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Article de Andria Andriuzzi, chercheur à la Chaire Marques & Valeurs, IAE de Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Proposition pour les SMC Research Awards - Social Media Club - Décembre 2013TRANSCRIPT
1 SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
La conversation de marque, une sphère d’influence ?
Impact de la qualité de la conversation sur le bouche à oreille
Andria Andriuzzi
Doctorant Chaire Marques & Valeurs
IAE de Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Proposition pour les SMC Research Awards – Décembre 2013
Introduction
Le terme de « conversation » a investi l’univers du marketing depuis une
dizaine d’années pour désigner les échanges entre internautes. Avec le
développement des médias sociaux, les marques interagissent
aujourd’hui avec les consommateurs sur des services comme Twitter et
Facebook. Cette situation, à laquelle le terme de conversation de
marque paraît adapté (Guillot, 2011), est peu documentée dans la
littérature académique et présente des contours incertains. Dans le
discours marketing actuel, la notion aurait même une acceptation
essentiellement métaphorique, qualifiant de « conversationnelle » toute
forme d’interaction (De Montety et Patrin-Leclère, 2011; Berthelot-Guiet,
2011). Deux études présentent des résultats paradoxaux : la première
avance que 69% des individus « attendent que les marques entrent en
conversation avec eux »1 ; la deuxième indique qu’ils ne sont que 16% à
suivre des marques sur les médias sociaux2. Parmi eux, seuls 11%
commentent les informations diffusées par les marques, et 10% les
relayent à leurs contacts. Malgré sa popularité chez les praticiens, la
conversation de marque ne concernerait-t-elle finalement qu’un nombre
réduit d’internautes ? Quel en est alors le bénéfice pour les marques ? Le
fait que certains internautes rediffusent des informations à leurs contacts
offre un accès à une plus large audience. La conversation de marque
pourrait trouver là une légitimité en tant que technique de marketing
viral. La proximité entre ces concepts nous incite à explorer cette piste,
1 Etude W & Cie / CSA : « Observatoire de marques en conversation – 3
ème vague », Novembre
2010 2 Etude Ifop : « Observatoire des réseaux sociaux - Vague 6 », Novembre 2011
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en nous demandant s’il existe un lien entre conversation de marque et
bouche à oreille. Répondre à cette question permettrait, d’une part, de
faire progresser les connaissances académiques sur cette tendance
émergente et, d’autre part, de proposer des recommandations
managériales.
Dans une première partie, nous développons un modèle conceptuel qui
établit une relation entre conversation de marque et bouche à oreille.
Dans une deuxième partie, le modèle est testé en analysant les
conversations visibles sur la page Facebook d’une marque de banque
bien connue du grand public, la Caisse d’Epargne. Pour ce faire, nous
procédons à une étude netnographique, complétée par la collecte de
données quantitatives fournies par la banque. L’ensemble des données
est soumis à une analyse statistique. Les résultats montrent que la qualité
de la conversation a une influence sur le bouche à oreille. La
conversation de marque a ainsi des effets au-delà du cercle restreint de
ses participants, ce qui présente un intérêt certain pour les organisations.
Développement conceptuel
La conversation de marque peut être définie comme un échange de
propos en ligne entre plusieurs individus, dont un au moins représente une
marque et agit ouvertement en tant que tel (Andriuzzi, 2012). Grâce à
Internet, les marques développent depuis plusieurs années une
communication « plus rapide, continue, interactive et personnalisée »
(Michel et Vergne, 2004). Cette tendance semble s’être accentuée avec
l’essor des médias sociaux et l’utilisation du mode de la conversation par
les marques. Parmi les effets potentiels de la conversation de marque,
nous nous intéressons au bouche à oreille. Notre modèle conceptuel
(Figure 1) met en perspective la littérature marketing consacrée aux
communautés de marque en ligne et au bouche à oreille avec les
travaux d’Historiens des Lettres. Ces derniers étudient la conversation des
salons mondains, activité sociale et codifiée qui a connu son âge d’or en
France, aux 17ème et 18ème siècles. Ces travaux, à notre connaissance
ignorés par la recherche en marketing, nous paraissent présenter une
grille de lecture intéressante. Des travaux issus des sciences de la
communication sont également mobilisés.
3 SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
Figure 1 – Modèle conceptuel
La conversation, une sphère d’influence
Bien qu’elle ne rassemble qu’un nombre limité d’interlocuteurs, la
conversation de salon a, sous une apparente frivolité, influencé une large
partie de la société, comme l’atteste par exemple son rôle dans la
diffusion des idées des Lumières (Fumaroli, 1994). Ce phénomène peut
être comparé aux effets produits par les conversations de
consommateurs au sein de communautés de marque en ligne. Leurs
membres, animés par un sentiment d’appartenance interindividuel et
collectif (Amine et Sitz, 2007), échangent de nombreuses informations.
Ces conversations ont par exemple des conséquences sur la fidélisation
des consommateurs et peuvent aider l’entreprise dans la connaissance
de ses marchés et dans la définition de son offre (Amine et Sitz, 2007). Elles
ont aussi un impact sur le comportement d’achat, en réduisant
l’incertitude des consommateurs (Adjei et al., 2010). Certains auteurs
attribuent aux communautés de marque le bénéfice de la diffusion de
bouche à oreille positif (ibid.). Le bouche à oreille, en ligne ou en face-à-
face, est considéré comme une importante source d’information pour les
consommateurs. Il joue un rôle dans la diffusion de nouveaux produits
(Arndt, 1967) et sur la recommandation de services (Godes et Mayzlin,
2004). Pour Adjei et al. (2010), c’est la qualité de la conversation qui
produit des effets sur le comportement des consommateurs. Dans un
article traitant des interactions entre salariés et clients dans les centres
d’appels, Fielding (2003) évoque lui aussi la nécessité de mesurer la
qualité des échanges, plutôt que leur seule quantité. En nous inspirant de
ces travaux, nous formulons l’hypothèse suivante :
H1 : Plus la conversation de marque est de qualité, plus le bouche à
oreille est important
4 SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
Type d’ouverture et qualité de la conversation
L’analyse de conversation, discipline apparue aux Etats-Unis au milieu des
années 60, s’intéresse au langage dans un contexte social. Parmi ses
précurseurs, Sacks3 (cité par De Fornel et Léon, 2000) étudie les phases qui
ont pour but de faire démarrer la conversation, appelées ouvertures. Sur
Internet aussi, notamment au sein d’espaces de discussion instantanée,
des phases préliminaires ont lieu au début d’une conversation, mais elles
sont plus laborieuses qu’en face-à-face (Markman, 2009). La
conversation de marque présente une particularité, en raison de son
caractère asynchrone: les phases d’ouverture sont résumées dans le
message initial posté par la marque, qui définit immédiatement le sujet -
tout en recherchant l’adhésion des « fans »4 (Guillot, 2011). Nous pouvons
donc penser que l’ouverture a une incidence sur le reste de la
conversation. Pour faire émerger différents types d’ouvertures, nous en
étudions la forme et le fond. Les Historiens des Lettres considèrent que la
forme de la conversation est un élément déterminant de sa réussite.
Contrairement à la conversation quotidienne, la conversation de salon
est soigneusement préparée, tout en conservant une apparence
naturelle (Crenscenzo et al., 2000). C’est en fait une mise en scène du
spontané. En ce qui concerne le fond, on constate que les marques
abordent des thèmes variés : promotions, actualité culturelle, centres
d’intérêts, etc. Ces sujets génèrent-ils le même genre de conversation ?
L’analyse de la conversation de salon faite par les Historiens des Lettres
suggère que certains thèmes n’étaient pas les bienvenus, notamment les
sujets trop sérieux (Bercegol, 1998). Une conversation réussie impose donc
finalement une sélection du contenu. Ce principe coïncide avec les
préconisations des experts du brand content, qui conseillent aux marques
de privilégier des contenus intéressants, utiles ou divertissants (Bô et
Guével, 2009). Nous faisons ainsi l’hypothèse suivante :
H2 : Le type d’ouverture a une influence sur la qualité de la conversation
de marque
Effet médiateur de la qualité de la conversation
Le message posté par la marque peut être partagé par les internautes,
même s’il n’a pas généré de conversation. Cette situation évoque le
marketing viral, où la marque diffuse un message en espérant que les
internautes le rediffusent à leur propre réseau de contacts (Maunier,
2008). On peut ainsi formuler l’hypothèse suivante :
H3 : Le type d’ouverture a une influence sur le bouche à oreille
Nous avons émis les hypothèses suivantes : le type d’ouverture a un effet
sur la qualité de la conversation (H2) ; la qualité de la conversation influe
sur le bouche à oreille (H1). En complément de l’hypothèse H3, nous
pouvons donc envisager l’hypothèse suivante :
3 Schegloff, E., Sacks, H. (1973) « Opening up closings », Semiotica, 7, 289-327
5 SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
H4 : La qualité de la conversation est une variable médiatrice des effets
de l’ouverture sur le bouche à oreille.
Effet modérateur de la participation de la marqueLa conversation de
salon est présentée comme un art de l’interaction. Participer à une
conversation nécessite de s’adapter aux attentes des autres en les
anticipant (Bachellier et al., 1979). Si l’on applique ces recommandations
à un contexte marketing, on peut penser que la marque a intérêt à
participer activement aux conversations pour en garantir la qualité.
Plusieurs chercheurs recommandent d’ailleurs aux praticiens de
s’engager dans les conversations des consommateurs (Keller, 2007 ;
Kaplan et Haenlein, 2009). Nous proposons donc l’hypothèse suivante :
H5 : La participation de la marque aux conversations modère
positivement les effets de l’ouverture sur la qualité de la conversation
Ces hypothèses sont testées lors d’une étude empirique, dont nous
présentons ci-après la méthodologie. Elle consiste à combiner une étude
qualitative et une étude quantitative.
Méthodologie
Afin de tester notre modèle, nous avons étudié la page Facebook de la
Caisse d’Epargne (Groupe BPCE). Le secteur bancaire est pertinent dans
le cadre de notre étude, car les consommateurs y sont particulièrement
sensibles au bouche à oreille (Maunier, 2008). La méthodologie comporte
3 phases : la collecte et le codage de données lors d’une netnographie
(A), la collecte de données secondaires (B) et l’analyse statistique de cet
ensemble de données (C).
Phase A : Netnographie
Les interactions visibles sur la page Facebook ont été analysées dans la
cadre d’une netnographie, définie comme « une méthode d’enquête
qualitative qui utilise Internet comme source de données en s’appuyant
sur les communautés virtuelles de consommation » (Bernard, 2004). La
période observée correspond à celle pour laquelle la banque nous a
fourni des données secondaires, du 6 février au 29 juin 2012. Nous avons
ainsi étudié 108 messages postés par la marque, dont 69 ont généré une
conversation, c'est-à-dire une ouverture suivie d’au moins un
commentaire. Les commentaires suivant les posts de la marque sont au
nombre de 753, soit une moyenne de 7 commentaires par ouverture, et
de 11 commentaires par conversation effective.
Le codage de ces interactions était composé de deux tâches (voir un
exemple en Annexe 1). La première a consisté à coder les ouvertures,
pour évaluer leur fond et leur forme, selon la méthode de l’analyse de
6 SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
contenu (Bardin, 1977). Certaines catégories étaient basées sur des
éléments théoriques présentés dans le développement conceptuel,
d’autres sont apparues de façon inductive, au fur et à mesure de
l’analyse. Par exemple, des catégories [centre d’intérêt] et [marque]
étaient envisagées dès le départ. A l’inverse, la catégorie [vie pratique],
qui comprend par exemple des discussions sur l’emploi ou le coût de la
vie, est apparue en cours d’analyse. Les catégories concernant la forme
des ouvertures ont été limitées à la présence d’indices explicites
déterminés pendant l’analyse, à savoir leur caractère [impératif],
[interrogatif] ou [exclamatif]. Ces signes grammaticaux correspondent
aux éléments théoriques issus de l’étude de la conversation de salon,
respectivement une incitation à l'action, un intérêt pour les autres et un
ton enjoué (Fumaroli, 1994).
La seconde tâche a consisté à mesurer la qualité des conversations en
codant les commentaires suivant chacune des publications. Pour cela,
nous avons repris les critères définis par Adjei et al. (2010), qui envisagent
la conversation comme un construit composé de quatre mesures -
fréquence, pertinence, rapidité et durée. Nous avons adaptés ces
critères au contexte d’une page Facebook. La fréquence (1) correspond
au nombre de commentaires émis par les internautes à la suite d’une
ouverture, et les éventuelles réponses de la marque. Notons que la
fréquence est par la suite exprimée de façon relative par rapport au
nombre de « fans » de la page au jour de la publication, afin de lisser les
différences d’audience d’une publication à l’autre ; la pertinence (2) est
le pourcentage de commentaires en rapport avec le sujet initial. Par
exemple, un commentaire est jugé non pertinent quand un internaute
fait état d’un problème sur son compte bancaire alors que la marque a
évoqué un événement sportif ; la rapidité (2) est le délai entre le post de
la marque et le premier commentaire ; la durée correspond au nombre
moyen de mots par commentaire, dans une conversation donnée. Ces
quatre mesures ont été standardisées sur une base 1. La note de rapidité
a été inversée (une réponse immédiate, c'est-à-dire un délai de 0 minute,
donne la note de maximum). Une note de qualité de la conversation est
attribuée à chaque publication, constituée de la somme des quatre
mesures, divisée par quatre. Par ailleurs, nous avons relevé la participation
de la marque aux conversations, en déterminant le pourcentage de
commentaires publiés par la marque dans chaque conversation.
Phase B : Collecte de données secondaires
La banque nous a transmis des données fournies par Facebook aux
administrateurs de la page, permettant d’évaluer la performance des
posts. Les données fournies couvrent une période de cinq mois, du 6
février au 29 juin 2012. Pour mesurer les effets de la conversation de
marque, nous avons retenu des indicateurs couramment utilisés dans la
mesure de l’efficacité du marketing digital. Ainsi, pour évaluer l’attention
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que les internautes portent aux messages des marques, Florès (2012)
propose de considérer le « nombre de personnes potentiellement
touchées par un statut Facebook ». Pour mesurer le bouche à oreille,
Hoffman et Fodor (2010) recommandent de prendre en compte le
nombre des personnes qui ont vu des contenus liés aux publications de la
marque dans le fil d’actualité de leurs amis. Pour évaluer l’intérêt de ces
publications, on peut prendre en compte le nombre des personnes qui
interagissent avec elles, par exemple en cliquant sur des liens hypertextes.
En suivant ces recommandations, nous avons identifié les indicateurs
correspondants dans les données de Facebook : l’attention correspond à
la portée organique [a] de la publication (« Nombre de personnes qui ont
vu une publication de la Page dans le fil d’actualité ou le télex, ou sur le
mur de la Page ») ; le bouche à oreille est la portée virale [b] (« Nombre
de personnes qui ont vu la publication de la Page dans l’actualité d’un
ami » ; l’intérêt [c] correspond aux utilisateurs engagés (« Nombre de
personnes ayant cliqué n’importe où dans les publications [de la
marque] »). Comme précédemment pour la fréquence, nous avons
exprimé ces mesures sous leur forme relative, c’est-à-dire rapportées au
nombre de « fans » de la page au moment de chaque publication. Ayant
déterminé trois variables [a, b et c], nous détaillons l’hypothèse H1 en H1-
a, H1-b et H1-c., et l’hypothèse H3 en H3-a, H3-b et H3-c.
Phase C : Analyse statistique Les données secondaires ont été combinées
aux données codées lors de la netnographie, sur un tableur. En face de
chaque publication de la marque, nous avons indiqué le codage de son
fond et de sa forme, la mesure de qualité de la conversation générée,
ainsi que ses performances. L’ensemble de ces données a été traité avec
le logiciel d’analyse statistique SPSS.
Résultats
La cohérence de l’échelle de qualité de la conversation étant fiable
(alpha de Cronbach = 0,821), la variable unique [qualité] peut être
utilisée. Un test est effectué sur les trois critères de performance choisis.
Une faible fiabilité (alpha de Cronbach = 0,148) confirme qu’il s‘agit de
dimensions différentes et que le modèle demande bien à être testé sur les
trois variables. Quatre observations ont été exclues en raison de valeurs
extrêmes. Les résultats de l’étude des 104 conversations sont présentés
dans la Figure 2.
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Figure 2 – Résultat de l’étude quantitative
Note : la significativité est représentée comme suit : ***=p<0,001 ;
**=p<0,01 ; *=p<0,05
Pour tester les effets de la qualité des conversations sur leurs
performances, nous effectuons trois régressions linéaires (Tableau 1).
Tableau 1 – Régressions linéaires
Les résultats sont significatifs pour les trois dimensions. La qualité de la
conversation a un effet sur la portée organique (a), la portée virale (b) et
l’intérêt (c) : les hypothèses H1 (a, b et c) sont validées. Les résultats les
plus probants sont ceux des effets de la qualité de la Les conversation sur
la portée virale, la variance expliquée étant de 19,2%.
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Tableau 2 – Classification en nuées dynamiques – Centres de classes
finaux
Une classification en nuées dynamiques permet de déterminer trois
grands types d’ouvertures (Tableau 2), qui présentent des différences de
moyennes de qualité de conversation significatives (F=5,06, p<0,01). Nous
pouvons valider H2 : certains types d’ouvertures génèrent une
conversation de meilleure qualité. Les ouvertures qui génèrent une plus
grande qualité évoquent ici la marque, sur un mode exclamatif (classe
3).
Tableau 3 – Anova à 1 facteur
Une ANOVA à un facteur est utilisée pour analyser l’effet du type
d’ouverture sur le bouche à oreille (Tableau 3). L’effet du type
d’ouverture sur la portée organique n’étant pas significatif (p=0,405),
l’hypothèse H3-a est rejetée. En revanche, certaines ouvertures ont une
portée virale plus importante et paraissent plus intéressantes. Les
hypothèses H3-b et H3-c sont donc validées.
Nous avons montré que le type d’ouverture influe, d’une part, sur la
qualité de la conversation (H2) et, d’autre part, sur la portée virale et
l’intérêt (H3-b et H3-c). Par ailleurs, la qualité de la conversation influe sur
(a), (b) et (c) (H1) Nous pouvons donc valider H4 : la qualité de la
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conversation est une variable médiatrice des effets de l’ouverture sur le
bouche à oreille. La validité est partielle pour les effets sur la portée virale
et sur l’intérêt. Par contre, la médiation semble être parfaite pour la
portée organique, H3-a n’ayant pas été validée. La qualité de la
conversation semble être une condition indispensable de la visibilité du
message de la marque auprès des abonnés de la page.
Tableau 4 : Analyses univariées de la variance (Ancova)
Enfin, nous effectuons deux analyses univariées de la variance intégrant
la qualité de la conversation en variable dépendante et le type
d’ouverture en variable indépendante (Tableau 4). Dans la deuxième
analyse, nous introduisons la participation de la marque à la conversation
en covariable. Ce deuxième modèle explique une plus grande part de la
variance (R2=0,263 ; p<0,001). Des précautions sont à prendre dans
l’interprétation de ces résultats, la signification de la statistique de Levène
du deuxième modèle ne permettant pas d’accepter l’hypothèse nulle
d’égalité des variances (p=0,046). Cependant, le modèle étant très
significatif (p<0,001), nous pouvons valider H5 : la marque a intérêt à
participer activement aux conversations.
Conclusion
D’un point de vue théorique, cet article permet d’établir un lien entre
qualité de la conversation de marque et bouche à oreille. La mobilisation
des travaux de l’Histoire des Lettres offre une grille de lecture originale, qui
pourrait être explorée davantage. Le modèle de la conversation de salon
pourrait être plus pertinent que ne l’est celui de la conversation
quotidienne. La conversation de marque n’est en effet ni vraiment
naturelle, ni complètement spontanée. D’un point de vue
méthodologique, la méthode de la nethnographie appliquée à une
page Facebook peut produire des résultats intéressants. Si elle a ici surtout
consisté à collecter et coder des données, des études incluant une
observation participante pourraient permettre de mieux comprendre les
motivations des internautes.
D’un point de vue managérial, cet article offre un éclairage sur
l’utilisation du mode de la conversation par les marques, en évoquant ses
conditions de réussite et la façon d’en mesurer les effets. Plus
particulièrement, les recommandations aux gestionnaires de pages
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Facebook de marque sont de trois ordres : (1) sélectionner
rigoureusement les sujets de conversations et travailler leur forme; (2)
participer aux conversations des internautes, et non se contenter de
poster le message initial ; (3) prendre en compte la qualité de la
conversation et ses différentes dimensions, au-delà de sa simple quantité.
Enfin, ces résultats peuvent conduire à une réflexion sur les stratégies
d’acquisition de « fans » des pages Facebook : mieux vaut sans doute
privilégier un recrutement « organique » d’internautes intéressés par la
marque, plutôt que de recourir à des mécanismes permettant un
recrutement plus large d’abonnés moins impliqués. Si certains effets de la
conversation de marque ont ici été mis en évidence, cette recherche
ouvre des perspectives pour une étude plus approfondie des autres
bénéfices de la conversation de marque, comme peuvent l’être la
cocréation ou la connaissance des consommateurs. Cet article permet
d’envisager la conversation de marque comme un objet de recherche et
une technique marketing spécifiques.
SMC Research Awards – Andria Andriuzzi
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Annexe 1 : exemple d’une conversation et de son codage
CONVERSATION
Ouverture :
[Banque] « Si vous deviez ouvrir une franchise, laquelle choisiriez-vous
? »
(9 février, 17:25)
Commentaires :
[Internaute 1] « Services aux personnes... » (9 février, 17:35)
[Internaute 2] « Je choisirais une célèbre entreprise de chocolats, ou
une enseigne de téléphonie. Doit-on les nommer ? » (9 février, 18:34 )
[Internaute 3] «tryba » (9 février, 19:21)
[Banque] > « [Internaute 1] : un service en particulier ? Plutôt personnes
âgées ? Soutien scolaire ? Une enseigne en tête peut-être ? [Internaute 2]
: vous pouvez les nommer si vous le souhaitez, pas de soucis ;) [Internaute
3] : précis, parfait. Qu'est-ce qui manque pour vous lancer ? » (9 février,
19:33)
[Internaute 2] « Alors, ce serait Jeff de Bruges ou PhoneHouse ! » (9
février, 20:00 )
CODAGE
Ouverture : fond : [vie pratique] ; forme : [interrogatif]
Conversation :
Fréquence : cinq commentaires. Suivant la méthodologie d’Adjei et.al
(2010), seuls les commentaires postés dans les premières 72heures sont pris
en compte. ;
Pertinence : les cinq commentaires se rapportent au sujet du message
et/ou répondent à la question posée : la pertinence est de 100% ;
Délais : Le premier commentaire intervient 10 minutes après l’ouverture
(soit 0,2 heure) ;
Durée : la conversation est constituée de 78 mots, soit 16 mots par
commentaire ;
Participation de la marque à la conversation : 1 commentaire, soit 20% de
la conversation.
Note : Les noms des internautes sont masqués par souci de
confidentialité.