la colonisation mennonite en...

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GRAFI GÉO 1999-6 Collection mémoires et documents de l’UMR PRODIG LA COLONISATION MENNONITE EN BOLIVIE Culture et agriculture dans l’Oriente Gwenaëlle PASCO

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LLAA CCOOLLOONNIISSAATTIIOONN MMEENNNNOONNIITTEE EENN BBOOLLIIVVIIEECulture et agr icu l ture dans l ’Or iente

Gwenaël le PASCO

LLAA CCOOLLOONNIISSAATTIIOONN MMEENNNNOONNIITTEE EENN BBOOLLIIVVIIEECulture et agr icu l ture dans l ’Or iente

DDAANNSS LLAA MMÊÊMMEE CCOOLLLLEECCTTIIOONN

(ISSN 1281-6477)

La Francophonie au Vanuatu. Géographie d’un choc culturelpar Maud Lasseur (Grafigéo 1997, n° 1, ISBN 2-901560-30-X)

La géographie tropicale allemandepar Hélène Sallard (Grafigéo 1997, n° 2, ISBN 2-901560-31-8)

Le repeuplement de la côte Est de Pentecôte.Territoires et mobilité au Vanuatupar Patricia Siméoni (Grafigéo 1997, n° 3, ISBN 2-901560-32-6)

B. comme Big ManHommage à Joël Bonnemaison (Grafigéo 1998, n° 4, ISBN 2-901560-34-2)

Siem Reap - AngkorUne région du Nord-Cambodge en voie de mutationpar Christel Thibault (Grafigéo 1998, n°5, ISBN 2-901560-36-9)

SSOOUUSS PPRREESSSSEE

Retour du refoulé et effet chef-lieu : analyse d’une refonte politico-administrative virtuelle (Afrique de l’Ouest)par Frédéric Giraut (Grafigéo 1999, n° 7, ISBN 2-901560-38-5)

Transition malienne, décentralisation,gestion communale bamakoisepar Monique Bertrand (Grafigéo 1999, n° 8)

AA PPAARRAAÎÎTTRREE

Inventaire géomorphologique de la région de Fejej (Sud de l’Ethiopie).Etude au moyen de données aériennes et spatialespar Lydie Martin

Le développement durable en questionspar Sophie Bouju

Le « grand Mekong » : mirage ou futur miracle ?par Sophie Adam

LLAA CCOOLLOONNIISSAATTIIOONN MMEENNNNOONNIITTEE EENN BBOOLLIIVVIIEECulture et agr icu l ture dans l ’Or iente

Gwenaël le PASCO

Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique

191 rue Saint-Jacques75005 Paris

AVEC LA PARTICIPATION FINANCIÈRE

DE L’ÉQUIPE PACIFICA DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS IV-SORBONNE

Mémoire de Maîtrise

effectué sous la direction de

Christian Huetz de Lemps (Université de Paris IV-Sorbonne)

et Jean-Claude Roux (IRD - ex-ORSTOM)

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Marie-Françoise Courel

DIRECTEUR FONDATEUR DE LA COLLECTION

Joël Bonnemaison (1940-1997)

DIRECTEUR DE LA COLLECTION

Roland Pourtier

COMITÉ ÉDITORIAL

Gérard BeltrandoJean-Louis Chaléard

Marie-Françoise CourelChristian Huetz de Lemps

Roland Pourtier

© PRODIG. 1999ISBN 2 901560 37 7

ISSN 1281-6477

Photographie de couvertureGwenaëlle Pasco

Jeune fille mennonite,Valle Esperanza (octobre 1997)

Maquette et mise en pageMaorie Seysset

Cartographie Nicolas Ovtracht

Traitement photographiqueThierry Husberg

Deuxième édition • octobre 2000

L’ OUVRAGE QUE L’ON VA LIRE est pas-sionnant à plus d’un titre.D’abord, il concerne ce qui fut

longtemps un bout du monde, un espacepionnier mal connu au sein d’un pays lui-même fortement isolé et enclavé depuis laperte de sa façade maritime. Comme l’abien montré Jean-Claude Roux dans sonouvrage sur L’Oriente péruvien (Karthala,1996) et dans celui, à paraître fin 1999(CRET Bordeaux, collection « Pays encla-vés ») sur Les Orientes boliviens del’Amazonie au Chaco, les basses terres côtéAmazonie ont toujours été délaissées (saufpeut-être lors de l’éphémère « boom ducaoutchouc ») par rapport aux hautesterres qui constituaient le cœur historiquedes États andins. Il y avait là donc desespaces libres, qui sont devenus récemmentdes domaines pionniers pour la mise envaleur desquels les gouvernements ont faitdes efforts, en particulier en octroyant auxcolons un certain nombre d’avantages sub-stantiels.

Mais ensuite, avec les mennonites, nousavons vraiment des colons bien particuliers.Descendants rigoureux de la secte anabap-tiste du temps de la Réforme, cousins desamish, ils n’ont pas hésité à franchir lesmers pour pouvoir maintenir intégralement

leurs convictions religieuses et leur genre devie, puisque les deux éléments étaient indis-solublement liés. C’est au fond un exemplepoussé à l’extrême de la prépondérance desfaits culturels dans les choix humains,thème cher à Joël Bonnemaison avec qui cetravail a été commencé. Ce sont leursmigrations à la recherche de terres viergeset isolées qui ont conduit les mennonites auCanada, au Mexique, au Paraguay et enBolivie, où ils ont été fort bien accueillisdans un pays manquant à la fois d’hommeset de compétences paysannes au momentde la réforme agraire. Ils ont donc pu éta-blir des « colonies » vivant en vase clos surle plan social et culturel, mais produisantdes quantités importantes de blé, de soja,etc. Cet isolement signifiait bien sûr des dif-ficultés d’enquête considérables pour l’au-teur de ce mémoire, et ce n’est pas un desmoindres mérites de Gwenaëlle Pasco qued’avoir su réunir tant d’informations sur leterrain, au contact de communautés dontl’ouverture sur le monde extérieur est volon-tairement très limitée.

Enfin, l’avenir même de ces isolats men-nonites de Bolivie n’est pas sans présenterde grandes incertitudes. D’abord, lesméthodes de cultures appliquées dans lescolonies, si elles ont une efficacité certaine

55Grafigéo 1999-6

Préface

Préface

sur le plan de la production, ne sont paspleinement adaptées à cet environnementtropical et font peser sur celui-ci des risquesécologiques dont le gouvernement a prisconscience. Ensuite, et surtout, la présencede ces isolats risque d’être de plus en plusmal ressentie par les populations localesqui n’ont pas fatalement les capacités, nireçu les moyens d’une réussite comparable.Face à ces critiques, y aura-t-il à terme une

certaine dilution de la cohésion stricte descommunautés, une certaine ouvertureallant dans le sens d’une acceptation du– et par le – monde extérieur, ou bien lesmennonites devront-ils chercher d’autresespaces vierges, à l’abri des tentations etinfluences pouvant mettre en cause leuridentité ?

Christian HUETZ de LEMPS.

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 66

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

Chapitre 1 • A l’origine des migrations, la non-conformité mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

LA PRÉGNANCE DE L’HÉRITAGE EUROPÉEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

UN SYSTÈME DE CROYANCE BASÉ SUR

UNE INTERPRÉTATION PARTICULÈRE DE LA BIBLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

L'EXPRESSION DE LA NON-CONFORMITÉ MENNONITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

UNE COMMUNAUTÉ EN PLEINE EXPANSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18

UNE SECTE QUI FUIT LA CIVILISATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

LA BOLIVIE, ULTIME DESTINATION DES PLUS CONSERVATEURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

Chapitre 2 • La conquête de l’Oriente bolivien . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

UNE RÉGION LONGTEMPS ISOLÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

DES ATOUTS : L'ESPACE PHYSIQUE ET LE MILIEU NATUREL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

L’ÉMERGENCE DE SANTA CRUZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Chapitre 3 • La société mennonite et son territoireconditionnés par une identité religieusesans compromis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

UN NOMBRE CROISSANT DE COLONIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

LA RIGIDITÉ DE L'ORGANISATION INTERNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

UNE VIE RELIGIEUSE INTENSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

L'EMPRISE RELIGIEUSE SUR LE QUOTIDIEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Chapitre 4 • Un système de production agro-pastorale efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

UNE SOCIÉTÉ « CAPITALISTE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

UNE AGRICULTURE INTENSIVE ET SPÉCIALISÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

ÉLEVAGE ET ACTIVITÉS NON AGRICOLES DANS LES COLONIEs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

LE BILAN D'UNE « RÉVOLUTION AGRICOLE MENNONITE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .64

Chapitre 5 • Réalités écologiques du développement de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

DES MESURES LÉGALES APPROPRIÉES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69

DES PRATIQUES MENNONITES INADAPTÉES À UN ÉCOSYSTÈME FRAGILE . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71

LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DOIT DEVENIR UNE PRIORITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .74

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

77Grafigéo 1999-6

Somma i r e

Annie

Sur la côte du TexasEntre Mobile et Galveston il y aUn grand jardin tout plein de rosesIl contient aussi une villaQui est une grande rose

Une femme se promène souventDans le jardin toute seuleEt quand je passe sur la route bordée de tilleulsNous nous regardons

Comme cette femme est mennoniteSes rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutonsIl en manque deux à mon vestonLa dame et moi suivons presque le même rite

Apollinairedans Alcools, Mercure de France, 1913.

N.R.F., 1920.

ÉTUDIER LES MENNONITES EN BOLIVIE,c'est prendre conscience des forces àl'oeuvre dans le façonnement de leur

espace et de l'importance du vécu. L’étudesuivante est basée sur l'analyse de l'imageque se font ces hommes de leur environne-ment. Elle s'interroge sur les acteurs de l'or-ganisation de l'espace et de son utilisation.

Ce travail est l'expression d'une convic-tion personnelle de l'auteur : cette commu-nauté religieuse de type conservateur a jouéun rôle décisif dans le processus de crois-sance économique de l'Oriente bolivienpourtant celui-ci est aujourd'hui dénigrépar certaines institutions nationales.Cependant, il est aussi indéniable que sil'immigration mennonite se poursuit, c'estqu'elle continue de servir les intérêts desdeux parties.

Il s'agit donc d'examiner les aspectsfondamentaux du phénomène mennonite,au niveau culturel bien sûr mais aussi éco-nomique et écologique. Le contexte a évo-lué de telle sorte qu'il est nécessaire de réa-liser une nouvelle analyse des formes etconséquences de l'implantation mennoniteen Bolivie. Les études existantes sur lesujet sont périmées et souvent partiales carréalisées soit par des Boliviens, soit par desmennonites.

L'impact général de cette colonisationdoit être établi à l'échelle du départementde Santa Cruz afin de clarifier une situationqui pourrait se dégrader.

EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il estnécessaire d'exposer l'héritage religieux desmennonites et de retracer leurs migrationsantérieures : ce groupe pacifiste dont l'ori-gine remonte à l'époque de la Réforme enEurope médiévale n’a cessé d'émigrer.Depuis qu'elle a été chassée d'Europe auseizième siècle, la famille mennonite s'estdivisée en plusieurs branches désormaisprésentes dans le monde entier. Tous lesmembres ont entre autres, en commun lebaptême des adultes exclusivement.

Afin d'expliquer la dernière migration etles conditions d'établissement, il est impor-tant de fournir un historique de l'Orientebolivien et de décrire les principales carac-téristiques de cette zone de colonisation. Ledépartement de Santa Cruz est aujourd'huile pôle de croissance économique du paysgrâce à un potentiel longtemps négligé. Legouvernement bolivien a accordé aux men-nonites des privilèges afin de favoriser leurimmigration à partir des années cinquante,

1111Grafigéo 1999-6

Introduction

Introduction

avec pour motivation commune l'ouverturedes frontières agricoles de l'Oriente.

Le présent travail s’organise ensuiteautour de trois thèmes :• l'organisation interne des menno-

nites : leurs convictions s'exprimentmatériellement par un mode de vietraditionnel rural, une vie en com-mun excluant toute influence dumonde extérieur. Les colonies sont labase du système mennonite.

• le rôle joué par les mennonites dans ledynamisme agricole du département : ilsont été à l'origine de la diffusion de la cul-ture du soja, ainsi que de l'introductiondu blé dans l'Oriente. Ces pionnierscontrôlent actuellement des superficiestrès importantes mais la valorisation éco-nomique qu'ils ont entreprise reste étroi-tement liée à leur orthodoxie.

• l'impact et les conséquences de la coloni-sation : le rôle économique des menno-nites ne fait pas de doute mais leur totaleabsence d'assimilation à la société boli-vienne se confirme au fur et à mesure deleur croissance démographique. Parailleurs, l’usage qu’ils font de la terre peutmettre en danger l’écosystème déjà fragi-le. Avec les moyens dont elles disposent,les institutions essayent d’enrayer un pro-cessus avancé.

INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE

La valeur de ce mémoire peut apparaîtredans différents domaines, néanmoins larecherche se fait dans le cadre d'une maîtri-se de géographie dont le souci récurrent estde replacer une épistémologie géographique.

Ce travail se présente comme un examendes colonies mennonites de Bolivie, ungroupe qui a été en fait ignoré par l’ÉgliseMennonite, par les anthropologues, par lessociologues et plus encore par les écono-mistes, historiens ou géographes.

La recherche contribue à l'enrichisse-ment des connaissances sur les sociétés tra-ditionnelles et conservatrices car elle exami-ne les efforts déployés par les mennonites enBolivie afin de perpétuer les coutumes, lespratiques et les croyances de leurs ancêtres.

Elle s'intéresse à la situation d'un grou-pe qui refuse toute intégration culturelle etpréfère rester attaché à ses traits tradition-nels plutôt que de subir des changementssociaux.

Elle propose, en faisant état de l'expan-sion des colonies, de la croissance de lapopulation mennonite et de sa prospéritééconomique, une analyse de l'évolutionaprès plus de 40 ans d'occupation, .

Elle détermine aussi les problèmes éco-logiques dénoncés par le gouvernementnational en fonction des progrès de larecherche en agriculture tropicale depuis lesannées cinquante. C'est une tentative pourétablir la part de responsabilité à la fois desmennonites et des Boliviens dans les boule-versements du milieu naturel.

La recherche s'interroge sur des solu-tions à un conflit naissant entre les intérêtsnationaux, de nature écologique et écono-mique, et ceux de la société mennonite. Ellepermet enfin d'envisager les perspectivesfutures de cette société qui vit dans le passé,parallèlement à celles du pays d'accueil quiest en voie de développement.

UN HANDICAP : LA CARENCEBIBLIOGRAPHIQUE

Ce mémoire repose principalement surun travail de terrain étant donné la faiblessedes sources bibliographiques. La déficiencebibliographique en qui concerne les coloniesmennonites de Bolivie donne également unsens à la réalisation d'une évaluation des élé-ments contemporains du phénomène.

Le travail le plus significatif sur le sujetdate de 1971, il s'agit d'une thèse de JamesWalter Lanning de l'Université du Texas,The Old Colony Mennonites of Bolivia : aCase Study. Le sujet est avant tout traitéd'un point de vue sociologique mais l'étudepermet de découvrir les mennonites aucours de leur période d'implantation enBolivie. Les autres ouvrages portant sur lesmennonites en Bolivie sont des thèses boli-viennes comme celle de Bolivar Menacho en1978, Las colonias menonitas : aporte yparticipación en la producción agropecua-ria regional. C'est une description précise de

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 1122

l'importance économique des colonies àl'époque où il n'y en avait que neuf.Néanmoins, l'aspect culturel y est évoquésans être véritablement analysé. Malgré lesincohérences relevées dans ces ouvrages, cesderniers ont permis d'organiser les grandsaxes de l'étude de terrain à partir de La Paz.

Dans la bibliographie européenne, lesmennonites en tant que groupe anabaptistesont traités le plus souvent dans desouvrages historiques ou religieux parmi lesamish et les hutterites. La littérature estmuette en ce qui concerne leur dernièremigration. L'actuelle pauvreté de la littéra-ture mennonite en Bolivie a réclamé desrecherches de terrain essentielles pour lacollecte de données pertinentes.

MÉTHODOLOGIE À ADAPTER

Les obstacles rencontrés lors de la re-cherche sont les problèmes méthodologiquesque pose l'étude d'un groupe dans une cultu-re, un pays et une langue qui sont étrangersau chercheur. Par ailleurs, être jeune et deplus être une fille, a parfois influé sur ledéroulement des recherches chez les menno-nites comme chez les Boliviens. Si cela a pufavoriser les contacts avec certains, avecd'autres, c'était un inconvénient dans lamesure où ils n’ont pas traité le travail entre-pris de façon sérieuse.

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Les colonies mennonites, surtout les plusconservatrices, sont par excellence le modè-le d'une société fermée : l'expression extrê-me du concept de communauté. C'est pour-quoi c'est une tâche difficile de pénétrer cetype de groupe culturel isolé. Le contact ini-tial s'est effectué avec des « ex-mennoni-tes » ; bien qu'ils refusent cette dénomina-tion, elle facilite la typologie. Ce sont desmennonites qui ont quitté les colonies touten conservant d'étroites relations aveccelles-ci. Ils se sont impliqués effectivementdans la progression de la recherche.

Gerhard Fehr Klippenstein, issu de lacolonie Morgenland, m’a introduite dans lescolonies les plus traditionnelles car il tra-vaillait pour une entreprise de commercia-

lisation du blé. Il entretient des relationsprivilégiées avec ses clients dont il parle lalangue et connaît parfaitement les cou-tumes. Il n'a pas été nécessaire de deman-der d’autorisation aux chefs de coloniespour le travail d’enquête.

Il est apparu clairement, dès le début, quela méthode combinée d'observation directeet de conversation sans questionnaire formelétait la plus adaptée. Une approche rigide etsystématique n'est absolument pas envisa-geable, et le dialogue se fait avec précautionet discrétion pour progressivement orienterla conversation vers le sujet désiré. Cettetechnique requiert beaucoup de tempsconsacré aux entretiens, avec des notes deterrain volumineuses qu'il faut traiter immé-diatement après le contact et plus tard clas-ser pour l'analyse. Il était possible deprendre des notes ou de faire des enregistre-ments audio plus ou moins ostensiblement,en fonction de l'interlocuteur et de sa coopé-ration. Les entretiens se sont faits le plussouvent en espagnol et parfois en anglais.Les photos ont fait la joie des enfants tandisque les adultes, surtout les femmes, s’y mon-traient hostiles. C’est pourquoi ce mémoirecomporte peu de photos d’adultes.

Établir une relation de confiance, ou aumoins apaiser la méfiance reste l'étape laplus délicate. Que je me sois présentéecomme étudiante française, pour mon pro-pre compte, a été relativement bien reçu bienque mes motivations leur échappent totale-ment. Cependant il était difficile de ne pasapparaître comme un élément possible deperturbation et beaucoup de mennonites ontéludé les questions ou encore donné desréponses générales qui ne reflètaient pas leuropinion individuelle. Ils ne veulent pas sedémarquer du groupe et sont d'un naturelcraintif car leur société a développé ce quel'on peut appeler une théorie du complot.Ces traits caractéristiques se retrouvent defaçon moins prononcée dans les colonies« modernes ».

DDeess iinnffoorrmmaatt iioonnss àà vvéérr ii ff iieerr

Un premier séjour en Bolivie a eu lieu en1997 pendant plus de neuf semaines (août-

1133Grafigéo 1999-6

Introduction

octobre) : la première partie à La Paz afinde collecter des sources écrites, et de contac-ter des institutions telles que le Ministère duCulte et des Relations Extérieures, celui del'Agriculture. La seconde partie s'est dérou-lée dans le département de Santa Cruz aucontact d'une part, des institutions localeset d'autre part, des colonies mennonites.L'encadrement scientifique a été assuré parl'ORSTOM en la personne du géographeJean-Claude Roux.

Un des traits de la culture bolivienne estde promettre facilement par gentillesse et derépondre pour ne pas décevoir l'interlocu-

teur. Cette attitude est à l'origine de nom-breuses contradictions dans les donnéesrecueillies lors du premier séjour. C'estpourquoi en mars 1998, un retour sur leterrain a été nécessaire afin de préciser lespremières hypothèses de recherche et sur-tout d'effectuer une longue série de vérifica-tions des informations initiales. Cependantil est important de signaler qu'il faut accor-der une confiance relative aux chiffres col-lectés auprès des informateurs boliviensmais également mennonites. Difficiles àrassembler, les données sont souvent peufiables.

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 1144

LA VOLONTÉ D'IMMUABILITÉ a accom-pagné les mennonites dans toutesleurs migrations et a même souvent

provoqué celles-ci. Ils ont aujourd’hui qua-siment déserté l’Europe rhénane, leur foyerd’origine, au profit du continent américain.Des plaines canadiennes au désert duParaguay, on rencontre des membres de cegroupe religieux ; qu’ils soient agriculteurstraditionnels ou gouverneur fédéral, ils res-tent fidèles aux valeurs de l'anabaptismepacifique fondé en Suisse. Leurs déplace-ments forcés ont souvent contribué àconforter leurs convictions.

LA PRÉGNANCE DE L’HÉRITAGEEUROPÉEN

NNaaiissssaannccee ddeess AAnnaabbaapptt iisstteess aauu

ccœœuurr ddee llaa RRééffoorrmmee

Les mennonites appartiennent au grou-pe des Anabaptistes pacifiques dont l'exis-tence remonte au seizième siècle, à l'époquede la Réforme (cf. carte1). Le mouvementanabaptiste est né en 1525 à Zurich enSuisse parmi les étudiants d’Ulrich Zwingli(1484-1531). Ce mouvement appartenantà la Réforme radicale, a tout de suite connuune expansion rapide en Europe du nord.Ses adeptes prêchaient la Bible dans le lan-

gage commun, proclamaient la gloire deDieu et garantissaient à tous l'absolutiondes péchés par la seule Foi. Ils furent sévè-rement persécutés aussi bien par l'Église deRome que par les Réformateurs. En effet,ils représentaient une troisième voie entreles catholiques et les protestants, considé-rant que l'Église doit rassembler un grou-pe d'adultes volontaires et, comme la pre-mière Église Chrétienne, se tenir à l'écartdu monde et être séparée de l'État.Refusant tout forme de soumission au pou-voir politique, hostiles au baptême desenfants, ils rebaptisaient les adultes recon-nus dignes de faire partie de la commu-nauté chrétienne.

L'appellation d’ana-baptistes qui leur aété donnée par leurs adversaires de l’époquesignifie « re-baptiseurs ». Leur conceptionde l’Église s'exprime symboliquement dansle baptême des adultes. Les mennonitesconsidèrent en effet que, d’après la Bible, lebaptême est inséparable d'une démarcheconsciente, d'une conversion explicite etd'une profession de Foi dite par le converti.

MMeennnnoo SSiimmoonnss,, llee pprrééddiiccaatteeuurr

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Le leader sans doute le plus connu desmennonites est un prêtre catholique desPays-Bas (Friesland), Menno Simons

1155Grafigéo 1999-6

La non-conformité mennonite

Chapitre 1 • À l’origine des migrations, lanon-conformité mennonite

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 1166

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1996

.

(1496-1561) qui a rejoint le mouvement en1536. Il est devenu l’un des réformateurs del'Anabaptisme pacifique. Sa position modé-rée et ses écrits prolifiques ont fait beau-coup pour l'unification des anabaptistesdisséminés, et bientôt appelés les Menno-nites.

Bien que Menno Simons n’ait pas été leseul leader du mouvement, il en est consi-déré comme le père fondateur. Il est vraique de tous, c’est lui qui a vécu le plus long-temps en cette période troublée et qui a leplus écrit (J.C Wenger, 1956).

En 1693, un jeune suisse mennonite,estimant que l’Église était en train deperdre sa pureté, forma une nouvelle com-munauté chrétienne. Il s'appelait JacobAmman et ses disciples sont aujourd'hui lesAmish. La plupart des groupes amishactuels se considèrent comme des cousinsconservateurs des mennonites.

UN SYSTÈME DE CROYANCE BASÉSUR UNE INTERPRÉTATION PARTICU-LIÈRE DE LA BIBLE

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Les mennonites considèrent que l'Hom-me est un pécheur qui a besoin de laRédemption par le Seigneur Jésus Christ,mais qu’il est libre de choisir d'être sauvé ounon par la grâce à travers la Foi. Lesenfants appartiennent au royaume de Dieujusqu'à ce qu'ils soient en âge de décider.Pour les mennonites, l’Église est l'expres-sion visible de ceux qui ont choisi volontai-rement de s'engager dans une vie de sainte-té et d'amour. Le Christ viendrapersonnellement juger le monde, ressusciterles morts et les emmener au Royaume deDieu.

Au sein des mennonites actuels, on ren-contre deux groupes distincts ; l’un est plusorienté sur la communauté des croyants etinsiste sur le mode de vie et la pratique, tan-dis que l’autre, moderne, met l'accent surl'expression verbale des convictions. Tousaccordent la plus grande importance à la

séparation de l'Église et de l'Etat, et à lasimple obéissance à la Parole de Dieu.

UUnnee lleeccttuurree ppaarrffooiiss eexxtt rrêêmmee ddee llaa

BBiibbllee

Les mennonites estiment que lesChrétiens sont différents du reste du monde.À leur propos, on parle de non-conformité etpour certains groupes, celle-ci se traduit parune apparence, un moyen de transport, quiles distingue des autres. Ceux qui viventselon les principes du Royaume de Dieu doi-vent se séparer du monde. Les disciples duChrist vivent dans le monde mais sans yappartenir ni partager ses valeurs. Les mul-tiples persécutions dont ils ont été les vic-times ont conduit les anabaptistes à adopterune attitude de repli vis-à-vis de la société,attitude que l'on retrouve encore aujour-d'hui chez leurs descendants.

Pour les premiers anabaptistes, le Nou-veau Testament enseigne à l’Église commentdiscipliner ses membres. Si l’un d’eux acommis un péché, il est excommunié jusqu'àce qu'il se soit repenti. Le but de l'excom-munication d'un pécheur n’est pas de luinuire mais de le ramener à la communauté ;la cohésion de cette dernière réclame disci-pline et sacrifice. Chaque groupe de menno-nites établit ses propres limites. Quelques-uns, le plus souvent des jeunes, quittentvolontairement les groupes Old Order, à larecherche d'une plus grande liberté indivi-duelle ou pour des raisons religieuses.Néanmoins, ce sont les groupes Old Orderqui croissent le plus rapidement en nombre.

L'EXPRESSION DE LA NON-CONFOR-MITÉ MENNONITE

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mmeennttaa lleess ddee ll ’’AAnnaabbaapptt iissmmee

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Il s'agit du baptême des seuls adultes, durefus de prêter serment et du rejet du servi-ce militaire en accord avec leur non-résis-tance. Les mennonites ont toujours ferme-ment maintenu leur position pacifiste, quelsqu’aient été les contextes ou leur impopula-

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La non-conformité mennonite

rité au cours des Guerres Mondiales. Endépit de cette position radicale, ils sontgénéralement considérés comme de bonscitoyens honnêtes qui cherchent surtout àprôner l'amour chrétien dans l’ensembledes aspects de leur vie.

Dans tous les pays où ils s’installèrent,les mennonites conservèrent leur autonomieet un solide esprit communautaire. En éri-geant leurs croyances en mode de vie, ilsconstituèrent des groupes sociaux et reli-gieux d’une grande cohésion. Cependant,cette cohésion qui fait leur force les a expo-sés à la persécution à de nombreusesreprises. Ils étaient souvent traités en« étrangers » dans leur pays d’adoption.C'est aujourd'hui le cas en Bolivie où l'inté-gration des mennonites est restreinte à la vieéconomique.

LL ''eetthhnnoocceenntt rr iissmmee ddeess mmeennnnoonnii tteess

Cet ethnocentrisme s’appuie sur destraits divers : maintien d'un dialecte alle-mand, le Plaut Dietsch, respect d’obliga-tions vestimentaires, perpétuation d’unmode de vie villageois et d’une économiebasée sur l'agriculture, aide mutuelle, auto-gestion de l’administration et de l’éduca-tion.

Cet ensemble de traits nous permet dedéfinir les mennonites de Bolivie commeune secte, dans le sens de type sociologique :

« La secte s'oppose à l’Église comme typesociologique. Elle constitue un groupementcontractuel de volontaires qui ont choisi, aprèscertaines expériences religieuses précises, des'agréger à d'autres chrétiens ayant fait lesmêmes expériences. Le corps ainsi formé tientsa légitimation des liens volontairement créésentre ces croyants et entre eux et Dieu. Lasecte se montre indifférente à l'État.»(M. Weber, 1920)

D'après Weber et Troeltsh, c’est avec laRéforme radicale, contemporaine de l'avè-nement des Églises protestantes, que letype de la secte atteint sa plénitude, en par-ticulier dans le mouvement Anabaptiste-Mennonite.

UNE COMMUNAUTÉ EN PLEINEEXPANSION

LLeess eeffffeettss ccuummuullééss dd''uunnee ffoorrttee nnaattaalliittéé

eett ddee llaa rreepprriissee ddee ll''éévvaannggéélliissaattiioonn

Persécutés pour leurs points de vue hété-rodoxes et leur pacifisme, les mennonitesfurent contraints de se disperser. Com-mença alors une série de migrations quiallait les conduire quatre siècles plus tard àtrouver refuge en Amérique latine. Lesmennonites de la Suisse et du sud del’Allemagne se déplacèrent vers l’Ouest, jus-qu’en Pennsylvanie, dans les « coloniesaméricaines ». Les mennonites de Hollandeet du nord de l’Allemagne, quant à eux, sedirigèrent vers l’Est jusqu’en Pologne, puisen Russie. En dépit des persécutions, cettecommunauté n'a jamais été « en voie dedisparition ». Il semble plutôt que les diffi-cultés rencontrées ont stimulé la féconditéde ses membres.

On estime actuellement la populationmennonite à un million de personnes répar-ties dans le monde entier, dans plus de60 pays. En Amérique du Nord, ils sont plusde 400 000, en Afrique, environ 270 000 eten Asie, 150 000. En Europe où l'Église a étéfondée en 1525, il en reste 50 000 dont unpetit nombre en Alsace. L’ensemble des ef-fectifs de l'Église mennonite a connu depuis1990 une croissance supérieure à 13,5 %.

Par population mennonite, on entend enréalité un groupe extrêmement hétérogènecar une partie des mennonites a entreprisun mouvement de rénovation et cherche àconvertir de nouveaux adeptes sur tous lescontinents. Ainsi en 1994, dans ce qui étaitencore le Zaïre, vivaient 136 200 menno-nites, soit plus qu'au Canada qui en totali-sait 117 932. Ces totaux obtenus surInternet (@mennonittecc.ca) peuvent semerune grande confusion chez le lecteur car ilsne font pas état des disparités parmi lesmennonites. Les uns sont en réalité desconvertis, les autres en revanche sont des« mennonites nés ». On ignore si ces der-niers sont baptisés ou non (membership).Le groupe qui est au centre de ce mémoireest celui des mennonites d'origine, ceux quidescendent des premiers anabaptistes. On

La colonisation mennonite en Bolivie

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peut dans ce cas parler d'une population« ethniquement » mennonite (Seguy, 1977).

En Amérique Latine, le nombre de« mennonites nés » ne cesse de croître. Déjàen 1987 (Abe Waikenkins, 1987), on esti-mait qu'ils étaient plus de 80 000 : dont40 000 au Mexique, 23 000 au Paraguay,4 500 à Belize et 18 000 en Bolivie.Aujourd'hui, ils sont certainement plus de100 000 sans qu’on puisse avancer unchiffre précis. Seule indication, en Bolivieoù la population mennonite a augmenté de50 % ces dix dernières années, ils seraientaujourd’hui un peu moins de 40 000.

Cette extraordinaire croissance reposeen premier lieu sur un fort taux de natalitéqui s’explique par leurs préceptes religieux,chaque famille ayant en moyenne 10 à12 enfants. On parle à leur propos du plusfort taux de natalité du monde. Pourtant, ilne faut pas oublier de prendre égalementen compte un solde migratoire importantcar la Bolivie continue à accueillir de nom-breux mennonites.

LLaa ggrraannddee ddiivveerrss ii ttéé ddeess ggrroouuppeess

mmeennnnoonnii tteess

L’étude de cette communauté est rendued’autant plus complexe qu’elle est compo-sée de 171 groupes distincts répartis dans lemonde, et qui ne disposent d’aucune struc-ture centrale, ni de centre de décision.

Par conséquent, il n’existe pas de leaderélu ou désigné qui puisse parler pour l’en-semble des mennonites. Les dissensions ausein du même de la communauté religieuseà travers le monde s’explique par les dis-tinctions fondamentales entre les groupes.On discerne d’une part, les « mennonitesnés » de ceux qui se sont convertis.

Les mennonites d’Amérique Latine, quiintéressent cette étude, vivent en colonies.Les colonies du Mexique, d’AmériqueCentrale et du Sud s’organisent en villagesruraux auto-administrés, à la manièred’États à l’intérieur de l'État. Certainescolonies sont extrêmement conservatrices– électricité, radio, téléphone et voiture,tracteur avec des pneumatiques sont prohi-

bés – tandis que d’autres, en comparaison,sont plutôt modernes.

Mais en ce qui concerne la populationmennonite de Bolivie, on ne peut pas utili-ser le terme « progressiste » pour désignerles colonies où l’on roule en voiture car, lebut premier de l'organisation en colonies estde préserver un mode de vie traditionnel ense maintenant séparé de la culture environ-nante.

UNE SECTE QUI FUIT LA CIVILISA-TION

EEssppooii rrss ddééççuuss aauu CCaannaaddaa

Partis de Russie, les mennonites sontarrivés dans les années 1870 au Canada oùils ont reçu l’assurance du gouvernementcanadien qu’ils seraient libres de pratiquerleur religion, seraient exemptés de servicemilitaire et auraient leur propre systèmeéducatif où l’allemand serait la langue d’ins-truction.

Ils ont bénéficié de ces privilèges pendantplus de quarante ans mais durant laPremière Guerre mondiale, leur languematernelle leur a attiré quelque ressenti-ment. Par ailleurs, en 1916, les gouverne-ments du Manitoba et de Saskatchewan ontimposé l’anglais comme la langue d’ins-truction à l’école. Si la plupart des menno-nites ont accepté cette nouvelle législation,une minorité s’y est opposée rappelant lapromesse faite par le gouvernement.

Lorsque certains groupes mennonitespersistèrent à enseigner en allemand, leursleaders et quelques parents furent envoyésen prison. Les mennonites qui ont choisi defuir l'incorporation au système éducatif laïcse rencontrent en Amérique Latine.

DDiissppeerrss iioonn eenn AAmméérr iiqquuee LLaatt iinnee

En 1919, les mennonites avaient envoyédes éclaireurs au Brésil, en Argentine, enBolivie et au Paraguay, sans trouver cequ’ils cherchaient. Finalement, c’est le gou-vernement mexicain qui les a invités à s’ins-taller et en février 1921, le Président AlvaroObregon leur accorda les privilèges qu’ils

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La non-conformité mennonite

attendaient : la liberté d’enseigner dansleurs propres écoles ainsi qu’un statut par-ticulier.

Environ 6 000 mennonites décidèrentde s’installer au Mexique en 1922. Entre1922 et 1926, ce furent 36 trains de men-nonites, chargés de tout leur équipementagricole, qui traversèrent les États-Unispour atteindre l’État de Chihuahua auMexique.

En 1926-1928, encore 1 700 menno-nites quittèrent le Canada pour le Paraguayoù ils obtinrent le même type de garantiesde la part du gouvernement en place. En1930, ils furent rejoints dans le Chaco pardes mennonites d’Union Soviétique quifuyaient le communisme et ses consé-quences répressives.

Les migrations vers l’Amérique Latinecontinuèrent dans les années cinquante : labanalisation des voitures, des radios et plusgénéralement l’assimilation à des popula-tions de nationalités différentes décidèrentd’autres mennonites du Canada à s’installerdans un pays plus isolé où ils pourraientpréserver leur religion et leurs traditionssans risquer d’être inquiétés par le progrès.Contrairement au premier groupe demigrants du début du siècle, les mennonitesdu second flux parlent anglais.

A partir de 1958, certains mennonitesquittèrent le Mexique pour fonder descolonies au Honduras Britannique (rebap-tisé Belize en 1983 après l'Indépendance)dont le système britannique stable leurrappelait certainement le Canada. Cesmennonites n'avaient d'ailleurs jamaisaccepté le Mexique comme pays de rési-dence définitive.

Par la suite, à cause d’une certaine insuf-fisance de terre, quelques mennonites duMexique ont commencé à rechercher desemplois en dehors de l’agriculture. Ceux quirefusaient les conséquences d’une possibleévolution dans ce sens, ont choisi de fuir.Craignant de subir l’influence du mondemoderne lorsque les routes goudronnéess’approchaient trop des colonies, ces menno-nites se sont tournés à leur tour versl’Amérique du Sud à la fin des annéessoixante.

LA BOLIVIE, ULTIME DESTINATIONDES PLUS CONSERVATEURS

Leur mode de vie basé sur l'agriculturetraditionnelle explique leurs pérégrinationset leur arrivée en Bolivie à partir des annéescinquante. La préoccupation constante deschefs religieux était en effet la recherche delarges étendues de terres sur de nouvellesfrontières, où ils disposaient des libertéséconomiques, politiques et religieuses indis-pensables pour perpétuer leurs traditions.

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Un premier accord passé le 16 mai 1954entre les gouvernements des États-Unis etde la Bolivie, concernant l'implantation decommunautés mennonites, est à l'origine decette immigration originale. Avec l'accordsigné le 2 août 1956 entre les gouverne-ments japonais et bolivien, s'ouvre unepériode significative pour l’impact écono-mique et social de l’immigration. L'arrivéedes Japonais et des mennonites correspondà une étape décisive de la politique de colo-nisation et du développement de l'agricul-ture dans l'Oriente bolivien.

La Loi du 16 mars 1962 (cf. annexe 1 :traduction du D.S. 06030) instaure desgaranties en faveur de l'établissement descommunautés mennonites. Le gouverne-ment s'engage à faciliter les démarchesadministratives en échange d'un certificatde baptême et de l'intention explicite de tra-vailler dans le pays. Bien que le DécretSuprême 06030 ait été signé le 16 mars1962 par le Président Victor PazEstenssorro, les mennonites avaient com-mencé à arriver du Paraguay dès 1954,année de fondation de la première colonie.

Les mennonites et leurs descendantssont exemptés du service militaire obligatoi-re. Ils sont autorisés à fonder et à adminis-trer leurs églises pour le culte de leur reli-gion et leurs écoles pour l'enseignement deleur langue. De plus, ces immigrants sontexemptés de taxes douanières en ce quiconcerne l'entrée d'équipements, demachines, et des animaux nécessaires à

La colonisation mennonite en Bolivie

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2211Grafigéo 1999-6

La non-conformité mennonite

Carte 2 - Les migrations mennonites sur le continent américain

leur activité. Les mennonites ont égalementété autorisés à venir avec leurs parents et àgérer de façon autonome leurs biens de suc-cession et l'aide en cas de catastrophe natu-relle ou d’incendies. Tous ces droits et privi-lèges ont été étendus aux mennonites quiarrivent individuellement.

Cependant cette disposition légale – pri-se en violation des principes constitution-nels et légaux de base et en ignorant lesprincipes élémentaires de la politique socia-le et démographique – a été abrogée par leDécret Suprême 13261 du 31 décembre1975 par l'actuel Président de laRépublique (cf. annexe 2 : extrait de laGazette Officielle). Le général Hugo BanzerSuarez, qui dirigeait le pays dans les annéessoixante-dix, a en effet dénoncé l'isolementde ce groupe social stimulé grâce à un sta-tut juridique propre et différencié. Cetteabrogation n'a pas connu de véritableapplication et aucun mennonite n'a étéforcé d'effectuer le service militaire nationalou d'apprendre l'espagnol. Le régime nor-matif des communautés mennonites a étéremis en question et critiqué, parce qu'ilpermettait la non-intégration de ce fluxmigratoire à la population nationale.Néanmoins, le décret initial de 1962 a étéremis en vigueur par celui du 27 mars 1985(D.S. 20744), et a de nouveau régularisél'immigration mennonite.

LL '' iimmmmiiggrraatt iioonn mmeennnnoonnii ttee ,, rrééssuull ttaatt

ddee mmoott iivvaatt iioonnss mmuuttuueell lleess

Le gouvernement bolivien a choisi d'en-courager cette immigration car il étaitconscient du bénéfice qu’il pourrait en reti-rer. Les exploits des mennonites dans leGran Chaco du Paraguay ont en effet étéconvaincants : ils ont défriché et rendu pos-sible l’agriculture dans une zone dont lesParaguayens ne voulaient pas. Dans unmilieu naturel inhospitalier, sec et sansaucune infrastructure routière, les menno-nites ont créé un pôle de production inespé-ré. Le décret promulgué en faveur de l'éta-blissement des mennonites en Boliviemontre l'intérêt national porté à une popu-

lation de ruraux traditionnels. C'est leurhabileté dans le domaine agricole qui a jus-tifié les conditions d'accueil dont ils ontbénéficié. Le gouvernement donnant lapriorité au potentiel économique que lesmennonites pouvaient représenter pour lepays, a alors placé l’aspect culturel ausecond plan.

Depuis, l'immigration des mennonites aété constante, en provenance du Canada,du Mexique et du Paraguay. Ils se sont éta-blis dans les zones vides du département oùils ont pu acheter des terres à bas prix. Ceflux migratoire s’est organisé par sespropres moyens, sans aide gouvernementa-le, ni assistance externe spécifique.

Le premier groupe qui s'est implanté auNord-Est de Santa Cruz était composé dedix familles et de deux célibataires qui sontarrivés du Paraguay par la route. Ils étaientà la recherche de meilleures opportunitéséconomiques et d'un climat plus modéréque celui du Chaco. Pour les colons de laCanadiense I qui sont arrivés peu après,s’établir en Bolivie était le moyen d'échap-per au système coopératif devenu obligatoi-re dans la colonie Menno au Paraguay etd'empêcher leurs enfants de suivre desétudes secondaires.

De la même façon que l’on ne peut pasaffirmer qu’au Canada tous les mennonitesroulent en buggy parce que les mennonitesOld Order de l’Ontario le font, on ne peutpas le généraliser à tous les mennonitesd’Amérique latine. Au Canada, auParaguay, certains sont très conservateurs,tandis que d’autres, diplômés d’université,vivent à l’occidentale. Cependant, c'est enBolivie que se concentrent les mennonitesles plus puritains puisqu’ils jouissent dedroits leur permettant de conserver leurorganisation et leurs traditions dans leurintégralité. Leur arrivée en Bolivie n'estdonc pas le résultat du hasard, mais d’uncontexte d'ensemble propice : une régionreculée dans un pays en voie de développe-ment où tout semblait à entreprendre, unpotentiel agricole à mettre en valeur et desprivilèges conformes à leurs attentes. Lesmennonites ont saisi cette opportunité.

La colonisation mennonite en Bolivie

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LA BOLIVIE avec, en 1994, un PNB de770 dollars par habitant (BanqueMondiale, 1996) alors que celui des

pays d'Amérique Latine et des Caraïbes esten moyenne de 3 340 dollars, est sansaucun doute le pays le plus pauvred'Amérique du Sud. La structure de sonéconomie en témoigne : une industrie trèsfaible, une agriculture prépondérante, desexportations reposant sur les ressourcesnaturelles (mines, gaz naturel essentielle-ment) et surtout, une importante aide inter-nationale (10 % du PIB environ).

Ce pays de huit millions d'habitants quiconcentre la plupart des écosystèmes de laplanète dans un territoire vaste commedeux fois la France, a dû attendre leXXe siècle pour entamer son décollage éco-nomique. Ce dernier s'est appuyé surl'Oriente, et principalement sur l'espacerégional de Santa Cruz.

UNE RÉGION LONGTEMPS ISOLÉE

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L'étude est localisée dans le plus granddes neuf départements boliviens qui s'étend

sur 370 621 km². Ce département, créé le23 janvier 1826 sous le gouvernement dumaréchal José de Sucre, est situé dans larégion orientale de la République deBolivie. Il est limité au nord par le départe-ment du Béni, au sud par le département deChuquisaca et la République du Paraguay,à l'est par la République du Brésil et àl'ouest par les départements de Cocha-bamba et de Chuquisaca.

On a souvent l'image d'une Boliviemontagneuse et pourtant la Bolivie secompose de plusieurs étages écologiquesdont les sols et les climats sont extrême-ment variés. Dans ce pays de la zone inter-tropicale, on distingue l'Altiplano Andin,les Yungas, les Vallées Tropicales et lesPlaines Amazoniennes. Les plaines, com-posées en partie par le bassin amazonien,représentent la portion la plus importantedu territoire, un peu moins de 60 % de sasurface.

Éloignée des deux océans, cette zone sesitue approximativement au centre de laBolivie et de l'Amérique du Sud. On peut ladéfinir comme une zone de contact entredifférents groupes ethniques par le passé,et entre les princicipaux courants migra-toires nationaux, dans le présent.

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La conquête de l’Oriente bolivien

Chapitre 2 • La conquête de l’Oriente bolivien

LLaa ffoonnddaatt iioonn ddee SSaannttaa CCrruuzz ddee llaa

SSiieerrrraa

Le capitaine espagnol Ñuflo de Chavez,dans sa quête d’El Dorado, explora pendantdes années la zone de la Chiquitania. Ilfonda le 26 février 1561 la ville de SantaCruz de la Sierra, capitale actuelle du dépar-tement. C’est ainsi que la présence espagno-le se consolida dans la Chiquitania, tout enconstituant une barrière à l'expansion por-tugaise sur l’Iteñez et le Mato Grosso. Eneffet, l’Oriente bolivien se trouve aujour-d’hui encore, sur « la plaque de contact lusi-tano-brésilienne » (Roux, 1996, p. 339-352). A la même époque, un centre derayonnement catéchiste se mit en place àtravers les missions jésuites qui firent de larégion un important fournisseur de produitsagricoles, textiles et artisanaux.

Depuis l'indépendance et jusque dans lesannées cinquante, le département de SantaCruz fut laissé à l'écart du reste de laRépublique, comme en témoignait la caren-ce en voies de communication. Dans cedépartement qui représente 39 % du terri-toire national, on estime qu’en 1965, seule-ment 9 % de la population totale y vivaitbien que le développement agricole aitcommencé une quinzaine d’années plus tôt.

LLee ddééttoonnaatteeuurr ddeess mmuuttaatt iioonnss :: llaa

rrééffoorrmmee aaggrraaii rree dd’’aaooûûtt 11995533

La révolution de 1952, qui a porté leMouvement Nationaliste Révolutionnaire(M.N.R.) au pouvoir, est à l'origine de nom-breuses réformes et changements. Les prin-cipaux objectifs de la réforme agraire natio-nale étaient l'abolition de la grandepropriété terrienne, le développement del'agriculture commerciale et l'intégration aureste du pays de la région orientale, enclineà la sécession. L'aide des États-Unis a étéessentielle pour obtenir l’assistance tech-nique nécessaire au développement dupotentiel agricole de cette nouvelle zone. LaMission BOHAN identifia ainsi les problèmesposés par l'économie et l'espace boliviens etelle donna lieu à toute une série de recom-mandations qui ont inspiré la RéformeAgraire (Bohan, 1942). Le développement

économique rapide de la région de SantaCruz depuis 1954 s’appuie principalementsur le secteur agro-pastoral. L’expansion dece dernier dépend d'une série de facteurs etnotamment des infrastructures routières etferroviaires, des mesures d'encouragementaux activités agro-pastorales et aux activitésde substitution aux importations de larégion, de la migration à l'intérieur de laRépublique et aussi, évidemment, de l'im-migration de colons agricoles originaires desautres pays. C'est le potentiel naturel de larégion qui est à l'origine des efforts entrepris.

DES ATOUTS : L'ESPACE PHYSIQUEET LE MILIEU NATUREL

Zone de transition climatique, SantaCruz est aussi l’une des zones de transitionécologique les plus importantes du continentsud-américain (Herzog, 1923, Köster,1983) : on passe du désert au sud, à la forêtsubtropicale humide du bassin amazonienau nord. Cette région est aussi située à pro-ximité du divortium aquarium de deux bas-sins fluviaux majeurs : celui de l'Amazone etcelui de La Plata. Les nombreux et largesfleuves sont un élément caractéristique de lazone.

Dans son ensemble, le département deSanta Cruz présente un paysage de pla-teaux et de plaines alluviales. On observecependant vers l’est que les derniers pié-monts andins succèdent aux collines de laSierra de Chiquito, la Chiquitania. Ce mo-deste ensemble montagneux d’une altitudemoyenne de 1 000 m, appartient déjà aubouclier brésilien. Passés les piémontsandins, l’immense plaine cruceña sedéploie, bornée par les formations colli-naires de la Chiquitania. Ces plaines basses,peu accidentées, s’étendent depuis le RioBeni, à l’ouest, jusqu’à la frontière brési-lienne, délimitée par le fleuve Iteñez à l’est.

La capitale, Santa Cruz, se trouve à unealtitude de 437 mètres au-dessus du niveaude la mer. La ville est située à environ35 kilomètres à l'Est de la cordillère desAndes qui s’infléchit à cet endroit ; son axeNord-Ouest/Sud-Est s’orientant Nord-Sud.

La colonisation mennonite en Bolivie

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UUnn ccll iimmaatt tt rrooppiiccaall

La ville de Santa Cruz, avec 1 114 mmde pluie par an, se trouve précisément dansle secteur de transition entre la zone tropica-le humide des Yungas extérieures, au Nord-Ouest, et le Chaco boréal, de climat sec tro-pical, au Sud et Sud-Est. Au nord de SantaCruz, le climat tropical humide se dégradeen climat tropical avec pluie d’été (autour de

janvier jusqu’en avril), jusqu’au climat aridedu Chaco.

La température moyenne annuelle dudépartement est de 24 degrés (jusqu’à39 degrés en été et des températures hiver-nales qui descendent fréquemment à moinsde 10 degrés). Pendant la majeure partie del'année, soufflent des vents chauds inter-mittents du Nord-Nord-Ouest, porteursd'humidité. Il en résulte, au contact de la

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La conquête de l’Oriente bolivien

Carte 3 : Coupe tranversale de la Bolivie

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 2266

0 500 km

Source : K. HUECK et P. SEIBERT 1972, tiré de KOSTER 1983

BRÉSIL

PARAGUAY

PÉROU

ARGENTINE

Santa Cruz

Chaco, formations arbustives xérophiles

Frontière internationale

Déclive des Andes

Savane

Forêt de mésophytes décidus

Forêt dense amazonienne

64˚ O 60˚ O68˚ O

20˚ S

16˚ S

12˚ S

N

Carte 4 - Carte générale de la Bolivie

masse de la cordillère, des pluies abon-dantes qui dépassent les 3 000 mm sur lescontreforts. Mais à partir de l’inflexionpresque perpendiculaire de l’axe de la cor-dillère, les obstacles orographiques s’effa-cent et les précipitations diminuent rapide-ment, passant à moins de 700 mm.

Cette zone est sujette à des changementsrapides de temps dus à une confrontationdynamique entre les masses d'air humidetropical, qui viennent du nord, et les frontspolaires froids, qui arrivent du sud. Cesmasses d'air froid et généralement sec sontapportées par de forts vents qui soufflentsans rencontrer d'obstacle plus spécialementpendant l'hiver. De fréquents et rapideschangements de température résultent deces phénomènes. Les périodes de sécheressealternant avec des périodes de fortes préci-pitations sont également courantes. Cesconditions sont telles que les moyennes plu-viométriques sont très irrégulières, aussibien en terme de séries annuelles que pourles microclimats très répandus.

UUnn mmii ll iieeuu ffaavvoorraabbllee àà ll ’’aaggrr iiccuull ttuurree

Pour l'agriculture, le département dis-pose de caractéristiques climatiques excel-lentes, et la topographie ondulée est favo-rable à la production mécanisée. Au sud dela ville, les sédiments sableux fréquemmentorganisés en dunes alternent avec des solslimoneux et argileux de plus en plus pré-sents au fur et à mesure que l’on s’éloignedes contreforts andins.

On distingue deux zones principales :une zone centrale mécanisée, plus ancien-nement exploitée entre le fleuve Piraí et leRío Grande , où les sols sableux sont déri-vés des alluvions du Piraí, et la nouvellezone d'expansion à l'est du Río Grande, quiest principalement composée de sols limo-neux provenant des alluvions du RíoGrande. Ces sols alluviaux jeunes ont destextures et des drainages variables.L'évapotranspiration annuelle moyenne estde 1600 mm et les précipitations annuellesmoyennes, variant entre 1000 et 1400 mm,permettent une récolte d'hiver de mai à

septembre et une récolte d'été de novembreà avril.

Parmi les produits agricoles industrielsde la région, on distingue le coton, la canneà sucre, le soja, le blé, le tabac et, dans desproportions moindres, le maïs et le riz.L'élevage bovin extensif et l'aviculture sontaussi pratiqués.

Une ressource naturelle non renouve-lable de grande importance est le gisementde fer et de manganèse de El Mutún, le plusgrand de Bolivie, dont les réserves prouvéessont de 200 millions de tonnes. Mais le pro-cessus d'expansion économique du dépar-tement a surtout été accéléré par la décou-verte et l'exploitation de gisements depétrole et de gaz naturel. Parmi ces princi-pales ressources naturelles non renouve-lables, les gisements d'hydrocarbures qui setrouvent à Camiri, Carance et Tararendasont des champs d'exploitation de pétrolebrut tandis que la production de gaz natu-rel se concentre à proximité du Río Grande.

L’ÉMERGENCE DE SANTA CRUZ

La désorganisation des communicationsinternes a été longtemps une caractéristiqueconstante de la Bolivie. De nos jours, etmalgré de nettes améliorations, elle consti-tue toujours un grave handicap pour leséchanges et le développement interne dupays.

LLee rrôôllee ddeess vvooiieess ddee ccoommmmuunniiccaattiioonn

D’une façon générale, le réseau routierbolivien est encore vétuste et souvent dange-reux : sur un total de 50 419 kilomètres devoies, seuls 4 % des routes sont asphaltées,chiffre le plus bas du continent. Toutefois, ledépartement de Santa Cruz occupe la pre-mière place avec 638 kilomètres de routesnationales asphaltées, soit plus de 46 %.

La ville de Santa Cruz est reliée auxautres centres d'activité économique dupays depuis qu’elle fait partie du réseau rou-tier national : Santa Cruz-Cochabamba-Oruro-La Paz. La construction de la routeCochabamba-Santa Cruz, en 1954, a eu un

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La conquête de l’Oriente bolivien

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 2288

0 500 km

Source : K. HUECK et P. SEIBERT 1972, tiré de KOSTER 1983

BRÉSIL

PARAGUAY

PÉROU

ARGENTINE

Santa Cruz

Chaco, formations arbustives xérophiles

Frontière internationale

Déclive des Andes

Savane

Forêt de mésophytes décidus

Forêt dense amazonienne

64˚ O 60˚ O68˚ O

20˚ S

16˚ S

12˚ S

N

Carte 5 - Situation de Santa Cruz sur « la frontière de végétation »

impact très positif sur le développement del'agriculture et de l'élevage.

La construction, à partir de Paílon, de laroute asphaltée vers le nord de Santa Cruz,qui a atteint Los Troncos en 1995, illustrela politique d'amélioration des voies decommunication au sein du département. Ilest prévu de prolonger le goudronnage versle nord jusqu’à San Ramon (cf. carte 6).

Un autre projet important est la routequi va jusqu'à la frontière du Brésil, deSanta Cruz jusqu'à Puerto Suarez, le longde la voie de chemin de fer existante. Eneffet, la route asphaltée s'interrompt actuel-lement à Paílon et les communications sonttrès difficiles vers l'est qui est pourtant unezone d’expansion agricole. Il faut enmoyenne cinq heures pour se rendre en voi-ture de Santa Cruz à Pozo del Tigre(130 kilomètres). Les progrès sont lents etles routes goudronnées toujours en nombreinsuffisant. Certaines zones restent très iso-lées et les fortes pluies rendent souvent lespistes impraticables entravant la commer-cialisation des produits.

Le pont sur le Río Grande conditionnela fluidité du trafic entre Santa Cruz et sazone d'expansion, car les trains et les voi-tures doivent l'emprunter pour aller d'unerive à l'autre. Un système de circulationalternée a été mis en place pour remédierau problème posé par la voie unique surlaquelle les trains sont prioritaires. Les gar-diens du péage décident si ce sont les véhi-cules en provenance de Paílon qui traver-sent le pont en premier ou ceux arrivant deSanta Cruz. A la fin des récoltes, l'attentepour franchir le pont dure plusieurs heureset des files de cinquantaines de camions seforment.

Dans le département, le réseau ferroviai-re Oriental totalisant 1 386 kilomètres delong, va dans deux directions : vers l’est jus-qu'au Brésil avec Santa Cruz-Corumba(643 km) et vers le sud avec 783 kilomètrespour Yapacaní-Santa Cruz-Yacuiba. Letrain est un moyen de transport extrême-ment long et si l’on sait que 40 heures sontparfois nécessaires pour atteindre la frontiè-re brésilienne on comprend pourquoi il estappelé El tren de la muerte.

En 1997, un grand projet d'infrastruc-ture à l'échelle internationale a été lancé : laconstruction d'un gazoduc de plus de3 000 kilomètres entre Santa Cruz et la côtebrésilienne, Sao Paulo-Porto Alegre. Parailleurs, la Bolivie est membre associé duMercosur, union qui regroupe le Brésil,l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay ; en1996, le total annuel des échanges com-merciaux Bolivie-Mercosur était de l'ordrede 450 millions de dollars, dont 150 mil-lions d'exportation. Le poids de Santa Cruzdans l’intégration de la Bolivie à cet impor-tant marché devrait être consolidé parHidrovia, un grand projet de canal navi-gable qui contribuerait au désenclavementde la Bolivie, du Paraguay et du MatoGrosso (Brésil).

Dans le nord du département, on arecours au transport fluvial sur le réseau defleuves Ichilo-Mamoré qui le relie aux loca-lités du département du Béni.

Le département de Santa Cruz, pendantlongtemps économiquement et démogra-phiquement déprimé, poursuit l'améliora-tion de ses infrastructures de transport quiest indispensable pour soutenir l'essor éco-nomique régional.

UUnnee rrééggiioonn ppaauuvvrree eenn hhoommmmeess

D'après l'Annuaire Statistique INE(Instituto Nacional de Estadistica) de 1995,le département de Santa Cruz rassemble1 597 000 habitants, ce qui représente unedensité de 4,4 habitants au km². Pour lapériode 1976-1992, la croissance annuellede la population est de 4,16 % et elle permetà Santa Cruz de se retrouver en deuxièmeposition pour la population après le dépar-tement de La Paz. En plus d'un soldemigratoire positif, le taux d'accroissementnaturel est élevé ; il serait de 3 % par an.

La densité de population est extrême-ment hétérogène à l'échelle du départe-ment. C'est la conséquence de ses caracté-ristiques géographiques et de la distributiondes ressources aussi bien pétrolifères quecelles nécessaires aux activités agro-pasto-rales. D'une province à l'autre, la densité

2299Grafigéo 1999-6

La conquête de l’Oriente bolivien

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 3300

SanMatias

LasConchas

SantoCorazon

SantaAna

SantiagoSantiago

FortinRavelo

PuertoQuijarro

SanRafaelSanRafael

SanMiguel

ConcepcionConcepcion

Pozodel Tigre

San JavierEl PuenteEl Puente

San Antonio

Pailon

Izozog

Buena VistaBuena Vista

LacConcepcionLacConcepcion

Trinidad

Santa Cruzde la SierraSanta Cruzde la Sierra

Sucre

TA R I J A

CHUQUISACA

B É N I

S A N TA C R U Z

P A R A G U A Y

B R É S I L

Vallegrande

CamiriCamiri

Mineros Los Troncos

MonteroMontero

PuertoSuarezPuertoSuarez

PuertoBushPuertoBush

San Ignaciode VelascoSan Ignaciode Velasco

San Joséde Chiquitos

Roboré

Ascension

Boyuibe

Lagunillas

Cabezas

CO

CH

AB

AM

BA

PuertoArturo

Puerto AlegrePuertoLeyton

PerseveranciaPerseverancia

AbapoAbapo

Samaipata

CamarapaCamarapa

Rio N

égro

Paragua

Guaporé

San Martin

Rio Blanco

Rio Grande

San Pablo

Tucavaca

Paraguay

Parapeti

Rio Ichilo

Route principale goudronnée

Route principale

Autre route et piste

Voie Ferrée

Chef-lieu de département

Ville

Frontière internationale

Limite de département

Cours d'eau

Lac

Marais, terrain inondable

Saline

0 200 km

N

16˚ S

20˚ S

64˚ O 60˚ O

Carte 6 - Le département de Santa Cruz

3311Grafigéo 1999-6

La conquête de l’Oriente bolivien

varie d'1 habitant au km2 (Velasco,Sandoval et Guarayos) à presque 163 danscelle d'Andrés Ibañez. Sur les quinze pro-vinces, seulement sept ont des densitéssupérieures à la moyenne du département(cf. carte 7).

En raison de son dynamisme écono-mique et de l’extension de son territoire, descentres urbains importants tels queMontero, Warnes, Camiri, San Ignacio deVelasco et Puerto Suarez se sont développésdans le département. Cela a permis dedéconcentrer les activités de la capitale et depromouvoir un développement plus harmo-nieux à l’échelle du département, en consti-tuant des zones où se concentre la popula-tion migrante. La ville de Santa Cruz a puabsorber une croissance démographiqueexponentielle qui a fait passer sa populationde 60 000 habitants dans les années 1960 àun demi-million aujourd'hui (recense-ment 1989). En dépit de cette croissancespectaculaire, Santa Cruz a été épargnée parde nombreux problèmes liés à l'expansiondes villes en Amérique latine.

Il est très vite apparu que l’essor écono-mique de la zone ne pourrait se faire exclu-sivement sur la base de migrations internes.Ce constat a ouvert la voie au gouverne-ment bolivien qui a cherché à inciter descolons d'autres pays à immigrer et à assu-mer le rôle de pionniers. En plus des men-nonites venus du Mexique, du Paraguay etdu Canada, des Japonais (Okinawa I et II)et des Chinois se sont lancés à la conquêtede la nouvelle frontière.

SSaannttaa CCrruuzz ,, llaa nnoouuvveell llee ccaappii ttaa llee

ééccoonnoommiiqquuee dduu ppaayyss

L'agriculture est un des piliers de l'éco-nomie bolivienne : actuellement, ce sont44 % des actifs qui travaillent pour ce sec-teur, lequel contribue à 16 % environ du

PIB total. Si entre 1985-1995, Santa Cruzest devenue la capitale économique dupays, c'est aussi parce que s’y concentredésormais la plus grande partie des terresnationales en culture. Le département

détiendrait 45 % des terres cultivées dupays (1993), alors qu'en 1950, ce taux séle-vait à moins de 10 % (cf. tableau 1).

Malgré le sous-équipement des infra-structures de transport et de communica-tion, le boum régional se confirme car ledépartement assume aujourd’hui ¼ du PIBde la Bolivie. Comme le montre le tableau2, le taux de croissance annuel moyen duPIB régional, et celui de la production agri-cole, sont largement positifs, grâce à l'agri-culture la plus moderne du pays.

L'économie régionale a « explosé » de-puis les années soixante-dix grâce au pétro-le et au développement lent mais constantd'une véritable agro-industrie, sans oublierla création d'un pôle financier et industrielà l’échelle locale. Bien que le potentiel deproduction, très diversifié, soit encore large-ment sous-utilisé, il permet l'exportation.La production de soja, de blé, de sucre ouencore de fruits tropicaux est en croissance.Néanmoins, on considère que l'agro-indus-trialisation est un secteur faible qui doitprogresser.

Ce chapitre permet d'appréhender l'es-pace cruceño et les possibilités que la régionoffre pour l'agriculture en particulier. Elletente de saisir quel intérêt ont eu les men-

Année Bolivie Santa Cruz Pourcentage1950 654 58 8,91970 968 220 22,71980 1194 285 23,9

Tableau 1- Évolution de la participation deSanta Cruz dans la superficie cultivée nationale

en milliers d'hectares (1950-1980)

Source : ARRIETA, Agricultura en Santa Cruz : de la enco-mienda colonial a la empreza modernizada, 1990.

1990(en milliards de $US)

1995(en milliards de $US)

Taux annuel moyende croissance

PIB régional 1 370 1 970 + 7,5 %Production agricole 258 492 + 13,8 %Exportations 143 257 + 12,4 %

Tableau 2 - Indicateurs économiques du département de Santa Cruz

Source : The Wall Street Journal, 6 décembre 1996.

nonites à conquérir cette région longtempsinexploitée. Ce groupe d'agriculteurs conti-nuellement à la recherche d’espaces inoccu-pés et de terres s’est manifesté en Bolivie

dans le milieu de notre siècle, au momentmême où le gouvernement cherchait àintensifier la mise en valeur des terres del'Oriente.

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 3322

1 118 870

283 467

5 000

N

0 200 km

Source : CREDAL (INE, 1992)

capitale de département

autre division administrative

Limite de département

Population

Carte 7 - Répartition de la population par canton en 1992

UNE FOIS EXAMINÉ le contexte de colo-nisation, il se dégage un phénomèneremarquable par son ampleur : il

s’agit de la migration contemporaine d'ungroupe homogène vers un espace à conqué-rir dans le but de préserver une culturecommune. Tous les aspects de la vie de lacolonie mennonite sont induits par lavolonté de maintenir les traditions. C’estpourquoi la colonisation mennonite s'estorganisée de telle manière qu'il n'y ait pasd'intégration possible avec les autres habi-tants.

UN NOMBRE CROISSANT DECOLONIES MENNONITES

UUnnee ttyyppoollooggiiee nnoonn--eexxhhaauusstt iivvee eett

uunn iinnvveennttaaii rree ddii ff ff iicc ii llee

Ces colonies, indépendantes les unes desautres, se distinguent généralement par lepays d’origine des colons. Bien qu’ils fassenttous partie de la même Église, avec lesmêmes principes, il existe des différences decomportement, de coutumes, de formes deproduction et de capacité économique.

On considère que les mennonites duParaguay sont plus ouverts et qu'ilsconnaissent mieux l’espagnol. Même si là-bas, certains luttaient contre un début d’as-similation, en revanche les colons qui y sontrestés l’ont acceptée. Les mennonites cana-diens sont le plus souvent intégrés auxcolonies paraguayennes et ensemble, ilsreprésentent environ 20 % de la populationmennonite de Bolivie. Contrairement à ceque pensent les Boliviens, ils n'ont jamaisporté de salopettes. Les mennonites duParaguay et du Canada circulent en auto-mobile, leurs tracteurs ont des pneus maisen général, les capitaux dont ils disposentsont moins importants que ceux des colonsarrivés du Mexique. Ils n’apprécient pasparticulièrement qu’on les confonde avecces mennonites arriérés.

Les mennonites originaires du Mexiqueet de Belize représentent 80 % de la popula-tion totale et sont les plus orthodoxes. Ilsn'ont pas de voiture à moteur et, plusimpressionnant encore, leurs tracteurs sontéquipés de roues en fer. Ces colonies aurèglement interne sévère sont dites “OldColonies”. Entre ces deux catégoriesextrêmes, on rencontre des colonies telles

3333Grafigéo 1999-6

Une identité religieuse sans compromis

Chapitre 3 • La société mennonite et sonterritoire conditionnés parune identité religieuse sanscompromis

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 3344

Nom de la colonie Pays d'origine Colonie mère Date defondation

Effectifs 1986 Effectifs 1996

Alt Bergthal Paraguay et Canada – 1961 306 ?

Belize-Tres Cruces Belize et Mexique Riva Palacios 1981 750 1 963

Bergthal Paraguay et Canada Alt Bergthal 1986 297 430

Campo Leon Variés missionnaires 1991 – 52

Canadiense I Paraguay – 1957 798 ?

Canadiense II ouMorgenland

Paraguay Canadiense I 1975 217 1 143

Chihuahua Bolivie autres colonies 1989 – 297

Cupesi - Rosenort Canada Reinland 1976 ? 615

Kol. Del Norte Mexique – 1980 357 911

Durango Paraguay et Mexique – 1994 – 1 233

Las Palmas Paraguay Reinland ouCanadiense I

1990 – 226

Las Piedras I Canada – 1968 840 200

Las Piedras II Canada Las Piedras I 1984 382 1 000

Manitoba Mexique Riva Palacios 1991 – 1 402

Nueva Esperanza Mexique et Belize Santa Rita 1975 1.200 2.455

Nueva Holanda Canada et Paraguay Cupesi et Reinland 1981 490 665

Oriente Mexique Santa Rita 1993 – 360

Pinondi Mexique Riva Palacios 1987 – 1 336

Reinland-Las Pavas Paraguay et Canada – 1963 240 ?

Riva Palacios Mexique – 1967 5 500 5 488

Santa Clara Mexique Sommerfeld 1994 – 144

Santa Rita Mexique et Belize – 1968 1 385 1 748

Sommerfeld Mexique et Belize – 1968 366 732

Swift Current Mexique – 1968 2 510 2 602

Tres Palmas Paraguay – 1954 15 dissoute

Valle Esperanza Mexique – 1975 1 486 2 214

Valle Nuevo Mexique Swift Current 1993 – 853

Yanahigua Mexique V.Esperanza et DelNorte

1993 – 543

TOTAL 28 + de 17.139 + de 28.612

Source : Comité Central Mennonite de Santa Cruz, 1998.

Tableau 3 - Liste des colonies mennonites de Santa Cruz (Bolivie) en 1996

3355Grafigéo 1999-6

Une identité religieuse sans compromis

que Nueva Holanda ou Alberta, dont lamajorité des colons vient du Canada ou duParaguay et où pourtant les automobilessont interdites. On y circule en buggy maisles tracteurs roulent avec des pneus et lesbicyclettes sont autorisées à la différence desOld Colonies.

Cette première typologie montre com-bien il est difficile de ranger les colonies dansdes catégories fermées, car toutes ont leurssingularités et on ne peut qu'établir des rap-prochements et souligner les exceptions. Letableau 3 propose un inventaire des coloniespar ordre alphabétique, en indiquant leurpays d’origine puis la colonie mère qui, enBolivie, est à l’origine de sa fondation.

Les tableaux 3 et 4 ont été réalisés à par-tir de données du Comité CentralMennonite de Santa Cruz et d’informationsrassemblées chez Menno Travel. Leschiffres n'ont pas pu être vérifiés : ils restentapproximatifs et souvent inférieurs à la réa-lité. Cependant, certaines colonies telles quela Canadiense I (pour laquelle aucun chiffrede population n’est disponible en 1996),ont connu de fortes chutes d'effectif et vontvraisemblablement disparaître.

Les colonies sont de taille variable etregroupent entre 50 et 5 000 personnes.Certaines colonies trop peuplées, achètentdes terres afin de fonder une nouvellecolonie pour leurs enfants et pour les colonsqui ne cessent d'arriver de l’étranger. Tantôtla nouvelle colonie suit lesmêmes règles que lacolonie-mère tantôt ellecorrespond à une rupture,comme la Canadiense II.Des désaccords religieuxinsolubles sont à l'originede la fondation de cettedernière.

Dans le tableau 4,lorsque la colonie-mèren'est pas indiquée, celasignifie soit que les colonsviennent d'arriver del'étranger, soit qu'ils pro-viennent de plusieurscolonies de Bolivie. Ledernier recensement du

Comité Central ne donne aucun chiffre depopulation pour les dernières colonies fon-dées. Ces nouvelles colonies sont surtout detype Old Colony, c'est à dire dont la majo-rité de la population provient du Mexique etde Belize.

Les tableaux 3 et 4 montrent qu'il existeau moins 36 colonies mennonites en Bolivie,implantées exclusivement dans le départe-ment de Santa Cruz. Déjà en 1998, de nou-velles implantations ont été initiées comme àGuarayos dans le nord vers San Javier, àYacuiba à proximité de la frontière argenti-ne, mais également dans le département deBéni où une famille, arrivée du Manitoba auCanada a acheté 15 000 hectares. La famil-le Friesen a commencé à défricher une par-tie de ce domaine et projette de vendre lesautres parcelles à des mennonites.

Si le marché des produits agricoles semaintient et si la Bolivie reste politiquementstable, ce pays pourrait à l’avenir, voir arri-ver de nouveaux flux de mennonites, spé-cialement en provenance du Mexique où lemanque de terre commence à se faire sentiret où la dévaluation du peso a laissé desmarques profondes.

DDeess llooccaall iissaatt iioonnss sstt rraattééggiiqquueess

Les premières colonies se sont installéesautour de Santa Cruz, suffisamment loinpour ne pas trop sentir l'attraction urbaine et

Nom de la colonie Pays d'origine Colonie mère Date defondation

Alberta Canada – 1996

Casas Grande del Este Mexique Cupesi 1996

El Cerro Canada Las Piedras II 1996

El Tinto Mexique – 1997

Fresnillo Mexique Swift Current 1996

Gnadenhof Mexique Riva Palacios 1996

Hohenau Paraguay – 1996

Milagrosa Mexique Belize-Tres Cruces 1998

Tableau 4 - Les nouvelles colonies mennonites de Santa Cruz

Source : Comité Central Mennonite de Santa Cruz, 1998.

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 3366

Route et piste

Voie ferrée

Ville

Colonies où les tracteurs ontdes roues de fer, voitures interditesColonies où les tracteurs ontdes pneus, voitures interditesColonies où les tracteurs ontdes pneus et voitures autorisées

0 50 km

versRoboré

versCochabamba

versCochabamba

versBoyuibe, Yacuiba

N

17˚ S

18˚ S

61˚ O63˚ O

Capitale départementale

Abapo

San Rafael

San Miguel

San José de Chiquitos

QuimoméEl TintoTunas

Los Troncos

Montero

San Ramon

Tres Cruces

Pozo del Tigre

CanadaLargaPailon

Sta Claradel SaraSta Claradel Sara

Santa Cruzde la Sierra

Charagua

Cotoca

Pailas

San Ignacio de Velasco

Concepcion

San Javier

Cuatro Canadas

NUEVA ESPERANZA

ALBERTA

El CERRO

HOHENAU

MANITOBA

EL TINTO

FRESNILLO

MILAGROSASANTA CLARACAMPO LEON

MORGENLAND

VALLE NUEVO

ORIENTE

NUEVAHOLANDA BERGTHAL

LAS PALMAS

YANAHIGUA

K DEL NORTECAMPO CHIHUAHUA

VALLEESPERANZA

BELIZEROSENORT

CUPESI

LAS PIEDRAS I

SANTA RITA

CANADIENSE ICANADIENSE I

SWIFT CURRENTSWIFT CURRENTSWIFT CURRENT

RIVA PALACIOSRIVA PALACIOS

GNADENHOFFGNADENHOFF

CASAS GRANDEDEL ESTE

DURANGOPINONDI

LASPIEDRAS II

ALTBERGTHAL

SOMMER-FELD

Carte 8 - Les colonnies mennonites de Santa Cruz

suffisamment près pour disposer des servicesqu'offre cette capitale et y commercialiserleurs produits. Parmi les premières colonies,Tres Palmas et la Canadiense I, fondées en1954 et 1957, ont été pratiquement aban-données. Leurs habitants sont partis vivredans de nouvelles colonies du pays ou sontretournés au Paraguay ou au Canada.

Ce n'est qu'à partir de 1967 que com-mence l’immigration des mennonites d’ori-gine mexicaine, fuyant eux aussi la menaced’une intégration sociale. Ils mettent enplace les Old Colonies, parmi lesquellesRiva Palacios avec 28 000 hectares, SwiftCurrent avec 15 000 hectares, et ils s’ar-rangent pour éviter tout contact avec lesautres colonies qu'ils estiment trop permis-sives. En 1968, un autre groupe venu duMexique acquiert des terres du gouverne-ment au nord de Riva Palacios, dans lacolonie qui s'appelle maintenant Santa Ritaou Paurito. Ce groupe de colonies, géogra-phiquement proches mais indépendantesles unes des autres, est appelé Las Brechas.Elles perpétuent, en Bolivie où on pouvaittrouver un plus grand isolement du monde,des traditions qui étaient menacées oumême abandonnées au Mexique.

Les noms des colonies sont souventrécurrents d'un pays à l'autre : au Mexique,on trouve encore des colonies Swift Current,Santa Rita, Manitoba. De même, les colonsd'origine paraguayenne ont repris les nomsdes colonies mères du Paraguay, commeBergthal ou Tres Palmas. Ces noms peuventêtre en anglais, en allemand ou en espagnol.Les colonies portent aussi des noms derégions que les migrants occupaient aupara-vant comme Alberta, Belize, Chihuahua,Durango. Le nom peut indiquer une situa-tion géographique : Del Norte, CasasGrande del Este. D'autres, telles que NuevaEsperanza ou Valle Esperanza ou encoreMorgenland évoquent les espoirs des colons.

Les noms des colonies peuvent êtretrompeurs. Au Paraguay par exemple, lacolonie Sommerfeld rassemble des menno-nites du Canada tandis qu’en Bolivie, cesont des mennonites du Mexique qui viventdans la colonie du même nom. L'originelointaine des mennonites est particulière-

ment évidente dans le nom de certainescolonies du Paraguay : l’une a repris le nomde la ville de Volendam et une autre celui deFriesland, la Frise, aux Pays-Bas. L'aspectconservateur de la communauté se retrouvedonc également dans le choix des dénomi-nations.

En 1975, on recense dix colonies menno-nites, et l’on estime qu'elles possèdent68 859 hectares où vivent presque1 000 familles, soit environ 7 000 per-sonnes. Aujourd’hui, sur les 370 621 km²de la superficie totale du département, l'en-semble des colonies mennonites contrôleraitjusqu’à 300 000 hectares. Il est difficile dese prononcer avec certitude sur le nombreexact de colonies car si certaines disparais-sent, d'autres s’établissent sans que cesmodifications soient répertoriées. La popu-lation mennonite relève elle aussi d’une esti-mation parce qu’elle ne cesse de croître etque les allers et retours avec le Canada, leMexique ou le Paraguay sont permanents.

LL ’’eexxeemmppllee ddee ddeeuuxx ccoolloonniieess

La structure interne des colonies estsimilaire, bien que certaines se montrentmoins sévères que d’autres dans l’établis-sement de leurs normes et leur mode devie. Afin d'apprécier les points communset les différences, deux colonies témoinsont été choisies. Les autres colonies men-tionnées par la suite ont été également visi-tées, ou leurs habitants se sont prêtés à desentretiens mais Valle Esperanza etMorgenland ont été choisies notammentpour des critères d'accessibilité. Non seule-ment il était plus facile de s'y rendre quo-tidiennement, mais surtout il a été possiblede rencontrer davantage de familles et depasser plus de temps avec elles.

Valle Esperanza, fondée en 1975 pardes mennonites du Mexique est de typeconservateur (Old Colony). D'après sonavocat, Wildemar Rojas, elle occupe22 383 hectares et rassemble 456 familles.Elle se trouve à l'est du Rio Grande, entrePaílon et San Ramón, à environ 90 kilo-mètres de la ville de Santa Cruz, ce qui cor-respond à un minimum de deux heures de

3377Grafigéo 1999-6

Une identité religieuse sans compromis

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 3388

Carte 9 - Plan de la colonie Valle Esperanza

LISTE DES CAMPS :

1 Neustädt2 Blumenheim3 Blumenhof4 Rosenhof5 Neuanlage6 Rosenthal7 Burwalde8 Edenthal

9 Schönfeld10 Neuhoffnung11 Neurecht12 Groszweig13 Schönberg14 Eigenhof15 /16 Edenfeld17 Kleinstädt18 Bachfeld

19 /20 /21 /22 /23 Waldheim24 Rosenfeld25 Blumenfeld26 Silberthal27 Kronsthal

Colonie Del Norte

vers Los Troncos

voiture par une route goudronnée sur toutle trajet.

La seconde colonie sur laquelle s’appuiecette étude a été fondée la même année queValle Esperanza et elle s’appelle Mor-genland ou Canadiense II du nom de sacolonie mère, la Canadiense I. Pour ceuxqui ont quitté la Canadiense I, située à12 kilomètres de Cotoca, la taille moyennedes exploitations (30 ha) de la colonie-mèreétait insuffisante pour vivre. A Morgenland,chacun peut cultiver jusqu'à 100 hectareset, sur un total de 12 000 hectares, uneréserve de terre à l'intérieur de la colonie estencore disponible (cf. carte 10).

La majorité des habitants de cettecolonie sont des mennonites du Paraguay,et leurs particularités sont valables aussipour les colonies canadiennes. Morgenlandest caractéristique des colonies où l’on peut

utiliser voiture, téléphone, radio et télévi-sion et qu’on va appeler « modernes » aulong de ce mémoire. Elle se trouve au sudde Paílon que l’on rejoint par une routegoudronnée. Après quoi il faut faire 25 kilo-mètres sur une route de terre, oeuvre descolons.

LA RIGIDITÉ DE L’ORGANISATIONINTERNE

Les mennonites forment un groupe quipartage des activités communes, du faitd’un mode de vie dans lequel la famille, lacommunauté et l'Église, sont toutes haute-ment considérées, étroitement liées. Chacundes membres ne peut mener ses projets àbien qu'en agissant en relation avec lesautres et en fonction d’eux.

3399Grafigéo 1999-6

Une identité religieuse sans compromis

Carte 10 - Plan de la colonie Morgenland (Canadiense II)

Noms des camps :1 Friedensheim2 Neuanlage

3 Schoenthal4 Heimstaedt5 /

LLaa pprroopprr iiééttéé ffoonncciièèrree ,, iinnsstt rruummeenntt

ddee ccoohhééssiioonn ddee llaa ccoommmmuunnaauuttéé

Le titre de propriété de la colonie n'estpas établi au nom d'une personne mais aunom de la colonie. Étant donné qu'il n’exis-te pas de titre de propriété individuel, laterre reste toujours sous la responsabilitéexclusive de la colonie. Ceci permet de pré-server l'unité de la colonie ; au cas où uncolon décide de quitter la communauté, ildoit revendre sa terre à l’intérieur de lacolonie. Actuellement, seule la colonieCampo Chihuahua, à l'est du Río Grande,ne répond pas à cette règle : là, deux frèresnés à Swift Current, colonie mexicaine dusud de Santa Cruz, ont refusé de se sou-mettre aux lois qui régissent les OldColonies et ils ont fondé leur propre colonieoù automobiles et tracteurs à pneumatiquessont autorisés. Au niveau juridique, ils sontpropriétaires de l'ensemble des terres de lacolonie.

L’organisation des colonies est basée surla cellule familiale et chaque famille vit sursa propre parcelle. La totalité du terrainoccupé est achetée en commun, puis diviséeentre les colons, mais sans souci particulierd'équité, puisque chacun achète la superfi-cie que lui permettent ses moyens finan-ciers. Lors de leur arrivée, les colons achè-tent et choisissent leur emplacement enfonction des terres encore disponibles.Certains terrains appartiennent à la com-munauté, il s’agit de ceux où se trouvent leséglises, les écoles et bien sûr les routes. AValle Esperanza, cette surface communau-taire représente 15 % de la superficie totale.

Dans les premières années de la coloni-sation, les arrivants préféraient s'installer àproximité des sorties de la colonie, maisdepuis la construction de routes goudron-nées, les colons installés au centre de lacolonie sont enviés. En effet, en bordure descolonies, se développent des villes commeCuatro Cañadas à Valle Esperanza, quireprésentent de grandes tentations pourcertains membres.

Depuis les années quatre-vingt, le prixde l'hectare a augmenté en Bolivie et toutparticulièrement dans les colonies où la

terre a pris de la valeur car elle a été défri-chée. Lorsque les mennonites sont arrivésdans le pays, ils pouvaient acheter un hec-tare de terre non défrichée pour moins dedix dollars alors qu’aujourd'hui, son prixs’élève au moins à 400 dollars. Actuelle-ment à l'intérieur de la colonie Riva Pala-cios, l'hectare défriché coûte en moyenne1000 dollars, mais à Valle Esperanza, où laterre est plus productive, le prix de l'hecta-re excède les 2000 dollars, alors qu'à l'exté-rieur, parfois à la limite même de la colonie,il est à vendre entre 500 et 700 dollars.Quoi qu'il arrive, les transactions foncièresà l'intérieur de la colonie restent soumises àl'approbation des chefs. Ces derniersveillent à ce qu'il y ait assez de terres pourles enfants des générations à venir et ils sontchargés de prévoir l'achat de terrains au casoù il serait nécessaire de fonder une nouvel-le colonie.

Dans les colonies mexicaines, il est inter-dit d'acheter ou de louer à l'extérieur de lacolonie, ce qui n’est pas le cas dans lescolonies canadiennes où certains possèdentjusqu'à 2 000 hectares. Dans la colonieNueva Holanda, les colons ont en moyenne50 hectares par famille mais ils sont autori-sés à acheter ou à louer jusqu'à 100 hec-tares hors de la colonie.

Chaque colonie est divisée en plusieurscamps dont le nombre varie en fonction dela taille et du nombre de familles.Morgenland comporte 13 camps, mais seu-lement 10 sont habités, les autres étantexploités mais non bâtis. On trouve enmoyenne 17 familles par camp et le nombrede camps augmente avec celui des couplesmariés. A Valle Esperanza, les 27 campssont habités mais il reste des espacesconstructibles. Dans le camp 24, qui est undes plus petit, vivent 14 familles tandis quedans le camp 10, divisé en 24 parcelles, ontrouve 23 familles.

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Bien qu’il n’existe pas de document écritqui détermine les lois internes définitives, lescolons n’ignorent pas l’importance de celles-

La colonisation mennonite en Bolivie

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ci et veillent à les respecter. Dans chaquecolonie, un vorsteher (mot allemand quisignifie directeur) est élu tous les deux anspar les hommes mariés d’au moins 30 ans ;l'élection peut également avoir lieu tous lestrois ans comme à Nueva Holanda. Il n'y apas de candidature, chacun vote pour celuiqu'il estime le plus compétent, et qui aensuite le choix d'accepter ou non cettecharge. On ne peut pas parler de compéti-tion à l’occasion de ces élections, car ce posteimpose de lourdes responsabilités. C’est,avant tout, une charge administrative quin’a rien d’honorifique, et qui exprime laconfiance des colons dans la moralité de leurpair. D'après les témoignages, les critèresfinanciers n'entrent pas en compte lors del'élection, les chefs pouvant être riches oupauvres.

Le vorsteher peut être élu plusieurs fois :à Valle Esperanza, deux chefs de colonie separtagent les responsabilités. JohaanKlassen est en place depuis dix ans, tandisque David Friesen a été élu pour la premiè-re fois en 1997. Cet administrateur estchargé des relations de la colonie avec l’ex-térieur et de la gestion des biens de cettedernière, comme le fonds commun parexemple. La participation est annuelle,volontaire et son montant est libre à ValleEsperanza, tandis qu'à Morgenland, ils'agit d'une sorte d'impôt interne obligatoi-re, calculé en fonction du nombre d'hec-tares possédés dans la colonie. Dans lescolonies mexicaines du Sud de Santa Cruz,cet impôt correspond à 10 % de la récoltepour chaque famille.

Le fonds commun sert à régler des pro-blèmes généraux et non pas personnels,c'est-à-dire qu’il ne peut pas servir à aiderun colon qui s'est endetté. La colonie nepaie pas les dettes individuelles et surtoutn'est pas responsable juridiquement. Danscertains cas précis, comme l’incendie d’unemaison, la victime est aidée financièrementet la communauté participe à la reconstruc-tion. Lorsqu’en 1992, les intempériesavaient réduit à néant les récoltes de soja deValle Esperanza, la colonie a pu prêter del’argent aux sinistrés. Le même principeavait déjà été appliqué en 1983, lors d’im-

portantes précipitations. En réalité, la cais-se commune permet surtout à la colonied'assurer l'avenir des prochaines généra-tions en achetant de nouvelles terres à cul-tiver, et en fondant de nouvelles colonies.

Les administrateurs, associés en cela auxchefs de camps également élus doiventrésoudre les problèmes de la colonie, veillerà ses besoins et décider des actions à entre-prendre pour la maintenir ou la développer.Les chefs de camp représentent ce dernierdans les réunions qui se tiennent dans lacolonie, et ils informent les familles et l'ad-ministrateur sur les familles.

L’autre autorité au sein de la colonie,certainement la plus importante estl’Eltester (mot qui vient du bas-allemand,Elltesta, qui signifie ancien, aîné, diacre,selon le dictionnaire de Rempel, 1979), quiest élu à vie. Il est le chef religieux et le véri-table leader de chaque colonie dont il fixe lesrègles de vie. Garant de la Foi mennonite etdes traditions, il exerce la plus grandeinfluence sur les actions et les décisions descolons. Il détient en fait les pleins pouvoirs etl’absence de règlement écrit lui laisse touteliberté d’action. Il est assisté d’une commu-nauté paroissiale composée de Prediger,souvent ministres du culte, élus également àvie. A Valle Esperanza, la communautéparoissiale regroupe huit élus religieux et ilssont sept à Morgenland. Ils doivent servird'exemple aux membres de la communautéet sont par principe irréprochables.

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Le système d’éducation est impliquédans tous les aspects de la vie de la colonieet il assure en grande partie la pérennité desvaleurs mennonites. Le système éducatifdes colonies fonctionne de manière autono-me et distincte de celui en vigueur sur le ter-ritoire national. Il dispose de son propreprogramme d'études, de son propre calen-drier scolaire et de son dispositif d'évalua-tion. L'instruction est élémentaire et corres-pond au premier cycle du système éducatifnational. Elle est réduite au minimum : onapprend à lire, à écrire, à compter pourl'administration des terres et la commercia-

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Une identité religieuse sans compromis

lisation des produits. On y étudie la Bible defaçon intensive et on apprend quelqueshymnes. L'accent est davantage placé sur lamémorisation que sur la réflexion indivi-duelle. L’enseignement se fait en bas-alle-mand et les enfants apprennent à lire et àécrire l’allemand en lettres gothiques ; cettelangue leur sert à comprendre le culte maisils ne la parlent pas. Faute de pratique, onaboutit dans la plupart des cas à une situa-tion d’analphabétisme fonctionnel car entreeux, les mennonites parlent le bas-alle-mand, langue qu’ils ne peuvent ni lire, niécrire.

A propos du bas-allemand, des diffé-rences entre Mexicains et Paraguayens, auniveau de la prononciation ont été remar-quées. Les mennonites du Mexique mettentl’accent sur les [O], ce qui donne une réso-nance plus rustique, caractéristique du bas-allemand des Old Colonies.

Les cours ont lieu pendant cinq mois, demai à septembre auxquels s’ajoute un moisen décembre. Les enfants, de l'âge de six ansjusqu'à treize ans y assistent tous. Généra-lement, les filles quittent l'école une annéeavant les garçons mais l'école est obligatoireet pas un enfant n’échappe à ce cursus. Iln'existe pas de problèmes de discipline car iln'y a pas d'élèves dissipés, les élèves obser-vant un silence absolu. Garçons et filles sontséparés en cours, et également à la récréa-tion à Valle Esperanza, tandis qu'àMorgenland, les récréations sont mixtes. Lesrepas se font au domicile et les enfants fontle trajet à pied. Il n'y a pas de devoirs à lamaison, pour permettre aux enfants d'effec-tuer leurs tâches quotidiennes à la ferme. Unenfant mennonite en sait peu sur lessciences, les technologies et l'art, maisconnaît bien le sol, les animaux et lesplantes, il a des compétences en maçonnerieet en conservation de la nourriture. Lesparents, dans ce groupe religieux conserva-teur, considèrent que le travail scolaire nereprésente qu’une partie de l'éducation :«Apprendre des autres est d'un grand prix».

Pour enseigner, il n’est pas nécessaire deposséder des connaissances pédagogiques.Les professeurs sont des hommes mariésqui n’ont reçu aucune formation spécifique.

Ils perçoivent un salaire et continuentparallèlement à exploiter leurs terres ; lesalaire varie entre 250 et 400 dollars et s’yajoutent six à huit hectares fournis par lecamp, qui peuvent être cultivés. Les colonsversent une participation en fonction dunombre de leurs enfants scolarisés et peu-vent augmenter le salaire de l’enseignantpour manifester leur satisfaction. Dans lescolonies mexicaines, les professeurs se por-tent volontaires tandis qu'à Morgenland, leshuit professeurs, un dans chaque école, sontélus. La colonie Valle Esperanza connaîtdes problèmes pour le recrutement de sesenseignants et doit faire appel à ceuxd'autres colonies (dans le camp 24, le pro-fesseur vient d'une colonie du sud versCharagua) car personne n'est volontairepour enseigner.

La situation est délicate car l’enseigne-ment est de plus en plus déficient et incom-plet, mais c’est ce choix qui assure la surviede la colonie. En effet, quel que soit le degréd’orthodoxie d’une colonie, le système édu-catif reste inchangé. Il est évident que trèspeu de mennonites parlant espagnol, lespossibilités d’intégration à la populationlocale sont considérablement réduites. Enrevanche si l’évolution a été possible auParaguay ou au Canada, c’est parce que lesmennonites ont été obligés d’intégrer lesécoles agréées par l'État. L’éducation estpar conséquent d’une importance fonda-mentale pour la structure des colonies, étantdonné la composition de la populationmennonite : celle-ci est jeune et comporte93 % de personnes de moins de 50 ans. Letaux de natalité est moins élevé chez lesCanadiens et les Paraguayens, car lesfamilles se limitent généralement à cinq ousix enfants contre plus de dix dans lescolonies mexicaines.

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Les colons occupent collectivement l'es-pace avec lequel ils entretiennent une rela-tion intime. Les colonies mennonites se res-semblent toutes à quelques différences près,ainsi dans les colonies modernes a-t-onconservé davantage de végétation naturelle.

La colonisation mennonite en Bolivie

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Mais partout le paysage mennonite estcaractérisé par des routes de terre recti-lignes, des groupes de maisons régulière-ment espacés et surtout des habitations quiparaissent toutes inspirées du même projetarchitectural.

C'est dans ce paysage sans village que sereconnaissent les mennonites. Le visiteurextérieur est d'abord impressionné par lagrande rigueur et la propreté générale, quicontrastent avec les zones rurales exploitéespar la population bolivienne. Quand ondemande à un Bolivien ce qu'il pense descolonies, il parle d'abord de la beauté despaysages et la propreté des maisons.

Les maisons constituent le centre desexploitations familiales, et chaque familledispose d'une habitation individuelle situéeà l'extrémité de sa parcelle, le long du che-min principal du camp. Une allée de jeunesarbres mène souvent à l'habitation, mais lesfleurs sont rares. Les matériaux deconstruction sont la brique, le bois et la tôle.Les maisons peuvent avoir un étage, carac-téristique fréquente dans les colonies mexi-caines. Le style même des maisons, surtoutdans les colonies mexicaines, peut rappelercelui de la Frise ou de l'Overijssel : il se tra-duit par un goût pour les rideaux, par lescouleurs des peintures extérieures desfenêtres et des portes, systématiquementvertes et blanches, par une préférence pourla brique.

Les dimensions de la maison varient enfonction du budget de la famille. Lorsquecelle-ci s'agrandit, une nouvelle maisonpeut être construite en face de la première.A l'intérieur, le sol est cimenté et toutes lesfenêtres sont équipées de moustiquaires. Ladouche est à l'intérieur de la maison où iln'y a ni évier ni lavabo, la vaisselle se fai-sant dans des bassines. Les toilettes sontinvariablement à l'extérieur et la machine àlaver peut être rangée dans un petit localattenant à l'édifice principal, mais elle s'uti-lise à l'extérieur, toujours en plein air. Lesdéchets sont brûlés ou enterrés.

Bien que l'austérité domine, les maisonssont confortables et spacieuses par rapportà l’habitat rural bolivien. A l'intérieur, lemobilier est sobre et limité, mais de bonne

qualité : lits, tables, chaises et armoires, enbois, sont fabriqués dans la colonie. Lesparticuliers commandent le modèle qu'ilsdésirent, aux dimensions qui leur convien-nent mais bien souvent, on retrouve lesmêmes meubles, d'une maison à l'autre. Letravail sur mesure coûtant plus cher, onévite de le renouveler.

L'équipement doit rester modeste et évi-ter le luxe de la modernité ; il n’y a donc pasd'éclairage électrique dans l'habitation.L'électricité est réservée aux travaux dansles ateliers ou agricoles dans les OldColonies. Les habitants s'éclairent auxlampes à gaz et l'équipement ménager fonc-tionne également au gaz. Chez les menno-nites originaires du Canada et du Paraguay,la télévision et la radio sont autorisées maiselles rencontrent un succès limité. D’unefaçon générale, on constate que l'habitat descolons mexicains est de meilleure qualitéque celui des colons paraguayens. Ces der-niers installent des panneaux solaires au-dessus de leur maison pour se fournir enénergie électrique. L'investissement initialest important, il atteint presque 700 dollars,mais il est rentable car l’energie obtenue estplus qu'une source d'appoint.

Généralement, il n'y a pas de problèmed'approvisionnement en eau. A ValleEsperanza, 70 % des familles ont leurpropre puits, et ceux qui n'en ont pas vontau puits de l'école ou s'arrangent avec leursvoisins. Cependant, à Tres Cruces, il est dif-ficile de trouver de l'eau, pour tout lemonde. A San José de Chiquitos, l'eau,extrêmement salée, provoque des mauxd'estomac. Malgré cela, dans la colonieNueva Esperanza, on n'a pas d'autre solu-tion que de la boire, car l'Eltester a interditla consommation de soda.

Les mennonites s’identifient intimementau paysage qu’ils ont façonné. L’absence depanneaux indicateurs à l’intérieur descolonies témoigne de cette relation privilé-giée qu’ils entretiennent avec leur espace.La numérotation des camps est pratique,mais pour le visiteur extérieur, il est très dif-ficile de trouver des points de repère et dene pas se perdre.

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Une identité religieuse sans compromis

UNE VIE RELIGIEUSE INTENSE

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L’église est un bâtiment extrêmementsobre dont les volets sont fermés toute lasemaine, en dehors du jour de culte. A ValleEsperanza, les églises sont au nombre dequatre et sont entièrement grises, jusqu'auxportes et volets. L’église est un élément cléde la colonie mais dépourvue de clocher etde croix, elle ne se distingue pas foncière-ment des habitations.

Les églises ont deux portes : une pour leshommes, l’autre pour les femmes quientrent en même temps. Assis sur desbancs, ils suivent le culte séparément, faceaux ministres alignés sur l'estrade. Chacunvient avec sa propre Bible. Il y a deuxchants, un au début, l'autre à la fin et leculte se résume à la lecture de la Bible enallemand par le même prediger pendantdeux heures. Toutes les semaines, le predi-ger change d'église suivant un système deroulement.

Le culte qui commence à 7 h 30 à ValleEsperanza et plus tard dans les coloniesmodernes, n'est pas obligatoire. Si undimanche on ne s'y rend pas, il n'y aura pasde sanction mais une certaine assiduité estexigée. Les enfants non scolarisés ne sontpas concernés car ils n'ont pas encore apprisl'allemand ; ils restent donc à la maison.

Le jeudi, la communauté paroissiale seréunit pour préparer le culte ; elle reçoit leshommes qui veulent bien faire part de leurssujets de préoccupation.

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Le baptême est l’étape qui marque l'en-trée du mennonite dans la communauté descroyants. Il est accordé aux adultes qui ledemandent, aucun enfant ne pouvant fairecette démarche. Entre 18 et 20 ans, celuiqui a choisi de se faire baptiser se signale audébut de l'année et il suit une préparationreligieuse intensive avant l’Ascension. Lacérémonie a lieu à l’église, généralemententre le mois de mai et le mois de juin. C'estune décision qui témoigne de la volonté per-

sonnelle du mennonite de faire partie de lacommunauté. Les mennonites deviennentfrères par le baptême. La confession de Foise fait de la même manière dans toutes lescolonies de Bolivie.

Le mariage est un autre événementessentiel du parcours. Le conjoint est choisipour la vie et doit être approuvé par lesfamilles. Bien entendu, on se marie unique-ment entre mennonites. Tous estiment queles différences culturelles avec les Bolivienssont insurmontables : on épouse par consé-quent un frère de religion. Mais certainescolonies refusent même les unions avec descolonies trop modernes à leur goût.Lorsqu'il y a mariage entre un membred'une colonie conservatrice et un membred'une colonie plus moderne, le couple partvivre dans la colonie du second. Il est trèsrare, par exemple, qu’un colon qui s'esttoujours déplacé en voiture accepte de neplus avoir qu'un buggy ou un tracteur avecdes roues en fer. On se marie entre 18 et30 ans souvent vers 20-25 ans et il est pos-sible, et même recommandé, de se remarierà la mort du conjoint, car l’une des valeurspremières des mennonites est la famille.Très peu de colons restent célibataires maissi tel est le cas, ils restent vivre chez leursparents.

Les mariages ne sont pas « arrangés »par les parents, mais comme dans de nom-breuses sociétés, on apprécie modérémentque son enfant épouse un pauvre. Lesjeunes ont du temps libre pour se retrouverle dimanche après midi et parfois quelquessoirées dans la semaine dans les rues de lacolonie. Avant de s'engager, il est possiblede fréquenter différents partenaires, maisévidemment, la morale interdit les rapportssexuels avant le mariage. Quand le mariageest décidé, le couple rend visite aux prochesafin d'officialiser l'union et doit attendreavant de vivre sous le même toit. Le maria-ge se fait en deux étapes : tout d'abord, leministre du culte vient le célébrer dans lamaison de la mariée au cours de la semai-ne, puis, le dimanche, la cérémonie a lieu àl'église.

La famille se réunit autour d'un repaspréparé avec l'aide de l'ensemble du camp ;

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trois à quatre cents personnes, c'est-à-direune trentaine de familles, se trouvent fré-quemment rassemblées à cette occasion. Iln'y a pas de fleurs, la mariée ne s'habillepas de blanc. Dans les colonies commeMorgenland, certains couples vont chez lephotographe en tenue de mariés à l'occi-dentale, mais ils ne s’habillent jamais ainsià l'intérieur de la colonie.

Lors des enterrements, toutes lesfemmes portent des robes noires et lesfemmes mariées se distinguent par une coif-fe épaisse, en plus du foulard noir. Le corpsrepose dans un cercueil qui reste ouvert aucours de la cérémonie à l’église ; si le défuntest une femme, elle est entièrement vêtue deblanc. Dans chaque camp, un cimetière setrouve généralement derrière l'école. Sur latombe, on ne dispose pas de croix et peu àpeu le monticule de terre est recouvert parla végétation. La tombe peut également êtrecreusée à proximité de la maison, dans unchamp, par exemple, mais, dans tous lescas, elle n'est pas entretenue et l’on n’yplante pas de fleurs.

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L'exclusion civile est une pratique d'ex-ception mais elle fait partie de la vie quoti-dienne des colons qui la redoutent plus quetout. Évoquée dans le premier chapitredans la partie intitulée « système decroyance », cette forme de bannissementest décidée par la communauté paroissialeen cas de faute grave. La mort sociale estsignifiée par la remise d'une carte et pluspersonne ne doit adresser la parole aupuni, ni ses enfants ni sa femme. La com-munauté fuit les membres bannis, on nedoit ni manger à la même table qu’eux, nifaire des affaires avec eux ni même leurrendre visite. Souvent la famille entière estmise à l'écart par le reste de la communau-té et il arrive que le banni quitte la colonie,avec ou sans sa famille selon les cas. Si leconflit avec les autorités religieuses de lacolonie n'est pas résolu avant sa mort, onconsidère que le mennonite va en enfer.

Dans un bulletin d'information diffusépar les chefs d'un groupe de colonies, lamise en garde est claire : « Notre commu-nauté est volontaire et n'oblige personne àen faire partie, mais celui qui se décide àparticiper, est obligé de se conformer auxrègles et aux obligations de la communau-té. Mais si un membre de notre commu-nauté ne veut pas obéir de quelque maniè-re que ce soit, il est exclu de lacommunauté. » Les auteurs s'appuientalors sur un passage de la Bible, 1 Corin-thiens 5.13. Ceux du dehors, Dieu les juge-ra, otez le mauvais du milieu de vous(Nouveau Testament, 1985). Cependantl’exclusion peut être temporaire, et le bulle-tin continue ainsi : « Mais si cette personnese repent et fait pénitence, il est admis etconsidéré de nouveau comme un membrede la communauté. » Ce bulletin n'a pas étéédité mais il est diffusé par les colonies dusud appelées Las Brechas (Riva Palacios,Swift Current, Sommerfeld et Santa Rita).Il a été également signé et approuvé par lescolonies Gnadenhoff, Oriente, Valle Nuevo,Durango, Casas Grande del Este etFresnillo.

L'ensemble des colons est conscient decette menace qui pèse sur eux mais s'ilsvivent en harmonie avec le reste du groupe,ils n'ont pas de raison de craindre le ban-nissement. Leur désir d’harmonie sembleatteindre son paroxysme dans le domainede l’habillement car leur souci de se distin-guer du monde, les a amenés à adopter ununiforme.

UUnn uunnii ffoorrmmee mmeennnnoonnii ttee

L’apparence même des mennonites est letémoignage d’une culture qui a survécu àtravers les siècles, malgré les persécutions etles migrations. Leur manière de s'habillerest une façon d'exprimer leurs profondesconvictions dans une communauté où lemode de vie reflète la Foi de chacun.

Les mennonites d’origine mexicaineportent tous les mêmes vêtements. Leshommes et les garçons, quel que soit leurâge, portent une salopette bleu marine ousombre, une chemise à manches longues

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unie, parfois à carreaux. Il semblerait queles mennonites aient adopté la salopettepour son côté pratique lors de leur passageau Mexique. Ils ont tous en permanence unchapeau blanc en paille, de type cow-boy.On ne retire ce dernier qu'à l'intérieur de lamaison ou de l'église. Beaucoup de ceshommes semblent sortis du Far West si cen’est que la ceinture leur est interdite etqu’ils portent donc des bretelles aux panta-lons. En effet, le dimanche, il faut mettre unpantalon pour aller à l'église ; celui-ci estnoir, marron, bleu, ou vert foncé et assorti àune veste, le tout dans une coupe desannées soixante-dix.

Dans les colonies mexicaines, les élusreligieux portent sous leur salopette deschemises noires ou bleu marine à col fermé.Le dimanche, ils endossent une autre tenuesévère : pantalon noir, comme la chemise etla veste, avec de hautes bottes en cuir et unecasquette rigide ; cela peut rappeler un uni-forme militaire de la Seconde Guerre mon-diale.

Les femmes sont couvertes par des robesà manches longues qui s’arrêtent en dessousdu genou, toutes sur le même modèle, unecoupe qui n’est pas sans évoquer l'Europedu XIXe siècle. Le tissu est généralementfleuri mais toujours à fond sombre ; pour lesrobes du dimanche, le tissu est plus fin etuni. Par-dessus la robe, elles portent sou-vent un tablier noir, dont les poches sonttrès utiles pour ces ménagères accomplies.Comme les hommes, elles portent des cha-peaux qui préservent du soleil comme de lapluie. Sur leurs chapeaux blancs, elles arbo-rent un ruban de couleur vive lorsqu'ellessont jeunes et plutôt marron ou noir plustard. Ces couleurs n'expriment pas leur étatcivil, comme beaucoup de nationaux lecroient, car seule la couleur du foulard quicouvre les cheveux indique si la femme estmariée ou non : il est blanc pour les céliba-taires et noir pour les épouses. Les motifs dufoulard sont des fleurs de couleur, comme ilen existe encore en Suisse.

Les mennonites ont abandonné auMexique, le sabot hollandais au profit desboots ou d’une sorte de santiags coupées.Les chaussures des femmes font beaucoup

rire les Boliviens car il existe véritablementdes modèles typiquement mennonites. Ellesachètent toutes les mêmes chaussures alorsqu'il n'y a pas de recommandation oud'obligation à ce sujet dans les règles de lacolonie. Ce sont des sandales noires souventvernies avec de grosses boucles en métal.On peut les acheter dans les colonies, maisaussi à Santa Cruz, exclusivement dans lequartier fréquenté par les mennonites.

Si les hommes trouvent leur intérêt dansles salopettes qui sont avant tout fonction-nelles, en revanche les tenues des femmesne sont pas particulièrement adaptées auclimat tropical. Les femmes ont les cheveuxlongs et toujours attachés avec une raie aumilieu. Les hommes ont obligatoirement lescheveux courts et ils n'ont pas le droit deporter la barbe ou la moustache, quel quesoit le pays d'origine des colons.

Dans les colonies à majorité canadienneou paraguayenne, les hommes achètent despantalons et des chemises en prêt-à-porter :les jean's sont autorisés ainsi que les cou-leurs claires, mais pas les shorts. Pour leschemises ce qu'ils préfèrent, ce sont les car-reaux. Le port de la casquette est systéma-tique. Les femmes portent des robes ache-tées en prêt-à-porter mais le port dupantalon et de la minijupe leur reste inter-dit. Souvent elles rajoutent un fichu uni surles cheveux lorsqu'elles sont mariées.Malgré cette « liberté » vestimentaire, dansl'ensemble, les mennonites des coloniesmodernes semblent très inspirés par lesannées quatre-vingt.

La culture latine environnante fournit uncontraste détonnant avec celle des menno-nites, qui physiquement se distinguent déjànettement. En plus des vêtements distinctifs,ils se reconnaissent à leur type nord-euro-péen, et le plus souvent à leurs cheveuxblonds et à leurs yeux clairs. Les hommessont filiformes et grands ; les femmes, enrevanche, en raison de leurs nombreusesgrossesses, ont tendance à être plus massives.

Autre conséquence de l'adoption de l'en-dogamie comme forme de conservation deleur culture et de leur religion, le nombre denoms de famille est limité. Certains pré-noms reviennent sans cesse, par souci de ne

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pas se singulariser sans doute. Les hommess'appellent Jacob, Abraham, Cornelius,Johaan, Heinrich, prénoms bibliques ou ori-ginaires du nord de l'Europe. Cette récur-rence est commune à toutes les colonies.Pour se présenter, le mennonite donne enplus de son nom et de son prénom, le nomde sa colonie et le numéro du camp où il vit.En effet, il y a des milliers de Jacob Klassen,d'Abraham Rempel ou encore de CorneliusFriesen, phénomène commun à tous lespays où ils se sont installés.

L’EMPRISE RELIGIEUSE SUR LEQUOTIDIEN

L'ensemble de la vie quotidienne descolons subit l'influence d'une religion stric-te et exigeante. Les colons vivent dans unautre monde qu'ils ont créé pour le bien dela communauté. Leurs priorités et leursvaleurs apparaissent immuables, mais ellesimposent certains sacrifices que seule uneFoi inébranlable peut faire accepter.

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ccuull ttuurree ppaattrr iiaarrccaallee

La société mennonite a un caractèrepatriarcal profondément marqué, ce qui esttrès souvent souligné par les nationaux ouplus encore par certains « ex-mennonites ».La femme est avant tout génitrice car onconçoit mal qu'un couple n'ait pas de nom-breux enfants.

Il semble que la Bible prône cette abné-gation de la femme, sa complète subordina-tion : Le chef de tout homme, c'est leChrist ; le chef de la femme, c'est l'homme ;le chef du Christ, c'est Dieu... La femme doitporter sur la tête la marque de sa dépen-dance... (Première Épître aux Corinthiens,11.2.21). Le voile de la femme mennoniten'est autre qu'un signe de sa sujétion aumari. Non seulement elle n'est pas autoriséeà voter mais elle ne peut pas non plus par-ticiper aux travaux des champs. La femmen'a aucune autonomie, elle ne peut pas êtrepropriétaire ou diriger seule une exploita-tion. Toujours dans la Première Épître auxCorinthiens, on peut lire : Comme dans

toutes les Églises des saints, que les femmesse taisent dans les assemblées ; elles n’ontpas la permission de parler ; elles doiventrester soumises comme le dit aussi la Loi(1:14.34).

Dans cette même logique, on ne verrajamais une femme mennonite seule en villeet lorsqu’elle sort, avec ses parents ou sonmari, elle suit l'homme de la famille sou-vent un mètre derrière lui. Il est très rareque les femmes parlent ou comprennentl’espagnol et le monde extérieur leur paraîtextrêmement hostile. En revanche, lesfemmes sont libres de circuler à l'intérieurde la colonie et elles se déplacent en buggydans les Old Colonies ou bien en voituredans les autres colonies où elles apprennentà conduire.

La femme mennonite tient la maison,c'est son domaine. Elle est aidée dans sestâches par ses filles, auxquelles elle doitenseigner tout ce qui leur sera nécessairepour leur vie d'épouse. La lessive occupeune grande place dans son emploi dutemps, ce qui est normal dans des famillesnombreuses mais surtout est lié à l'équipe-ment dont elle dispose. Depuis peu, l'usagedes machines à laver modernes est autorisé,mais dans les Old Colonies, c'est un inves-tissement rare et on continue à laver le lingedans des machines artisanales en bois.Ensuite, la femme mennonite excelle encuisine, dans l'art d'économiser la nourritu-re tout en préparant des plats à hautevaleur nutritive. On ne note aucun interditconcernant les aliments, sauf bien sûr l'al-cool et dans certaines colonies, les sodas.Des plats comme les tacos témoignent deleur passage au Mexique et le Yerba matéque boivent les mennonites du Paraguay estune des rares pratiques nationales qu'ilsaient adoptées. Le Yerba maté est la boissontraditionnelle à base d'herbes consomméeau Paraguay et en Argentine. L'herbeséchée est mise au fond d'un grand verre,on y ajoute de l'eau chaude ou froide et onboit au moyen d'une paille en métal dont lebout est filtré.

La femme doit fournir cinq repas parjour, rythme courant chez les agriculteurs ;et les plus jeunes apportent parfois le repas

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Une identité religieuse sans compromis

aux hommes occupés aux champs. Sinon, lerepas réunit la famille et selon la taille decelle-ci ou de la table, il y a plusieurs ser-vices : les hommes ou les adultes d'abord.Le repas est aussi l’occasion de remercierDieu par une prière silencieuse avant demanger, mais aussi après avoir mangé dansles Old Colonies.

Sur sa machine à coudre, la femmeconfectionne les vêtements de toute lafamille. Le tissu des robes et des tabliers esten vente dans la colonie, il est directementimporté du Mexique. C'est un travail minu-tieux qui demande beaucoup de temps, sur-tout pour les robes souvent plissées.Pourtant, il n’y a pas de souci particulierd’esthétisme ou de mise en valeur du corpsà cause de la religion qui renie la sensualitéet le désir.

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Du fait de l'absence de tout professionnelparmi les colons, l'infrastructure sanitairedans les colonies, quand elle n'est pas tota-lement inexistante, est extrêmement défi-ciente. Le recours à des services externes estnécessaire et mieux vaut que le cas ne soitpas urgent car en buggy, on ne se déplacepas vite. Le téléphone cellulaire, devenucourant dans les colonies modernes, peutêtre bien utile mais dans les Old Colonies, iln'y a aucun moyen rapide de communiqueravec l'extérieur. Apparemment, il n'y a queRiva Palacios qui soit équipé d'un poste deradio pour les urgences. Pourtant l'espéran-ce de vie mennonite est supérieure à lamoyenne nationale, qui est de 61 ans.

Dans la colonie Valle Esperanza, unefemme fait office de médecin, comme samère avant elle, et elle tient une pharmaciedans le camp 10. Un dentiste vient de SantaCruz consulter deux fois par semaine dansle camp 3, le lundi et le samedi.

Les enfants qui marchent tous pieds-nus, sauf lorsqu'ils viennent en ville, sontsystématiquement vaccinés contre la fièvrejaune avant l'âge de cinq ans. Beaucoup demennonites ne se lavent pas les dents car ilsn'en voient pas l'utilité, et cela se remarque.

Les enfants ont une très bonne dentition enraison d’une consommation régulière deproduits riches en calcium (lait, fromage),mais en ce qui concerne les adultes, la situa-tion est déplorable.

Malgré des lacunes au niveau de l'hygiè-ne, les maladies sont peu fréquentes, ce quiest fondamentalement dû à l'alimentationvariée et saine. Les causes les plus récur-rentes de maladie sont les infections bron-cho-pulmonaires, particulièrement dans lescolonies du Sud, Las Brechas. Le taux demortalité est faible, la majeure partie desdécès correspond aux nouveaux nés et cetaux tend à baisser du fait d'une fréquenta-tion de plus en plus généralisée des cli-niques, celle de Santa Cruz par exemple.Grâce à cette évolution des mentalités, lesfemmes qui meurent en couche sont de plusen plus rares. La clinique Bethel dans lacapitale départementale, est ouverte depuis1989 et s'occupe quasi exclusivement desmennonites : le médecin Victor Soliz Gutiér-rez a acquis des notions de bas-allemand eta su les mettre en confiance. Il estime à 15 %les mennonites qui auraient une connaissan-ce du cycle féminin et selon ses observations,les femmes ont des enfants à partir de20 ans et parfois jusqu'à plus de 40 ans.

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Le chef de camp est, entre autres, res-ponsable de la construction et de l'entretiendes chemins à l'intérieur de la colonie. Cetentretien se fait par camp à Valle Esperanzatandis que dans la colonie mitoyenne, DelNorte, la gestion se fait à l'échelle de lacolonie. Dans les camps de Valle Esperanza,toutes les familles apportent leur contribu-tion : il y a celles qui fournissent le matérielnécessaire et celles qui payent celui qui seporte volontaire pour l’effectuer. C’est sou-vent un pauvre ou un colon qui n’est pastrop occupé par ses terres. De même, lesmennonites s'occupent des chemins quimènent jusqu'à leurs colonies et ils sontlibres d'accès à tous, population nationalecomprise. Si la route entre Morgenland etPaílon est toujours carrossable, c'est uni-

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quement grâce aux colons car lorsqu'il y ades inondations, aucun des autres utilisa-teurs n'a la capacité de la remblayer ou del’assécher.

Dans les colonies comme Morgenland,presque tous les jeunes se déplacent à motoet leurs parents ont des voitures, sauf s'ilsn'ont pas les moyens financiers nécessaires.A Morgenland, seule une famille qui circu-le en buggy dans la colonie, de même qu’àCampo León. Dans les Old Colonies,chaque famille a au moins un buggy que leshommes fabriquent eux-mêmes ou qu'ilsachètent à la fabrique de la colonie. Lespropriétaires de fabriques emploient desmennonites pour les aider et très souventl’un des fils reprend l’entreprise de son père.Ceux qui ont de l'argent passent comman-de, les autres construisent leur buggy chezeux car son prix moyen s’élève à 500 dol-lars. Le buggy standard a un toit et unebanquette mais des variantes sont pos-sibles : sans toit, plusieurs banquettes, rem-bourrées ou non...

Pour se rendre à l'extérieur des colonies,certains ont leur véhicule à moteur indivi-duel tandis que d’autres n'ont pas le droit deconduire une voiture. C’est pourquoi desbus desservent régulièrement les OldColonies afin de permettre à leurs habitantsd'aller à Santa Cruz. Dans la colonie ValleEsperanza, un bus passe tous les matins àcinq heures, et l’aller-retour pour SantaCruz coûte six dollars. L'entreprise qui secharge des voyages a été financée par lacolonie qui a prêté de l'argent à un Bolivienpour qu’il monte l’affaire. Mais beaucouppréfèrent désormais se rendre à Santa Cruzen taxi, ce moyen de locomotion a l’avanta-ge d’être plus rapide. En transport collectif,il faut compter huit dollars au maximumpar passager au départ de Cuatro Cañadas.Le trajet Santa Cruz-Las Brechas, en taxiindividuel, coûte entre 110 et 130 bolivia-nos (le boliviano est la monnaie nationale eten avril 1998, il fallait 5,45 bolivianos pouracheter un dollar américain). Mais certainescolonies sont éloignées des villes et dépen-dent exclusivement du bus, même si lescolons sont libres de rentrer en taxi ensuite.

Les colonies desservies par bus sont :Valle Esperanza, Yanahigua, Nueva Holan-da, Cupesi, Tres Cruces, Manitoba, ValleNuevo, Las Brechas et les colonies deCharagua. Pour ceux de Nueva Esperanza,aller à Santa Cruz est un long voyage quipeut durer jusqu'à 25 heures, car les colonsn'ont pas d'autre solution que de prendre letrain à San José de Chiquitos.

Ces liaisons difficiles avec la capitale dudépartement sont conformes au choix descolonies de maintenir une « distance desécurité » avec la civilisation. Un témoigna-ge saisissant de cette détermination menno-nite est leur intervention réussie auprès desautorités boliviennes concernant le projetde route goudronnée qui passe aujourd'huile long de la colonie Valle Esperanza. Al'origine, la route devait traverser la colonie,ce qui représentait une menace intolérablepour les colons. Ils ont dû payer pour par-venir à dévier le tracé mais ils ont sauvél'intégrité de leur colonie.

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Par rapport aux durs labeurs de la viedes colonies, les sources de loisirs peuventsembler bien réduites. Par exemple, iln'existe pas de bibliothèque et les menno-nites ne lisent pratiquement rien d'autreque la Bible. Le Centro Menno (Centre cul-turel dépendant du Comité CentralMennonite, voir dans le dernier chapitre) àSanta Cruz met à leur disposition unebibliothèque mais diffuse surtout des jour-naux tels que Post Die Mennonitische enlangue allemande. Cette absence d’activitésculturelles est certainement due à leurmanque d’intérêt pour l’innovation et lacréativité extra-agricole.

Les femmes aiment peindre et broderleurs foulards et c'est peut-être la seule acti-vité artistique des Old Colonies, où écouteret jouer de la musique sont interdits. On n’ypratique aucun sport, mais par contre onpeut jouer au monopoly ou aux cartes. Lesanniversaires sont l’occasion de faire la fête,même sans musique ni danse. On offre desjeux aux enfants et des objets utiles aux plusâgés (outils, ustensiles de cuisine, etc.). A

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Une identité religieuse sans compromis

Campo Chihuahua, il y a bien un orchestrede jeunes mais pour les chants religieuxexclusivement. Dans les colonies de typemoderne, on peut écouter de la musique ettous adorent la musique country américaine.

Le dimanche est consacré à l'église et aurepos ainsi qu’aux réunions de familles.Personne ne travaille le jour du Seigneur.Parmi les activités favorites des mennonites,la visite de voisinage arrive largement entête ; c’est une bonne manière de se distrai-re que d'aller bavarder avec les voisins oude se rendre dans d'autres colonies, voir desparents ou des amis. Il n'existe aucun barou restaurant à l'intérieur des colonies :c'est prohibé par le règlement interne. Il n'ya pas non plus de place du village : c'est surles terrasses, à l'ombre des maisons,qu’hommes et femmes discutent chacun deleur côté, les Mexicains en mangeant des

graines de tournesol et les Paraguayens enbuvant le Yerba Maté.

Organisés d'après leurs propres sché-mas, les mennonites restent isolés dans leurszones de dotation, les contacts se limitentaux contractuels qui sont des nationauxemployés comme ouvriers (travail-leurs intermittents), et à la commercialisa-tion agro-pastorale sur le marché de SantaCruz. Dans le cadre d'une évaluation géné-rale de la présence des colons mennonitesdans le pays, seules leur place dans l'agri-culture régionale et leur contribution à laproduction agro-pastorale sont des élé-ments positifs d'intégration. L'objet de laprochaine partie est d’étudier les activitésagro-pastorales des colonies et de mettre envaleur la façon dont leur production semanifeste dans le dynamisme économiquede Santa Cruz.

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Une identité religieuse sans compromis

L'habitat est sobre mais la qualité et la taille des constructions sont largement fonction des moyensfinanciers de la famille. Pour les plus pauvres, les murs peuvent être en tôle tandis que la majorité habi-te dans des maisons en briques avec un étage. Les colons abandonnent parfois la maison qu'ils ontconstruite à leur arrivée pour une plus grande.Au deuxième plan, on distingue l’habitation initiale avecle buggy et au premier plan, la maison actuellement habitée (photos 1 et 2).

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L'église, construite sur une parcelle communautaire est toujours très bien entretenue. Lesvolets sont fermés toute la semaine et lors du culte dominical, les femmes entrent par uneporte tandis qu'une autre est réservée aux hommes. De même, à l'intérieur, hommes et femmessont séparés (photos 3 et 4).

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Une identité religieuse sans compromis

Les jeunes filles portent invariablement la raie au milieu et se couvrent la tête lorsqu'ellessortent de la ferme. La tenue est plus soignée le dimanche et lorsqu'on se rend en ville. Dèsl'enfance, le mennonite porte soit la salopette, soit la robe traditionnelle. (photos 5 et 6)

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La lessive occupe une grande partie des activités quotidienne étant donné la taille de la famil-le mais aussi des travaux agricoles salissants. La machine est souvent rudimentaire, en bois ellefonctionne pourtant avec un moteur (photos 7 et 8).

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LES MENNONITES ont su tirer profit del’autonomie sociale et culturelleaccordée par le gouvernement boli-

vien pour croître et prospérer. Ils ne fontpas partie des 86 % de la population rura-le de Bolivie qui vit en dessous du seuil depauvreté en 1990 (PNUD, 1996).

Ils ont mis en place une agriculture spé-cialisée dans la culture du blé en alternanceavec le soja, qui fait d'eux une force écono-mique de taille à l'intérieur du départe-ment. L'agriculture, activité garante de lacohésion de la société mennonite, est à l'ori-gine de l'essentiel de leurs revenus.

UNE SOCIÉTÉ « CAPITALISTE »UUnnee ppooppuullaatt iioonn rruurraa llee ppaarr eesssseennccee

La vie à la campagne satisfait la déter-mination des mennonites à maintenir unevie simple en société fermée. C'est ce modede vie rural qui constitue un environnementfavorable à la pérennité de leurs convictionsreligieuses. Les plaines de Santa Cruz réali-sent le rêve de cette vie, loin de l’invasion duprogrès des nations industrialisées.

Leur religion leur prescrit le travail agri-cole comme étant le plus approprié pouradorer Dieu. Par conséquent, dans les

colonies, tous les membres vivent dans desfermes familiales et l'idéal agricole mennoni-te vise à une dépendance minimale des mar-chés extérieurs. Même si chaque coloniefonctionne de manière indépendante, toutessont organisées sur le même modèle. L’unitéde production est la famille, celle-ci est pro-priétaire de sa récolte et de son troupeau, quiest son patrimoine. Le chef de famille estentièrement responsable de sa gestion, carvivre en commun ne signifie pas partager sesrichesses. Dans les colonies, il y a des pauvreset des riches, comme dans toute société.

ÉÉqquuiippeemmeenntt eett ff iinnaanncceemmeenntt

Les mennonites disposent de technolo-gies agricoles intermédiaires : voitures àtraction animale, utilisation des sous-pro-duits de l'agriculture pour l'élevage. Si, audébut du siècle, ils utilisaient la traction ani-male pour la charrue, cela n'a jamais été lecas en Bolivie où l'usage du tracteur estgénéralisé.

Si l’on se réfère à leur mode de vie tradi-tionnel, certaines machines agricoles peu-vent apparaître extrêmement modernes,mais ces compromis technologiques répon-dent aux exigences d'une agriculture inten-sive et commerciale. C'est pourquoi leniveau de mécanisation est relativement

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Un système de production agro-pastorale efficace

Chapitre 4 • Un système de productionagro-pastorale efficace

élevé comparé à celui des agriculteurs boli-viens. En effet, bien qu’ils fuient la moder-nisation, les mennonites acceptent le progrèstechnologique dans la mesure où celui-ciprofite à l’agriculture et ne met pas en périlla cohésion de la colonie. L'adoption denouvelles techniques peut se faire à partir dumoment où cela entraîne de meilleurs reve-nus mais les cultivateurs mennonites sontréticents aux investissements si un rende-ment supérieur n'est pas garanti.

Généralement, les mennonites préfèrentacheter du matériel d'occasion qui vient duCanada ou des États-Unis car il est meilleurmarché. Des mennonites d'Amérique duNord envoient des containers de machinesusagées directement dans les colonies deBolivie, et ce commerce est devenu courantdans les années 1990. Toutefois, les entre-prises nationales qui vendent des machinesagricoles neuves importées du Brésil(New Holland) sont nombreuses à SantaCruz et les mennonites sont appréciés pourleur honnêteté. Très souvent, ils payentcomptant ou versent 80 % du montant totalet offrent la garantie d'un parent. S'ils n'ontpas assez d’argent, ils préviennent préala-blement et payent à la récolte suivante. Letransport des moissonneuses-batteuses oudes tracteurs vers les colonies mexicaines sefait en camion, aux frais de l'acheteur. Lespneumatiques doivent être retirés des enginsavant qu’ils soient introduits dans la colonieet l'agriculteur mennonite fabrique luimême les roues en fer et les installe. Tous lesvéhicules motorisés doivent être équipés deroues en fer. Cette règle inclut les moisson-neuses-batteuses, mais pas les engins trac-tés, comme les remorques.

Dans les colonies mexicaines, la majori-té des mennonites est propriétaire d'unemoissonneuse-batteuse ; c’est le cas pour70 % des exploitants à Valle Esperanza.Dans le cas où l'agriculteur ne possède pasde moissonneuse-batteuse, il peut en louerune à un membre de la colonie ou, en der-nier recours, faire appel à un entrepreneurextérieur. A Morgenland, il est courant delouer la moissonneuse avec chauffeur ce quipermet d’économiser les frais d'entretien dela machine au cours de l'année. C'est une

formule qui convient à bon nombre decolons et, bien sûr, aux entrepreneurs boli-viens.

Si les mennonites désirent obtenir uncrédit auprès d'une banque, le matérielagricole peut servir de garantie, et dans lescolonies telles que Morgenland, ce sont lesterres situées à l'extérieur de la colonie quel’on peut utiliser à cet effet. Tous les men-nonites sont propriétaires de leurs enginsagricoles, ils ne pratiquent pas la propriétécollective. D’une façon générale, les menno-nites ne s'associent pas en coopérative, ilspréfèrent la gestion individuelle. Ils n'au-raient pas assez d'argent disponible pouracheter et entretenir des silos. Ceux qui pos-sèdent des silos les utilisent pour entreposerles aliments pour les porcs ou le bétail.

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bbrreeuussee

L'organisation des fermes est très efficacecar dans les colonies, tout le monde tra-vaille : hommes, femmes et enfants partici-pent aux travaux de la ferme. Les menno-nites consacrent leur vie au travail, et dèsleur plus jeune âge, on leur inculque l’im-portance d’être utile à la communauté. Parconséquent, il n’est permis à aucun d’entreeux d’être une charge pour le groupe. Le tra-vail familial permet d'obtenir des revenusplus importants et c’est dès l’âge de huit ansque les garçons conduisent les tracteurs.

Certaines colonies autorisent l’emploi demain-d’œuvre bolivienne mais d'autrespréfèrent privilégier la main d’œuvre men-nonite pour aider ceux qui n’ont pas deterre, par exemple. Le salaire d'un ouvrieragricole bolivien est de 5 à 6 dollars par jourselon le travail, nourriture comprise. Maisl’ouvrier peut aussi recevoir une sommefixée au préalable pour un travail défini sui-vant une sorte de contrat. A NuevaHolanda, le recours aux Boliviens est for-mellement interdit.

Le salaire d'un ouvrier agricole menno-nite est de 20 dollars par jour pour unecourte période et de 10 dollars par jour s’ilest employé à l’année. Mais dans beaucoupde colonies, il est difficile d'engager un

La colonisation mennonite en Bolivie

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Un système de production agro-pastorale efficace

mennonite car tout le monde est déjà trèsoccupé. Lorsque les parents sont trop âgés,leurs enfants – bien souvent, l’un d’entreeux (avec famille ou sans) est resté habiteravec les parents – les aident pour les tra-vaux agricoles.

Le système de production apparaît donchautement mécanisé, basé sur le travailfamilial avec une disponibilité de capitalélevée et une production diversifiée auniveau familial, intégrant l’agriculture,l’élevage et la production industrielle (fro-mage, beurre, oeufs). La taille moyenne desexploitations mennonites – variable d’unecolonie à l’autre – dépasse la moyennenationale. Certains colons ont moins de30 hectares mais la majorité dispose de 50à 100 hectares. En Bolivie, les exploitationsde 10 à 50 hectares ne représentent que5 % du total national et les exploitations de50 à 100 hectares, 3,6 % seulement.

UNE AGRICULTURE INTENSIVE ETSPÉCIALISÉE

Le mode de vie exclusivement rural desmennonites se reflète dans une participationconséquente à la production départementale.Les grandes superficies qu'ils exploitent etleur organisation leur assurent souvent latête des classements par producteur. Parailleurs, les prix de vente de la productionsont satisfaisants.

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En 1990, le Bulletin Préliminaire duPlan Blé (diffusé par ANAPO l'associationdes producteurs d'oléagineux et de blé)

signalait que les mennonites possédaient53 % de la superficie totale semée en blé dudépartement, soit 16 045 hectares, ce qui lesplaçait en première position devant les pro-ducteurs nationaux et les japonais. Ceciaprès avoir été les premiers en 1989 avec92,5 % de la superficie départementale. Lesagriculteurs mennonites continuent à être legroupe qui sème le plus de blé, ayant ense-mencé 40 % du total du département en1996, d'après le tableau 6. Il existe unemigration constante vers la zone d'Expan-sion, surtout de la part des colonies duSud (Las Brechas). Les nouvelles coloniesqui s'implantent au nord et au sud dePaílon, affectent de nouvelles terres à la pro-duction commerciale.

En 1997, l'agriculteur achète la tonne desemence de blé à 615 dollars. En semant80 kg de graines par hectare, il est générale-ment possible d'obtenir plus de 3 000 kgpar hectare ; en 1996, dans la colonie LasPalmas, beaucoup avaient même récolté3 800 kg par hectare. Mais en 1998, ceuxqui ont semé tôt (avril-début mai) se sontcontentés de 300 kg par hectare tandis queceux qui avaient attendu pour semer ontobtenu 2000 kg par hectare. Pour la cam-pagne de l’hiver 1997, le producteur pou-vait vendre la tonne de blé environ 200 dol-lars, prix inférieur à l'année passée maistoujours relativement bon.

La piriculariose, une maladie causéepar un champignon du genre pyricularia aperturbé les dernières récoltes de blé. Elle aété détectée pour la première fois dans lacolonie japonaise Okinawa I (au nord deSanta Cruz) en hiver 1996. L'incidence dela maladie lors de la première année de samanifestation a été sporadique, se manifes-

tant avec agressivité dans lesquelques champs commerciauxde Okinawa I où le blé a étésemé tôt. En hiver 1997, la dis-sémination de la maladie a étéplus importante touchant à desdegrés divers presque toutes leszones de production de blé.

Dans les zones situées aunord de Paílon, la maladie s'estmanifestée de façon agressive

Année Soja d'été Soja d'hiver Blé Tournesol

1991 160 140 175 1301992 137 160 180 1401993 155 165 180 1601994 160 153 175 1501995 155 157 210 1551996 157 195 220 1751997 205 215 200 –

Source : ANAPO, 1997.

Tableau 5 - Évolution du prix par produit à Santa Cruz (en dollar par tonne)

atteignant de fortes proportions épidé-miques et provoquant des pertes variables,d'insignifiantes à très fortes. Les coloniesmennonites ont été particulièrement affec-tées par cette maladie inattendue. Audébut, de petits points noirs apparaissentsur les feuilles de la graminée, puis ils gran-dissent et forment des taches fusiformes deplusieurs centimètres de long, qui détrui-sent ensuite toute la feuille. A ValleEsperanza ou Nueva Holanda, certainesexploitations se sont trouvées pratiquementen faillite et beaucoup subissent encore lesconséquences de cette chute de rendementscar la grande majorité des agriculteurs avaitsemé exclusivement du blé.

L'emploi de variétés très susceptibles,l'inoculation de la récolte précédente, la mul-tiplication du champignon dans le blé semétôt (mars-avril) associés à des conditionsenvironnementales favorables (précipitationsfréquentes, accompagnées d'une forte humi-dité et de températures supérieures à 22degrés), sont des facteurs qui ont contribuéau développement agressif de la maladie. Lemal le plus grave se présente lorsque lechampignon affecte la tige de l'épi (nécrosenoire et brillante) empêchant la croissancedes grains. Elle provoque la mort de la par-tie immédiatement supérieure à la lésion,causant le blanchissement ou l'assèchementpartiel ou total de l'épi. La maladie peut semanifester sur le plant dès le début de l'épia-

ge et jusqu'à la maturité physiologique, bienque les dommages majeurs aient lieu lorsquel'attaque se réalise au début de l'épiage,empêchant la formation de grains et dimi-nuant de façon drastique le rendement. Amesure que l'épi mûrit, les dommages sontmoindres.

Les symptômes sur la feuille varient entaille, en forme et en coloration, en fonctiondu développement de la plante et de laréaction génétique de la variété. L'efficacitédu contrôle chimique de cette maladie n'estpas satisfaisante. Les fongicides disponiblessur le marché ne fournissent pas un contrô-le efficient et le nombre d'applicationsrequis (deux à trois) n'est pas économique-ment rentable pour l'agriculteur. ANAPOrecommande une diversification des varié-tés employées, donnant sa préférence auxplus résistantes. Il est suggéré d'éviter desemer avant le 20 avril dans les zones lesplus exposées à la piriculariose et, dans lamesure du possible, de semer à partir dumois de mai. Il faut pratiquer la rotationdes cultures avec des espèces qui n'abritentpas le champignon, comme le soja ou letournesol. Il est également important deréduire les doses de fertilisants nitrogénés etde désinfecter les semences provenant dechamps infectés au moyen de fongicides.

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La colonisation mennonite en Bolivie

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Groupe 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Nationaux 10 572 17 030 24 985 9 737 11 343 16 360 18 155

Japonais 3 602 3 700 5 387 5 230 9 157 13 700 14 500

Brésiliens – – – – 2 015 3 360 7 325

Mennonites 16 045 15 884 31 030 19 178 30 980 18 180 29 600

Autres – 700 835 875 830 520 4 330

Total 30 219 37 314 62 237 35 020 54 325 52 120 73 860

Tableau 6 - Evolution de la superficie semée en blé, par type de producteur,dans le département de Santa Cruz (en hectares)

Source : ANAPO, 1997.

En 1988, Santa Cruz a été invitée par lespays européens à produire un milliond'hectares de soja. Aujourd'hui c'est le pro-duit non traditionnel le plus exporté deBolivie dont les clients sont les pays de lacommunauté andine, ainsi que le Brésil etle Chili. Le soja de Santa Cruz représente95 % de la production nationale, soit plusd'un million de tonnes. Le Pacte andincréé en 1969 avait pour vocation d'unir lesmoyens économiques des pays signataires :Bolivie, Chili, Colombie, Equateur etPérou. En 1973, le Vénézuela intègre legroupe et le Chili le quitte en 1976. LePacte andin a laissé, en 1996, la place à la« Communauté andine des Nations »,dont le nouveau système d'intégrationcomporte un caractère politique plus mar-qué. Aujourd'hui, la Communauté andineforme un marché de près de 100 millionsd'habitants et depuis la création d'uneunion douanière, la Communauté est deve-nue le principal marché pour les produitsboliviens.

Selon l'étude de Walter Nuñez, duComité des Oléagineux, en 1989, les men-nonites représentaient 74 % des producteursde soja du département, cultivant 53,4 % dela superficie consacrée à cette culture.Aujourd'hui, les mennonites restent en têtedes producteurs de soja, cultivant 36 % des

430 000 hectares affectés à cette plante,devant les Brésiliens (27 %), les Boli-viens (26 %), les Japonais (7 %) et les Hin-dous, Russes et autres (4 %). Ces chiffresont été avancés par le quotidien régional ElDeber du 11 septembre 1997 grâce à la col-laboration de José Luis Llanos du CIAT.

Depuis les années quatre-vingt, la cultureprincipale de la majorité des mennonites estle soja, sous deux formes : celui d'hiver, cul-tivé pour produire des graines, et celui d'été,vendu aux entreprises qui font de l'huile. Parla surface qu’il occupe, ce dernier, semé ennovembre, est le plus important.

En 1998, il n'y a pas eu de maladieaffectant le soja, mais le rendement est plusfaible que l'an dernier à cause de la séche-resse. En 1997, le soja avait été touché parune maladie et en janvier 1998, il n'a pasplu du tout. A Valle Esperanza, le rende-ment moyen de la récolte de mars 1998 aété de 1 800 kilogrammes à l'hectare tandisque les bonnes années, il peut atteindre2 500 kilogrammes à l'hectare. Des variétéschoisies par les mennonites, comme la cris-talina, sont plus sensibles aux infections,mais en cas de croissance saine, la produc-tion est supérieure. En 1998, la tonne desoja se vend 160 dollars tandis que pour lacampagne 1997, la tonne atteignait215 dollars.

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Un système de production agro-pastorale efficace

Groupe 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Nationaux 17 362 29 330 18 620 46 850 58 976 44 350 ND

Japonais 12 250 12 870 5 225 13 243 22 984 13 000 ND

Russes – 700 – 2 738 4 140 4 400 ND

Brésiliens – – – – 1 680 – ND

Mennonites 1 392 2 100 2 100 2 400 1 220 1 850 ND

Autres 1 330 *** 1 655 – – – ND

Total 32 334 45 000 27 600 65 231 89 000 63 600 ND

Tableau 7 - Evolution de la superficie semée en soja d’hiver, par type de producteur,dans le département de Santa Cruz (en hectares)

Source : ANAPO, 1997.

De nombreux mennonites se plaignentde ce que les entreprises qui leur achètent lesoja, mais aussi le blé, s'arrangent pouraugmenter le taux d'humidité et de mau-vais grains apparaissant dans les analyses.Les nationaux utilisent ce procédé pourparvenir à payer moins cher la production.

Le prix d'achat d'une tonne de semencede soja se situe entre 520 et 600 dollarsavec également des variétés moins chères,mais de moins bonne qualité. Les menno-nites choisissent souvent des graines certi-fiées pour être sûrs du produit qu'ils achè-tent. Cette démarche tend à se généraliser àl'ensemble des producteurs de soja et cesont les colonies japonaises au nord deSanta Cruz qui fournissent le départementen graines certifiées.

Une autre pratique en expansion et cegrâce aux efforts du Centre d'InvestigationAgricole Tropicale, est l'inoculation de lagraine de soja avec des rhizobium (N2),bactérie naturelle fixatrice d'azote atmo-sphérique, vivant en symbiose sur les racinesdes légumineuses. Cette symbiose s'établitentre la plante hôte et les rhizobium (bacte-rium radicicola). Ceux-ci pénètrent par lespoils absorbants et se fixent en certainspoints de la racine qui présente alors desnodosités. Ils se multiplient grâce aux sub-stances carbonées fournies par la légumi-neuse et mettent à la disposition de celle-cides composés azotés. Le soja peut alors

engranger le nitrogène (élément nutritif)dans le sol. On mélange, dans l'eau, lesgraines avec les rhizobium puis on faitsécher le tout au soleil. Ce procédé coûtetrois à cinq dollars par hectare et permet uneaugmentation significative des rendements.

Désormais, 50 % des mennonites utili-sent cette technique, mais ils ont été diffi-ciles à convaincre. Un bulletin d’informa-tion en langue allemande a été spécialementélaboré à leur intention par le CIAT afin dediffuser cette pratique.

AAuuttrreess pprroodduuii ttss ccuull tt iivvééss

La culture du tournesol est une bonnealternative permettant une rotation d'hiverpour les cultures commerciales d'été commele soja, le maïs, le coton ou le sorgho. Dansles colonies les plus au sud, vers Charagua,on cultive le tournesol en hiver et l’été, ducoton car il fait très sec. Cependant, la par-ticipation des mennonites tend à diminuer etce sont les Brésiliens qui sèment aujourd’huiplus de 50 % du tournesol du département.

Le sorgho est intégralement destiné àl'alimentation animale (porcs, bovins,volailles) et n'est généralement pas com-mercialisé par les mennonites. D'aprèsPROMASOR (l’association nationale desproducteurs de maïs, de sorgho, de tourne-sol et de haricots), la culture du sorgho enBolivie a commencé en 1976. On sème aussi

La colonisation mennonite en Bolivie

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Groupe 1989-1990 1990-1991 1991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-1996 1996-1997

Nationaux 65 057 62 980 59 393 66 997 86 760 108 200 104 151 130 300

Japonais 12 500 12 000 13 746 9 817 27 700 32 700 27 900 34 500

Brésiliens – – – 2 489 19 075 64 800 104 645 136 100

Mennonites 63 930 73 520 87 246 90 390 103 490 121 500 141 814 123 400

Autres 700 1 500 4 535 5 230 4 975 2 800 11 890 8 700

Total 142 187 150 000 164 920 174 923 242 000 330 000 390 400 433 000

Tableau 8 - Evolution de la superficie semée en soja d’été, par type de producteur,dans le département de Santa Cruz (en hectares)

Source : ANAPO, 1997.

bien en été (octobre-décembre) qu’en hiver(avril-juin) ; l'été, le sorgho accompagne lemaïs tandis qu'en hiver, il est cultivé pourremédier à des déficits occasionnés par desproblèmes climatiques en été.

En fait, le sorgho est une culture de sub-stitution dont le volume de production fluc-tue en fonction du rendement du maïs. Lemaïs que cultivent les mennonites sertessentiellement à la nourriture des ani-maux, mais il peut également être commer-cialisé. Dans le département de Santa Cruz,la demande en maïs correspond pour 50 %au secteur avicole, pour 30 % à l'élevagebovin et pour 7 % à l'alimentation humai-ne, tandis que le reste est exporté.

Le coton est un autre type de culture rela-tivement répandu dans les colonies menno-nites de Santa Cruz. D'après les informationsrassemblées auprès d'ADEPA, l'associationnationale des producteurs de coton, sur les50 000 hectares de coton semés par an, prin-cipalement dans le département de SantaCruz, 6 000 le sont par les mennonites. Celaéquivaut à 12 % de la superficie totale ducoton cultivé en Bolivie, et fournit une pro-duction de 54 000 quintaux.

La culture du coton, qui se pratique es-sentiellement dans les colonies du Sud, acommencé assez récemment : à Pinondi en1990, sur 800 hectares et à Durango en1994, sur 1 200 hectares. Elles ont un ren-

dement moyen de huit quintaux à l'hectare,ce qui est bien pour la zone plutôt sèche, etqui peut aller jusqu'à 12-15 quintaux àl'hectare. Toute la culture du coton estmécanisée mais la récolte se fait à la main,avec l’emploi de main d'oeuvre mennoniteet bolivienne. On estime qu'une personne etdemie est nécessaire par hectare lors de larécolte. A Riva Palacios, la production estmoyenne et à Morgenland où 200 hectaressont cultivés, les rendements sont équiva-lents à ceux du Sud, mais dépendent tou-jours des précipitations. 600 mm suffisentmais en 1997 la sécheresse a encore sévi.

On commence à semer à partir du15 novembre et la récolte se fait à partir du15 mars. Le coton est épargné par les mala-dies mais sujet aux attaques d'insectes contrelesquelles les mennonites ont tout d’aborddécidé de faire plus d'une dizaine de pulvéri-sations alors que cinq seulement sont néces-saires. Pour avoir des champs propres, ils pul-vérisent beaucoup d’insecticide, sans tenircompte du fait qu'il y a des périodes précisespour les applications et que, certains insectesen tuant d'autres, ils ne sont pas tous nocifs.ADEPA organise des réunions d'informationet bien que les mennonites n'y assistent pas, ilsemble que la nouvelle génération diminue lenombre de pulvérisations. Les mennonitesachètent les graines à ADEPA mais les pro-duits chimiques viennent d'entreprises pri-

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Un système de production agro-pastorale efficace

Groupe 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Nationaux 7 147 16 195 9 670 11 099 23 630 13 460 21 185

Japonais 270 300 370 930 5 700 1 880 1 530

Brésiliens – – – 2 060 7 470 18 530 50 415

Mennonites 2 800 4 305 9 280 8 067 22 370 6 670 11 310

Autres – 700 835 875 830 520 4 560

Total 10 217 21 500 20 155 23 031 60 000 41 060 89 000

Tableau 9 - Evolution de la superficie semée tournesol, par type de producteur,dans le département de Santa Cruz (en hectares)

Source : ANAPO, 1997.

vées qui donnent leurs propres recommanda-tions.

Les prix de vente varient en fonction dumarché international ; en 1995, le quintal decoton était acheté 100 dollars, maisen 1997, il est descendu à 83 dollars. Pourl'instant, la production est vendue au Brésil,au Pérou et au Chili, car la quasi-totalité estexportée. Il n'existe pas d'industrie textile nid'investisseurs potentiels en Bolivie, dans lamesure où le marché national n’offre pas dedébouché suffisant. La consommation defibres de coton est faible et le pays manquede filatures.

Les grands producteurs brésiliens ouboliviens ne sont pas motivés pour investirdans les machines agricoles. En 1996, seuleshuit moissonneuses permettaient une récol-te mécanisée et leurs propriétaires étaient enmajorité des Brésiliens. Cependant la super-ficie cultivée augmente et ADEPA, qui espè-re atteindre les 200 000 hectares en cinqans, encourage la mécanisation de la récol-te ; c'est pourquoi en 1997 on comptait déjà20 moissonneuses. Mais les mennonites, quipourraient, au niveau de la colonie, s'asso-cier afin de mécaniser la récolte, refusenttout projet dans ce sens.

MMooddee ddee tt rraannssppoorrtt eett ccoommmmeerrcciiaa --

ll iissaatt iioonn

Les colons qui ont leur propre camionpour l'acheminement de la production sontdes exceptions et, pour le coton notamment,il faut compter environ deux dollars pourtransporter le produit jusqu'aux entreprisesqui le traitent, à Warnes et Cotoca. PourValle Esperanza, on paie dix cents par quin-tal de blé pour le transport de la récolte jus-qu'à Santa Cruz. En effet, dans les coloniesmexicaines, les colons doivent faire appel àl'extérieur pour le transport, du fait de l'in-terdiction de conduire un camion. Évidem-ment, les Boliviens préfèrent amener le bléjusqu'à la capitale départementale pour êtrepayés davantage, mais pour les mennonites,cela revient au même, car les entreprises deSanta Cruz offrent un meilleur prix quecelles situées à proximité de la colonie.

On remarque que les colons mennonitesinstallés le long de la route goudronnée quipart de Paílon sont très satisfaits de saconstruction, dans la mesure où elle leurpermet maintenant un acheminement plusrapide des produits vers Santa Cruz.Auparavant, il fallait six à sept heures pourle trajet, et avant la construction du pontentre Paílon et Puerto Paílas, il fallaitremonter jusqu'à Los Troncos et passer parOkinawa : plus de 24 heures étaient néces-saires pour l'aller simple. Les colonies cana-diennes louent des camions, ce qui est plusrentable que d'en acheter. Dans certainscas, l'entreprise qui a vendu la semenceachète la récolte et se charge du transport.

Fin septembre, la circulation est très dif-ficile au niveau du pont du Rio Grande. Cesont les mêmes embouteillages en mars, lorsde la récolte du soja. L'attente peut durerjusqu'à trois ou quatre heures car la circu-lation ne se fait que dans un sens, et lors-qu'un train doit passer, le trafic automobileest interrompu pour 1 h 30 minimum.

ÉLEVAGE ET ACTIVITÉS NON AGRI-COLES DANS LES COLONIES

Le dualisme de l'agriculture et de l’éle-vage extensif était déjà une caractéristiquefondamentale de la région avant l’arrivéedes mennonites. On retrouve aujourd'huices deux activités de façon complémentairedans les colonies.

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Dans la plupart des familles, il y a desvaches laitières et le bétail à viande se déve-loppe surtout dans les pâturages des zonessableuses. Ce système permet de bons reve-nus sur la vente du lait et de la viande.D'autres types de terrains qui ne peuventêtre consacrés aux cultures servent égale-ment de pâturage, comme, par exemple, leszones inondables ou ravinées. A NuevaEsperanza, les colons sont en train de sespécialiser dans l'élevage car la zone n'étaitpas adaptée à l'agriculture. Le terrain estondulé et incliné et les précipitations sont

La colonisation mennonite en Bolivie

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faibles (1 000 mm, et parfois 600 mm seu-lement). Ainsi, 60 000 hectares sont consa-crés uniquement aux vaches laitières.

Les vaches laitières sont souvent desHolstein, des hollandaises noires et blan-ches, tandis que celles destinées à la bou-cherie sont des limousines ou des criollas,vaches blanches à bosse. Cette dernière races'achète 80 dollars la tête et peut se reven-dre un an plus tard jusqu'à 420 dollars.Elle est plus facile à élever que la hollan-daise, plus fragile et dont les besoins en eauet en herbe fraîche sont supérieurs. Le soinau bétail est la tâche de la mère et desenfants les plus jeunes. La traite se fait à lamain et le lait est stocké dans des bidonsmétalliques, au bout du chemin qui mène àla maison. Les employés de la fromageriepassent les ramasser tous les matins, sauf ledimanche.

Les enfants s'occupent également denourrir les porcs que des acheteurs boli-viens viennent chercher. Le prix du porcayant baissé, les mennonites tendent àdélaisser ce type d'élevage hors-sol. Unepartie des produits de l'élevage est gardéepour l'autoconsommation, mais l'élevageest avant tout destiné à la vente. A ValleEsperanza, les familles ont en moyenne10 vaches et davantage pour ceux qui nesèment pas beaucoup. On se fournit enviande en tuant cochon, vache et poule donton consomme aussi les oeufs. La produc-tion avicole n'est pas un axe majeur de l'éle-vage dans les colonies, à cause de la concur-rence des Japonais et des nombreusesmaladies qui touchent les volailles.

L'élevage de chevaux dans les coloniesmexicaines correspond aux besoins, le che-val étant le mode de déplacement principaldes colons. Cet élevage leur permet d'éviterautant que possible de se fournir chez lesnationaux. Les chevaux ne sont pas ferréscar ils ne sont pas utilisés sur les routes gou-dronnées.

UUnnee rrééuussssii ttee :: lleess ff rroommaaggeerr iieess

On trouve des fromageries dans toutes lesOld Colonies et dans pratiquement toutes lesautres colonies. Les fabriques de fromagesont la seule structure coopérative repérée

au sein des colonies mennonites de Bolivie.Cependant, on n'en trouve pas dans tous lescamps qui composent les colonies. À RivaPalacios, il existe une dizaine de fromageriesde tailles différentes pour les 35 camps ; àValle Esperanza, il y en a six, dont une prin-cipale dans le camp 5. Cette dernière est unecoopérative, elle associe tous ceux qui lafournissent en lait, tandis que les autres sontdes propriétés particulières. La fromageriese charge de collecter le lait et paye ses four-nisseurs tous les quinze jours.

Les employés peuvent être des membresde la famille propriétaire de la fromagerieou bien des mennonites sans terre. Ils tra-vaillent exclusivement le matin. Dans lecamp 24 de Valle Esperanza, la fromageriea été créée par un colon pauvre qui gagnemaintenant sa vie en vendant le fromageque les commerçants boliviens viennentchercher depuis Santa Cruz.

Le fromage mennonite, qui est vendujusque sur les marchés de La Paz, est un fro-mage cru, sans croûte et extrêmement salé.Le travail à la fabrique de fromage se fait demanière artisanale et n'est soumis à aucuncontrôle d'hygiène. Très apprécié par lapopulation nationale, c'est le fromage le plusconsommé à Santa Cruz et la production descolonies permet de satisfaire une demanderégulière. La colonie dont la production estla plus importante est située au nord de SanJosé de Chiquitos. Il s'agit de Nueva Espe-ranza, l'une des plus éloignées de la capitaledépartementale, à plus de 300 kilomètres decelle-ci par une route non goudronnée. Lescolons font leur propre fromage et leur beur-re à la maison et ils achètent rarement celuide la fromagerie. A l'extérieur de la colonie,le kilo de fromage coûte au particulier entredeux et trois dollars.

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Les magasins situés à l'intérieur descolonies proposent toutes sortes de marchan-dises afin de dispenser autant que possible lescolons de se rendre en ville. Cependant, cesderniers se plaignent souvent des prix plusélevés ; à Morgenland, l'essence, par exemple,

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Un système de production agro-pastorale efficace

est vendue 2,2 bolivianos contre 2 à Paílon,25 kilomètres au nord.

Les magasins sont moins nombreux dansles colonies paraguayennes, car les colonspeuvent se déplacer en voiture jusqu'à laville voisine ; ils sont un commerce d'ap-point, un dépannage. En revanche, dans lesOld Colonies, les points de vente sont deve-nus indispensables aux habitants dont lamobilité est restreinte (ils ne se rendentqu'occasionnellement en ville). A NuevaHolanda, un camion passe tous les mercre-dis et vend des légumes aux colons qui n'ontpas de potager.

Les magasins vendent des produits ali-mentaires, d'hygiène mais aussi d'habille-ment. Dans le même rayon, on trouve aussides pesticides, de l'engrais et des graines, dela nourriture pour le bétail et des outils agri-coles. Certains magasins sont spécialisésdans la vente du tissu, des foulards, deschapeaux, d'autres vendent des médica-ments, d'autres encore de l'essence (ontrouve quatre pompes à essence à ValleEsperanza). Les propriétaires de magasinssont des particuliers et emploient parfoisd'autres colons. On remarque une pratiquegénéralisée du crédit entre colons.

Contrairement aux Amish d'Amériquedu nord, ces mennonites ne produisentaucun artisanat commercialisable. Lepatchwork qui a fait la réputation desAmish est limité chez les mennonites à destapis de bain que l'on retrouve immanqua-blement dans toutes les maisons.

LE BILAN D'UNE « RÉVOLUTIONAGRICOLE MENNONITE »CCoonnttrr iibbuutt iioonn àà ll ’’eexxppaannssiioonn aaggrr iiccoollee

ccrruucceeññaa

Les colons mennonites ont été, avec lesJaponais, les pionniers de l’agriculturedans le département de Santa Cruz. Ilsn’ont bénéficié d’aucune aide extérieure, àla différence des Japonais soutenus par leurgouvernement. Ils sont venus avec leurspropres capitaux en vendant ce qu'ils pos-sédaient dans leur pays d'origine.

Lors d'un entretien, l'ancien ministrede l'agriculture José Luis Roca qui a parti-cipé à la dotation de terres faite aux men-nonites en 1969 parle de « révolution agri-cole mennonite ». Pour lui, ils sont àl'origine de l’introduction à Santa Cruz,d’un blé apte à la panification, à la diffé-rence du blé cultivé dans le reste de laBolivie. Avant les mennonites, les tech-niques agricoles remontant à l'époquecoloniale n'avaient pas été modifiées defaçon drastique. On n’avait pas prisconscience du potentiel de production enblé à Santa Cruz. C'est à eux que revient lemérite d’avoir introduit le blé dur et semi-dur, qui permet aujourd’hui une quasi-autosuffisance en blé pour Santa Cruz.

En 1990, Santa Cruz produisait 68 %du blé bolivien et totalisait 52 % de lasuperficie emblavée du pays. Tandis que lesperformances des autres départementsbaissent, la production et les rendements deSanta Cruz continuent à croître. En 1996,la production totale de blé du départementatteignait plus de 100 000 tonnes.

Par ailleurs, les mennonites ont mis enplace une nouvelle pratique culturale quipermet de bénéficier de deux récoltes paran, en combinant la culture du blé en hiveret celle du soja en été. C’est désormais unélément fondamental de l’agriculture deSanta Cruz, qui est devenue la région laplus riche de Bolivie. La culture du blé encontre saison est destinée au marché natio-nal, tandis que le soja est destiné à l'expor-tation. Toujours selon José Luis Roca, lesmennonites auraient permis à la Bolivie decommencer à se défaire de la dépendancealimentaire imposée notamment par lesÉtats-Unis. Le pays était entretenu dans lesous-développement par les donations desÉtats-Unis, du Canada ou de la Commu-nauté Européenne qui se débarrassaient deleurs excédents et maintenaient ainsi desprix convenables sur leurs marchés. Il affir-me que ces donations de blé ont retardé ledéveloppement agricole de la Bolivie et ontcontribué à changer négativement les habi-tudes alimentaires des habitants d’un conti-nent où les cultures traditionnelles sont lemaïs, le quinoa, le yucca.

La colonisation mennonite en Bolivie

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L’émergence économique de Santa Cruza remédié à une situation de « parasitismesocial » dans les zones rurales qui atten-daient qu’on leur donne les céréales. Lesmennonites, en semant du blé et du soja, ontfavorisé l’évolution agricole soutenue par lesinterventions du gouvernement.

PPrréésseennccee eenn vvii ll llee ,, llee qquuaarrtt iieerr

mmeennnnoonnii ttee

L’importante participation économiquedes mennonites se matérialise dans la villemême de Santa Cruz de la Sierra, sous laforme de ce qu’on peut appeler un districtmennonite. Celui-ci s’est constitué de façoninformelle au fur et à mesure de la croissan-ce de la population mennonite et de sesbesoins. Au-delà de la commercialisation desa production, la communauté mennonitedoit satisfaire certains besoins auxquels l’au-tarcie ne peut répondre. Désormais beau-coup d'emplois urbains boliviens dépendentaussi de cette clientèle nombreuse.

Ce district se situe à proximité du mar-ché populaire de Los Pozos et son axe prin-cipal est la rue 6 de Agosto. Les mennonitesfont leurs achats dans ce centre commercialqui pratique des prix très bas car ils sonttrès économes. Les achats sont alimentaireset vestimentaires mais concernent égale-ment les outils agricoles. Les mennonites sedispersent peu dans la ville et leurs dépla-cements sont ciblés : il ne s’agit pas poureux de faire du lèche-vitrine.

Un service de taxi a été créé spéciale-ment à leur intention car les chocos en ove-rol comme les appellent les Boliviens (« lesblonds en salopette») ne peuvent pas con-duire. La colonie Valle Esperanza loue unlocal pour permettre à ses colons d’entrepo-ser leurs achats et pour qu’ils n’aient pas àles porter toute la journée.

Les magasins situés dans les colonies sefournissent à Santa Cruz où le propriétairefait ses achats en gros et loue un véhiculeavec chauffeur pour les transporter s’ilappartient à une Old Colony. Le réapprovi-sionnement se fait environ toutes lessemaines.

Beaucoup de mennonites vont à la postecar ils aiment garder le contact avec leurcolonie d’origine à l’étranger et ils disposentde boîtes postales pour recevoir du courrier.La boite postale étant au nom du chef decamp, les colons versent à celui-ci une par-ticipation annuelle pour la financer, maistous les camps n’ont pas systématiquementd’adresse postale.

La durée moyenne du séjour en ville estd’une journée mais s’il faut rester plus long-temps, les mennonites dorment à l’hôtel.L’hôtel Florio dans la rue 6 de Agosto donnela priorité aux mennonites qui composentdésormais l’essentiel de sa clientèle. Certainsrestaurants du quartier se sont adaptés à cet-te communauté en leur proposant des repascopieux et bon marché. Le restaurant MacDonald’s, ouvert fin 1998, connaît un grandsuccès auprès des mennonites : vers 11 h 30,ils représentent 80 % de la clientèle.

Ils se rassemblent toujours dans le mêmebar Mexico Lindo qui sert notamment duYerba Maté et qui est fréquenté indifférem-ment par tous les types de mennonites. Laville est un lieu de communication entre lescolonies, on aime se retrouver, c'est l'occa-sion d'échanger les nouvelles. Ces dernièrescirculent d’ailleurs très vite malgré l'absen-ce de téléphone dans les Old Colonies. Onparle de ce qui se passe dans les colonies etsurtout d’agriculture.

Les mennonites se sont intégrés au cir-cuit commercial par le biais de la vente deleur production, mais leur présence en villene signifie pas pour autant qu’il y ait rap-prochement culturel. Il s’agirait plutôtd’une forme de ghetto urbain bien que leurprésence soit périodique et saisonnière. Trèsnombreux en début de semaine, ils sontplus rares le vendredi et sont quasi absentsle week-end. Les bus sont adaptés à cettefréquentation et ne fonctionnent pas leweek-end. Pendant la période de Noël, lesmennonites se font rares et reviennent enforce à la fin des moissons.

Dans l’ensemble, les mennonites es-saient de limiter les séjours en ville et cesont surtout les hommes qui s’y rendent. Entemps normal, les colons viennent en

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Un système de production agro-pastorale efficace

La colonisation mennonite en Bolivie

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Dans les colonies mexicaines, tous les véhicules motorisés tels que les tracteurs et les mois-sonneuses-batteuses sont équipés de roues en fer fabriquées et installées par le propriétaire .Les remorques et les buggies sont en revanche équipés de pneumatiques. Ces roues en fer peu-vent être dangereuses lorsqu’elles butent sur des obstacles tels que les pierres ; plusieurs men-nonites ont déjà trouvé la mort, empalés sur ce type de roues. (photos 9 et 10)

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Un système de production agro-pastorale efficace

Dans cette fromagerie de Valle Esperanza, les employés travaillent de 8 à 12 heures. La pro-duction est essentiellement destinée à la vente à Santa Cruz car les colons préfèrent fabriquereux-mêmes leur fromage et beurre. Ce sont souvent les adolescents qui se chargent de la trai-te des vaches, manuellement. Les plus jeunes nourrissent les cochons et amènent les bidons delait au bout du chemin, où les employés de la fromagerie passent les prendre (photos 11 et 12).

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L'ORIENTE a été soudainement con-sidéré comme un eldorado donton a surestimé le potentiel agrico-

le tout en négligeant la gestion des res-sources naturelles à long terme. On s'aper-çoit que les réserves de terres ne sont pasillimitées et que l'exploitation du milieus'est faite de manière désordonnée tout en lemettant en péril, sur de vastes étendues.

Les autorités locales parlent de désastreécologique et citent, parmi les principauxresponsables, les mennonites. Cette partiedu mémoire a pour objectif de dresser unbilan de la situation et d’identifier des res-ponsables mais aussi d’évoquer les solu-tions adaptées pour enrayer un processusqui affecte tout la région de Santa Cruz.

DES MESURES LÉGALES APPRO-PRIÉES

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Dès 1981, Martin Möll, dans sa thèse,avait classé la région comme zone à hautsrisques écologiques étant donné les chan-gements environnementaux causés parl'intervention anthropique. Déjà au débutdes années soixante-dix (Derpsch, 1975),

on avait commencé à prendre conscienced’une sérieuse dégradation des sols et desconséquences de l'agriculture mécanisée.Cependant, il existait peu d'informationsquantitatives sur l'extension ou la rapiditéà laquelle se produisaient les différentsprocessus de dégradation qui menacent laproductivité.

Depuis douze ans, le CIAT effectue desétudes approfondies du sol, de ses qualitésphysiques et chimiques dans la zone inté-grée. Celle-ci, instituée comme unité de ges-tion administrative, recouvre les provincesde Santiesteban, Sara, Ichilo, AndrésIbañez et Warnes. Elle devait être un outilgouvernemental pour la promotion del’agriculture dans ce département. Paral-lèlement, sont apparues de nouvelles insti-tutions qui interviennent dans la gestion duterritoire. La FAO a mis en place le pro-gramme fertisuelo afin de faire le relevé dela fertilité du sol. Les résultats obtenus àpartir de ces études scientifiques, ont étédiffusés. Parmi les dommages détectés, onpeut citer la compactation du sol, la pertede sa fertilité naturelle, de sa structure et desa matière organique. Par la suite, un plan« Lowlands » a été lancé pour étudier100 000 hectares dans la zone Paílon-LosTroncos. Puis, le Département des Ressour-

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Réalités écologiques du développement de Santa Cruz

Chapitre 5 • Réalités écologiques du déve-loppement de Santa Cruz

ces Naturelles a entrepris d'étudier l'en-semble du département de Santa Cruz.Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le gouvernement bolivien semble avoirvéritablement pris conscience de l’enjeu quereprésente la protection du milieu naturel etpromulgue des lois dans ce sens.

LLaa rréégglleemmeennttaatt iioonn ddee ll ’’uussaaggee dduu

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En 1991, a été lancé un projet où legouvernement allemand s'est investi à hau-teur de sept millions de dollars. De soncôté, la Bolivie a fourni trois millions dedollars en professionnels, prestations et ser-vices de fonctionnement parmi lesquels lePL.U.S. qui a pris de l'importance depuisle Décret Suprême n° 24124 de 1995. LePL.U.S, PLan d'Usage du Sol, est un ins-trument technique qui réglemente toutesles politiques de développement dans ledomaine agro-pastoral au niveau départe-mental. Aujourd'hui, la même interventionest envisagée au niveau national : Cobija,Pando, Sucre, Cochabamba, Béni sont àl'étude.

Plus que l'aménagement du territoire, lePL.U.S. réglemente l'usage du sol et donnedes recommandations. Chaque personne ouentreprise a besoin d'un permis quel quesoit l'usage qu'elle veut faire du sol. Grâce àl'élaboration d'une carte de l’aptitude dessols à l’agriculture dans le département, onespère que, peu à peu, des changementsd'activités vont s'opérer.

Pour cela, six catégories générales de solsont été définies, allant des terres à usageagro-pastoral intensif, extensif ou sylvo-pastoral jusqu'à un usage exclusivementforestier ou à un usage restreint ; des zonesnaturelles, protégées ont été établies. Lapolitique d’intervention du PL.U.S. est sys-tématique et graduelle, expliquant en quoiconsiste le PLan d'Usage du Sol : ses objec-tifs, ses modes d’utilisation, les lois de pro-tection des ressources forestières et de l'en-vironnement dans son ensemble. La lois’applique à tous mais c’est au gouverne-ment d’organiser l’information de la popu-lation.

LLee ccoonntt rrôôllee ddee llaa ddééffoorreessttaatt iioonn

Le contrôle de la déforestation est basésur la Nueva Ley Forestal (N° 1700) du12 juillet 1996 et sur le règlement qui l’ac-compagne, daté du 21 décembre 1996(D.S. 24453).

A partir de cinq hectares et plus, unedemande d'autorisation auprès de laSuperintendance Forestière est obligatoireavant de commencer à défricher. Pour obte-nir une autorisation, il faut d'abord présen-ter un projet qui doit être avalisé par lestechniciens de la Superintendance. Si cettelongue procédure n'est pas suivie, le défri-chement illégal peut entraîner un procèsjuridique aboutissant dans certain cas jus-qu'à la suspension des droits de propriété.Une fois l'autorisation délivrée, il faut payer15 dollars par hectare défriché et verser15 % de la valeur du bois commerciali-sable.Faute de quoi, l'amende correspond à30 % de la valeur du bois commercialisableen plus des 15 dollars par hectare.

Aujourd'hui, les exigences sont plusimportantes que par le passé, où il n'étaitpas très difficile d'obtenir une autorisation.Par ailleurs, on signale une baisse de la cor-ruption, et désormais, lorsqu’un projet estrefusé par la Superintendance forestière,l'argent ou les relations n'entreraient plusen ligne de compte. La pratique de la déla-tion contribue à réduire la déforestationsauvage, souvent dénoncée par les voisins,surtout dans le cas d’un défrichement àproximité d'une rivière. En effet, l'État peutengager une procédure de confiscation desterres en cas de déforestation le long d'uncours d'eau, ou dans une zone protégée ouà potentiel forestier. La déforestation sauva-ge est considérée comme un délit. La co-responsabilité civile et pénale du consultantqui présente le projet, et du propriétaire duterrain, contribue également à une évolu-tion des comportements. Le consultantfournit également une assistance techniqueà son client.

Inclus, dans la Ley Forestal, le Plan deOrdenamiento Predial (analyse de l’occupa-tion du sol) vise à recenser et à cartographiertoutes les servidumbres écologiques. Cela

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comprend les systèmes de drainage, lesanciens causses, cañadas, quebradas(ravins ou vallées encaissées) qui traversentles propriétés. Les servidumbres doivent êtrerespectées et maintenues parce qu'au nord,vers Warnes et Montero, il existe des pro-blèmes de blocage du drainage. Il faut, enoutre, protéger tout ce qui peut se dégradercomme les pentes de plus de 45 degrés. LaLey Forestal répond à une nécessité basiquepour le pays : à Santa Cruz 50 % des solssont à vocation forestière.

De l’avis de certains, la technologieemployée par les mennonites n’est pasadaptée à une agriculture intensive. Leurimperméabilité à l’orientation technique etleur résistance à l’introduction de méthodesmodernes se traduit par une faible produc-tivité, dont le résultat à la longue, est l’achatde nouvelles terres et l’abandon desanciennes à cause des mauvais traitementsinfligés aux sols. D’autres pensent que leurapport est courageux et que leur vocationéminemment agricole a permis de mettre enproduction, sans arrière-pensée spéculative,de grandes superficies jusqu’alors inexploi-tées, avec la garantie qu’ils n’émigreraientpas en ville mais plutôt qu’ils contribue-raient à augmenter et diversifier l’offre agri-cole, au bénéfice de l’économie régionale.

Le thème de ce débat mérite la considé-ration des experts en développement agrico-le qui étudient actuellement à Santa Cruz, leprocessus sur le long terme.

DES PRATIQUES MENNONITESINADAPTÉES À UN ÉCOSYSTÈMEFRAGILE

LLee ddééffrriicchhaaggee ttoottaall ssyyssttéémmaattiiqquuee

Les mennonites ont défriché des milliersd’hectares avec application, de la mêmefaçon qu’ils avaient opéré au Canada et auMexique, sans se soucier des conditions cli-matiques de la région. Ils ont créé un paysa-ge d’openfield où l’arbre est totalementabsent. Or, Santa Cruz est une zone de tran-sition climatique et écologique caractériséepar la violence des vents. C’est dans ce

contexte que les mennonites ont contribué àun processus de dégradation des sols extrê-mement grave. La menace de désertificationdue à cette érosion éolienne dans les zonesoccupées par certaines colonies mennonitesest préoccupante.

Nueva Esperanza, colonie considéréecomme la plus orthodoxe, se situe dans unezone critique où 15 000 hectares ont étédéfrichés sur des terrains en pente. Faute debrise-vent, l'eau s'évapore ; pendant lesquatre mois sans pluie, les effets de lasécheresse s’accentuent et il est nécessairede donner des aliments au bétail. Les men-nonites sont maintenant confrontés à uneavancée du désert au sud de Santa Cruz,région en contact avec le Chaco. Mais lenord de Santa Cruz, où la déforestation apourtant été planifiée par les États-Unisdans les années cinquante, est égalementtouché par ce problème de désertification.Pendant 15 ans, près de Cotoca dans lescolonies Alt Bergthal, Tres Palmas, les men-nonites ont travaillé des sols sableux qui ontperdu toute leur fertilité. Les colonies sesont vidées parce que les récoltes étaientfaibles et que les coûts de productionn'étaient pas couverts. Néanmoins, il fautrappeler que ces départs vers de nouvellescolonies, dénoncés par les Boliviens, sontaussi dus à la croissance des familles, quinécessite des terres supplémentaires.

Les mennonites se soumettent aux res-trictions imposées par la Ley Forestal.Même si cela se fait plus dans l’esprit d’unrespect de la loi que par un réel souci deprotection du milieu, ils effectuent lesdémarches administratives nécessaires. Parexemple, la colonie Yanahigua s'occupeactuellement d'obtenir des autorisationspour poursuivre le défrichement. Ladémarche est toujours collective : le chefsollicite l’autorisation pour l'ensemble de lacolonie et toutes les parcelles sont traitéesdans le même dossier. Cette méthode facili-te le travail de l'ingénieur auquel ils s'adres-sent collectivement, Octavio Rocha. Parailleurs, des brise-vent naturels assez largessont conservés dans les parcelles récem-ment mises en culture à Morgenland.

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Réalités écologiques du développement de Santa Cruz

Malgré tout, les pratiques consistant àdéfricher d’immenses surfaces sans laisserun seul arbre ne cessent de causer des pro-blèmes à ces colons, originellement habituésà des climats tempérés et à des sols pro-fonds, ne réclamant pas de protection spé-ciale contre l’érosion hydrique ou éoliennecomme les sols subtropicaux. Les menno-nites ont transformé la campagne cruceñaen zones cultivées sur le modèle du MiddleWest américain. Cette utilisation du sol estsujette aux critiques et est au coeur des pré-occupations des centres de recherche, dontle C.I.A.T., qui essayent de persuader lescolons d’utiliser des brise-vent pour prévenirl’érosion et ses conséquences, telles que laperte en fertilité et en humidité des sols.

Les techniques en usage favorisent ladégradation et l’érosion des sols, ce quipousse par conséquent à déforester de nou-velles zones.

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Dans les premières colonies, où tout a étédéboisé, les brise-vent, cortinas rompevien-to, brillent par leur absence. Le travail de laSuperintendance en faveur de la régulationdes haies depuis 1992 a pourtant porté sesfruits. Si, dans l'ensemble, les colons ontcommencé en plantant des brise-vent ouessayent de laisser des arbres lors des défri-chements, leurs efforts restent insuffisants.Comme ils ne veulent pas gaspiller une terreproductive à planter des arbres, les menno-nites aménagent des haies étroites (alors quele minimum conseillé est de 30 mètres) et decette manière, ils ont l'impression de respec-ter la loi. Désormais, 90 % des brise-ventplantés dans les colonies sont composés deGrevillea robusta. Cet arbre présente unebonne distribution du feuillage de la basejusqu'au sommet.

Mais dans certaines colonies du sud, lesbrise-vent sont faits de plantes basses surune seule rangée. Or dans cette zone sèche etsableuse, ce type de brise-vent est inutile. Audébut des années 1990, le DépartementForestier a vendu à Riva Palacios des euca-lyptus provenant des régions d'altitude.

Comme tous les arbres se sont desséchés, ilsemble soit que le Département Forestier avoulu profiter des mennonites, en sachantque l'espèce n'était pas adaptée, soit quec'était une erreur. Le doute subsiste encorepour James Johnson, de la CoopérationBritannique associée au C.I.A.T.

Les brise-vent doivent être perpendicu-laires à la direction dominante des vents éro-sifs. Quand ils sont parallèles, les dommagessubis sont encore plus importants ; ce prin-cipe de base doit être inculqué aux menno-nites pour éviter que se forme un canal quifavorise l'érosion. Lorsqu’il y a un trou dansle brise-vent – quand un arbre meurt parexemple –, il n'est pas comblé et le dispositifne joue plus son rôle protecteur. Malgré leprogramme de reforestation mis en œuvre,les recommandations restent incomplètessur des sujets aussi essentiels que les brise-vent.

La Superintendance a proposé aux men-nonites de créer leurs propres pépinières etde leur fournir une assistance technique.Cela a été accepté à Las Piedras II, où lescolons peuvent acheter des plantes pour80 centavos. A Valle Esperanza, HeinrichJansen a produit, à partir de graines ache-tées au C.I.A.T., 300 000 arbres destinésaux colons et il fournissait même des natio-naux. Il a été remercié de son initiative parl'excommunication car les chefs religieuxl'ont trouvé trop entreprenant et ouvert auxchangements. Il continue à vivre dans lecamp 5 avec ses dix enfants mais il ne peutplus faire de pépinière.

C'est surtout le long des fleuves que cetteabsence de brise-vent est néfaste car lors desinondations, l'eau pénètre plus facilement etles dégâts sont d'autant plus graves qu'il n'ya plus d'arbres pour protéger les rives. C'estun problème qui se pose de façon aiguë dansle milieu tropical.

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ccoommppaaccttaattiioonn

La compactation correspond au dévelop-pement de couches denses qui présententune réduction de la taille et de la continuitédes pores. Il en résulte une restriction de la

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croissance et de la profondeur des racinesdes plantes, dont le rendement est alors alté-ré. Les innovations, comme la siembradirecta destinées à remédier à la compacta-tion, rencontrent peu de succès. Cette tech-nique n’est pratiquée que sur 120 000 hec-tares, soit 20 % de la superficie cultivée dudépartement. La siembra directa permet deconserver les matières fertilisantes et de lesréincorporer au sol. Les produits chimiquesassèchent les mauvaises herbes et laissent laterre propre, prête à être semée.

Cette technique évite de trop remuer laterre ce qui contribue à l’érosion du sol et àson appauvrissement. L’investissement ensubstances chimiques est accru mais lesdépenses en combustible diminuent car lenombre de passages avec le tracteur passede six à un, avec deux fumigations.Malheureusement, aucun mennonite nepratique encore la siembra directa.

La restriction de l'espace enraciné signifie pour la res-triction en eau et nutriments, pour la plante puisque levolume du sol exploré par les racines est moins impor-tant.

En tant que pionniers, les mennonites onttransposé telles quelles les pratiques cultu-rales qui leur étaient familières. Et parmicelles-ci, on relève de trop nombreux pas-sages sur les champs avec le tracteur, car ilsveulent que le paysage soit rectiligne, plat etpropre. L'utilisation généralisée des disques(rome plow) contribue largement à la com-pactation des sols, à cause de la pressionexercée par les disques des herses et des char-rues. Par ailleurs, les terres qui viennent

d’être défrichées sont particulièrementsujettes à la compactation, du fait des dom-mages occasionnés dans la structure des solspar le type de machines utilisées pour ledéfrichement.

La compactation s’accroît encore si lesparcelles sont travaillées quand le sol esttrop humide. Or c’est souvent le cas, car aucours de la saison des pluies les agriculteursrécoltent la culture d’été et beaucoupenchaînent avec la préparation des terrespour ensuite semer la culture d’hiver. Là oùcirculent les tracteurs qui ont des roues enfer, le sol se compacterait davantage ; aumoment d’une inondation, la premièrecouche, superficielle et fertile est emportéepar l'eau et ne reste que la partie compac-tée.

Depuis 1997, les Boliviens se sont focali-sés sur cet usage systématique des roues enfer dans les Old Colonies, qu’ils accusentd’être responsable de la compactation du solet veulent contraindre les mennonites à re-noncer à cette pratique barbare. Certes, lepoids du tracteur reste le même, mais sur lesroues en fer, ce poids est mal distribué. Cesroues font en moyenne vingt centimètres delarge et par conséquent la pression est con-centrée sur une toute petite zone de contact.

Les mennonites opposent un refus caté-gorique à ce qu’ils considèrent comme une

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Réalités écologiques du développement de Santa Cruz

Source : C.I.A.T.

Figure 1 - La compactation des solsnuit à la croissance des cultures

Figure 2 - Technique d'améliorationde sols compactés

Source : C.I.A.T.

Pour améliorer les sols compactés, il faut effectuer unlabourage en profondeur pour briser la couche dense. Ilest recommandé de faire ce travail pendant l'époquesèche (août et septembre), en hiver également, lorsqueles conditions le permettent.

atteinte à leur liberté de culte. En effet,l’usage des roues de fer est lié à leur tradi-tion religieuse ; les Boliviens dénoncent parconséquent leur fanatisme religieux.

LA PROTECTION DE L'ENVIRONNE-MENT DOIT DEVENIR UNE PRIORITÉ

GGéérreerr ll '' iimmppeerrmmééaabbii ll ii ttéé mmeennnnoonnii ttee

La désinformation de l’agriculteur men-nonite justifie aussi son attitude. Les men-nonites sont certainement les moins bieninformés de Santa Cruz, moins bien quen'importe quel paysan bolivien qui a aumoins la radio, au mieux la télévision ou quilit le journal. Mais les colons mennonitesconsidèrent qu'ils sont nés agriculteurs etqu'ils peuvent se débrouiller sans aide.Depuis toujours, les mennonites estimentqu’ils n’ont de conseils à recevoir de per-sonne et surtout pas des Boliviens qui,d’après eux, étaient tout juste capables deproduire de la drogue avant leur arrivée.S'ils ont refusé l'intervention extérieure,c'est aussi par crainte d’être amenés àmodifier leur mode de vie.

Par nature, les mennonites ne sont pasréceptifs à l'assistance professionnelle. Cetteconstatation, évidente dans le cas des OldColonies, s'applique en fait à tous. Ilsobtiennent une assistance technique defaçon empirique, à travers quelques colonspossédant une plus grande expérience, et secontentent de savoirs acquis par la pratiqueou par la collecte d'informations dans lescentres commerciaux agro-pastoraux. Ens'installant à Santa Cruz, il leur a fallus’adapter au milieu tropical et modifierd'eux-mêmes certaines de leurs pratiquesagraires héritées de leur passé européen.

En réalité, si la majorité des mennonitesse montre méfiante envers les conseils desinstitutions, c'est probablement en partie àcause des entreprises privées qui, parexemple, préconisent des doses de fongi-cides supérieures à ce qui est nécessaire. Or,les fongicides sont chers et n'ont pas donnéles résultats escomptés ; la méfiance desmennonites n'en est que plus vive. Ils pré-

fèrent faire leurs propres expériences, etrestent dans l'ensemble peu sensibles auxcampagnes d'information. La tâche desBoliviens est désormais d’établir une rela-tion de confiance avec les colons, afin deleur faire comprendre qu’il est égalementdans leur intérêt de prendre des mesurespour la conservation des sols. Les autoritésse plaignent des difficultés de communica-tion avec les colonies mennonites car on nepeut pas s'adresser à elles collectivement.Les Boliviens ont d'abord fait l'erreur decompter sur le Comité Central pour diffu-ser des directives, mais celui-ci n'a jamaiseu aucune influence sur les décisionsinternes des colonies. Celles-ci sont pardéfinition très indépendantes les unes desautres et pour régler des problèmes com-muns, il faut aller de colonie en colonie. En1997, Francisco Kempff, le directeur duBureau Technique du Plan d'Utilisation duSol, a formé une équipe chargée des res-sources naturelles, de faire un inventairedes problèmes de chaque colonie. Et c'est àcette occasion qu'ils ont finalement décou-vert que les mennonites ignoraient tout desinformations que, depuis au moins cinqans, le Comité Central était censé diffuser.

Si les dommages ne sont pas causésexclusivement par les mennonites, ceux-ci netiennent pas compte des recommandationsqu'on leur fait. Ils se pénalisent par leurméconnaissance des méthodes de conserva-tion des sols. Leur rejet de l'assistance tech-nique est d'autant plus alarmant qu’ils four-nissent une production importante. Ilsauraient besoin de conseils pour les doses etla qualité des pesticides ou des engrais.

Désormais, ce sont des représentantslégaux de la Bolivie qui viennent informerles mennonites qu'il existe des lois, etqu'elles doivent être appliquées. Le30 juillet 1997, le PL.U.S. a réussi, pour lapremière fois, à réunir tous les chefs descolonies. Cela n'a pas été une opérationaisée du fait des dissensions qui existententre colonies ; par exemple, personne nevoulait s'asseoir à côté des représentants deCampo Chihuahua, jugés vraiment tropmodernes. Il s'agissait à cette occasiond’aviser les mennonites des nouvelles dispo-

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sitions légales en vigueur, celles du PL.U.S,de la Loi de protection du milieu naturel(n° 333 de 1993) et celles, non moinsimportantes de la Ley Forestal.

Au fur et à mesure de ces campagnesd’information, expliquant la loi et exposantle résultat d'études scientifiques et écono-miques, certains mennonites semblent enfinréagir et prendre conscience de l'importan-ce et de l'intérêt de préserver l'environne-ment. En fonction de leur pays d'origine etde leur orthodoxie, des colons, individuelle-ment, sont sensibles aux explications car ilsont remarqué une certaine baisse des ren-dements, néanmoins ils restent impuissantsface à l'attitude intraitable de leurs diri-geants. A Yanahigua (fondée en 1993), lesrendements de soja, par exemple, sontsupérieurs à ceux de la colonie mère ValleEsperanza (fondée en 1975), mais les chefspréfèrent penser que le climat et le sol sontplus favorables dans la nouvelle colonieplutôt que de se demander si ce n’est pas lefait d’une terre cultivée depuis moins long-temps.

IInnssuuffff iissaanncceess ddeess iinnsstt ii ttuutt iioonnss

La nouvelle génération bolivienne quianalyse l'agriculture s'est « tout à coup ren-due compte » que les mennonites possèdaient300 000 hectares et ce, sur les meilleuresterres du département. « Ont-ils obtenu l'in-formation d'un expert extérieur ou quel-qu'un d'ici leur a-t-il vendu le tuyau ? » C'estla question que se posait Francisco Kempfflorsqu'il faisait encore partie du PL.U.S en1997. Il se disait inquiet : sur le départementde Santa Cruz, trois millions d'hectares sontdes terres propices à l'agriculture, et si on neles contrôle pas, en peu de temps elles vontbaisser dans la classification agricole, sansespoir de récupération.

Pour lui, il était évident que c'est à SantaCruz que l'on trouve la meilleure terre, lesmeilleures conditions climatiques et l'infra-structure la plus développée du pays. Et ilposait le problème dans ces termes : « si lesmennonites gâchent la terre, si l’on ne pré-serve pas le sol, comment la Bolivie va-t-ellese nourrir ? »

De son côté, ANAPO (dans son rapportannuel 1996-1997) a cherché à démontrerque le système de production agricole desmennonites quel que soit leur pays d'origi-ne, Mexique ou Paraguay, était à revoir àcause du défrichement excessif des sols, etdu défaut de protection contre l'érosion.Les uniques agriculteurs mis en cause dansle bulletin officiel d'information sont lesmennonites, cités comme seuls responsableset ceci de façon très explicite. « Étant donnéla détérioration des sols produite par lesmennonites dans les colonies exploitées surune longue période, dans la Zone Intégréecentrale et sud, ils vendent leurs terres pouren acquérir dans de nouvelles zones. C'estsur ces sols de meilleure qualité qu'ils entre-prennent un nouveau cycle de dégradationdes sols, dans la continuité de leurs pra-tiques ancestrales. » Il est évident que lesinstitutions boliviennes ne préfèrent pass'attarder sur les problèmes posés par l'ex-ploitation du milieu par les ressortissantsnationaux eux-mêmes. Pourtant, en dépitdes problèmes causés par la diversité dessols et des climats, le défrichement continuede manière spectaculaire : la surface culti-vée s’est accrue de 43 % entre 1990 et 1993dans le seul département de Santa Cruz, cequi ne peut être exclusivement le fait desmennonites. De plus, on remarque que lesagriculteurs brésiliens, propriétaires d'im-menses superficies, sont moins sujets auxcritiques que les mennonites. On ne peuts'empêcher de remarquer que les sommesinvesties par les Brésiliens dans le départe-ment sont de plus en plus importantes etqu'ils sont certainement plus proches cultu-rellement des Boliviens que les mennonites.

On ne compte plus les articles de jour-naux qui titrent sur le mauvais usage par lesmennonites de « La Terre bolivienne » dontils épuisent la fertilité. Mais lorsqu'ils sontarrivés avec leur mentalité et leurs pratiqueseuropéennes, personne dans le pays neconsidérait encore le milieu naturel commeune ressource non renouvelable. Ces immi-grés sont même apparus alors comme unebénédiction : cette population travailleuse,honnête, produisait lait et fromage en abon-dance, et ses roues en fer et autres faisaient

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partie d'un certain folklore. Le gouverne-ment n'a alors envisagé que la production etcommence tout juste à prendre consciencede la nécessité de protéger l'environnement,désormais en danger. A l'époque, les consé-quences de la nature de l’identité mennoni-te ont été négligées au bénéfice des intérêtséconomiques, le gouvernement et les Boli-viens doivent maintenant en assumer lesimplications. Qui plus est si les institutionsboliviennes considèrent que les mennonitessont responsables d'un désastre écologique,accusation largement diffusée, pourquoin'ont-elles pas encore sévi ?

Le gouvernement n’octroie pas de cré-dits aux mennonites, ni d’ailleurs à qui quece soit pour financer le changement dumatériel agricole ou l'achat de jeunesarbres. En outre, l'approvisionnementmême des pépinières est insuffisant, et lesespèces recommandées ne sont disponiblesqu'épisodiquement. En dépit d'antenneslocales dispersées dans le département(San José de Chiquitos, San Ignacio deVelasco, Ascension de Guarayos,Concepcion, Puerto Suarez, Camiri, SantaRosa del Sara, Yapacani), laSuperintendance n'offre qu'un faible sou-tien logistique. Comme de nombreuses ins-tances boliviennes, elle souffre d'unmanque de moyens ; il n'y a pas assez devéhicules pour organiser les séminairesnécessaires et les techniciens sont ennombre insuffisant pour exercer une sur-veillance efficace des agriculteurs. LaSuperintendance rend visite aux chefs decolonie et compte sur eux pour diffuser lesinformations aux membres. Tous ces pro-blèmes sont inhérents aux changements depersonnel et aux institutions ; d’une façongénérale, l'absence de suivi est la consé-quence des insuffisances budgétaires.

F. Kempff, directeur du PL.U.S, s'estbeaucoup occupé des mennonites ; il s'étaitinvesti dans ce qui était devenu pour lui unemission. Sa détermination à protégerl'environnement a interpelé les mennonitesqui s'étaient habitués à lui et à sa forte per-sonnalité, et ils lui prêtaient attention. Mais ilest aujourd'hui directeur de la Superin-tendance Forestière et lors de notre dernier

entretien en mars 1998, il a affirmé que tousles mennonites avaient compris le message etavaient changé. Apparemment, le sujet nel'intéresse plus et les employés du PL.U.S. nereçoivent plus de salaire, car le programmede coopération avec l'Allemagne a pris fin.Plus personne ne rend visite aux menno-nites.

Le C.I.A.T. continue ses recherches et metses informations à la disposition de tous,mais ce n'est pas son rôle d'aller vérifier sitout le monde a compris et tient compte desrecommandations. Le C.I.A.T. s’est associéau Centro Menno en 1996, pour éclairer lesmennonites sur les méfaits du labour. S'il esturgent de modifier leur façon de travailler laterre, la situation réclame un projet com-plet, rédigé et diffusé en allemand, car jus-qu'à présent l'impact de l'ensemble descampagnes d'information est manifeste-ment insuffisant.

Au lieu de vouloir révolutionner soudai-nement des pratiques agricoles profondé-ment ancrées dans les mœurs, en distri-buant quelques papiers ou en organisantdes réunions isolées sans suivi, il auraitpeut-être été plus avisé de concentrer lesefforts sur un seul groupe de producteurs.Les institutions ont voulu s'occuper un peude tout le monde, et confrontées à l'ineffica-cité de cette méthode décousue, il n'est pasétonnant qu'elles se sentent découragées.

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Malgré tout, d'après un entretien avecl'ingénieur Marcelo Ruis, du BureauTechnique du PL.U.S, il semblerait que lesmennonites soient plus respectueux des loisque d'autres et quand on leur rend visite, ilsuffirait sans doute de convaincre le chefpour que toutes les familles suivent son avis.En revanche, avec les petits campesinos, lacampagne d’information est plus longue caril faut visiter chaque association. Certes, lespaysans venus de l'Altiplano n'ont pas lesmêmes problèmes écologiques que les men-nonites car ils cultivent de petites surfaces etne sont pas mécanisés. Ruis estime que dansl'ensemble, les grands propriétaires qu’ilssoient ou non nationaux, consultent le

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PL.U.S. et respectent l'importance des brise-vent. Avec les colonies japonaises, OkinawaI et II, la même méthode d'information estemployée mais avec l'aide de la CoopérationJaponaise.

La réunion de F. Kempff organisée en1997 a provoqué une réaction violente descolonies de Belize et Del Norte, qui s'oppo-sent à l'élargissement des brise-vent. ValleEsperanza a également réagi, mais de façonmoins extrême. Ces brise-vent posent unproblème de réorganisation à l'intérieurd'espaces extrêmement structurés. En effet,la superficie des parcelles a été calculée pourqu'elle suffise à la subsistance moyenned'une famille. Si les brise-vent réduisent lasurface cultivée initiale, tout le systèmeinterne est remis en question et les menno-nites ne sont pas prêts à l'accepter.

Pour eux, l'autorité vient de Dieu mais ilssavent qu'ils doivent respecter la loi. Leschefs religieux ont mal supporté les nom-breuses critiques dont l'ensemble des men-nonites a fait l'objet, alors qu'il ne faut pasfaire d'amalgame entre les coloniesmodernes et les Old Colonies, où reste l'éter-nel problème des roues de fer. Bien qu'iln'existe pas de véritable justification bibli-que des roues de fer, ou même des salopettes,le problème est avant tout religieux. Pour lesmennonites, l'usage des roues de fer est undes moyens les plus efficaces d'empêcher lesjeunes de se rendre subrepticement dans lesvillages voisins. Mais pour F. Kempff, les dif-ficultés du contrôle des jeunes ne doivent pasmettre en péril les ressources du sol. Quandon leur explique les mécanismes du sol,beaucoup de mennonites les comprennentmais le problème reste entre les mains del'Eltester qui est le seul à pouvoir décider.Ceux qui édictent les règlements internes etqui ont tout pouvoir, les chefs religieux,attendraient des preuves scientifiques durôle des roues en fer dans le processus decompactation pour éventuellement revoirleurs positions et jusqu'à présent, personnene semble leur avoir apporté ces preuves.Pourtant, on estime que la majorité descolons concernés est disposée, pour des rai-sons pratiques, à abandonner les roues en fer

si, bien entendu, cela n’altère pas leur orga-nisation sociale.

Ainsi, toute l'attention s'est momentané-ment concentrée sur les mennonites, bienque les problèmes soulevés touchent l'en-semble de Santa Cruz. En effet, unemeilleure rotation des cultures en tenantcompte de la gestion du sol à long terme,reste à assimiler par tous. De même, tous lesagriculteurs doivent apprendre à utiliser à lajuste dose les produits chimiques, insecti-cides et herbicides. Par ailleurs, si les men-nonites avaient l'impression que les autresgroupes de producteurs subissent les mêmespressions, ils seraient peut-être moinsréfractaires ou abandonneraient l'idéequ'on leur attribue un rôle de bouc émissai-re. Sans doute leur volonté de se maintenirà l'écart du monde et leur prospérité jouent-elles un rôle majeur dans l'hostilité qui semanifeste aujourd'hui à leur égard.

D'après Esteban Cardona, du bureaulocal de la Superintendance à Santa Cruz, iln'existe pas de véritable pression sur le colonnational. En revanche, les premiers à respec-ter la loi sans attendre que la Super-intendance se manifeste de façon répressiveseraient les étrangers et parmi eux les men-nonites. En effet, comme la plupart desétrangers établis en Bolivie, ils préfèrentn'avoir rien à se reprocher et craignent qu'onleur vole leurs terres. Pour eux comme pourbeaucoup à Santa Cruz, l’assainissement ducadastre (saneamiento) est une étape essen-tielle et préalable à toute nouvelle exigencede la part du gouvernement. Celui-ci exige lerespect de l'environnement mais les moyensnécessaires ne sont pas mis en œuvre. Sil'agriculteur souffre de la remise en causepermanente de ses droits de propriétaire, ilne se sent pas protégé par la loi et sa priori-té ne sera pas d'appliquer les nouvelles loisde protection de l'environnement.

Depuis 1996, une loi interdit l’adjudica-tion de terres de l'État à des étrangers ; or,depuis, à Las Palmas au sud de SanRamón, les mennonites ont acheté à unparticulier des terres qui appartenaient àl'État. Aujourd'hui, ils se retrouvent avecdes titres de propriété qui ne sont pasvalables mais qu'ils ont acquis de bonne

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Réalités écologiques du développement de Santa Cruz

foi ; ce conflit est encore loin d’être résolu.Ce type de problèmes, qui concerne lessuperpositions de titres de propriété, l'occu-pation de terres mennonites par desBoliviens, des Brésiliens ou des NordAméricains, est très fréquent, et pratique-ment toutes les colonies ont déjà fait appelà la justice pour faire respecter leurs titresde propriété. Il existait même un conflit quia opposé deux colonies dont les titres sesuperposaient, Valle Esperanza et DelNorte.

Les lois d'exception dont bénéficient lesmennonites depuis leur arrivée ne sont pasremises en cause, mais il semble que dansleur intérêt et pour respecter la loi, ils doi-vent évoluer : « Ce seront eux les perdants

s'ils usent leurs terres, qui ne produirontplus assez. » (Francisco Kempff, septembre1997)

La Loi ne réclame pas un remaniementimmédiat mais fixe un délai pour l'adéqua-tion aux exigences environnementales : le26 avril 2001. On est à une étape du dia-logue dont le rythme alternatif témoigne dumanque fondamental d'investissement desdeux parties. Malgré les lois protégeant l'en-vironnement, les applications en sont irré-gulières. Le gouvernement doit se donnerles moyens de débloquer cette situationmais dans les faits, cela ne semble pas fairepartie de ses objectifs prioritaires. Pourtant,c'est autant l'avenir de la Bolivie qui se joueque celui des mennonites.

La colonisation mennonite en Bolivie

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Dans la Calle 6 de Agosto, les mennonites de toutes les colonies se retrouvent avec souvent leshommes d'une part et les femmes qui attendent plus loin. Ils viennent parfois faire les courses enfamille mais la plupart des mennonites qui se rendent régulièrement à Santa Cruz, sont deshommes (photo 13).

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Réalités écologiques du développement de Santa Cruz

Dans les colonies les plus récentes, les mennonites tentent de maintenir des brise-vent devégétation naturelle tandis qu'à Valle Esperanza par exemple, des brise-vent sont plan-tés le long des parcelles. De part et d'autre, ils restent insuffisants et ne jouent pas le rôlenécessaire de protection contre l'érosion (photos 14 et 15).

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IL FAUT MAINTENANT envisager les pers-pectives qui s’offrent à une sociétévivant jusqu’ici dans le passé. Les men-

nonites se sont établis à l’origine pour colo-niser des espaces vierges dans un pays envoie de développement. Le gouvernement afavorisé l'implantation de cette populationd'agriculteurs disposant d’un savoir-faire,d’expérience et de moyens financiers. Cettecommunauté est restée distante de la popu-lation nationale, a conservé ses caractéris-tiques propres et surtout n’a jamais eu lamoindre intention de s'intégrer.

Dans une correspondance adressée audirecteur de l'Institut National de Coloni-sation, le 30 novembre 1984, JacobKlassen Fehr, représentant de la colonieDel Norte, invitait le personnel de l'Institutà visiter et inspecter les travaux, les amé-liorations introduites dans le secteur agri-cole et l'organisation de la colonie, « quin'a rien à envier aux Kibboutz desIsraéliens ou aux organisations coopéra-tives mitoyennes auxquelles nous appor-tons toute l'aide et la coopération possible,sans tenir compte de la condition sociale,politique ou religieuse ». Et il poursuivaiten affirmant : « nous cherchons, dans lefutur, à nous intégrer au pays dans le

domaine social et dans son développementpolitique et économique ». Ce documentdécouvert dans les archives de l'I.N.R.A.(Institut National de Réforme Agraire) àLa Paz n'est pas cohérent avec l'attitudeactuelle des mennonites. S'il existe un typede colonie qui refuse toute forme d'intégra-tion, Del Norte en fait définitivement par-tie, de même que sa voisine ValleEsperanza. L'une comme l'autre ne mon-trent aucune volonté de participationnationale, bien au contraire ; quant à lacoopération avec les voisins, elle est inexis-tante. Par ailleurs, l'accueil indifférent etparfois même hostile réservé aux institu-tions boliviennes dans les colonies est deve-nu légendaire. Or dans la première partiede sa lettre, Jacob Klassen Fehr dénoncesurtout la partialité du Comité des Terreschargé de l’adjudication et évoque « laxénophobie, la haine que ressentent cer-tains membres du Comité à l'endroit de lacommunauté mennonite ».

Ces extraits peuvent expliquer l'attitudedes mennonites face aux Boliviens, qui serésume à un sentiment général d’avoir ététrompés et à un rejet de l'extérieur qui nefait que se renforcer. La méconnaissance dumilieu social environnant met les menno-

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Conclusion

Conclusion : les mennonites entrent-ilsdans une période de transi-tion ?

nites dans une position de faiblesse dontprofitent parfois des nationaux.

DES PRÉOCCUPATIONS CROIS-SANTES

Les mennonites vont devoir faire face àdes choix dans les années à venir. LesBoliviens sont en train de remettre en causeles pratiques issues de leurs principes reli-gieux comme cela s'est déjà produit aupa-ravant ailleurs. Des conflits au sein mêmedes colonies témoignent d’une situation decrise que connaissent d’autres sociétés tra-ditionnelles. Certains mennonites traversentdes périodes de doute, ou d’angoisses reli-gieuses à cause des contradictions dans lesrègles imposées par une minorité. Par cer-tains aspects, la situation semble amenée àse tendre.

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Les mennonites sont continuellement àla recherche de nouvelles terres pour queleur innombrable progéniture puisse seconsacrer à l’agriculture. Ils craignent quela terre commence à manquer dans ledépartement de Santa Cruz. S’ils rendentparfois visite au PL.U.S, c’est peut-être pourdemander des conseils, mais en fait c’estsurtout pour savoir où se trouvent des terresclassées aptes à l'agriculture, et pour lesacheter. S’il est facile de localiser des terresà usage agricole intensif, désormais, cellesqui sont à vendre se font plus rares. Audébut de l’année 1998, une Old Colonyvoulait acheter 10 000 hectares de terresmais il n'existerait plus de parcelle de cettetaille ; il fallait alors rassembler plusieursparcelles. Lorsqu’il s’agit d’acheter de laterre, l’argent n’est pas un problème pourles mennonites et ils sont prêts à toutes lesdémarches administratives grâce à leuravocat bolivien Wildemar Rojas. Ils gagnentactuellement vers le sud de Santa Cruz versla frontière du Paraguay où les précipita-tions sont comprises entre 700 et 800 mmmais en hiver, elles ne sont que de 500 mmce qui suffit à peine à une récolte par an.

Les titres de propriétés sont souventcontestés mais les mennonites sont égale-ment victimes de vols. Les colonies sontouvertes, sans frontières matérielles, etn'importe qui peut entrer et se servir car lespropriétaires, pacifistes, ne peuvent opposerde résistance physique. Les narcotrafi-quants ont trouvé des pistes d'atterrissageidéales sur les routes planes et rectilignesdes colonies, où la police ne se rend jamais.

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Naturellement, comme dans toutes lessociétés, la nouvelle génération se révoltecontre les institutions en place, surtout lors-qu'elles imposent des règlements sévères.L’histoire se perdant du fait d’une traditionorale qui a ses défaillances, les jeunes, apa-trides se cherchent. En fin d’adolescence, ilsont tendance à rejeter des traditions qu’ilsont souvent du mal à comprendre. Mais trèsvite, la majorité rentre dans le rang et lesécarts de jeunesse sont oubliés.

A Riva Palacios, afin de maîtriser lesjeunes qui fréquentaient les bars des villesvoisines, les chefs religieux avaient mis enplace un système de surveillance auxentrées de la colonie. Mais ils ont abandon-né cette formule inefficace, qui avait plutôttendance à stimuler l'ingéniosité des jeunes,et ils encouragent les parents à surveillerdavantage leurs enfants.

Depuis 1997, à Valle Esperanza, les reli-gieux ont pris des mesures de répressiondevant le nombre croissant de jeunes quivont se saoûler à Cuatro Cañadas. Ils ontdemandé à la police bolivienne d'arrêter lesjeunes mennonites consommant de l'alcoolet de les mettre 24 heures en détention.L'attitude des autorités religieuses témoignede l'ampleur des problèmes posés par lanouvelle génération, qui supporte moinsdocilement les règles de vie strictes. Le bul-letin diffusé par les Old Colonies, affirme :« Notre religion ne nous permet pas de faireappel à la justice (du pays), sauf en ce quiconcerne les Lois du pays (justice), c'est-à-dire le vol et le meurtre ». Pourtant, pourlutter contre les jeunes mennonites dissipés,

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les autorités religieuses n'hésitent pas à faireappel à la police nationale. Qui plus est, lesrécits de violence à l'intérieur des coloniesse multiplient, alors que théoriquement« on n'utilise pas les châtiments corporels niles amendes, mais uniquement la Parole deDieu ». Les parents battent les enfantsdésobéissants, car ils craignent l'interven-tion des responsables religieux. Lorsqu'unjeune est trouvé en possession d'un poste deradio, on lui retire l’objet pour faire écraseren public, sous les roues en fer d'un trac-teur, ce symbole du monde moderne. Cettemise en scène vise à mettre les autres engarde.

Au sein des colonies dont le paysagesilencieux et monotone peut devenir oppres-sant, on trouve des mennonites alcooliqueset certains perturbés psychologiquement,consulteraient des psychiatres. Les colonsexercent une forme systématique d'autosur-veillance du comportement des uns et desautres, et il reste peu de place pour lessecrets. C'est une des raisons pour lesquellesil ne faut pas penser que la vie des coloniesmodernes est moins contraignante que cellesdes Old Colonies.

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Le CCM est avant tout une ONG présentedans le monde entier, composée de volon-taires mennonites qui ne vivent pas encolonie. Cette ONG, financée par les menno-nites d’Amérique du Nord, s’est implantéeen 1959 à Santa Cruz, pour en principe,encadrer la colonisation mennonite, maiscontribuer aussi au développement descommunautés rurales boliviennes. L’édu-cation de ces dernières est devenue le centrede leurs activités, aussi bien en matière desanté que de techniques agricoles.

Le Comité Central Mennonite réalisedes recensements approximatifs et épiso-diques des colonies, mais il semble plusintéressé par l'évangélisation de la popula-tion bolivienne ou par des projets humani-taires. Il faut rappeler que ce n'est d'aucu-ne manière une institution fédératrice ouun organisme représentatif des coloniesmennonites de la région.

Le Centro Menno est un organisme cul-turel lié au CCM. Il édite et diffuse le MennoBote et autres journaux en allemand desti-nés aux mennonites des colonies. Il a mis àleur disposition une bibliothèque dont lesouvrages sont surtout en allemand maisaussi en anglais et en espagnol. C’est unesorte de lien entre toutes les colonies et lescolons s’y rendent de temps en temps pourparler de leurs problèmes ou simplementpour discuter. Le Centro Menno veut pré-server et diffuser l’histoire de la commu-nauté mennonite pour lui donner une baseculturelle, un background vers lequel setourner. C'est au Comité Central que l'ons'est adressé en septembre 1997 pour l'or-ganisation d'une exposition sur les menno-nites dans le cadre du Semestre de la diver-sité ethnique et culturelle de Santa Cruz.Cet événement a permis aux Boliviens dedécouvrir cette communauté méconnue etde comprendre ses coutumes étranges.

Cependant, des volontaires du ComitéCentral ont commencé à vouloir se mêler dela gestion interne des Old Colonies, criti-quant l’endoctrinement des enfants et sur-tout dénonçant la condition féminine. Il estcertain que l’éducation que reçoivent lesenfants mennonites ne leur laisse pas unvéritable choix en ce qui concerne leur ave-nir mais le même problème se pose dans lescolonies modernes. En voulant aider cer-tains mennonites en difficulté, ces volon-taires ont compromis la neutralité qui étaitla base de leurs rapports avec les colonies.Dans des articles de journaux (voirannexe 4) ils ont d’abord dénoncé tous lestravers de la société mennonite, puis ils ontcontinué à diffuser (sur Internet) des infor-mations accablantes pour les Old Colonies,parlant de tortures psychologiques et phy-siques. Cette attitude a été fatale aux rela-tions entre celles-ci et le CCM, aini qu’auxrelations entre colonies, chacune prenantposition dans l’affaire.

Ces informations sont parvenues jus-qu’au Canada où beaucoup de mennonitesignoraient jusqu’à l’existence des coloniesd’Amérique latine. La migration vers le Sudne concerne qu’une minorité au sein dugroupe mennonite et, au Canada, des men-

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Conclusion

nonites exercent même des fonctions parle-mentaires. L’accusation d'intégristes puri-tains portée à certains d’entre eux a en faitdesservi tous les colons mennonites deBolivie alors que les excès étaient le fait dequelques uns, comme c’est le cas dans toutesles religions. Dénoncer des conditions de viedifficiles est une chose, mais désormais il nefaut plus espérer de collaboration entre lesautorités des Old Colonies et le CCM.

QUELLE VIE APRÈS LA COLONIE ?Le nombre des mennonites qui vivent en

dehors des colonies se multiplie et ce phé-nomène récent peut nous éclairer sur lespossibilités d'évolution des activités menno-nites dans le pays. Si les colonies ne mon-trent aucun indice qui laisse présager d'uneouverture, certains colons, individuelle-ment, ont décidé de mener leur vie de façonindépendante.

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Ceux qui ont quitté leur colonie sontmajoritairement des hommes, jeunes et céli-bataires. Il est évident qu'il est bien plus dif-ficile pour une femme de faire cettedémarche, ne serait-ce que parce qu’elle nemaîtrise absolument pas la langue nationa-le. La décision de quitter la colonie n'est pasfacile à prendre car elle entraîne des consé-quences définitives, plus ou moins sévèresselon la situation religieuse du colon. S'il aété baptisé, il est excommunié et ne fait pluspartie de la communauté des frères, il n'aplus le droit d’entrer dans l'église, ni d'as-sister aux cérémonies religieuses. Avant lebaptême, le colon est, en théorie, libre dedécider de ne pas appartenir à la commu-nauté dans laquelle il a été élevé. Mais lors-qu'il choisit de ne pas en faire partie, il s'ex-pose aux foudres de ses parents et peutmême être source d'ennuis pour ces der-niers au sein de la colonie. En effet, lesparents sont responsables d'une grandepartie de son éducation et les autorités reli-gieuses comme les autres colons les jugentsouvent coupables de ce qui est considéré

comme un échec. La situation des parentsest d'autant plus délicate lorsque, ce quiarrive fréquemment, plusieurs de leursenfants quittent la colonie.

À cause de l'isolement géographique etculturel, le mennonite moyen ne se risquepas à quitter la colonie car il n'a pas depeine à mesurer les difficultés qui l'atten-dent, c'est pourquoi une telle décision esttoujours courageuse. Souvent, il se met àdos la communauté, mais surtout, il selance dans l'inconnu sans aucun capital. Ila toujours travaillé pour ses parents maisceux-ci ne sont pas tenus de lui verser unsalaire, et encore moins de financer sa fuite.Alors, sans argent, avec un autre handicapde taille, qui est son niveau scolaire à lalimite de l'analphabétisme, il part à l'aven-ture dans la société bolivienne. Les motiva-tions d'un tel choix sont variables : d'ordrefamilial, religieux ou économique, ellestémoignent des difficultés que certains ont àvivre la vie des colonies.

Par exemple, à 18 ans, Johaan Loewen aquitté Riva Palacios, la colonie où il est nécar son père était pauvre. Celui-ci n'avait,pour faire vivre sa famille, que 20 hectares,et Johaan, en travaillant à l'intérieur de lacolonie, ne gagnait que quatre dollars del'heure. De plus, ils avaient séjournéquelques temps au Canada dans les annéesquatre-vingt et le retour à la Old Colony, seplier de nouveau à des règles contraignantesa été difficile. Il a décidé de fuir et s’estcaché pendant trois mois pour que son pèrene le retrouve pas. En effet, conformémentaux règles de la colonie, où jusqu'à 21 ans,le mennonite est sous la responsabilité deson père, ce dernier devait le ramener à lamaison. Plus tard, un de ses petits frèresAbraham, l’a rejoint à l'extérieur.

Dierdrich, quant à lui a toujours vouluquitter Riva Palacios ; depuis l’âge de15 ans il se sent mal aimé par son père et ilpart sans regret, à l’âge de 20 ans. Il parledu manque d'affection qu'il a connu, et deson père qui le battait. Quatre de ses frèresont fait comme lui mais ses cinq soeurs sontrestées dans la colonie ainsi qu'un frère quis'était marié. Aujourd'hui, il vient parfoisrendre visite à sa mère et s'est réconcilié

La colonisation mennonite en Bolivie

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avec son père qui est décédé récemment. Ilpeut retourner à l'église de Riva Palaciosmais il préfère l’éviter car tout le monde leregarde et parle de lui ; alors il se rend àl'église de Campo Léon qui accueille touttype de mennonites.

Un des cas les plus célèbres de mennoni-te qui ait quitté sa colonie, est celui deGehrard Fehr de Morgenland. Son histoire afait la une des journaux locaux et surtout aservi d'exemple à beaucoup de jeunes men-nonites. A 15 ans, il a rencontré des mis-sionnaires mennonites venus du Canada etdécouvert une autre manière de croire enDieu ; à 17 ans, il n'accepte plus la religionanabaptiste telle qu’elle est pratiquée dansla colonie et décide de s'enfuir. Pour échap-per à l'autorité parentale, il fait son servicemilitaire, car étant né en Bolivie, il est Boli-vien et en se soumettant aux obligationsmilitaires nationales, il exprime sa volontéde faire partie de la société bolivienne. Lacolonie n'avait ainsi plus aucun droit sur luiet pendant longtemps elle a refusé toutcontact avec lui.

Le nombre de mennonites à quitter lescolonies reste faible et parmi eux, certainsreviennent car ils n'ont pas réussi à l'exté-rieur. Ainsi, cinq familles sur plus de 400sont parties de Valle Esperanza ces deuxdernières années.

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Le mennonite qui part de la colonie doitd’abord trouver une source de revenus, orses qualifications sont avant tout agricoles.La majorité de ces « ex-mennonites » estemployée par des étrangers pour travaillersur leurs terres, et surtout les Nord-Américains qui sont très contents d'embau-cher ces agriculteurs efficaces et motivés. Ilssont hautement qualifiés et leurs prétentionssalariales sont plus que satisfaisantes auxyeux des propriétaires occidentaux. Ils sontune main d’œuvre recherchée.

Les mennonites issus des colonies cana-diennes ou qui ont vécu un certain temps auCanada parlent souvent anglais, ce qui estun avantage non négligeable lorsque la plu-

part de ces patrons ne parle pas espagnol.Aujourd'hui, les mennonites qui désirentpartir peuvent compter sur ce type d'em-plois car les mennonites qui vivent mainte-nant à l'extérieur sont solidaires de ceux quiviennent de quitter leur colonie et qui cher-chent du travail. Il y a encore quelquesannées, ce n'était pas envisageable et ceuxqui sont partis dans les années quatre-vingtont le mérite d'avoir ouvert la voie.

Les « ex-mennonites » ne viennent pass'établir exclusivement à Santa Cruz de laSierra, et tous ne travaillent pas dans le sec-teur secondaire. Peter Wiebe qui a quittéValle Esperanza avant d'être baptisé, aouvert en 1997, un restaurant à CuatroCañadas, c'est-à-dire en face de la colonie,juste de l'autre coté de la route. De même,Wilhem Neufeld à Paílon vend des produitsalimentaires et tient un bar, et les menno-nites, nombreux à faire halte dans cetteville, vont de préférence chez lui.

VERS UNE COLONIE URBAINE

Les mennonites ont été accueillis enBolivie pour servir l'expansion agricole vou-lue par le gouvernement et sur leurs passe-ports, le Ministère de l'Immigration bolivienprécise bien les raisons pour lesquelles leurentrée a été facilitée. Il leur est délivré « uneautorisation de résidence définitive pour seconsacrer exclusivement aux travaux agri-coles ». Mais ceux qui sont nés en Boliviedisposent de la nationalité bolivienne etd'un passeport indiquant leur colonie d'ori-gine. Ceux-ci sont donc libres d'exercerl'activité de leur choix, tout en étant exemp-tés du service national obligatoire.

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C'est ainsi qu'en 1997, Gehrard Fehrs'est associé à Jacob Schroeder pour ouvrirune agence de voyage dont la principaleclientèle serait mennonite. Son associé estné au Paraguay mais n'a jamais vécu dansune colonie bolivienne et il est arrivé àSanta Cruz en 1995, après avoir passé20 ans au Canada, où il avait travaillé dansune agence de voyage.

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Conclusion

Cette agence est la première entreprisemennonite à Santa Cruz et après des débutsdifficiles, elle est désormais en expansion.Les mennonites voyagent beaucoup, et leursprincipales destinations sont le Mexique, leCanada et le Paraguay, où ils rendent visiteà leur famille. L’agence répond à des besoinsspécifiques car elle se charge de formalitésque les mennonites ont parfois du mal àgérer (visa, renouvellement du carnet derésidence) et surtout dispose d'un personnelbilingue espagnol-bas-allemand. Ingrid, lafemme de Gehrard Fehr, travaille égalementà l'agence ; c'est une Bolivienne ; ils ont étéle premier couple mixte en Bolivie et ont eudeux enfants. Peter Wiebe de Valle Espe-ranza est aussi marié depuis deux ans avecune Bolivienne et le couple a eu deuxenfants, mais ces exemples restent encoredes exceptions.

En 1998, Gehrard Fehr, JacobSchroeder et David Wall ont créé MennoCredit Union (un établissement du mêmenom existe déjà au Paraguay), une banqueouverte uniquement aux mennonites qui,de manière générale, ne font pas confianceaux établissements nationaux. Ce CreditUnion leur permet d'emprunter et d'épar-gner, pratiques avec lesquelles ils ne sontpas familiers, mais s'ils sont encore réti-cents, on peut envisager une évolution dansleur comportement. Ces deux entreprisesagence de voyage et banque, sont stratégi-quement situées au coeur du quartier men-nonite : Pasillo 10 de Agosto.

David Wall est un mennonite né à Belizequi a d'abord travaillé en Colombie Britan-nique, au Canada, puis il a acheté des terresà proximité de Morgenland. Il a épousé unemennonite de Valle Esperanza et il emploieactuellement, sur son exploitation de plu-sieurs milliers d'hectares, des mennonitesoriginaires des colonies mexicaines.

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Les relations entre mennonites partis descolonies évoquent une « colonie urbaine ».Non seulement ils se connaissent tous maissurtout ils s'entraident. Le fond culturelcommun reste essentiel et leur permet

d'établir rapidement des liens de confianceet d'amitié et une forme de solidarité natu-relle. Gehrard Fehr, réellement concernépar le sort des nouveaux « ex-mennonites »,est au centre de la communauté urbaine.

Par une sorte d'instinct, les mennonitesse retrouvent inévitablement entre eux etcontinuent à vouloir se marier au sein dugroupe. Un des éléments qui fait hésiter lemennonite à quitter sa colonie est la craintede ne pas trouver de conjoint par la suite,car son désir est souvent de vivre avec unemennonite qui a eu la même éducation et lamême enfance que lui et qui parle le mêmedialecte. Cette situation est difficile parceque les femmes qui sont parties des coloniessont rares et que celles qui sont restées sontquasi-inaccessibles, car qui veut que sa filleépouse un banni ?

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Un témoignage important au sein de la« colonie urbaine » est celui de la familleGoertzen Wiebe, qui offre un exemple déci-sif concernant les perspectives des menno-nites de Bolivie et qui peut donner de l'es-poir aux mennonites qui souhaitentsecrètement quitter la vie des colonies.

En 1985, à Morgenland, Jacob Goertzena décidé que ses enfants iraient au collège etqu'ils ne resteraient pas ignorants ; il aenvoyé ses deux filles aînées étudier à SantaCruz. La réaction de la colonie a été immé-diate, et il a été sommé de sortir ses enfantsdu collège et de présenter des excuses. Jacob,installé sur des terres qu'il avait achetées àl'extérieur de la colonie, a été excommuniémais il ne regrette rien et n'est pratiquementjamais revenu à Morgenland.

Aujourd'hui, trois de ses quatre enfantssont scolarisés. Esti, 21 ans, a eu son bacca-lauréat en 1997 et étudie actuellement l'ad-ministration à l'université ; Marlène, 20 ans,entre à l’Université de droit pour devenir lapremière avocate mennonite en Bolivie ;tandis qu'Abraham, 18 ans, continue aulycée et envisage de faire l'armée pour deve-nir pilote. Marlène est amenée à jouer unrôle important car si les mennonites s'adres-

La colonisation mennonite en Bolivie

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sent aujourd'hui à un avocat bolivien, ilsl'abandonneraient pour confier leursaffaires à l'une des leurs. Bien que ce soitune femme et qu'elle n'ait pas été baptisée,les colons interrogés, responsables religieuxcompris, ont affirmé qu'ils préféraientqu’une mennonite les défende.

Esti et Marlène sont les premières men-nonites diplômées de Bolivie et si elles ren-dent parfois visite à leur famille restée dansla colonie, elles n'envisagent pour rien aumonde de retourner vivre là-bas. Elles ontdes amis boliviens, mais Esti fréquente unmennonite, Alvin Penner, qui a quittéMorgenland et administre actuellement lesterres d'un Nord Américain à l'est du RíoGrande. Elles plaignent les filles de leur âgecondamnées à vivre dans la colonie maiselles ont conscience que sans études, cesdernières n'ont aucun avenir hors de lacolonie. Leur cas est encore exceptionnel etmême unique en Bolivie, car si d'autresfamilles quittent les colonies, les enfants nesont pas automatiquement scolarisés.

Il semble que la tertiarisation de certainsmennonites pour le bien de l’ensemble de lacommunauté soit nécessaire : sacrifierquelques volontaires à la cause pour mieuxla défendre peut être justifiable. Leur mère,Tina, continue à vivre selon les traditionsmennonites et espère bientôt retourner vivreà la campagne sur les terres que Jacob vaacheter. En effet, ce dernier travaille tou-jours dans l'agriculture et après avoir connuquelques difficultés financières, il projette dequitter la ville.

Pour les mennonites des Old Colonies,l’abandon des roues de fer est synonymed’ouverture au monde et à l’inconnu, et ilannonce la fin d’une ère. Seule l’absence decontinuité, qui caractérise jusqu’à présentla politique bolivienne, est susceptible deretarder une échéance qu’ils redoutent.Cette incertitude sur l’avenir est récente, carles mennonites avaient pris l’habituded’émigrer lorsque la pression du monde

extérieur devenait un danger, mais versquel pays peuvent-ils se tourner ? Qui vaaccueillir une population qui refuse de s’in-tégrer ? Ils ne veulent pas encore se poser laquestion mais il suffit de leur parler pourcomprendre qu’ils sont conscients que lemonde se rétrécit autour d’eux.

La secte va devoir faire face à un dilem-me qui peut s'exprimer ainsi : accepter leschangements et s’adapter à l’époque oucontinuer l’exode à la recherche du Paradisperdu. Mais existe-t-il encore un pays dispo-sé à accepter des migrants avec un statutlégal si spécial ?

La révolution qui a eu lieu au Paraguaya eu des répercussions inattendues : ainsi lesmennonites représentent-ils désormais 2 %de la population nationale, mais seraient àl’origine de plus de 20 % du PIB (déclaré).Dans les colonies les plus modernes duParaguay, le programme scolaire est restétotalement sous le contrôle des colonies,mais l'enseignement se fait en espagnol et enallemand. Pour les études supérieures, lesétudiants vont dans des universités auCanada ou en Allemagne.

Parallèlement, d’autres colonies préser-vent leur héritage spirituel en s'isolant del'influence corrosive de la société moderne etde ses effets sur leurs enfants, qui ne suiventque quelques années d'école. En Bolivie,aucune évolution ne sera possible tant que lesystème d'éducation n'est pas réformé, et lesenfants n'ont pas le choix car pour faire desétudes, il faut abandonner les siens.

C'est en 1982 qu'a été mise en place lapremière coopérative laitière pour la vente àAsunción, soit plus de 50 ans après l’im-plantation des mennonites au Paraguay.Alors laissons le temps à la Bolivie. Commela majorité des mennonites y fuyait lamodernisation, si des mutations doivent seproduire le délai sera sans doute plus long.En effet, il ne faut pas oublier que les OldColonies se sont établies il y a tout juste30 ans.

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Conclusion

VICTOR PAZ ESTENSSORO, Présidentconstitutionnel de la République

Considérant :

Que le peuplement des zones agricoles dupays susceptibles de développement, dont l'ob-jet est d'augmenter la production du secteuragro-pastoral, pour lequel il est nécessaired'encourager l'immigration de groupes fami-liaux qui se consacrent au travail de la terre,constitue un des objectifs du Plan pour leDéveloppement Économique et Social, approu-vé par le Gouvernement de la RévolutionNationale.

Qu'il existe des familles de Mennonites quidésirent s'établir dans le pays pour se consa-crer à l'agriculture, il faut dicter des disposi-tions qui favorisent ce courant d’immigrationen garantissant leurs usages et leurs coutumesparticulières.

En Conseil des ministres et avec l'autorisa-tion de l'Honorable Commission Législative.

DÉCRÈTE :

Article 1 : Les collectivités mennonites qui s'éta-blissent dans toute zone du pays pour seconsacrer à des travaux de caractère agrico-le jouiront de garanties étendues de la partde l'État, en bénéficiant des droits suivants :

a) En conformité avec l'article 203 de laProcédure Civile, les membres de la collectivi-té mennonite pourront faire des déclarationspar simple « oui » ou « non » devant la justi-ce ou les tribunaux, au lieu de prêter serment ;

b) Leurs descendants et eux mêmes serontexemptés de service militaire obligatoire entemps de paix ou de guerre ;

c) Ils pourront administrer pour leur proprecommunauté, l'assurance mutuelle contre lesincendies et les tempêtes, en accord avecleurs propres normes ;

d) Ils pourront, à l'intérieur de leur collectivité,administrer les biens de succession et les pos-sessions de leurs veuves et orphelins par lesystème spécial appelé « Waisenamt ».

e) Ils pourront fonder, administrer et entretenirdes églises et des écoles propres pour le cultede leur religion et l'enseignement de leurlangue, et se doter de professeurs pour l'ap-prentissage de l'espagnol.

f) Les habitants mennonites jouiront pendanttoute la période de leur installation et organisa-tion dans le pays, de franchises douanières pourl'entrée de machines, ustensiles, semences, ani-maux et équipements pour le développementde leurs industries, drogues, meubles et articlesd'usage personnel, et devront dans tous les cassolliciter l'autorisation du Ministère desFinances. De même, ils resteront exemptés detout paiement pour la réalisation de visas.

Article 2 : Les immigrants mennonites établis ou

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Annexe 1

Annexe 1 • Décret suprême 06030du 16 mars 1962

qui s'établiront dans le pays, jouiront de lamême façon de la possibilité d'amener leursparents et famille, même s'ils ne sont plus enâge ou capables de travailler, leur entretienétant à la charge de la colonie.

Article 3 : Le Gouvernement fournira le soutienet les facilités qui seront nécessaires à l'en-trée sur le territoire national et à l'établisse-ment de tous les immigrants mennonites quidémontreront leur qualité en tant que telspar la présentation du certificat de baptêmeet qui manifesteront leur désir de travaillerdans le pays.

Article 4 : Les privilèges et droits accordés par le

présent Décret de Loi, seront étendus auxindividus de la même collectivité mennonitequi arriveront seuls dans le pays, toujours s'ilsprouvent leur condition de mennonite enaccord avec ce qui est exposé dans l'article 3.

Les Ministres d'État dans les départementsdu Gouvernement, Justice et Immigration, desFinances et de la Statistique et de l'Agriculturerestent chargés de l'exécution et de l'accom-plissement du présent Décret.

Fait au Palais du Gouvernement dans laville de La Paz, le 16 mars 1962.

La colonisation mennonite en Bolivie

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Gazette Officielle n° 918

DÉCRET SUPRÊME n° 13261, actualisé

GÉNÉRAL HUGO BANZER SUAREZ, Pré-sident de la République

Considérant :

Que grâce au Décret Suprême n° 06030 du16 mars 1962, a été autorisée l'immigrationdans le pays de communautés mennonites,dans des conditions contraires à la LégislationNationale et en flagrante violation de normesfondamentales, qui portent atteinte aux prin-cipes de souveraineté et à nos Institutions ;

Que c'est le devoir du GouvernementSuprême, de protéger la souveraineté de l'Étatet la correcte application de la ConstitutionPolitique et des Lois du pays ;

En Conseil des ministre,

DÉCRÈTE :

Article 1 : S'abroge le Décret Suprême n° 06030du 16 mars 1962.

Article 2 : Les communautés mennonites actuelle-ment établies sur le territoire national, res-tent soumises aux Lois et Dispositionslégales qui régissent le sujet

Le Ministre d'État de l'Intérieur et de la Justicereste chargé de l'exécution et de l'accomplisse-ment du présent Décret.

Effectué dans le Palais du Gouvernementde la ville de La Paz, le 31 décembre 1975.

Signé GÉNÉRAL HUGO BANZER SUAREZ ;Alberto Guzman Soriano ; Juan Pereda Absun ;René Bernal Escalante ; Juan Lechin Suarez ;Victor Castillo Suarez ; Walter Bernal Pereira ;Julio Trigo Ramirez ; Victor Gonzales Fuentes ;Mario Vargas Salina s; José Antonio ZelayasSalinas ; Alberto Natusch Busch ; GuillermoJiménez Gallo ; Jorge Torres Navarro ; WalterNunez Rivero.

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Annexe 2

Annexe 2 • Décret suprême 13261du 31 décembre 1975

Quotidien régional,El Dia. Santa Cruz, 17 septembre 1997

[Traduction de l'auteur]

La colonie Nueva Esperanza fait un trèsmauvais usage des sols.

Par contre, le développement de l'élevages’opère de façon positive.

La colonie mennonite Nueva Esperanza,située à proximité de San José, province deChiquitos de ce département, fait un très mau-vais usage des sols. Pour cette raison, sesmembres ont été intimés de respecter la LeyAmbiental et celle du PL.U.S.

L'ingénieur Francisco Kempff, directeur duBureau Technique du PL.U.S, dit qu'une commis-sion de son unité a rendu visite en fin de semai-ne à la colonie et a constaté des irrégularités surle terrain.

Dans cette zone, les mennonites contrôlentplus de 30 000 hectares dont 5 000 qu'ils consa-crent au soja, autant au maïs et environ 10 000 àl'élevage. Kempff a pu observer trois graves pro-blèmes.Tout d'abord, la colonie ne respecte pas larecommandation de ne pas défricher les versants.Ensuite, il y a une carence quasi totale de brise-vent, ce qui contribue à dessécher le terrain. Enfin,tous les tracteurs sont équipés de roues en fer, cequi contribue à la compactation des terres.

Selon l'autorité, les trois défauts doivent êtrecorrigés. Cependant, la résistance la plus impor-tante au changement a trait, dit-il, aux roues defer, qui d'après les mennonites seraient liés à leurtradition religieuse.

Kempff répète que cette attitude démontreune nouvelle fois l'existence d'un fanatisme reli-gieux dont il débat avec eux en s'appuyant sur laBible.

Il n'existe rien dans la Bible qui oblige l'hom-me à travailler avec des roues en fer, qui ne sesoucient pas des ressources du sol. Il ajoute quela colonie a fini par admettre cette vérité.

L'élevageEn revanche, l'autorité a souligné comme

positif l'apport des colons au développement del'élevage. Ils se sont rendus compte sur le terrainque les terres ne sont pas particulièrement aptesà l'agriculture et qu'elles sont davantage propicesà l'élevage.

Kempff confirme cette dernière vocationcomme prédominante et souligne l'effort descolons qui ont équipé leur propre fabrique defromage et de beurre. Il recommande néanmoinsde s'orienter vers un élevage plus scientifiqueafin d'obtenir de meilleurs résultats, et encoura-ge les prairies boisées qui facilitent la culture defourrage.

De la même façon, les colons doivent procé-der à la reforestation des zones mal défrichées,particulièrement sur les versants. A ce sujet,Kempff se montre préoccupé par le fait que desfonctionnaires de la Superintendance Forestièreont autorisé les défrichements, ceci venant à l'en-contre des normes définies par le PL.U.S.

Il veut progresser dans ce sens pour dialo-guer avec ce secteur afin de mieux coordonnerle travail de défense des ressources naturelles.

La colonisation mennonite en Bolivie

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Annexe 3 • Interview de Francisco Kempff

A plea for the old colonyby Edna Prediger

Mennonite Reporter, 4 février 1991Volume 21, n° 3, pages 8 et 9

Santa Cruz, Bolivia. It is not easy to writeabout the Old Colony Mennonites. Much of whatwe heard and saw during our 5 years of workingamong them we would like to forget. The OldColony Mennonites residing in Mexico, Bolivia,Paraguay, Belize, Argentina, Nova Scotia, Texasand now flocking back to Ontario, are the for-gotten ones in the Mennonite family; Like kee-ping the maimed or wayward child from thepublic view, little is said about them in our per-iodicals. But much needs to be said :

• Because those who separated themselves,who have allowed non in-flow of newthoughts and ideas, who are with all theirmight damning off any out-flow into the« world », are mike a stagnant pool and thepace of deterioration is frightening.

• Because within their « system » of contra-dictory regulations that has little to do withgodliness, that denies people the freedom tomake personnal choices, that forces theminto deprivation, there are people who arecrying for help.

Where do they come from ?Around 1850, Johan Cornies and other

Mennonites leaders in Russia saw the deteriora-tion of schools, at that time completely under

the juridiction of colony ministers. Cornies advo-cated that the schools be managed by village lea-ders, that teacher institutes be established, andonly trained teachers allowed Only the teachingof the Bible would be left to the preachers.

A few strong minded ministers violentlyopposed this move – having a place of absoluteauthority in the villages, they refused to concedeany of their power.That was the beginning of the« Old Colony » Mennonites.When around 1870,the Russian government reneged on privilegesconceded to the Mennonites, the « Old Colony»were among the first to leave. They all choseCanada because it promised military exemptionand their own schools.

Around 1920, the Canadian government setup « English » schools in every district, with pro-perly trained teachers. This prompted about7 000 Mennonites to leave for Mexico.

In Canada, the authority of the ministers hadbecome more strict than in Russia ; in Mexicothe rules became tighter still.Any who disobeyedwere excommunicated. In 1967, the leaders ofseveral colonies, who decided Mexico had beco-me « too worldly », gathered the faithful andstarted new colonies in Bolivia.

We came to Bolivia to serve underMennonite Central Committee in January 1985and left in 1990.We were aware of many streng-th ( ) of many traditions that are ( ) overw-helming was the ( ) who had been robbed oftheir God given gift of free will and ( ) being,in a real sense, dehumanised.

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Annexe 4

Annexe 4 • Dénonciation des excèsde certains mennonites de

Bolivie par des volontaires du

Comité Central

We were confronted daily by homeless, hun-gry ans sick Bolivians, but their plight seemed farless tragic than the Mennonites, who in bondageto powerblind leadership and senseless laws, areon a cycle of deterioration and lawlesness that isfrightening.

Every village has a school - one room with 30to 60 children and one so-called teacher (male),who often lives in dingy quarters annexed to theshools. There are non grades. The girls go toschool until they are 12, the boys to the age of14.The only books allowed are the Bible (MartinLuther translation in Gothic script), song book,catechism and an ancient primer with gothicscript. The brighter children, who get help fromhome, learn to write. Children might be able to« read » a word, but more often than not, haveno idea what it means.

School is held between May and September,and for one month before Christmas. The solepurpose of this month is for the children tolearn, and copy into a special folder, a « wish »for parents and grandparents.We had an numberof these « wishes » recited to us.The child standsmotionless, hand hung and eyes enst down, ansspeaks in a high, tinny monotone the voice goeson and on in perverted German. I listen with agrowing lump in my throat. I sense inside thatmotionless shell enormous concentration, fear ofnot remembering the next word, the next com-bination of meaningless jargon. When it is finallyover, I ask gently in Low German « Can you reci-te the first four word again ? » Then I say, « Nowtell me what you said », the child concentrateshard, « I don't know», « Can you tell me anythingthat you wished your parents for Christmas ? »The child puzzles for a moment, then shakes itshead, and is relieved when the parent orders itout of the room.

Understanding is dangerousTeachers who try to help the children will getreprimanded by the preacher, and may lose theirjobs. Understanding is dangerous, Jesus denoun-ced the Schriftgelehrten (scribes).Therefore it isbetter not to understand what is memorized.That includes the catechism.

The teacher occupies the second bottomrung in the colony hierarchy (The man who col-lects the milk for the cheese factory and bringsthe whey to the pigs occupies the bottom). Theteacher is landless. He needs no preparationwhatsoever for his profession. It used to berequired that children and teacher speak HighGerman in the School.This has fallen by the way-

side, since few teachers can speak it. Spanish lan-guage study is forbidden.

The teacher has full freedom to discipline inschool. One woman told me that one of her sonswas useless at home - he isolated himself andcried almost constantly, which sent his fatherinto a rage. She blamed the teacher who whippedthe boy. She couldn't not understand why, becau-se the boy was good and obedient, thoughsomewhat tense.

« How often does it happen ? » I asked « Hehides it from me so that I cannot see, but thegets beaten black and blue every morning andevery afternoon », she replied.

Beatings no uncommonWe know this kind of treatment, from tea-

chers who often know less than their students, isnot uncommon. There is a standing offer fromGermany to send, all expense paid, a teacher forthe teachers, and any school supplies needed. Sofar offer has been rejected. In 1967, the Boliviangovernment allowed the Mennonites to come inunder the same privileges granted those who hadimmigrated from Paraguay in 1953 ; freedom frommilitary service, their own schools, freedom ofreligion and caring for their own sick and aged.

The first two years, some recall, « there waslove in the colony. We worked together and wehelped one another.Then the rich came...love andunity went away ». Soon there was no more landleft to buy. During the first few years fuel wascheap and the price of soyabeans high. In thetown of Santa Cruz, three oil mill were built todeal with the enormous quantities of soya theMennonites produced. Bankers made arduousjourneys on terrible roads into the colonies, beg-ging the Mennonites to borrow money, entraingwith bargains. Then came years of escalating,mind-boggling inflation, Mennonites learned toborrow in the Bolivian currency, lay a portionaside in dollars and with that portion repay theentire loan a few years hence. « We made moneywith farming in years gone by, but we made a lotmore with borrowing ».We were told frequently.

In 1985 there was no more money to borrow.The banks again offered loans in 1986, and, with afalse, carefully planned scheme caught hundreds offamilies in a web of borrowing from private loansharks. Few had mastered enought Spanish orcould read enought to know, for example, that the10 % referred to monthly, not yearly interest, orthat the loan had to be repaid within threemonths. Thus people were soon in a morass ofborrowing from two or three to pay off another.

La colonisation mennonite en Bolivie

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To declare bankruptcy was impossible, becau-se every borrower had at least one co-designerwho, by law, was responsible for repayment. Overthis scandal some 30 Mennonites have been inprison some are still there. Many have lost theirland and prestige in the colony. It had furthereddissenssion and disillusionment. And someMennonites have become richer due to the mis-fortunes of others.

Poverty is increasing, one reason being thelarge families. Once, while attending an auction, Isat with 4 older women. They talked aboutgrandchildren. One had 74 and the other 92.Another said she had never bothered to count,but since all her 15 children had large families,there had to be at least 100.

« It is not what I thought il would be likebeing a grandmother », One of them said « Wehad another wedding last week, and that makes 4couples living on our yard. None of the men haveany land, and they cannot find work in the colo-ny.That gives some sleepless nights ».

The Riva Palacios leadership bought landsome 400 km south, at a ridiculous price fromland speculators. Some $ 25.000 was spent ondrilling but no water was found. All the moneywas lost and the land abandoned. Every familyhad to pay for the blunder. The money was sub-tracted from payments for milk sent to the chee-se factory. Soon afterwards, the leadershipbought another tract in the same arid direction,still farther away. That too is a long and dismalstory.

Highest birth rate in the worldThere seems to be uncomprehension by lea-

ders that some provision needs to be made tonourish people with what might be the highestbirth rate in the world. We talked frankly topeople who came to Centro Menno, theMennonites centre here where we worked, forcounsel about birth control. We urged one toshare his concerns with his bishop. He did. Theonly response had been : the Bible teaches that itis a sin for a man to « waste » his seed.The talkof the town, originating in the hospitals, was thatas soon as a Mennonite woman has given birth toa child, the husband comes, sends out the nurseand proceeds to make another child. Boliviansbelieve this to be a part of Mennonite religion.

Illness is rampant, be it from unhealthy dietor manutrition, unreasonably hot clothing, para-sites or depression. Many Bolivian doctors enjoythe prestige and revenue to be a doctor, withouthaving tasted the drudgery of studying medicine.

There are horror stories of malpractice and use-less operations. People flock to self-trained colo-ny doctors, chiropractors and midwives whoprescribe drugs they know little about.Pharmacies are everywhere and sell any medica-tions without prescription.A midwife will chargeup to $ 100 for a delivery from her neighbourswho have barely enought to eat. The seniorbishop with the most clout said emphatically,when we approach him, « All our medical needsare taken care of ».

In their agreement with the government, theMennonites committed themselves to look aftertheir sick and aged. Considering the processionof need that passed before our eyes, those inpower are doing a poor job.

If there is non unmarried child to care for anaged granmother, she is passed around amongher married children. In moste cases there i noroom for her - she has to make do with the livingroom, leaving the family frustated, and the oldwoman longing for death.Where the father dies,the widow and children get gootnana (good men)assigned to take over the family's financial affairs.Sometimes this works well. Orphans are parcel-led out among relatives. These Old ColonyMennonites still have the Wittwen and WaisenAmt, a fund of widows' and orphans' inheritancetotally controlled by a small group of leaders.

In 1967, many widows responded to the callto « get back to the old ways » in Bolivia. Alltheir possessions in Mexico were sold for a fineprofit. The Amt brought huge sums of moneyalong. Then come inflation. Numerous colonisturged the Amt to change the funds into stableAmerican dollar. « We are not dollar Chris-tians », they were told, and the money stayed.When, after many months, the Amt was finallypersuaded to make the change, the money hadmelted down to a tiny fraction of what it hadbeen.

Some years later every family in the colonywas taxed to replenish that fund. Still the widowsand orphans are destitute, but those who refusedto be « dollar-Christians » manage their ownaffairs well and live in comfort.

Children taken awayWe sat with several women who wept bitter-

ly their children had been taken from them andgiven to other families to work for room andboard.This was because their husbands had donea bit of borrowing and too much consigning, andhad gotten into a quagmire of indebtedness.

Another reason for the downward slide over

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Annexe 4

the years is that the price of fuel has increasedfive-fold, and soyabean prices have been cut inhalf. The rule is that the rubber wheels on trac-tors have to be removed and substituted withiron, at great cost and to the detriment of thesoil. Perhaps the key reason is the unwillingnessto trust other and do things together.Aside fromthe cheese factories, it is every man for himself -buying and selling, having practically no schooling,programmed to follow a shepherd, and havingpoor judgement to discern right from wrong.

The visitor, touring the colony for a day, maybe deceived into believing that all is well. It is sopeaceful here, so quiet. One marvels at the per-severance and discipline that changed the wilder-ness into this fruitful land.

There is also, especially in the older women,a deep spirituality and a strength of spirit thatsustains them in immense hardship, sorrow andinjustice. On the outer fringes of the colony,where few guests ever come, are the one or tworoom tin shaks. Here you see heartbreakingpoverty. It shows in the white and dirty faces ofthe children, in their long sleeved hot clothes,skin never exposed to the sun. Along the street,the boy loiter. Some sit in the shade smoking.Thebottle is freely passed around.

Young boys drinkingSome young boys -they could not be more

than 12- are already unsteady on their feet.Theystop our jeep and ask about tapes. But tapes areforbidden -any tape player found is smashed andthe owners severely punished. No music is allo-wed, no games, no sports.The anger and frustra-tion is escalating. We visited several young menthat had to be hospitalized as a result of theirbrawls.

A Bolivian friend was raised in a small townadjoining a Mennonite colony. The town wasonce innocent and neighbourly with non drin-king. Now there are two drinking establishmentsand two women specifically to provide Menno-nite men with what they ask for. Bolivians marvelat their coarse approach to women.

One sad-looking father recently told us thathis 20 year old son had become mute after recei-ving a cruel beating from a colony leader forsomething he had not done. When 7 youthconfessed to stealing some cows, the leadersinflicted an horrible public beating on the 7.There was no attempt to help the culprits makerestitution and re-establish relationships.

A punishment worse than a beating is that ofmarginalization. People who stir up the waters

– particularly those who question faith issues andsenseless laws – are isolated.This means not get-ting help when they need it, being denied oppor-tunities, or even having their property given toothers.

About one quarter of the colonists in Boliviawere not of the Mexico Old Colony stock. Someparents with ties to Canada, and ressources fromCentro Menno, made good efforts to teach theirchildren English.They too lacked cohesiveness inthe economic area, and many are loosing ground.But they showed real caring when misfortune orillness stuck, and provided land for a young manwanting to gel married. This group seemed toexhibit a greater freedom of movement andmore trust.The bishop of this group and his wifebecame dear to us.We asked about going to theMexico Old Colony bishops to seek ways to worktogether, and to ask if he could visit Mennonitesin prison. Permission had not been granted bythe time we left Bolivia.

We also enjoyed warm friendships withpeople from all the groups. People have tried toleave the colony and make it « on their own »,without leaving the country. With few excep-tions, this has been desastrous. Mennonite andBolivian cultures mix like oil and water.Two fami-lies with small children stayed out for about ayear, went from job to job and through miseryand hardship; both coming to Centro Menno forfood to survive. Both finally went back to colonyleadership, practically crawling on their knees.

One family has been established in a tinyhouse where the man attempts to make, withcrude tools, pencils boxes and rolling pins, whichdo not sell nearly far enought to buy bread. Thesad-faced man has painful, untreated ulcers in hisneck and the sweet-faced woman of 23, motherof 4 small children, walks very slowly, like a duck,because of birth injuries. Their children arecondamned to beg for charity from the colony.

The leadership and the rich about 30 % areintent on maintening the statu quo. The otherside is fearful of instisting on change. One bigfrustration is that ther has never been aBruderschaft -a meeting of all the colony men- todiscuss concerns and make decisions together.Decisions are made by very few, and announcedat an « after-church ». And the decisions are notrelated to pressing needs.

Something needs to be done quickly. Thisbranch of Mennonites is well on the way tobecoming the fastest growing and last wantedsegment of humanity here.We are told that onlythe highest echelons of government are still

La colonisation mennonite en Bolivie

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favourable towards Mennonites. When theMennonite body becomes aware that one of itsmembers shows all the earmarks of a cult, andmore and more voices from within are crying tobe freed from bondage, is it not the responsabi-lity of the body to provide for those who havenowhere to go and no means to get there ?

Needs that have priorityWe have few answers, but among the multi-

tude of needs we see the following as having apriority : Information. Sometimes it seems thatthe « shunning » goes both ways. Mennonitesneed to know – it is not pleasant, il might beoffensive. Three years ago we pussyfootedaround hard truths when we spoke in churches.It might be helpful for a Low German-speakingsociologist to evaluate the situation and thehope of the children under present circum-stances ?

There is need for land. Much good land isstill available. Mennonites in North Americabought land for refugees and Indians inParaguay. This resource is much needed inBolivia. Those who settle on new land need tolearn to work cooperatively. The Mennonitecolonies in the Paraguayan Chaco have theknow-how, and are showing a keen interest inproviding leadership.

The Chaco colonies could also give guidancein schools, and sound biblical teaching and prea-ching. Those who want to make a new beginningneed small loans. Perhaps people in NorthAmerica could adopt a Bolivian farmer to gethim on his feet.

Two brothers left the Old Colony to startCampo Chihuahua and were (excommunicated).At Chihuahua, there is singing and Bible study, abetter school, and smoking is forbidden. Growthhas been slow because they cannot afford to takedebtors. Il would be helpful to have small loansfor those who want to join the Campo Chi-huahua group.The Kleine Gemeinde Mennonitesof Belize have done a fine job of providing lea-dership and encouragement to this venture.

Where there is no vision the people perish.For a people who no longer know where theycome from, who they are or where they aregoing, the vision needs to come from theMennonite body as a whole.

We have ignored the damage for too longby Menno J. Ediger

Our immediate concern is the plight of theMennonites who call themselves « Old Colony »

in Bolivia.We are convinced that they are, with the« permission » of the larger Mennonite fellowshipwhich is not taking steps to stop them, pursuing apath which is leading them into a valley of degra-dation that mightbe called a « valley of death ».

Unless the wider Mennonite church lakessteps to halt this march, not only the Old Colony,but larger body will suffer irreparable damage.Wehave too often given to Old Colony leaders anhonour they have forfeited. Too long have weignored the hurting of the masses in deference toegotistical and power-hungry leaders ; we haveset aside the biblical injuctions to test spirits, toreprove and exhort in love. Dollars tend to sup-port the status quo -and we had said that the sta-tus quo is bad.Yet, we dare not turn our back onthe hungry and hurting poor.

Good stewardship, we believe, would be togive modest, low-interest loans to landless. Fouror five thousand dollars would help get a familyon their feet, in a new setting where church andschool standards could also be new. Creditunions and cooperatives are also needed. Dollarsavailable to the Old Colony need to be well super-vised. One of the many things lacking is a senseof responsability.

Leaders appear unable or unwilling to faceeither present or future. Those who do unders-tand do not know what to do, or are afraid totry. It may be that some « shock treatment » willbe required -exposing to the larger Mennonitebody what happens in the colonies. We in theMennonite fold must, in humility, with sensitivityand out of compassion for our brothers and sis-ters, boldly « confront » leaders in the OldColony.While they will continue to resist outsidepressure, we must find ways of applying it.

Let us continue to undergird and support, tomodel and demonstrate ; but let us also do whatJesus did Matthew 23 and Mark 11:15.18, and fol-low the practice Paul in challenging error. It istime to make clear to the leaders in Bolivia thatthey have deserted the Anabaptist-Mennonitefold, and have created for themselves and theirflock all the trappings of a cult.

I rend Jesus to have been very hard on the« religions » of his day who felt they knew all ; Ialso read Jesus to have been understanding andmerciful to all seeckers after truth. What hasamazed me is that in spite of a cancerous system,there are people who seem to be free of disea-se, people relatively whole and holy.

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Annexe 4

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110011Grafigéo 1999-6

Bibliographie

LISTE DES CARTES

Carte 1 : Les Anabaptistes en 1550, présence en Europe Centrale . . . . . . . . . 16Carte 2 : Les migrations mennonites sur le continent américain . . . . . . . . . . . . 21Carte 3 : Coupe transversale de la Bolivie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25Carte 4 : Carte générale de la Bolivie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Carte 5 : Situation de Santa Cruz sur « la frontière de végétation » . . . . . . . 28Carte 6 : Le département de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Carte 7 : Répartition de la population par canton en 1992 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32Carte 8 : Les colonies mennonites de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Carte 9 : Plan de la colonie Valle Esperanza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Carte 10 : Plan de la colonie Morgenland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : La compactation des sols nuit à la croissance des cultures . . . . . . . 73Figure 2 : Technique d'amélioration des sols compactés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : La participation de Santa Cruz dans la superficiecultivée nationale (1950-1980) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Tableau 2 : Les indicateurs économiques du département de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Tableau 3 : Les colonies mennonites de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34Tableau 4 : Les nouvelles colonies mennonites de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35Tableau 5 : L'évolution du prix par produit à Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Tableau 6 : L'évolution de la superficie cultivée en blé à Santa Cruz . . . . . . . . . 58Tableau 7 : L'évolution de la superficie cultivée en soja d'hiver

à Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Tableau 8 : L'évolution de la superficie cultivée en soja d'été

à Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60Tableau 9 : L'évolution de la superficie cultivée en tournesol

à Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

110033Grafigéo 1999-6

Liste des cartes, figures, tableaux et photos

LISTE DES PHOTOS

Photo 1 : Une maison à Valle Esperanza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Photo 2 : Une maison à Del Norte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Photo 3 : Une église de la colonie Del Norte,

un jour d’enterrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Photo 4 : Une des quatre églises de la Valle Esperanza

pendant la semaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Photo 5 : Jeunes filles (coiffure et robes),

camp 24 de Valle Esperanza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53Photo 6 : Enfants de la famille Friesen,

camp 10 de Valle Esperanza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53Photo 7 : Machine à laver traditionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54Photo 8 : Grande famille, grande lessive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54Photo 9 : Véhicules motorisés avec des roues en fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66Photo 10 : La récolte du soja . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66Photo 11 : Les enfants en charge des animaux de la ferme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Photo 12 : Fromagerie artisanale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Photo 13 : Les mennonites Calle 6 de agosto, Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78Photo 14 : Parcelle défrichée avec brise-vent naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79Photo 15 : Les brise-vent plantés à Valle Esperanza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

La colonisation mennonite en Bolivie

Grafigéo 1999-6 110044

•• FFRRAANNÇÇAAIISS

Les plus puritains des mennonites se sontréfugiés en Bolivie, loin des yeux du mondeet de la menace d'acculturation qu'il repré-sente pour ces cousins des Amish. Les des-cendants de la secte anabaptiste pacifiquefondée en Suisse, à l'époque de la Réformeprospèrent discrètement depuis les annéescinquante, dans un des pays les pluspauvres d'Amérique du Sud. En érigeantleur religion en mode de vie, ils sont parve-nus à constituer des groupes sociaux d'unegrande cohésion, se distinguant par leurvolonté de séparation du monde.

Dans ce pays structurellement andin,notre flux migratoire homogène s'est mobi-lisé vers les plaines orientales qui couvrentla plus grande partie du territoire. LaRéforme Agraire visait à faire de l'Orienteun nouveau Potosí, végétal cette fois, maiselle manquait de colons. Les mennonitesdont la réputation d'agriculteurs modèless'était confirmée au Canada, au Mexiquepuis dans le Chaco paraguayen se sont pré-sentés dans le pays au même moment. Al'abri dans leurs zones de dotation, ils ontintroduit une agriculture intensive et spé-cialisée dans la culture du blé et du soja quifait d'eux une force incontournable dans ledépartement de Santa Cruz.

Organisés d'après leurs propres schémasen colonies indépendantes, ils se sont déve-loppés selon le commandement : Croissez etmultipliez-vous tout en se maintenant àl'écart de la population nationale. Leursbesoins en terre augmentent à la mesure deleurs familles prolifiques tandis que leurspratiques culturales importées commencentà être remises en cause. Ces dernières appa-raissent inadaptées à l'écosystème fragile dela région tropicale et les autorités boli-

viennes ont de la peine à faire passer uneassistance technique, refusée au nom d'im-pératifs théologiques propres aux menno-nites. Dans ce groupe pour lequel la vierurale est l'unique façon d'assurer la péren-nité de ses convictions religieuses, il n'estpas question de faire des compromis telsque l'abandon des roues en fer aux trac-teurs qui risqueraient de mettre en péril lastructure des colonies.

Il s'agit d'envisager de quelle manièrel'intransigeance religieuse des mennonitesqui régule tous les aspects de leur sociétépeut s'accorder avec cette nouvelle prioritéqu'est la gestion du potentiel agricole à longterme de la région de Santa Cruz.

• AANNGGLLAAIISS

The most puritanical of Mennonitessought refuge in Bolivia, far from the eyes ofthe world and from the threat of accultura-tion that it represents for these conservativecousins of the Amish. The descendants ofthe Pacific Anabaptist sect, founded inSwitzerland during the Reformation, havebeen thriving discreetly since the 1950s inone of the poorest South American coun-tries. Turning their religion into their way oflife, they have succeeded in creating verycohesive social groups that distinguishthemselves by a desire to live apart from theworld.

In a structurally Andean country, thisethnically homogeneous migration flow isdirected towards the Oriental Plains whichcover the largest part of the national terri-tory. The Agrarian Reform was designed toturn the Oriente into a new (agricultural)Potosí, but there were not enough colonists.Rather, Mennonites, whose reputation asmodel farmers had been established in

110055Grafigéo 1999-6

Résumés

Résumés

Canada and in Mexico and then in theParaguayan Chaco, arrived in the countryat this critical moment. Sheltered in theareas that were attributed to them, they ini-tiated an intensive and specialized agricul-ture, growing wheat and soybean. Thismade them an important actor in the eco-nomy of the Department of Santa Cruz.

Organised as independent colonies andusing their own patterns of settlement, theyare spreading out according to the com-mandment Go Forth and Multiply, all thewhile remaining isolated from the rest ofthe country's population. Their land needsgrow as a result of their prolific families,and their introduced agricultural practicesare beginning to be questioned. The latterpractices appear to be poorly adapted tothe fragile tropical ecosystem, while theBolivian authorities have difficulty provi-ding technical assistance, rejected becauseof specifically Mennonite theological dic-tates. For a community which considersrural life to be the unique means of preser-ving its religious convictions, there is noquestion of making such compromises asabandoning iron wheels on tractors, out offear they may imperil the very fabric of thecolonies.

The issue is therefore one of consideringhow a religious intransigency that regulatesall aspects of Mennonite society can acco-modate to the new priority of long-termmanagement of the agricultural potential ofthe Santa Cruz region.

• EESSPPAAGGNNOOLL

Los mas puritanos de los Menonitas serefugiaron en Bolivia, lejos de los ojos delmundo y de la amenaza de acculturaciónque representa para estos primos de losAmish. Los descendientes de la sectaAnabautista Pacífica fundada en Suiza, enla época de la Reforma prosperan discreta-mente desde los años 1950, dentro de unode los países más pobres de Sud-América.

Erigiendo su religión como modo de vida,consiguieron constituir grupos sociales deuna grán cohesión, distinguiendose por suvoluntad de separarse del mundo.

En este país estructuralamente andino,nuestro flujo migratorio homogéneo semovilizó hacia los Llanos Orientales, quecubren la mayor parte del territorio. LaReforma Agraria aspiraba a hacer delOriente un nuevo Potosí, pero vegetal estavez, y faltaban colonos. Los Menonitas cuyareputación de agricultores modelos se habíaconfirmado en Canadá, en México y luegoen el Chaco Paraguayo, se presentaron en elpaís en el mismo momento. Al abrigo en suszonas de dotación, introducieron una agri-cultura intensiva y especializada en el culti-vo del trigo y de la soya, lo que hizo de ellosuna fuerza importante en el departamentode Santa Cruz.

Organizados según sus propios esque-mas, en colonias independientes, se desar-rollaron según el mandamiento de Dios :Creced y multiplicaos, manteniendoseapartados de la población nacional. Susnecesidades de tierras aumentan con el cre-cimiento de sus familias prolíficas, mientrasque empezan a ser criticadas sus practicasagrícolas importadas. Estas pareceninadaptadas al ecosistema frágil de laregión tropical y las autoridades bolivianastienen dificultades para difundir la asisten-cia técnica, está rechazada por motivosteológicos propios a los Menonitas. Estegrupo para el cual la vida rural es la únicamanera de asegurarse la perennidad de susconvicciones religiosas, no quiere ni hablarde tener compromisos, como el abandonode la ruedas de hierro de los tractores, quearriesgarían a poner en peligro la estructu-ra de las colonias.

Se trata de considerar de que manera laintransigencia religiosa de los Menonitas,que regula todos los aspectos de su sociedadpuede conciliarse con esta nueva prioridad,que es la gestión del potencial agricola alargo plazo en la región de Santa Cruz.

La colonisation mennonite en Bolivie

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Préface de Christian Huetz de Lemps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

Chapitre 1 • A l’origine des migrations, la non-conformité mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

LA PRÉGNANCE DE L’HÉRITAGE EUROPÉEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Naissance des Anabaptistes au coeur de la Réforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Menno Simons, le prédicateur éponyme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

UN SYSTÈME DE CROYANCE BASÉ SUR

UNE INTERPRÉTATION PARTICULÈRE DE LA BIBLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Des Chrétiens ni protestants, ni catholiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Une lecture de la Bible parfois extrême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

L'EXPRESSION DE LA NON-CONFORMITÉ MENNONITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Trois caractéristiques fondamentales de l’Anabaptisme pacifique . . . . . . . . . . . . . . .17

L'ethnocentrisme des mennonites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18

UNE COMMUNAUTÉ EN PLEINE EXPANSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18

Effets cumulés d'une forte natalité et de la reprise

de l'évangélisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18

La grande diversité des groupes mennonites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

UNE SECTE QUI FUIT LA CIVILISATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

Espoirs déçus au Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

Dispersion en Amérique Latine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

LA BOLIVIE, ULTIME DESTINATION DES PLUS CONSERVATEURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

L’accord avec le gouvernement bolivien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

L ' immigrat ion mennoni te, résu l tat de mot ivat ions mutuel les . . . . . . . . . . . .22

110077Grafigéo 1999-6

Table des matières

Table des matières

Chapitre 2 • La conquête de l’Oriente bolivien . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

UNE RÉGION LONGTEMPS ISOLÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

Au coeur de l'Amérique du Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

La fondation de Santa Cruz de la Sierra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

Le détonateur des mutations : la réforme

agraire d’août 1953 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

DES ATOUTS : L'ESPACE PHYSIQUE ET LE MILIEU NATUREL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

Un climat tropical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

Un milieu favorable à l’agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

L’ÉMERGENCE DE SANTA CRUZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Le rôle des voies de communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Une région pauvre en hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29

Santa Cruz , la nouvel le capi ta le économique du pays . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 1

Chapitre 3 • La société mennonite et son territoireconditionnés par une identité religieusesans compromis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

UN NOMBRE CROISSANT DE COLONIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

Une typologie non-exhaustive et un inventaire difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

Des localisations stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

L’exemple de deux colonies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37

LA RIGIDITÉ DE L'ORGANISATION INTERNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

La propriété foncière, instrument de

cohésion de la communauté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

Les formes institutionnalisées de l'autorité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

Un système d'éducation figé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41

Le paysage et l’habitat mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

UNE VIE RELIGIEUSE INTENSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

L'importance du culte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

Les étapes de la vie, les sacrements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

Le bannissement, une forme de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

Un uniforme mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

L'EMPRISE RELIGIEUSE SUR LE QUOTIDIEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

La place de la femme dans une culture patriarcale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Une infrastructure sanitaire déficiente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

Les moyens de transport des colons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

Des loisirs rares . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

Chapitre 4 • Un système de production agro-pastorale efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

UNE SOCIÉTÉ « CAPITALISTE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Une population rurale par essence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Équipement et financement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

L'atout d’une main d'oeuvre nombreuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56

UNE AGRICULTURE INTENSIVE ET SPÉCIALISÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

Des leaders dans la production du blé, la culture d'hiver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

Le dynamisme du soja . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Autres produits cultivés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60

Modes de transports et commercialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

ÉLEVAGE ET ACTIVITÉS NON AGRICOLES DANS LES COLONIEs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

Table des matières

Grafigéo 1999-6 110088

Essor de l'élevage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

Une réussite : les fromageries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

Le commerce et l'artisanat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

LE BILAN D'UNE " RÉVOLUTION AGRICOLE MENNONITE " . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .64

Contribution à l'expansion agricole cruceña . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .64

Présence en ville, le quartier mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .65

Chapitre 5 • Réalités écologiques du développement de Santa Cruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

DES MESURES LÉGALES APPROPRIÉES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69

Une prise de conscience récente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69

La réglementation de l'usage du sol par le PL.U.S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .70

Le contrôle de la déforestation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .70

DES PRATIQUES MENNONITES INADAPTÉES À UN ÉCOSYSTÈME FRAGILE . . . . . . . . . . . . . .71

Le défrichage total systématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71

L'absence de haies, facteur principal d'érosion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .72

Des sols tropicaux sensibles à la compactation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .72

LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DOIT DEVENIR UNE PRIORITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . .74

Gérer l'imperméabilité mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .74

Insuffisances des institutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75

Le délai d'adéquation : l'an 2001 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76

Conclusion • Les mennonites entrent-ils dans une période de transition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

DES PRÉOCCUPATIONS CROISSANTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82La quête de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

Les conflits avec la nouvelle génération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

Le Comité Central Mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

QUELLE VIE APRÈS LA COLONIE ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84Quitter la colonie, un choix lourd de conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

Vivre en Bolivie, hors de la colonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

VERS UNE COLONIE URBAINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85L’esprit d’entreprise mennonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

Une solidarité informelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

Un exemple isolé mais encourageant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89

Bib l iographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

L iste des cartes , f igures , tableaux et photos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

Résumés en français , angla is et espagnol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

110099Grafigéo 1999-6

Table des matières

Dépôt légal : septembre 1999