée par l’article 12, alinéa 1er, c’est-à-dire « l’absence des formalités » (qui ouvre undélai de quinze jours à partir de la date où le refus aurait dû être notifié 92) ou bienfaut-il considérer qu’à partir du moment où le demandeur en droit de réponse reçoit lanotification du refus (ou de la contre-proposition), il retombe dans la seconde hypo-thèse (quinze jours qui suivent la notification effective du refus) ? 93

Ces incertitudes malheureuses pourraient inciter les organismes producteurs àne pas répondre afin de ne pas prolonger, le cas échéant, le délai d’action du deman-deur, ou, au contraire, à répondre sciemment hors délai pour créer la confusion quant àla date de prise en compte du point de départ du délai 94.

Une chose semble certaine : l’absence de refus dans le délai légal de quatre joursn’implique nullement une acceptation de la demande dans le chef de l’organisme pro-ducteur 95.

En pratique, on constate que sans aucune intention malveillante, la réponse del’organisme producteur peut parfois être notifiée au-delà du délai légal 96 qui est, dans

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92. C’est en ce sens que se prononce le président du tribunal de première instance de Bruxelles : « Qu’il sembledonc qu’il faille assimiler le refus tardif à l’absence de refus » (Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992,p. 1245 et note P.H., « De l’amalgame portant atteinte à l’honneur », p. 1251.93. Si l’organisme producteur répond avant le dernier jour du délai de quatre jours, il me semble certain quele délai de quinze jours prend cours dès la notification de cette réponse (loi du 23 juin 1961, art. 12, al. 1er).94. F. Jongen estime que l’organisme producteur qui ne respecte pas le délai de quatre jours pour notifier saréponse ne pourrait pas invoquer son propre retard pour soutenir que la demande en justice introduite quinzejour après la notification — tardive — de la réponse, serait elle-même tardive (« L’intervention du juge… », op.cit., n° 13, pp. 282 et 283).95. Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1245.96. Voy. Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible surwww.juridat.be, qui relève que la demande a été reçue le 19 mai 2000 (vendredi) et que le refus n’a été notifiéau demandeur que le 26 mai (vendredi) — alors qu’il aurait dû être envoyé le 25 mai. En l’espèce, le tribunal seréfère à la date effective de la notification du refus (26 mai) et non à la date à laquelle la notification aurait dûintervenir (25 mai), comme point de départ du délai de 15 jours. Toutefois cette question n’a pas fait l’objet dedébats dès lors que dans les deux hypothèses la demande en justice (introduite le 13 juin) était tardive.

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certains cas, matériellement trop court pour permettre une prise de décision motivéequant à la demande de diffusion d’une réponse 97.

Si le législateur persiste dans son intention de réformer la législation en matière de droitde réponse, il serait sans doute souhaitable qu’il en profite pour apporter plus de sim-plicité et de cohérence en matière de délais 98.

D. La saisine, par erreur, du président siégeant « en référé » et non « comme en référé » — Conséquences

1. Position du problème

Il arrive, apparemment plus souvent qu’il ne le faudrait, qu’un plaideur, voulant saisirle juge d’une action au fond, introduise sa procédure devant le président du tribunal,

97. Ainsi, après que le pli recommandé contenant la réponse soit remis à l’organisme producteur, il fautencore qu’il parvienne au service juridique de celui-ci qui, en principe, contactera ensuite le responsable del’émission litigieuse afin de connaître son avis sur la demande, avant de rédiger un projet de réponse qui serasoumis à la signature de la personne habilitée à représenter l’organisme producteur à l’égard des tiers. Dans cer-tains cas, il n’est pas inimaginable de considérer qu’avant de répondre, l’organisme producteur estimera néces-saire de consulter son conseil. Il n’est dès lors pas déraisonnable de constater qu’une réponse motivée ne puissepas toujours intervenir dans le délai de quatre jours ouvrables.

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98. La lecture des propositions de loi, récemment déposées ou des dispositions insérées dans les décrets coor-donnés de la Région flamande, ne fait malheureusement pas apparaître un tel souci de cohérence ou de simpli-fication. Ainsi, les décrets flamands règlent comme suit la question des délais :« Art. 183. § 1er. L’insertion de la réponse a lieu au plus tard dans la première émission du programme après écoule-ment d’un délai de deux jours francs, non compris les dimanches ou jours fériés, prenant cours à la date à laquellela réponse est parvenue à une des personnes visées à l’article 180.Si, dans les quinze jours de la réception de la requête, aucune émission du programme n’est prévue, la réponse doitêtre diffusée, dans ce délai, à une heure d’émission accessible au public. (…).Art. 184. § 1er. Le refus d’accéder à la requête visant l’insertion gratuite d’une réponse doit être communiqué aurequérant par lettre recommandée à la poste, dans les quatre jours de la date à laquelle la réponse est parvenue àl’une des personnes visées à l’article 180, § 1er, et au plus tard le jour où l’insertion aurait dû avoir lieu conformémentà l’article 183. (…).§ 2. Dans le délai prévu au § 1er et selon les mêmes modalités, une contre-proposition de réponse peut être formuléepar une des personnes visées à l’article 180, § 1er. Si le requérant ne réagit pas dans les 15 jours de la contre-propo-sition, celle-ci est réputée acceptée. (…).Art. 185.(…) toutes contestations résultant du présent titre sont de la compétence exclusive du président du tribunalde première instance, siégeant comme en référé.Le demandeur saisit le président du tribunal de première instance dans un délai d’un mois à compter de la date àlaquelle, conformément aux dispositions du présent décret, la réponse aurait dû être insérée ou de la date à laquellele refus d’insérer a été porté à la connaissance de la personne qui a signé la requête, la contre-proposition a été refu-sée ou dans le mois de la date à laquelle une insertion non conforme aux dispositions du présent décret a été insérée.(…) ».Les articles 11 et 12 de la dernière proposition en date (Proposition de loi relative au droit de réponse et au droitd’information, Doc. parl., Sénat, S.E. 2003, 3-144/1), déposée au Sénat le 11 août 2003 par H. Vandenberghe,reprennent à peu de choses près, les mêmes règles que celles retenues par le texte flamand.

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siégeant en référé. Le fait est assez rare, mais pas inexistant, lorsque le siège normale-ment compétent pour connaître de la demande est une chambre « normale » du tribu-nal. On retiendra, pour l’anecdote, l’exemple de l’action en annulation d’une sentencearbitrale introduite, non pas comme le prévoit l’article 1704 du Code judiciaire « devantle tribunal de première instance », mais devant le président de ce tribunal, siégeant enréféré 99. Par contre, le fait est plus fréquent lorsqu’il s’agit de litiges relevant la compé-tence de pleine juridiction du président du tribunal de première instance.

En effet, à côté de sa compétence spéciale, permettant au président du tribunalde statuer au provisoire, en toute matière, lorsqu’il reconnaît l’urgence, compétence qu’ilexerce sous la dénomination de juge des référés, dès lors que l’article 584 du Code judi-ciaire nous précise que dans ce cas, il est saisi « par voie de référé », le président du tri-bunal est compétent, au fond cette fois-ci, dans le cadre d’une compétence de pleinejuridiction, pour connaître d’une multitude d’autres demandes, notamment — mais pasexclusivement — celles visées aux articles 585 à 587 100 du Code judiciaire. Dans cer-tains cas, le législateur précise que ces demandes au fond seront traitées (« introduites »et « instruites ») dans les formes du référé, c’est-à-dire qu’elles bénéficieront du traite-ment procédural plus rapide réservé aux actions en référé (délai de citation de deuxjours, mise en état accélérée, fixations à dates rapprochées, jugement exécutoire deplein droit, etc.) 101.

Les actions relevant de la compétence présidentielle de pleine juridiction quis’introduisent par requête unilatérale 102 ne posent, en pratique, pas de problème.N’étant pas traitées en audience publique, aucune confusion n’est possible avec la pro-cédure en référé. Il n’en va, par contre, pas de même pour les procédures contradictoi-res soumises au régime procédural du référé. En effet, au sein de la plupart destribunaux, le président du tribunal siège au cours d’une même audience, tant « enréféré » que « comme en référé ». En d’autres termes, sauf exception 103, au cours d’unemême audience, généralement appelée « l’audience des référés », le président siègeraselon les affaires qui lui sont soumises, au provisoire et sous le bénéfice de l’urgence, enréféré, mais également — accessoirement — au fond, comme en référé. Ce qui est évi-demment de nature à créer la confusion.

99. Cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, I, 1045 ; Civ. Bruxelles (réf.), 15 décembre 1995, inédit, Buy My Record/Verso, RR n° 95/1669/c.100. Voyez Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., pp. 145 et s.101. C’est ce que prévoit le second alinéa de l’art. 587 C. jud. On relèvera toutefois que la compétence du pré-sident du tribunal de première instance en matière de droit de réponse n’est pas visée par les art. 585 à 587 C.jud.102. Par ex. : la demande d’envoi en possession formée par le légataire universel, la demande d’exequaturd’une sentence arbitrale, etc.103. Une exception notoire est établie au sein du tribunal de commerce de Bruxelles dont le règlement prévoitd’une part des audience de référés, au cours desquelles le président du tribunal siège au provisoire et d’autrepart des audiences distinctes en cessation, où le président siège au fond.

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Ces erreurs d’aiguillage suscitent la controverse en doctrine quant aux consé-quences qu’il convient d’en tirer et donnent lieu, en jurisprudence, à des décisions ensens divers. Cette question concerne évidemment l’ensemble des procédures « commeen référé ». Toutefois, le contentieux du droit de réponse dans l’audiovisuel ayantdonné lieu à une jurisprudence relativement abondante à ce sujet, il m’a semblé néces-saire de faire ici le point sur cette controverse 104.

En pratique, plusieurs cas de figure se rencontrent. Le plus classique est celui de la cita-tion manifestement fondée sur l’article 12 de la loi relative au droit de réponse, par lebiais de laquelle le demandeur développe, sans invoquer une urgence particulière, desarguments au fond en vue d’obtenir une mesure définitive (et non provisoire) à l’encon-tre de l’organisme diffuseur de l’émission litigieuse, mais qui porte comme intitulé« citation en référé » au lieu de « citation comme en référé », et qui cite le défendeur àcomparaître devant le président du tribunal « siégeant en référé » et non devant lemême magistrat mais « siégeant comme en référé ».

Si le défendeur conteste la validité de la procédure, estimant qu’au sein du tri-bunal, ce n’est pas le bon juge qui a été saisi, le demandeur peut être tenté de soutenirqu’il s’agit d’une simple erreur matérielle, une erreur « de plume », et qu’il est en consé-quence évident que c’est le président siégeant comme en référé qui a été saisi de lacause (au fond) et non le juge des référés (au provisoire).

C’est en ce sens que le président du tribunal de première instance de Bruxelles atranché la question, dans un jugement du 10 septembre 1997 105 : « Que la seule erreurmatérielle commise par l’huissier de justice est d’avoir ajouté dans la citation ‘siégeant enréféré’ après avoir précisé que la partie défenderesse était citée à comparaître devant leprésident du tribunal, au lieu d’avoir précisé ‘siégeant selon les formes des référés’ ou‘comme en référé’ ; Que, compte tenu des éléments autres de la citation 106, la rédactionimprécise de l’huissier de justice ne peut avoir induit en erreur la partie défenderesse (…) ».

Cette façon de traiter la question n’est, à mon sens, pas satisfaisante. Le pro-blème qui se pose est en réalité un problème de saisine du tribunal. Ce n’est qu’en sou-levant un incident de répartition 107, conformément à l’article 88, § 2, du Code

104. Certains estimeront sans doute qu’il s’agit d’un problème mineur qui ne mériterait pas de susciter de tellescontroverses (F. Jongen parle d’une « erreur légère », « L’intervention du juge… », op. cit., p. 284). Touchant enréalité à la saisine du juge, qui relève de l’ordre public, il convient à mon sens, au contraire, de traiter cette ques-tion avec rigueur. La nature exacte de la décision rendue par le juge en dépend.

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105. Civ. Bruxelles (prés.), 10 septembre 1997, J.L.M.B., 1999, pp. 893 à 895.106. En l’espèce, le tribunal relevait que la partie demanderesse avait, sans équivoque, basé sa demande surl’article 12 de la loi relative au droit de réponse et que si elle avait été fixée à une audience « des référés », c’estau motif que le règlement du tribunal ne prévoit pas d’audience particulière pour les actions « comme en référé »(p. 894).107. On relèvera toutefois que dans l’affaire ayant donné lieu au jugement du 10 septembre 1997, le défen-deur n’avait pas soulevé un incident de répartition mais avait opposé une exception d’irrecevabilité de lademande.

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judiciaire 108, que ce problème pourra être résolu utilement et complètement. Pour desraisons que je ne m’explique pas, les présidents répugnent toutefois, dans leur grandemajorité, à traiter de cette façon le problème. Les voies qu’ils empruntent, pour tenterd’échapper à l’incident de répartition, me paraissent toutes critiquables et doivent êtrerejetées.

2. La saisine erronée du juge des référés constitue bien un incident de répartition

Quelques semaines après la décision précitée, le même problème se posa à nouveau auprésident du tribunal de première instance de Bruxelles. Cette fois-ci, la partie défende-resse souleva un incident de répartition.

À tort, à mon sens, le président estima, par une ordonnance du 2 octobre1997 109, qu’il n’y avait pas matière à incident de répartition au motif « qu’il ne s’agitpas d’un problème de répartition d’une affaire entre les sections, les chambres ou les jugesd’un même tribunal de première instance », puisque « dans les deux cas, c’est le présidentdu tribunal ou le juge qui le remplace qui doit connaître de l’affaire ».

Si ce dernier constat est formellement exact, le fait que ce soit le même magis-trat (en l’espèce le président du tribunal) qui connaît de la demande « en référé » ou dela demande « comme en référé », n’empêche pas que se pose effectivement un pro-blème de répartition entre deux juges d’un même tribunal : d’un côté, il s’agit du prési-dent siégeant dans le cadre de ses compétences de pleine juridiction, au fond ; del’autre, il s’agit du président siégeant au provisoire, « en référé », sous le bénéfice del’urgence.

Si c’est bien le même organe du tribunal (« le président »), c’est à des titres diffé-rents et en vertu de pouvoirs distincts qu’il peut connaître tantôt d’une action au fond,tantôt d’une action en référé.

Il a été jugé, à juste titre, que le juge des référés doit être considéré comme constituantune chambre du tribunal de première instance et, dès lors, que l’article 88, alinéa 2, duCode judiciaire lui était applicable 110.

108. Et non une exception d’incompétence qui ne pourrait concerner qu’un conflit de juridiction entre deuxtribunaux différents.

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109. Civ. Bruxelles (réf.), 2 octobre 1997, J.L.M.B., 1999, pp. 895 à 897.

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110. Civ. Arlon (réf.), 9 août 1988, J.L.M.B., 1989, p. 331 (somm.) ; civ. Bruxelles (réf.), 28 mars 2000, J.L.M.B.,2000, p. 1800 (somm.) ; civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RR n° 2001/1839/C, www.juridat.be : « Ildoit être admis que le juge des référés, comme tout siège du tribunal de première instance, doit appliquer les règlesdu renvoi lorsqu’il n’est pas compétent pour statuer sur une demande. Ce renvoi se fera sur base de l’article 660 duCode judiciaire si le juge compétent est extérieur au tribunal et sur base de l’article 88, § 2 du Code judiciaire, s’ils’agit d’un incident de répartition au sein du même tribunal ».

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A. Fettweis 111 explique d’ailleurs que l’article 88, § 2, du Code judiciaire a étéintroduit pour tenir compte, notamment, de l’hypothèse « où la compétence du présidentdu tribunal de première instance est contestée parce que la demande n’est pas urgente, ouparce qu’elle n’est pas susceptible de décision au provisoire alors que la juridiction compé-tente est un des autres sièges de son tribunal » 112. C’est également en ce sens que se pro-nonce G. de Leval 113, analysant les arrêts de la Cour de cassation du 11 mais 1990 : si« le demandeur n’invoque pas l’urgence tout en s’adressant au juge des référés. Il peuts’agir d’une erreur dans la désignation du magistrat compétent (…). Puisque l’urgencen’était pas alléguée et qu’il pouvait y avoir matière à renvoi, il faut en déduire que pouvaitsurgir un incident de compétence, voire même, au sein du tribunal, un incident de réparti-tion (…). Ainsi, une demande mal aiguillée en référé parce que l’urgence n’est pas invo-quée, peut-être réorientée suivant le droit commun des règles applicables en matièred’incident de répartition ou de compétence » 114.

3. Le juge des référés doit appliquer strictement l’article 88, §2, du Code judiciaire même si, dans les deux cas, la cause doit être distribuée au président du tribunal

S’il apparaît que c’est le juge des référés qui a été saisi de la demande 115 et que la causea été inscrite au rôle particulier des causes introduites en référé, mais qu’il ressort de

111. A. Fettweis, « Une disposition légale souvent méconnue : l’article 88, § 2, du Code judiciaire », in Mélangesen hommage au professeur Jean Baugniet, Fac. Droit U.L.B., 1976, pp. 263 et s., ici p. 268. L’auteur critiqued’ailleurs le fait que « dans un domaine particulier, celui des référés, il semble bien que les incidents de compétencesont toujours tranchés en faisant abstraction de l’existence de l’article 88, § 2 » (p. 275).112. En ce sens également, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., p. 72, n° 24.113. G. de Leval, « Le référé en droit judiciaire privé », Act. Dr., 1992, p. 870.114. Contra : P. Marchal, Les référés, Larcier, 1992, p. 53, qui estime que « c’est au juge des référés, et à lui seul,qu’il appartient de vérifier si l’urgence est alléguée, et par conséquent, de statuer sur le déclinatoire ». L’auteur préciseque cette solution se justifierait « par le caractère autonome de l’instance en référé, qui fait que les incidents de com-pétence se rattachant à cette instance ne peuvent être considérés et réglés comme les incidents de répartition visés àl’article 88, § 2 ». Étrangement, à l’appui de sa thèse, P. Marchal invoque l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai1990 (seconde espèce, Pas., 1990, I, 1050) qui vise un cas où le juge des référés ne reconnaît pas l’urgence de lademande alors que celle-ci était expressément invoquée en citation. Pour rappel, dans ce cas la Cour de cassationprécise que le juge est compétent pour connaître de la demande (puisque sa compétence se détermine en fonctionde l’objet de la demande tel que formulé dans l’acte introductif d’instance), mais qu’après avoir constaté quel’urgence invoquée n’existe pas, il doit déclarer la demande non fondée. Ce faisant, il épuise totalement sa juri-diction et il ne peut donc pas être question d’appliquer, dans ce cas, l’article 88, § 2, C. jud. Par contre, dans l’autrearrêt rendu le même jour par la Cour de cassation sur cette question (première espèce, Pas., 1990, I, 1045), la Courconstate que lorsque l’urgence n’est pas invoquée en citation, le juge des référés constatant l’absence d’urgencene peut pas déclarer la demande irrecevable ou non fondée et que ce faisant, il violerait l’article 9 C. jud. Il sedéduit de ce second arrêt de la Cour de cassation que, dans cette hypothèse, une exception d’incompétence ouun incident de répartition doit bien être soulevé. Plus étrangement encore, P. Marchal se réfère expressément àl’appui de sa position à l’enseignement précité de G. de Leval, qui va pourtant en sens contraire.

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115. C’est-à-dire que le défendeur a été cité à comparaître devant le président du tribunal siégeant en référéet non « comme en référé ».

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l’objet de la demande tel que libellé dans l’acte introductif d’instance que celle-ci neconstitue pas une demande en référé, au provisoire et sous le bénéfice de l’urgence,mais bien une demande au fond en exécution de l’article 12 de la loi relative au droitde réponse, et pour autant qu’un incident de répartition soit soulevé in limine litis parune des parties ou d’office par le juge à l’ouverture des débats, il appartiendra au jugedes référés de soumettre « le dossier au président du tribunal aux fins de décider s’il y alieu de modifier l’attribution de l’affaire ».

L’article 88, § 2, du Code judiciaire est une disposition d’ordre public 116. « Dèsqu’un incident de répartition est soulevé, quelle qu’en soit la nature, le renvoi du présidentest obligatoire » 117.

Contrairement à ce qui est souvent décidé 118, lorsqu’il reconnaît qu’il y a bien incidentde répartition, le juge des référés ne peut pas, motu proprio, par une seule et mêmedécision, qui serait nécessairement rendue en référé, se redistribuer la cause en sa qua-lité, non plus de juge des référés, mais de président du tribunal 119.

C’est ce qu’a très justement relevé le président du tribunal de première instancede Bruxelles, siégeant en référé, dans une ordonnance du 28 mars 2000 120. Bien queconstatant que certaines décisions « mettent en évidence le caractère paradoxal, sinonaberrant et en tout cas peu pragmatique ou efficace, d’une décision prononcée par le prési-dent du tribunal de première instance siégeant en référé qui renverrait, par application del’article 88, § 2, du Code judiciaire, au président du tribunal de première instance une cause

116. Bruxelles, 27 novembre 1974, R.W., 1974-1975, col. 2345 ; A. Fettweis, « Une disposition légale… », op.cit., p. 271.117. A. Fettweis, « Une disposition légale… », op. cit., p. 271.

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118. Civ. Bruxelles (prés.) 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897 ; civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RRn° 2001/1839/C, www.juridat.be. Dans cette dernière décision, par un lapsus, comme toujours révélateur, lemagistrat précise que « le juge des référés faisant fonction de président du tribunal, il est en outre lui-même compé-tent pour régler l’incident [de répartition] par une ordonnance basée sur l’article 88, § 2 du Code judiciaire ». Il mesemble abusif de prétendre que le juge des référés fait fonction de président du tribunal. C’est plus exactementle président du tribunal qui fait fonction de juge des référés. Le magistrat poursuit : « si le juge des référés peutrenvoyer une cause devant un juge du fond soit d’une autre chambre de son tribunal, soit d’un autre tribunal,lorsqu’il estime que la demande ne relève pas de sa compétence particulière au provisoire pour les causes urgentes,a fortiori, il doit pouvoir statuer lui-même comme juge du fond sur une cause erronément introduite au rôle particu-lier des référés, soit après avoir « régularisé » sa saisine par simple ordonnance fondée sur l’article 88 § 2 du Codejudiciaire, soit même directement sans une telle ordonnance, si l’incident n’est pas soulevé avant tout examen del’affaire ».119. En ce sens, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., p. 72, not. note (79) ; Si A. Fettweisadmet que le président ne doive pas « se renvoyer à lui-même » un dossier, c’est à condition qu’il s’agisse bien duprésident (et non d’un juge faisant fonction) qui siège à l’audience des référés (« éventualité fréquente dans lespetits tribunaux, plus rare dans ceux des grandes agglomérations »). Mais, même dans ce cas, précise l’auteur, « ilreste que le président doit postposer sa décision pour permettre aux parties de déposer dans les huit jours un mémoireau dossier de la procédure. Il faut aussi que le procureur du Roi fasse connaître son sentiment par écrit » (« Une dis-position légale… », op. cit., p. 279).120. Civ. Bruxelles (réf.), 28 mars 2000, inédit, RR 99/1805/C, disponible sur www.juridat.be.

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en vue de sa redistribution au président du tribunal de première instance siégeant commeen référé », la décision précise que « si la solution du règlement ‘immédiat’ de l’incident derépartition a le mérite évident d’être simple et rapide, elle ne peut en l’espèce êtreretenue ». Le magistrat relève en effet « que dès lors que la partie défenderesse soulèveavant tout autre moyen un incident de répartition, l’article 88, § 2, du Code judiciaire pré-voit que ‘la section, la chambre ou le juge soumet le dossier au président du tribunal auxfins de décider s’il y a lieu de modifier l’attribution de l’affaire’ ; que cette disposition necontient aucune exception au cas où un tel incident est soulevé devant le président du tri-bunal siégeant en référé ; qu’au surplus, le règlement d’un incident de répartition supposele respect de certaines formalités telles que l’information des parties par le greffier, la pos-sibilité pour celles-ci de déposer un mémoire, l’avis du procureur du Roi et la communica-tion de l’ordonnance au procureur général près de la cour d’appel ; que le règlement ‘direct’de l’incident de répartition ne permet pas l’accomplissement de ces formalités nullementaccessoires ». Le magistrat conclut que « le juge des référés, compétent pour statuer auprovisoire et en premier ressort dans les cas dont il reconnaît l’urgence ne pourrait valable-ment, sous le couvert du pragmatisme, se transformer par simple ordonnance de référé enjuge de pleine juridiction définitive, c’est-à-dire statuant au fond et en dernier ressort ».

Par cette décision, le président du tribunal de première instance de Bruxelles sié-geant en référé soumet donc le dossier au président du tribunal en application del’article 88, § 2 121.

4. À défaut de régler l’incident de répartition, un problème de saisine se pose

Si le juge des référés estime qu’il n’y a pas matière à incident de répartition, un pro-blème de saisine persiste : « que la question qui se pose en réalité est une question d’éten-due de notre saisine : l’action est-elle fondée sur l’article 584 du Code judiciaire — auquelcas le président statue en premier ressort à condition qu’il reconnaisse l’urgence de lademande 122 — ou l’action est-elle fondée sur l’article 12 de la loi du 23 juin 1961 relative

121. De façon difficilement compréhensible, la décision rendue ensuite, sur la base de l’article 88, § 2, C. jud.(civ. Bruxelles (prés.), 3 mai 2000, inédit — ordonnance rendue en l’espèce par un autre magistrat que celui quiavait prononcé la décision du 28 mars 2000) va, sans la moindre motivation, estimer que « conformément àl’article 12 de la loi du 23 juin 1961 complétée par la loi du 4 mars 1977, c’est le président siégeant comme en référéqui connaît des demandes de diffusion d’un droit de réponse en matière audiovisuelle ; qu’en l’espèce, il ne s’agit dèslors pas d’un problème de distribution entre juge, chambre ou section d’un même tribunal comme le règle l’article 88,§ 2 du Code judiciaire, mais bien d’un problème de compétence ; qu’il appartient au juge saisi de statuer sur celle-ci », pour décider que « la cause restera attribuée au président siégeant en référé ». Le juge des référés, qui futressaisi de la demande en diffusion de droit de réponse après l’ordonnance de renvoi, ne put que constater sonincompétence rationae materiae pour connaître de la demande, sans toutefois pouvoir renvoyer la cause au jugecompétent puisque conformément au dernier alinéa de l’article 88, §2, C. jud., « la décision lie le juge auquel lademande est renvoyée » (civ. Bruxelles (réf.), 19 juin 2000, inédit).

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122. Et, quoique le juge ne le précise pas, son caractère provisoire.

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au droit de réponse — auquel cas le président du tribunal statue en dernierressort 123 » 124.

Plusieurs décisions, procédant à une analyse de la citation et de l’objet de lademande, estiment sur la base de ce constat, qu’en réalité la saisine du président s’estbien effectuée au fond, en vertu de la loi relative au droit de réponse, et qu’il n’y adonc pas matière à incident de répartition.

Cette façon de procéder pose néanmoins un autre problème : celui de la mise au rôle dela cause.

En effet, une particularité distingue les actions introduites au fond de cellesintroduites en référé. Toute action introduite au fond doit être inscrite au rôle généraldu tribunal (art. 711 C. jud.), alors que les actions en référé, sont inscrites dans un regis-tre particulier (art. 712 C. jud.). Outre cette distinction de rôle, les montants des droitsde greffe à payer au moment de la mise au rôle, diffèrent également : les actions enréféré, qui bénéficiaient jusqu’en 1994 d’une exemption totale, sont depuis lors soumi-ses à un tarif préférentiel.

Les actions introduites « par erreur » devant le président siégeant au provisoire,en référé et non devant le président siégeant au fond, comme en référé, sont très géné-ralement inscrites au rôle particulier des référés et seul le tarif réduit des droits degreffe est acquitté.

Or, les affaires introduites « comme en référé » doivent être inscrites au rôlegénéral.

Contrairement à ce qu’estime la jurisprudence, cette mise au rôle imparfaite a,sur la régularité de la procédure, des conséquence redoutables : la citation qui n’est pasvalablement mise au rôle général au plus tard la veille de l’audience est de nul effet.

Dans un arrêt du 14 septembre 1994, resté étonnamment inédit 125, la courd’appel de Bruxelles confirme que les demandes introduites comme en référé, « encessation », doivent bien être inscrites au rôle général : « qu’il ressort d’une lecture combi-née des articles 711 et 712 du Code judiciaire, que les demandes en référé et les demandessur requête sont inscrites à des rôles particuliers, tandis que les autres causes sont inscritesau rôle général ; que la demande en cessation n’est pas une demande en référé et n’est éga-lement pas une demande sur requête, mais constitue bel et bien une demande au fond 126

et elle doit dès lors être inscrite au rôle général ».

123. Et au fond.124. Civ. Bruxelles (réf.), 2 octobre 1997, J.L.M.B., 1999, p. 896 ; en ce sens également, civ. Bruxelles (réf.),11 janvier 2002, déjà cité, www.juridat.be.

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125. Cet arrêt faisant parfaitement le point sur ces questions, il m’a paru utile de le reproduire in extenso. Lelecteur trouvera en conséquence le texte de cet arrêt en annexe II à la présente note.126. L’arrêt cite un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 1978 (Pas., 1979, I, 460).

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Cet arrêt, notamment en ce qu’il affirme que les actions en cessation doiventêtre inscrites au rôle général, a fait l’objet de vives critiques de la part de J.-Fr. vanDrooghenbroeck 127, estimant que si la loi prévoit que ces causes sont introduites et ins-truites selon les formes du référé, elles doivent aussi être inscrites au rôle comme lesdemandes en référé.

Je ne partage pas cette analyse.

La façon dont une affaire est introduite et instruite en référé est réglée par les articles 1035à 1041 du Code judiciaire, qui constituent le Titre VI (du Livre II) du Code judiciaire, inti-tulé précisément « Introduction et instruction de la demande en référé ». Aucune de ces dis-positions n’évoque la question de la mise au rôle de la demande en référé.

Les formalités relatives à l’inscription au rôle des demandes sont exclusivementtraitées par les articles 711 à 717 du Code judiciaire, ainsi que par l’article 1060 en cequi concerne la procédure en appel. Il s’agit de dispositions d’ordre public puisque « latenue des rôles relève autant de la procédure civile que de l’organisation judiciaire » 128.

Toute cause introduite devant une juridiction est inscrite au rôle général decelle-ci à l’exclusion des demandes « en référé » et des demandes « sur requête », quisont inscrites sur des rôles particuliers 129. L’inscription d’une affaire au rôle particulierdes référés constitue donc une exception au principe général de l’inscription des causesau rôle général.

Chaque inscription au rôle général doit mentionner, notamment, le droit degreffe perçu au moment de l’inscription 130. Dans sa version originale, l’article 268, 1°,du Code des droits d’enregistrement ne soumettait au paiement d’un droit de greffe queles seules inscriptions portées au rôle général et au registre des requêtes. Aucun droit derôle n’était dû pour les demandes introduites en référé. Cette immunité fiscale desactions introduites en référé a été supprimée par l’article 7 de la loi programmedu 24 décembre 1993 131. L’article 10 de la même loi programme introduisantun article 269, 3°, dans le Code des droits d’enregistrement, a toutefois maintenu unrégime préférentiel pour les procédures en référé par rapport aux procédures introdui-tes au fond 132.

127. J.-Fr. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation, formée et instruite selon les formes duréféré : quand la mise au rôle appelle une mise au point… », R.D.C., 1995, pp. 272 à 279.

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128. Ch. Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, éd. Moniteur, 1966, p. 279.129. Article 712 C. jud.130. Article 711, 4°, C. jud.131. Qui a intégré les inscriptions au registre des demandes en référé dans l’article 268, 1° du Code des droitsd’enregistrement, d’hypothèque et de greffe.132. Le montant dû en référé était fixé à 2.500 francs au lieu de 3.000 francs pour les demandes inscrites aurôle général du tribunal de première instance et du tribunal de commerce. À dater du 1er janvier 1995, ces mon-tants ont été respectivement portés à 2.800 et 3.300 francs. En appel, le droit de rôle pour les affaires introduitesau fond est depuis le 1er janvier 1995 fixé à 7.500 francs. Il est réduit à 5.600 francs pour les appels introduitscontre les décisions rendues en référé.

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Il est unanimement admis que lorsque le juge des référés est saisi dans le cadred’une procédure « comme en référé », il est saisi au fond 133. Il est par ailleurs constantqu’à aucun moment le législateur n’a précisé, en instaurant les procédures « comme enréféré » — et l’occasion s’est présentée à de très nombreuses reprises — que les causesintroduites au fond mais bénéficiant des règles régissant l’introduction et l’instructionde la demande en référé, devaient être inscrites au registre particulier des référés et nonau rôle général. Au contraire, dans une circulaire ministérielle du 15 juin 1972 134, leministre des Finances invite les greffes à faire une application restrictive de l’exonéra-tion fiscale existant à l’époque en faveur des actions introduites en référé et préconiseen conséquence l’inscription des actions introduites « comme en référé » au rôle généralavec pour conséquence que le droit de greffe à acquitter est bien celui applicable auxactions introduites au fond.

Outre le fait que l’inscription au rôle particulier des référés est une exception àla règle de droit commun de l’inscription au rôle général, elle constitue également unedérogation fiscale au paiement des droits ‘pleins’ de mise au rôle. Dérogatoire au droitcommun fixé par une règle d’organisation judiciaire d’ordre public et à un régime fiscal,également d’ordre public, l’inscription au registre particulier des référés ne peut bénéfi-cier que d’une interprétation restrictive.

La demande en droit de réponse en audiovisuel, comme l’ensemble des actions en cessa-tion, n’étant pas introduite « en référé » au provisoire, mais « comme en référé » au fond,rien dans les textes légaux précités ne permet de soutenir que ces actions devraient êtreinscrites non pas au rôle général mais au registre particulier des demandes introduitesen référé.

Le fait que l’article 100 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du com-merce, par exemple, précise que l’action en cessation est « formée et instruite selon lesformes du référé » ne me semble pas justifier une solution contraire.

Selon G. Closset-Marchal, « le principe est que les actions sont formées selon lesformes du référé (article 100 L. 14 juillet 1991 ; 109 L. 12 juin 1991 ; 22, §1er L. 4 décembre1990 ; 8 L. 21 octobre 1992 et 3 L. 12 janvier 1993), application doit dès lors être faite desarticles 1035 et 1036 du Code judiciaire (…) » 135. L’auteur ne fait aucune référence auxarticles 711 et suivants du Code judiciaire.

Et même si l’on pouvait déduire le principe de l’inscription des actions en cessa-tion au rôle des référés d’une formulation générale telle qu’utilisée par les législationsprécitées, encore faudrait-il constater que cet argument de texte n’est pas transposableà l’action en droit de réponse. En effet, à l’inverse des textes cités ci-dessus, la loi du23 juin 1961 ne précise pas que la demande en droit de réponse serait introduite et ins-

133. Cass., 15 décembre 1978, Pas., 1979, I, 460 ; J. van Compernolle, « La rançon d’un succès… », op. cit.,p. 218, n° 21.134. Circulaire traitant de l’article 5 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968, Vade-mecum à l’usage des greffes,annexe relative à la perception des droits de greffe, p. 1/65-1/66, § 44.

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135. G. Closset-Marchal, « Eléments communs … », op. cit., p. 27 n° 31.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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truite selon les formes du référé, mais au contraire que « le président du tribunal de pre-mière instance, siégeant comme juge unique, statue au fond et en dernier ressort selon laprocédure prévue aux articles 1035, 1036, 1038 et 1041 du Code judiciaire » 136. Cetteénonciation limitative des articles applicables à la procédure en droit de réponse, exclutde façon explicite et certaine toute dérogation à l’article 711 du Code judiciaire.

En conséquence, les articles 716 et 717 du Code judiciaire sont applicables à la mise aurôle des causes introduites « comme en référés ». Le caractère objectivement urgent 137

de la demande en diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel (comme de l’ensemble desactions « comme en référé ») ne s’oppose pas cette solution. Le délai de citation réduit àdeux jours francs permet le respect de l’obligation d’inscrire la cause au rôle général auplus tard la veille de l’audience d’introduction. Et si une urgence particulière devait jus-tifier une abréviation du délai de citer, encore le demandeur pourrait-il bénéficier de ladérogation prévue à l’article 716, alinéa 3, du Code judiciaire, qui permet au présidentde la chambre saisie « d’autoriser l’inscription le jour de l’audience pour autant que cetteinscription soit demandée avant le début de l’audience » 138.

Il me semble dès lors tout à fait exagéré de prétendre que l’essence même desprocédures « comme en référé » serait menacée par l’exigence d’une inscription de lacause au rôle général, conforme aux articles 711 et 716 du Code judiciaire 139. On relè-vera par ailleurs « qu’en pratique, les actions comme en référé ne sont pas inscrites au rôleparticulier des référés, mais bien au rôle général et donnent lieu à la perception du droit demise au rôle ‘plein’, sans bénéficier du régime de faveur prévu pour les actions ordinairesen référé » 140, sans que cela ne semble nullement perturber exagérément le contentieux« comme en référé ».

Dès lors qu’il est acquis que la demande en diffusion d’une réponse dans l’audio-visuel doit être inscrite au rôle général, il convient d’apprécier l’incidence de cette exi-gence sur l’erreur de saisine décrite ci-dessus.

5. La non inscription de la cause au rôle général empêche la saisine du juge — La citation est de nul effet

Confronté à des inscriptions de la cause au mauvais rôle avec en conséquence un paie-ment incomplet des droits de greffe, le président du tribunal de première instance deBruxelles s’est montré aussi hésitant pour régler cette question que sur la façon qu’ilconvenait de trancher l’incident de répartition.

136. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 3.

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137. J.-Fr. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation… », op. cit., p. 276.138. Selon Ch. Dalcq, « il nous semble que l’urgence pourrait, selon les cas, constituer un tel motif, particulièrementlorsque la procédure a été précédée d’une ordonnance abréviative de délai de citation », « Les actions ‘comme enréférés’ », op. cit., p. 176.139. Contra : J.-F. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation… », op. cit., p. 273.140. Ch. Dalcq, op. cit., p. 176 ; en ce sens, Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897 ; Comm.Namur, 30 septembre 1998, J.T., p. 139.

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Les actions en cessation

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Dans sa décision, déjà citée, du 2 octobre 1997 141, le président du tribunal depremière instance de Bruxelles relève, après avoir décidé que sa saisine était bien inter-venue au fond, qu’il y avait lieu, « dans le chef de la demanderesse, de régulariser le droitde rôle, un montant insuffisant lui ayant été réclamé par le greffe » 142. Étrangement, ceconstat étant fait, le juge ne sursoit pas à statuer avant que la régularisation n’inter-vienne. En outre, il ne tire aucune conséquence de ce constat dans son dispositif. End’autres termes, il ne condamne pas le demandeur à régulariser le paiement des droitsde rôle. Je vois d’ailleurs mal qui aurait pu poursuivre l’exécution forcée du jugementsur ce point si d’aventure le demandeur ne procédait pas volontairement, après le pro-noncé du jugement, à la régularisation de ces droits.

Dans son jugement, déjà cité, du 27 avril 1999 143, le président du tribunal depremière instance de Bruxelles, après avoir estimé qu’il pouvait régler motu propriol’incident de répartition 144, considère qu’il convient toutefois de vérifier si la cause aété inscrite au rôle particulier des référés ou au rôle général, tout en précisant que « sil’inscription de la cause au rôle particulier des référés n’a aucune incidence sur l’organisa-tion du service, dans la mesure où de toute façon elle sera inscrite au rôle d’une audiencedes référés, elle a, par contre, fait l’objet vraisemblablement d’une perception irrégulièredes droits fiscaux ». Après avoir relevé que « cette matière est d’ordre public », le prési-dent estime qu’il lui incombe « de vérifier la régularité du paiement des droits » et « le caséchéant, [d’]en prescrire la régularisation » pour en déduire que « le paiement des droitsexigibles permettra la régularisation de l’inscription de la cause au rôle général ».

En conséquence, le président sursoit à statuer et invite le demandeur à« acquitter les droits de greffe correspondant à une action au fond, introduite et traitéeselon les formes du référé, et à faire inscrire la cause au rôle général » et « à solliciterensuite fixation de la cause à une audience des référés » 145.

141. Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 895.142. Faire supporter l’erreur par le greffe est surprenant. À partir du moment où le demandeur sollicite la miseau rôle au registre des référés, le greffe ne peut évidemment pas exiger le paiement des droits ‘pleins’.143. Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897.144. Voir supra, n° 37.145. La cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 7 janvier 2003 (inédit, rôle général 2002/KR/202, reproduiten sommaire sur www.juridat.be), estime quant à elle, que « le fait que le greffier ait attribué à la cause un numérode rôle désignant les affaires en référé et n’ait perçu que des droits de greffe correspondant à un enrôlement enréféré et non comme en référé, n’est pas davantage pertinent, les demandeurs n’étant pas responsables des éventuel-les erreurs commises par le greffe à cet égard ». L’erreur, habituellement reprochée à l’huissier, est ici imputée augreffe. Je peux difficilement suivre cette décision dans la mesure où le dernier alinéa de l’article 716 du Codejudiciaire, précise expressément que « l’inscription [au rôle] est faite à la requête de l’huissier de justice instrumen-tant, des parties intéressées, de leur avocat, ou d’un porteur de pouvoir ». Le greffier n’a évidemment aucune ini-tiative à prendre. Il ne peut que procéder à l’inscription qui lui est demandée, étant entendu qu’il devra réclamerles droits de mise au rôle correspondant à l’inscription sollicitée par la personne qui demande l’inscription.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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Ces décisions oublient manifestement que, conformément au prescrit des articles 716du Code judiciaire, la mise au rôle général doit intervenir au plus tard la vielle del’audience ou le jour même de l’audience, mais avant le début de celle-ci, lorsque lejuge l’autorise pour de justes motifs. Toute régularisation autorisée après l’audienced’introduction est manifestement tardive.

La sanction de la non inscription de la cause au rôle général dans le délai légal n’est pas,contrairement à ce que relève généralement la doctrine, la nullité de la citation 146.L’article 717 du Code judiciaire ne dispose en effet pas que la citation non inscrite aurôle général dans le délai fixé serait nulle en la forme, mais bien qu’elle est de « nuleffet », ce qui signifie en réalité qu’elle ne saisit pas valablement le juge.

Dans son arrêt du 3 octobre 1997 147, la Cour de cassation a clairement distinguéla sanction prévue à l’article 717 du Code judiciaire de la théorie des nullités, régie parles articles 860 à 867 du même Code 148.

La première branche du moyen 149 soutenait que l’arrêt attaqué, en décidantque l’appel n’avait pas été inscrit dans le délai légal au rôle général, parce que le droitde greffe n’avait pas été versé entre les mains du greffier dans ce délai, avait ajouté auxarticles 711, 716 et 1060 du Code judiciaire une condition que ces dispositions ne con-tiennent pas et avait, en conséquence, prononcé une nullité qui n’est pas formellementprévue par la loi.

À cette branche du moyen, la Cour de cassation répond très sobrement « qu’ilrésulte de ces dispositions légales 150 que l’appelant devait, avant l’échéance du délai indi-qué dans son acte d’appel ou avant la date de comparution, faire les démarches nécessai-res pour faire inscrire régulièrement la cause au rôle général, ce qui implique le paiementdes droits » et « que l’arrêt, qui constate que l’appelant n’a pas effectué le paiement entemps utile, décide légalement que l’appel est de nul effet 151 ».

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146. Not. J.-F. van Drooghenbroeck, « L’inscription des actions en cessation »…, op. cit., p. 272. Voy. toutefoisles précisions apportées par l’auteur en notes (10) et (16), p. 274.147. Cass., 3 octobre 1997, Pas., I, 383.148. Contra, à mon sens à tort : H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., n° 22, p. 71.149. Qui invoquait expressément une violation, notamment, des articles 716, 717 et 860 à 862 du Code judi-ciaire.150. Les articles 1060 et 711, 4°, du Code judiciaire et l’article 15 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968 relatifà l’exécution du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe et à la tenue des registres dans lesgreffes des cours et tribunaux.151. C’est moi qui souligne.

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La sanction n’est pas la nullité de la citation (ou en l’espèce de l’acte d’appel)mais le fait qu’à défaut de mise au rôle valable, cet acte n’aura pas d’effet. Il ne pourradonc pas valablement saisir le juge.

Devant la cour d’appel, la demanderesse en cassation avait aussi invoqué lebénéfice de l’article 861 du Code judiciaire 152 et avait soutenu qu’« à supposer que l’ins-cription au rôle n’ait pas été effectuée dans le délai légal — quod non —, il n’en demeure-rait pas moins que cela n’a causé aucun préjudice [aux intimées], puisque celles-ci ont bieneu connaissance de l’appel interjeté dans le délai légal par [l’appelante], ont été informéesdu numéro de rôle donné par le greffe de la cour d’appel de Bruxelles à cette cause et,enfin, ont conclu au fond et versé leurs conclusions au dossier de la procédure ouvert par legreffe » et que « s’il est exact [...] que les articles 717 et 1060 du Code judiciaire déclarent« de nul effet », et non pas « nul », l’acte introductif d’instance non inscrit au rôle dans ledélai qu’ils déterminent, il n’en reste pas moins que cette sanction s’analyse comme unenullité ».

La cour d’appel de Mons, dans l’arrêt attaqué, s’était contentée de répondre àcela qu’« aux termes de l’article 1060, l’appel est de nul effet et doit être considéré commenon avenu », écartant ainsi la théorie des nullité de cette question 153.

C’était très exactement ce qu’avait déjà décidé la cour d’appel de Bruxelles dansson arrêt précité du 14 septembre 1994 en décidant que « que l’article 717 Code judi-ciaire prescrit explicitement la sanction, à savoir que la citation n’est ‘d’aucune valeur’(‘gener waarde’), en d’autres termes, qu’elle ne peut pas remplir son rôle d’acte introductifde la cause, que le juge n’est pas saisi de façon régulière, qu’il n’est tout simplement passaisi » 154.

Or, il est de jurisprudence constante depuis l’arrêt de la Cour de cassation du1er octobre 1990 que lorsque « la cause est introduite par citation, le juge est saisi de lacause à la date de la signification de la citation, pour autant qu’elle ait été inscrite au rôlegénéral » 155. Si dans son premier arrêt, en 1990, la Cour se contente d’indiquer : « pourautant qu’elle ait été inscrite au rôle général pour l’audience 156 indiquée dans lacitation », dès son arrêt du 20 décembre 1991, elle précise que la cause doit bien

152. À cet effet, dans ses conclusions d’appel, l’appelante invoquait explicitement les arguments développéspar J.-Fr. van Drooghenbroeck dans sa notre précitée, « L’inscription de l’action en cessation », op. cit., p. 274,spécialement en note (16).153. L’arrêt n’est pas critiqué sur ce point par le pourvoi qui s’est contenté d’invoquer, dans sa troisième bran-che, que la cour d’appel n’avait pas répondu aux conclusions. Vu la réponse précitée de la cour d’appel, la Courde cassation estime que le moyen manque en fait.154. Traduction libre, voir infra, annexe II. C’est donc de façon imprécise que J.-Fr. van Drooghenbroeck indi-que, dans sa note précitée (« L’inscription de l’action en cessation », op. cit., p. 272), que dans cet arrêt la courd’appel de Bruxelles aurait « sanctionné de nullité la citation introduite sur la base de l’article 100 du 14 juillet1991 ».

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155. Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102.156. C’est moi qui souligne.

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être « inscrite au rôle général avant l’audience 157 pour laquelle la citation a étédonnée » 158.

La Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence dans son arrêt du 4 mars1994 : « lorsque la cause est introduite par citation, le juge est saisi de la cause à partir dela citation pour autant qu’elle ait été inscrite au rôle général antérieurement àl’audience 159 indiquée dans la citation ; attendu que lorsque, comme en l’espèce, l’arrêtconstate que la citation n’a pas été suivie d’une inscription de la cause au rôle général, lejuge n’est pas saisi 160 de la cause […] » 161. Cet arrêt confirme bien que l’on est ici faceà un problème de saisine du juge et non pas à un problème de nullité de l’exploit decitation en tant qu’acte de procédure.

La Cour de cassation a encore confirmé cette jurisprudence dans ses arrêts des31 octobre 1994 162, 9 décembre 1996 163 et 2 mai 2002 164.

Enfin, franchissant une étape supplémentaire dans son enseignement, la Cour a précisédans l’arrêt précité du 3 octobre 1997 165, qu’il résulte des articles 711 et 1060 du Codejudiciaire et de l’article 15 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968 relatif à l’exécutiondu Code des droits d’enregistrement que « l’appelant devait, avant l’échéance du délaiindiqué dans son acte d’appel ou avant la date de comparution, faire les démarches néces-saires pour faire inscrire régulièrement la cause au rôle général, ce qui implique le paie-ment des droits 166 ; attendu que l’arrêt qui constate que l’appelant n’a pas effectué lepaiement en temps utile, décide légalement que l’appel est de nul effet ».

157. C’est moi qui souligne.

158. Cass., 20 décembre 1991, Pas., 1992, I, 369. En l’espèce, le problème était de savoir si une requête en inter-vention volontaire déposée au greffe après la date de la signification de la citation introductive d’instance, maisavant sa mise au rôle, était ou non valable. La Cour de cassation relève qu’aucune disposition légale n’interditde déposer une requête en intervention volontaire au greffe de la juridiction désignée dans la citation postérieu-rement à la signification de l’exploit de citation et antérieurement à l’inscription de la cause au rôle général, maisprécise la cour « s’il ressort ultérieurement que, en violation de la disposition de l’article 716 du Code judiciaire, lacause n’a pas été inscrite au rôle au plus tard la veille du jour de l’audience [c’est moi qui souligne] pour laquellela citation a été donnée, que celle-ci est de nul effet [idem] en application de l’article 717 du code précité et que, enconséquence, la demande en intervention volontaire est aussi sans effet [idem] ».

159. C’est moi qui souligne.

160. C’est moi qui souligne.

161. Cass., 4 mars 1994, Pas., 1994, I, 227.

162. Cass., 31 octobre 1994, R.W., 1994-1995, p. 1277.

163. Cass., 9 décembre 1996, Pas., 1996, 493.

164. Cass., 2 mai 2002, C990518N, www.cass.be.

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165. Cass., 3 octobre 1997, Pas., 1997, I, 383.

166. C’est moi qui souligne.

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Il ressort de ce dernier arrêt que, pour être valablement accomplie, la mise aurôle implique nécessairement le paiement des droits de greffe. En d’autres termes, uneinscription d’une cause introduite au rôle général du tribunal de première instance nesera valablement effectuée que pour autant qu’elle intervienne au plus tard la vieille del’audience d’introduction (sous réserve de l’exception prévue par l’article 716 du Codejudiciaire) et à condition que les droits de mise au rôle aient été valablement payés. Enl’espèce, il s’agit des droits « pleins ».

Cela signifie que si la demande en droit de réponse dans l’audiovisuel a étéintroduite par erreur en référé et inscrite au registre particulier des demandes en référéet non au rôle général, mais que le juge considère qu’il est bien saisi au fond dans lecadre de sa compétence de pleine juridiction, au vu de l’exposé de la demande tel qu’ilressort de l’acte introductif d’instance, le juge ne pourra pas inviter le demandeur àrégulariser la mise au rôle. Puisque, par la force des choses, cette régularisation, quinécessiterait, d’une part, une nouvelle inscription de la cause au rôle général du tribu-nal et, d’autre part, le paiement du complément des droits de greffes, n’interviendraque postérieurement à la date de l’audience d’introduction.

Le juge ne pourra donc que constater, dans cette hypothèse, l’absence d’effet del’acte introductif sur sa saisine et, en conséquence, le caractère non avenu de lademande 167.

C’est donc en violation manifeste du prescrit des articles 716 et 717, tel que con-firmé par la Cour de cassation, que les présidents des tribunaux de première instanceautorisent les demandeurs à régulariser la procédure par le simple paiement du complé-ment des droits dus.

En réalité, seule une application stricte de l’article 88, § 2, du Code judiciaire permetd’éviter ce problème et d’échapper à la sanction.

Dans le jugement déjà cité du 11 janvier 2002 168, le juge des référés précise quenonobstant le pouvoir qu’il s’arroge de statuer lui-même sur l’incident de répartition,« la difficulté pour le juge des référés réside en ce qu’il ne pourrait, par le biais d’un tel ren-voi ou d’une telle régularisation, transformer une saisine ‘au provisoire pour une cause pré-tendument urgente’ en une saisine’ au fond’. La portée de la décision (ordonnance oujugement) est en effet radicalement différente ».

Ce point de vue ne me paraît pas fondé. La question de la saisine et, partant, dela mise au rôle de la cause ne se pose plus si le juge procède correctement à l’incidentde répartition puisque dans ce cas, après qu’il ait été saisi de l’incident par le juge desréférés, le président du tribunal ordonnera le renvoi de la cause au juge à qui elle auraitnormalement dû être distribuée, renvoi auquel il convient d’appliquer mutatis mutandis

167. Si l’on peut admettre, avec A. Fettweis (Manuel de procédure civile, 2e éd., 1987, p. 213) que la sanctionest sévère, c’est au législateur — et non au juge — de la modifier.

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168. Civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RR n° 2001/1839/C, www.juridat.be.

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la règle de l’article 662, alinéa 1er, du Code judiciaire qui précise qu’après renvoi aujuge, en cas d’incident de compétence, « la cause est inscrite d’office et sans frais au rôledu juge de renvoi » 169. Ce qui est de règle pour un problème de compétence entre plu-sieurs juridictions doit trouver à s’appliquer pour un problème de distribution au seind’une même juridiction 170.

Dans sa note d’observation déjà citée, F. Jongen ironise sur les retards qu’engendre untel incident de répartition 171. L’obligation de statuer « toutes affaires cessantes » ne dis-pense toutefois pas les cours et tribunaux d’appliquer les règles de procédure civile quirégissent l’introduction et l’instruction des causes, spécialement lorsqu’il s’agit, commeen l’espèce, de règles d’ordre public. Le retard dans le traitement de la demande deréponse, provoqué par un éventuel incident de répartition, ne résulte, il convient de lerappeler, que de « l’erreur » commise par le demandeur (ou ses mandataires : avocat ouhuissier) dans la détermination du juge saisi.

E. Le président statue en dernier ressort - Justifications - Critiques

Une autre particularité qui distingue l’action « comme en référé » en matière de droitde réponse dans l’audiovisuel, des autres procédures « comme en référé », est que ladécision du président est rendue en dernier ressort.

Si la loi a expressément exclu la possibilité d’interjeter appel 172, par contre, ladécision rendue par défaut est susceptible d’opposition. Toutefois, dérogeant encore audroit commun, celle-ci doit être formée « dans la quinzaine de la notification » de ladécision 173.

L’absence d’appel n’est nullement une caractéristique des procédures « comme enréféré ». Au contraire, « en règle générale, les décisions rendues en premier ressort dansune procédure « comme en référé » sont susceptibles d’appel et d’opposition suivant lesmêmes règles que les ordonnances de référé ordinaires » 174. La doctrine n’a relevé qu’un

169. En ce sens, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., n° 23, p. 72.

170. D’autant plus que le même problème de droits de greffe peut se poser en cas d’application de l’article 660C. jud. Par exemple, dans l’hypothèse où la cause a été initialement introduite devant le tribunal du travail (juri-diction devant laquelle aucun droit de greffe n’est dû) et est ensuite renvoyée, pour incompétence, devant letribunal de commerce, où le demandeur aurait dû, s’il avait saisi directement le juge compétent, payer un droitde rôle « plein ».

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171. F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », op. cit., p. 900.

51

172. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 3.

173. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 5.

52

174. Ch. Daclq, « Les actions ‘comme en référés’ », op. cit., p. 189.

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seul autre exemple de mesures prises « comme en référé » qui ne sont pas susceptiblesd’appel. Il s’agit des mesures visées à l’article 638 du Code des sociétés, dans le cadre desconflits opposants les actionnaires d’une société entre eux 175. Dans le cadre de la procé-dure en cession forcée d’actions pour juste motif 176, qui doit être introduite devant leprésident du tribunal de commerce siégeant comme en référé 177, il est prévu que dèsque la citation a été signifiée, le défendeur ne peut plus aliéner ses actions, sauf avecl’accord du juge. Cette « décision du juge » n’est susceptible d’aucun recours. Le jugepeut par ailleurs également ordonner la suspension des droits liés aux actions à transfé-rer. À nouveau, cette décision n’est susceptible d’aucun recours. On le voit, il s’agit demesures tout à fait particulières, prises en cours de procédure, et ne devant sortir leurseffets que jusqu’à l’issue de cette procédure.

La doctrine relève encore que le législateur aurait exclu, non pas l’appel mais lapossibilité de faire opposition, dans le cadre de la procédure comme en référé mise enplace par la loi du 12 janvier 1993 sur la protection de l’environnement. Cette absenced’opposition est toutefois controversée 178.

Mis à part ces exceptions très particulières, la législation en matière de droit de réponsedans l’audiovisuel semble bien être la seule à avoir exclu la possibilité d’introduire unappel contre la décision rendue par le président du tribunal.

On peut s’interroger sur la raison d’être de cette exclusion. On peut égalementse demander si elle n’est pas critiquable en raison de la discrimination qu’elle suscite,d’une part, au regard de la procédure prévue en matière de droit de réponse dans lapresse écrite, mais aussi, d’autre part, au regard des autres procédures « comme enréféré » prévues par la loi.

L’analyse des travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de la loi du 4 mars 1977introduisant le droit de réponse dans l’audiovisuel, fait apparaître que l’exclusion del’appel est apparue comme une évidence pour le législateur et n’a pas suscité de réeldébat.

Dans le rapport des Commissions réunies de la justice et des affaires culturelles,au Sénat, on constate que la possibilité d’un éventuel appel contre la décision du prési-dent du tribunal a été évoquée, pour être rejetée à l’unanimité, aux motifs « qu’en unetelle matière, urgente par nature, il n’y a pas lieu de laisser durer la procédure et, que l’ondoit faire confiance à ce haut magistrat » qu’est le président du tribunal de première ins-

175. Voy. P.A. Foriers, « Le référé en droit des sociétés et des offres publiques », in Le référé judiciaire, op. cit.,p. 233 ; Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référés’ », op. cit., p. 190.176. Code des sociétés, article 636.177. Code des sociétés, article 637.178. G. Closset-Marchal, « Eléments communs … », op. cit., p. 34, n° 57 ; D. Van Gerven, « Le droit d’action enmatière de protection de l’environnement », op. cit., p. 620, n° 32 ; Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référés’ »,op. cit., p. 189, n° 18.

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tance. Un commissaire précise par ailleurs que « si la procédure durait trop longtemps, laréponse perdrait de son efficacité (…) » 179.

On notera que l’absence d’appel est maintenue dans l’ensemble des projets etpropositions de lois qui ont été déposés depuis une dizaine d’années 180 en vue de réfor-mer le droit de réponse et notamment d’unifier la procédure applicable entre la presseécrite et la presse audiovisuelle. Toutefois, pas plus qu’à l’époque de la discussion de laloi de 1977, cette exclusion de l’appel n’est soutenue par une quelconque motivationparticulière. Mais on relèvera aussi que, tant l’article 15 du projet de loi relatif au droitde réponse et au droit d’information du 17 juillet 2000 181, que l’article 12, alinéa 3, de laproposition de loi relative au droit de réponse et au droit d’information du 11 août2003 182, et que l’article 185, alinéa 3, des décrets flamands relatifs à la radiodiffusionet à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, reprennent tous une rédaction sensible-ment différente de celle retenue par l’actuel article 12 de la loi du 23 juin 1961. Eneffet, ces articles précisent que « lorsque le président du tribunal de première instanceordonne l’insertion d’une réponse ou d’une information, il statue au fond et en dernierressort ». Ne faut-il dès lors pas en déduire que, lorsque le président du tribunaln’ordonne pas l’insertion d’une réponse et, en conséquence, déboute le demandeur, ilstatue en premier ressort et dans ce cas sa décision est susceptible d’appel ? 183.

L’exclusion de l’appel, qui semble ne susciter aucune interrogation en doctrine, nerepose sur aucune justification acceptable. Elle est, à mon sens, critiquable.

Selon F. Jongen, « cette règle importante déroge pour d’évidents impératifs d’effica-cité et de rapidité au principe du double degré de juridiction » 184. Le caractère urgent de lademande ainsi que la nécessité de ne pas « laisser durer la procédure » n’est évidemmentpas propre à la matière du droit de réponse et pourrait s’appliquer à toutes les procédu-res urgentes, qu’elles soient introduites dans le cadre du référé classique ou qu’ellessoient introduites « comme en référé ». Il n’est toutefois jamais venu à l’esprit du législa-teur de supprimer la voie de recours ordinaire qu’est l’appel pour l’ensemble de ces pro-cédures.

Par contre, pour tenir compte du caractère urgent des mesures sollicitées, lelégislateur a prévu, tant en ce qui concerne les ordonnances de référé 185, que les déci-sions rendues « comme en référé » 186, que l’exécution provisoire est de droit. Cette

179. Doc. parl., Sénat, 1975-1976, 876/2, p. 16.180. Voy. supra, nos 5 et s.181. Doc. parl., Chambre, S.O., 1999-2000, 0815/001, p. 43.182. Doc. parl., Sénat, S.E., 2003, n° 3-144/1, p. 15.183. Voir infra, n° 56, in fine.

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184. F. Jongen, « L’intervention du juge … », op. cit., p. 278, note (11).185. Article 1039, al. 2, C. jud.186. Ch. Dalcq, « Les procédures ‘comme en référés’ », op. cit., p. 185, n° 13 ; G. Closset-Marchal, « Elémentscommuns aux procédures … », op. cit., p. 32.

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même règle appliquée au droit de réponse dans l’audiovisuel, aurait donc permis derépondre aux préoccupations exprimées lors des travaux préparatoires de la loi du4 mars 1977, et d’obtenir tout aussi rapidement que dans les autres procédures« comme en référé » ou « en référé », une mesure exécutoire.

J’ai l’intime sentiment que c’est précisément le caractère provisoire de l’exécu-tion de la décision qui, inconsciemment, pose problème et qui a justifié l’exclusion del’appel. Ainsi, ce qui semble difficilement acceptable, c’est qu’un droit de réponseaccordé par le premier juge puisse être ultérieurement réformé en appel.

Ce problème est clairement apparu lorsque s’est posée, essentiellement pour les droitsde réponse dans la presse écrite 187, la question de savoir si le juge des référés pouvaitêtre saisi, en raison de l’urgence, pour ordonner — nécessairement au provisoire — à unorgane de presse de diffuser le texte d’une réponse. Si la condition de l’urgence n’a sus-cité aucun problème, par contre le caractère provisoire de la mesure a suscité d’impor-tantes controverses conduisant une partie de la doctrine et de la jurisprudence 188 àcontester le droit, pour le juge des référés, à intervenir dans ce domaine : « la solutionde la compétence du juge des référés pose peut-être plus nettement problème au regard dela condition du provisoire. Si une décision de référé ordonne l’insertion d’une réponse, ilsera impossible au tribunal de première instance de revenir sur cette décision quand il serasaisi du fond » 189. Pour éviter ce problème, selon F. Jongen, « la solution idéale, d’ailleursprônée par différents projets et propositions de lois actuellement pendants, résiderait dansl’extension de l’ensemble des formes de réponse de la procédure « comme en référé » aufond et en dernier ressort » 190.

On le voit ainsi clairement, la suppression de l’appel a pour but d’éviter la con-tradiction possible entre la décision du premier juge et la décision du juge d’appel(comme elle permettrait d’éviter la contradiction éventuelle, de même nature, entreune décision prise par le juge des référés, au provisoire, et une décision ultérieure prisepar le juge au fond).

C’est sans doute pour cela que les projets et propositions de lois, ainsi que lesdécrets flamands, précisent que la décision du juge siégeant « comme en référé » n’estpas susceptible d’appel que lorsqu’il ordonne l’insertion d’une réponse. En effet,lorsqu’il déboute le demandeur, une solution contraire rendue en appel, autorisantcette fois-ci la diffusion de la réponse, ne poserait évidemment aucun problème auregard de l’éventuelle exécution provisoire de la première décision, puisque précisé-ment le droit de réponse n’aurait, par hypothèse, pas été autorisé par le premier juge.

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187. Pour lesquels il n’est pas prévu de procédure « comme en référés », similaire à celle prévue pour l’audio-visuel.188. Voy. not. civ. Bruxelles (réf.), 13 novembre 1992, inédit, Technipress/Groupe Dupuis, cité par F. Jongen,« L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 294 ; civ. Namur (réf.), 28 mars 1997, inédit, cité par F. Jongen,ibidem, p. 293 et Liège, 5 juin 1997, inédit, cité par F. Jongen, ibidem, p. 293.189. F. Jongen, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 193, n° 30.190. F. Jongen, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 295.

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On peut toutefois se demander pourquoi, particulièrement en cette matière, l’exécutionprovisoire pose tant de problèmes. D’autant plus que cette question ne semblait pasavoir inquiété le législateur en 1961, lorsqu’il a voté la loi relative au droit de réponsedans la presse écrite. À l’époque, en effet, il avait expressément reconnu au tribunalcorrectionnel, moyennant une motivation spéciale, le droit de déclarer que la partie dujugement ordonnant l’insertion de la réponse serait exécutoire provisoirement nonobs-tant opposition ou appel 191. F. Jongen précise que « cette mesure vise à garantir la rapi-dité de l’insertion dès lors, qu’à la différence du président du tribunal de première instanceordonnant la diffusion d’une réponse audiovisuelle, le juge pénal ordonnant l’insertiond’une réponse écrite ne statue pas en dernier ressort » 192. Mais le même auteur est bienobligé de reconnaître qu’« une insertion d’une réponse assortie de l’exécution provisoire,telle que le tribunal correctionnel peut le prononcer aux termes de l’article 5 de la loi, peutavoir des conséquences tout aussi irréversibles que celui qui serait prononcé au provisoirepar le juge des référés, alors même qu’il n’est par essence pas définitif puisque toujours sus-ceptible d’être réformé en appel » 193.

Pour F. Jongen, « le problème tient moins au caractère provisoire de l’intervention du juge desréférés qu’à l’essence même d’un acte de publication d’une réponse » 194. Nous y voilà ! Ceserait l’essence même d’un acte de publication d’une réponse qui s’opposerait à ce qu’unetelle publication puisse être ordonnée au provisoire. Or, refuser l’exécution provisoire dela décision du président siégeant « comme en référé », en matière de droit de réponse,contreviendrait manifestement à l’objectif affiché du législateur de pouvoir offrir audemandeur une solution judiciaire rapide 195. La seule solution permettant de concilierl’exécution rapide de l’ordre de diffuser avec la nécessité de ne pas se retrouver, ultérieu-rement, face à une décision en sens contraire, était donc de permettre au juge de statuerau fond, dans les formes du référé tout en supprimant la possibilité de faire appel.

J’avoue que cette solution me laisse perplexe. D’une part, je ne partage pas totalementl’idée selon laquelle il serait inconcevable d’ordonner à un organe de presse de diffuserune réponse alors que cet ordre pourrait par la suite être réformé en appel. Je com-prends parfaitement qu’une fois le texte de la réponse diffusée, le mal est fait et que lavictoire en appel ne permettra pas d’effacer le droit de réponse qui aura été diffusédans le cadre de l’exécution provisoire de la première décision 196. Je partage le senti-

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191. Loi du 23 juin 1961, article 5, al. 3.192. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 289.193. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 294.

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194. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 295.195. Puisqu’il semble admis que toute diffusion d’une réponse — dans la presse écrite mais plus encore dansl’audiovisuel — dans un laps de temps trop éloigné des propos auxquels on entend apporter une rectification,perdrait sinon tout son sens, à tout le moins une grande partie de son efficacité.

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196. F. Jongen, « L’intervention du juge dans la procédure du droit de réponse », J.L.M.B., 1990, p. 422, n° 3. ;S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit, n° 865.

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ment qu’il ne s’agit pas d’une situation heureuse. Néanmoins, celui qui pratique leréféré n’ignore pas que des situations semblables se rencontrent en bien d’autres matiè-res, sans pour autant que l’on ait songé à supprimer la possibilité d’introduire un appel.

Et il me semblerait extrêmement dangereux de soutenir que la diffusion, à titreprovisoire, d’une réponse occasionnerait un préjudice irréparable aux organes depresse 197. Parce qu’a contrario, cela signifierait que toute mise en cause fautive d’unepersonne par la presse serait elle-même constitutive d’un préjudice irréparable. Or, c’estcette thèse que soutiennent les tenants d’une intervention préventive du juge (notam-ment des référés) pour censurer des émissions (ou des articles) qui mettraient, ou plusexactement qui risqueraient de mettre fautivement en cause telle ou telle autre per-sonne. Thèse à laquelle je me suis toujours opposé 198. Ce qui n’est pas irréparable pourles uns, ne peut pas l’être pour les autres.

D’autre part, la suppression de l’appel pour ce motif devrait, pour exactementles mêmes raisons, justifier la suppression de l’opposition.

En outre, il est surprenant de constater qu’aucune voix ne semble s’être jamaisélevée contre le fait qu’un juge puisse ordonner, que ce soit en référé ou au fond, enpremière instance et avec le bénéfice de l’exécution provisoire, la publication de toutou partie du jugement prononcé et ce, en vue de contribuer à l’ordre de cessation ou,selon les cas, à titre de mesure particulière de réparation du préjudice subi par ledemandeur 199. S’il n’est pas admissible qu’un organe de presse doive diffuser uneréponse sur ordre d’un juge, aux motifs que cet ordre pourrait être réformé en appel, ilne me paraît pas alors admissible que le même organe de presse puisse être condamné àdiffuser, en tout ou en extraits, une décision qui le condamne au fond, alors que cettepublication ainsi que le principe même de la responsabilité de l’organe de presse, pour-rait faire l’objet d’une décision en sens contraire en appel 200.

197. Seul la mesure causant un préjudice irréparable ne peut pas être ordonnée au provisoire par le juge desréférés. Voy. J. Englebert, « Le référé judiciaire… » op. cit., pp. 36 et s.198. Voy. Not. J. Englebert et B. Frydman, « Le contrôle judiciaire de la presse », A.&M., 2002, pp. 485 à 503.199. E. Montero et H. Jacquemin, « La responsabilité civile des médias — vol. 2 », Responsabilités — traité théo-rique et pratique, Titre II/livre 26bis, pp. 41 et s., soulignent que « d’ordinaire, les juges accèdent à pareilledemande », mais n’abordent pas le problème de l’éventuelle exécution provisoire d’une telle mesure de publicité.200. Voy. pour un exemple frappant : civ. Nivelles, 29 mars 1996, inédit, Moes et Cts./R.T.B.F. et Bruxelles,14 décembre 1998, inédit, R.T.B.F./Moes et Cts. Le tribunal de première instance de Nivelles, après avoir admis laresponsabilité de la R.T.B.F. à l’égard des demandeurs, membres d’une A.S.B.L. qui avait été présentée commeappartenant à la mouvance de l’Eglise de scientologie, et après avoir condamné celle-ci à leur payer le franc symbo-lique, condamna en outre la R.T.B.F. à diffuser in extenso, au cours d’une émission Au nom de la loi, le jugement deplus d’une dizaine de pages (« texte à l’écran avec une lecture soignée (…) sans commentaire et sous le titre ‘Réparationjudiciaire’ »). Le jugement était assorti de l’exécution provisoire et l’ordre de diffusion d’une importante astreinte,ayant contraint la R.T.B.F. à s’exécuter. Sur appel de la R.T.B.F., la cour d’appel de Bruxelles (14 décembre 1998,inédit, RG 1996/AR/1896), après avoir décidé qu’aucune faute ne pouvait, en l’espèce, être reprochée aux journa-listes de la R.T.B.F., réforma la décision du premier juge, ce qui n’eut évidemment pas pour effet d’effacer la dizainede minutes de lecture du jugement sur les ondes, intervenue plus de deux ans auparavant.

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Enfin, mon trouble s’accentue encore lorsque je constate qu’en matière de cessa-tion financière 201, le législateur a expressément prévu « que les mesures de publicité dujugement ordonné par le président ne peuvent être exécutées qu’au moment où la décisionqu’elle concerne n’est plus susceptible d’appel » 202.

Certes, en matière civile le double degré de juridiction n’est ni un principe constitution-nel, ni un principe général de droit, ni une garantie offerte par la Convention de sauve-garde des droits de l’homme. Le législateur est en conséquence libre de prévoir un degréunique de juridiction et ce, même si l’appel répond à un besoin social particulièrementimportant 203.

La Cour d’arbitrage a eu l’occasion de rappeler, à diverses reprises, qu’il n’existepas de principe général de droit assurant le double degré de juridiction.

La plupart de ses arrêts, rendus en matière de double degré de juridiction, por-tent sur des procédures fiscales 204. Dans chacun de ceux-ci, la Cour précise que « dèslors que les intéressés peuvent en tout état de cause introduire un recours administratif spé-cial et un recours juridictionnel et qu’il n’existe pas de principe de droit général relatif à undouble degré de juridiction, la mesure contestée n’a pas d’effet disproportionné ». Parailleurs, dans son arrêt du 18 avril 2001 205, relatif à l’intervention forcée en déclarationde jugement commun introduit pour la première fois en degré d’appel, la Cour justifiel’absence de second degré de juridiction pour l’intervenant par la nature purement con-servatoire de la procédure en déclaration de jugement commun. Toutefois, dans sonarrêt du 1er décembre 1993 206, la Cour énonce clairement que le double degré de juri-diction n’est pas un principe général de droit mais précise en même temps que lorsquele législateur reconnaît le droit de faire appel, il ne peut pas le faire de façon discrimi-natoire.

On peut légitimement s’interroger sur la réponse que donnerait la Cour d’arbitrage, siune cour d’appel, saisie d’un recours contre une décision rendue en dernier ressort parle président du tribunal de première instance, conformément à l’article 12 de la loi rela-tive au droit de réponse, avant de déclarer cet appel irrecevable, lui soumettait unequestion préjudicielle.

201. Article 221, § 4, al. 2 in fine de la loi du 4 décembre 1999 relative aux opérations financières et aux mar-chés financiers : « Le président peut ordonner que son jugement soit publié par la voie de journaux ou de toute autremanière, le tout aux frais du contrevenant. Ces mesures de publicité ne peuvent toutefois être ordonnées que si ellessont de nature à contribuer à la cessation du manquement incriminé ou de ses effets. Elles ne peuvent être exécutéesqu’au moment où la décision qu’elles concernent n’est plus susceptible d’appel ».202. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès … », op. cit., p. 219, n° 24.

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203. G. de Leval, Eléments de procédure civile, 2e éd., Larcier, 2005, p. 299.204. C.A., 9 octobre 2002 ; C.A., 13 novembre 2002 ; C.A., 24 septembre 2003.205. C.A., 18 avril 2001.206. C.A., arrêt 82/93, 1er décembre 1993, n° B.5.3.

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Si une différence de traitement n’est pas exclue, pour autant que le critère dedifférenciation soit susceptible de justification et soit raisonnable, la pertinence de cettejustification doit s’apprécier par rapport aux buts et aux effets de la norme considérée.Il doit par ailleurs exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyensemployés et le but visé 207.

On pourrait soutenir qu’il existe une éventuelle discrimination non justifiéeentre le droit de réponse dans l’audiovisuel, qui exclut la possibilité d’interjeter appelde la décision du juge siégeant comme en référé et le droit de réponse dans la presseécrite, où toutes les décisions sont susceptibles d’appel. Alors que dans les deux cas, unesolution rapide s’impose.

Une autre discrimination, non justifiée, pourrait résulter de la comparaisonentre la procédure « comme en référé » relative au droit de réponse dans l’audiovisuelet les autres procédures « comme en référé » dans les autres matières, pour lesquellesaucune restriction n’est prévue quant au droit de faire appel 208.

Le législateur a, par l’insertion des dispositions de la loi du 23 juin 1961 relative audroit de réponse dans l’audiovisuel, créé une différence de traitement entre deux caté-gories de personnes. D’une part, les personnes citées ou désignées dans la presse écriteet d’autre part, les personnes citées ou désignées dans la presse audiovisuelle.

Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer ci-dessus, le but poursuivi par le législa-teur en supprimant l’appel dans l’audiovisuel, est de permettre une solution rapide etdéfinitive des litiges. Il me semble qu’on peut légitimement se demander s’il existe unrapport de proportionnalité raisonnable entre ce but et l’interdiction de l’appel de ladécision rendue par le président siégeant « comme en référé ». De même, la différencede traitement entre la procédure « comme en référé » dans l’audiovisuel et les autresprocédures « comme en référé » me paraît difficilement justifiable.

Expliquant les raisons du succès des procédures « comme en référé », J. vanCompernolle écrit : « dans un certain nombre de contentieux mettant en cause des enjeuxéconomiques, sociaux ou individuels importants, la nécessité est ressentie de pourvoir, rapi-dement, à des situations conflictuelles par le prononcé de mesures diverses prenant le plussouvent la forme d’injonctions négatives ou positives susceptibles de mettre immédiatementfin à un comportement répréhensible, indépendamment de toute allocation de dommages etintérêts compensatoires d’un éventuel préjudice subi. Sous peine de n’être pas efficace, cesinjonctions ne s’accommodent pas de la lenteur d’une procédure ordinaire, civile ou pénale.Elles ne s’accommodent pas davantage du caractère provisoire d’une décision normale deréféré dont l’autorité ne peut assurer un règlement définitif du litige. Tout ceci converge versun juge — le président du tribunal — statuant au fond dans les formes du référé » 209.

207. M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel belge — Regard sur un système juridictionnel assez paradoxal ,Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 481.208. Voir supra, n° 52.

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209. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès … », op. cit., p. 209, n° 3.

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Comme on le voit, le but des actions « comme en référé » est le même, quelleque soit la matière concernée. Pour autant, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souli-gner, le législateur n’a pas cru nécessaire de supprimer la possibilité de l’appel, chaquefois qu’il instituait une procédure « comme en référé ».

J’estime que la solution la plus efficace serait de prévoir un système dans lequel la déci-sion du premier juge pourrait être déférée à la censure du juge d’appel avant qu’elle nesoit exécutée, en prévoyant une procédure réellement rapide en appel.

F. Le demandeur en droit de réponse dans l’audiovisuel peut-il saisir le juge des référés 210 ?

La doctrine et spécialement F. Jongen 211 a, à maintes reprises, eu l’occasion de soulignerà quel point l’obligation, inscrite dans l’article 18 de la loi relative au droit de réponse,faite au juge de statuer « toutes affaires cessantes » sur les actions exercées en vertu decette loi, se révélait souvent en pratique n’être qu’un vœu pieux tant il est vrai quedevant certaines juridictions, l’état d’encombrement des rôles et l’existence d’autresaffaires tout aussi, sinon plus, urgentes ne permet pas matériellement au juge de traiteren priorité et sans aucun délai les demandes de droit de réponse.

Il en serait plus particulièrement ainsi en matière de presse écrite où la loi neprévoit pas procédure « comme en référé » 212.

J’ai déjà eu l’occasion, au chapitre précédent, de développer les aspects essentiels de lacontroverse qui divise doctrine et jurisprudence sur la question de savoir si le juge desréférés peut intervenir, en matière de presse écrite, pour ordonner au provisoire la dif-fusion d’un droit de réponse 213. J’analyserai donc brièvement la question de savoir si

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210. Il ne s’agit plus ici d’envisager une action introduite par erreur en référé, mais bien de se demander si, àcôté de l’action « comme en référé », le demandeur pourrait encore saisir, au provisoire et en raison de l’urgence,le juge des référés d’une demande de diffusion d’une droit de réponse dans l’audiovisuel.

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211. F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », op. cit., p. 900 ; « L’intervention du juge dans la procédure du droitde réponse », op. cit., p. 421 ; « L’intervention du juge… », op. cit., p. 290, n° 26.212. M. Hanotiau souligne pourtant qu’« en consultant la jurisprudence, on constate que les procédures en cor-rectionnelle, pour refus d’insertion d’un droit de réponse, se poursuivent à un rythme tout à fait convenable » (op.cit., p. 188). F. Jongen, lui-même, reconnaît que « quelque peu délaissée, la voie correctionnelle pourrait cependantretrouver les faveurs des répondants contrariés dès lors qu’elle peut constituer pour la partie civile une manière effi-cace de suppléer aux lenteurs d’une procédure au fond devant les chambres civiles : le présent jugement, rendu le25 février suite à une citation directe signifiée le 19 janvier, en atteste » (« Le droit de réponse au pénal », note souscorr. Bruxelles, 25 février 1993, J.L.M.B., 1993, pp. 1220 à 1222, ici p. 1221). Les délais pour obtenir une décisiondans le cadre d’une demande de diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel, sont en pratique nettement pluslong que le délai décrit ci-dessus. En moyenne, on constate que les décisions sont rendues dans un délai d’environtrois mois à dater de l’introduction de la demande, et parfois nettement plus.

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213. Voir supra, nos 56 et s.

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un recours au juge des référés est possible dans le domaine de l’audiovisuel. Si en prati-que la situation est nettement plus rare qu’en matière de presse écrite, elle n’est toute-fois théoriquement pas exclue.

On pourrait soutenir que, dès lors que la loi a prévu une procédure spécifique « commeen référé » présentant les mêmes caractéristiques procédurales de rapidité et d’effica-cité que la procédure en référé, le recours au juge des référés ne se justifie plus.

J’ai ainsi déjà eu l’occasion de souligner que « l’existence d’une autre voie procé-durale permettant d’obtenir un résultat aussi rapidement qu’en référé (action comme enréférés, demande en débats succincts, au fond, etc.) est parfois considérée comme exclusivede l’urgence à saisir le juge en référé » 214. Selon le juge des référés de Bruxelles,« l’urgence est habituellement déniée si une autre juridiction, normalement compétente,peut intervenir avec la même efficacité, ce qui est le cas en l’espèce » 215. Après avoir cons-taté qu’en l’espèce, la demanderesse avait négligé d’introduire la procédure au fond« comme en référé », l’ordonnance déclare la demande non fondée à défautd’urgence 216.

J’invitais toutefois les juges des référés à être prudents dans l’application d’unetelle jurisprudence, « en vérifiant, notamment, si dans les faits, les autres procédures offer-tes au demandeur permettent réellement d’obtenir une solution aussi rapidement qu’enréféré » 217.

Ch. Dalcq, quant à elle, considère qu’« il n’est pas davantage interdit d’introduireune action en référé ordinaire, fondée sur l’urgence, parallèlement à une action ‘comme enréféré’, si, pour un tel motif particulier, le demandeur trouve un intérêt à agir de la sorte.L’existence d’une action spécifique ‘comme en référé’ n’exclut pas la compétence du prési-dent siégeant en référé ni ne la réduit » 218. La question se résume en réalité à déterminerdans chaque cas d’espèce si la demande répond aux exigences propres du référé, àsavoir l’urgence et le provisoire.

On sait qu’il y a urgence « dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voired’inconvénient sérieux, rend une décision immédiate souhaitable » 219. On ajoute tradition-nellement que l’on peut avoir recours au référé « lorsque la procédure ordinaire seraitimpuissante à résoudre le différend en temps voulu » 220. Au vu de cette définition, il nesera pas évident pour le demandeur de justifier l’urgence, c’est-à-dire en quoi il ne lui

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214. J. Englebert, « Inédit de droit judiciaire — référés (5) », J.L.M.B., 2005, pp. 140 et s., ici, p. 160.215. Le demandeur aurait pu introduire son action sur la base de l’article 587, 2°, du Code judiciaire.216. Civ. Bruxelles (réf.), 16 mars 2003, J.L.M.B., 2005, p. 160.217. J. Englebert, op. cit., J.LM.B., 2005, p. 160.218. Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., p. 181 ; En ce sens également, Ch. Dalcq et S. Uhlig,op. cit., dans le présent ouvrage.

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219. Cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, 908.220. C. H. Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, éd. Moniteur, 1964, p. 218.

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serait pas possible d’obtenir par la voie procédurale ordinaire qui prévoit précisément,en l’espèce, une procédure au fond selon les formes du référé, une mesure susceptiblede résoudre, au fond, le différend en temps voulu.

En ce qui concerne le provisoire, je ne reviendrai pas sur les développementsdéjà exposés au chapitre précédent à propos de l’absence d’appel.

Si on accepte la condition du provisoire dans son acceptation la plus large, quece soit en vertu de l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 septembre1982 221, ou que ce soit sur la base de la jurisprudence majoritaire des juges des réfé-rés 222, il faut admettre qu’une demande de diffusion d’une réponse peut être ordonnéeau provisoire par le juge des référés, dès lors que cette mesure « certes irréversible,pourra toujours faire l’objet de réparation par équivalent », pour reprendre une expres-sion souvent utilisée par les juges des référés 223.

C’est au demeurant exactement l’enseignement dégagé par la Cour de cassation,dans son arrêt du 9 septembre 1982, lorsqu’elle estime que la seule limite que le provi-soire impose au juge des référés est « de ne point ordonner des mesures qui produiraient[aux parties] un préjudice définitif et irréparable ». L’obligation de diffuser une réponse,ce qui constitue manifestement une mesure irréversible, est-elle de nature à créer dansle chef de l’organisme producteur un dommage définitif et irréparable, c’est-à-dire nepouvant pas faire l’objet d’une réparation par équivalent ?

Il est permis d’en douter, notamment au regard d’autres mesures qui sont par-fois ordonnées, certes au fond, mais qui présentent le même caractère provisoire quel’ordre prononcé en référé, lorsque la décision est frappée d’appel 224. Or, on le sait, lescours et tribunaux n’hésitent pas à condamner une partie à publier tout ou partie dujugement qui la condamne et à assortir cette condamnation de l’exécution provisoire,ce qui évidemment a pour conséquence, si la première décision est exécutée, de créerune situation irréversible, qui ne pourra qu’être réparée par équivalent, par l’octroi dedommages et intérêts 225.

On observera toutefois que le juge des référés d’Anvers a, par une ordonnancedu 21 décembre 1999 226, considéré que constituait une mesure définitive et irréparablela publication de l’ordonnance à intervenir.

221. Cass., 9 septembre 1982, Pas., 1983, I, 48 et s.222. Voyez les décisions citées dans ma note « Le référé judiciaire : principes et questions de procédures », inLe référé judiciaire, op. cit., pp. 36 et s., nos 43 à 47.223. Voyez not. civ. Liège (réf.), 2 décembre 2002, J.L.M.B., 2003, p. 1018.224. On peut en effet faire un parallèle entre la décision prise en référé qui n’a pas autorité de chose jugée àl’égard du juge du fond avec la décision prise par le juge du fond en première instance qui n’a évidemment pasautorité de chose jugée à l’égard du juge d’appel qui, c’est le principe même de l’appel, pourra statuer en senscontraire.225. Voir supra, n° 59.226. Civ. Anvers (réf.), 21 décembre 1999, A.&M., 2000, p. 296.

Les actions en cessation

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G. La nature de l’action en demande de diffusion d’une réponse - Action en responsabilité - Preuve du fait inexact - Incidence de la décision rendue « en droit de réponse » sur l’action en dommages et intérêts

Le droit de réponse est généralement présenté comme étant « une forme particulière deréparation civile, accélérée, supplétive et incomplète » 227. Il s’agirait d’une forme de répa-ration en nature d’un dommage particulier 228.

Rappelons que dans l’audiovisuel, le droit de réponse n’est ouvert qu’« en vue derectifier un ou plusieurs éléments de fait erronés » concernant le demandeur en diffusiond’une réponse ou « de répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porteratteinte à son honneur » 229. L’article 9 de la loi relative au droit de réponse précised’ailleurs que la diffusion de la réponse peut être refusée si elle « excède ce qui est néces-saire pour corriger les faits déclarés inexacts ou dommageables pour l’honneur ».

L’idée d’un droit de réponse visant à réparer le dommage causé par une émis-sion, dommage qui résulterait de la présentation de faits inexacts ou portant atteinte àl’honneur du demandeur en droit de réponse, conduit inévitablement à se poser laquestion de la faute de l’organisme producteur. L’action introduite devant le présidentdu tribunal de première instance siégeant « comme en référé », serait alors le lieu d’undébat classique sur la responsabilité civile, impliquant la preuve d’une faute (qui résul-terait de la présentation d’un fait inexact ou de déclarations attentatoires à l’honneurd’une personne) et qui justifierait le prononcé d’une mesure spécifique à titre de répa-ration d’un dommage qui semble présumé puisque le droit à la diffusion d’une réponseexiste dès qu’il convient de répondre à un fait inexact ou à une déclaration attentatoireà l’honneur.

La question prend une importance particulière dès lors que, par ailleurs, il estégalement unanimement enseigné que le président siégeant « comme en référé » statueau fond et qu’en conséquence, à l’inverse des ordonnances de référé, sa décision a auto-rité de chose jugée 230. Comme en matière d’action en cessation, certains en ont déduitque la décision du président siégeant « comme en référé », qui reconnaît au demandeurle droit de voir sa réponse diffusée, lierait le juge du fond saisi ultérieurement d’uneaction en dommages et intérêts, introduite sur la base de l’article 1382 du Code civil.

S’il fallait suivre ce raisonnement, cela rendrait encore moins justifiable le faitque le président siégeant « comme en référé » statue sur la demande de diffusion d’uneréponse en dernier ressort. Parce qu’alors, par le biais d’un débat inévitablement limité,

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227. M. Hanotiau, op. cit., p. 166 ; en ce sens, S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., p. 566, n° 813.228. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., p. 569, n° 818 ; M. Hanotiau, op. cit., p. 566 ; pour une critique justifiéede cette qualification, voy. E. Montero et H. Jacquemin, op. cit., vol. 2 », Titre II/livre 26bis, p. 43.229. Loi du 23 juin 1961, article 7, al. 1.230. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 218, n° 21.

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tant dans le temps (le juge devant statuer toutes affaires cessantes) que par les ques-tions qui lui sont soumises, le demandeur en droit de réponse pourrait obtenir la recon-naissance de la responsabilité civile de l’organisme producteur, de façon définitive etsans appel.

D’un autre côté, il me semble que l’on peut difficilement admettre qu’un demandeur endiffusion d’une réponse dans l’audiovisuel puisse obtenir gain de cause sans établir,sans prouver, dans le cadre du débat judiciaire, le caractère inexact du fait qu’il entendrectifier ou le caractère attentatoire à l’honneur de la déclaration à laquelle il souhaiterépondre. En effet, ne pas exiger qu’une telle preuve soit apportée par le demandeurreviendrait à lui ouvrir un droit de rectification dans l’audiovisuel quasi aussi étenduque le droit de réponse dans la presse écrite, ce que le législateur a manifestement vouluéviter.

Cette opinion n’est pas partagée par tous les auteurs. Ainsi, pour M. Hanotiau,« la protection des personnes mises en cause (…) au cours d’une émission suppose non seu-lement qu’elles puissent redresser des erreurs de fait, mais aussi — et surtout — qu’ellespuissent faire connaître leur point de vue et fournir leurs explications, en d’autres termes,qu’elles puissent opposer leur subjectivité à celle du journaliste. Il est d’ailleurs bien difficile(…) de déterminer quand les renseignements sont erronés — ce qui suppose que l’on pos-sède le renseignement exact, et que la question échappe à la controverse » 231.

C’est également en ce sens que s’est prononcé le président du tribunal de pre-mière instance de Bruxelles, dans une décision du 4 octobre 1995 232 : « qu’il n’est passans intérêt de rappeler qu’en autorisant ou en imposant l’émission d’un droit de réponse,le juge ne se prononce ni sur la responsabilité des auteurs de l’émission ni même sur lavéracité ou non des affirmations contenues dans le droit de réponse, qu’il se contente depermettre à la personne mise en cause de substituer sa subjectivité à celle des auteurs del’émission (…) ». Écartant ainsi toute notion de responsabilité, la même décision précise« qu’il (…) est inexact de soutenir que la rectification demandée ne pourrait que porter surla réalité ou non des faits allégués et qu’elle devrait, en conséquence, s’accompagner d’unedémonstration de leur fausseté ».

Il convient toutefois de noter que la jurisprudence actuelle du président du tribunal depremière instance de Bruxelles s’inscrit dans une approche totalement différente dudroit de réponse, plus conforme, à mon sens, à ce qui a été mis en place par la loi du4 mars 1977.

C’est, à ma connaissance, par une décision du 17 septembre 1996 233, que pourla première fois, le président du tribunal de première instance de Bruxelles précise que,lorsqu’un droit de réponse est sollicité dans l’audiovisuel, « il convient (…) de vérifier s’il

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231. M. Hanotiau, op. cit., p. 97.232. Civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7323/A, Sierra 21/R.T.B.F.

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233. Civ. Bruxelles (prés.), 17 septembre 1996, inédit, RR 96/902/C, Eykerman/R.T.B.F.

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existe dans l’émission litigieuse des éléments erronés ou attentatoires à l’honneur desdemandeurs et si le texte de la réponse sollicitée apporte une rectification au fait prétendu-ment erroné ou une réponse aux déclarations prétendument attentatoires à l’honneur ».Répondant à l’argument du demandeur selon lequel « seule la juridiction saisie dufond 234 devra se prononcer sur la véracité des faits et propos querellés ainsi que sur la res-ponsabilité des auteurs et diffuseurs de l’émission », le président du tribunal précise « qu’ilappartient au président du tribunal d’analyser les droits des parties quant au fond, afin dedéterminer s’il y a bien un dommage particulier causé au demandeur, qu’il y aurait lieu deréparer par la diffusion d’un droit de réponse », qu’en conséquence, la défenderesse« estime à raison qu’il ne peut être admis qu’une partie puisse apporter une rectification àdes faits ou déclarations erronées sans établir préalablement le caractère erroné de cesfaits ou déclarations ».

Cette jurisprudence a été confirmée, notamment, par une décision du 7 mai2002 : « La mise en œuvre du droit de réponse exige que le demandeur établisse que l’émis-sion litigieuse comporte un ou plusieurs éléments de fait erronés le concernant ou un ouplusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinte à son honneur » 235.

Tout récemment, la même juridiction 236 s’est montrée encore plus explicite endécidant que « l’insertion d’un droit de réponse constituant la réparation en nature d’undommage particulier, (…) la mise en œuvre du droit de réponse exige que le demandeurétablisse la preuve d’une faute et partant que l’émission critiquée comporte un ou plusieurséléments de fait erroné ou un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinteà son honneur ».

Cette exigence met évidemment le demandeur en droit de réponse dans unesituation nettement plus difficile que s’il pouvait se contenter d’opposer sa propre sub-jectivité à celle, présumée, du journaliste. Elle est toutefois la seule compatible avec lanotion de « droit de rectification » qui caractérise, selon une doctrine unanime, le droitde réponse dans l’audiovisuel.

Cette évolution de la jurisprudence repose évidemment la délicate question de l’auto-rité de la chose jugée de la décision rendue par le président siégeant « comme enréféré » sur le juge qui serait ultérieurement saisi également d’une action au fond maiscette fois-ci en dommages et intérêts contre l’organisme producteur ou contre son jour-naliste, sur la base de l’article 1382 du Code civil.

L’émission « Babel », diffusée par la R.T.B.F. le 3 mars 1992, a donné lieu à deuxprocédures qui illustrent parfaitement la complexité de cette question.

234. Le demandeur visait en l’espèce le juge saisi de l’action au fond, en dommages et intérêts, par oppositionau juge saisi de l’action en droit de réponse (celui-ci étant aussi saisi au fond).235. Civ. Bruxelles (prés.), 9 mai 2002, inédit, n° rôle 2001/8720/A, Postal/R.T.B.F.236. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.

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La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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L’émission intitulée « Enfants cachés : les leçons de la mémoire — quand laterreur du passé éclaire le fascisme d’aujourd’hui », mettait en perspective certains événe-ments ayant précédé la mise en place de la politique d’extermination des juifs parl’Allemagne nazie, avec les dérives que l’on pouvait retrouver, cinquante ans plus tard,dans les programmes politiques de certains partis d’extrême droite mais également dansles propos tenus par certains dirigeants de partis plus traditionnels.

Pour illustrer ce propos, l’émission faisait notamment état d’un dépliant électo-ral diffusé par Messieurs Draps et Vanden Haute, à l’époque membres du PRL, lors de lacampagne électorale précédant les élections communales de novembre 1991. Ce tractcontenait des caricatures stigmatisant les émigrés maghrébins. Messieurs Draps et Van-den Haute ont attaqué la R.T.B.F., dans un premier temps devant le président du tribu-nal de première instance de Bruxelles, en vue d’obtenir la diffusion d’un droit deréponse qui leur avait été refusé par la télévision publique.

La thèse des demandeurs était que, bien que l’émission ne comportait à leurégard aucun fait inexact (ils ne contestaient nullement la paternité du tract litigieux nison contenu), ils estimaient toutefois que l’émission litigieuse avait « insinué qu’ils pro-pageaient des idées fascistes, voire qu’ils pourraient être fascistes eux-mêmes, et qu’il [leprésentateur] avait établi un parallèle et un amalgame entre la violence des fascistes d’il ya soixante ans, le dramatique génocide dont les juifs furent victimes durant la secondeguerre mondiale et d’autre part, le dépliant électoral qu’ils diffusèrent en novembre 1991 »,ce qui conduisaient les demandeurs à alléguer que « l’émission, dans son ensemble,[créait] un amalgame de notions telles que son impact sur le public [était] de nature à por-ter atteinte à leur honneur ».

Après avoir procédé à l’analyse du contenu de l’émission litigieuse, le présidentdu tribunal a estimé « que le cumul de ces images et de ces paroles apparaît comme unamalgame, rapide et sans nuance, de tendances politiques très diverses ayant cours à laveille de la guerre de 1940 ; que cela ne semble pas correspondre à l’objectivité d’une émis-sion scientifique ; (…) que l’ensemble de cet amalgame insinue clairement, contrairement àce qu’allègue la R.T.B.F., que les demandeurs propagent les idées fascistes ». Le présidentdu tribunal en conclut que « l’amalgame, écueil fréquent pour ce langage audiovisuel, a,dans le cas présent, pu être ressenti par les demandeurs comme étant de nature à porteratteinte à leur honneur » 237.

On peut sans doute considérer que cette décision s’inscrit dans le premier courantde la jurisprudence du président du tribunal de première instance de Bruxelles, dès lorsqu’il prend soin de préciser que la diffusion du droit de réponse est justifiée en l’espècepar le seul fait que l’amalgame dénoncé dans la présentation de l’émission « a pu être res-senti par les demandeurs » comme étant de nature à porter atteinte à leur honneur. En secontentant d’un « ressenti », le juge qui se place au plan de la subjectivité, écarte mani-festement l’obligation pour les demandeurs d’apporter la preuve d’une atteinte réelle à

237. Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1245.

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leur honneur. Toutefois, la lecture de la décision conduit inévitablement à considérerque le juge reproche bien une faute à la R.T.B.F. dans la façon dont elle a réalisé l’émis-sion litigieuse. Il lui reproche précisément d’avoir créé un amalgame rapide et sansnuance, qui ne correspond pas à l’objectivité requise d’une émission scientifique etqui insinue clairement que les demandeurs propagent des idées fascistes. Le juge repro-che encore au présentateur, Paul Damblon, de n’avoir « pas rectifié ou attiré l’attention dutéléspectateur sur le fait qu’il fallait éviter des analogies ou des amalgames simplistes » alorsque « l’émission provoquait ce type d’amalgame et d’analogie » 238.

On comprend que, forts d’une telle décision, Messieurs Draps et Vanden Haute aientdécidé ensuite d’introduire une action en responsabilité contre la R.T.B.F. devant le tri-bunal de première instance, en vue d’obtenir la condamnation de celle-ci à leur payer àchacun une somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts, en vue de répa-rer l’atteinte à leur honneur dont s’était selon eux rendue coupable la R.T.B.F., par ladiffusion de l’émission litigieuse. Et comme il fallait s’y attendre, les demandeurs ontinvoqué dans le cadre de cette action, l’autorité de la chose jugée de la décision rendueen droit de réponse, pour soutenir que la faute était définitivement établie dans le chefde la R.T.B.F.

Le tribunal de première instance 239 a écarté cet argument au motif que si, enl’espèce, il y avait bien identité de cause et de parties, « il n’y avait pas identité d’objetentre la demande ayant donné lieu à la décision condamnant la R.T.B.F. à diffuser uneréponse et la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendumentsubi ». À l’appui de sa position, le tribunal souligne expressément que le président sié-geant « comme en référé » s’est borné à dire « non sans une certaine prudence d’ailleurs,que les demandeurs avaient ‘pu’ ressentir l’amalgame comme étant de nature à porteratteinte à leur honneur justifiant par là le droit de réponse » et qu’en conséquence, « lemagistrat s’est prononcé dans les limites que lui impose la loi de 1961 (…) et donc, sans êtreautorisé à se pencher sur les éléments de fond constituant l’émission incriminée ».

Une simple lecture de la décision rendue par le président siégeant « comme enréféré », le 7 avril 1992, dément toutefois ces dernières considérations. Le tribunalpoursuit néanmoins son raisonnement en soulignant que « la demande introduite par lesrequérants devant le tribunal de céans est fondée sur l’article 1382 du Code civil introduitdans le présent débat la notion de faute, notion qui était absente dans l’argumentationdevant le président du tribunal et dont ce dernier n’avait pas à connaître ».

Le tribunal en conclut que « la décision à intervenir, si elle devait rejeter la pré-sente demande, ne serait donc pas en contradiction avec l’ordonnance (…) du 7 avril 1992et ne détruirait pas le bénéfice qu’en ont retiré les demandeurs, à savoir le droit de réponse(…) ».

238. Tous ces reproches pourraient parfaitement figurer dans la motivation d’un jugement condamnant unorgane de presse à des dommages et intérêts pour faute professionnelle.

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239. Civ. Bruxelles, 22 novembre 1994, R.G.A.R., 1995, n° 12451.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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Les magistrats saisis de l’action en dommages et intérêts procèdent ensuite à uneanalyse détaillée de l’émission litigieuse pour aboutir à une conclusion diamétralementopposée à celle du président siégeant « comme en référé » : « qu’à aucun moment ladéfenderesse ne présente(…) les demandeurs comme des fascistes assimilables à ceux qui serendirent coupables des crimes que l’on sait ; qu’elle ne cesse précisément tout au long del’émission de prévenir le spectateur contre cette analogie ; (…) ; que la défenderesse diffusenotamment des caricatures parues en 1938 et diffusées par un membre du parti catholiqueanversois à l’appui de slogans revenant à dire : ‘Anvers aux Anversois et la racaille étran-gère dehors (…) ; qu’il est parfaitement compréhensible que la défenderesse ait été frappéepar la similitude des procédés (phrase percutante et caricature) et qu’elle ait fait part decette impression aux téléspectateurs ; (…) ; qu’à la lumière de ce qui précède, il y apparaîtclairement que la défenderesse ne s’est rendue coupable d’aucune faute ».

Quelle que soit l’argumentation développée par le tribunal en ce qui concerne l’absenced’autorité de chose jugée de la décision rendue « comme en référé », on ne peut, aprèsla lecture du jugement du 22 novembre 1994, qu’arriver à la conclusion que l’émissionlitigieuse ne portait pas atteinte à l’honneur des demandeurs. Il y a donc bien une con-tradiction entre les deux décisions.

En toute hypothèse, on voit mal comment aujourd’hui la motivation retenue parle tribunal de première instance en 1994, en ce qui concerne l’absence d’autorité dechose jugée de la décision rendue « comme en référé » sur l’action en dommages etintérêts, pourrait encore être soutenue lorsque, comme on l’a vu, le président siégeant« comme en référé » considère que « la mise en œuvre du droit de réponse exige que ledemandeur établisse la preuve d’une faute et partant que l’émission comporte un ou plu-sieurs éléments de fait erronés ou un ou plusieurs faits ou déclarations pouvant porteratteinte à son honneur » 240.

D’un autre côté, je vois mal comment on pourrait imposer à l’organisme produc-teur dans le cadre d’une procédure au fond pour dommages et intérêts, l’autorité de lachose jugée sur la question de la faute, d’une décision rendue en dernier ressort et dansdes conditions anormalement rapides d’un point de vue procédural.

La contradiction n’est qu’apparente.

En effet, les preuves qui doivent être apportées dans le cadre de l’action en dif-fusion d’une réponse et dans le cadre de l’action en dommages et intérêts ne portentpas sur les mêmes éléments.

Dans le cadre d’une demande de diffusion d’une réponse, il appartient audemandeur d’apporter la preuve du caractère inexact des faits qu’il entend rectifier oudu caractère attentatoire à son honneur des déclarations auxquelles il souhaite répon-dre. Rien de plus. Au contraire, devant le juge du fond saisi d’une action en dommages

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240. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.

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et intérêts sur la base de l’article 1382 du Code civil, il appartient au demandeur d’éta-blir en outre que la présentation d’un fait inexact ou la diffusion de propos attentatoi-res à l’honneur était, en l’espèce, constitutif d’une faute engageant la responsabilité dujournaliste (ou de l’organisme producteur). Or, en matière de responsabilité de la presse,il n’y a pas un lien nécessaire et automatique entre la diffusion de faits inexacts ouattentatoires à l’honneur d’une personne et l’existence d’une faute.

La faute s’appréciera, conformément au droit commun, par rapport au journa-liste « normalement prudent et diligent » 241. Par ailleurs, une condamnation d’un journa-liste à des dommages et intérêts ne pourra être prononcée que si, conformément à lajurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la mesure correspond à unbesoin social impérieux 242. Si les débats présentent certaines similitudes, ils se situentbien sur des plans différents, de sorte qu’une décision accordant la diffusion d’uneréponse n’aura pas d’effet direct et automatique — et certainement pas d’autorité dechose jugée — sur l’existence d’une faute dans le chef du journaliste, dans le cadred’une action en responsabilité professionnelle.

Sur cette question, il est encore intéressant de constater que dans le régime mis en placepar les décrets de la Communauté flamande, il est précisé que la requête en diffusiond’une réponse doit notamment « contenir la preuve » que les conditions visées àl’article 178, pour obtenir la diffusion de la réponse, sont remplies 243. Or, l’article 178précise qu’une personne a « le droit de requérir l’insertion gratuite d’une réponse si sesdroits légitimes, concernant notamment son honneur ou sa réputation, ont été lésés à lasuite d’une allégation incorrecte faite au cours de l’émission ». À mon sens, cette rédactionoblige le demandeur en diffusion d’une réponse à apporter, dans sa requête en diffu-sion, la preuve du caractère « incorrect » de l’allégation contenue dans l’émission et dufait que cette allégation incorrecte a porté atteinte à « ses droits légitimes ».

241. Pour apprécier si le journaliste a commis une faute, le juge devra notamment vérifier si les informationsdonnées étaient justifiées par le droit à l’information du public, si les faits inexacts ou attentatoires à l’honneuront été vérifiés dans la mesure raisonnable des moyens d’un journaliste normalement prudent et diligent avantleur diffusion, si l’information diffusée faisait suffisamment la différence entre les faits rapportés et les opinionscommentées du journaliste et si la présentation du texte et les termes employés évitaient une agressivité ou unemalveillance déplacée à l’égard des tiers.242. Voy not. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., nos 237 et s. ; D. Voorhoofd, Handboeck…, op. cit., pp. 33 et s. ;K. Lemmens, La presse et la protection juridique de l’individu — Attention aux chiens de gardes !, Larcier 2004,pp. 188 et s. ; E. Montero et H. Jacquemin, op. cit., vol. 1, Titre II/livre 26, pp. 16 et s. et p. 41.

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243. Décrets flamands relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, art. 180, § 1er,3°.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

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H. Le droit pour le juge de modifier le texte de la réponse

S’il est admis en matière de presse écrite que le principe est celui de l’intangibilité 244 dela réponse proposée, la question est nettement plus ouverte dans l’audiovisuel.

Le droit pour le juge d’apporter des modifications au texte tel qu’il était initialementlibellé par le demandeur en diffusion, a été admis dans la presse audiovisuelle, par unedécision du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 19 mai 1982 245.Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation sur ce point, qui a été rejeté par laCour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 1983 246.

Dans cette affaire, la demanderesse en diffusion d’une réponse avait modifié sademande en terme de conclusions en se déclarant disposée à supprimer quatre paragra-phes du texte initialement proposé en réponse. Le président du tribunal avait déclarécette demande recevable sur la base de l’article 807 du Code judiciaire et y avait faitdroit.

La première branche du moyen développé par l’organisme producteur dans sonpourvoi en cassation soutenait que le président du tribunal « a pour seule mission devérifier si le refus [de diffuser la réponse formulée dans la lettre recommandée] est ou nonillégal » et partant, « si la demande de réponse (…) était fondée en son principe au sens desarticles 7 et 10 de la (…) loi et enfin, si la réponse pouvait être refusée en vertu del’article 9 ; qu’il ne peut donc, même à la demande de la partie qui le saisit, réduire oumodifier le texte de la réponse ». La seconde branche du moyen soutenait que la modifi-cation formulée par la demanderesse dans ses conclusions constituait en réalité une« nouvelle demande de réponse » qui n’était pas recevable dès lors qu’elle n’avait pas étéformulée dans les conditions prévues par la loi. Les deux branches du moyen reposaientainsi sur le postulat que la demande visant à un droit de réponse dont est saisi le prési-dent du tribunal en matière audiovisuelle doit se superposer exactement à la demandede diffusion qui a fait l’objet du refus.

La Cour de cassation exclut explicitement cette thèse en rejetant la secondebranche du moyen. Si la demande judiciaire peut être modifiée sur la base del’article 807 du Code judiciaire, sans constituer une nouvelle demande de réponse, c’estbien parce qu’elle n’est pas enserrée dans les termes de la lettre recommandée initiale

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244. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., n° 867 ; civ. Liège (réf.), 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990, pp. 414 à423 et note de F. Jongen, « L’intervention du juge… », p. 421 — l’auteur critique toutefois la « prudenceexcessive » du juge qui refuse de revoir le texte. F. Jongen semble néanmoins avoir revu sa position, puisque danssa note publiée à la R.C.J.B. en 2001, il considère que l’article 807 C. jud. ne peut pas s’appliquer en matière dedroit de réponse dans la presse écrite (op. cit., n° 44, p. 300) ; Bruxelles, 14 juin 1966, Pas., 1967, II, 106 ; Bruxel-les, 30 mai 1996, R.W., 1996-1997, p. 919 ; Anvers, 15 février 1991, R.W., 1991-1992, p. 445 ; Civ. Bruxelles(réf.), 14 février 2002, A.&M., 2004, p. 187.

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245. Civ. Bruxelles, 19 mai 1982, J.T., 1983, p. 152.246. Cass., 13 octobre 1983, Pas., 1984, I, 153.

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et, partant, qu’elle s’en distingue. Le pouvoir du juge n’est dès lors pas limité à la vérifi-cation de la légalité du refus de diffuser la réponse, celle-ci étant envisagée comme untout indivisible.

Les motifs justifiant le rejet de la première branche du moyen, qui visait précisé-ment l’étendue du pouvoir du juge, confirment cette lecture. La Cour rappelle certesque l’ordonnance attaquée a légalement décidé que la demande subsidiaire était receva-ble sur la base de l’article 807 du Code judiciaire, mais elle retient aussi que l’ordon-nance « relève, en outre, que la loi organise un ensemble de mesures conciliatoires,rectifications spontanées, contre-propositions, appels en conciliation, qui, à défaut d’y avoireu recours, laisse entier le pouvoir d’appréciation du juge » pour en déduire « qu’ainsil’ordonnance justifie légalement la décision critiquée en cette branche du moyen ». End’autres termes, la Cour de cassation estime que le juge est appelé également à statuersur une réponse modifiée aux motifs que dans le système organisé par la loi en matièreaudiovisuelle, à défaut de recours à ces mesures conciliatoires, le pouvoir d’apprécia-tion du juge reste « entier ».

Ainsi, doctrine et jurisprudence estiment majoritairement, en s’appuyant sur la diffé-rence des textes de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse dans les écrits etle texte des articles 7 et suivants relatifs aux réponses audiovisuelles, que les régimesorganisés sont dissemblables également en ce qui concerne l’étendue des pouvoirs con-férés au juge. Le principal argument se fonde sur le fait que, pour les réponses écrites,la loi de 1961 n’a pas prévu de procédure de contre-proposition en sorte que l’éditeurn’a d’autre choix que d’accepter ou de refuser l’insertion de la réponse proposée et lejuge de s’y conformer s’il estime légal le refus de l’éditer. On en a déduit le principe del’intangibilité de la réponse écrite 247. Par contre, le système de contre-proposition prévuen matière audiovisuelle a été interprété comme instaurant le principe de non intangibi-lité des réponses en la matière et la possibilité pour le juge d’adapter le texte de laréponse 248. Il est dès lors incontestable qu’en vertu de l’article 807 du Code judiciaire,le juge saisi d’une demande de diffusion d’une réponse peut, à la demande d’une desparties, modifier le texte de la réponse initialement soumis à l’organisme producteur.

Allant plus loin, certains magistrats se sont autorisés à modifier le texte de la réponse deleur propre initiative 249. F. Jongen, qui semble approuver ces pouvoirs « très larges » du

78

247. Outre les références citées en note (243), voy. encore G. Leroy, « La jurisprudence du droit de réponse dansles écrits périodiques depuis 1961 », J.T., 1980, p. 43 ;248. F. Jongen, « L’intervention du juge … », op. cit., p. 299 ; F. Tulkens et M. Verdussen, op. cit., p. 91 ; Civ.Bruxelles, 30 décembre 1992, et note de D. Voorhoof, « Het recht tot antwoord in de audiovisuele media en debevoegdheid van de voorzitter van de rechtbank van eerste aanleg », pp. 137 et s., ici sp. p. 139 ; Civ. Bruxelles(prés.), 17 avril 1981, R.W., 1981-1982, Col., 1627 et obs. de J.L. Ballon, Civ. Bruxelles (prés.), 12 février 1998,J.L.M.B., 1999, p. 955.

79

249. Civ. Bruxelles (prés.), 17 avril 1981, R.W., 1981-1982, Col. 1627, Obs. de J.L. Ballon ; Civ. Bruxelles (prés.),12 février 1998, J.L.M.B., 199, pp. 955 et s. et A.&M., 2000, pp. 93 et s.

La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle

459

9

juge s’agissant du droit de réponse dans l’audiovisuel, précise que « ce pouvoir de modi-fication du juge peut également trouver son fondement dans la nécessité que le texte de laréponse remplisse les conditions légales, et notamment celles citées par l’article 9 de laloi » 250.

Il reste que la Cour de cassation n’a jamais été amenée à trancher la question de lamodification du texte de la réponse lorsque aucune partie ne le demande. À cet égard,même si l’on admet que la loi du 4 mars 1977 n’a pas consacré le principe de l’intangi-bilité de la réponse en matière d’audiovisuel, le juge demeure néanmoins tenu par leprincipe du dispositif et par l’article 1138, 2°, du Code judiciaire qui lui interdisent dese prononcer sur des choses non demandées. On voit mal comment, dans ces condi-tions, le juge pourrait de sa propre initiative, modifier le texte qui lui est soumis. Entoute hypothèse, s’il fallait lui reconnaître un tel pouvoir, quod non, il s’impose qu’ilsoumette préalablement son « projet » de réponse à la contradiction des parties.

Dans une récente décision, le président du tribunal de première instance deBruxelles 251 semble rejeter la possibilité de modifier d’initiative le texte sollicité par ledemandeur. Le président précise d’abord « que pour apprécier si le refus de [l’organismeproducteur] répondait aux conditions légales, il y a lieu d’avoir égard au texte de laréponse tel qu’il lui a été présenté ». Ensuite, le tribunal souligne « que c’est à tort que ledemandeur soutient (…) qu’il appartiendrait au tribunal de rédiger une réponse en ses lieuet place ; que si dans son arrêt du 13 octobre 1983, la Cour de cassation a décidéqu’aucune disposition de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse n’écartait dansle domaine de l’audiovisuel l’application de l’article 807 du Code judiciaire en manière telleque le juge était en droit de réduire la demande dont il était saisi, encore convient-il de rele-ver qu’en l’espèce [le demandeur] ne formule aucune demande fondée sur l’article 807 duCode judiciaire ; qu’il n’appartient dès lors pas au tribunal de céans d’ajouter un texte deréponse qui n’est pas sollicité par le demandeur ni de substituer à la réponse proposée parcelui-ci, qui épingle des faits précis de l’émission, un texte ‘général’ répondant à un impactdéfavorable que le reportage, dans sa globalité, a pu avoir dans le public ».

Après avoir énoncé de façon aussi claire les limites du pouvoir du juge statuantsur une demande de diffusion d’une réponse, quant au contenu du texte de la réponse,le président du tribunal de première instance va estimer que pour un des quatre pointsauxquels elle entendait apporter une rectification, la demande de diffusion d’uneréponse est partiellement fondée et va dès lors condamner l’organisme producteur àdiffuser l’extrait de la réponse sollicitée par le demandeur concernant ce seul point. Cefaisant, le juge reste dans les limites de son pouvoir, en faisant en réalité partiellementdroit aux arguments de l’organisme producteur qui contestait le bien fondé de lademande.

250. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., n° 45, p. 300 ; Civ. Bruxelles (prés.), 12 février 1998,J.L.M.B., 199, p. 958.

80

251. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.

Les actions en cessation

460

Par contre, de façon surprenante et contradictoire au regard des considérationsprécitées reprises dans la décision, le juge va en définitive retrancher une partie del’extrait de la réponse qu’il estime fondé et, en outre, ajouter une précision qui ne figu-rait pas dans le texte de la réponse.

La question de l’étendue exacte du pouvoir d’intervention du juge par rapportau texte de la réponse reste donc incertaine en matière audiovisuelle 252.

Considérations finales

La procédure en demande de diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel, relevant de lacompétence du président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant aufond, selon les formes du référé n’entre manifestement pas dans le moule classique desactions en cessations. Elle suscite par ailleurs, on vient de le voir, de nombreusesquestions de procédure et présente de multiples chausse-trappes pour le demandeurinattentif.

Sans doute le législateur a-t-il voulu éviter que cette procédure ne connaissetrop de succès, au détriment des organismes producteurs, craignant que leurs program-mes se voient réellement perturber si le droit de rectification était trop largement outrop facilement reconnu.

S’il n’est pas certain que toutes les règles entourant l’exercice du droit deréponse dans l’audiovisuel soient parfaitement judicieuses et s’il semble que sur cer-tains points, la copie du législateur (en ce compris les projets en cours) pourrait êtreaméliorée (j’ai essayé, lorsque cela me paraissait nécessaire, de le souligner dans la pré-sente note), encore faut-il constater qu’en pratique, ce contentieux ne déchaîne pas lespassions. Bon an mal an, le nombre de procédures reste apparemment constant — et endéfinitive peu élevé —, tant dans la phase précontentieuse que dans l’éventuelle phasejudiciaire.

Certes, quelques controverses subsistent, quelques particularismes étonnent.Avant toutefois de remettre toutes ces règles à plat, notamment en vue d’unifier lesdeux régimes de droit de réponse, et ainsi de risquer de modifier un certain équilibrequi manifestement a été trouvé en pratique, il importe que le législateur s’interrogesérieusement sur ce qu’il souhaite modifier, pourquoi et en quel sens.

252. Un pourvoi en cassation ayant été introduit contre la décision du 1er septembre 2005, notamment sur cepoint, la Cour de cassation aura peut-être prochainement l’occasion de se prononcer sur cette question.

SECTION 3

81

Annexe I

461

9

Annexe ITABLEAU RÉCAPITULATIF DES DEMANDES DE DIFFUSION D’UNE RÉPONSE DONT LA R.T.B.F. A ÉTÉ SAISIE ENTRE 1995 ET 2005 253

(RADIO ET TÉLÉVISION)

1995

1996

1997

253. Les demandes introduites en 2001 et 2002 n’ont pas fait l’objet d’un relevé systématique.

Nombre total des demandes : 15 en télévision :en radio :

114

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 7

demandes refusées suivies d’une action comme en référé 5 condamnation partielle 1

déboutéprocédure sans suite

221

demandes acceptées avec contre-proposition acceptée 3

1. le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse

Nombre total des demandes : 11 en télévision :en radio :

101

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 8

demandes refusées suivies d’une action comme en référé 3 condamnation partielle 1

désistement21

demande acceptée avec contre-proposition acceptée 0

1. le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse

Nombre total des demandes : 20 en télévision :en radio :

164

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 17

demande refusée suivie d’une action comme en référé 0

demandes acceptées avec contre-proposition acceptée 2

demande refusée + information complémentaire diffusée spontanément 1

Les actions en cessation

462

1998

1999

2000

2003

Nombre total des demandes : 9 en télévision :en radio :

72

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 6

demandes refusées suivies d’une action comme en référé 2 débouté 2

demande acceptée avec contre-proposition laissée sans suite 1

Nombre total des demandes : 8 en télévision :en radio :

71

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 4

demande refusée suivie d’une action comme en référé 1 condamnation partielle 1 1

demande acceptée 1

demande d’information complémentaire laissée sans suite 1

demande refusée + information complémentaire diffuséespontanément

1

1. le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse

Nombre total des demandes : 10 en télévision :en radio :

64

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 6

demande refusée + complément d’informationsuivie d’une action en conciliation

1 PV de conciliation 1

Demande refusée suivie d’une action comme en référé 1 Débouté 1

demande abandonnée 1

demande acceptée avec contre-proposition acceptée 1

Nombre total des demandes : 10 en télévision :en radio :

82

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 9

demande acceptée avec contre-proposition acceptée 1

Annexe I

463

9

2004

2005

COMMENTAIRES

Sur 98 demandes (soit, en moyenne, entre 10 et 11 demandes par an), seules 18 ont fait l’objetd’une action comme en référé et seules 7 actions ont abouti à une condamnation partielle de laR.T.B.F. à diffuser une réponse.

Les demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus, l’ont été soit pour des ques-tions de forme (irrecevabilité de la demande), soit pour des raisons de fond (absence d’élément erronéou attentatoire à l’honneur dans l’émission litigieuse ou demandes manifestement farfelues).

Les informations couvrant « l’affaire Dutroux », au sens large, ont suscité un nombre important dedemandes de réponses. Ce qui explique sans doute en partie le nombre plus élevé de demandes en1997.

Nombre total des demandes : 5 en télévision :en radio :

41

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 2

Demande refusée suivie d’une action comme en référé 1 Débouté 1

demande abandonnée 1

demande acceptée avec contre-proposition acceptée 1

Nombre total des demandes : 10 en télévision :en radio :

64

demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 4

Demande refusée suivie d’une action comme en référé 5 condamnation partielle 1

déboutéprocédure abandonnée

221

demande refusée avec complément d’informationdiffusé spontanément

1

1. le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse

Les actions en cessation

464

Annexe IIBruxelles (8e ch.), 14 septembre 1994, RG n° 879/94, Optic 2011/ A.P.O.B.

(traduction libre)Vu le jugement rendu contradictoirement le 26 janvier 1994 par le président du tribunal

de commerce de Bruxelles, siégeant comme juge des cessations (…) ;(…)

C. Recevabilité de la demandeAttendu que l’appelante soutient que la demande n’est pas recevable dès lors que au

regard du prescrit de l’article 716 du Code judiciaire, la cause a été inscrite tardivement au rôlegénéral ;

Attendu que l’intimé soutient que l’article 716 du Code judiciaire ne trouve pas à s’appli-quer dès lors que la demande concerne en l’espèce une action en cessation, qui, conformémentà l’article 100 de la loi sur les pratiques de commerce, est introduite et instruite comme enréféré ; que la demande en référé ne doit pas être inscrite au rôle général ; qu’il suffit, confor-mément à l’article 1035, alinéa 1er, du Code judiciaire qu’elle soit portée au jour et heure indi-qués par le règlement du tribunal, à l’audience qui est présidée par le président du tribunal oupar le juge qui le remplace ;

Attendu qu’il ressort d’une lecture combinée des articles 711 et 712 du Code judiciaire,que les demandes en référé et les demandes sur requête sont inscrites à des rôles particuliers,tandis que les autres affaires sont inscrites au rôle général ;

Que la demande en cessation n’est ni une demande en référé, ni une demande sur requête,mais bien une demande au fond (Cass., 15 décembre 1978, Pas., 1979, I, 460) et doit dès lorsêtre inscrite au rôle général ;

Attendu qu’en vertu de l’article 716, alinéa 1er, du Code judiciaire, les causes sont inscritesau rôle général, au plus tard la veille de l’audience pour laquelle la citation a été donnée ; quele deuxième alinéa de cet article précise qu’aucune inscription n’est plus possible lorsque cedélai est échu ;

Qu’en l’espèce, l’appelante a été convoquée par citation, signifiée le 14 octobre 1993, pourcomparaître à l’audience du 20 octobre 1993 ;

Qu’il n’est pas contesté que l’affaire a été inscrite au rôle général le jour même del’audience d’introduction, à savoir le 20 octobre 1993, c’est-à-dire après l’expiration du délaidéterminé par l’article 716, alinéa 2, du Code judiciaire ;

Attendu que l’article 716, alinéa 3, du Code judiciaire, prévoit un assouplissement de larègle précitée, dans la mesure où le président de la chambre peut autoriser l’inscription de lacause au rôle général, le jour de l’audience même, pour autant qu’il existe de justes motifs etque cette inscription soit demandée avant le début de l’audience ;

Que l’article 716, alinéa 4, du Code judiciaire précise que l’inscription est faite à lademande de l’huissier instrumentant, des parties intéressées, de l’avocat ou d’un porteur depouvoir ;

Qu’il faut dès lors admettre que ce sont les personnes précitées qui peuvent introduire lademande, évoquée ci-dessus, auprès du président de la chambre, afin de faire inscrire l’affaire ;

Qu’en l’espèce, il n’apparaît pas qu’une des personnes précitées ait demandé au président,avant le début de l’audience du 20 octobre 1993, de pouvoir encore inscrire la cause au rôle,ni qu’il existait de justes motifs pour accorder cette autorisation ;

Annexe II

465

9

Que le simple fait que l’huissier ait omis de demander l’inscription au rôle entre la date dela signification et la veille de l’audience d’introduction, ne constitue pas, en soi, un justemotif ;

Attendu que le premier juge a estimé que l’affaire avait « apparemment » été inscrite aurôle le jour de l’audience, avant 9h00, en application d’une procédure d’origine prétoriennequi est instaurée au tribunal de commerce de Bruxelles, à savoir :– les inscriptions pour l’audience qui commence à 9h00 sont encore acceptées jusqu’à 9h00

au greffe, qui est ouvert à partir de 8h30 ;– de plus, il est présumé que le président de la chambre a donné son consentement à cette

inscription tardive, puisqu’il n’y a pas de raison apparente pour que cette autorisation soitrefusée ;

– qu’après 9h00, l’affaire peut encore être inscrite, sous réserve de l’autorisation explicite duprésident, mais il ne pourra pas être pris défaut dans un cas pareil ;Qu’un tel règlement est contraire, sur plusieurs points, au prescrit du Code judiciaire,

notamment dans la mesure où :– en ce qui concerne les inscriptions avant 9h00, il n’est en réalité pas demandé d’autorisa-

tion au président de la chambre, mais au contraire, ces inscriptions sont faites d’office parle greffe ;

– que l’existence de justes motifs pour pouvoir inscrire la cause hors délais est présumée, sansplus ;

– que l’inscription est encore autorisée quant elle est demandée après le début de l’audiencepour laquelle la citation a été signifiée ;Attendu que, conformément à l’article 717 du Code judiciaire, la cause qui n’a pas été ins-

crite au rôle général pour l’audience indiquée dans la citation, est de nul effet ;Que cette disposition précise la sanction applicable lorsque la cause n’est pas inscrite au

rôle conformément à l’article 716 du Code judiciaire et notamment lorsqu’elle n’est pas ins-crite la veille de l’audience d’introduction ou le jour même de cette audience pour autant quecette inscription soit demandée avant le début de l’audience et que le président l’ait autoriséepour de justes motifs (Fettweis, A., Manuel de procédure civile, 1985, n° 258) ;

Que l’intimé soutient à tort que l’article 717 du Code judiciaire concerne une hypothèsedifférente de celle qui est prévue par l’article 716 du Code judiciaire, notamment quandl’affaire est inscrite au rôle général d’une autre instance que celle devant laquelle il a été cité ;

Attendu que la sanction du non-respect de l’article 716 du Code judiciaire n’est pas la nul-lité de la citation, nullité qui est régie par les articles 860 et suivants du Code judiciaire ;

Que l’article 717 Code judiciaire prescrit explicitement la sanction, à savoir que la citationn’est « d’aucune valeur » (« gener waarde »), en d’autres termes, qu’elle ne peut pas remplirson rôle d’acte introductif de la cause, que le juge n’est pas saisi de façon régulière, qu’il n’esttout simplement pas saisi (Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, pp. 302 et 303) ;

Attendu que de ce qui précède, il s’ensuit que l’appel principal est fondé ;Par ces motifs,(…),réforme le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré la demande recevable (…) ;jugeant à nouveau,

déclare que la citation signifiée à l’appelante le 14 octobre 1993 est de nul effet (generwaarde) ; Qu’en conséquence, le demande n’est pas recevable.