la découverture d’une rivière urbaine
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Enjeux et difficultés de la redécouverte d’un patrimoine naturel en milieu urbain La découverture d’une rivière urbaine Le projet de la Vieille Mer en Seine-Saint-Denis
Patrimoine – Mai 2008
Marie KRIER – Magistère 2
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SOMMAIRE
Introduction .......................................................................................................... 3 Un cours d’eau patrimoine urbain ?....................................................................... 4
� La notion de patrimoine naturel fluvial ............................................................... 4 � Un respect des espaces naturels induit par une lecture simplifiée du territoire......... 5
L’eau, miroir du lien social ................................................................................... 5 Comprendre les territoires ................................................................................... 5 Retrouver le fleuve, une approche en vogue........................................................... 5
� La Vieille Mer, un patrimoine enfoui par l’urbanisation.......................................... 6 La Vieille Mer, fil rouge de contextes urbains chargés d’histoire ........................... 8
� Les traces d’un passé déterminant..................................................................... 8 XIIIe siècle, la Vieille Mer apparaît pour la première fois sur les cartes ...................... 8
� ..................................................................................................................... 9 L’intégration urbaine du Rouillon et de la Vieille Mer s’ébauche au XIXe siècle .......... 10
� Un cours d’eau devenu émissaire d’eau pluviale ................................................ 10 � L’amont et l’aval, deux histoires, deux traitements dans l’espace urbain............... 11 � L’amont et l’aval, deux histoires, deux traitements dans l’espace urbain............... 12
L'aval : des mutations successives le long du cours d'eau ...................................... 12 L'amont : une urbanisation continue et progressive............................................... 15 Une réouverture possible ?................................................................................. 19
Le projet de réouverture : une mise en place difficile.......................................... 20
� Contexte juridique......................................................................................... 20 Le foncier......................................................................................................... 20 Statut actuel et futur de la Vieille Mer.................................................................. 20 Question de la qualité des eaux .......................................................................... 20 Problèmes potentiels au moment de la concertation .............................................. 21
� Des acteurs volontaristes ............................................................................... 21 Des techniciens motivés .................................................................................... 21 L’inscription du projet dans les documents de planification urbaine ......................... 22 Une nécessaire action pédagogique ..................................................................... 22
� Un projet sans suites ?................................................................................... 22 Conclusion........................................................................................................... 23 Sources ............................................................................................................... 24
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Introduction
Cette ancienne rivière de Seine-Saint-Denis, la Vieille Mer, canalisée, puis recouverte, fait
l’objet d’un projet de découverture. Ancienne rivière, la plus importante dans le département
après la Marne et la Seine, elle le traverse sur un tronçon de 7 kilomètres de Dugny jusqu’à la
Seine.
Ce projet de découverte d’un ruisseau en pleine zone urbaine pose la question d’une part de la
légitimité du projet, d’autre part des bénéfices que pourront en tirer les espaces traversés par
la Vieille Mer.
La notion de patrimoine est abordée lorsqu’on s’interroge sur la manière dont s’est façonnée la
ville autour du cours d’eau et dans quelle mesure celui-ci a conditionné et structuré les
espaces environnants.
Peut-on parler de patrimoine urbain pour un cours d’eau, de surcroît enterré depuis près de
cinquante ans ? Peut-être, si on s’intéresse au contexte urbain qu’il traverse, qu’il a traversé,
qu’il a façonné…
Dans ce cadre de redécouverte du fleuve, de la nature oubliée en ville retrouvée, comment
porter un projet de cette ampleur ? Quels acteurs et quels mécanismes sont déterminants pour
la réalisation et la mise en place de celui-ci ?
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Un cours d’eau patrimoine urbain ?
• La notion de patrimoine naturel fluvial
Le concept de patrimoine fluvial est relativement récent. Il correspond au mouvement de
démembrement de la notion de patrimoine, continu depuis les années 1960. Dans le contexte
de la loi Malraux du 4 août 1962, le patrimoine a cessé d’être exclusivement limité aux
monuments historiques pour devenir objet de mémoire et identifiant d’un territoire.
L’aménagement du fleuve a évolué au fil du temps et, corrélativement, le patrimoine bâti qui y
est associé.
La notion de patrimoine fluvial est dans un premier temps rattachée aux corps de métiers et
aux industries qui s’y rattachent, c'est-à-dire aux installations remarquables qu’ont induit les
fleuves. Mais rapidement, la notion de patrimoine fluvial prend une autre dimension. L’espace
fleuve, en tant qu’entité identifiée liée à un territoire, devient patrimoine naturel. La nouvelle
dimension est apportée en ce sens que le fleuve n’est plus patrimoine par les éléments
anecdotiques qui l’accompagnent, mais en lui-même. Il s’intègre alors tout à fait à une
politique d’aménagement et de gestion de l’espace.
Plusieurs catégories de patrimoine cohabitent pour l’espace fleuve. Le fleuve comme
écosystème garant d’une forme de diversité biologique, le fleuve comme témoin d’un passé
industriel auquel il était indispensable. Enfin, Le fleuve en tant qu’élément structurant, autour
duquel s’est formée la ville, qui agit comme lien ou frontière entre les territoires, les quartiers.
Au sein des espaces urbains, le réseau hydrographique constitue encore un élément naturel,
avec lequel l’homme doit jongler, en raison des risques qui lui sont associés (inondations,
effondrements…). La compréhension de la manière dont s’est construite la ville par rapport au
réseau hydrographique, par une mise en valeur du patrimoine fluvial permet également de
prévenir ces risques. En effet, la révolution industrielle, suivie des théories hygiénistes, puis
modernistes, ne se sont pas embarrassées de ces frontières naturelles que constituait le
réseau hydrographique. Les ruisseaux ont été canalisés, puis busés ou enterrés ou recouverts.
Les territoires perdant ainsi ce qui les avait déterminés dans leurs formes. Le réseau
hydrographique devient alors uniquement vecteur de nuisances (inondations…), tout en étant
devenu invisible.
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• Un respect des espaces naturels induit par une lecture simplifiée du territoire
L’eau, miroir du lien social
L’eau est un support essentiel à la création de lien social. Elle constitue un élément de
l’identité collective, et mérite à ce titre d’être valorisée en elle-même.
Des projets s’attachent à réinsérer l’eau dans la ville (remise à l’air de la Bièvre, mise en
tourisme du canal Saint Martin …). La notion de développement durable incite les collectivités
au sein de leurs documents d’urbanisme à retrouver la nature dans la ville (reconquérir le
fleuve, retrouver les berges, valoriser les activités fluviales…).
Comprendre les territoires
Après avoir tourné le dos au fleuve pendant près d’un siècle, la ville revient vers lui. Ce retour
nécessite un temps de réadaptation. En effet, après avoir été successivement élément
structurant, puis vecteur du développement industriel, le fleuve est oublié, caché, rappelant de
temps à autre les populations à son bon souvenir par les désagréments qu’il cause même
enterré…
Le fleuve revalorisé comme retour de la nature en ville, peut induire des aménagements
permettant un meilleur respect de l’eau, et du réseau. Agir sur l’insertion du fleuve dans la
ville peut donc avoir des effets directs sur la qualité des eaux que rejette le fleuve.
Retrouver le fleuve, une approche en vogue
Cette approche du fleuve, qui fut longtemps relégué au dos des villes et utilisé comme égout,
est reprise par les différentes orientations prescrites par les documents d’urbanisme. Le SDRIF
2007 par exemple pose les orientations suivantes :
« Ouvrir le fleuve sur la ville et composer avec les territoires naturels et bâtis »;
« Ouvrir le fleuve sur la ville pour permettre sa réappropriation »;
« Le fleuve, comme site stratégique, élément fédérateur du projet spatial régional ».
De même à un niveau plus local, au sein des communes traversée par un fleuve, on ne
manque pas de trouver dans les Plan d’Aménagement et de Développement Durable des
enjeux tels que :
« Retrouver le fleuve » ;
« Ouvrir la ville sur les berges »…
Le projet de réouverture de la Vieille, qui fait l’objet de ce dossier Mer et les enjeux qui lui sont
associés sont tout à fait contemporains et liés aux aspirations de notre société.
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• La Vieille Mer, un patrimoine enfoui par l’urbanisation
La Vieille Mer est une ancienne rivière de Seine-Saint-Denis, la plus importante dans le
département après la Marne et la Seine. Elle traverse le département sur un tronçon de 7 Km
de Dugny jusqu’à la Seine, en traversant la ville de Saint-Denis. Ce cours d’eau a été canalisé
dès le début du siècle et busé entièrement entre 1954 et 1964. La Vieille Mer est gérée par la
Direction de l’Eau et de l’Assainissement du Conseil Général de Seine Saint Denis et constitue
aujourd’hui un véritable réseau primaire d’eaux pluviales.
L’idée de découvrir cette rivière existait depuis de nombreuses années chez les techniciens de
la DEA de Seine-Saint-Denis. En effet, la Vieille Mer, même couverte, n’a jamais perdu sa
réalité de rivière. Tout d’abord elle ne fut que couverte et non enterrée et d’autre part, la
fréquence de ses inondations rappelait régulièrement son existence. Par ailleurs, reconquérir
cette rivière, la remettre à ciel ouvert, est vite apparu comme une nécessité, une chance
même, pour un territoire sur lequel la présence de l’eau est devenu d’une grande rareté (tous
les petits rus, composant cette ancienne zone marécageuse, on été enfouis, cachés, canalisés,
busés…).
Collecteur unitaire dans un premier temps, le collecteur de la Vieille Mer est vite devenu
exclusivement réseau d’eaux pluviales. Nous verrons tout à l’heure que cet ex-statut unitaire
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n’est pas sans conséquence sur le ruisseau couvert. En effet, de mauvais branchements de
réseaux produisent encore aujourd’hui des afflux d’eaux usées au sein de la Vieille Mer.
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La Vieille Mer, fil rouge de contextes urbains chargés d’histoire
L’étude d’un cours d’eau en tant que patrimoine d’un territoire amène à s’interroger sur les
traces que celui-ci a laissées dans l’organisation de la ville et l’implantation de la trame viaire,
de l’espace bâti etc.
Dans le cadre d’un projet de réouverture tel que celui-ci il est d’autant plus déterminant de
montrer que le cours d’eau constitue un élément structurant de la ville, par l’analyse de
l’histoire urbaine du secteur.
• Les traces d’un passé déterminant
XIIIe siècle, la Vieille Mer apparaît pour la première fois sur les cartes
La Vieille-Mer n'apparaît sur les cartes qu'au XIIIème siècle. Elle constitue un bras du Rouillon
prenant naissance à 800 m à l'aval du point de séparation des eaux du Rouillon et du Croult.
Son parcours est relativement parallèle à celui du Rouillon. Il rejoint le Croult à l'aval du bourg
de Saint-Denis.
Plusieurs raisons laissent à penser que la Vieille-Mer est un cours d'eau formé naturellement
mais "modifié et consolidé par l'homme" :
• Le Rouillon a connu un lit fluctuant. On peut supposer qu'un des bras fut progressivement
maintenu par l'homme.
• Si la Vieille Mer était le résultat d'une opération volontariste comme ce fut le cas pour le
Croult, les traces d'une telle entreprise dans des sources écrites auraient dû être retrouvées ;
• Les efforts engagés pour de tels travaux auraient probablement conduit à ce que l'on se soit
donné la peine de nommer cette rivière dès sa création. On ne relève le nom de Vieille-Mer
dans les documents qu'à partir du XVème siècle ;
L'intervention de l'homme répondrait aux besoins, soit d'irriguer les prairies, soit de canaliser
le cours d'eau pour réduire son lit majeur et ainsi accroître les surfaces cultivables.
1.L’ager parisiensis, dit Carte de la Guillotière, e n 1598
9
Saint-Denis à vol d’oiseau, par Devicque, 1863. Lithographie de Lemercier Bibliothèque de Saint-Denis
•
Contexte hydrographique au XIIIè siècle
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L’hydronyme « vieillemer » qui se transformera en Vieille Mer apparaît en 1484.
L’intégration urbaine du Rouillon et de la Vieille Mer s’ébauche au XIXe siècle
Longtemps restés en zone rurale, cette partie de la Seine Saint Denis connaît un essor lors de
la révolution industrielle et dès lors s’urbanise rapidement. Ces éléments naturels doivent donc
s’intégrer à la ville. La vieille Mer est dans un premier temps canalisée, pour être exploitée à
des fins industrielles. Elle est finalement busée, répondant à une demande pressante de la
population, désireuse de se débarrasser de ce cours d’eau devenu peu à peu égout et vecteur
de nuisances pour la ville (inondations, odeurs…). Elle est enfin recouverte en 1957 et devient
partie intégrante du réseau d’assainissement de Seine-Saint-Denis.
• Un cours d’eau devenu émissaire d’eau pluviale
Par l’action de l’homme, la Vieille Mer est donc devenue collecteur enterré d’eaux pluviales.
Cette fonction cause un certain nombre de problèmes techniques quant à sa réouverture. En
effet, par temps sec, le collecteur ne connaît normalement aucun apport, son débit est donc
nul1. Les eaux du Croult qui alimentaient autrefois le cours de la Vieille Mer ont été détournées
au niveau de Dugny vers des bassins de rétention ou d’autres réseaux d’assainissement.
Dans cette configuration, il est envisagé, dans le cadre de la réouverture de rétablir les apports
naturels de la Vieille Mer, à savoir les eaux du Croult, mais également d’y rattacher le rejet de
la station d’épuration de Bonneuil en France située à proximité.
La Vieille Mer, même couverte, reste facteur des nuisances qui lui étaient incombées autrefois.
En effet, le collecteur est, lors de pluies exceptionnelles, victime de surcharge, ce qui provoque
des inondations dans les sous-sols des habitations voisines de son passage.
Redécouvrir la Vielle Mer, c’est aussi permettre aux populations de mieux comprendre la
source de ces nuisances, mais également de recréer un lien physique entre les différents
quartiers traversés par la Vieille Mer.
1 Ce propos est toutefois à nuancer, car il reste de son ex statut de collecteur unitaire des erreurs de branchements entre les réseaux. La Vieille Mer connaît donc un débit d’eaux usées même par temps sec.
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•
Contexte hydrographique actuel
La Vielle Mer, devenue collecteur d’eaux pluviales
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L’amont et l’aval, deux histoires, deux traitements dans l’espace urbain
L'aval : des mutations successives le long du cours d'eau
Histoire, une urbanisation plus ancienne, artisanale puis industrielle, laissant place à de
résidences collectives.
La Vieille-Mer et le Rouillon, dans la partie aval, n'étaient bordés que de rares moulins. A partir
de 1830, une activité artisanale se développe d'abord aux franchissements du cours d'eau puis
le long de ses rives. Activités qui se transforment progressivement en activités industrielles,
les premiers établissements s'implantant en 1849 et s'entendent ensuite vers le Nord.
Les usines s'étendent encore dans la première moitié du XXème siècle. Le Rouillon et la Vieille-
Mer, toujours à ciel ouvert, sont imbriqués dans un vaste tissu industriel dense.
Après la 2nde guerre mondiale, les usines sont transférées en périphérie. Saint-Denis voit se
libérer des emprises foncières qu'elle emploie à répondre aux demandes de logements. C'est à
l'occasion de ces opérations d'aménagement qu'est comblé le Rouillon et couverte la Vieille-
Mer.
L'incidence de la Vieille-Mer sur la morphologie urbaine s'est avérée constante durant toute
l'histoire de ce quartier :
• Au milieu du XIXème siècle, les cours d'eau conditionnent en partie la localisation des
établissements industriels.
• Jusqu'aux années 50, la Vieille-Mer à ciel ouvert apparaît clairement comme la limite nord du
quartier industriel.
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• Lors de la dernière phase de réaménagement, les urbanistes ont retenu la Vieille-Mer comme
élément structurant. Des circulations piétonnes et des espaces paysagers furent disposés au-
dessus du cours d'eau couvert. Le Rouillon connaît un autre traitement puisque, comblé, il
n'apparaît plus dans le tissu actuel.
Toutefois, certaines constructions datant des trois dernières décennies ont été réalisées, en
particuliers pour les parties enterrées, sans considération du passage du cours d'eau à
proximité, comme le montre le schéma ci-dessous.
Une histoire mal connue de la population
Il en résulte une population peu au fait de l'histoire encore récente du secteur. Ce qui n'est pas
sans incidence sur la perception du projet de réouverture du cours d'eau.
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Les espaces traversés par la Vieille Mer enterrée à l’aval
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L'amont : une urbanisation continue et progressive
Histoire, commencée au début du XXème siècle, l'urbanisation est faite de lotissements
pavillonnaires, s'étendant ensuite en quartiers résidentiels de collectifs.
Au début du siècle, l'industrie se développe au nord de l'agglomération. Elle génère une forte
augmentation démographique et une demande inhérente de logements. Pour répondre à cet
afflux, sont créés des lotissements dans les zones encore non urbanisées. Parmi celles-ci
figurent les espaces traversés par la Vieille-Mer à l'Est de l'agglomération.
A noter que les lotisseurs retiennent le site en raison de son faible coût foncier, coût réduit en
partie du fait de son inondabilité chronique.
Ces lotissements sont d'abord occupés par les ouvriers des industries locales. Ils bâtissent des
bicoques, sans eau ni électricité. Ce n'est que progressivement, en conservant le même
parcellaire, que l'habitat est amélioré par extension ou reconstruction du bâti d'origine.
La seconde guerre mondiale met un frein à l'urbanisation du quartier. Elle reprend après-
guerre avec la démolition des fortifications. Il faut attendre une décennie (1955) avant de voir
le quartier se densifier à nouveau, avec la construction de plusieurs cités d'habitats collectifs et
l'établissement définitif de la voirie. En 1963, est aménagé le Parc Cachin.
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Plus à l'amont encore, entre le quartier de la Mutualité et le parc de la Courneuve,
l'urbanisation ne commence qu'en 1963. Une nouvelle crise du logement se traduit par
l'édification de cités résidentielles collectives de grande ampleur. C'est lors de la réalisation des
cités Floréal, la Courtille, Saussaie, que va être couverte la Vieille-Mer.
Aujourd'hui, le parcellaire des lotissements de la Mutualité, antérieur à la couverture de la
Vieille-Mer, laisse apparaître clairement le parcours initial du cours d'eau. Sa couverture a
permis la création d'un cheminement piéton.
Le lit du Rouillon a également déterminé le parcellaire, cependant l'espace dégagé par sa
couverture a été réparti dans les espaces privés.
Une population antérieurement confrontée à la Vieille-Mer
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De par l'histoire de ce secteur, une part importante de la population. Ce souvenir est entretenu
par la toponymie locale : Promenade de la Vieille-Mer, Rue de la Vieille-Mer, Rue du Rouillon,
Ecole maternelle de la Vieille-Mer, Quartier de la Saussaie.
L'éventualité d'une découverture est accueillie de manière négative. Cette perception est liée
au fait que la couverture du cours d'eau, considérée comme récente, a été l'objet d'une
demande vive, répétée et attendue par les résidents. Elle fut synonyme de confort, le cours
d'eau étant encore actuellement perçu comme un égout.
Descriptif : Promenade piétonne étroite en cœur de quartiers résidentiels individuels et
collectifs.
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Les espaces traversés par la Vieille Mer enterrée à l’amont
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Une réouverture possible ?
Le contexte urbain de la Vieille Mer parait particulièrement favorable au projet de réouverture.
En effet, celle-ci a conservé son tracé à travers les espaces publics et piétonniers qui la
recouvrent.
Dans sa partie aval comme dans sa partie amont, la Vieille Mer constitue un élément
structurant de l’espace urbain et du territoire. Elle porte également le long de son cours les
traces du passé industriel du département.
Déterminer l'incidence de la rivière dans la constitution de la trame urbaine permet de
retrouver les liens originels qui unissaient une rue, un quartier, avec le cours d'eau.
En d'autres termes, le projet ne présente-il que l'intérêt paysager de mettre à ciel ouvert un
collecteur, ou permet-il de réintégrer dans la ville ce qui fut l'un des constituants de son
histoire, au même titre que sont mis en valeur les monuments anciens ?
Cette question revêt un intérêt particulier dans des villes comme Saint-Denis. La population y
connaît un fort taux de renouvellement. Une relation immédiate avec l'histoire de leur quartier
pourrait créer une attache plus grande à son lieu de résidence et faciliter leur intégration.
L’étude de l’histoire de l’environnement urbain de la Vieille Mer permet également de mesurer
les liens historiques éventuels qui unissent la population de Saint-Denis et le cours d'eau. En
effet, si celui-ci n'est plus visible, son enfouissement est récent. Nombre d'habitants ont pu le
connaître lorsqu'il était encore à ciel ouvert. Les souvenirs, la perception de celui-ci, participent
à l'acceptation ou au refus du projet.
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Le projet de réouverture : une mise en place difficile
• Contexte juridique
Le foncier
La carte du parcellaire montre que le parcours de la Vieille Mer dans son état actuel traverse
une trame parcellaire globalement lâche et aérée, c’est-à-dire constituée de parcelles de
grande surface.
Le mode d’occupation des sols du secteur se répartit entre de l’habitat collectif (principalement
de grand gabarit) ; des équipements publics de grande ampleur (enseignement, hôpitaux,
parcs…) ; des établissements industriels.
Ce parcellaire très lâche traversé par la Vieille Mer, zone de logements sociaux, appartient
généralement à des institutions ou des collectivités locales.
En terme foncier, 90% du territoire traversé par la Vieille Mer est public ou semi-public, ce qui
facilite les problèmes liés aux rachats des terrains dans le cadre d’un réouverture.
Statut actuel et futur de la Vieille Mer
Les questions de statut sont prépondérantes, puisque qu’en fonction de ceux-ci la législation
varie considérablement.
Deux statut peuvent être envisagés dans le cadre de la réouverture :
- le statut de rivière,
- le statut d’ouvrage public.
Le retour du statut de la Vieille Mer à celui de rivière n’est pas envisageable pour la raison
suivante : le statut de rivière dite naturelle implique l’existence et l’usage d’un lit naturel, la
question est de savoir à quel titre une canalisation peut retrouver un lit naturel, et surtout
quels avantages ce retour apporterait-il ?
Le maintien de la Vieille Mer à un statut d’ouvrage public parait plus raisonnable .
Question de la qualité des eaux
De la qualité des eaux de la Vielle Mer dépend son aspect, son odeur, son entourage paysager
et ses usages. Cette question est donc majeure dans le cadre de sa réouverture.
Dans la configuration actuelle, il faut distinguer la qualité des eaux par temps sec de celle par
temps de pluie.
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- par temps sec, la Vieille Mer ne devrait normalement connaître aucun apport (donc avoir
un débit nul), de par son statut de collecteur d’eaux pluviales. Cependant, à cause de
mauvais branchements et d’infiltrations dans les collecteurs amont, un apport continu a été
observé.
- Par temps de pluie, il a été mis en évidence la très mauvaise qualité des eaux de la Vieille
Mer. La pollution provient : des eaux de ruissellement générées par la pluie en cours, des
remises en suspension de dépôts formés par temps sec.
Il apparaît que les eaux de la Vieille Mer, dans la configuration et la gestion actuelle du réseau,
ne permet de remplir aucun fonction urbaine (baignade, pêche, jeux d’eau, valorisation
paysagère).
Dans le cadre d’une réouverture, ces questions liées à la qualité des eaux devront donc être
traitées en priorité.
Problèmes potentiels au moment de la concertation
Le soutien de la population, des associations qui interviennent dans le secteur est également
déterminant pour la bonne conduite du projet.
Comme nous l’évoquions précédemment, le projet de réouverture souffre d’une perception
assez négative auprès des populations installées de longue date dans les secteurs traversés
par la Vieille Mer. La couverture du cours d’eau, considérée comme récente, a été l’objet d’une
demande vive des riverains, et fut synonyme de confort, le cours d’eau étant alors considéré
comme un égout.
La phase communicante sera donc essentielle pour la bonne conduite du projet.
• Des acteurs volontaristes
Des techniciens motivés
Porté depuis 1999 par le Conseil Général de Seine-Saint-Denis et particulièrement par les
techniciens de la Direction de l’Eau et de l’Assainissement, le projet bénéficie de la motivation
de ces derniers. En effet, un projet d’une telle ampleur, à l’échelle de plusieurs commune doit
être prôné et soutenu par des moteurs forts. La Seine-Saint-Denis se place depuis quelques
années déjà en département « exemple » en matière de gestion durable de l’eau. C’est au sein
de ce département que l’on peut observer l’actualité en matière d’assainissement alternatif, de
réutilisation des eaux pluviales, techniques fortement conseillées par la loi sur l’Eau de 1992.
Le projet de réouverture de la Vieille Mer s’inscrit donc dans une dynamique générale de
réalisations innovantes de la part du département en ce qui concerne l’eau et, plus
généralement l’aménagement durable.
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L’inscription du projet dans les documents de planification urbaine
Afin de voir ce projet se réaliser un jour, il est nécessaire de l’inscrire, au moins comme
orientation dans les différents documents et plan d’urbanisme du secteur concerné. Ainsi, il a
été inscrit dans :
- Plan Communautaire de l’environnement de Plaine Commune (travail préalable à la
réalisation des PLU)
- Contrat de bassin (région + Agence de l’eau)
- SAGE (en cours d’émergence)
Cette inscription permet de donner une forme de légitimité à l’idée de découverture.
Une nécessaire action pédagogique
Nous l’avons vu, le projet ne rencontre pas d’obstacles majeurs d’un point de vue législatif, il
est même encouragé par les différentes orientations de développement durable très
contemporaines. Le point qui fait encore défaut à l’heure actuelle reste l’aspect communicatif
avec les populations résidentes, qui finalement seront les plus touchées par la réouverture.
Cependant, le contexte actuel, la sensibilisation du public, le Grenelle de l’Environnement… ont
permis une prise de conscience collective de l’importance de l’environnement « naturel », de la
rareté des ressources.
On ne peut pas présumer de l’accueil des populations, mais la manière dont celui-ci est exposé
et communiqué compte de manière primordiale dans la création d’un imaginaire collectif et
donc d’une adhérence ou d’un refus face à un projet.
• Un projet sans suites ?
Dans les cartons du Conseil Général de Seine-Saint-Denis depuis bientôt 10 ans, on peut
s’interroger sur la forme que va prendre ce projet de découvrir la Vieille Mer.
Des groupes de travail ont été constitués autour de l’idée de découverture. Il s’agit de réfléchir
à la forme opérationnelle que va prendre celle-ci, du point de vue de la concertation, mais
également et surtout du point de vue des financements. Les aménagements paysagers,
l’amélioration du cadre de vie qu’accompagneraient le projet aurait sans nul doute un fort
impact sur le foncier et l’attraction de nouveaux acteurs (zones d’activités, entreprises…) et
résidents. Cet aspect, pourtant déterminant (du moins pour le retour sur investissement que
cela constituera), n’est pas abordé dans les documents de communication ou encore les études
faisabilité que j’ai pu consulter pour la réalisation de ce dossier.
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Il est manifeste que nous nous trouvons dans une période particulièrement favorable pour la
réalisation de ce type de projets. Reste à trouver les fonds d’investissement et subventions qui
permettront sa réalisation.
Conclusion
En forme de conclusion, on peut s’interroger sur la démarche en elle-même. Est-ce un retour
au passé que de découvrir une rivière aujourd’hui disparue ? Les thématiques de retour de la
nature en ville font l’objet d’un consensus général. Mais que penser du changement radical de
perspective en un demi-siècle, passant de l’urbanisme moderniste qui recrée une nature
urbaine à l’urbanisme contemporain qui privilégie la nature à l’état « naturel » ? On peut se
poser la question de l’espace temps dans lequel s’inscrivent les courants d’urbanisme. La
réflexion doit également prendre en compte les décennies qui s’annoncent en s’appuyant sur le
passé en donc sur le patrimoine, dans son sens large, légué par les générations antérieures.
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Sources
Cahiers de l’IAURIF
Le fleuve, composante de l’écosystème métropolitain sa prise en compte dans l’aménagement
Composante Urbaine
Étude de faisabilité pour la dé-couverture de la Vieille Mer
Rencontre : Christian Piel, Marie Pire
Direction de l’Eau et de l’Assainissement CG93
Rencontre : Thierry Maytraud