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La Belle au Bois dormant et son prince. Notes àpropos d'une grammaire fonctionnelle tripartite Author(s): Thomas Bearth Source: La Linguistique, Vol. 20, Fasc. 1 (1984), pp. 97-125 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248473 . Accessed: 14/06/2014 22:50 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.128 on Sat, 14 Jun 2014 22:50:55 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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La Belle au Bois dormant et son prince. Notes àpropos d'une grammaire fonctionnelletripartiteAuthor(s): Thomas BearthSource: La Linguistique, Vol. 20, Fasc. 1 (1984), pp. 97-125Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248473 .

Accessed: 14/06/2014 22:50

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NOTES ET DISCUSSIONS

La Belle au Bois dormant et son prince. Notes a propos d'une grammaire

fonctionnelle tripartite Thomas BEARTH

Au moment ois l'engouement pour la grammaire gendrative transformation- nelle (G.G.T.) cede peu A peu la place A des evaluations plus sobres, voire A de serieuses remises en question, on ne s'etonnera guere de voir apparaitre ici et lz des tentatives de nouvelles formulations d'une thdorie de la grammaire, suscep- tibles de combler le vide laisse par tant d'espoirs dhqus. C'est devant ce scenario

qu'on saura disment apprecier l'opportunit6 de la parution, en 1978, d'un livre de Simon Dik sous le titre 6vocateur de Functional Grammar (Amsterdam, North- Holland Publishing Company, xi + 230 p. Dfl. 55). Mais il serait faux d'y voir

simplement un produit de fortune qui aurait vu le jour au gr6 de la conjoncture. La grammaire fonctionnelle de Dik (F.G.) est l'aboutissement d'un long pro- cessus de maturation. On en trouve une version embryonnaire dans la these de doctorat de son auteur, parue en 1968, sous le titre de Coordination1. Dik y fonde sa d6marche, qui aboutira A une premiere ebauche de sa th6orie, sur une appre- ciation critique des deux tendances opposees qui dominent la scene dans la deuxieme moiti6 des annees 60, savoir le structuralisme distributionnaliste et la G.G.T., encore relativement homogene A cette epoque.

Functional Grammar, qui reste l'ouvrage de ref6rence, est suivi en 1980 par un volume d'etudes intituld Studies in Functional Linguistics (Londres, Academic Press) du meme auteur (Studies). De l'int&ret qu'a rencontrd ce nouveau fonc- tionnalisme, bien au-delA de l'equipe de chercheurs dirigee par Dik A l'Institut de Linguistique g6nerale de l'Universitd d'Amsterdam, temoigne, entre autres2, un num6ro double de la revue Glot (vol. 3, nOs 3-4), consacrd entierement, sous le titre de Perspectives on Functional Grammar, A la theorie de Dik (Perspectives).

Avant de nous risquer h un examen plus detaille de divers aspects de la theorie et de la pratique fonctionnalistes, developpees travers l'ensemble de

I. Coordination ; its implications for the theory of general linguistics, Amsterdam, North- Holland Publishing Company, 1968.

2. On trouvera une presentation de la F.G. par Dik lui-meme sous le titre Seventeen Sentences: Basic Principles and Application of Functional Grammar, dans E. Moravcsik et J. R. Wirth (eds), Current Approaches to Syntax (= Syntax and Semantics, vol. 13), New York, Academic Press, 1980, p. 45-75. Pour un bref r6sum6 de la F.G. voir Bernard Saint-Jacques, Les tendances fonctionnelles des th6ories syntaxiques post-transforma- tionnelles, La Linguistique, vol. 17, fasc. i (ig8i), p. io8 s.

La Linguistique, vol. 2o, fasc. I/1984 LL - 4

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98 Thomas Bearth

ces ouvrages, il nous semble indiqu6 de presenter un resume, lkgerement com- ment6, des grandes orientations de l'approche de Dik telles qu'elles apparaissent A la lecture de l'ouvrage de base, Functional Grammar.

I. Vue d'ensemble de la F.G.

D'entree, Functional Grammar reprend le debat amorc6 dans Coordination, tout en le replagant dans l'actualite. Sous forme d'un tableau synoptique, Dik

compare systematiquement les premisses de la F.G. aux principales theses de la G.G.T. Celle-ci, marquee par un souci prepond6rant de la formalisation, se voit

opposer un ensemble de theses resolument fonctionnalistes, gravitant autour d'une conception de la langue qui envisage celle-ci comme instrument de l'interaction sociale, et non plus comme ensemble de phrases. Corollairement, ce sont les conditions de son utilisation, et non un algorithme design6 pour representer une capacit6 psycho-intellectuelle du locuteur, qui fournissent les

principes permettant de comprendre et d'expliquer le fonctionnement d'une

langue. La primaut6 reconnue A l'usage a d'importantes consequences pour la

manibre d'envisager les composantes d'une theorie grammaticale et leurs rap- ports. Finie la fameuse autonomie de la syntaxe : La Belle au Bois dormant aura enfin trouv6, en la pragmatique, son prince, avec lequel elle fera desormais

m6nage commun en compagnie de la sCmantique, et tout cela grace A un fonc- tionnalisme mend A sa consequence logique.

Dik n'est pas le premier ni le seul A affirmer que l'organisation des unites

significatives d'une langue met en jeu trois types de variables, syntaxiques, simantiques et pragmatiques. On est donc surpris de constater qu'il ne mentionne

pas les travaux issus du Cercle linguistique de Prague, ou influences par lui, dans lesquels on trouve pourtant une conception analogue A la sienne (bien que diff6rant d'elle par la terminologie) de l'organisation tripartite de la gram- maires. Quelle que soit la cause de cette omission, l'originalit6 de la tentative de Dik ne r6side pas dans son postulat d'un systeme A trois composantes mais

plut6t dans la formalisation qu'il en propose. II ne faut pas conclure de ce qui a 6td dit plus haut que Dik s'inspire d'une

attitude entierement negative vis-A-vis de la G.G.T. Il souscrit par exemple explicitement (p. 6) aux exigences d'ad6quation explicative et descriptive d'une th6orie de la grammaire, tout en les reformulant dans une visee fonctionnaliste, et en ajoutant celle d'une ad6quation typologique. C'est IA plus qu'une nuance, car il faut reconnaitre la volont6 de l'auteur, manifeste A travers son livre en

d6pit d'une l6gare suprematie des illustrations tirdes de l'anglais, de soumettre ses hypotheses A l'6preuve d'une confrontation avec des donn6es provenant de

langues aussi diverses que possible et de rendre ainsi A l'empirie son r6le d'arbitre, et A la theorie celui qui lui revient, entre autres, d'outil d'apprehension des faits.

La F.G. se rapproche de la G.G.T. par un autre trait fondamental : elle se

presente sous forme g6n6rative plut6t que taxinomique. On y parle de formation

3. Voir par exemple Frantilek Danes, A Three-level Approach to Syntax, Travaux linguistiques de Prague, 1 (1964), P. 225-240; Michael A. K. Halliday, Notes on Transi- tivity and Theme in English, Journal of Linguistics, 3 (1967), p. 37-81 et 199-244 ; 4 (1968), p. 179-215.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 99

plut6t que de description statique de structures. L'essence de son appareil descriptif est faite de r6gles conques pour << gen6rer >> des formes de << surface > A

partir d'61lments primitifs << sous-jacents >>. Toutefois elle intbgre dans cette visee generative l'acquis du structuralisme taxinomique, notamment en recon- naissant un statut independant, d'd1lments primitifs, aux classes (categories) et aux fonctions, point de vue s'inspirant de la tagmemique de Pike et vigoureuse- ment soutenu dans Coordination.

D'autre part, Dik recuse formellement l'emploi de transformations abou- tissant A des modifications structurales (permutations, etc.), de predicats abstraits et de micanismes de filtrage. En somme, il 6limine de sa proc6dure analytique tout ce qui lui parait relever d'un formalisme arbitraire et risque de donner A celui-ci un poids excessif par rapport aux faits empiriques. Il en resulte, en un mot, une grammaire qui est generative sans ftre transformationnelle4.

Ayant, au chapitre premier, situ6 son approche sur le plan des notions relevant de la theorie gendrale, Dik reserve le chapitre 2 A une presentation du

plan d'ensemble de la F.G. Les principaux elements de ce plan constitueront les themes des chapitres ulterieurs (3 ~ 9) o0 ils seront d'velopp s, illustr's par des exemples et confrontes A divers points de vue theoriques. La suite de notre presentation s'articulera plus ou moins sur 1'expos6 du chapitre 2, en interpolant au besoin des complements d'information provenant des chapitres ulterieurs.

Quel est l'objet que la F.G. se propose d'&tudier ? Ce sont les << expressions linguistiques independantes >> des langues naturelles. Ces expressions sont definies en termes quasi bloomfieldiens par le fait qu'elles << ne dependent en aucune maniere du contexte precedent ou suivant >> (p. 15). Elles peuvent cependant etre non seulement des phrases isoldes, mais aussi des sequences de phrases dans la mesure ohi des regles syntaxiques interviennent dans leur formation. On conc6dera sans doute A l'auteur le droit de limiter l'explicitation de sa thdorie, dans un premier temps, A un domaine selectionne, qui est, en l'occurrence, l'nonc6 simple (mis A part le traitement accords aux subordonnees sous l'aspect de l'ordre des constituants aux chapitres 8 et 9). Ceci dit, on ne saura trop insister sur l'inter8t que pourrait avoir une extension de I'application des premisses de F.G. au-delA de la limite de la phrase. Cette possibilite, 6voquie en une seule phrase dans Functional Grammar6, aurait bien merite une certaine elaboration (amorc'e d'ailleurs dans un paragraphe de Coordination, p. 164 s.). II est en tout cas certain que le critere de l'independance syntaxique des expressions linguis- tiques, cite ci-dessus, deviendrait quelque peu alkatoire si l'on devait I'appliquer A la fois A des phrases simples et A des sequences de phrases.

Une expression linguistique independante est formee A partir d'un cadre pridicatif (predicate-frame) : c'est I'association d'un pridicat avec le nombre approprid de termes fonctionnant comme ses arguments.

4. Il n'est pas sans intirkt de rappeler A ce propos ce qui est probablement la pre- miere r6f6rence A Dik parue d'un point de vue fonctionnaliste dans un ouvrage de linguistique frangais. Georges Mounin, dans La linguistique du XXe silcle (P.U.F., 1972), le d6crit, A la fin du chapitre consacr6 A Chomsky, comme <, g6ndrativiste convaincu >> ayant 6t6 << amene ' renoncer au concept de transformation... puis a red&couvrir le concept de fonction... >> (p. 223 s.).

5. << It (functional grammar) is thus not restricted to the internal structures of sentences, inasmuch as there are combinations of sentences related by syntactic and semantic rules >> (Functional Grammar, p. 15).

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Voici l'exemple choisi par Dik pour illustrer cette notion :

givev (X1 : human (X,))Ag (X2)Go (X3 : animate (X3))Rec.

Cette formule repr6sente une entree lexicale sous-jacente. Elle est obligatoire- ment valid&e par une forme lexicale attestee en surface. Cette stipulation exclut d'emblde toute construction de representations abstraites.

Le cadre predicatif comporte les specifications suivantes :

i) la forme lexicale (give); 2) la categorie grammaticale de cette forme (v = verbe); 3) le nombre des arguments (X1, X2, X3); 4) les contraintes de sous-categorisation semantique portant sur certains des

arguments (Xj : humain, X3 : anime); 5) les fonctions semantiques (r6les) des arguments (X1 : agent, X2 : patient,

X, : destinataire).

Du point de vue semantique, le cadre prddicatif dans sa totalite est identi- fiable A un << 6tat de choses >>, notion qui donne lieu A un classement typologique des predicats selon une double opposition dynamique/non dynamique et volon- taire/involontaire (controlledlnon controlled).

Des specifications supplementaires permettent d'obtenir ce que Dik appelle une predication nuclkaire :

givev (dX1 : John (XN)) Ag Suj Top (dX2 : book (X2))Go Obj

(dX3 : Bill (X3))Rec Foc.

Cette formule correspond A I''nonc6 John gives the book to Bill. On notera les points suivants :

i) Les termes comportent une triple caractdrisation fonctionnelle : seman- tique (inhdrente A la structure 6lmentaire du prddicat give), syntaxique (Sujet, Objet) et pragmatique (Topique, Focus).

2) Les fonctions syntaxiques et pragmatiques sont << assignees >> A la structure elmentaire dej* sp6cifide du point de vue de sa valence semantique. Elles constituent des variables ind6pendantes par rapport A cette derniere et les unes

par rapport aux autres. Ainsi The book was given by John to Bill diffbre de la

phrase cit&e plus haut du point de vue des relations syntaxiques entre les termes, alors que leurs fonctions semantiques et pragmatiques restent constantes. D'autre part, (It is) John (who) gives Bill the book atteste une diff6rence dans l'attribution du trait de focalisation sans que les fonctions syntaxiques et seman-

tiques soient affect6es. 3) La structure interne des termes est precisde : elle se prdsente comme

prddication << ouverte >> ayant la forme gdndrale (wxi : p(xi) : ... Pn(xi)) oh w est un opdrateur (defini (d), indefini, numdrateur, etc.); xi prend comme valeur une relation sdmantico-syntaxique (Agent, Patient, etc.) qui determine son insertion dans l'ensemble de l'expression linguistique; p1 A n,, prennent leurs valeurs sur l'ensemble des predicats qui constitue le fonds lexical; les parenth6ses semblent indiquer, sans que cela soit dit clairement, une hidrarchisation interne des composants de termes complexes (syntagmes nominaux, constructions enchassees, etc.), dont l'engendrement est assure grace A la rdcursivite du proc6d6 de formation.

Les structures nucleaires, obtenues done A partir du predicat accompagne

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de ses arguments, se voient ensuite adjoindre des satellites de type circonstanciel, caracterises en general par le fait qu'ils ne sont pas impliques par le pridicat; Dik suggere (p. 49) que leurs possibilites d'apparition varient en fonction du

type d'&tat de choses exprime par le predicat. S'il est evident que les satellites ne sauraient 6tre gener&s

A partir des predicats de base, auxquels ils ne sont pas inherents, d'oui viennent-ils done ? La solution - A vrai dire A peine esquiss&e dans son application concrete - consiste A les introduire au moyen de << rgles d'expansion >>, seule formule rappelant, de tres

loin, les regles transformationnelles de la G.G.T. dans un systeme con;u

tout autrement. Il s'agit IA d'une operation de greffage m&thodologique dont les chances de reussite nous semblent douteuses. La reconnaissance du statut

particulier des satellites, distinct de celui des arguments, est sans doute une

hypothese valide. Leur integration dans les expressions linguistiques, 6tant donne le cadre thdorique de la F.G., pose par contre un probleme analogue A celui que poserait I'integration, si elle &tait serieusement envisag&e, des sequences de propositions et des structures depassant le niveau de la phrase : dans tous les

cas, il s'agit de savoir comment on peut intigrer, sans rupture de cohdrence de

l'appareil de formalisation, des predicats nucleaires et des elements extirieurs A ces pr6dicats dans des structures syntaxiques plus larges dont la source n'est

pas le pr6dicat lui-m6me. On se heurte ici A un ensemble de faits qui semblent

&chapper A une grammaire bas&e unilateralement sur les valences des predicats comme c'est le cas de la F.G. Pour pallier ce defaut, on voit mal comment 6viter le recours A des 'l1ments primitifs d'un ordre diff6rent de celui des predicats, s'inspirant par exemple de la logique des propositions ou, si l'on veut dviter les

dangers inherents A ce genre d'approche, de la tagmemique de Pike.

L'explicitation de la structure interne conduit I'auteur A amorcer au cha-

pitre 4 une theorie pragmatique de la refirence, bas&e sur la notion de restriction

progressive du champ rdfdrentiel dans une sequence de predications ouvertes. Seule reserve A ce sujet, mais d'importance : le parent pauvre dans l'affaire semble bien ftre le verbe en tant que point de depart du processus de gndiration d'expressions linguistiques. Comme on le constate souvent dans les grammaires formulkes en termes de la logique des predicats, le predicat, paradoxalement, se trouve etre reduit au r61le d'un opdrateur relationnel, depourvu de pouvoir ref6rentiel propre. Il se produit, de ce fait, une sorte d'occultation du verbe et de ses caracteristiques simantiques et structurales internes. On se demande

par exemple au nom de quel a priori, si ce n'est la vieille association, basbe sur une intuition naive et demontr&e fausse, entre substantifs et objets tangibles, on diniera au predicat la capacit6 de rifdrer, alors qu'on la reconnait aux termes arguments (p. 55). Que veut dire au juste l'affirmation que le pr6dicat, au lieu de ref6rer A des entites, n'exprime que leurs propri6tes ou leurs relations mutuelles ? La distinction entre pousser et tirer par exemple ne s'explique-t-elle pas par un contenu rdf'rentiel positif, fdit-il de type 6venementiel ? De m6me, il est symptomatique que les systemes constitues par les modalit6s verbales n'entrent pas dans les preoccupations de la F.G., et on ne voit pas comment elles trouveraient leur place dans la procedure qui conduit du pr6dicat A l'expression linguistique pleinement specifie'6.

6. Le chapitre 4 des Studies nous apprendra que l'introduction d'un op6rateur x, associ6 au pr6dicat, est pr6vu A cet effet.

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102 Thomas Bearth

Toutes les sp6cifications de base ndcessaires A la formation des expressions linguistiques sont en effet censies etre contenues dans les formules representant des predications 6largies (predications nucleaires compl6t"es des satellites). Celles-ci sont toutefois soumises A des contraintes supplementaires determinant notamment les possibilites d'attribuer aux termes specifies du point de vue semantique des fonctions syntaxiques et pragmatiques.

L'interaction des fonctions syntaxiques - seuls sujet et objet sont reconnus A ce titre - et des fonctions semantiques fait l'objet d'une hypoth6se, A pritention universelle, expos&e au chapitre 5. Une hidrarchie des fonctions semantiques (semantic function hierarchy = S.F.H.) determine les regles de combinaison des deux types de fonctions : le sujet exprime de prnfirence l'agent et moins aisiment, dans l'ordre descendant de probabilitY, le patient, le destinataire, le bdneficiaire, l'instrument, le lieu, le temps. S.F.H. stipule que toutes les fonctions semantiques se trouvant A gauche d'un point donne de cette echelle (point qui, lui, varie d'une langue A l'autre) peuvent acceder A une fonction syntaxique donn&e (sujet ou objet), alors que les autres fonctions semantiques en seraient systimati- quement exclues. Un tableau comparatif rdpertorie ces possibilitis de combi- naison pour une vingtaine de langues de type trbs varid (p. 8o). Ainsi en anglais, le sujet est compatible avec le patient et le destinaire (voir les possibilitis de

passivation de l'6nonc6 John gives the book to Bill) tandis que le frangais se rangerait sans doute, sur la base d'une phrase analogue A celle-ci, du c6te des langues qui bloquent le processus d'attribution du sujet au niveau du destinataire. On peut reprocher A cette tentative typologique de ne pas tenir compte du fait que les possibilites d'affectation du sujet, et donc l'application de la regle elle-meme, peuvent varier, A l'interieur d'une langue donnee, selon le verbe s6lectionn 7.

La composante pragmatique (chap. 6) est sans doute la clef de voAte de l'odifice, dans ce sens qu'elle est censee ancrer l'appareil gendratif de la F.G. dans le jeu de l'interaction sociale liee A l'acte de communication. La fonction

pragmatique specifie le statut informationnel des constituants d'une expression linguistique par rnfdrence au cadre communicatif dans lequel elle apparait (p. 128). Le cadre communicatif est tout ce que les interlocuteurs savent ou considhrent comme acquis au moment oh ils produisent ou interpretent une

expression linguistique. Mais cet acquis tend A tre reparti de fagon inegale entre le locuteur et l'auditeur. D'oh la necessite de distinguer entre information

partag6e et information non partagee, chacun des deux cas devant en outre etre diffdrencid selon I'appr6ciation subjective qu'en a le locuteur et celle qu'en a son interlocuteur.

Dik identifie quatre fonctions pragmatiques (p. 130 s.) :

Thme : un constituant ayant cette fonction introduit un domaine ou l'univers de discours par rapport auxquels la predication suivante est pertinente.

<< Tail>> : il s'agit d'information extraposee en fin d'6nonc6, destin&e A clarifier ou modifier aprbs coup la predication ou un de ses constituants (epexeghse).

Topique : c'est l'entit6 au sujet de laquelle la predication<< pr6diquex quelque chose.

7. Nous devons a Rcmy Jolivet I'exemple suivant qui illustre, pour le verbe frangais passer, la possibilit6 d'un sujet A fonction sdmantique temporelle : La journie s'est passie d icouter des disques.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite I03

Focus : le constituant focalis6 porte l'information la plus importante ou la plus saillante par rapport A l'information pragmatique partag6e par le locuteur et

l'auditeur, selon l'appr&ciation du premier.

Du point de vue syntaxique, Theme et Tail sont exterieurs A la pridication, tandis que Topique et Focus sont des fonctions pragmatiques assignees A des termes internes A la predication; Theme et Tail peuvent etre supprimes sans que l'expression linguistique en tant que telle soit invalid&e, ce qui n'est pas le cas pour Topique et Focus. On peut se rejouir de disposer ainsi d'un critere operatoire de diff6renciation entre Theme et Topique. Reste savoir s'il est universellement applicable8.

Une autre distinction importante est celle entre sujet et topique, nonobstant leur rapport privilkgie favorisant leur coincidence : l'attribution de la fonction de sujet A un constituant permet au locuteur de presenter un 6tat de choses dans une certaine << perspective ), le choix du topique, par contre, reflete son appr&- ciation de l'information pragmatique disponible A l'interlocuteur en rapport avec ce qui est dit (p. 143).

Cette fagon de circonscrire le domaine de la composante pragmatique et d'en definir les concepts de base appelle un certain nombre de remarques d'ordre general :

0) La discussion des concepts pragmatiques tels que topicalisation et focali- sation est confin&e au cadre restreint de la phrase. II en resulte, dans ce domaine plus qu'ailleurs, un a priori malencontreux conduisant A 6liminer ipso facto toute consideration de facteurs pourtant determinants de la dimension textuelle. Nous verrons que l'absence de celle-ci dans F.G. a des incidences conside'rables sur le statut de notions telles que sujet et objet par rapport A l'articulation pragmatique de 1'enonce. Par ailleurs, on serait sans doute amene, en replagant la F.G. dans un contexte verbal et non verbal plus vaste, A y incorporer d'autres aspects de la pragmatique que ceux qui sont pris en consideration jusqu'ici dans Functional Grammar.

2) Les d6finitions, ainsi que les exemples donnes pour les illustrer, des notions de Topique et, corollairement, de Focus font apparaitre une tendance A les interpr6ter comme synonymes d'information donn&e et d'information nouvelle respectivement (bien que Dik se refuse d'accorder un statut linguistique A cette derniere opposition).

3) Sous ce rapport, il faut regretter que Dik ignore apparemment l'etude classique des diff6rents niveaux de structuration de l'enonc6 anglais faite par Halliday dans Notes on Transitivity and Theme (voir n. 3), 6tude dont l'intre~t reste considerable et n'est nullement restreint aux sp&cialistes de I'anglais. Par exemple, la maninre dont Halliday applique la distinction marqu6/non-marqu6 aux domaines de la topicalisation et de la focalisation aurait probablement aid6 Dik A resoudre son dilemme face au problkme des topiques multiples. Cette meme distinction lui aurait ete utile pour mieux cerner la valeur pragmatique des trois 6nonces That man, I hate him; I hate that man; That man I hate (p. 141 s.).

8. Sous quelle rubrique Dik classerait-il les rappels intercal6s dans la phrase, assez frequents en franqais oral ? Par exemple : Elle sera, cette tempirature, de 15 OC l'apres- midi (bulletin m6t6orologique de Radio-Suisse romande). Ou : II savait, Pierre, qu'on ne l'abandonneraitjamais. Comparer la note i I, ci-dessous, A propos de la position post- verbale de ces intercalations.

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o104 Thomas Bearth

Alors qu'il qualifie de << simple question de presentation >> la diff6rence entre le premier (oi that man est le theme) et les deux autres, celle entre les deux derniers 6nonc6s est apparemment jugee negligeable, car that man y est indistinctement identifi6 comme topique, sans rien de plus. Qu'il s'agisse de << simples questions de presentation >>, soit! Mais ce sont precis*ment ces nuances dites de presen- tation qu'il s'agit d'expliquer lorsqu'on cherche A deceler, A travers les agence- ments varies de l'Fnonce, la stratigie communicative du locuteur. Bien

stsr, il ne

suffit pas de dire que That man I hate comporte un topique marque, tandis que I hate that man est non marque du point de vue de la topicalisation; les choix de cet ordre et les categories qui les conditionnent ne s'dlucident que lorsqu'on prend en consideration le discours dans sa totalit6.

4) L'opposition Topique/Focus A elle seule est loin de capter de fagon adequate la complexit6 de I'articulation pragmatique exhibee par la proposition dans les langues du monde. Watters etablit cinq categories de focalisation formellement diff6rencide's dans une langue bantoue du Cameroun, qu'il decrit d'ailleurs en utilisant le formalisme de la F.G.9.

La valeur theorique et heuristique de l'analyse pragmatique de Dik n'est cependant pas remise en cause par nos remarques. Celles-ci ont surtout pour but de rappeler qu'une typologie satisfaisante de la structure pragmatique reste A elaborer. Dik s'en est d'ailleurs apergu et a proposi, dans un article contenu dans le volume Perspectives, une typologie de la focalisation, s'inspirant en partie des donn~es de Watters.

Une fois que la predication est assemblke et que ses termes sont pleinement specifi6s des points de vue semantique, syntaxique et pragmatique, interviennent, dans une derniere 6tape, les rHgles dites d'expression. Elles ont pour tache de specifier la rialisation < en surface >> des structures assemblies - mais non encore ordonnees, linearisees - au niveau des predications et de leurs termes. Elles reglent donc, par rnfrence aux fonctions, l'insertion des marqueurs de cas, des pre*- et postpositions, des marqueurs diathetiques, les phenomenes d'accord, l'ordre des constituants et l'apparition des traits prosodiques intonatifs et accentuels (p. I57). Il nous semble utile de preciser que l'ensemble de ces regles d'expression trouvent leur place sous la rubrique de la syntaxe. Mais A la diff6rence des fonctions syntaxiques, elles n'ajoutent rien aux choix d'ordre semantique et pragmatique opr6's au niveau de la predication qu'elles sont au contraire censees exprimer. Au plan methodologique, il est important de noter (meme si Dik ne le dit guere explicitement) qu'elles servent de criteres pour evaluer les hypotheses enoncies A propos des fonctions s6mantiques et pragma- riques. Toute l'ceuvre de Dik atteste, en effet, son adhesion au principe fonda- mental de la co-determination, en linguistique, de signifie et signifiant, usage et forme, principe qui implique qu'une diff6rence presum6e au niveau des fonctions n'est acquise qu'en vertu d'une demonstration de ses corr6lats formels. (Ceci paraitra evident A certains, mais ne I'est plus lorsque l'intuition en est venue parfois A usurper la place de l'empirie.) La formulation des rbgles, dans les quelques cas oih elle a ete tentee, est dans l'ensemble proche de la prose ordinaire et fait un usage mod&re des formalisations.

9. John Watters, Focus in Aghem, dans Larry M. Hyman (ed.), Aghem grammatical structure (Southern California Occasional Papers in Linguistics no. 7), Los Angeles, 1979, P. 137-188. Voir aussi du meme auteur le compte rendu de Functional Grammar dans Lingua, 50 (i980), p. 155-I7I.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 105

Le chapitre 7 offre une typologie des systzmes casuels. Rien de bien nouveau ici. Cependant, le fait que les marqueurs de cas peuvent se rapporter, selon la

langue, soit aux fonctions syntaxiques soit aux fonctions semantiques, rend

compte de faqon incontestablement avantageuse de certaines divergences entre les langues dans ce domaine. Ainsi les cas des langues actives s'articulent sur les fonctions simantiques (agent, etc.), tandis que ceux des langues nominatives s'articulent sur les fonctions syntaxiques (sujet, etc.).

Quant au troisieme systeme recense, l'ergatif, Dik, suivant en cela la thrse soutenue par S. Anderson et B. Comrie, pense que le cas ergatif s'explique face A l'absolutif non marque moins par un besoin de caracterisation positive des fonctions que par un besoin de diff~renciation dans le cas oh deux termes sont

juxtaposes (p. 162). Il est rassurant de constater que le m8me principe, A savoir l'6conomie des marqueurs en fonction de la distinctivit6 du message, a etd invoque par Martinet dans son explication du meme phenomeneo0. D'autre part, Dik formule une hypothbse sur << la mont&e et le declin >> (Studies, p. I 115) des langues ergatives. Le cycle 6volutif se met en branle sous l'impulsion d'un mecanisme

qui occupe une place de choix dans la vis&e diachronique de la F.G., et que Dik appelle markedness shift. Dans un systeme ayant une construction active et une construction passive, cette derniere, 6tant marquee au depart, finit par s'attirer les faveurs de l'usage, marginalisant du meme coup la construction active

correspondante, qu'elle finit par &clipser totalement. Les pref6rences usuelles

reglant l'attribution des fonctions syntaxiques aux fonctions semantiques (S.F.H.) entrainent une reinterpretation du complement d'agent du passif comme sujet et du patient comme objet. Ce nouveau sujet portera la marque << ergative >>, reminiscence du cycle parcouru, alors que le sujet de la phrase intransitive, qui n'a pas subi ce processus, n'en sera pas affect6.

L'ordre des constituants est bien le terrain favori sur lequel s'affrontent depuis deux decennies les hypotheses d'universalit6. Rien d'6tonnant done que les chapitres 8 et 9, qui traitent de ce sujet, I'abordent d'emblee dans cette optique. Il convient de souligner, cependant, le refus categorique du recours A l'hypothese de structures profondes dont les agencements de surface seraient derives, refus decoulant des principes de base de la F.G. Les hypotheses retenues en faveur de principes d'organisation universels resultent de l'interaction de trois tendances (<< preferences >>, dans la terminologie de Dik, p. 179), motivees par les conditions dans lesquelles la communication verbale a lieu : a) tendance A assigner A la mzme position des constituants ayant la meme specification fonc- tionnelle; b) attribution pref6rentielle de certaines positions speciales dans la chaine h des fonctions specifiques (PI dans la formule ci-dessous); c) tendance B faire concourir progression de gauche A droite et complexite accrue des consti- tuants.

Resultante dujeu de ces forces contradictoires, I'ordre de base des constituants se conformerait universellement au schema suivant :

Theme, P1 (V) S (V) O (V), Tail.

L'interft d'une telle formule est en principe proportionnel au nombre (et A l'importance) des sequences qu'elle exclut. Theme et Tail sont extraposes par

so. << Pour une linguistique des langues>>, Foundations of Language, 3 (1973), P- 339- 369. (Version anglaise sous le titre A linguistic Science for Language and Languages dans Studies in Functional Syntax, Munich, 1975, p. 9-32.)

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io6 Thomas Bearth

d6finition. P1 est 6galement fixe. Il s'agit - hypothhse int'ressante en soi - d'une position initiale, non identique A celle du Th6me, que toutes les langues reserveraient A des usages speciaux : placement de constituants relativisis, interrogatifs, focalisbs ou topicalisbs, ainsi que de conjonctions subordonnantes. A cc propos, nous ferons toutefois remarquer que ces derni&res ont souvent (pas seulement en frangais) tendance A preceder le Theme et, A plus forte raison, le

Topique' : II dit que, en ce qui concerne son sljour d Paris, il avait It6 dipu. Une fois qu'on aura tenu compte des positions fixes en marge de la prcdi-

cation proprement dite, il reste donc, pour le noyau pr&dicatif, la formule

(V) S (V) O (V). On voit sans difficulte que la seule contrainte que cette formule impose A l'ordre des constituants dans les langues du monde est la proscription des schemas dans lesquels l'objet precede le sujet, A savoir VOS, OVS et OSV. Il est bien connu qu'il existe un certain nombre de langues qui ne s'accommodent pas sans difficulte de cette regle. Ce probl6me occupe une place importante dans le volume des Studies, et nous aurons done l'occasion d'y revenir.

L.I.P.O.C. - C'est le nom donne A une seconde hypothse universelle concernant l'ordre des constituants, qui nous est pr6sent6e au chapitre 9 et qui, A la difference de la formule precedente, tient compte des caracteristiques internes des categories. L.I.P.O.C. (language-independent preferred order of consti- tuents) est essentiellement une explication de la tendance, presumee universelle, A placer les constituants moins complexes avant les constituants relativement plus complexes (p. 21). Lorsque ce principe interfere avec le schema d'agencement des fonctions d'une langue, il peut modifier ce dernier dans le sens de L.I.P.O.C. La variation positionnelle de I'objet dans la phrase declarative franCaise illustre ce principe : position pr6verbale quand il s'agit d'un pronom, premiere position postverbale quand I'objet est un groupe nominal simple, rejet vers la fin de la

phrase dans le cas d'un groupe nominal << encombrant > et, obligatoirement, dans le cas d'une subordonnre compl tive. Un principe tel que L.I.P.O.C. est, comme le souligne Dik (p. 19o), plus apte A rendre compte des variations d'ordre de ce genre, dont on trouve des exemples dans les langues les plus diverses, que des transformations d6pourvues de motivation fonctionnelle et

op6ant sur des structures de base hypoth'tiques. En somme, ce qui fait I'originalit6 de l'ouvrage de Dik, c'est la tentative

d'integrer, d'un point de vue fonctionnaliste, certains aspects de la s6mantique et de l'acte de communication lui-meme dans un moddle explicite et formalis6.

II ne serait par ailleurs pas raisonnable d'attendre sur A peine plus de 2oo pages un expos6 exhaustif d'une th6orie de la grammaire dans toutes ses ramifications. En marge d'un noyau solidement raisonn6 et soigneusement document6 qui couvre les grandes options de la F.G., on trouve done des ebauches et des

tatonnements, dont I'auteur - que cela soit dit en son honneur - n'h6site pas A souligner le caracttre provisoire et hypoth6tique.

i1. D'autre part, Dik admettra que le postulat de l'universalit6 de la position P, devra itre assoupli (Studies, p. 136). Ainsi l'aghem (cf. n. 9 ci-dessus) priviligie, pour la focalisation, les positions adjacentes au verbe. D'un point de vue plus g'n6ral, le cas de l'aghem sert A mettre en relief un point capital qui, A notre avis, est ndglig6 dans la typologie propos'e par Dik, A savoir le r61le pivotal du verbe dans l'organisation de l'6nonc6 et partant dans l'agencement de ses constituants.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 107

2. Ouvrages parus dans le sillage de Functional Grammar

Le lecteur int6ress6 saura donc gre A l'auteur d'avoir mene A bien et complete, dans le volume Studies, certaines analyses amorcees dans Functional Grammar, tout en 6laborant et precisant d'importants aspects de la th6orie. Aprbs un resume du cadre theorique de la F.G. (chap. i), les Studies contiennent une serie de neuf 6tudes, portant sur les themes suivants : formation de predicats derives (2), la construction factitive du n~erlandais (3), pr6dicats non verbaux (4), les langues ergatives (5), ordre des constituants (6), evolution des langues VSO vers le type SVO (7), sujet postverbal dans les langues bantoues (8), coordina- tion (9) et constructions << clivees >> et << pseudo-clivees >> (io).

En ce qui concerne Functional Grammar et Studies, il nous faut signaler les excellentes qualites pedagogiques de ces deux ouvrages, qui en rendent la lecture agreable, tout en facilitant leur utilisation A des fins de reffrence et de

comparaison. Si les Studies se presentent avant tout comme une quete de validation empi-

rique de la theorie, 6manant de la plume de Dik lui-m6me, le volume des

Perspectives, edit6 par Teun Hoekstra, reunit les travaux d'une bonne douzaine de chercheurs (dont Dik lui-meme). Dans une premiere section, on trouve des etudes qui s'inscrivent dans les grandes lignes de la F.G., sans exclure les remises en question de d6tail. La gamme des langues dont les echantillons sont prdleves et examines en termes de la theorie de la F.G. s'en trouve consid6rablement

6largie : on y traite des fonctions syntaxiques du serbo-croate, du theme en

hongrois, de la copule en hebreu moderne, d'un type d'6nonc6 verbal sans

sujet en sarnami, de l'ordre des constituants en neerlandais langue seconde d'ouvriers immigres, des fonctions semantiques en murut, langue de Borneo, et enfin, dans une optique translinguistique, de la valence des verbes d'enseigne- ment tels que le latin docere, I'anglais teach et le franqais apprendre. Deux contri- butions s'appuyant en partie sur des donnees de langues africaines, A savoir Dik et al., On the Typology of Focus Phenomena, et Jan de Jong, On the treatment of Focus Phenomena in Functional Grammar, constituent des developpements signifi- catifs de la composante pragmatique et retiendront notre attention A ce titre.

Enfin on est informS, grace A un article de Kwee Tjoe Liong, sur les propo- sitions relatives, d'un projet de traitement par ordinateur, appliquant le sys- teme F.G. A un corpus de donnies anglaises. L'interet d'une telle mise sur ordinateur est incontestable dans une visee gen rative, sans parler de ses appli- cations possibles. Mais faut-il aussi y voir le test supreme de la validation d'une

thdorie ? On ne nous le dit pas. La deuxieme partie des Perspectives apporte une evaluation de certains

aspects de F.G. par des tenants d'autres theories. Le point de vue de la grammaire relationnelle, un rejeton de la G.G.T. chomskyenne, dont elle garde le pre- suppos6 autonomiste en matiere de syntaxe, est represent6 avec vigueur dans deux contributions, dont une de la plume de David M. Perlmutter, promoteur de cette theorie, l'autre sur le choctaw, par William D. Davies.

D'un point de vue diametralement oppose, A savoir celui de la grammaire des cas (dans sa version ( localiste > de S. Anderson), J. L. Mackenzie met en evidence les faiblesses du systeme des fonctions semantiques postulI par Dik. En revanche, Theo M. V. Janssen montre que F.G. est reformulable A bon escient en termes de la grammaire logique de Montague.

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Io8 Thomas Bearth

Nous selectionnerons, pour la suite, un certain nombre de theses et d'analyses reperees surtout dans les Studies, que nous nous proposons d'examiner des points de vue de leur coherence interne, de leur conformit6 aux donnies et, sporadique- ment du moins, de leurs implications mdthodologiques et theoriques plus vastes. C'est A propos de ces dernieres surtout qu'il sera utile de tenter un rapproche- ment avec la syntaxe fonctionnelle d'Andrd Martinet, pour laquelle nous nous ref6rerons principalement A deux ouvrages de cet auteur : Studies in Functional Syntax (Munich, Wilhelm Fink Verlag, 1975) (= S.F.S.)a2, et Grammairefonc- tionnelle du franfais (Paris, Didier-Crddif, 1979) (= G.F.F.).

3. La dirivation dans F.G. (Studies 2)

Un pridicat deriv6 (qu'on se rappelle que < predicat )> est A prendre, du

point de vue de F.G., dans le sens qu'a ce terme dans la logique des predicats) est le resultat de l'application A un pr6dicat de base d'une regle de formation de pridicat. Une telle regle n'est integree dans la grammaire que lorsque le

processus de derivation qu'elle reprdsente est synchroniquement productif. Cela veut dire que la regle doit tre specifiable en termes d'une propri6te generale commune A tous les &l1ments auxquels elle est applicable, sans qu'il soit necessaire de les enumdrer un 'A un (p. 26). Dik donne comme exemple d'un tel cas le diminutif des noms (pr6dicats nominaux) en hollandais, et comme contre- exemple la formation des noms collectifs dans cette m6me langue.

Notons d'abord que Martinet (G.F.F., 6.65) admet qu'un procede est productif des qu'il est impliqud dans la creation lexicale contemporaine. Mais Martinet n'invoque pas le criteire du caractere regulier de cette utilisation.

Il semble ndcessaire, pour bien cerner le phenomene de la derivation sous

l'angle de sa productivitd, de distinguer les cas suivants : a) formations figees (done totalement improductives); b) dtat de productivite sporadique, regl&e par l'usage; c) formations limities par un critere semantique applicable A une sous-classe lexicale; d) procedds applicables sans restriction A une grande classe grammaticale (par exemple nominalisation des verbes, adverbialisation des adjectifs, etc.)'a.

La question de savoir ois et selon quels criteres tracer la limite entre lexique et grammaire A propos des phenomines de ddrivation a donn6 lieu A des hypo- theses d'explication treis varides, voire opposdes, dans la theorie G.G.T.'4. Et on

comprend que cette question ne perd rien de son actualitd dans un cadre autre- ment congu, mais tout de meme gdndratif, comme celui de la F.G. Dans une telle

12. Studies in Functional Syntax est un recueil d'articles d'Andr6 Martinet, 6crits en frangais ou en anglais, dont la publication originale date des annees 1956 a 1973 et qui sont, pour reprendre les termes de l'avant-propos, << cens6s jalonner la progression vers une thdorie de la syntaxe conque comme un chapitre strictement limit6 encore qu'essen- tiel de la description des langues>. En fin de volume, chaque article reproduit en anglais est r6sume en frangais et vice versa. Nos r6f6rences renverront A la pagination continue du recueil, et non A celle des articles originaux, reproduite dans certains cas en haut de la page.

13. Nous avons essay6 de traiter succinctement un corpus pr'sentant ces caract&- ristiques dans Thomas Bearth, L'inonce toura (S.I.L., Norman, 1971), I 1.8.

14. Voir par exemple Ray S. Jackendoff, Semantic Interpretation in Generative Grammar (Cambridge Mass., M.I.T., 1972), p. 22.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite log

optique, il parait raisonnable de traiter les cas c) et d) dans la grammaire et de

rel6guer les cas a) et b) dans le lexique, comme le fait d'ailleurs Dik. Du point de vue de Martinet, pour lequel la taxonomie des unites significa-

tives est determinante en vue de l'explication de leur fonctionnement, cette

question, sans 6tre ignor6e (voir par exemple S.F.S., p. 179), passe nettement au second plan apres le probleme de la delimitation entre synthematique et

syntagmatique. L'unicitd du choix et ses corr6lats operatoires (S.F.S., p. 189), en conjonction avec la complexit6 monematique, sont decisifs pour l'attribution du statut de syntheme, qui s'oppose A celui de syntagme. Ce dernier resulte de la concatenation de monemes representant chacun un choix distinct dans le deroulement du discours, alors que le syntheme n'en represente qu'un seull6.

Dik donne comme exemple de ce qui correspond A notre cas c) une classe de verbes designant I'action de recouvrir une surface d'une matiere liquide. Il s'agit de verbes du type de l'anglais to smear. Ces verbes construisent leurs

complements de deux manibres diffdrentes :

x) John smeared paint on the wall; 2) John smeared the wall with paint.

Une analyse de ces exemples et de nombreux cas analogues revble dans 2) la

presence d'un trait semantique de << completude >, qui est absent dans 1). Une alternance tout A fait analogue de deux cadres predicatifs applicables au meme verbe est observee en kannada, langue dravidienne, oh elle opere cependant A une &chelle plus vaste. On la retrouve aussi en hollandais, A la nuance pres que dans cette langue elle se concretise au niveau du verbe par un prefixe d&rivatif a valeur de complitude (smeren/besmeren). Considerant que la presence ou l'absence d'un tel prefixe dans difftrentes langues n'a trait qu'a la diversite des moyens d'expression utilis6s pour obtenir le meme type de predicat de complitude A partir d'un predicat simple, Dik se croit autorise A postuler dans tous les cas cites un procdd6 analogue de derivation. En anglais et en kannada, cette d6rivation serait indiquee par une marque zero16.

Dans des cas analogues, Martinet opte en faveur d'une homonymie indiqu&e par la configuration des fonctions, ainsi a propos de jouer de, jouer ci, jouer + objet direct (G.F.F., 4.20 c). Dik, ayant considere cette possibilit6, qui reviendrait A admettre deux entrees separees de smear dans le lexique, la rejette parce qu'elle ne ferait pas ressortir formellement le rapport systematique cens6 exister entre les deux emplois, non seulement dans le cas de smear mais aussi dans de nombreux cas analogues. Quant A Martinet, il envisage (mais sans trancher) la possibilit6 d'une derivation a affixe zero a propos du passage de pioche (nom) A (il) pioche (radical verbal) (G.F.F., 6. I3 a). Mais il est clair que pour lui une telle hypothese ne pourrait 6tre admise que lorsqu'il y a transfert de cat6gorie grammaticale,

15. On trouve trois articles fondamentaux consacr6s k ce sujet regroup s dans S.F.S. sous les nos i6, 17 et 18.

16. Studies, p. 37. Mais Dik a tort d'6crire < that in English the derived predicate is in no way formally marked as such >> (italiques de nous). S'il est vrai que la composition mondmatique de la base et du derive ne manifeste aucune diff6rence formelle, une telle diff6rence apparait cependant au niveau des complements et des prepositions qui les accompagnent. Il s'agit bien 1 d'une diff6rence de forme, que l'on interpr6tera, comme le fait d'aillcurs Dik lui-mkme, cornme une substitution d'un cadre predicatif a un autre.

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I10 Thomas Bearth

ce qui n'est pas la meme chose qu'une substitution de cadre predicatif A l'int&ieur d'une meme classe.

La manitre dont Dik rapproche et integre des faits comparables provenant de langues diverses n'est pas sans rappeler les proc&6ds de la semantique g6n6- rative. A ce titre, la d6couverte d'une categorie translinguistique de << compl&- tude >> est sans doute A retenir comme resultat interessant. D'autre part, on est bien oblige d'admettre que l'aspect syntaxique du problkme s'en trouve ramen AA un simple 6piphenomene d'une analyse semantique A pretentions univer- salistes.

Cette tendance A la reduction atteint le stade d'une veritable occultation de la r6alite syntaxique lorsque Dik propose une analyse nouvelle des composes agentifs de 1'anglais selon une analogie d'un proc&6d dit d'incorporation, qu'on trouve entre autres dans des langues amerindiennes et qui consiste integrer, dans la structure du verbe, une representation du signifiant du complement. D'apres ce principe, le compose anglais bird catcher resulterait de la combinaison de deux processus de formation de predicat (p. 41) :

i) A partir d'un pr6dicat nominal birdN (xx :anim (xl)) et d'un predicat verbal catchv (xx :anim (xl))Ag (x2 :anim (x2))Pat, on obtient, par la regle d'incorporation du patient, un pridicat d&rive { bird-catch }y (xl : anim (xi)) Ag;

2) { bird-catch }v se conforme sans difficult A la r~gle de derivation agentive, applicable A un predicat verbal quelconque : PV(x1) Ag Pv,-er }N(x1), donc *bird-catch - bird-catcher.

Comme Dik le note, il s'agit d'un procedd productif : car driver, school teacher et de nombreux autres composes sont formes selon ce m6me module sans que d'ailleurs le nom incorpore ait necessairement, par rapport au verbe, la fonction de patient.

Or, la regle d'incorporation, qui est au centre de cette analyse, interfhre manifestement avec le principe syntaxique qui preside A la formation de ces

composes en anglais. Il serait, en effet, difficile A accepter que car driver et car

mechanic, tous deux incontestablement des composis agentifs, relhvent de deux moddles de construction diff6rents. Si la filiere de derivation (pour cette notion et sa representation graphique, cf. G.F.F., 6.9) de car driver passait, comme

l'analyse de Dik I'implique, par *car-drive, quelle etape intermediaire faudrait-il

poser pour aboutir A car mechanic ? L'idte qui s'impose serait de postuler *car-

repair, qui, A I'aide de la derivation agentive, aboutirait A car mechanic, moyennant une suppletion des radicaux (repairAg -+ mechanic) dans le second membre. Si l'on voulait bien admettre un tel artifice pour la circonstance, que dire cependant de series homologues telles que school teacher (fonction locative du nom incor-

pord ?), school boy, schoolgirl ? Quittant le terrain des agentifs, nous ne voyons pas de raison de ne pas reconnaitre le meme principe d'organisation que dans car driver aussi dans car accident, car key, etc. Dans tous ces cas, la formation du

compose correspond au moddle pr6dominant de la composition nominale

anglaise, A savoir celui d'une sequence d6terminant-determind. La filiere correcte de car driver, bird catcher, etc., passe donc pour nous par la constitution, en un premier temps, d'un nom agentif deverbal (drive + -er, catch + -er), en

gen'ral attest' sous cette forme, puis, dans un deuxibme temps, par la combi- naison de deux noms selon le sch6ma predominant de la d6termination. Point n'est besoin de formes intermediaires hypoth6tiques du type *car-drive, *bird-

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 11I

catch, etc., qui sont contredites par l'ensemble des faits relatifs A la derivation et A la composition de l'anglais.

On objectera peut-6tre que le sens de car driver et de bird catcher est lii A l'attribution du r61e de patient au premier element, et que cette attribution est pr6codee dans la valence des verbes. Ne s'agit-il pas 1I d'un 1Clment du savoir

linguistique (de la << comp6tence >>) du locuteur qui est indispensable A la forma- tion et A l'interpretation correctes du compose, et qu'une description compl6te doit rendre explicite, comme la r6gle d'incorporation le fait si admirablement ? A supposer que cette vue des choses soit juste, par quel moyen les locuteurs

anglais savent-ils, sans que cela leur semble causer le moindre probl6me, que car est instrumental dans car accident et patient dans car key ? Et comment s'y prennent-ils pour ne pas se tromper sur l'interpretation de University teacher en face de par exemple English teacher ?

Il est clair que la capacit6 du locuteur d'expliciter correctement (par exemple au moyen d'une paraphrase) les relations sCmantiques entre les composants est

independante de la relative transparence ou opacite structurale du syntheme. Il s'agit donc, en somme, d'un savoir d'ordre lexico-pragmatique que s'integrent globalement, et non pas analytiquement, les formations synthematiques (voir A ce sujet S.F.S., p. 179).

On peut bien siur tenter de pousser plus loin la dCcomposition lexicale, comme cela est d'ailleurs prevu dans le programme de F.G. (Perspectives, p. 8), selon un proced6 inductif sommairement illustr6 A l'exemple de assassinate

(<-- murder an important politician ; murder +- kill intentionally). Alors rien n'emp6che de voir en mechanic le derive agentif de repair, paralldlement A driver/drive, dans

key un derive instrumental de open (ou de close ?), ce qui permettrait d'incorporer ce savoir lexico-pragmatique dans la description selon une m6thode homogene. Nous ne nous attarderons pas sur la question de savoir si ce qu'on decrit ainsi est bien un aspect de la langue ou une intuition qu'on a de l'experience. II suffit de noter que les intuitions qu'on peut avoir sur la maniere de construire, par exemple, une analyse semantique adequate de car accident risque de diverger consid6rablement.

La dCmonstration de cette impasse n'est pas nouvelle. Elle est rappel'e ici non pas dans l'intention de decourager toute tentative visant A laborer une axiologie A partir des faits syntaxiques, mais bien parce qu'avant de le faire, il est indispensable de se rendre compte de l'absence d'isomorphisme entre les deux plans. Et cet h6teromorphisme n'est pas accidentel, mais constitutif du langage, car il fonde, face A la complexite de l'expCrience, face aussi A la multiplicite des analyses cognitives, la versatilit6 de la syntaxe, corrClat de l'&conomie des moyens qu'elle met en oeuvre. Et il fait qu'en derni&re analyse, la syntaxe n'est pas soluble - sans residu important du moins - dans un bain de cat6gories semantiques, si ingCnieusement conques qu'elles puissent 6tre.

4. La construction factitive dans F.G. (Studies 3)

En traitant de la construction factitive (ou causative) en hollandais, Dik renvoie dos A dos l'explication transformationnaliste classique, bAtie sur la conjonction de deux phrases sous-jacentes, et celle, plus r6cente, de la grammaire relationnelle priconisde par Comrie et promue par lui au rang de principe universel.

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II2 Thomas Bearth

Dik oppose A l'universalit6 de cette hypothese, dont il ne nie pas l'int'ret, I'6vidence fournie par la construction causative du hollandais (form&e avec laten << faire, laisser >). II propose, se limitant modestement au cas du hollandais, une solution F.G., au coeur de laquelle se trouve l'id'e d'un pr&dicat causatif derive A l'aide de laten et dont la base serait le verbe apparaissant A l'infinitif. Alors que l'auteur de l'action - ou agent primaire (Ago) - est toujours le sujet, l'agent << secondaire >>

(Agx) pose un probl6me d'integration syntaxique (dont la

solution dans diverses langues est precisement ce qui a retenu l'intrCet des

syntacticiens). Pour le hollandais, une s6rie des r'gles hierarchis6es assurent, dans le cadre pr'dicatif modifie par la derivation, I'encodage de Ag1 soit comme

objet direct (conduisant alors A des phrases B double objet) soit comme compl6- ment prepositionnel marque par door ou aan.

L'analyse de Dik appelle de notre part deux remarques, dont la premiXre vise le maniement des donnees et la seconde les retombees qu'on peut attendre

pour une saine typologie d'un renoncement aux pr6tentions precoces A l'univer- salite de certaines hypotheses.

I. Dik cite (p. 58-59), A la suite de Comrie, le factitif frangais comme illus- trant de fagon presque parfaite l'interpretation purement syntaxique et trans- formationnelle preconisbe par les tenants de la grammaire relationnelle : le

sujet<< flottant >> (qui correspond A Agl) est objet direct en l'absence d'un autre

objet direct (Pierre fait venir Jean); il est objet indirect lorsqu'un autre objet direct est contenu dans la predication (Pierre fait signer la lettre a Jean) 1; il prend la forme de compl6ment d'agent lorsque un objet direct et un objet indirect sont tous deux presents. (Les autoritds ont fait enlever l'enfant aux parents par la police.) Le constituant < excidentaire >>, en l'occurrence le sujet < profond >>, occupe de fagon r6guliere la premiere place disponible sur l'&chelle relationnelle de la hierarchie des fonctions : sujet > objet > objet indirect > complement oblique.

Dik fait, cependant, remarquer que cette hypothbse d'une hierarchie rela- tionnelle des fonctions syntaxiques n'est que partiellement confirm6e par les faits. Ainsi en frangais, la forme du complement d'agent n'est pas limit6e aux cas oi Il'objet indirect est present : Pierre fait ouvrir la porte par Jean (p. 59) est selon Dik une variante (< alternative construction ))) de Pierre fait ouvrir la porte d Jean's. Quant A nous, cela nous parait loin d'etre evident. En realite, d et par indiquent deux fonctions distinctes dans les constructions factitives comme ailleurs : Ag1 marque par d agit A l'instigation de Ao, Agx accompagne de par agit par procuration de A0. Dans ce dernier cas, Ag1 n'agit pas seulement sur ordre ou sous l'influence de Ago, mais A sa place. Ainsi, Onfait avaler des aspirines d un malade (et non pas par le malade, car on n'avale pas par procuration). Inverse-

ment, le prdfetfait Ivacuer le bdtiment par la police (et non pas a la police). Toutefois, parlant des manifestants, la police leur fait Ivacuer le bdtiment.

On peut opposer ces deux fonctions dans des contextes factitifs identiques ou

analogues : Pierre fait payer la facture a/par son ami. Construit avec a, l'ami peut etre le d6biteur, tandis qu'avec par on fait supposer, sauf indication contextuelle

I7. L'exemple cite par Dik (p. 58, 19 b) a le tort d'etre ambigu. Dans l'Cnonc6 Pierrefait ouvrir la porte a' Jean, Jean sera compris selon le contexte conmme Agl ou comme destinataire (on ouvre la porte i Jean).

i8. Voir n. 17.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 113

du contraire, que c'est la dette de Pierre qu'il s'agit de rigler. Le vainqueurfait signer l'acte de capitulation aux gindraux ennemis, mais le P.D.G. fait signer la lettre par son adjoint (en son nom). Certes, on conzoit que les deux propositions soient

echangeables dans certains contextes sans modification notable du sens mais dans de nombreux cas, la preference pour l'une des deux est nette, si l'autre n'est pas simplement exclue, et semble pouvoir 6tre ramen&e, dans I'ensemble des cas examines, A cette distinction entre instigation et procuration. Si cette observation est juste, il ne suffit pas de distinguer, comme Dik le fait A juste titre, entre une construction < causative )) et une construction < permissive )>, toutes deux exprimbes par laten en nderlandais, par lassen en allemand, mais lexicalement diff~rencides en frangais (faire/laisser) et en anglais (have/let). Il faudra, de surcroit, admettre dans le m6me paradigme factitif, une valeur causative, distincte des autres, de procuration ou de mandatement'O.

En hollandais, Ag1 se construit tant6t comme objet, tant6t comme compl&- ment prepositionnel marque par door ou aan. Le choix de l'une ou de l'autre de ces constructions est, selon la these de Dik et contrairement A l'hypothese relationnelle, soit libre (p. 68 : regle 3; ex. 4, 11, 37, 47-50, 53-56, 6o, 63, 69), soit determine par le choix du verbe ou, plus exactement, par la nature des fonctions semantiques associ&es au verbe (ex. 12, p. 73 s.). Or il est remarquable que tous les exemples comportant door s'accordent parfaitement avec l'inter- pretation en termes d'une action substitutive intimbe par procuration. En revanche, les verbes qui excluent systimatiquement la construction avec door, A savoir les verbes de perception non actifs (zien < voir >, horen << entendre >>, etc.) et les verbes de connaissance (weten < savoir >>, merken < s'apercevoir >>), sont aussi ceux qui sont normalement incompatibles avec l'id&e de procuration.

En ce qui concerne done les verbes qui admettent un choix entre construction objectale et construction prepositionnelle, tels les verbes de type transactionnel (donner, acheter, etc.), il parait du moins probable que ce choix ne relive pas d'une variation libre, mais d'une opposition significative entre deux valeurs du meme type que celles que nous proposons de reconnaitre pour le factitif frangais.

II serait presomptueux d'etre plus affirmatif en la matibre sans avoir proced6 A une enquite plus pousste sur le n&erlandais. Mais il est certain que s'il faut poser l'existence de deux constructions dont la diff6rence est pertinente, au lieu d'une pr6sumde variation libre, l'ensemble des conclusions qui nous sont propo- s&es dans ce chapitre en est affecte et modifie, et ceci jusque dans I'inventaire des fonctions semantiques sous-jacentes A l'analyse.

Si nous avons insiste ici sur ce qui peut paraitre un d&tail insignifiant hors de proportion, compare' A l'importance des hypotheses A portde universelle,

I9. Il est concevable qu'une analyse plus pouss6e permette d'assimiler Agl, dans le cas de l'action command&e par procuration, A la fonction semantique d'instrument. Ceci ne changerait cependant rien A la necessit6 de remanier A fond I'analyse du factitif proposde par Dik. Richard S. Kayne (Syntaxe dufranfais. Le cycle transformationnel, Paris, Ed. du Seuil, 1977 ; = trad. fr. de French Syntax. The Transformational Cycle, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press, 1975) consacre quelques pages au probl6me de la d6rivation transformationnelle des factitifs construits avec par. II admet ne pas avoir de caracteri- sation s6mantique A proposer qui soit gendralement applicable A la diff6rence entre l'emploi de a et de par dans ce contexte. Walther von Wartburg et Paul Zumthor (Pricis de syntaxe dufranfais contemporain, Berne, Francke, 1947, z 1075) font remarquer que par est obligatoire lorsque les deux objets de la construction factitive se rtfbrent A des per- sonnes. Dans les autres cas, le choix de par serait motiv6 par une absence totale de participation du sujet A l'action dont il est l'instigateur.

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114 Thomas Bearth

c'est qu'il y a A notre sens A en tirer une petite leqon de m'thode : on s'explique facilement pourquoi les traitements g6nCratifs ont &t6 obliges, pour pouvoir justifier le principe du caracttre asemantique des transformations, de recourir A une notion d'invariance s6mantique pour le moins douteuse. A l'encontre de ces<< necessit*s>> devenues malheureusement des habitudes, il est indispensable de rappeler, et l'exemple s'y prete parfaitement, qu'une maitrise suffisante des

donn'es, ffit-elle (faute de mieux) le rdsultat d'une remise A l'honneur des m6thodes heuristiques d'un structuralisme repute obsoltte, reste un prealable nicessaire A l'obtention de conclusions analytiques (et, A plus forte raison, typo- logiques) d'une certaine fiabilit

2. Sous-jacente au traitement relationnel de la construction causative est la tendance des langues, quasiment un axiome pour certains, A 6viter le redouble- ment d'une meme fonction A l'interieur d'une proposition. On conviendra avec Dik (p. 59 et 69) que la pretention A l'universalite de ce principe, si brillamment illustre par le factitif frangais20, est dsavouee par le phenomene du << double

objet >> qui caracterise la construction causative du hollandais et, d'une maniere

gendrale, des langues germaniques. En effet, I'allemand, dont nous nous servirons

pour illustrer les observations qui vont suivre, ne se distingue guere, en ce qui concerne le materiel prdsent6 par Dik A propos du factitif, du hollandais, si l'on excepte la possibilite de construire Agx dans cette derniere langue avec la

preposition du destinataire aan. Notons d'abord que le << double objet >> est liz' la presence de deux verbes

lineairement disjoints et non, comme en franCais, conjoints. La phrase Er liess seine Sekretdrin (01) dem Betreffenden (IO) einen Brief (02) schreiben- < Il fit

ecrire A sa secretaire une lettre (qu'il adressa) A la personne concern6e > - montre que les termes de la proposition s'organisent autour de deux foyers constitues par lassen et schreiben, les deux objets etant separes l'un de l'autre par l'objet indirect de schreiben. Ceci refl'te, au niveau de la syntaxe, la complexite de l'6tat de choses que la construction est cens6e verbaliser. Il s'agit, en effet, de repr6senter deux processus distincts qui impliquent deux agents distincts,

Ago et Ag1. Le lieu d'intersection des deux processus est precis&nent l'agent Agl, celui-ci 6tant d'une part le patient du processus de causation et de I'autre, I'agent d'un second processus cause par le premier. Tout cela est certes banal, mais non pas inutile A rappeler. En fait, on constate pour I'allemand que Ag1, en tant que patient du processus de causation exprime par lassen, prend inva- riablement la forme d'un objet, qui est la forme canonique du patient, et en tant

qu'agent du processus dependant, occupe obligatoirement la position qui revient au sujet dans l'ordre des constituants caracteristiques d'une proposition subor-

donn6e (SXOV). En outre, l'objet de lassen (01 dans l'exemple ci-dessus) et les termes qui le suivent ne sont aucunement permutables entre eux21, A la difference

20. La grammaire relationnelle, r6habilit&e sur ce point, devra cependant encore s'accommoder du fait que le frangais admet la copr6sence de deux objets indirects non

juxtapos6, dont l'un est alors pronominal, I'autre substantival. Ainsi dans la phrase Le maitre lui a fait montrer la lettre au directeur, lui sera interprit6 comme Ag1. Par contre, dans l'inonc6 Le maitre lui a fait montrer la lettre par le directeur, lui indiquerait le destina- taire de l'action.

21. Ddrogation B ce principe, explicable en termes de L.I.P.O.C. : les pronoms << atones >> pr6cedent toujours tout autre constituant. Dans une des lectures possibles de l'nonc6 Er liess es ihn holen, ihn, bien que postpost, est Agl, es, en position postverbale initiale, est 02.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 115

d'un objet<< normal > plac6 entre un verbe auxiliaire et le verbe principal. En somme, les traits formels caract6risant Ag1 en allemand sont exactement ceux, combinds, de l'objet-patient de la principale et du sujet-agent de la subordonn6e.

Sans prejuger de l'importance des diff6rences 6ventuelles entre l'allemand et les autres langues germaniques, notamment le hollandais et I'anglais, ces considerations devraient nous autoriser A opposer un type germanique du factitif, qu'on peut qualifier de binucleaire, A un type << roman >> qui, lui, peut etre appeld mononuclkaire.

C'est done A juste titre, puisque la combinaison faire + verbe se comporte A tout 6gard comme un noyau verbal unique, que Martinet parle de << syntheme factitif>> (G.F.F., 5. 16 a) pour le frangais. Mais nous sommes moins convaincu de l'analyse de << prddicat derive >> que Dik propose pour la construction dqui- valente du nderlandais. Celle-ci est de nature binucleaire, et il appartient A une approche qui se reclame de l'adCquation typologique de ne pas se laisser obnubiler par un mirage de prCtendue universalitd, mais de faire ressortir I'originalitd et la diversit' des solutions adoptees par diff6rentes langues22.

Finalement, il n'est pas ddpourvu d'int&r~t de faire observer que ce type de construction - ceci vaut d'ailleurs marginalement aussi pour le franqais - n'est pas limitd au factitif. En allemand, le verbe (quelque peu vieilli) heissen < ordonner >> et notamment les verbes de perception hdren < entendre >> et sehen << voir >> sont construits, A quelques dCtails prbs, de la meme maniere. Ceci, A notre avis, favorise l'interprdtation du causatif en termes d'un paradigme syntaxique sui generis plut6t qu'en termes de derivation lexicale.

5. Fonctions syntaxiques et typologie universelle de l'ordre

des constituants (Studies 6-7)

Si la proportion des langues du monde qui sont r6fractaires aux postulats universels d'agencement des constituants reste controversde23, l'existence de telles langues ne fait cependant guere de doute. Pour 6viter tout malentendu concernant le sens des postulats d'universalitd avancds dans le cadre de F.G., soulignons que Dik renonce A ramener la diversitd des schCmas d'agencement qu'on peut rencontrer dans une langue donn6e A un ordre << profond >> unique et qu'en vertu de cette possibilit6 reconnue de diversitd interne, la formule universelle Theme, P1 (V) S (V) O (V), Tail n'est censde s'appliquer qu'A I'ordre non marqud des propositions. Le tout est cependant complique par une distinction entre ordre de base et ordre dominant non marque. Cette distinction joue un grand r61le dans l'explication des changements diachroniques affectant I'ordre des constituants. Une ddfinition explicite de ces termes aurait etd utile, mais voici ce qui nous parait ressortir de la manidre dont ils sont employes au

22. Nous sommes bien d'accord, du reste, avec Dik lorsqu'il rejette l'explication transformationnaliste du causatif comme r6sultat d'une conjonction de deux phrases. La liste des facteurs qui militent contre l'acceptation d'une telle hypothe'se est impres- sionnante (Studies, p. 64-65). Il s'agit bien, en ce qui concerne le causatif germanique, d'un type de construction sui generis, et nous ne voyons pas pour l'instant de quelle faqon on pourrait le traiter de manidre coh6rente dans le cadre de la F.G.

23. Pour Dik (Studies, p. 137), la proportion des langues qui, dans l'ordre non marque, placent I'objet avant le sujet, n'atteindrait guere que 0,5 % ; pour Claude Haghge (La structure des langues, P.U.F., 1982, p. 56, n. 17), le type VOS A lui seul repr&- senterait 5 % des langues.

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116 Thomas Bearth

chapitre 7 des Studies : on d signe comme basique l'ordre qui, ind6pendamment de toute consid6ration de frequence, explique le mieux la vari&te des agencements attestes dans une langue en termes de l'ensemble des hypothses tant panchro- niques que diachroniques retenues par F.G. A propos de l'ordre des constituants. Ainsi, pour prendre un seul exemple d'une documentation relativement abon- dante : les langues germaniques modernes (A l'exception de l'anglais) retiennent le schema de base P1VSO, mais attestent en meme temps comme ordre non

marque dominant le schema SV024, alors que l'agencement SOV, qu'on trouve dans les subordonnees, reste pour l'instant &nigmatique (p. 176).

DejA dans Functional Grammar (p. I76-i77), Dik s'evertue, sans trop de conviction d'ailleurs, A ramener au principe general des langues, telles que le

malgache, dont l'ordre dominant est deviant par rapport au schema universel. La solution offerte A ce problk'me au chapitre 6 des Studies est une des innovations

importantes de ce volume. Pour comprendre le raisonnement de Dik, il faut savoir que les fonctions syntaxiques, c'est-A-dire sujet et objet, sont redondantes

par rapport aux fonctions simantiques, A moins d'8tre assignfes A ces dernieres

par un choix du locuteur. Un tel choix, qui &tablit done la pertinence des notions syntaxiques pour une langue donnee, est atteste pour l'objet par exemple en anglais dans la mesure oui celui-ci peut alterner entre le patient et le binefi- ciaire (cf. section suivante pour details) et, d'une maniere generale, pour le

sujet dans les langues ayant un passif. Dans les langues n'offrant pas de possibilite de ce genre, les fonctions syntaxiques n'ont pas de raison d'6tre et par consequent la formule de l'ordre universel des constituants ne s'y applique pas, devient, litteralement, << sans objet >>.

Nous ne contesterons pas l'existence de langues dans lesquelles les marques formelles de l'organisation de l'6nonce sont plus aisees A decrire par ref~rence A la configuration semantique des participants que par rff6rence A des categories A proprement parler syntaxiques. Ceci a 6te revendiqu6 et au moins partielle- ment demontr6 pour les langues tib6to-birmaniennes, le japonais, etc.25. Dik

24. Ce serait le resultat d'un markedness shift, principe charge d'un r61e stratigique en syntaxe diachronique selon Dik. Pour le SVO germanique, l'dvolution se presen- terait, dans ses grandes lignes, comme suit : l'occupation de P1, facultative et donc marqu6e A l'origine, se serait progressivement attire la faveur de l'usage et aurait fini par ^tre ressentie comme normale, donc non marqu6e. Dans ces conditions, le sujet, etant naturellement le candidat privilIgid A la fonction pragmatique du topique, finit par prec6der obligatoirement le verbe en l'absence d'un autre constituant assigne a P1.

25. Voir par exemple Austin Hale (ed.), Clause, Sentence, and Discourse Patterns in Selected Languages of Nepal, Part I et Part II, Dallas, S.I.L., 1973. - Pour le japonais, voir par exemple Jean Caudmont, Le noyau prtdicatif et les participants de l'action en japonais, Actes du VIIIe Colloque de Linguistique fonctionnelle, Toulouse, 1981, p. 74-77. C'est d'ailleurs bien 1U qu'A travers les trois volumes sous consideration se situe le d6bat qui oppose Dik et les tenants de la grammaire relationnelle. Ces derniers, comme il ressort de leurs exposes dans Perspectives, d6fendent r6solument, en matibre de syntaxe, la position autonomiste h6rit6e de la G.G.T. et agr6ment6e, en grammaire relationnelle, d'un appareil d6rivationnel permettant d'op6rer A plusieurs niveaux de profondeur, sans recourir aucunement A des propridtes semantiques. Sans essayer de trancher un contentieux dans lequel il nous est difficile de nous identifier compliktement tant aux pr6suppos6s des uns qu'a ceux des autres, signalons simplement que par exemple l'ana- lyse d'un m~me m chantillon de donnies (tirdes de l'achanais, langue austronesienne) par Dik d'une part (Functional Gratnmar, p. IzI6 s.) et par Perlmutter de l'autre (Pers- pectives, p. 322 s.) permet au lecteur de se rendre compte de l'int6rat ct dventuellemcnt d'une certaine compl6mentaritp que rcpr6sentent Ics deux points de vue opposds.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 117

ajoute A cette liste, pour sa part, le serbo-croate, le hongrois et notamment le

hixkaryana, langue indienne du Br6il. L'inter&t particulier du hixkaryana, decrit en detail par Desmond Derby-

shire"6, reside dans le fait que cette langue constitue une piece maitresse dans le dossier de ceux qui soutiennent l'existence de langues du type OVS. Or, selon, les criteres de Dik, tout s'explique, et beaucoup mieux, en termes d'un schema semantique Patient-Verbe-Agent, sans qu'on fasse intervenir dans la description ni sujet ni objet. Mais I'agent en position finale n'est-il pas, du point de vue typologique, I'dquivalent d'un sujet ? Sans doute, mais l'un comme l'autre doivent leur position A un processus de grammaticalisation de l'6pexdgese (Tail) :

placds A l'origine en amont du patient-objet, ils auraient dtd ddplac6s occasion- nellement A la fin de l'enonce, en guise d'explicitation a posteriori, puis, ce proced6 etant devenu habituel conjointement avec la ddsyntaxisation du pronom qui les representait A leur place originale, il se serait cr66 ainsi un schema secondaire A agent/sujet final27. Ce processus diachronique (gramnaticalization of tails), dont on retrouve d'ailleurs diverses traces en synchronie, serait donc A l'origine non seulement de l'agent final du hixkaryana, mais aussi du sujet final de certaines langues polynesiennes.

Notons que le malgache, enregistre comme cas quasiment intraitable dans Functio*al Grammar (p. 176 s.), n'est plus mentionne dans Studies. Mais il faut croire qu'il est censd s'accommoder A l'une des explications sus-mentionnees. Rien, en effet, ne laisse supposer, si l'on accepte la conclusion du chapitre 6 des Studies, l'existence de langues ayant A la fois les fonctions sujet et objet pertinents au sens de F.G. et un ordre de constituants des types OSV, OVS ou VOS.

En fait, si l'on suit ce raisonnement de Dik, la substance de l'hypothese universelle s'en trouve singulierement amenuisde; tout ce qu'elle stipule, c'est qu'une langue ayant une distinction actif/passif (condition sine qua non de ]a pertinence du sujet, selon F.G.) aura aussi un ordre des constituants (dominant, si possible) dans lequel le sujet precede l'objet. C'est dire peu, et c'est encore trop dire pour peu qu'on soit oblige de faire intervenir le processus de gramma- ticalisation de l'epexegese comme mecanisme de derivation d'un sujet final (dans les langues done oi% celui-ci donne lieu A des options diathetiques) ; I'hypo- thUse, m6me amenuis&e, ne reste valide dans ces cas que pour un schema d'agen- cement basique A partir duquel le sch6ma non marque dominant serait derive, et non plus pour ce dernier lui-meme. Nous voilA done, au bout de ce pdriple, face A un dilemme : continuer A croire A une hypothese 6tiolee, dont on ne voit plus trbs bien en quoi elle se distingue des theories baties sur les sables mouvants de o structures profondes >, expedient cependant rdcusd par Dik, ou suivre jusqu'au bout sa demonstration, qui est convaincante dans l'ensemble, brillante par endroits - pour en tirer la conclusion opposee A la sienne, A savoir que les arguments qu'il apporte tendent A prouver la futilite des hypotheses universelles de l'ordre des constituants, mis A part I'interet tout relatif qu'on voudrait bien reconnaitre aux diff6rences de frdquence revle'es par les statistiques.

26. Hyxkaryana (Lingua Descriptive Series no. i), Amsterdam, 1979. Voir aussi du meme auteur Word order universals and the existence of OVS languages, Linguistic Inquiry, 8 (1977), P. 590-599.

27. Processus dont le ddroulement peut trc imagine A partir de la phrase frangaise II a achet le livre. ton frtre (Studies. p. 144).

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118 Thomas Bearth

6. De la non-universaliti du sujet au non-sujet universel (Studies 6)

On aura remarqu6, A travers le developpement qui pr6cede, que l'affaiblisse- ment progressif de l'hypothse universelle de l'ordre des constituants r sulte, paradoxalement, de la tentative de Dik de rendre plus op'ratoires les 16~nents de base d'une telle typologie, A savoir le sujet et l'objet. Autre paradoxe, relevant cette fois-ci de la comparaison des theories : Dik introduit, pr6cisiment dans le but de definir ces 616ments de base, la notion du choix A l'endroit m6me oih Andre Martinet, dans la theorie duquel cette meme notion est par ailleurs

omnipr'sente (6tant donne qu'elle fonde celle de la pertinence), croit devoir

y renoncer. Cependant dans les deux theories, au terme d'une reflexion partie de presupposes inverses, on conclut A la non-universalit6 de ces 616ments de base

(ou, pour le moins, du sujet)28. Toute la conception dikienne des fonctions syntaxiques repose sur l'id&e

qu'elles s'articulent de favon variable - d'oiI la possibilit6 d'un choix et celle d'une signification lide A ce choix - sur les fonctions semantiques qui, elles, constituent une structure linguistique sui generis, voire meme la structure la

plus fondamentale puisqu'elle imane directement du predicat. Pour Martinet, comme on sait, des notions telles que agent, patient ou bindficiaire sont des

616ments de l'exp rience et en tant que tels n'entrent pas directement dans la structuration grammaticale des enonc629.

Mais quelle est, dans la theorie de Dik, la nature pricise de la signification qui se d6gage des options lides A cette interaction syntactico-s6mantique ? La notion de mise en perspective du contenu de la phrase est certes suggestive, mais comme le note Mackenzie (Perspectives, p. 312), elle n'est guire refutable

et, de plus, on ne voit pas comment elle se demarquerait systimatiquement de

l'apport des fonctions pragmatiques. Nous allons en effet arguer, en ramenant le d6bat aux observables, qu'elle s'inthgre parfaitement dans cette dernibre, et

que, par consequent, les fonctions syntaxiques telles que Dik les congoit sont, si l'on suit la logique inherente A la F.G., universellement redondantes.

L'objet. - Soit les deux inoncis suivants :

i) John gave the book to Mary; 2) John gave Mary the book.

On decide de designer comme objet direct le constituant qui suit imm6diate- ment le verbe30. En effet, ce constituant, qu'il exprime la fonction semantique du patient ou celle du destinataire, garde - en anglais et en neerlandais du

moins - des propri6t6s formelles identiques, A savoir l'absence de preposition et I'aptitude A fonctionner comme sujet d'une construction passive correspon- dante. L'apport semantique du choix de l'objet consisterait en une << mise en

perspective >> secondaire des arguments, op6r&e apres celle, primaire, due au choix du sujet (Functional Grammar, p. 73)-

Or, on dispose d'une gamme de tests de compatibilit' contextuelle qui tendent A montrer que la diffirence rielle entre i) et 2) tient A un d6calage

28. Pour Martinet, voir a ce propos par exemple S.F.S., p. 241-. 29. Voir A cc propos la critique des cas de Fillmore dans S.F.S., notamment p. 224. 30. On trouve diverses r6f6rences A la tradition transformationnaliste qu'on peut

citer en rapport avec cette interpr6tation des faits dans Talmy Giv6n, On Understanding Grammar, New York, 1979, P. 6o.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 119

d'informativit6 entre le premier et le second terme aprbs le verbe'x. On peut resumer le resultat de ces tests de la mani&e suivante (en faisant abstraction de facteurs tels que la longueur relative des constituants) : lorsque l'un des deux termes, quelle que soit sa fonction, est presum6 connu de l'interlocuteur, tandis que l'autre constitue l'information nouvelle, ce dernier suit le premier. Quelle que soit la formulation qu'on utilise pour decrire la diff6rence entre les deux agencements, il est difficile de ne pas y retrouver expressement le

crit.re de

l'information partag6e (ou non partag&e) qui, nous l'avons vu, est A la base de la fonction pragmatique telle que Dik la congoit. Par ailleurs, la paire allemande

3) Johannes gab das Buch Maria (seiner Schwester) 4) Johannes gab Maria (seiner Schwester) das Buch

n'admet pas du tout la m~me interpr&tation que celle que Dik propose pour l'anglais. Les proprit6s formelles (marque casuelle, aptitude A figurer comme

sujet du passif) sont ici invariablement lides aux constituants. (Il est permis de

supposer qu'en F.G. I'allemand figure parmi les langues depourvues d'objet << pertinent>>.) Pourtant il ne fait gubre doute que les rapports entre les 6nonces 3 et 4 sont homologues par rapport aux enonces I et 2, car les memes tests de

compatibilit6 sont applicables aux uns et aux autres. Dik concede d'ailleurs, en citant Giv6n, le caractere pragmatique de la diff6rence dans le cas de I'allemand

(Studies, p. 38). Des lors on voit mal pourquoi il n'en serait pas de meme en

anglais et en n~erlandais, surtout vu que l'adequation typologique y trouverait, pour une fois, son compte. Point n'est besoin de faire intervenir alors un choix

portant sur la relation objectale. Dans les trois langues, il suffit de specifier la valeur pragmatique relative du patient et du destinataire pour rendre compte de la variation d'ordre des deux termes. En revanche, ce qui diff~rencie l'alle- mand par rapport A l'anglais et au nderlandais n'appartient pas au domaine de la signifiance, comme l'interpr6tation de Dik le fait croire, mais relve des r6gles d'expression.

Sujet. - On peut inf6rer que dans le cadre de la F.G., le sujet serait defini comme le terme qui, pour une pr6dication donn&e, peut assumer alternativement l'agent et le patient (et 6ventuellement d'autres fonctions simantiques). (Cela suppose qu'on dispose des critbres necessaires pour distinguer agent et patient, ce qui nous semble admissible au moins pour certains predicats dans la plupart des langues.)

Rappelons que la possibilite d'un tel choix, qui correspond A une valeur de << mise en perspective >> primaire (par rapport A celui de l'objet) du contenu

31. Par exemple les trois tests suivants : a) To whom... ? (I), non pas (2)

What... ? (2), non pas (i) b) (I), non pas (2)..., not to Bill

(2), non pas (i)..., not the pencil c) Un terme d6fini pr6cedant un second terme ind6fini n'est que difficilement admis

en premiere position postverbale.

II est A noter que le placement de l'accent primaire, dont Dik ne traite pas du tout, peut neutraliser les valeurs positionnelles : John gave' Mary the book. - En faveur de l'interpritation pragmatique du dative shift, voir Giv6n, On Understanding Grammar, p. I6o s. et l'excellent article de Terence Moore, Focus, Presupposition and Deep Structure dans Maurice Gross et al. (eds), The Formal Analysis of Natural Languages, La Haye, 1973, P. 94-97-

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120 Thomas Bearth

de l''nonc6, est ce qui justifie, pour Dik, l'existence d'un sujet dans une langue donnie. Correlativement, la non-universalit6 du sujet tient au fait de I'absence d'une telle possibilitd de choix - donc absence de diath~se - dam de nom- breuses langues. Il est revdlateur de voir comment une autre thdorie fonction- nelle envisage le sujet sous ces memes rapports"x Martinet retient comme trait definitoire du sujet sa non-omissibilitd (qui fonde le statut particulier de la relation sujet-pr6dicat, c'est-A-dire du nexus). La notion de non-omissibilitd exclut, pour Martinet, celle de choix et dispense de fonder l'identitd du sujet sur une valeur constante d'agentivitd ou de thdmaticitd presumde. En conse- quence, la non-universalitd du sujet est lide pour Martinet, non pas A une question de choix, mais A la possibilit6 d'un prddicat dont les termes seraient tous, en principe, omissibles3.

A titre de conjecture, nous pensons que Dik ne mettrait guere en cause la non-omissibilitd du sujet, et par le mzme biais, nous ne voyons pas comment Martinet nierait que, pour une predication donnde, il puisse y avoir un choix entre deux termes susceptibles d'accdder A la fonction du sujet. Ce qui change par rapport A Dik, c'est la localisation de ce choix : pour Martinet, celui-ci, relevant de la diathese, ne se situe pas au niveau des fonctions, mais rentre dans le paradigme des modalitds du verbe (cf. G.F.F., 3. 3)84

Pour en venir A la valeur exprimee par ce choix, la notion dikienne de << perspective >> et celle, tenue en honneur A l'dcole fonctionnaliste frangaise"s, d'orientation du proces par rapport aux participants sont bel et bien equiva- lentes. Pour notre part, nous n'objectons pas A ce qu'on recoure A l'un ou l'autre de ces termes afin de designer cette valeur diathetique, qui ne saurait etre ramende celle de topique ou de theme. Mais la relation privilegide, constatde maintes fois, entre la relation de sujet et celle de topique/theme laisse supposer que tout en dtant diffdrentes l'une de l'autre, elles sont motivdes

par un ensemble de choix interd6pendants relevant de l'ordre du discours (et non de la phrase)"6. Autrement dit, le choix d'une diathese (ou l'attribution du sujet, dans les termes de la F.G.) est, comme celui du topique, un des elements d'une composante pragmatique pleinement developp6e.

32. Voir surtout : Le sujet comme fonction linguistique, S.F.S., 237-246. 33. Hypothese envisag6e surtout dans le contexte de la discussion de l'ergatifbasque.

Admise : titre general, elle ne sera cependant pas retenue pour cette langue. Elle impliquerait une relation des termes au predicat qui serait analogue A celle des deter- minants au d6termin6 (voir S.F.S., p. 24-25, 56, 237 s.).

34. Il y a lieu d'observer A ce propos que dans certaines langues (dont le toura), la diathbse n'est marquee que par l'absence de l'objet. On trouve d'ailleurs des exemples de ce proced6 en anglais : They sell the car for 2 ooo dollars/the car sells for 2 ooo dollars.

35. Voir Andre Martinet, Les structures 6l6mentaires de l'6nonc6, dans La linguis- tique synchronique, P.U.F., 1965, p. 226.

36. Halliday considere qu'en anglais l'attribution de la fonction sujet dans les constructions passives 6quivaut A un choix de th6matisation : Language Structure and Language Function, dansJohn Lyons (ed.), New Horizons in Linguistics, Hammondsworth, Penguin, 1970, p. x61. Voir aussi, pour l'interaction sujet/theme, I'article panoramique de Hagege, Du theme au theme en passant par le sujet. Pour une thdorie cyclique, La Linguistique, 14/2 (1978), p. 3-38. Une remarque de methode s'impose quant a cette discussion des valeurs engagdes par les notions de sujet, topique et theme : on peut cons- tater les choix qui s'operent au niveau de la phrase ; on peut leur appliquer une terminologie suggestive de leur contenu; mais on ne peut ni comprendre les m6canismes qui les com- mandent ni discerner, au travers de la diversit6 des operations observables, I'unit6 du systeme qui les motive, sans depasser le cadre traditionnel de la phrase pour se rif6rer a celle, a construire, du discours.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 121

Ainsi la< pertinentisation> des fonctions syntaxiques au sein de la theorie F.G., conque au depart comme recette de sauvetage d'un postulat d'universalite, aura eu pour consequence ultime la dissolution progressive et complete de ces fonc- tions. La syntaxe s'en trouvera r6duite A un 6piphenomene de l'articulation semantico-pragmatique de l'Cnonc6, et l'hypothese d'un ordre universel des constituants aura perdu definitivement tout objet tangible. Au plan de la typologie, la signification de la dichotomie entre langues A sujet (avec ou sans

objet), telles que l'anglais, et langues d6pourvues de fonctions syntaxiques, telles

que le serbo-croate, le hixkaryana, etc., sera A revoir completement : on est en droit de supposer que des moyens tels que la diathese, le dative-shift, etc., lorsqu'on choisit de les classer du point de vue de leur contribution A l'organisation de la

communication, trouveront leur place dans la meme rubrique que par exemple les variations d'ordre dites pragmatiques du serbo-croate (Perspectives, p. 38).

7. Deux thlories fonctionnelles face d face

Il convient de conclure cet apergu, n6cessairement incomplet, de la gram- maire fonctionnelle de Dik, en la mettant globalement en parallele avec celle, ignoree de lui, semble-t-il, de Martinet. Vu la disparite des presupposes, en

partie de l'epistimologie et m6me - pourquoi pas le dire - des temperaments, un rapprochement aurait peu de chance d'aboutir A des resultats positifs s'il n'y avait pas, A la base, un point de depart commun : une volont de comprendre et d'interpreter les phenomenes du langage au travers de leur fonction primor- diale dans la vie sociale des hommes, qui est celle de la communication (S.F.S., p. III, 142).

Un autre point commun, non moins important, est le principe empirique, qui fait que la linguistique generale est abordie d travers les langues, et non pas au mepris de ces dernieres, et que les hypotheses enoncees sont systematiquement soumises A l'6preuve des donnees dans le respect de leur << structure de surface >>.

Mais au-dela de la concordance des options de base, suffisante pour pouvoir parler en bonne conscience de << fonctionnalisme >> dans les deux cas, les diver- gences sont plus apparentes que les convergences. D'abord sur le plan de l'aper- ception de l'objet lui-meme, diff&rence qui n'est pas sans rapport avec le decalage historique des deux decennies 6coulees entre la naissance des deux theories. On ne peut s'empkcher d'8tre frappe, A la lecture de S.F.S., par la place importante accordee notamment aux problemes de definition, de d6limitation et de classe- ment des unites et aux phenomenes morphologiques, bref A tout ce qui releive de la taxinomie, sans oublier naturellement la part reservee A la typologie de l'indication des fonctions. En dehors des articles et passages consacres aux fondements thdoriques - nous y reviendrons -, presque tout cela se rangerait, en termes de l'organisation du champ d'investigation de la F.G., dans la sphere des moyens d'expression.

Nous ne pensons pas, A vrai dire, que la visee gendrativiste sous-jacente A la F.G. exclue par un a priori quelconque l'dlaboration, dans le cadre qui lui est

propre, de notions adeiquates d'une taxinomie; le fait est que, A tort ou A raison, ces notions sont supposees acquises. II s'ensuit que la theorie martinetienne est formul&e de la fagon la plus explicite dans le domaine precis oij celle de Dik l'est le moins : si l'on fait abstraction de quelques tours d'horizon rapides et d'observations ramassees au gr6 des besoins de la d6monstration, seules les

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I22 Thomas Bearth

hypoth~ses sur l'ordre des constituants sont explicit6es et document6es A fond. De plus, ces derniares affichent un optimisme quant A leur potentiel d'explication universelle qui est en contraste marqu6 avec la reserve de principe exprim&e par Martinet sur ce point. Et pourtant lorsque Martinet affirme que < les seuls universaux sont ceux qu'implique la definition du langage )> (cite d'aprbs l'anglais, S.F.S., p. 14), rien n'emp6che de voir une tentative d'explicitation de ce meme principe dans les tendances (Functional Grammar, chap. 8) auxquelles Dik se ref're en formulant ses hypotheses; de celles-ci, L.I.P.O.C. nous parait etre la plus interessante et la plus prometteuse.

S'il peut y avoir desaccord en matiere de typologie universelle, il porterait sur la m6thode plut6t que sur le fond de la question. Contester la l gitimite des

rapprochements typologiques en tant que tels reviendrait, en effet, A nier celle de la d6marche scientifique elle-meme, dans la mesure oih elle vise A ramener la disparit6 apparente A des principes simples et homogenes. Mais ce qu'il est

n6cessaire de faire remarquer, c'est que l'ad6quation typologique n'est pour le moment qu'un ideal inscrit au programme de la F.G. Il lui manque des criteres surs, dont le premier A retenir serait celui de l'adequation descriptive comme

pr6alable A tout rapprochement typologique. Sans oublier que l'adequation descriptive d'une hypothese doit A son tour 6tre 6valu&e, mis A part I'exigence de sa conformit6 aux observables imm6diats, en termes de sa capacit6 d'integra- tion par rapport A l'ensemble de la grammaire d'une langue. Or, au passage du sp6cifique A l'universel et du particulier au typologique, les etapes ne sont

pas toujours respectees87; c'est ce qu'on a voulu signaler dans plusieurs de nos

remarques, auxquelles nous ajouterions simplement le vceu que l'6lan porte vers la g6neralisation soit modere quelque peu par un grain de ce fameux realisme martinetien qui s'inspire du souci de ne pas occulter, au nom d'une

quelconque g6neralisation, la sp6cificit6 de chaque langue (S.F.S., p. 24)- Sans aucun doute, le gros de l'ceuvre de Dik concerne la d6couverte et la

systimatisation des variables d'ordre s6mantique et pragmatique, et non pas l'61aboration d'une th6orie de la syntaxe au sens restreint. Martinet, lui, ne connaft pas de fonctions s6mantiques ou pragmatiques qui informeraient la structuration de l'6nonc6 avant I'intervention de la syntaxe et ind6pendamment d'elle. Et, cependant, les notions qui s'y rapportent telles que agent, patient,

b6n6ficiaire, de m6me que theme, ne sont nullement absentes de sa reflexion sur les fondements de la syntaxe, ce qui montre bien qu'il ne s'agit ni d'un oubli ni d'une limitation fortuite ou historiquement conditionn6e du champ d'enquete, mais bien d'une option th6oriquement significative. On touche ici, en effet, au nceud de la diff6rence entre les deux approches.

Contrairement A ce qu'on pourrait penser, celle-ci ne reside pas dans l'heu- ristique. Car sur ce point encore, il y a accord fondamental entre les deux

37. II arrive meme que cet expansionnisme typologique s'6tend, au-delA de l'inter- pretation, jusqu'aux donn6es. Ainsi les phrases o clivies >> du genre Es ist mit dem (sic !) Johann, dass ich nach New rork ging sont calqu6es sur I'anglais et ne correspondent tout simplement pas A l'usage de l'allemand, meme non standard (Studies, p. 222). Serait-ce que l'intuitionnisme anglocentrique continue A hanter le subconscient du linguiste post-transformationnaliste ? Nous n'oserions pas le soupqonner (et si nous le disons, c'est avec un clignement d'ceil en direction du lecteur, qui ne devrait pas voir dans ces exemples, tout de meme exceptionnels, un 6chantillon du maniement habituel des donn6es dans F.G.) si dans la meme s6rie d'exemples (6trange coincidence ?) le verbe francais aller n'6tait pas r6gulibrement construit avec l'auxiliaire avoir...

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 123

thdories. Pour &tablir une fonction, Martinet insiste, << les critbres formels sont les seuls ddcisifs >> (G.F.F., 4. 18 a, voir aussi 4.3). Et c'est au nom de ce meme

principe que Dik rompt avec certaines pratiques gendrativistes; il n'est pas possible de douter que, pour lui, le test de verit6 de toute hypothse concernant une fonction d'un niveau quelconque est sa correlation avec un comportement linguistique spdcifique et directement observable. Tout au plus, on pourrait remarquer que la F.G., A l'instar d'ailleurs de la G.G.T., a amplement recours aux critbres dits de << paraphrase >> (G.F.F., 4. 18 a) comme celui du potentiel de passivation, peu fiable aux yeux de Martinet.

Mais la question essentielle est plut6t d'abord celle de savoir ce que c'est

qui motive ces comportements observables. Pour Martinet, le fait syntaxique n'a pas besoin de justification autre que celle qu'il a par sa constitution en tant

que proc'dd de linearisation servant A communiquer le fait expdriment6, sur lequel il est << brancho>> directement. Pour Dik, au contraire, le fait syntaxique A proprement parler n'est pas en lui-mime synonyme de l'organisation linguis- tique de l'experience, celle-ci s'organisant d'abord aux niveaux pragmatique et s6mantique. Ceci nous conduit A reformuler la question de d6part : faut-il

expliquer la structure observable A partir d'un seul principe d'organisation, ou faut-il y voir le rdsultat d'une coarticulation de deux, voire de trois, strates

hetCrog6nes ? Martinet a insist6 de fagon repetde, notamment dans S.F.S. (p. 22, I13, 127),

sur le caractere abstrait de la syntaxe, corollaire necessaire de la linearitd de la communication verbale face A une experience multidimensionnelle et expression du besoin d'dconomie des moyens face A l'infinie multiformit6 du vdcu qu'elle est appelde A representer. Ce caractere abstrait de la syntaxe interdit le rattache- ment direct des observables syntaxiques A des constantes simantiques. Il en resulte un rapport necessairement oblique entre syntaxe et semantique, qu'il est indispensable de souligner au depart. La perte de vue de cette obliquitd conduit logiquement, et c'est le cas dans la F.G., A une resorption de la syntaxe par la s6mantique (ou par la pragmatique), et corollairement A une recherche naive d'une representation directe des categories semantiques dans la syntaxe.

D'autre part, la syntaxe ne peut se passer de la rdf6rence A la semantique et A la pragmatique, meme si elle ne s'y reduit pas. Et l'explicitation des modalites de cette relation complexe et ndcessairement oblique est certainement une des taches d'une linguistique qui se rdclame des principes fonctionnalistes.

On peut regretter que ce problkme soit restd largement en dehors des prdoc- cupations des articles reunis dans S.F.S.; celui consacrd e la grammaire des cas de Fillmore en traite mais sans offrir de solution de rechange sur ce plan (p. 216 s.). En m6me temps, l'apparition, dans G.F.F., d'une axiologie38 lide A la syntaxe, laisse esperer que cette lacune sera comblde.

A propos de cette axiologie, on peut se demander en quoi l'introduction d'une notion analogue A celle du << cadre predicatif >> de F.G. serait en contradiction avec les principes du fonctionnalisme martinetien. Elle remplacerait, entre autres, utilement la notion traditionnelle de la transitivite manifestement insuffisante

38. L'axiologie (dtude des valeurs) est, dans la terminologie de Martinet, l'&tude du sens tel qu'il se digage des oppositions des unit6s de la langue, tandis que le terme de simantique renvoie aux aspects extralinguistiques de la signification. La notion d'axio- logie apparait dans ce sens aussi dans les articles de date r6cente contenus dans S.F.S. (P- 31).

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par exemple pour rendre compte des conditions de passivation (G.F.F., 4. 16). La question merite d'6tre posee, d'autant plus que les notions de fonction

sp~cifique et de fonction non spicifique, parall'les A celles de terme et de satellite dans F.G., ainsi que celle de valence (G.F.F., 4. I -I12), sont dej* mises en place. Doit-on craindre, alors, la confusion entre syntaxe et lexicologie (S.F.S., p. Ig) ? Nous ne pensons pas que le probleme soit lA. Le fait que cet enchevetrement existe et joue precisement, A travers la valence, un r6le important dans la structuration de l'6nonce nous semble 8tre indeniable et constituer en tant que tel un objet lkgitime de la description. Eviter la confusion des points de vue est une simple question de methodologie. Le probleme le plus fondamental qui se

pose rdellement est celui de l'identification des fonctions semantiques. On trouve A ce propos, sous la plume de Mackenzie (Perspectives, p. 315 s.), une

critique de l'inventaire des fonctions semantiques propose par Dik, qui en fait

apparaitre les incoherences, les doubles emplois et les disjonctions inutiles de

comportements homogenes. A quoi nous ajouterions deux remarques : i) depuis Fillmore, le probleme des << cas >> a ete habituellement place trop rapidement dans une visee universaliste, 2) lorsqu'on le traite dans le cadre d'une langue donnee, on a tendance A vouloir extrapoler trop rapidement A partir de quelques verbes commodes dont les configurations actantielles se pretent facilement A

l'analyse en termes semantiques. Neanmoins la question reste pos&e. Et tant qu'elle reste posse, peut-on dire

que la Belle au Bois dormant ait trouv6 son prince ? Une derniere reflexion nous ramanera A la pragmatique. En incluant dans

son approche la composante pragmatique, en lui attribuant un statut precis, voire fondamental, Dik va au-delA de Martinet. II va au-delA d'une notion sommaire de la communication comme transmission d'une experience par le mode langagier, en integrant dans son appareil de formalisation le fait que cette transmission implique la mediation entre deux savoirs, fait qui laisse - et c'est la raison pour laquelle il est justifi6 que les linguistes s'y interessent - des

empreintes systimatiques dans l'enonc6 lui-m6me. Non pas que ce terrain ait ete completement laiss6 en friche par le fonction-

nalisme frangais"9. Pour s'en convaincre, il suffit de reperer dans G.F.F. les

paragraphes qui traitent de l'anteposition et de la mise en relief. (II est A regretter que les zz 4.21 d-g, particuliirement riches en observations A ce sujet, ne soient

pas signalks dans l'index.) Mais il faut convenir que le traitement qu'a re~u cet aspect du langage a ete peu systimatique et que sa place dans l'ensemble de

l'approche reste preciser. Son renvoi au domaine du style ne saurait etre requ comme un alibi valide. La stylistique n'intervient qu'au niveau de l'utilisation individuelle des procides dont l'inventorisation et la description sont bel et bien du ressort de l'analyse linguistique.

Il est aussi vrai, cependant, qu'une telle integration de la composante pragmatique dans l'ensemble du dispositif analytico-descriptif d'une theorie fonctionnelle ne saurait se faire sur la base dichotomique, trop mince et trop floue, proposee dans Functional Grammar. On portera un interet d'autant plus

39. Il est remarquable A quel point meme les ouvrages consacris au frangais oral, fonctionnalistes ou non, ont tendance A marginaliser les phenom'nes li's A l'articulation pragmatique (dans le sens de la F.G.). On gagnerait certainement A s'inspirer sur ce point des etudes faites sur l'anglais, notamment par Halliday (voir notes 3 et 36), fonc- tionnaliste lui aussi.

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Une grammaire fonctionnelle tripartite 25

grand au d6veloppement ulterieur de la notion de la focalisation par Dik lui- mrme ainsi que par de Jong. Ce dernier (Perspectives, p. 89 s.), aprbs avoir montre que la notion d'information n'est operationnelle que lorsqu'on lui donne un sens relationnel, Itablit une distinction entre predication principale (main predication) et predication mineure (minor predication), celle-ci 6tant l'apa- nage de la focalisation. Le fait d'y associer des valeurs illocutoires comme

operateurs permet d'un seul coup a) de depasser une conception trop &triqu'e de la communication comme << partage d'information >>, b) de ramener la notion de focalisation A celle, plus analytique, d'une restriction du champ d'application d'une assertion (ou d'une interrogation ou negation) A un 6zlment de la phrase plut6t qu'A celle-ci dans sa totalite, et c) de proposer une analyse satisfaisante des constructions clivees de I'anglais, A l'oppose de la discussion que Dik lui-meme offre de ces tournures (Studies, chap. io) et qui souffre d'une confusion, d'ailleurs

caracteristique, des niveaux d'analyse pragmatique et syntaxique. Nous sommes aussi enclin A donner raison A de Jong, nos propres observations sur diverses

langues ouest-africaines allant dans ce mzme sens, lorsqu'il pretend que la categorie dite de contraste, qui est souvent indiquie comme source d'une diversi- fication de la focalisation, sert avant tout A realiser une information contre-

presuppositionnelle (p. ioo), faisant entrer en ligne de compte la dimension interactionnelle du langage.

Si, en matiere de pragmatique, il ne s'agissait que d'integrer, dans une theorie

deij bien assortie et complete en elle-meme, un aspect jusqu'ici neglig6 du

langage, il suffirait alors de developper une typologie englobant toutes les distinctions necessaires A couvrir le champ d'exploration en question. La typo- logie de la focalisation proposee par Dik et son 6quipe (Perspectives, p. 41 s.) est en effet une contribution fort valable dans cette direction et I'on ne peut que souhaiter qu'elle soit completee par une l1aboration correspondante de la notion du topique. Ii est donc curieux de constater que ]a pragmatique dikienne trouve son plein 6panouissement dans les rares passages qui la placent resolument dans un cadre 6nonciatif explicite : tel, au chapitre 1o des Studies, ce bref mais brillant r6sume" de l'ancrage des fonctions pragmatiques dans l'6change d'infor- mation (p. 211 s.), et dans les Perspectives (p. 63), I'analyse interactionnelle de la focalisation corrective. En fait, pour que la pragmatique ne soit pas simplement integrfe, tant bien que mal, dans la trousse A outils du linguiste, mais devienne le principe int6grant d'une approche de la grammaire40, il est necessaire qu'elle soit A son tour integrfe dans une thdorie structuree de l'usage de la langue. Elle ne peut alors se contenter d'une vision tronquie de la communication, reduisant celle-ci A une transmission d'information au moyen de phrases isolees, mais doit s'approprier les points de vue illocutoire, textuel et interactionnel. En vue d'une meilleure integration des trois composantes de la theorie, mais aussi en tenant compte des tendances actuelles en linguistique, I'effort principal devra donc porter sur l'Flargissement de la base pragmatique de la F.G. Ceci inclurait necessairement I'elaboration d'une grammaire fonctionnelle du dis- cours, au sens aussi de la prise en compte des structures transphrastiques. Programme sans doute ambitieux, mais moins utopique aujourd'hui qu'en 1968 oiu Dik en avait pourtant dej' pose le principe.

40. << ... the all-encompassing framework within which semantics and syntax must be studied >>, Functional Grammar, p. 5.

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