l island - forgottenbooks.com · et n otes. ln-8. didier, 1859. his toire du roi charles xii de...
TRANSCRIPT
L’
I SLANDE
A VA N T L E CHRI S T IA N I S ME
n’
arnÈs LE GRAGAS ET L E S SAGAS
OUVRAGES DU MEME AUTEUR
E tude sur les pamphlets politiques et religious: de M ilton .
ln —8 . D ezobry et Magdelein e , 1848 .
His toire des E ta ts S candinaves (S uède , N orv ège , D an emark) .ln - 12 . Hachette , 1 851 .
Lettres in édites du roi Charles XI I . Texte suédois, traduction
française . ln -8 . 1 852 .
N otices e t E x traits des man uscri ts con cernan t la France
con serv és en D anemark , S uède ét N orvège . ln —8 . 1855 .
Lettres in édi tes de la prin cesse des Ursine, avec in troduction
et n o tes . ln -8 . D idier, 1859 .
H is toire du roi Charles XII de Voltaire . N ouv elle édition av ec
préface , n otes his toriques et philologiques , etc . ln—12 . D‘
elagrav e,1854 .
S verig og Rusland i det 19 . A àrhundrede , traduit de la
Revue des D eux: Mondes , par C . Rosenberg . 1 vol. in -8 . Copen
hague , 1865 .
Gus tave I II et la Cour de Fran ce , av ec un e étude sur les
le ttres apocryphes de Louis XVI et Marie—A n toin ette . 2 v ol.
in -8 . D idier, 1867 .
M ar ie —A n toinette . Correspondance secrète en tre Marie—Therese
et le comte de Mercy—A rgen teau, publiée en collaboration avec
M . d‘
A rn eth , directeur des A rchives de Vien n e. 3 v ol. in -8 .
D idot, 1874 .
Rome et les Barbares . E tudes sur la German ie de Tacite . 1
v ol. in -8 . D idier, 1874.
Recueil des Ins truction s aux ambassadeurs et m in is tres de
Fran ce depuis les traités de Westphalie jusqu a la Ré vo lutionfran çaise , publié sous les auspices du min istère des affaires
étrangères , a v ec in troduction e t n otes . S uède . 1 v ol. in -8.
A lcan , 1886 . D an emark. 1 vol. in -8 . A lcan , 1 895 .
Madame de Main ten on d‘
après sa correspondance authen tique .
Choix de ses le ttres et en tretien s . 2 v ol. in -12 . Hachette , 1887 .
DES INSTITUTIONS ET DES MOEURS
DU PAGANISME SCANDINAVE
L’
I S L A N I EAVANT LE CHRISTIAN I SME
D’
A PR E S L E G R AGA S E T
‘
L E S S A O—A S
PA R M ‘G E F F R OY
mamans D E L‘
i usrirur
PA R I S
E RN E S T L E ROUX,E D I T E UR
28 , rue Bonaparte , 28
AVERTISSEMENT DE L’
ÉDITBUR
Cet ouv rage a paru pour la prem i ere fois
en 1864 dan s le s mémoires de l’
A cadém ie
des in scription s et be lles le ttres , tome VI ,
1” série,119
partie . L’
auteur le con sidéra it
comme le commen cemen t d’
une série de
travaux sur le moyen —âge scandinave qu i l
comptait publier successiv emen t .,Appelé
au cours d’
his toire ancienne à l’
Ecole nor
male,. puis à la Sorbonne il dut , non san s
regrets et san s espo irde retour, abandonner
ces études spéciales auxquelles il avaitcru se
dévoue r , mais don t de nouv elles circon stan
ces l’
é loignèren t toujours davan tage . I l put
cependan t développer de quelques un s des
ren se ign emen ts ou des aperçus nouveaux
_ n __
qu’
elles lui semblaien t pouvoir fourn ir à la
science historique dan s son ouv rage : Rom e
et les Barbares, étude sur la German ie de
Tacite .
On verra (p. 168 ) qu’
il s’
était propos é
d’
étudier dan s un e su ite de mémoires la
pénalité dan s les lois islandaises, la con
dition de la femme,celle de la fam ille . On a
retrouv é , sinon achevé au moin s fort avancé ,
le mémoiresur la pénalité , on le donn e ici
en appendice avec un curieux fragmen t sur
les formules dan s le droit islandais .
S’
aidan t de notes et de quelques publica
tion s de l’
auteur sur le même suj et‘on a pu
faire de nombreuses addition s au mémoire
déjà imprimé .
1 . Revue des D eux—Mondes Les Sagas is landaises . 1 ° l'
no
vembre 1 875 .
L’
ISLÀNDEAVANTLECHRISTIANISMED
‘
APRES LE GRAGAS ET LES SAGAS
Occupation du sol e t premi er dév eloppemen tde la con stitution
Ce n ’est pas seulement la nature , c’
est'
aussi
l ’histoire qui a fait de l’
Islande une terre digne
d ’étude . Presque entièrement composée de glaciers
et de volcans , elle est comme un champ-clos,pour
la lutte perpétuelle et terrible des deux élémens,l’
eau et le feu. De nouveaux cratères s ’y forment
sans cesse , rèpandant des flots de lave ou des nuées
de cendres que les vents emportent sur toute l’île
,
en Norvège , en Angleterre , quelquefois jusque sur le
continent . Le feu souterrain yengendre des richesses
minérales qui, assez mal exploitées jadis , offrent à
la science et à. l’
industrie de précieux encourage
mens il y entretient une grande quantité de sources
chaudes qui paraissent ne servir auj ourd‘hui qu
’
à
l'
élonncment du touriste alors que geyser et strokkur,
bassins ou pui ts d’eau boui llante, lancent dans
les airs, paréruptions tantôt régulières et spontanées,tantôt provoquées ou intermittentes , des colonnes de
30 , de 40 , de 100 mètres retombant en vapeurs ou
en…—pluie. -En même .
temps de vastes plateaux dans
tout le centre de l’
île se couvrent de glaces , qui etei
gnent ce que lesmatières volcaniques engendreraient
de végétation .
La vie se trouve ainsi restreinte aux côtes, soit le
long des fiords nombreux du nord , soit surtout dans
la partie occidentale de l’ île, que baignent et ré
chaufient les eaux du gulf-stream. Aussi la tempe
rature moyenne est-elle , dans la région de Reykj avik,au sud—ouest , de 2° en hiver et de en
été . Ce climat ressemble à celui des Orcades l’
été yest moins chaud et l
’hiver moins froid qu’
en Norvège
et au nord de la Suède ; pour certaines parties de
l ’ île, assure- t-on , j anvier est plus doux qu’ i l ne l
’
es t
à Milan , mars y est plus froid de 9 degrés, février
est le mois le plus rigoureux de toute l’année . Le
blé ne croit guère, mais la pomme de terre réussit ,et les pâturages , pour un bétail nombreux et de
petite taille, sont excellens . On a beaucoup discuté
la question de savoir si , dans les temps anciens , 1 1le
n’
avait pas connu des espèces de plantes et d’
arbres
d ’
une dimension supérieure a celles qu’
on yrencon
tre aujourd’
hui ; les habitans montrent comme des
_ 3 _
merveilles, en certains‘
l ieux abrités ,‘
des sorbiers de
grandeur ordinaire, cinq ou'
six peut—être pour tout
le pays . Olafsen et Paulsen , deux voyageurs du
mil ieu du xvm °siècle , y ont signalé un arbre de 20
et même un de 40 pieds les anciens livres natio
naux ofïrent des textes embarrassans qui paraissent
mentionner des forêts, tout au moins des arbres
isolés , assez nombreux cependant pour suffire , sans
que cela soit signalé comme extraordinaire par les
chroniqueurs , à la construction de maisons , ou bien
de bateaux capables de naviguer vers les côtes de
Norvège Les lignites ou l its de charbon feuilleté
qu'
on désigne en Islande sous le nom de surtur
brandr offrent des restes de pins , de bouleaux ,d
’
érables, d‘
ormeaux, d’
aulnes, de vignes et même
de tul ipiers , avec des traces de feui lles aux dimen
sions considérables ; cette végétation a du être très
v igoureuse , et suscitée par un climat plus chaud que
notre climat des environs de Paris mais la formation
de tels dépôts remonte à l‘
époque tertiaire , et l’
île
ne produit plus en quelque abondance depuis des
s iècles qu’
une espèce de bouleau nain qui ne dépasse
guère une hauteur de 75 centimètres ; c’
est de quoi
faire des forêts pour le pays de Li lliput . Heureuse
ment le bois flotté ne manque pas sur les côtes , et
Voyez en particulier la Svarfdæta S aga .
_ 4 _
la tourbe, ainsi que les fumiers d’
animaux , desse
chés, servent de combustible . Du côté de l’ouest
surtout , où les courans d’
eaux chaudes empêchent
les_fiords de se fermer l’hiver par les glaces , la
morue abonde, pendant qu a l'
intérieur lacs et
I‘ÎVIBI
‘
BS contiennent en quantité considérable le
saumon et la truite . Si l’on aj oute , la baleine,le dauphin et le phoque , qui se montrent au large,pui s au dedans de l
’île les animaux domestiques , tel s
qu’
une petite race de chevaux sobres et sûrs , le
mouton , le bœuf, le chien , le renne, enfin le renard
polaire , l’ours maritime ou glacial , l
’aigle pécheur.le faucon de chasse le courlis et le fameux ayder ,on aura signalé , peu s
’
en faut , tout ce que la
nature a donné a l’
Islande pour y retenir la vie , tout
ce qu‘
elle a offert de compensations à de tmpréelles
rigueurs pour y conserver ou même y attirer les
hommes .
Cette terre étrange a eu dans les s1ecles passés
une étrange histoire , qui n’
a rien de commun il faut
le dire avec la présente condition du pays . Son
isolement géographique loin de la condamner àl’
inaction et de lui mériter l’oubli est devenu pour
elle l’occasion singul ière d’
un rôle historique que la
1 . D‘
lslande venaien t les gerfauts que le roi de D an emark
offrait chaque ann ée , sous Louis XVI , pour la fauconnerie desrois de France.
5
Science moderne'
ne saurait négliger . Vers la ñu'
du
1x°
siècle , au moment où le vieux pagan i sme oriental des nations scandinaves allait succomber sous
l’
ascendant d’
une religion supérieure et sous les
liens multipl iés du génie classique, l’
Islande a été,pour la civil isation informe mais féconde dont le
reste du Nord était animé, un asile qui est resté
longtemps a peu prés inviolable. Les institutions ,les croyances , les passions et lesmœurs de la grande
race germanique, qui, déj à , s‘
étaient conservées
plus voisines du berceau commun et plus pures de
mélange dans la presqu 1le scandinave, menacées
par le christianisme, se sont réfugiées et retranchées
en Islande , et s’
y sont conservées très—tard à l ’abri
des influences étrangères . Bien plus , une fois trans
plantées sur cette terre vierge, elles s’y sont assises,
régularisées et comme condensées , si bien qu’
on a
pu dire d’
une île, jusqu'
alors déserte et reléguée vers
le pô le, qu‘
elle étai t devenue pour tout un monde
ce que les É tats-Unis d’
Amérique ont été, dans
les temps modernes , pour l’
Europe des derniers
siècles République florissante pendant quatre cents
ans , elle a reproduit la civili sation de la Norvège
1 . E s sind in der That die nordarmerikan ischen Frelatas
ten für une dasselbe , was eine Z eitlang im M ittelalter für die
akandinañschen Valli er I sland (D P il . Leo , E in iges
über das Leben und die Lebensbedingungm in Island in der
et de tout le Nord , qui lui servait de mère patrie,‘
et
c ’est chez el le qu’on peut étudier le plus facilement
cette civili sation , dont elle a offert comme un fidèle
résumé
En effet , dans la petite mais intime société
qu’
avait formée l’
émigration, les colons islandais
ont contracté les habitudes et acquis les qual i tés qui
font d’
ordinaire et qui ont fait d'
eux en effet de bons
archivistes , des chroniqueurs et même des traduc
teurs scrupuleux . Après avoir longtemps ignoré
l’
usage de l’écriture et s
’
être servi à peu près exc lu
sivement de la tradition orale , aussi tôt que les
caractères dont se servait le continent leur ont été
connus, c’
est—à—dire au lendemain du christian isme ,ils se sont hâtés d
’
en faire un fréquent usage ,comme si surpris et charmés , ils eussent été
pressés de j ouir de ce nouvel et ingénieux instru
ment . A partir de la fin du xl° siècle (au moins
n’
avons- nous pas conservé de témoignages plus
anciens ils ont écrit jusque dans le dernier détai l
l ‘histoire des familles notables de la colonie, ils ont
rédigé leurs coutumes et leurs lois , que chacun
savait par cœur, et il s ont de la sorte laissé à
l ’historien , dans leurs sagas et leurs codes , un bon
Z eit des Heiden thumes , mémoire inséré dan s la sixième an née
du Portefeuille his torique (His torisches Taschenbuch) de Fr. v.
Baumer, Leipzig,
nombre de monuments authentiques qui nous
donnent un tableau presque complet de la nouvel le
société établ ie dans l’
île et par conséquent aussi de
la société antérieure . Restituons à l’
aide de ces
l ivres la civilisation scandinave tel le qu’
elle était
avant la conversion du Nord au christianisme et
nous retrouverons sans doute quelques origines , ou
du moins quelques traits primitifs, de notre propre
civilisation . Ceux- là en conviendront qui se rappel
lent l’
étroite parenté entre les Scandinaves et les
Germains , et ne req ent pas d’
apercevoir, à côté de
la source romaine la source germanique des prin
cipales soc1etés modernes . L’
intéressante et heu
reuse diversité de caractère et d’ intell igence qui
règne en Europe remonte, entr’
autres causes , à la
dualité d’
influence qui s’
est produite au commence
ment du moyen- âge quand les peuples de notre
continent se sont distingués et formés les uns
sous la direction du génie classique, à la double
école de la civilisation romaine ou grecque presque
non interrompue et du christianisme de bonne
heure accepté les autres sous l’
in 5piration de ce
différent gén ie qu’
on appellera comme on voudra,germanique , anglo- saxon , barbare , mais dont i l ne
faut pas contester l’
existence ni l ’action , puisqu’ il a
enfanté des lois , des institutions , disons plus des
idées et des sen timents assez profonds et vivaces
pour avoir laissé jusqu’
en notre temps des traces
persistantes . S’
il est incontestable que les mêmeidées intel lectuelles , morales, politiques rel igieuses
même, n’ont jamais cessé d
’
être différemment corn
prises et d’
être comme aperçues sous un autre ah
gle àLondres et à Rome , en France et en Allemagne ,en Hollande et en E spagne , les origines historiques
expliquent en grande partie ces dissemblances , les
nations du midi s’étant conservées plus fidèles aux
traditions classiques , cel les du nord ayant offert en
commun d ’autres traits , qu’on retrouve chez les
Germains dont elles sont issues , toutes d’ailleurs
ayant subi en d’
inégales proportions , par un si long
mélange cutr’
elles, par l’
action du christianisme par
dix autres causes la double influence que nous
venons de signaler . Ge qu’
a été pour la France pour
l’
Angleterre l’
alluvion romaine , de savants travaux
l ’ont suffisamment montré et à vrai dire sans tr0 p de
peine ; il est plus difficile de dis tinguer le reste, c’
est
adire ce qui provient directement de la source
barbare dans certaines régions de la patrie et de
l ’ intell igence française , ou bien dans la civilisation
britannique , si profondément originale . Les livres du
Nord qui nous ont gardé quelques souvenirs de ce
que furent en Scandinavie les t emps anterieurs aux
influences venues du continent doivent nous éclai
rer à cet égard .
Les ouvrages de l’ancienne l ittérature islandaise
qui nous ont été conservés sont principalement dedeux sortes : il y a surtout des sagas et des lois . Les
sagas sont pour la plupart de simples récits biogra
phiques , des chroniques de famille, rédigés dans
cette langue narrène qui a été jusqu’
au x1v° siècle
la langue commune de tout le Nord et de laquelle
se sont formés les idiomes de la Scandinavie actuelle .
Des lois nous avons plusieurs recueils entr’
autres
celui qu’on a intitulé dès un temps très ancien le
Gra'
gds Il y va de soi que la comparaison entre les
textes législatifs et les narrations historiques est un
moyen de contrôle et une source de lumière . La saga
de Nial , ainsi appelée du nom de son héros princi
pal, la plus complète et la plus intéressante des
sagas islandaises , nous montre la société islandaise
déjà toute fum ée et au moment même où el le va ,après avoir énergiquement résisté , se soumettre,elle aussi , au christianisme.
Nous emprunterons d'
ailleurs çà et là quelques
autres commentaires du Gragas soit aux annal ia
tes islandais , soit aux principales sagas qui, avec
celle de Nial , complètent l’
œuvre historique des
laborieux chroniqueurs du Nord . Ce sera le seul
moyen d’obtenir l
’
explication de textes douteux et
On prononce en islandais gr0gè s.
de lois obscures , et cette comparaison nous fournira
en outre les éléments d’
un tableau presque complet
de la c ivilisation de l’
Islande au x1°s1ecle, qui résu
mera à nos yeux la civili sation de la S cand1navœ
tout ent1ere pendant les derniers temps du paga
nisme .
Il doit être entendu que les l ivres dont nous nous
servons , rédigés après l’
introduction du christian is
me , pourront‘
nous offrir des expressions chrétien
nes , mais ces express ions mêmes revêtiront le plus
souvent des descriptions et des idées toutes païen
nes ; elles ne nous tromperont pas .
Les annalistes nous présentent un récit de la
colon isation de l’
Islande et de la prise de posses
sion du sol par les immigrants norvégiens qui est
l ’ introduction naturel le et nécessaire de l’
étude que
nous abordons . C’
est le sujet spécial du plus
ancien livre islandais qui nous soit resté , l’
Islendinya
Bols, qu’on a désigné , au moyen âge , du nom de
Schedæ ou pages , livre écrit en 1 120 par le prêtre
Are Frode ou le Sage Le Landnama Bols, écrit à la
1 . Am Thorqilsis lila , cognomen to Froda , id es t mull ison vel
polyhis toris , in Islandia quondam presbyteri , prim i in septen
trione his torie i, S ckedæ seu libellas de Islandia , Islendenqa
Bol: dielus e veteri islandica , ve l, si mavis , dan ica an tiqua ,
sepæn trion a libus alim commun i lingua , in la tinam versus ac
præter necessarios indices , quorum anus est ten ici ins tar,
brevibus notis et chronoloqia. præmissa quoque auctoris vita,
fut jeté par les vents sur la côte orientale . Il gravit
une montagne pour chercher. dit le Landnama
Bok,s’
il n’
apercevrait pas de la fumée ou quelque
autre s igne d’
habitation : ce fut en vain,et il quitta
l’
île en la nommant la terre de neige , Suce—land.
Vers le même temps un Suédois , Garder, allant aux
Hébrides pour y réclamer l’
héritagede sa femme, fut
assailli , au sortir du détroit de Petland, par un vio
lent orage , qui le jeta vers l'
ouest en pleine mer.
Arrivé en vue de l’
Islande, il aborda , par le consei l
de sa mère , habile devineresse, sur un point de la
côte orientale où il y avait un bon port ; il fit par
mer le tour de la contrée et se convainquit que c’
ê
tait une île . Parvenu à un golfe de la côte du nord
est, i l y construisitdes habitations grâce auxquel les il
put l1iverner ; et, au printemps suivant, de retour en
Scandinavie , i l vante beaucoup le nouveau pays
qu’ i l avait visité .
Le bruit s etant promptement répandu en Norvè
ge qu’
il y avait vers l’
ouest une grande île fort
souhaitable et déserte , un Norvégien , Floki, fi ls de
Va1gard, résolut de s’
y rendre . Il emporta avec
lui, comme moyen de direction trois corbeaux
qu’ i l avait consacrés aux dieux . Ses deux filles
l’
accompagnaient avec un nombreux équipage .
Après avoir fait voile vers les Shetland , puis vers les
Féroé, ils se confièrent à la pleine mer. Le premier
des t rois corbeaux, mis en liberté ; s’
envole en
arrière pour regagner la terre qu’on avait qui ttée le
second , quelque temps après plane un peu au
dessus du navire et puis revint s ’y abattre ; plus tard
enfin le troisième s’
envole droit en avant et ne
reparut pas ; en . suivant la direction de son vol,
Floki rencontra la terre . Il aborde sur la côte sud
est de la grande île qu’
il cherchait , et c‘
est lui qui le
nomme Is—land en ile de glace . Cependant il ne s’y
établit pas , et les premiers véritables colons furent
Ingolf et Lait, dont le voyage se place dans l‘
année
874 . (l’
étaient deux exilés norvégiens i ls étaient de
haute naissance et d’
une même famil le ; à la suite
d’
un meurtre exécuté en commun , mêlant leur sang ,ils étaient devenus frères d
’
armes . A de tels pros
crits l'
Islande offrait un sûr asile . Après un premier
voyage pour reconnaître le pays , i ls revinrent pour
préparer un établissement définitif. Ingolf se chargea
des dispositions à prendre en Norvège , pendant que
Leif irait en Irlande afin de se procurer —des provi
sions et des esclaves . Lorsqu 1l fut de retour, i ls
partirent ensemble avec deuxnavires. Ingolf avait au
soin de consul ter les dieux , que son compagnon
dédaignait ; lorsqu’ i l fut en vue de la terre , il jeta à
la mer les piliers sacrés de son siège . domestique
1 . Les ôndevegis—sulur, Ondvegi est le haut
-siège qu‘
occupe
le me ttre dan s les maison s des anciens S candinaves , codes
c'
est—à—dire les deux montan ts‘
antérieurs du haut
s iège qu’
occupait , aumilieu de la grande salle, dans
toute demeure i slandaise , le chef de la famille ; cha
cun d ’
eux était surmonté d'
une tête sculptée de Thor
ou d’
0din ; c’
étaient des images sacrées du foyer ,des symboles de la puissance respectée du maître
de la maison . Ingolf avai t fait vœu ,suivant la
coutume de ces hommes de mer, de s’établir là où
les flots et la volonté des dieux porteraient les ondes
gts—sulur ; mais ceux—ci disparurent , et il prit terre
près d’
un promontoire de la côte sud—est, qui porte
auj ourd ’hui son nom . S es esclaves les ayant retrou
vês trois jours après dans une baie de la côte sud
ouest, il elle s’y fixer, et c
’
est précisément l’
emplace
ment de la ville actuel le de Reykjavik. Quant au
compagnon d‘
Ingolf, qui avait négligé de s’
en
rapporter aux dieux , les v en ts l’avaient jeté sur la
côte méridionale,et i l s
’y étai t établi , mais ses
esclaves irlandais l ’avaient assassiné ; lngolf apprit
en même temps le lieu de son établissement et de
sa mort . 11 partit pour le venger ; en trouvant son
cadavre, il fut saisi de douleur : Mourir de la
main d’
un esclave, dit—il, est un triste sort et indi
primaria , dit S v einbiô rn Egilsson dan s son Lex icon poeti
cum an tiqua lingua septen triona lis , Hatn iæ, 1844-1 860 . S a la
v eut dire colon n e . (Voy . Leo , apud Historisches Taschenbuch ,
p. 452. Ct. Weinhold, A ltnordisches Leben , Berlin , 1856,
in p. 220,
gne d’
un homme ; mais je vois bien qu’une pareille
destinée est le partage de quiconque dédaigne les
sacrifices
lngolf pas sa trois années de suite dans l 1le , et
c’
est de la sorte lui seul qui ouvrit réellement l’ère
de la colonisation . Are Frode et les auteurs du
L andnama Bok énumèrent ses descendants , racon
tent chacun de leurs voyages et montrent ainsi par
quelle suite d‘
immigrations l’
Islande devint , dans
l’
espace de soixante ans environ , de 874 a934 , une
colonie scandinave et principalement norvégienne .
Si les premiers colons avaientétè despirates oudes
criminels fuyant les lois de leur pays , les troubles
politiques auxquels la péninsule scandinave était en
proie allaient bientôt faire naître une source d‘immi
gration à la fois plus abondante et plus pure . La fin
du 1x° siècle devait, à la suite d
’
un grand mouvement
intérieur , ouvrir une période nouvelle pour toute
l ’histoire du Nord . On avait vu dès 840 , à l‘
imitation
d’
Egbert, roi deWessex chez les Anglo—Saxons , le
danois Gorm . l‘
Ancien , d‘
abord simple roi de Leire
ou Léthra en S élande , employant tour à tour la force
ouverte et la ruse et s’
aidant aussi d‘
alliances habi
lement préparées , grouper sous se domination les
nombreux petits royaumes indépendants qui l‘
entou
raient . A le suite de ces heureuses conquêtes , pour
suivies jusqu’
e l’
Eyder, extrême limite de la race
scandinave en présence des Allemands , il avait
réuni le Jutland septentrional et méridional , et en
outre , les grandes îles de Sélande et Fionie, cel les
de Laeland et Falster, et les trois provinces , enjoa r
d’
hui suédoises , de Scenic, Palland et Bleking.
Lamême révolution s‘
était accomplie en Suède ,et lasaga Ynglinga , écrite par Snorre S turleson ,mort en 1243 , la raconte ainsi Ingiald, fils du petit
roi d’
Upsal, et qui fut peut—être contemporain de nos
premiers chefs carlovingiens avai t été vaincu dans
ses jeux d’
enfant par le fils d’
un roi voisin , et il e n
avait conçu un profond ressentiment . Pour l’
aider à
se venger , son père nourricier avait fait rôtir le cœur
d’
un loup , et cette nourriture avai t rendu le jeune
prince fier et cruel . Quand son père mourut , lui lai s
santun royaumedepeu d’
étendueetmalassuré, iln’
en
voulut pas moins célébrer avec beaucoup d’
apparat
la cérémonie habituel le de la bière funèbre . Il fit
construire une magnifique sal le royale garnie de
hauts-mages ou trônes pour les rois qui se parta
geaient avec lui le pays de Suède, et i l les invite
avec leurs iarls . Sept de ces rois s’
y rendirent et i l
leur offrit un grand repas . L ’
usage voulait 2 que,
1 . Ingialdr I llradi est le dern ier des rois d’
Upsal, le dam ier
de la famille des Ynglings . L es his toriens suédois placen t
l'
époque qui finit avec lui dan s le vm ° siècle.
2 . V. Am esen , His torisk Indledn ing til Islands/ce Rœl
torgang, 1762, p. 210 .
pendant cette fête , où , après avoir célébré le mort ,on saluai t le nouveau chef, celui-ci se tint d
’
abord
sur un escabeau au pied du trône , jusqu’
à ce que
les invités, qui étaient ses pairs lui présentassent la
corne a boire . Il devait le saisir, faire solennelle
ment un vœu quelconque , vider la corne , et alors
seulement il montait sur le trône de son prede
cesseur et devenait vraiment roi . lngiald reçut
la corne pleine et prononça le vœu d ’augmenter
de moitié son royaume vers les quatre points
cardinaux ou de mourir à cette tâche . D ès le
soir même i l se mit en mesure d’
accomplir ces
paroles , dont nul des assistants n’avait saisi l ’ im
minente menace . Des hommes armés furent apos
tés par lui a la salle du banquet, et la nuit venue ,quand tous les convives eurent bu cepieusement,
selon la coutume , i l ordonne qu’
on mit le feu à
l‘
édifice , de sorte que, par le fer ou par le feu, il s
périren t jusqu’
au dernier . Quant a ceux de ses
rivaux qui ne s etaient pas laissé prendre au piège ,i ls se virent promp tement attaqués par lngiald ; ils
purent résister quelque temps avec l’
aide des rois de
mer, mais finalement sans succès . lngiald réussi t de
cette manière à s’
emparer a peu près de tout le
pouvoir .
On raconte du roi de Norvège Harald Harle
ger, avec d’
autres c irconstances , le même ex
ploit Harald avait douze ans lorsque -épris de la
beauté de Bague la F1ere , fille d’
un chef norvégien ,i l lui déclare son amour . E lle lui répondit qu’
elle
n’
appartiendrait qu a celui qui soumettrait a sa
domination tous les petits chefs du pays et qu’
elle
ne voulait pas d’
autre époux . Herald fit le vœu de
ne pas couper sa chevelure avant d’
avoir conquis sa
main , et, dès son avènement , i l se mit à l‘
œuvre .
Pendant dix années , par la force ou par la ruse , il
poursuivi t ardemment son but. Il conquit d’abord le
pays de Trondhiem, puis une partie de la côte
occidentale , pui s le Tellemerk e t l’
Hordaland Mais
le péri l renaissai t touj ours devant lui, les vaincus se
faisant pirates et revenant sans cesse attaquer ses
nouveaux domaines . Voulant même tenter un grand
effort , ils se réunirent et lui l ivrèrent un grand
combat naval dans la baie de Hafursfiord, aujour
d’
hul golfe de Stavanger , à l’
extrémité sud-ouest de
la Norvège . C’
est une j ournée célèbre dans les
1 . Voy . le premier chapitre de la saga d‘
Olaf Tryggvason .
E lle es t traduite en danois dans le volume des Oldnordiske
S agaer , Kj ôbenhavn , 1826 , in
2. Minutula N orvagiæ regna e t ille tamen independen tia,
vix u llo n isi forte in terdum m ilitarie fœ deris v inculo in ter se
j un cta , Pylki v ocata sun t . Vox a Folk siv e Flokr derivata
(gen s siv e grex) ; Fylkiskdnqr pæne per regem gen tilem
reddere anadeo . Vehemen ter errant qui tales pro v inciales
reges v ocarun t . (N ote à l‘
édition arnamagnéenne de la
Laxdeala saga , 1826, in p.
un genre de pr0pr1eté ineliénable et exempt de toute
redevance . Les possesseurs de ces terres indépen
dantes , holder, odalbomz‘
r mean, se trouvèrent
doublement frappés , parce que , indépendamment
du privilège de ne supporter aucun e charge , ils
avaient encore celui de prendre à ferme avant tous
les autres les terres communales . Harald n’
en
épargne aucun . Les uns résistèrent avec courage ,mais beaucoup cédèrent lâchement . Deux frères , qui
étaient chefs dans le Nanmadal, étaient occupés à
achever la construction d’
un tertre destiné a leur
servir de sépulture quand ils apprirent que Harald
s’
avençait contre eux. L ’ainé , qui se nommait
Herlaug, fit apporter une grande provision de vivres
dans l’
intérieur du tombeau ; i l y entre avec douze
de ses serviteurs , et en fit murer derrière lui l ‘ouver
ture . L ’autre , au contraire , ordonna qu’
on préparât
sur la coll ine royale un haut—s1ege et, un peu eu
dessous , des bancs comme ceux où les iarls prenaient
place d’
ordinaire . Il alla s’
asseoir une dermere fois
sur le haut -s1ege qu’
il avait , en sa qualité de chef,occupé jusqu
’alors , puis , se précipitent a terre , i l se
laissa rouler jusqu’
aux bancs des iarls , parmi lesquels
il se rangeait ainsi désormais . Harald le félicite de sa
bonne conduite , et , lui attachant au cou un bouclier,a la ceinture une épée , lui donne , avec le titre d
’
ierl
du roi de Norvège , la domination sur tout le district
de son frère et le sien . La plupart des autres chefs ,sans imiter précisément l ’exemple de l ’aîné des
deux frères , préférèrent du moins a l’
asservîssement
l’
exil .
Ainsi triomphe le mouvement de concentration
monarchique survenu dans la péninsule scandinave
vers la fin du 1x° siècle , peu de temps avant l
'
avène
ment da christianisme , qui allait fortifier encore
l’
un ité politiqueen même temps que l'
un ité rel igieuse .
Cemouvement , quisemanifeste , comme nous l'
avons
vu, dans les trois royaumes du Nord , ferma une
période de ténèbres et de barbarie confuse , et ouvrit
celle où chacun d’
eux eut désormais son existence
particul ière et son histoire écrite . Mais surtout i l
détermine l‘
époque de la plus grande expansion des
races scandinaves , et donne ainsi le signal d’
une des
phases lesplus importantes de la civilisation moderne .
Le génie aventureux des hommes du Nord , impatient
de la vie domestique et n ‘
ayant plus les guerres
civ iles , les lança vers l‘
Occident et l‘
Orient dans les
expéditions ou les découvertes les plus inattendues
et les plus lointaines . Tandis qu'
imitan t l’ancien
exemple des Saxons et des A ngles , Danois et
Northmans envahissaient l‘
A ngleterre et la France ,ravagaient nos côtes , pillaient Rouen et Paris et
1 . Je puis attes ter qu i l'
y a peu d'
ann ées des religieuses hre
tonnes , venues à Versailles pour y in staller une maison de leur
_ 22 _
se répandaient jusque dans la Méditerranée , d’
autres
navigateurs , à la suite d’
Other et Wulfstan , dont le
roi Alfred nous a conservé les récits , partant des
ports situés à l‘
extrémité septentrionale de la penin
sule , s’
en allaient exploiter la mer Blanche et visiter
les bords’
de la Dvina , remontaient ce fleuve , comme
leurs frères d’
Occident avaient remonté le Rhin , la
Seine, la Loire et la Garonne, eflrayeient ces
nouveaux rivages , dépouillaient sur la route le
temple des Biermes et le riche idole de Jumela,s’
ouvraient un passage jusqu’au cours supérieur du
Volga , arrivaient par ce fleuve aux rives de la mer
Caspienne , et rej oignaient là une des grandes voies
de l ’ancien commerce de l’
A sie avec l’
Europe . En
même temps , par la Baltique , dont ils peuplaient les
î les et les côtes , i ls pénétraient dans le lacde Ladoga ,puis dans le vaste con tinent
'
de l’
Europe orientale ,fondaient Novogorod, s
‘
emparaient de Kief, se
mêlaient aux origines de la Russie moderne , et
s’
enhardissaient, après s etre grossis , là comme
partout ail leurs , de nombreuxet hardis compagnons
de tous pays , jusqu’à attaquer la capitalede l
’
empire
ordre, dans leur prière du soir disaient cette in voœ tion
L ibera nos a moto et a furore n ormannorum . S ingulier reten
tissemen t de la terreur qu‘
in spirèren t ces pirates du Nord, et
en même temps curieux exemple de la perpétuité des tradi
d'
Orient , dont la faiblesse tremblait à l‘
aspect de ces
ennemis inconnus.
Vers le nord—ouest , nous l‘
avons dé jà vu, de
nouvelles découvertes avaient été réservées à la
hardiesse irréfléchie , mais prédestinée , de ces
barbares Au moment même où ils remplissaient
l’
Europe de terreur , il s avaient , en poursuivant de
ce côté le commerce et la pêche , qu’i ls mêleient
touj ours à leurs pirateries , rencontré l’
Islande, d’
où
on les verra partir ensui te pour aller découvrir et
peupler l’
Amérique . Nous avons dit qu’
une cause
poli ti que allait s’
ajouter aux causes diverses qui
entraînaient le courant de l’
émigration en Islande ;nous la connaissons a présen t : ce fut dans chacun
des tro is royaumes de la péninsule scandinave , la
volon té de se soustraire à la domination exclusive
d‘
un roi partout vainqueur . La découverte récente
1 . L es N orvégien s avaient colon isé , dès le v in o siècle , l’ llede Man , les Féroé et les Orcades . Les évêques de l
‘
ile de Man
res tèren t placés sous l‘
autorité de l'
archevêque de N idaros j us
qu'
à la fin du xv° siècle. (Voy. la savan te publication du pro
fesseur P. A . Mun ch : Chron ica regum Mann iæ et insularum,
(Zhris tian ia , 1860 , in M . Muncb a vait trouvé , en 1850 , au
Musée britann ique , le manuscrit original de ce tte chron ique
latin e , qu‘
il a commen tée a l‘
aide d‘
autres documen ts re latifs
au même sujet, par lui découv erts en 1860 dans la Bibliothèquedu Va tican . S on commen taire et son in troduction , donnan t
l‘
histo ire des premières colon ies n orvégien oes dan s ces iles ,avec le s in scription s run iques trouvées dan s l
’
lle de Man ,
sont écrits en anglais (225 pages) .
offrait un asile aux victimesde la tyrannie d’
lngiald,
de Harald et de Gorm . L'
Islande, qui n’avai t reçu
jusqu’alors que des criminels fuyant les lois , ou ,
tout au plus . des aventuriers cherchant fortune , allait
servir à de plus nobles desseins.Observons la manière
dont se fit le landh am, c’
est—à—dire la prise de
possession du sol , que racontent encore en détai l
Are Frode et les auteurs du Landnama Bok. Ce
seront les premiers traits de la civi l isation que
nous essayons de restituer , et nous pourrons en
faire l’
appl ication plus tard à l’
histoire générale de
tout le Nord .
Exilés volontaires , les chefs qui allaient chercher
en Islande la liberté étaient pour la plupartde nobles
fi ls de iarls et de rois , sinon rois eux-mêmes . Ils ne
mettaient pas à la voile secrètement et comme des
fugitifs , mais au grand j our, après de longues
dispositions , avec femmes et enfants , serviteurs et
esclaves , avec toute leur fortune qu’
ils transportaient
dans leur nouvel le patrie , avec tout un apparei l de
pui ssance qui les rendait redoutables encore . Ce
n’était point le rebus des populations scandinaves ;l’
lslande recevait , aucontraire , en eux lesdépositaires
de tout ce que le Nord connaissait de civil isation .
On en jugera par le récit suivant , qui forme le début
de la Lexdaela saga, rédigée dans sa forme actuelle
a la fin du xi 1‘ siècle . Ketil . au nez plat , riche
habitent du Raumsdal en Norvège , apprenant les
envahissements d’
Hareld Harfager, et prévoyant
qu’
il ne lui serai t permis ni de venger le meurtre
de ses parents ni d’
échapper lui—même à la servi
tude , réunit ses proches et leur dit : Il s‘
agit
d‘
éviter un grand péri l vous savez la haine
d’
Harald contre nous il ne reste que deuxmoyens
d’
y échapper ou bien partir en exil , ou bien
mourir chacun dans sa demeure . J’
accepterais
volontiers pour moi la même mort qu’ont déj a
subie mes parents , mais je ne veux pas vous
envelopper dans mon malheur , et je sais cependant
que vous ne vous ne voudrez pas m’
abandonner
en un tel péril . Bluru, fi ls de Ketil , répondit :
Mon avis est qu a l’
exemple de plusieurs chefs
illustres nous quittions ce pays ; et je ne pensepas qu
’
il y ait grand honneur à attendre ic i que
les esclaves d’
Harald viennent nous dépouil ler et
nous donner la mort . Comme presque tous
les assistants applaudiren t à ces paroles , Biorn et
Helgi, son frère , proposèrent qu’
on se transportât
en Is lande ; ils avaient entendu dire de cette île
beaucoup de bien ; la terre y était bonne ; i l n’y
avai t pas besoin d’
acheter le bétail ; la mer y
jetait fréquemment des baleines sur les côtes , et
la pêche y était abondante dans toutes les sai sons
de l‘
année. Ketil dit qu’
il était tr0 p vieux pour
2
aller a le recherche de ces pêcheries ; il préférai t
les mers occidentales , qu’
i l avait souvent parcou
rues en viking et où il rencontrerait des plages à
lui connues . Ces résolutions prises , Keti l
ordonna un grand festin , maria sa fil le Thorunn a
Helgi le Maigre , et fit ensuite ses préparatifs de
départ Unnr, sa seconde fille , et plusieurs de ses
proches l’
accompagnêrent , tandis que ses fil s
partaient pour l’
Islande .
A peine débarqué sur la plage qui lui a été dési
gnée , comme nous l'
avons vu plus haut , par un
signe des dieux, le nouvel arrivant prend possession
du sol , soit en allumant à l’
embouchure d’
un fleuve
un grand feu dont les rayons , aussi loin qu’ ils se
répanden t , lui en soumettent les rives soit en cir
conscrivant par des bûchers placés à égale distance
en vue les uns des autres tout le territoire qu’on
peut de la sorte entourer en un j our soit en faisant
le tour du nouveau domaine une torche allumée à la
main et dans un sens opposé au cours apparent du
solei l , c’
est—à-dire de l’
ouest à l’
est ; soit en lan
cent à travers le pays une flèche enflammée soit en
marquant son passage par des signes sur les arbres
ou sur les rochers , signes que la lo i reconnaît et
protège soit enfin par quelque autre de ces sym
boles dont les peuples primitifs sont habiles à faire
un langage figuré . Le Landnama Bok en offre un
fois les limites tracées , on construi t l‘
habitation du
chef, avec la grande sal le oblongue , munie de deux
bancs parallèles aux deux parois principales ; au
millieu d’
un de ces bancs est le haut-siège , auquel
on adapte les piliers sacrés apportés de la mère pa
trie , et qui ont déjà servi à déterminer, en nom des
dieux , où l’
on a dû aborder et fixer le premier éte
blissement . Le plus pressé est ensuite la construe
tion d’
un temple ou hof. Beaucoup de chefs qui, en
Norvège , étaient hofgodar , c’
est-à—dire prêtres ou
présidents d'
un temple , ont apporté des fragments
ou même toute la charpente de leur ancien senc
tnaire, et surtout quelques poignées de terre em
pruntées au sol qui supportait en Norvège l‘
autel où
étaient les statues de leurs dieux ces fragments ou
cette terre suffisent pour que le nouveau temple soit,sous un nouveau ciel , également respectable et sacré .
Le temple i slandais consiste lui-même en un grand
édifice dont l’
enceinte forme un asile , et au milieu
duquel on voit , sur un tertre , un autel supportant
d ’abord la flemme qui ne doit jamais 3 eteindre,puis
un anneau d'
or ou d’
argent sur lequel chacun prête
serment et que le chef porte à la main pendant toute
les réunions , enfin la chandmre destinée à recevoir
le sang des victimes , et l’instrument avec lequel on
asperge de ce sang les murs et l’
assemblée Tout
1 . Voy. la saga d'
Hakon Adalsteins fos tri , dans l‘
Heimskfi n
autour de l’
autel sont les images des dieux. On voit
dans les environs la pierre aiguë sur laquelle on
brise les reins des victimes humaines , un lac , une
riviè re ou une chute d‘
eau, où l’
on précipite ceux
qui sont voués aux dieux . Tout Islandais doit acqui t
ter nu impôt pour le temple et s’
y rendre suivant les
ordres de celui qui y préside. Celui-ci doit , en retour,entretenir l
‘
édifice et subvenir aux repas qui aecom
pagnent les fêtes religieuses . Troisièmement enfin , on
s ’empresse de consacrer , dans le voisinage du tem
ple , un certain emplacement pour les séances du
tribunal ou thing où se jugeront tous les différends
et tous les méfai ts , et où se décideront , en présence
de tous , les questions intéressant la nouvelle colonie .
Le thing est touj ours établi sur quelque haut lieu,parce que les hauts lieux passent pour être habités
par les génies envoyés des dieux et pour inspirer à
ceux qui y méditent les résolutions les plus sages . Si
l’
on ne rencontre pas une hauteur que son escarpe
ment naturel protège suffisamment, on entoure le
thi ng d’
un fossé ou d’
une haie on de quelque autre
obstacle qui le metten t à l’
abri des agressions . Aussi
voit—ou les things appelés quelque fois rèttr , mot qui
gta de Sn orre S turleson , c. vra de la saga, p. 136 de la traduc
tion danoise de M . Grudtvig, 1 818 , in (Voyez, sur les sacri
fices de chev aux et de men u bétail, l‘
Eyrbyggia saga , c. xv1u.
p.
désigne primitivemen t , dans le Grügäs et les sagas,les parcs où l
’
on renferme , à l ’automne , plus près
des habitations , le menu bétail qu’on a laissé
, pen
dant l’
été , dans la montagne . Afrètt signifie , dans le
Greges , un pâturage . Les things sont donc par excel
lence des lieux soigneusemen t fermés , comme ces
pâturages ou ces parcs
Le chef de la colonie préside au tribunal , comme
à l 'administration du temple et du cul te , et i l est de
la sorte à la fois chef politique et civil , prêtre et
magistrat . Le titre norvégien de godi , qu’ i l conserve ,
désigne également ces trois sortes de puissance . Le
nom de god—ord s‘
applique à la circonscrip tion sur
laquel le domine un tel chef et asa dignité . Primiti
vement son autorité est grande . Aux temps les plus
anciens du paganisme , lui seul égorge les victimes ,prend sur l
’
autel l’
anneau d‘
argent , le trempe dans le
sang et en arrose l’
assemblée ; lui seul d’
abord rend
1 . Voy. A rn esen , Historisk Indledn ing til den gamle og nye
Is lands/ce Ræt terganq . (In troduction his torique à la procédure
an cien n e et modern e de l'
Islande) av ec les n otes de John E rich
sen et une préface de Kofod A n cher, Copenhague , 1 762 , id
p. 331 , n ote . A Rome les en cein tes en bois con struites au
Champ de Mars pour les com ices par cen turies s‘
appelaien t
septa on ov ilia , parcs de bergerie . » (l’
étaien t les n ep i e9oiy p a r u
de l'
A ttique . Les planches furen t remplacées , au temps d’
A u
guste , par de superbes portiques en marbre porten t encore
le même nom S epta marmorea . (Voy . A ug. Pan ly, Real
E ncyclopædie, Vl Band, erste Abtheilung, s . v . S epta) .
la justice dans son thing à tous ceux de son diStrit:t
et les commande dans les expéditions gnerr1eres.
Protecteur et gardien de la communauté , il en exerce
toute la police intérieure, et tire de l’
exercice de ces
devoirs certains revenus . Un navire étranger aborde
t-i l sur son rivage , i l arrive a cheval avec quelques
agents par lui désignés , autorise le débarquement,perçoit l
’
impôt , fixe le prix des marchandises à im
porter , achète avant tous les autres , et accorde à
certaines familles le droit d’
acheter et de choisir
immédiatement après lui. Il offre l’
h0 5pitalité aux
étrangers , qui la lui payent d’
ordinaire . A lui le
droi t d’
aubaine et les amendes , et main tes préroga
tives , sônrces de grands profits . D’
ailleurs le godard
est inamovible , sauf après certains délits ; i l est
hérédi taire et peut passer à une femme on à un
enfant , au nom de qui un tuteur l’
administre on
peut aussi l‘
acheter .
L'autorité des godar islandais , qui reproduit celle
des chefs de famille et des petits rois de la Norvège ,est , comme on voit , fort étendue . Toutefois elle se
trouve corrigée et limitée par la liberté des citoyens .
S’
i l est vrai que tout Islandais soit rigoureusement
tenu de s’
inscrire dans le district d’
un des godar
voisins de son habitation , du moins il lui est per
mis de choisir entre ses voisins dans un cercle assez
é tendu, qui deviendra bientôt une circonscription
légale comprenant trois godard simême i l se trouve
mal de son premier choix , i l a le droit de s'
offrir au
second ou au trois1eme de ces magistrats , à condi
tion de présenter et de faire accepter , pour ce chan
gement de résidence légale , des raisons valables ; i l
peut , enfin , s’
il compte pour rien les difficultés du
climat et de la distance , réclamer justice à tel tribu
nal on thing qu’il préfère . Il arrive de la sorte que
celui des godar qui protège mal ou qui opprime ses
adminis trés voit son godard dépérir entre ses mains .
L’ indépendance personnel le , dont le sentiment est
si fort inné dans le cœur des anciens Scandinaves ,tempère ainsi et contient le système oligarchique ,
qui se montre partout dans leur histoire primitive .
Ce système s’ouvrira , d
'
ai lleurs , promptement pour
laisser une place respectée à l‘
idée de la loi , de la
loi protectrice de tous et de chacun en particul ier,de la loi , dont chaque ci toyen , dans le soc1eté scan
dinave , se croire , si les circonstances le demandent ,l'
organe et l’
instrument , et dont une idée exagérée
de l'
Etat ne viendra pas usurper la puissance ni gêner
l ’action . Nous verrons les godar , bien différents en
cela des seigneurs féodaux , surveiller l’
administra
tion de la justice plutôt que la rendre eux—mêmes ,et s
’
acquitter ainsi d'
une fonction plutôt qu’
exercer
un privilège. Tandis que la féodal ité confondre le
droit public et le droit privé, i ls seront nettement
distin gués ici , sans danger qu’
une centralisation
extrême détruise entre eux l‘
équilibre .
A mesure que l’
î le se peuple de nouveaux colons ,la constitution primi tive se trouva insuffisante, et
cette insuffisance engendra quelques désordres . Le
temps et la nécessité amenèrent une certaine centra
lisation , qui dut avoir pour résultat surtout de
remédier à l'
isolement et a la dispersion des chefs .
Un demi-siècle après le commencement de la colo
nisetion , la législation d’
Ulfliot se fonde sur la base
d'
un pouvoir public , unique et général .
Norvégien de naissance , Ulfliot était depuis long
temps établi en Islande , et cette île était devenue sa
patrie d’
adoption . Témoin de la confusion qui
régnait dans la république , il conçut le projet de
réunir les différents chefs par un lieu commun , de
les soumettre à une seule loi , à une seule juridiction
qui les dominerait tous, même les plus puissants .
Avant de mettre à. exécution son projet, il crut
nécessaire de faire un voyage vers son beau—frère le
N orvégien Thorleif le sage , lôgmadr ou légiste fort
renommé il voulait , comme j adis Lycurgue visitan t
la Crète , se retremper à la source première des
institutions qu’
il aspirait à. réformer . Sexagénaire ,il traverse de nouveau l
’
Océan et resta auprès de
Thorleif pendant trois années ; de retour en 928 i l
engegea les Islandais a adopter la législation qu ils
avaient tous deux méditée et qui semodelait de plus
près encore sur les lois norvégiennes .
De cette législation d’
Ulfliot les auteurs du Lan
dnama Bok nous ont conservé quelques fragments ,
qui n’
en donnent probablement pas, il est vrai , les
dispositions les plus importantes , mais dont le carac
tère tout religieux , confirme bien l‘
antiquité
Le commencement de ces lois païennes était,disent—ils , au chapitre vu de la IV“ part ie , qu
’on
ne devait employer sur mer aucune embarcation
ayant à la proue une tête d’
animal ; ou bien l’
on
devait , avant d’
être en vue d’
un rivage , enlever
cette tête , de sorte qu’
i l n’
y eût ni visage hideux
ni gueule béante qui pût eflrayer etmettre en fui te
les génies tutélaires de la contrée .
L’anneau sacré , pesant deux onces au moins ,devait être placé sur l
’
autel du temple principal .
Le godi on prêtre devait le ten ir à la main pendant
les cérémonies , après l’
avoir trempé dans , le sang
du taureau sacrifié .
Quiconque avait à plaider une affaire devant le
thing ou tribunal devait commencer par prêter
serment sur cet anneau par— devant deux ou plu
s ieurs témoins Je vous prends comme témoins ,devait—il dire , que , sur l ’anneau sacré , je prête
serment, serment conforme à la loi . Que Freyr
m'
assiste, et N iôrd et le dieu A se tout—puissant ,
présidée par un magistrat élu , qui devenait le chef
suprême de la république . Dès qu’
Ulfliot fut de
retour , dit le Landnama Bok, l’
A lthing fut consti
tué et des lois communes régirent ce pays .
Nous étudierons dans le second chapitre l’
organi
sation de l’
A lthing, qui est resté le principal organe
des institutions politiques et judiciaires de l’
Islande
achevons ici l ’histoire de l’
entier développement de
cette ancienne constitution . L’œuvre n’
était pas
complète l ’édifice érigé par Ulfliot avait désormais
un faite , mais il y manquait des degrés . Are Frode
nous apprend qu'il y eut, peu de temps après la
réforme d’
Ulfliot, un grand procès entre deux
puissants Islandais , Thord Gellir et Tungu Oddr.
Par suite de la nouvel le organisation , ce procès
coûte aux parties et à leur clientèle d’
innombra
bles voyages à l’
A llhing, d 1ncroyables dépenses ,un trouble inouï, des rencontres fâcheuses , des
querel les privées , des désastres et des meurtres .
Aussi Thord Gellir, pendant une des sessions de
l ’assemblée générale , dit- i l publiquement combien ,en beaucoup de cas , . i l était fâcheux d
’
avoir à se
rendre vers des tribunaux éloignés et inconnus , et
que de peine i l avait en , pour sa part , à établir sa
poursuite . S a réclamation paraissant fondée , on
div ise l’
île en quatrefiordungar ou quartiers , chacun
d'
eux se subdivisant en trois things , excepté celui du
_ 37 _
Nord , qui en eut quatre . Ces things locaux devaient
tenir leurs assises régul1eres au printemps , et pre
nalent de la le nom de varthings ou things du prin
temps ; chacnn d’
eux se subdivisait en trois des eu
ciennes circonscriptions nommées godard troi s
chefs de ces godard composaient, comme juges , le
thing du printemps .
Cette répartition , qui eut l ieu en 964 , efface natu
rellement et absorbe les things primitifs , établis
arbitrairement, suivant la puissance ou le gré des
chefs de l’
émigration primitive , et ainsi se trouva
fixée , sauf quelques modifications ultérieures , la
constitution que l‘
Islande devai t conserver pendant
toute la période de son indépendance . Pour étudier
cette constitution en elle-même , ayons recours au
Grâgâ s , qui en montre à la foisl ’esprit et les ressorts .
Ins titution s poli tiques.
comme assemblée légtsh fl v e e t politique .
On désigne sous le nom de Gra'
q le livre qui
nous a conservé , réunies et commentées , les diffé
rentes lois que l’
lslande s’
est données depui s l‘
époque
de la colonisation jusqu’
à la fin du :un! siècle . Nous
avon s conduit , dans le chapitre précédent , l’histoire
de la constitution islandaise jusqu’
à lafin du 11 ° siècle ,où elle atteignit son entier achèvement . Jusqu
’
alors
les loi s avaient été conservées par la seule tradition
orale , à peu près exclusivement . Quant vint le chris
tianisme , vers l’
an 1000 , l’
Islande connut l’écri ture,
ou, du moins , des caractères d‘
un usage plus facile
que n’étaient les roues . Peut—être ne s
’
en servit—elle
pas fréquemment dès le x1° siècle pour la rédaction
de formules qui étaient encore familièrement fixées
dans toutes les mémoires ; mais , en 1 11 7 , les eu
ciennes lo is de la république étant devenues décidé
ment trop nombreuses et trop compl iquées pour être
retenues , comme autrefois , par le seul souvenir,plusieurs d
‘
entre elles ne convenant plus d’
ailleurs
aux récents progrès de la civilisation dans l’
île, le
magistrat suprême ou président de l’
A ltbing, Berg
thor fils de Rafn,proposa une rédaction définitive et
complète de cel les qui resteraient en vigueur . La
proposition fut adoptée , et l’
œuvre confiée aussitôt à
Bergthor lui-même, à son frère Haflidi Masson , et a
quelques autres citoyens choisis pour ce dessein .
Nous apprenons par le témoignage contemporain
d’
Arc Frode qn’
Haflidi, le plus riche des Islandais ,
prête sa maison et fit les frais rendus nécessaires
par ce grand travail . Les délégués revisèrent toutes
les lois encore en usage, retranchant et ajoutent,suivant qu
’
il leur semblait utile . Leur travail prépa
ratoire fut soumis a l’
A lthmg pendant l’été suivant ,
et le suffrage de cette assemblée décida, à lamaj orité
des voix lesquelles de ces lois ainsi modifiées feraient
partie du nouveau code . Lu à l‘
assemblée générale
de l’
année 1 1 1 8 , le code ainsi revisé fut unanimement
adopté ; plusieurs c0pies en furent faites , et l’
exem
plaire dressé par les soins d’
Haflidi lui-même dut
être conservé chez le magistrat suprême pour servir
de modèle authentique
Toutefois cette prem1ere rédaction des lois islan
daises ne fut pas définitive . Quatre ans après la
rédaction des lo is civiles et criminelles , c’
est—à-dire
en 1 123 , on y ajoute un code ecclésiastique ou Kris
tinna loge pattr dont l’auteur ou l
’
un des auteurs fut
peut- être Saemuud Frode, rédacteur présumé de
l ’ancienne Edda , et disciple de l’
Université de Pari s .
Sept ans après , en 1130 , d’ importantes modifications
furent apportées aux lois civiles . I l y eut encore
d ’autres sources d’
additions et de corrections fré
quentes . Une des principales fut l’ introduction de
nouveaux édits dans le corps général des lois en vi
gueur . Le magistrat suprême de la république , qui
n ’é tai t autre que le présidentde l’
assemblée générale ,élu par el le pour trois ans , avait le droit et le devoir
de promulguer , à son entrée en charge , non pas
précisément , comme le prêteur à Rome , un édit ,mais une sorte de commentaire , qui, sans se substi
tuer eu code , devait le compléter , et qui était valable
tan t que ce magistrat restait en fonctions . Le succes
saur adoptait souvent les commentaires d‘
un de ses
prédécesseurs qui finissait par gagner , en tout ou
partie , force de loi . De plus , l’élection pouvant être
renouvelée en faveur d’
unemême personne certains
magistrats conservaient le pouvoir pendant toute
leur vie , et l‘
on conçoit qu’
à l’
aide de leur longue
et durable autorité quelques unes de leurs maximes
aient pu rester inscrites parmi les lois définitives .
Autres causes de changements et d’
additions : la
chose jugée , surtout dans les cas difficiles , faisai t
règle , non pas seulement pour les parties dans le
présen t , mais aussi pour les générations suivantes ;les précédents , retenus d
’
abord et invoqués par la
mémoire des plaideurs et des juristes , entrèrent
facilement dans le corps du droit civil dès qu’on sut
communément employer l’
écriture ; s’
il arrivait qu’
en
présence d’
un cas douteux ou de complications im
prévues la loi interrogée gardât le silence , le magis
trat suprême , sur la demande de l’
une oude l’autre
partie, devait convoquer les magistrats inférieurs ; ce
tribunal improvisé jugeait , à la majorité des voix, le
cas qui lui était soumis, et la décision devenait lo i
pour l’
aven ir . Enfin lemagistrat devait lire publique
ment , chaque année , une partie du code à ses admi
nistrés ; à cette lecture i l était tenu d’ajouter des
éclaircissements sur les passages difficiles ou obs
curs ; il devait répondre aux citoyens qui venaient,en dehors des sessions régulières, le consulter chez
lui ; et l’
on comprend que ces explications et ces
réponses n’
aient pas manqué quelquefois de se glis
ser parmi le reste des lois .
Nous ne possédons plus le code islandais tel qu’
il
a été rédigé une première fois en 1 1 18 . Lemanuscrit
d’
Haflidi et ses 0 0 pies fidèles on t été perdus . Il ne
nous est resté qu’
un singulier recuei l datant du x…“
swele, où se rencontrent , avec les principales dispo
sitions du code de 1 1 18 , rangées dans un ordre
probablement nouveau,lesmodifications et additions
successives et les commentaires dont nous venons
d’
énumérer les occasions diverses . Ce recueil est ce
prédécesseurs et ses commentaires'
personnels . Ce
n’
est plus'
un code, c’
est un compendinm raisonné
que nous avons sous les yeux , ou même seulement
un cahier de notes entremêlées de textes .
Quant a la dénomination de Grâgés, qui désigne
exclusivement ce recueil auj ourd’hui , et qui s
’étend
à l ’ancien code que seul il représente, elle est toute
moderne . Inconnue dans les documents du moyen
âge , el le ne commence à paraî tre que dans les l ivres
du X…! s1eele . On la trouve pour la première fois ,suivant le témoignage du savant M . W erlaufl , dans
les ouvrages inédits de e n de Skardsa, mort en
1665 . Dans son Lexique run ique , publ1e en 1650,
Olaüs Wormius désigne plusieurs fois du nom de
Gragas le code le plus ancien de l’
Islande . Mais on
chercherait en vain la même dénomination dans le
l ivre d’
Arngrim Jonsson sur l'
histoire de l’
Islande
publié à Hambourg son s le titre de Crymoqœa , en
1609. Bien que l‘
auteur y cite précisément lesmêmes
titres de paragraphes et de chapitres que nous retrou
vons dans nos deux manuscri ts , et d‘
après ces
manuscrits sans aucun doute , cependant il ne connaî t
d ’
en tres expressions pour désigner le vieux code lui
même , dont il donne de nombreuses citations , que
celles de code primitif, d’
ancienne loi, etc. Ce n’
est
pas à dire, d'ailleurs , que ces érudits , Biôrn de
Skardsa et Oleüs Wormius, qui ont employé les
premiers, en mil ieu du xvu‘sœcle , lemot deGrâgâs ,
aient été les inventeurs de cette dénomination . Il est
beaucoup plus probable que le peuple i slandais
l 'avait appliquée avant eux, afin de distinguer le
recuei l contenant les anciennes loi sdes codes imposés
ultérieuremen t par les rois de Norvège , comme le
Jarnsida et le Jens Bok. les col lectionneurs , les
copistes et les savants n’
auront fait ensui tequ’
adopter
et enregistrer un usage établ i . Le mot de Gragas n’a
lui—même d’
entre sens que celui d’
un âge très—avancé
il signifie oie grise ; c’
était une croyance populaire
en Islande que les oies grises sauvages parvenaient
d 'ordinaire à une extrême vieil lesse , et les paysans
islandais se servent encore auj ourd’
hui de cette
expression en parlant d’
une personne qui a viei lli .
Le mot signifiait donc , chez ce peuple habitué au
style figuré , le plus ancien des codes , la plus ancienne
des l ois , et i l désignait avec le même sens le recueil
manuscrit où cette loi étai t contenue . Nous devons
ajouter cependant qu’on propose quelquefois une
autre étymologie . Le mot gds paraît avoir désigné
le parchemin , et, par sui te , un manuscrit sur
parchemin ou même un volume relié en parchemin
gra'
gds signifierait donc la même chose que gras
kinna,manuscrit de parchemin ou relié en parche
min gris
1. Un e troisième explication a* été proposée ; une espèce d‘oie3.
Nouspossédons deuxéditions impriméesduGü gäs ,chacune reprodui sant un des deux manuscri ts primi
tifs,avec les additions et les variantes de l
’
autre ‘. La
plus connue de ces deux éditions est celle qui a été
donnée par les soins de la commission ername
gnéenne , en 1829, avec une traduction latine , et qui
se compose de deux volumes ih -quarto . La traduc
tion , la disposition des diverses parties , les notes ,les tables et les deux index , celui des choses et celui ,fort précieux, desmots , y sont l
’
œuvre d’
un Islandais ,M . Thord S veinbiornsson . L’ introduction seule est
de J . F . G . Schlegel ‘
Pour ce qui est du contenu etdes principales divi
sions dn Grâgàs , i l est facile de s’
en rendre compte.
si l’
on ne se préoccupe pas des différences entre les
d‘
Islande ayan t la peau très épaisse , on peut en faire une
reliure . Plusieurs livres du Nord ancien son t ain si nommésd
‘
après leur reliure le N orkina Kinn a le Rokin s Kinn a. V.
A rn esen . In troduction au D roit islanda is , note de la préface.
1 . Un e autre édition , avec traduction dan oise , a été en treprise
par la société littéraire du Nord, N ordù ke Litæ a tur -Samfunda C0 pen hagn e , e t con fiée aux soin s de M . V . Fin sen . La
prem ière partie a paru en 1 850 , la quatrième partie en 1856 ;
l’
ouvrage n'
es t pas term in é .
2 . Jean -Frédéric-Guillaume Sch legel, n é le 4 octobre 1766 à.
Copenhague , mort le 19 juillet 1836, fut un des juristes érudits
les plus distingués du D an emark . Comme son père il fut
longtemps professeur à l’
Un iv ersité de Copenhague et élevé à
plusieurs hauts emplois . On trouvera la lis te‘
de ses nombren
ses publication s dan s le dictionnaire d’
E rslew ,A lmindelig For
[atter Lexicon , tome 111, pag. 58 sq .
deux manuscrits , peu importantes après tout .'
Ou
rencontre d’abord dans ces deux manuscrits le code
ecclésiastique . Kris tinna tage Pattr , de 1 123 , et qui
était la partie la plus importante aux yeux des 0 0 pis
tes du x1n° siècle . M . S veinbiornsson avait cru devoir
l’
omettre dans l’édition arnamagnéenne, et cette
omiss ion était d'
autant plus regrettable , que la seule
édition qu’
on en eût, celle de Cl . Thorkelin , était
fréquemment fautive . M . Finsen a inséré et tradui t
en tête de son travail ce code ecclésiastique , qui
n’
est pas d’
une médiocre importance pour faire com
prendre la loi judiciaire et civile , placée immédiate
ment après . ou même les lois rel igieuses du paga
n isme , auxquelles il fai t de perpétuel les allusions .
Le reste du recuei l , tel qu’
il se présente dans l ’édition
arnamagnéenne, se divise en dix sections , dont
chacune se subdivise en titres . Les tro is premières
sections trai tent de l’
organisation judiciaire, c‘
est—à
dire des droits et des devoirs du premier magistrat ,de la constitution des tribunaux suprêmes , et de la
procédure . Les quatrième, cinquième et sixième
sections traitant du droit civil , c’
est—à-dire des héri
tages , de la condition des pauvres , des proscrits , des
affranchis , et de la condition des femmes . La septiè
me section a pour titre ces mots , Kaupa-Baihr , que
M . S veinbiornsson traduit par De commerciis . Il faut
l’
entendre sans doute de toutes les sortes de négo
ciations et de contrats qui peuvent survenir entreles particuliers : C ’
est , dit M . Pardessus , comme
quand le droit romain dit , res in tra commercium,
« r es extra commercium, ou bien comme l’
entend
l‘
article 1 128 du code civil françai s : Il n ’y a que
les choses qui sont dans le commerce qui puissent
être l’
objet des conventions . La huitième section
est une sorte de code criminel ; la neuvième contient
les dispositions relatives à la propr1eté fonc1ere, et
la dixième enfin est un petit code maritime .
Ce n’
est pas à dire que l’
ordre général soit
rigoureux , ni que chaque division contienne exacte
ment cc que son titre annonce . Soit par le peu
d’
expérience des rédacteurs , soit par l ’effet des
additions successives que nous avons signalées , soit
enfin parce que cette législation reproduit naturelle
ment la complexité un peu confuse de la société
dont elle est l‘
image , d’
une part les catégories ne
sont pas nettemen t tranchées , et de l‘
autre les
matières , dans chaque division , paraissent souvent
confondues . Toutefois un effort excessif n ’
est pas
nécessaire pour coordonner clairement les loi s
éparses et reconstruire en son en tier tout l’
édifice .
Les codes d’
un peuple qui commence à s’
ouvrir à
la civilisation,surtout si ce peuple est bien doué et
destiné à un grand rôle , contiennent l’
expression
attachante de toute sa vie morale, car il y inscrit
tons ses instincts et fontes ses passions . C’
est l’hon
neur de l’
human ité de sentir de bonne heure la
nécessité et la majesté de la loi , et si profondément ,
que les sociétés naissan tes identifient , dans cette
seule vue et pour ce seul intérêt , l'ordre politique ,
l‘
ordre civil , l'
ordre moral et l’
ordre rel igieux ; elles
sont d'
autant plus portées à invoquer cette tutel le ,qu
'
el les sont plus na1ves leur chef militaire est en
même temps leur prêtre et leur juge, et , placée dans
ces conditions , la loi , qu’
elle soit transmise unique
ment par la tradition on bien qu’
elle soit écrite ,envahit bien au delà de son domaine naturel .
L e Orages contient par—dessus tout un code
jud iciaire et pénal . Mais les institutions judiciaires
touche de très près aux législatives , ainsi qu’
à toute
l ‘organisation politique, chez un peuple à peine
civ ilisé et dans un état social où la séparation des
pouvoirs n’
est pas encore exactement tranchée . L’
ad
ministration de la justice est ici une des fonctions
de la même assemblée qui fait et corrige les lois , et
qui est dépositaire de toute la pui ssance publique .
En même temps donc que le Grâgés nous éclairera
sur la procédure et la pénal ité islandaises , il nous
apprendre comment s etaient constitués le pouvoir
légis latif et le pouvoir politique dans un E tat qui
était appelé , nous l’avons dit , à reproduire toute la
civilisation du Nord scandinave. Les premiers cha
pitres , qui traitent de l’
organisation de l’A lthing,nous fourniront à eux seuls les principaux traits de
ce tableau .
Mais , avan t d etudier le texte du Grâgäs, il faut
décrire les l ieux qui ont servi de théâtre aux institu
tions qu’ il dépeint .
Le frère même d’
Ulfliot , Grim a la barbe de
chèvre ‘
, avait reçu une somme , fournie en commun
par tous les notables Islandais , pour visiter l’
île et
rechercher l’
emplacement qui conviendrait le mieux
à la future assemblée générale . Celui qu’ il désigne
correspondit singul ièrement , par son étrange ma
jesté, à la sévérité du gén ie scandinave et ala dignité
du rôle auquel il fut réservé .
Non‘
loin et un peu à l’
est de Reykjavik ‘
, on
remarque , sur la carte d’
Islande , un lac de 60 à 70
kilomètres de tour . Une plaine s s tand au nord du
lac c’
est la plaine de Thingvella , formée tout
ent1are de matières volcaniques . Jadis , sans doute ,dans une des plus formidables convulsions de l
’
1s
lande , une immense nappe de lave est descendue du
centre de 1 11e cette nappe a rencontré le lac et ses
rives ; du lac elle a comblé la partie septentrionale ;puis , en se refroidissant , el le s
’
est afiaissée dans
1 . Geitskô‘
r , à la barbe , à la chevelure de chè vre ; on bien ,
en lisan t Gaia/«Sr , au soulier, au pied de chèv re .
2 . A un e distance de 6 ou 7 heures a cheval.
plateau occidental pour aller suivre dans sa dépres
sion toute la plaine de Thingvella . Les traces de la
séparation sont visibles , dans l’
A lmannegia, comme
si elle avait en lieu hier ; aux angles et aux lignes
d’
une des deux parois corresmndent les angles et
les l ignes de l’autre , aussi exactement que si ces pa
rois venaient d’être détachées par desmoyens méca
niques . Autre singularité , l’
A lmann agia est traversé
obliquement , du nord—ouest au sud—eSt , et dans un
assez court espace , par un torrent , l’Oxarä , qui vient
y tomber du plateau occidental en formant une pre
mière cascade de 30mètres , puis une seconde , pour
s’échapper de la dans la plaine , et se perdre‘
dans
le lac après avoir formé trois petites î les . Quant à
la plaine elle—même , ce n’
est , dit un témoin oculai
re‘
, qu’
une croûte de lave couverte de grosses hour
souflures ridées par le poids de la matière encore vis
1 . M . de S aulcy, qui a bien v oulu me commun iquer ses
dessin s , ses n otes , ses plan s faits sous la ten te , et m‘
éclairer
de ses souven irs . M . de S aulcy av ait déj a lui-même rédigé en
partie ces notes en vue d’
un e commun ication in téressan te
ins érée dan s le Cons titutionn el, 16 e t 1 7 septembre 1 856 .
Plusieurs autres voyageurs qui on t accompagn é dan s son
expédition en Islande le prince N apo léon : M . Ch . Giraut ,
pein tre attaché à l'
expédition , et qui a en voyé à l'exposition de
pein ture de 1861 une reproduction in téressan te du paysage de
Thingv ella. ; M . Rousseau , du mn séum d'
his toire naturelle ; M .
Hubaine , secrétaire des commandemen ts du prin ce , etc .,m
‘
on t
aussi aidé de leur bien veillan tes in formation s. M . Charles
Sallandrouze de Lamornais , officier de t’
A rtémise pendan t la
_ 53 _
qneiise , alors que son refroidissement s'
opérait après
sa sortie des entrailles de la terre ; un réseau d’
in
nombrables crevasses et fissures profondes de 1 5 a
20 mètres la découpe en tous sens ; elle a environ
huit ki lomètres de long sur hui t kilomètres de
large ; vers le nord elle se rej oint par une pente
douce aux autres terrains , et son côté sud est bai
gné par le lac, dont le fond n'
est encore qu’
une con
tinuation de la plaine . Son aspect , malgré les bour
souflures et les crevasses , est très riant , à cause
de quelques bois de bouleaux nains et des patu
reges qui bordent l’
A lmannagia. Cet aspect°
devient
majestueux , s i un soleil éclatant illumine en loin les
somme15‘
neigenx qui encadrent la scène , et si l’
es
pri t dn spectateur , en même temps qu’
il admire
l’
étrangeté du site , se reporte aux époques reculées
pendant lesquelles cette plaine de lave a servi de
station nav ale de 1859—60 sur les côtes d’
Islande , a fait à mon
in ten tion une n ou ve lle v isite à Thingv ella , et a soign eusemen t
con sulté la tradition orale . Les s imples rapports des gu ides du
pays se son t trouv és d'
accord av ec les textes du Grâgés et de
la saga de N ial .
(M . Ch . S allandrouze de Lamornaix alors en seigne de vaisseau
aujourd'
hui v ice -amiral, écrivait à l‘
auteur (octobre 1860) j’
ai
passé qu inze heures à étudier j e n e v oulais con
fier à person n e le soin de vous en don n er des dé tails certain s .
J'
ai relu ass is sur le Légberg la description que vous m‘
av ez
donnée , e lle m‘
a paru parfaitemen t exacte ; j e n'
ai pas cru
dev oir en faire moi-même un e trouvan t le v ôtre très vraie .
Note de l'éditeur) .
theatre a de tumultueuses assemblées nationales .
Un caprice de la nature a isolé , au milieu des fis
sures de Thingvella, un roc de lave formant un ovale
allongé , d’
environ 300mètres , du sudau nord sur une
largeur qui varie de 6 a20 mètres , et entouré d’
une
crevasse continue assez large et assez profonde pour
faire du bloc une sorte d’
î le inabordable , excepté par
un isthme étroit qui , vers l’
extrémité sud—est, le j oint
à la plaine et donne accès sur son plateau C’
est ce
bloc volcanique que Grim a la barbe de chèvre avait
choisi pour les séances de l’
A lthing islandais . Sur
son côté oriental , à peu près au milieu de la lon
gueur totale , a 1 50 mètres donc environ de l’
isthme
et a l’
endroit de la plus grande largeur, se trouve
une éminence d’
une médiocre élévation . A 120 mè
tres plus lo in il y en a une autre , occupen t toute la
pointe nord du rocher . Suivant la tradition , car les
textes sont obscurs , la seconde de ces hauteurs ,celle du nord
,servait aux séances de l
’
assemblée
légi slative et politique on lôgretta , tandis que sur la
première , celle de l’
est , siégaient les tribunaux ;c etait la proprement le célèbre lôqberg ou rocher
de la loi . Le président de l’
Althing se plaçait aumilieu
du tertre , tourné vers l’occident ; il voyait aisément
quand la lum 1ere du soleil commençai t à éclairer le
1 . D es éboulemen ts on t rendu aujourd‘
hui cet isthme peu
distinct.
mur occidental de l’
A lmannagia, et la loi voulailqu‘
il
regut lai—dessus certaines Opérations des tribunaux ;
par exemple , et pour emprunter les expressions.cette fois pittoresques , de la traduction latine duGrâ
gas (section 3 , titre on procédait a la récusation
des juges serissime cum sol , e nom0phycalis ad
rupem jurisdicundi sede , occidentali chasmatis rupi
superinstare videretnr En présence du président
ou lôgsôgumadr étaient les juges , qui entouraient le
monticule Des gardes défendaien t l’
entrée à l’
en
droit où le rocher n’
a pas plus de 6 mètres de largeur
totale . Outre ce poste armé on comprend que le roc
était rendu inexpugnable par les crevasses dont il
était et est encore entouré ; ce sont , en effet , de vê
ritehles abimes dont l’
ouverture béante a de 5 a 1 5
mètres et dont une eau verte et bleue ne laisse pas ,malgré sa transparence , calculer la profondeur .
Le seul aspect en in spire l’
horreur et éveille de
lugubres souvenirs : plus d’
une victime y a péri . En
1 742 , un fonctionnaire danois , infidèle et redoutent
le châtiment de sa faute , s’
est précipité volontaire
ment dans la fi9snre occidentale , â laquelle i l a laissé
son nom c ’est le Nicola-gie de l’
autre côté , au
1 . Voici le texte : S va it si parsta, et sol sa a giahamri
enum vestrs or l6gs6gumannz rumi til et sie alôgbergi.
2. d ou Gid veut dire ouverture béan te. (Cf. gapa isl. Cf.l‘
ancien français gaber. Cf. le mot gave, qui désigne les
point où la fente orientale se trouve le moins large ,un héros des sages , Flosi , a été jadis plus heureux ;au moment où la sentence des tribunaux qui lemet
tait hors la loi al lait s ’exécuter, il fit pour y échapper
un saut formidable , de près de 5 mètres , et la fissure
en a conservé le nomde Flosi-gia .
Tout ce qui environnait le bloc sur lequel l’assem
blée générale se réunissait concourait d‘
ailleurs au
même but . La plaine de Tingve‘
lla, couverte encore
auj ourd ’hui çà et la , parmi les débris volcaniques ,de mousse , d
‘herbe et de bouquets de bouleaux
nains , recevait la mul titude des assistants . Dans la
seconde cascade de l’
Ôxara, qui n’
est guère a ujour
d’
hui qu’
un rapide formé par les les eaux bouillon
nantes -sur un plan incliné de 30 mètres formé de
rocs épars , on précipitait , dit—on , les femmes ednlæ .
tères enfin , l’
une des petites îles que forment les
eaux du torrent avant de se perdre dans le lac ser
vait de théâtre , dès les temps les plus anciens , et
même avant l ’ institution de l’
A lthing, aux com
bats singul iers .
On désignait sous le nom d’
A lthing ou assemblée
eaux torren tueuses sillonn en t e t creusan t les mon tagnes dan s
les Pyrénées . Cf. Chasma , chaos , e tc . )1 . C
'
es t un e tradition , mais peut—être modern e ; la domin a
tion danoise impo'
sa, en 1 564, ce supplice en Islande ; il semble
que la peine de mort n‘
ait pas é té infligée pour adultère
pendan t toute l'
époque du catholicisme .
générale du peuple islandais deux réunions diverses
qui avaient lieu concurœmment celle d’
une assem
blée législative et , par là, politique le lieu de ses
séances était , comme nous l’
avons dit , le tertre septentrional ; et cel le des tribunaux supérieurs ren
dant la justice pour les quatre divisions de l’
île
ceux—la sœgeaient sur le monticule voisin de l’
is
thme .
Considéré comme assemblée législative, l’
A ltbi,ng
prenait le nom de ldgretta , c’
est—â-dim qui corrige ,
qui précise et qui fait la loi . Aux termes du Gragas ,le lôgrette se réunissait pendant les deux dimanches
et pendant le dernier j our de l’
A lthing, lequel se
tenait pendant toute la seconde moitié du mois de
j uin de chaque année, c’
est-â—dire pendant le temps
où les longs et clairs crépuscules rej oignent l’
aurore
avec une totale absence d'
obscnrité . Il pouvait ton
tefois se réunir plus souvent , si son président ou
la maj orité des assistants le requérait . Le lôgretta se
composait des godar on magistrats locaux de tout le
pays . Chacun d’
eux se faisait accompagner de deux
assesseurs chois is par lui—même entre les habitants
de sa circonscription . Quatre triples rangées de
bancs , une , pour chaque fiordung on quartier , en
touraient l‘
espace carré du lôgretta‘ douze godar
1. Voy. le Gragas , pages 4 et 5 de l‘
édition arnamagn éenne .
étaient assis sur le banc du milieu de chaque rangée ,chacun ayant , devant et derrière soi , sur les deux
autres banc'
s ,‘
ses deux assesseurs . Le lôgrettacomptait cent quarante—quatremembres sans le président .
Celui-ci siégeait seul au milieu de l'
espace réservé
entre les bancs , dans lequel il introduisait , aubesoin ,
un orateur . La foule des assistants se tenait debout
derrière l’
enceinte ainsi occupée Extra subsellia
sedeat mn ltitudo
Le président du lôgretta ou lôgsôgumadr était
tenu de réciter, comme son titre l’ indique , puis , une
fois qu’
elles furent écrites , de l ire publiquemen t .
tout l’
ensemble des loi s , ainsi que les formules de
la procédure , dont nous verrons bientôt l'
impor
tance anx yeux des Islandais formalistes . Il devait
achever la lecture entière de tout le code pendant
les trois étés que durait sa charge . Si une lo i était
passée sous si lence pendant toute une période trien
nale sans aucune réclamation , cette loi était réputée
abolie . Le lôgsôgumadr étai t obligé d’
aj outer à cette
lecture les explications qui pouvaient sembler nécœ
saires aussi fallait—il qu’
il fût jurisconsulte habile
et expérimenté . En cas d’
embarras , il lui était per
mis d ’
appeler à lui cinq juri stes ou davantage, et de
les consulter secrètement . Son rôle d’
interprète de
1 . Ut fra pollom a alpipa et sitia.
majorité des voix par son président il la publiait et
l’
interprétait .
Outre son rôle législatif, il paraît avoir encore
servi d'
organe et d’
interprète au pouvoir administre
tif. C’
est le lôgsôgumadr qui publie les d ivi sions de
la prochaine année , le commencement et la fin de
chaque sai son , l’
époque où devront avoir lieu les
divers travaux de la terre il dit si l’
année doit être
ounon bissextile , quand s’
ouvrira leprochain Althing ,quelles règles présideront , comme chaque année, a
ses réunions , ou quelles causes pourront le faire
dissoudre .
Dans cette même assemblée enfin dont nous avons
vu les attributions législatives et administratives , se
prennent toutes les résolutions qui concernent l’
in
térêt général . Par là , el le devient véritablement une
assemblée politique et nationale . L’
histoire des gran
des mesures résolues par le lôgretta sous ses divers
présidents , dont on peut, avec le secours des sages ,restituer la série , serait donc l
’
histoire même de la
république islandaise . Vers 970 , Thorkell Mani y
fait adop ter la véritable année solaire ; vers l’
an
1000 , le christianisme y est proclamé légalemen t
religion de l’
E tat . Nous dirons en détail dans ce tra
vail même comment y furent décidées , en 1004
l ’ institution d’
un nouveau tribunal supérieur , et
vers 1 011 , l’
abolition du duel . La loi païenne y fut
— 61
dèvelonpéê , en 1094 , par la prem1ere rédaction du
Vigslôdi ou code criminel , et en 1 1 18 par la révi
sion et la rédaction définitive de la législation tout
ent ière . La loi chré tienne enfin yfut confirmée, en1 0 16 , par la défense d
'
exposer les enfants et de
manger de la chair de cheval, en 1 096 par l’
institn
t ion de la dima, en 1 123 par la rédaction du code ao
clésiastique .
Les principaux membres de l’
assemblée étaient à
la vérité les godar ou magistrats locaux , qui occu
paient les quatre bancs intermédiaires autour de
l‘
enceinte carrée du lôgretta, et cas godar étaient les
héritiers des anciens chefs de l'
émigration , qui
tenaient entre leurs mains la triple autorité mil itaire ,judiciaire et religieuse mais l ’ ins titution de l
’
A I
thing , en créant un pouvoir public , avai t apporté des
l imites à leur autorité , jusque— là exclusive et sans
partage . I ls n‘
étaient pas maîtres absolus dans le
lôgretta . Il est difficile de distinguer , soit d‘
après les
indications insuffisantes du Gragas , soit d'
après les
sages , quelle part les assesseurs , qu’ils étaient tenus
de choisir parmi leurs administrés , prenaien t dans
les résolutions de l‘
assemblée mais il faut que ces
derniers aient acquis avec le temps,s’
i ls ne l‘
avaient
tout d‘
abord , une autorité importante, puisque nous
voyons plus tard , lors de l’
institution d’
un nouveau
et cinquième tribunal , réclamer contre leur inter
vention au nom des seuls membres qui avaient le
droit de s iéger sur les bancs intermédiaires , c’
est—à
dire des godar, chefs de l’
oligarchie . D ’ailleurs , l’ i n
tervention des hommes libres , c’
est—â—dira de la
nation même, paraît s etre touj ours placée dans l’
A l
thing à côté du pouvoir des membres mêmes de
l’
assemblée , titulaires ou assesseurs , à défaut des
quels les simples ci toyens pouvaient , ce semble , et
devaient même en certains cas siéger Si les de
mandes de privilèges individuel s sont présentées
au lôgretta , dit la Grâgâs . avant l‘
arrivée ou après
le départ des membres, et que l’
assistance compte
quatre douzaines de personnes au moins , le lôgsô
gumadr peut faire occuper lesbancs par les citoyen s
présents jusqu a ce que le nombre légal desmem
bras du lôgretta soit atteint et quiconque , ains i
désigné , refuse , encourt une amende . Les banc s
intermédiaires étant de là sorte remplis , le lôgsô
gumadrprendrades témoins . Javous prends comme
témoins , dira— t— il, que , de mon autorité , j’
ai cous
titné ces hommes pour siéger au lôgretta, avec le
droi t de travailler aux lois et d ’accorder les dis
penses . Je vous atteste, par la formule légale , dan s
l ‘intérêt de quiconque ven t invoquer le droit . Cala
fait, les dispenses accordées de la sorte seront val i
des au même titre que si les godar eux—mêmes
avaient été présents . Bien plus , si une résolution
du lôgretta blessait des intérêts oudes droits , il était
lo isible en premier venu, se croyant lésé , d’
y Oppo
ser son veto , qui suspendait et annulai t immédiate
ment toutes les opérations : Au lôgretta, dit le
Gragas , sera regardée comme consentie et adoptée
toute proposition qui n’aura pas été combattne par
les juges légitimes , pourvu , toutefois , qu’
el le ne
soi t pas annulée par une opposition venue du
dehors . E t nous verrons la saga de Nial confir
mer et développer ce témoignage . Singul ier trait de
démocratie , qui rappel le les‘
diètes polonaises , où
un membre , s’ il parvenait , après avoir couru dix fois
le ri sque d ’être tué sur la place , à déposer son veto
arrêtait à lui seul la volonté de tout le reste de l’
as
semblée . Encore fallait- i] , en Pologne , faire partie
de la diète , qui ne s’
ouvrait pas à tous les citoyens ,tandis qu
’
en Islande le dernier des hommes libres
avai t le droit de se présenter à l’
A lthing avec cette
part excess ive d’
autorité . Dans la pratique, il est vrai ,en lôgretta islandais comme aux diètes polonaises ,cette autorité de l
’
individu se trouvait l imitée par la
crainte que devait lui inspirer , s’ il étai t seul de son
av i s , le courroux des autres mais le droit subsis
tait ; il attestait une ancienne et fière l iberté, et,
pour ce qui est des assemblées islandaises , i l devait
placer dans l ’opinion publique et dans la volonté de
la nation un contra—poids énergiques aux volontés
ou aux caprices de l’aristocratie . Qu
’
elle le tint ou
non de la constitution et des lo is , il parait b ien que
la nation islandaise revendiquait , de vive force au
besoin , le droit de se mêler aux délibérations de
l ’assemblée générale les mille précautions du Grâ
gâs et les récits des sages en offrant abondamment
les preuves , et c’
était précisément contre les inter
ruptions souvent tumultueuses de la foule que les
dispositions du sol volcanique de Tiugvella avaien t
paru favorables .
La république islandaise était donc primitivemen t
oligarchique , mais sans que les effets du sentiment
de l iberté personnelle profondément inné chez les
peuples scandinaves s’y fussent effacés . C ’était , sans
aucun doute , ce sentiment intime et vivace qui
avait , en même temps , empêché l’
aristocratie islan
daise de resserrer ses rangs pour opprimer la répu
blique, et protégé cette même aristocratie contre le
despotisme populaire . Jamais un pouvoir central
fortement organisé , au nom du peuple ou de l’
as
semblée , ne se put établir . La lôgsôgumardr prési
dent et organe du lôgretta , en qui se résumait défini
tivement ce qu’i l y avait de gouvernement central ,
était bien le représentant politique du pays ; mai s ce
n’
en était pas moins un fonctionnaire payé , électif et
révocable à volonté . Il était nommé par les magis
trats ses collègues , à la majorité des voix ; cheque
été , en rémunération de ses peines et de sa science,i l recevait , sur les revenus du lôgretta, formés prin
cipalement des produits d’
un impôt spécial levé
pour l’
Althing, deux cents annes d’
étoife , plus la
moitié des amendes infl igées pendant la session
aprè s certains manquements . Enfin ses collègues
pouvaient la remplacer subitement .
Une autre sorte d’assemblée était destinée â servir
d ’organe au gouvernement central dans l 'intérieur et
aux extrémités de l’
île . Bien que le plus grand
nombredeshommes libres vinssanten elfetâ l’
A lthing,
cependant ils n’y venaient pas tous . A une époque
où l ’écriture n’étai t pas dans l ’usage commun , i l
fallait aviser auxmoyens de leur faire connaître la
lo i ce fut l‘objet d
’
une institution particul ière,cel le
Il nous faut, dit le Gregas les réunions du laid.
Que les godar d’
un même district convoquent
ensemble et tiennent cette assemblée dans le lieu
où se tient d’
ordinaire leur thing du printemps , à
moins que le lôgretta ne les ai t autorisés à la tenir
ailleurs .
Le laid ne doit pas être réuni plus tard que le
dimanche ouvrant la huitième semaine avant la
fin de l’
été , n i plus tôt que la quinmeme j ournée
1 . Pinkskapa-Pdttr , titre 5 , page 122 de l
'
édition ername
gnéenne.
après la fin de l’
A lthing La réunion ne durera
pas moins d’
un j our, du matin jusqu’au soir
,ni
plus de deux nui ts .
On proclamera dans cette assemblée : toutes les
loi s nouvel les ; la répartition dé l’année ; si l
’
an
née est bissextile s i des j our s intercalaires
doivent être aj outés à l’
été ; enfin si l’
on doit se
rendra au prochain Althing avant la fin de la
dixième semaine d’
été .
On voit que le laid n’
avait d’
autre mission que de
compléter l’
organisation du gouvernement central .
Il se réun issait dans chaque chef- lieu de district
immédiatement après la session de la grande assem
blée . Les mêmes chefs ou godar qui avaient assisté
à celle-ci et qui avaient pris part a ses délibérations
proclamaient dans le laid, à leur retour , chacun en
présence de ceux de ses administrés qui n’avaient
pas fait le voyage de l’
A lthing, tout ce qu‘
on yavait
résolu , de telle sorte que personne ne conservât plus
de raisons légitimes pour prétexter l’
ignorance de
la loi . Les formes extérieures du laid étaient d’
ail
leurs analogues â celles de la grande assemblée ,a laquel le i l servait simplement d
’
interprète et
d ‘organe . On a quelquefo is rangé le laid au nombre .
des tribunaux islandais . Il est vrai qu’
on y publ iai t
1 . La session de l‘
A lthing avait lieu, comme n ous l'
av ons di t
page 38, pendan t la seconde moitié du mois de juin .
dont parlent les lois d’
Ulfliot , mais i l ne faut pas
t irer de ce silence une conclusion trop absolue ;plusieurs témoignages permettent de penser que le
plus important tribunal de l’
Islande n’
avait pas
primitivement fait exception à une règle générale et
sacrée . Les cascades de l’Oxarâ avaient , sans aucun
doute , servi primitivement «a l’
accomplissement des
sacrifices . Pour tout archéologue du Nord, habitué
à rencontrer auprès des ruines de temples païens
une source. un fleuve , un lac ou une chute d’
eau
pouvant servir à laver le sang des antels et à noyer
les victimes , cette conjecture ne parait pas téméraire ;bien plus , aux voyageurs modernes qui ont consulté
la tradition en vue des l ieux mêmes il parai t probable
qu’
un ancien temple pa1en a en effet existé sur
l ‘emplacement , et peut—être même sur les fondations
d ’
une petite église qu’
on voit auj ourd’
hui dans la
plaine de Tingvella . Le silence du Grâgâ , sécrit dans
un temps chrétien et longtemps après la séparation
des deux pouvoirs , religieux et législatif, qui avai t
précédé la révolution chrétienne , ne contredit pas de
tel les origines . Du reste tout caractère rel igieux ne
manquait pas,même suivant le Gragas , auxréunion s
de la grande assemblée nationale . Aux approches de
la session annuelle , une paix ou trêve solennel le
était proclamée , qui garantissai t , son s les peines les
plus sévères , la sécurité des personnes et des biens
dans le lieu de l’
A lthing et dans le pays voisin . Cette
paix interdisai t a toute personne de porter des
armes pendant la session , et la dissolution de
l‘
assemblée permettait seule de les reprendre aussi
le moment où on proclamai t la dissolution s’
appelait
il vapna tak ou la reprise des armes ; c etait tr0 p
s ouvent le signal des guerres privées que venaient
d’
enfanter les débats judiciaires . En Norvège on
entourait le thing d’
un cordon attaché à des branches
de coudriers fichées en terre . Cette clôture sacrée
ou cc-bond donnait en effet aux Opérations du tri
bunal un caractère d’
inviolabilité et de légalité qui
cessait aussitôt le cordon rompu. En Islande la
configuration naturelle du terrain qu’
on avait choisi
expliquait sans doute assez l’
absence de cet usage,
que la proclamation de la paix devait remplacer .
Nous verrons d’ailleurs les formules de droit de
l’
A lthing invoquer constamment l’
autorité divine,et la justice rester étroitement voisine
'
de le re
ligion .
Nous avons dit les attributions,le caractère et la
composition de l’
assemblée nous avons même
décrit le lieu de la scène ; essayons maintenant , en
nous transportant par la pensée aumilieudu dixième
meule , de reconstruire et de nous représenter la
scène tout entière .
Quelques j ours avant l’
ouverture de la session,
au milieude juin , quand l‘
absence complète de nui t
rend le voyage facile , des quatre provinces de l’
île
arrivent vers la plaine de Tingvella les longues files
de petits chevaux islandais qui suivant a travers les
champs de lave la trace frayée pendant les années
précédentes , et qui portent les membres de l’as
‘
sem
blée , avec leurs bagages et leurs armes . On vient
surtout du sud et de l’
ouest, où se rencontrent le
plus grand nombre d’
habitations islandaises les uns
contournent le lac de Tingvella, les autres descen
dent du plateau occidental dans l’
A lmannagia par
un étroit escal ier , naturellement tai llé dans le roc ,
puis pénètrent dans la plaine . Le magistrat ou godi
qui préside au district reçoit chaque contingent ; sous
le nom de A llsherj ar-godi ou magistrat de tout le
monde , il est chargé de la police de l’assemblée .
C’
est lui qui a d’
avance assigné aux citoyens de cha
que circonscription une place pour leurs tentes et
un pacage dans les prairies on les forêts voisines
pour leurs chevaux ces animaux resteront confiés ,pendant toute la session . à un homme désigné par
lui ; il faut , après les avoir dûment soignés , les
rendre morts ou vifs (c‘
est l’
expression du Grâgâs ,
qui prescrit minutieusement au gardien tous ses
devoirs . ) Dès qu’ i ls ont mis pied a terre , les nou
veaux venus commencent a construire les petites
habitations qui les doivent abriter pendant les deux
semaines que durera l’
assemblée. Ce sont des
tentes , ou plutôt des cabanes , dont les assises et les
murs sont formés de larges dalles de lave eu
des sus desquel les deux ou trois traverses en bois
sont destinées à recevoir les toiles qu’on apporte
chaque fois a cet effet . Tout godi possède un ou
plusieurs de ces campements ,'
où il doit recevoir
les hommes de son district . Il leur paye, a leur arri
vée , en temps convenable, l‘
indemnité du voyage,sauf à percevoir a son retour une amende de tous
ceux qui ne se sont pas rendusà l'assemblée . L'avan
tage d’
un chef est de réunir le plus de clients autour
de lui ; la, comme ail leurs , c’
est un signe depuissance
qui le fai t respecter c’
est un secours qui l'
aide à
être vainqueur dans les nombreuses querelles de
l‘
Althing. Mais une multitude de tentes plus petites ,aux extrémités et jusque dans les profondeurs de
l’
A lmannagia, donnent asi le a des groupes séparés
et surtout aux artisans , charrons , forgerons , me
nuisiers , armuriers , cordonniers et cuisiniers , dont
1 . Lorsque, dan s la Laxdaela saga , chapitre v , Unna aborde
en I slande , et qu'
elle v a trouver, avec une suite de vingt per
sonn es . son frère Helgi , celui—ci v ien t a sa rencon tre avec une
suite moitié moin s nombreuse ; elle le reçoit donc avec dédain ,
et déclare qu’
elle ign orait que son frère se con ten tât d'
un e si
mince condition . S on autre frère Biorn v ien t v ers elle avec un
cortège con sidérable et l‘
in v ite chez lui avec tous les siens ,connaissan t sa fierté .
les services sont rendus nécessaires pour cette foule
réunie . On comprend bien , d‘
ail leurs , que la session
de l’
A lthing devien t l'occasion d
'
un concours habi
tuel et populaire . Non seulement tous les hommes
libres et non indigents doivent assister a l 'assem
blée nationale , et c’
est un déshonneur que de ne s'
y
pas rendre mais l'
assistance est grossie d’
un
grand nombre de personnes qui n'
ont pas le droit
de prendre part aux délibérations , femmes , enfants ,esclaves , j ournaliers et indigents . Toute l
’
Islande
se rend en juin à Tingvella . C’
est un marché
où l ’on s’
approvisionne jusqu’à la saison pro
chaine, une rencontre solennel le où se passent les
contrats , où se règlent les transactions , où se
concluent les mariages . Quiconque a des relation s
à entretenir , quiconque tient a sa considération ,
a sa clientèle , à son crédit , quiconque aspire à
la notoriété ou au renom , ne peut se dispenser de
venir a l’
A lthing. Les scaldes y racontent leurs sagas
ou y récitent leurs poemes les lutteurs y montren t
leur force et leur adresse , et les spectateurs se met
tent souvent de la partie . Le voyageur nouvel lemen t
de retour y retrouve parents et amis , raconte ce qu’
i l
a vu en Norvège , aux î les Féroé ou plus au loin et
vend ses cargaisons . On proclame a l’
A lthing les
objets trouvés et perdus ; ou y pub lie, pour s’
en
faire honneur on pour prendre garantie, leswehrgelds
con sentis Ou imposés ; les pêcheurs y font reconnaî
tre l'
a marque de leurs javelots , afin d'éviter toutes‘
les querelles sur le partage des prises C ’
est, en
un mot, dans une île d’
une faible population et de
communications rares , un moyen de publicité et de
rapprochement mutuel. On ypent faire appel â l’
opi
n ion publique ; ou y paut'
iM erroger le sent iment
général , et c’
est aussi le plus souvent a Tingvella,comme nous l
‘
avons dit , que les destinées dal’
Islande
sa décident et s'
accomplissent
Tel le est la physionomie extérieure de l’A lthing.
I l serai t bien difficile de restituer, d‘
après les
express ions souvent incomplètes et obscures du
Grégas , l‘
aspect de l'assemblée el le—même , et nous
en avons d‘
ailleurs donné plus haut quelques prin
cipanx traits . Il suffit d ’avoir constaté que, soit par
le concours du peuple entier soit par ses attribu
tions étendues , le lôgretta, c est—â—dira l’
assemblée
l é gislative de l’
A ltbing, concentrait toute la vie poli
tique de la république islandaise et créait une
sorte d’
unité dans le gouvernement . Considérons
maintenant dans l‘
A lthing l’
assemblée jud iciaire , les
1 . La Laxdaela saga fait un tableau analogue d'
une assem
blée triennale présidée par le roi lui-même en N orvège è la
fin du xi ° siècle . Commerce , jeux, ban quets , rencon tra d'
Islan
date, de N orvégien s, de D anois et de Russes , rien n’
y manque .
(Chapitre 111 1 , p. 29 de l‘
édition arnamagnéenne.)
tribunaux . Cette autre étude nous montrera sous
un j our particulier le génie pratique des anciens
S candinaves .
Ce dernier avait naturel lement une grande impor
tance dans une civili sation qui se dépouillait de la
barbarie primitive , où l’
idée de la protection supé
rieure de l’
É tat commençait à prévaloir , et chez un
peuple à l’
esprit processif et subtil . Le fond de
rudesse encore subsistente sur lequel se détechaien t
ce besoin d’
un ordre nouveau et ce formal isme inné
est un élément indispensable de notre enquête
les sagas nous en ont con servé la peinture animée .
Les sages sont des récits , le plus souvent biogra
phiques , donnant l’histoire d
’
un homme ou d’
une
famille , composés , en grande partie , d‘
après le tra
dition orale au lendemain du chri stianisme , dans la
langue i slandaise ou norrène c’
est-â-dira dans le
même idiome qui , parlé pendant toute la période du
paganisme par les peuples scandinaves , servit de
bonne heure , a une époque difficile a fixer, aux
poésies de l’Edda , se modifie fort peu sans doute
depuis ces temps reculés jusqu’
au xn°
5 1ecle , reste
dans l ’usage de tout le Nord jusqu’à la fin du x1v
°
,
devint ensuite une langue savante , propre a la
traduction des poemes et chansons de geste , alors
populaires en Europe, et se séquestra en Islande ,où les paysans mêmes le comprennent encore eu
jourd’
hni .
1 . La désigna tion de la ngue norren e n e s 1n tt oduit qu‘
à partirdu commen cemen t du n n ° siècle .
Les sagas isl andaises en particulier, écrites
du x i°au x1v° S i è cle , quelquefois assez peu de
temps après les faits qu‘
elle racontent , se pré
sentent a nous avec un caractère de véracité et
d ’authenticité souvent incontestable. L’
Islande ré
sumant dans la vie sociale et dans ses mœurs toute
la civi lisation de sa mère patrie , elles nous offren t
elles-mêmes un résumé général des mœurs , des
idées, des institutions de l’ancien paganisme scan
d ih aye .
Une des plus importantes est sans aucun doute
la saga de Nial , curieuse peinture des mœurs ,précieuse en même temps par l
‘
exactitude d’
une
partie de ses détails et par la richesse de son
récit ‘ . L’
espace qu’
elle comprend s ’étend entre les
années 970 et 1017 l ’ introduction du christianisme
vers l’
an 1000 , vient se placer de la sorte en milieu
de la narration . E l le a été rédigée dans la seconde
1 . E lle est désign ée par les différen ts titres de N idls saga ,
N i i la , Brenn u—N idts saga , c‘
est-â-dire de Nial le Brûlé , Fliô tsh
lidinga saga et H lidve ria saga , ces deux dern iers n oms
rappelan t les parties de l'
Islande où l'
action s'
es t passée .
Il y a deux édition s du texte , l'
un e sous ce titre S agan
af N iâti Pôrgeirssyn i ok S on um han s , etc . Comn hagn e , 1 772 ,
ñu av ec préface d’
0 l. Olav ius l'
autre , imprimée à
V idey (Videyar Klaustri) , 1844 , 427 p. in sans notes n i
préface . On en a un e traduction latine par J . John sonius ,
sous ce titre : N ials—Saga . His toria N ia li et filiorum ,la tine
reddi ta , cum adj ecto chronologia varita tex tus islandici lectio
moitié du xi° siècle ou dans les prem1ere3 années
du x11° , et probablement par le célèbre édi teur de
l’
E ldda poétique , S aemuud, né en 1056 , mort en
1 133 .
Voici sur quel s arguments s’
appuient ces conjee
tures : On a de la sage de Nial un assez grand
nombre de manuscrits,conservés pour la plupart à
la bibliothèque de l'
université de Copenhague ; sept
sont sur parchemin ; le plus ancien date , au juge
ment des savants du nord , du x…! siècle ; mais son
style , qui est celui d’
une très ancienne jprose islan
daise , fait penser à quelques-uns que la saga aurait
été rédigée avant l’
époque où ce manuscrit a été
exécuté ; ce style parait être du même temps
que celui d’
Arc Frode , l’
un des auteurs du Landua
ma Bok,né en 1068 , mort en 1 148 . Des personnages
qui vivaient , suivant le Landnama Bok, à la fin du
XI°
5 1ecle, sont ci tés dans la saga de Nial comme
contemporains . S aemuud Frode , Are Frode, l’
évê
n ibas , earumque crisi , nec non glossario et indice rerum ac
locaram . A ccessere specimina scripturæ codicum membran eorum
tabulis æn eis in cisa . S umtibus P. Fr . S uhmi et lega ti A rn a
Magnæan i . Hav inæ , 1809 in avec un glossaire de Gndmnnd
Magn ussem Un e traduction dano ise se trouve dan s N . M .
Petersen , Historiske Fortaellinger om Islændern es faerd, t . lll .E nfin M . Dasen t en a publié une excellen te traduction
anglaise . Edingurgh , 1 862.
(M . Rodolphe D areste en a donn é une traduction française ,E . L eroux, 1896 , note de l
'
éditeur) .
que Keti l , écrivains fort connus de la fin du x1° et
du commencement du m ‘s1ecle , y sont nommés ;
mais , bien que l’
auteur se montra fort soigneux de
développer les généalogies , celle de la famille de
S aemuud par exemple , il ne fait aucune mention de
L0 pt ou Lot, ni de Jon Loptsou, fils et petit—fils de
S aemuud, et devenus , da teur vivant, plus célèbres
en Islande que S aemuud lui-même . Toutes ces cir
constances , j ointes à celle-ci que Saemuud Frode
vivai t précisément dans la partie de l’
Islande où se
sont passés les événements qui sont mentionnés dans
la saga qu’
il descendait de quelques-uns des héros
impl iqués dans le récit , que cette œuvre trahit enfin
un écrivain fort instruit , pourraient rendra vrai
semblable la conjecture émise par Pierre É rasme
Mül ler , dans sa Bibliothèque des sages, que Sae
mund lui-même, a été cet écrivain .
Pour ce qui est de la véracité de la saga de Nial ,
1 . Après son retour de France et d‘
A llemagne. v ers 1083 , il
dev ien t prêtre a Odde , dan s le diocèse de Skalholt . Voyez,
sur les tradition s qui se rattachent au souv en ir de ce person
n age , les Isl(indische Volkssagen der Gegenwart , vorwiegend
n ach mündlicher Ueberlieferunq gesammelt und verdeu tscht vonD r Konrad Maurer, Professor des deutschen Rachis an der
Münchner Hochschule , L eipzig, 1860 . Cf. la recen s ion de
es t in téressan t ouv rage dan s la Revue des deux mondes du
15 av ril 1860 . V . aussi (aux pages 485 et suivan tes) le premier v olume du nouv eau recueil de légendes et tradition s
islandaises publié en is landais à Leipzig, en 1862, par M . Jén
Arnason ,volume auquel M . Maurer a aussi donné ses soins.
elle se trouve confirmée par les témoignages de plu
sieurs autres livres islandais sur les mêmes evene
ments , bien connus dans l’
histoire du Nord , que
l ’auteur a consignés dans son récit . La saga est écrite.
il est vrai , longtemps après les faits qu’
el le raconte
mais ces faits étaient de nature , par leur importance
particuhere, à vivre facilement et sans s’
altérer dans
les souvenirs . Il s ’agissait en effet, comme nous le
verrons plus au long tout a l'
heure , d’
abord d’
un
grave changement introduit par Nial lui—même dans
la législation islandaise , puis de quelques—uns des
plus fameux procès parmi ceux que les tribunaux de
l’
Islande eussent eu j amais à juger, de guerres pri
vées, enfin , entre les familles les plus puissantes de
l’
île , et dont les descendants se trouvaient être les
hommes les plus savants du pays . Les fragments en
vers dont l‘
ouvrage est entrecoupé ont été composés
par deux des héros de la saga , Gunnar et Skarphe
din , qu’on connaît d ’
autre part pour avoir été en elIet
des scaldes renommés La narration d ’
une expedition en Irlande, dans les chapitres cr.vr, cam et
ou…,concorde b ien avec l
’
histoire générale de ce
pays . La batai lle de Brian , en 1014 , et la mort de
Nial au milieu d’
un incendie , sont des épisodes
1 . Nial lui—mème était poè te , nous le savon s par le témoign a
ge de la n ouvelle Edda, qui cite quelques—un s de ses v ers . (V.
la préface'
à la traduction latine de la saga de N ial, page
mentionnés dans les annalistes de l’
Islande et dans
la saga de Gunnlaug (chapitre xr) . Enfin , beaucoup
des personnages de la saga de Nial figurent auss i
soit dans le LandnamaBok, soit dans l’
Eyrbyggia, la
LaXdaela et la Liosvetninga saga .
Rédigée à la fin du xx“ s iecle , et donnant un réci t
qui se rapporte à la fin du x“et au commencement
du xl° , la saga de Nial est donc plus ancienne
qu’
une bonne partie du Gragas . Là où les deux mo
numents sont d’
accord , nous avons évidemment , par
cet accord même, un témoignage assuré des premiers
temps là où ils diti‘
érent, c’
est la version de la saga
qui nous révèle l’
état le plus ancien , tandis que le
Gragas , consigne les modifications et les altérations
ultérieures .
Son principal intérêt est de reproduire , jusque
dans le dernier détail , les épisodes et les formules
judiciaires d’
un temps si reculé . E lle estgénéralement
pour les récits de cette nature , dans un si parfait
accord avec le Gragas , que certaines formules sont ,dans l
’
un et l’
autre ouvrage , absolument lesmêmes .
Les deux monuments se contrôlent et se complètent
ainsi naturellement , le Gragas nous donnant le texte
abrégé , quelquefois sec et peu clair , des prescriptions
, des formalités et des lois dont la saga nous
présente , en action , et dans leur application prati
que, le vivant commentaire ; la saga nous aidant en
5 .
particul ier à di s tinguer les parties du Gragas qui re
montent au mo ins au x° siècle , et qui contiennen t
le droit contemporain des lo is d’
Ulfiot, l’
ancien droi t
payen des Islandais scandinaves .
C ’
est donc a la saga de Nial que nous devrons
d ’
abord demander les principaux traits des mœurs
encore barbares que les d iverses lois contenues dans
le Gragas seront appelées à réglementer .
La saga de Nial est un ouvrage étendu el le con
tient dans le texte et dans l’
édition islandaise 160
chapitres et 282 pages d’
un petit format in- quarto .
Nous donnerons ici une analyse des principaux
épisodes se rapportant à notre sujet . On s’
attend
b ien ane rencontrer chez les anciens conteurs islan
dais que peu d’
habileté de composition . Ces chroui
ques de famille s’
asservissentà l’
ordre généalogique ,de sorte que le rédacteur , lorsqu
’ il vient à nommer
un de ses héros , se croit obligé d enumérer ses a1eux,de dire les actions de son père , puis celles du père
de son père , deman iere acompliquer demille sèches
digressions la trame de son récit . Ce n’
est pas que
l ’ imagination fasse défaut elle y a seulement un tour
différent de celui qui nous est habituel : pas de des
criptions de nature , nulle généralité de sentimens et
d ’ idées , une suite indéfin ie de traits individuels bien
saisis , non pas uniquement à la surface , mai s dans
le vif et quelquefois tout prés du cœur, du reste une
pendant ce temps , j ouait sur le plancher avec d'autres
enfans. E lle était déj à belle , et ses cheveux , doux
comme la soie , étaient si longs qu’ il s tombaient plus
bas que sa taille . Hauskuld l’
appela et dit a Brut z
« Que te semble de cette enfant ? N ’
est-elle pas
belle ? Brut ne répondit pas . Hauskuld répète. sa
question Hrut dit alors Oui certes , elle est bel le,d
'
une beauté qui sera funeste à plus d‘
un . Je ne sais
d’
où ces yeux perfides se sont glissés dans notre
famille . Cette réponse mécontenta Hauskuld, et
pendant quelque temps il y eut du froid entre son
frère et lui.
Halgerda crût en âge ; elle devint une très bel le
jeune fille de haute taille mais elle était apre et dure
de cœur . Son père nourricier s’appelait Thiostolt.
Issu d ’
une famille des îles du sud, il était fort hab ile
à manier les armes ; il avait tué plusieurs hommes
sans payer d ’amende pour aucun ; on croyait qu’
i l
n ’
avai t pas contribué à modérer l’
humeur d’
Hal
gerda .
Il y avait un homme appelé Thorvald , fil s d’
0 svif ;
il possédait les îles des Ours , dans le Bredefiord ;il en tirait du grain et une bonne pèche . Thorvald
étai t brave et généreux , mai s prompt et brusque . Un
j our il parlait de mariage avec son père et rejetait
tous les partis d’
alentour : Songerais—tu, lui dit
Osvif, à la fille d’
Hauskuld, Halgerda ? Oui, je
veux la demander . Ce mariage ne convient ni
pour elle ni pour to i : el le est volontaire, tu es Opi
n1atre et inflexible . J’
en veux faire l’
épreuve ce
pendant : il ne servirait à rien de vouloirm’
en empê
cher . Qu’
à cela ne tienne ! le risque est pour toi
seul . i ls partirent b ientôt pour aller faire la de
mande . Arrivés àŒauskuldstad, ils furent bien reçus ;mais Hauskuld leur répondit : Je veux agir loyale
ment avec vous . Ma fil le est d’
humeur peu traitable
pour ce qui est de sa beauté, vous pouvez en juger
vous—mêmes . Thorvald répondit Fixez les condi
tions ; son humeur ne me fera pas changer d’
avis .
A lors i ls firent leurs conditions sans qu’on eût consul
té Halgerda, car son père avait hâte de la voir ma
riée . Quand elle apprit ce qui avait été conclu : Tu
ne m’
as j amais aimée , dit—elle à son père ; je ne
trouve pas cette alliance a la hauteur de ce que tu
m‘
avais promis . E t en tout el le témoigna qu’
elle se
tiendrait pour mal mariée . Je ne souffrirai pas , ré
pondit son père, que ton orgueil fasse obstacle à mes
desseins ; et, si nous ne pouvons tomber d’
accord ,ma volonté s
’
accomplira, non la tienne . E lle alla
trouver son père nourricier , lui raconta ce qui était
résolu et qu’
elle en était désespérée ; Thiostolf lui
répondit : Prends courage , tu seras mariée une
seconde fois , et alors on te demandera ton avis . Il
n’
y eut pas un mot de plus entre eux ; Hauskuld par
tit pour aller faire ses invitations à la fête des noces .
Ce j our venu, Halgerda s’
assit à la place d’honneur,
et se montra comme une j oyeuse fiancée ; mais
Thiostolf lui parlait sans cesse d’
une façon qui parais
sait étrange aux assistans . La fête s’
acheva. Hauskuld
ne fit pas attendre le paiement de la dot de sa fille ;il di t aBrut , son frère : Ne ferai—je point quelques
présens en plus ? Brut lui répondit : Non , cela
suffit maintenant le j our pourra venir où tu auras
encore à payer au sujet d’
Halgerda .
Thorvald partit après la noce pour retourner chez
lui avec sa jeune femme ; le soir , Halgerda s’
assit
auprés de lui, mais elle fit placer Thiostolfde l’
autre
côté près d’
elle . Thiostolf et Thorvald échangèrent
peu de paroles ensemble cet hiver la.
Halgerda était a la fois prodigue et apre i l lui fal
lait tout ce qu’
elle voyait aux autres dans le voisinage ,et tout ce qu
’
elle avai t entre ses mains , elle le gas
pillait . Aussi , quant vint le printemps , les provisions
manquèrent . Halgerda vint à Thorvald et lui dit : Il
ne s’
agit pas de rester ainsi tranquil le dans ta mai
son car voici que la farine et le poisson sec font dé
faut . Je n’
ai pas , répondit Thorvald , fait la provi
sion moindre cette année, et elle a touj ours suffi
jusqu’
à ] eté . Qu’
y puis—je faire , reprit-el le , si
vous viviez , ton père et toi, comme deux ladres ?
Thorvald irri té la frappa rudement au v isage, puis
il appela ses hommes , et ils s’
en allèrent aux îles
chercher du poisson sec et de la farine . Pendant
ce temps Halgerda s‘
assit devant sa porte ; elle
paraissai t fort abattue . Quand v int Thiostolf
i l remarqua les traces que portait son visage :
Qui t’
a fait ce mauvais coup ? dit—il. Mon
mari , et tu n’
étais pas là pour me secourir ; peut
être d’
ai lleurs n’
as-tu nul souci de moi ! Je ne
savais rien de cela , reprit— il, mais je vais te ven
ger. Il courut aussitôt au rivage et prit un bateau
à six rames . Il avait en main sa grande hache à poi
gnée de fer. Arrivé aux îles , il y trouva Thorvald
occupé à charger les provisions que ses gens lui
apportaient ; il sauta dans son bateau, mit la main
avec lui au travail et , aprés un moment : Tu ne
vas ni v ite ni bien à la besogne , dit—il. Crois—tu
faire mieux ? dit Thorvald Il y a du moins une
chose que je ferai mieux . Mal mar1ee est la femme
que tu as prise , et il est temps que je vous
sépare . En entendant ces mots , Thorvald saisit
un couteau de pêche ; mais Thiostolf avait levé
sa hache qui, en retombant , déchira le bras et
fi t tomber l’
arme . D’
un second coup de hache ,il frappa la tête de Thorvald , qui expira . Tout
aussitôt Thiostolf se pencha hors du bateau ,
en défonça deux planches , et sauta sur sa bar
que. Au moment où les hommes de Thorvald arri
vaient, la sombre mer avait englouti l’esq q et le
cadavre il s comprirent bien ce qui s‘
étai t passé ,mais Thiostolf s
‘
éloignait à force de rames sous leurs
malédictions . Quand il revint en brandissantsa hache ,Halgerda était assise au dehors : Ton arme est san
glante , dit—elle ; qu’as- tu fait ? J ’ai fait de tel le
sorte que tu seras mariée une seconde fois . Veux
tu dire que Thorvald estmort ? oui, etmaintenant
songe à ma sûreté . J ’y songe . Va—t’
en vers le
Biornsfiord, chez mon parent Svan . Il te recevra à
bras ouverts , et il est assez puissant pour que per
sonne'
n’
aille te chercher là.
Tel est le premier mariage d’
Halgerda le second
commence en de tout autres circonstances pour finir
de même ou plus tragiquement encore . E lle est
recherchée de nouveau pour sa beauté et malgré de
fâcheux pressentimens . E l le paraît à la réunion de
famil le , et la saga décrit avec soin son costume
manteau bleu, jupe rouge , ceinture aux boucles
d ’argent et longs cheveux épars ; el le s’
engage cette
fois de son plein gré , elle aime , et les premiers temps
de son mariage sont heureux : la naissance d ’
une
fille en est le gage . Pourtant le père nourricier
Thiostolf, d'
abord éloigné , reparaî t elle obtient
qu’
on l’admctte , sauf a lui ordonner, i l est vrai , de
se tenir d ’abord à l 'écart . Ce n’
en est pas moins à
son sujet que s’
engagent bientôt entre les deux époux
maintes disputes , dans une desquelles Halgerda
reçoit de son second mari un outrage . Il la frappa
au visage, dit la saga ; Halgerda l’
aimait, el le resta
désespérée et toute en pleurs . Thiostolf se présenta
Ne me venge pas , dit-elle , ne te mêle pas de nos
affaires ! Lui s’
en alla grinçant de dépit . On
prévoit ce qui doit arriver ; un j our que Thiostolf et
le mari d’
Halgerda sont ensemble dans la montagne
à la recherche du bétail égaré , i ls se querellent , et
le père nourricier commet un nouveau meurtre . Cela
fai t , i l retourne vers Halgerda : Je ne sais ce que tu
en penseras , dit—il, je l’ai tué .
— C ’
est toi qui as fai t
le coup C’
est moi E l le sourit amèrement et
dit : Certes tu n‘
es pas le dern ier au jeu ! Mainte
nant , demanda-H I , quel est le plus sûr parti pour
moi ? C ’
est d’
aller chez Hrut, le frère demon père
il saura te recevoir. Je ne sais trop si l’
avis est bon ,mais n
'
importe , je suivrai ton consei l . Il monta
aussitôt à cheval , et arriva cette nuit même chez
Brut , qui le Le frère du mort v int ensui te
demander à Hauskuld de lui payer une somme pour
ce meurtre ; Hauskuld lui fit des présens , et i ls se
séparèrent bons amis .
Assurément voilà de rudes peintures , auxquelles
nemanquent parfois ni la vigueurdu trait , ni l’énergie
de l’
expression . Nous sommes en présence demœurs
v iolentes , qui comptent pour peu la vie humaine. La
femme que l’
auteur de la .chronique met en scène , la
femme dont la beauté fascine et tue , offre un type
vraiment barbare , une physionomie sin istre , que
tempère toutefois ce qu‘
on devine , dans le second
récit , de sa propre douleur ; on prévoit lesmalheurs
qui vont se mul tipl ier autour d‘
elle , et cela sans que
le narrateur nous l ’ait représentée , selon le modèle
antique , comme victime d’
une fatal i té extérieure .
E st— cepourtant unebarbarie obscureet irrémédiable ,celle où nous voyons le mariage institué fortement ,et la femme en possession d
’
une influence que ses
taleus ou ses passions peuvent tantôt exagérer et
tantôt faire légitimement valoir Sans doute la
coutume de la composition ou du wehrgeld , dont
cespremiers épisodes nous montrent déj à le fréquen t
usage , est la marque d’
un état social très imparfait ,puisqu
’
il n’
imprime à la peine aucun caractèremoral .
Il faut noter cependant que par ce trait la société
islandaise se rattache à tout un âge de la civili sation
germanique , pour laquel le le wehrgeld a été une
étape vers un progrès meilleur , et une prem1ere
tentative , quoique informe et grossière , pour obtenir
un ordre quelconque et un commencement de loi .
Il y a ici d’
ai l leurs autre chose que le dédommage
ment du tort causé par ce meurtre ; la lo i intervient
en beaucoup de cas pour exercer une véritable
répression au nom de la justice ofiensée : i l y a des
leurs nez fort,
œ il bleu et vif, j oues colorées , cheve
lure épaisse et bien tombante . Il étai t instruit , actif,doux et patient , fidèle à ses amis , attentif à les
choisir ; il j ouissait avec cela d’
une fortune consi
dérable .
Non loin de là, à Bergthorshvol, habitait Nial , fi ls
de Thorgeir, fi ls de Thorolt‘
. Il était riche et beau de
visage , mais sans barbe . Comme habile juriste , i l
i l n ’
avait pas son parei l . A visé et perspicace , d’
uti le
consei l et prompt à obliger , quiconque le con sultait
dans l ’embarras trouvait en lui un sauveur. S a
femme , Bergthora, était courageuse et honnête .
Nial et Gunnar s etaien t unis d’
une étroite ami tié .
Un j our on vit s’approcher de la côte un navire
venant du Vilc. On appelait ains i le magnifique golfe
où se trouve auj ourd’
hui Gothenbourg, et c’était de
là que sortaient les principaux pirates ou Vikings .
Halvard le Blanc , qui montait ce navire , passa l’
hi
ver chez Gunnar et le pressa de se j oindre à lui pour
quelque riche expédition . Nial appuya ce consei l
Partout où tu paraî tras , dit-i l à son ami , ou te
reconnaîtra pour un homme d’
honneur . Veux
tu, répondit Gunnar , prendre soin de mes biens
pendant mon absence ? Très volontiers . Eh
bien donc , adieu ! E t Gunnar partit en effet
avec Halvard , dans l’
espoir d ’augmenter sa fortune .
Ils visitèrent en pillant les côtes de la Norvège,
cel les du Danemark et de toute la Baltique . Puis
Gunnar revint chargé de butin et de gloire .
Chacun l‘
accueillit avec j oie, N ial surtout , qu i l
al la visiter d’abord . Au long récit de son voyage,
Nial lui répondit Tu as acquis beaucoup d‘
expé
ricuce assurément , mais il t’
en faut pour l'avenir
davantage encore , parce que tu auras beaucoup
d’
envieux. Mais , répondit Gunnar , j’
en tretiendrai
bonne amitie avec tout le monde . Cela ne sera
pas touj ours poss ib le, et i l faudra quelquefois se
mettre sur la défensive . J ’aurai du moins la con
so lation d’
avoir une bonne cause . Oui , si tu ne
dois pas payer pour les fautes des autres .
Avant de qui tter Nial , Gunnar lui fit des présents
et le remercia d’
avoir administré ses biens ; puis
comme on l'
engageait à aller à l’
A lthing, où sa
renommée accrue ferait céder l’
orgueil de beaucoup
de gens Ce n’
est pas ce que je cherche , dit—il mais
j ’y rencontrerai'
avec plaisir des hommes que j’
es
time .
Gunnar et les siens parurent à l’
A lthing en un si
bel équipage , qu’on vint de toute part les admirer ;
on les interrogea sur tout ce qu’
i ls avaient vu pen
dant leur voyage . Gunnar , répondait , amicalement à
tous et racontait ce que chacun désirait en tendre .
Un j our que Gunnar sortait avec les siens de l’
as
semblée publique , il vit venir à lui une femme bien
vêtue , qui le salua . Il s’
arrêta et demanda qui el le
était . Je m’appel le Halgerda, répondit—el le , et je
suis fille d’
Hauskuld. E t elle ajouta qu’
elle enten
drait volontiers le récit de ses récents voyages en
Norvège et en Danemark lui de son côté protesta
qu’
il ne refuserai t pas une conversation avec elle
i ls s’
assirent donc , et i ls s’
entretinren t longtemps
ensemble . Enfin il lui demanda,ignorant de ce qui
s ’était passé'
dans l ’île pendant sa longue absence, si
el le était mariée el le répondit que non , mais que
peu d’
hommes oseraient briguer sa main . N'
y
a—t— il donc personne d’
assez bon pour toi Ce
n'
est pas cela , mais je suis difficile . Que dirais- tu
si j’
osais te demander Tu n’
y songes pas . Si
vraiment En ce cas , va trouver mon pére . Gun
nar se rendit aussitôt vers Hauskuld, qui, avec Brut
son frère. lui fit bon accueil . J'
y consens , répon
dit le pére , si ta parole est sérieuse . Cependan t
Brut dit La partie ne me semble pas égale et je
parlerai sincèrement . Tu es brave et géné reux ,Gunnar , et le caractère d
’
Halgerda a ses mauvais
côtés , nous ne voulons pas que tu sois trompé en
rien C’
est noblement dit à toi , répondit Gunnar ;
je regarderai toutefois comme une marque de peu
d’
amit1e de votre part que vous ne me fassiez pas
entendre vos conditions . J ’ai parlé avec Halgerda,elle agrée ma demande . Brut dit Si tous deux
tuer . Halgerda dit en en tendant ces paroles I l
me serv ira peu d’
avoir épousé le plus courageux des
Islandais si tu ne venges ceci , ô Gunnar ! Gunnar
à ces mots quitta la table , et l’
entraînant au dehors
Partons , dit—il ; mieux valait rester à la maison et
ne pas venir chez nos amis . Je dois beaucoup à
Nial , et ne serai pas ton marteau . Halgerda en
sortant dit à Bergthora : Souviens- toi que nous ne
serons pas quittes de la sorte ! A quoi Bergthora
répondit que son ennemie tirerait de la peu
d ’avan tage .
Nial et Gunnar possédaient ensemble une forê t
qu’
à cause de leur bonne entente ils laissaient ind i
vise . Chacun des deux amis y coupait selon ses
besoins sans même en prévenir l’
autre . Halgerda ,
apprenant un j our qu’
un des serv iteurs de Nial,
nommé S vart, y faisait du bois comme de coutume ,appela son intendant Kol , qui était depuis long
temps a son service et qu’on redoutait . E lle lui di t
en lui présentant une hache : Je t’ai préparé du
travai l : va t’
en au bois, tu y trouveras S vart.
Que lui dirai— je ? Tu le demandes un meurtrier
comme toi ! tu le tueras . Je le ferai, mais je lepaierai de ma vie . A s- tu peur Ne t
’
ai—je pas tou
j ours protégé ? J ’en emploierai un autre , si tu ne
l’
oses pas . Kol prit sa hache , monta sur un des
chevaux de Gunnar, et se rendit au bois . La il m it
pied à terre , attacha son cheval et attendit que
S vart fût prés de lui. Tout à coup , levant sa hache
Il y en a d‘
autres que toi , s ecria—t—il, pour-bien
abattre ! et i l le tua. Aussitôt que Gunnar eut
appris ce meurtre , i l s’
en alla vers Nial : Nous
aurons souvent besoin , dit celui—ci , de nous rap
peler notre amitié . Gunnar paya pour composition
la somme fixée par Nial , et ils pensèrent que cette
affaire était terminée .
On pense bien que Bergthora ne voulut pas être
en reste ; ainsi plusieurs actes sanglans se succé
dèrent ; des deux femmes , l’
esprit de vengeance se
communiquait a leurs parens et a leurs serviteurs ,et, comme dan s les villes italiennes du moyen âge,mais sur une scène plus sombre et plus étroite, les
violences échangées entre les deux familles répan
daient la terreur . Nial et Gunnar seuls , pendant que
tout s’
agitait autour d’
eux et qu’
eux—mêmes étaient
obligés de prendre une part dans les en treprises et
les passions des leurs , ne laissaient pourtant pas
s’
ébranler leur amitié . Après chaque meurtre , ils
conféraient ensemble et s’
acquittaien t équi tablement
l‘
un envers l’
autre , au nom de leur parenté ou de
leur cl ientèle , des wehrgelds fixés par la loi C etait
1 . S ur l‘
importan ce dan s les mœ urs et la législation islan
daises des werhgelds ou amendes pour les meurtres selon la
qualité des v ictimes,v . l
‘
appendice .
cette amitié si constante , supérieure aux hai nes pri
vees , qui augmentai t la colère et le dépi t d’
Halgerda
elle avait aimé Gunnar, mais sa j alousie l’
emportait ,
et son amour allai t se changer en haine , s’
il ne
se livrait pas entièrement à el le . Le déclin de cet
amour, pui s l eclat de cette haine , sont clairement
tracés dans le récit de la saga pour ceux qui s’atta
chent à en suivre patiemment les détours .
Pour arriver à ses fins et répandre la discorde ,pour perdre Gunnar lui—même avec Nial s
’
i l le faut ,Halgerda fai t appeler pour habiter auprès d
’
elle un
des siens , d‘
assez mauvai s renom . Il n ’
appporte
ra rien de bon chez nous , dit Gunnar , touj ours pa
tient et doux , malgré ses prévisions fâcheuses ; mais
enfin je ne chasserai pas de mon foyer un parent de
ma femme : il est mon parent . Bien tôt fasciné , le
nouvel hôte devient le plus actif instrument de la
guerre entre les deux mai sons non- seulemen t il
ourdit les complots , mai s , scalde habile et renommé
il provoque et insulte par ses strophes moqueuses ,
qui courent le pays , les chefs ennemis et leur Nial ,le héros sans barbe , dont il fumera le menton !
En vain Nial ordonne- t— il a ses fils de mépriser ces
gross1eres injures . Un soir, quand il étai t déj à cou
ché , il les entend détacher leurs armes et seller
leurs chevaux . Où allez— vous ? leur dit- il . Père
répond l’
aîné, nous allons rassembler les trou
l ’accompagner . Déjà le navire était équipé et on yavait transporté les bagages , quand Gunnar al la
visiter , pour leur faire ses adieux , ses amis de
Bergthorshvol. Il prit ensuite congé de tous les
siens , qui reçurent ses paroles avec douleur . Puis ,appuyant sa longue hache
‘ contre terre , i l monta
en sel le et partit avec Kolskeg. A quelque dis
tance , son cheval fit un faux pas ; Gunnar san ta a
terre , et il lui arriva de rencon trer du regard la
vallée et la ferme de Hlidarenda ; et il dit : Cette
vallée est belle , je ne l’
ai jamais vue si belle ; les
grains sont mûrs , les prairies sont fauchées . Je
retourne à Hlidarenda ; je ne partirai pas ! Le texte
est facile à comprendre, et on admirera sa simpli
cité Fogr er hlidin sva at mer hefir han alldri
iafnfogr syn z . bleikir akrar . en slengin tan . ok
man ek rida heim aptr . ok fara hvergi . Kolskeg lui
répondit : Ne donne pas à tes ennemis cette j oie
de te voir rompre sitôt l‘
accord rappelle-toi les
consei ls de Nial . Je ne partirai pas , répéta
Gunnar , et je souhaiterais que tu fisses de même .
Hvergi man eh fara . Oksva villda ck at pu gerdir .
Non , reprit Kolskeg ; je ne violerai pas ma
parole , pas plus dans cette occasion que dan s
toute autre ; tu feras mes adieuxàmes parents et à
1 . A tgeirr, bipenn is , has læ genus prælongæ, disen t les
lexiques .
101
ma mère , car je ne reverrai plus l’
Islande ; puisque
« tu vas mourir je n’y reviendrai pas . Ils se sepa
rérent . Kolskegmit à la voile ; Gunnar retourna vers
Hlidarenda. Sa mère vit ce retour avec douleur ;mais Halgerda, sa femme , avec une perfide j oie .
L a peinture n’
est—elle pas achevée Le drame
n ’
est—il pas complet , avec chacun des personnages
in téressants dans son rôle : Gunnar , retenu par les
l iens aimés , et insouciant du péril son frère,ré signé tristement à un perpétuel exil ; la mère.
avec sa douleur inquiète : et la mauvaise épouse,avec son humeur vindicative
A l’
A lthing suivant , Gissur le Blanc réunit tous
les ennemis de Gunnar , et quarante d'
entre eux se
l iguèrent pour lui donner la mort . Ils apprirent , au
commencement de l’
automne, que Gunnar serait
seul a Hlidarenda, tous ses gens devant al ler dans
les iles pour achever lamoisson . Aussitô t il s se ras
semblèrent ; Gissur le Blanc étai t à leur tête. Arrivés
à Hlidarenda, ils commencèrent par tuer, non sans
peine , le chien de Gunnar . É veil lé par les hurle
ment s . celui—ci reconnu aussitôt le danger : On te
traite durement, mon pauvre Sam , dit-il, et i l y aura
pour la fin , peu de différence entre nous deux !
La maison qu’
habitait Gunnar était construite en
bois avec un toit goudronné . Il dormait sous cet
abri avec sa femme et sa mère Banveig. Comme les
meurtriers n etaient pas encore assurés qu’ il y fût ,
Thorgrim se glissa vers la maison ; mais Gunnar ,apercevan t un manteau rouge qui s
’
approchait de
la fenêtre , plongea son épée par l’ouverture et la lui
passa au travers du corps . Les autres voulurent le
venger . Gunnar les tient à distance par ses flèches
mortelles , et trois fois il s durent se retirer Il s
s’
élancèren t alors sur le toit et le mirent en p1eces .
Malgré les efforts de Gunnar , un des assaillants
sauta dans sa chambre et lui rompit la corde de son
arc . Gunnar avait déj à blessé huit hommes et il en
avait tué deux il reçut en ce moment deux bles
sures , mais son ardeur n’
en paraissai t que plus
redoutable : Femme , s ecria— t- il en s ’adressan t à
Halgerda pendant qu’
il se défendait avec son épée ,coupe une tresse de tes cheveux ; et toi , ma mère ,fais—en vite une corde pourmon arc
‘ En as- tu
bien besoin demanda . froidement Halgerda.
Ma vie en dépend tant que j’
aurai mon arc ,
ils ne pourront rien contre moi . Je te ferai donc
souvenir du soufflet que tu me donnas naguère,reprit—elle ; va , peu m
’
importe que tu puisses ou
non te détendre Chacun se rend illustre à sa
man1ero, répondit Gunnar ; je ne te prierai pas
longtemps . Ranveigdit «Vous vous condui sez
mal, ma fille , et l’on parlera longtemps de votre
1 . Page 1 16 du texte islandais de la saga .
C’
est à dessein que nous n’avons interrompud
’
au
cun commentaire cette analyse rapide de toute la '
prem1ere moitié de la saga de Nial , afin qu’
el le
apparût au lecteur dans son ensemble , comme un
spécimen de la manière habituel le aux sagas islan
daises et comme un premier tableau des mœurs
scandinaves à la fin du x°s1ecle . N
’
avions—nous pas
le droit aussi de lui attribuer un certain mérite au
point de vue l i ttéraire et moral ? Ce n ’
est pas assu
rément la bonne ordonnance que nous y vanterons
notre analyse fort abrégée ne doit point a cet égard
faire i llusion : le‘
récit est souvent mêlé, confus ,embarrassé de mil le circonstances indifiérentes ou
obscures ; le chroniqueur va en avan t un peu à la
man iere du conteur arabe , qui ne supprime ni ne
classe aucun souvenir . Cela n’
empêche pas que la
narration,soit par le reflet fidèle d ’
une réal ité
v ivante , soit par une certaine simplicité instinctive
et naïve , n’offre une suite réelle dans la peinture
des caractères ; ceux— là mêmes qui sont sur le
second plan ne manquent pas d’
apparaî tre , pour
qui l it tout l'
ouvrage , dans une lumière qui n’
est
point trop indécise . Bergthora par exemple, la
femme de Nial , bien qu’
el le soit à l ’occasion, elle
aussi , v indicative et hautaine , passe cependant pour
être en général une bonne et pacifique maîtresse de
maison ; elle ne quittera pas son mari , même dans
l ’extrême danger , au j our de sa mort . Le narrateur
n’
a pas beaucoup à dire a son sujet , mais il sait
faire entendre que ce silence est tout a son éloge .
N ous connaissons Halgerda son prestige funes
te , sa passion capricieuse , tantôt amour et tantôt
haine , forment le foyer qui attire à lui l’
action
entiere tous les désastres accumulés finalement par
el le sont en germe dans cet oblique regard que , dès
le commencement de la saga , son oncle a remarqué
dans sa physionomie d’
enfant . La figure de
Gunnar est très fortement décrite , et de toutes
pièces . On ne doi t j amais oublier que c’
est un
redoutable viking , un de ces rois de mer pour
lesquel s la piraterie apparaît comme une source de
richesse régul ière . Au milieu des guerres privées
qui agitent l’
Islande , nul n’ose accepter le duel
contre lui ses adversaires aiment mieux l’
envelop
per dans quelque perfide procès . Sa force est la
rai son de sa douceur : on l’a vu, ne sachant rien des
aventures passées d’
Halgerda, qui ont eu l ieu pen
dant qu’
il naviguait au lo in , céder à son charme, et
ne vouloir pas après cel a s'
en dédire ; on l’
a vu
opposer une réelle patience et une indulgente bonté
à ses emportemens , maintenir ferm ement ses
liens avec l’
ami qu’ i l consul te et respecte ,
et ne se mêler que malgre lui, après une longue
rés istance, aux combats sanglans d’
alentour. A la
106
suite d ’une de ces actions d’
où lui et les siens ,comme à l
’
ordinaire , sont sortis vainqueurs , il
entend ses compagnons chan ter et se ré j ouir , et se
dit à lui—même : Sui s—je donc moins brave que
ceux-là Commen t se fait- il qu’
après avoir tué jeme
sente le cœur triste et pesant ? Parole touchante
et profonde , non pas seulement à cause du senti
ment tout humain qui l’
inspire , mais aussi pour la
sincérité de l ’aveu , et pour cette nuance délicate de
simplicité en même temps forte et na1ve , qui lui
fait se demander avec étonnemen t s ’il est donc
moins courageux que ceux à qui le meurtre ne
coûte pas . Nous avons dit qu’
en lisant les sagas on
pensait quelquefois a Shakspeare ; n’
est—ce pas ici
un de ces mots qui jail lissent des sources vives et
que le grand poète anglais , avec sa puissance d’
ima
gination et de cœur , a su plus ieurs fois deviner !
A côté du viking Gunnar , Nial d’humeur pais ible
et douce est pour toute la société islandaise le sage
renommé . Il est sage, parce qu’
il est savant en
droit,parce qu
’
i l connaî t en habile juriste les dispo
sitions , les pièges et les ressources de la loi . Le plus
clair témoignage des troubles violens qui agi ten t
alors l’Islande est que des hommes tels que Gunnar
et lui finissent par être enveloppés malgré eux dans
ces tourbillons de colères et de vengeances .
Mais le plus intéressant est peut—être de suivre à
108
sements de ses concitoyens ; c'
est là qu’i l rencon
tre Halgerda, venue à l'
assemblée avec toute sa
famille, et c’
est là qu’
il la demande en mariage . C ’
est
là enfin que se réconcilient , pour un temps et sous
les yeux desmagistrats , les parties qu’
une vengeance
peut—être héréditaire a armées l’
une contre l‘
autre .
Le récit qui précède nous a montré aussi à l'avance
quelques traits du rôle judiciaire de l'
A lthing ; étu
dions—le maintenant sous cet aspect particulier, qui
ne se confond pas avec celui de sa puissance légis
lative. Nous avons dit qu‘
i l exerçait l’
autorité judi
ciaire en réunissant dans son sein les tribunaux les
plus élevés du pays , et nous venons de voir d‘
ail
leurs , dans la premiere partie de la saga de Nial ,l 'exposé des mœurs qui rendaient lmtervention de
la justice constamment nécessaire . Ouvrons à pré
sent le Gragas ; il nous donnera la constitution de
ces divers tribunaux , ainsi que les lois et la procé
dure qui les régissaient ; le tableau des institution s
judic iaires s’
ajoutera ainsi pour“
nous à celui des
institutions pol itiques La saga de Nial , dont nous
ne connaissons encore qu’
une'
partie , nous servira,comme nous l
’
avons annoncé , de commentaire per
pétuel du Gragas dan s cette nouvel le étude ; cer
taines réformes trés—importantes dans l’
ordre judi
ciaire ne nous seront racontées et expliquées que
par elle ; elle nous introduira , grâce aux récits de
curieux épisodes juridiques , au sein des tribunaux
islandais du xx“ siècle , dont elle nous fera connaître,
dans l’
intime détail , de concert avec le Gr”
agas , les
règles et la procédure .
Le j our de l’
ouverture de l’
A lthing et en même
temps que le lôgretta inaugure ses travaux législatifs
se forment aussi dans le sein de la même grande
assemblée , suivant le Gragas , quatre grands tribu
naux qui correspondent aux quatre régions de l’ île .
Chacun de ces tribunaux , dits de fiordung ou de
quartier se compose, comme le lôgretta, d‘
abord des
godar établis dans sa circonscription , lesquels ne
jugent pas , mais nomment les juges , survei llent et
dirigent les procès , puis des véritables juges desi
gués par eux entre leur subordonnés . Chaque tribu
nal compte trente- six membres , tro is douzaines , et
la réunion judiciaire en compte ainsi dans son
ensemble cent quarante—quatre , comme la réunion
législative . On trouve nettement définies dans le
Grâgâs les conditions requises pour la nomination
des juges par les godar : ils doivent avoir au moins
douze ans , étre hommes libres , pourvus d’
un domi
ci le légal , valides d’
esprit et de corps , et non engagés
eux-mêmes de quelque façon que ce soit dans un
procès ; i l faut , de plus , qu’
ils aient appris dès
l'
enfance à parler la langue norrène .
Le godi se rendra à l’
ouverture orien tale de7
l’
Almannagia, dit le Gragas . Il fera asseoir son
juge élu ; puis , prenant deux témoins ou davantage : Je vous prends comme témoins , dira—t— il,
que je désigne cet homme, et il dira son nom ,
pour juger toutes les causes qui seront presen
tées devant ce tribunal aux termes de la lo i .
J’
invite défendeurs et demandeurs à user du droi t
de récusation dans les rangs de ce tribunal ; mai s
celui que j’
ai désigné devra assister au jugement ,à moins qu’ il ne soit légalement récusé, auque l
cas je le remplacerai par un autre . Je nomme à
ce tribunal ; il répétera le nom , et i l aj outera
ce tribunal est, pour ce qui nous concerne, léga
lement constitué .
On reçoit à chacun des tribunaux de fiordung,
dont nous verrons plus tard la procédure , les affaires
que les tribunaux de printemps ou varthings, si leurs
juges n’ont pu être unanimes , n
’
ont pas vidées ; on
y reçoit aussi celles que tout demandeur a droit d’
y
porter de préférence à la juridiction des varthings .
Si un demandeur et un défendeur appartiennent ades
varthings différents , on comprend que le demandeur
aimera mieux ordinairemen t présenter l'
affaire a
l’
A lthing, où les représentants de tous les districts
se trouvent réunis et où chacune des deux parties
trouvera des vois ins et des amis parmi lesquels
elle pourra choisir ses témoins et ses q‘
dr ; nous
112
Hauskuld fut devenu jeune homme , Nial s’
occupa de
lemarier et lui proposala fil le de S tarkad, Hildigunne .
Hauskuld lui répondit : Votre choix sera le mien .
« mon père . Ils se rendirent chez S tarkad : Je
viens pour une grande affaire , dit Nial . Je voudrais
fiancer ta fille Hildigunne . Avec qui ? A vec
mon fils adoptif Hauskuld. Cela demande
réflexion . Qu’
as—tu à dire de ton protégé Rien
que de bon ; il apportera d’
ailleurs assez d’
argent
pour que vous soyez tous sati sfai ts . Faisons
appeler Hildigunne , répond it S tarkad, et voyons
ce qu’
el le en pense . Hildigunne , mandée , se
récrie aussitôt , en disant qu’
on lui avait promis de
ne la marier qu’
à un homme revêtu de la dignité de
godi . Je ne refuse pas Hauskuld, dit-elle , s i on
peut lui procurer un tel titre , mais c’
est ma condi« tion . Nial répondit en demandant un délai de
trois années Hildigunne y consentit .
De retour chez lui, Nial s’
occupa immédiatement
de chercher apourvoir Hauskuld mais nul ne vou
lait se défaire de son godard, et il se trouvait fort
embarrassé .
Bientôt la saison d ete amena l epoqne de l’
A l
thing . La session était chargée d’
affaires . Bon nom
bre de parties consul tèrent Nial , car les Islandais
avaient coutume de recourir, dans leurs procès , a
des jurisco’
nsultes , a des j urispeñti , qui connais
saient la loi, ses formules et ses ressources , mieux
que ne pouvaient faire les juges appelés par hasard
pour une session ou pour une affaire , et mieux que
les godar eux-mêmes , auxquels n’
incombait , en
réal i té , que la seule mission de diriger impartiale
men t l’administration de la justice . Nial , contre leur
attente , ne donn a cette fois a ceux qui le consul
taient que des avis incomplets , qui n’étaien t de
nature à procurer le succès ni aux défendeurs ni aux
demandeurs . Les causes n’
aboutirent pas , et i l fallut ,au milieu d
’
un profond désordre , que les plaideurs
se résignassent à s’
en retourner chez eux sans être
accordés .
L‘
année suivante, quand le thing approcha , Nial
engagea les parties à dénoncer leurs causes . Beau
coup lui répondirent que c etait inutile , que per
sonne ne réussirait à être jugé , et qu’ ils étaient donc
préparés à faire valoir leurs droits par la pointe et le
tranchant de leurs épées . Quand Nial les vit excités
de la sorte Il ne faut pas qu’ il en soit ainsi , leur
dit—il. Il se peut qu’ il y ait quelque chose de vrai
dans ce que vous dites ; mai s il n’
est pas bon que
la loi chôme dans un pays . C ’
est a ceux qui con
naissent les lois et qui ont a prendre soin de la
justice d ’accorder les parties et de procurer la
paix . Là—dessus , i l se rendit à l’
A lthing, et , s’
a
dressant eu président et aux autres chefs qui étaient
1 14
présents L ’administration de la justice deviendra
inextricable , dit-il , si nous n’
avons prochainemen t .
d ’
autres tribunaux que ces tribunaux de fiordung,où les causes se compliquent de telle sorte , qu
’
el lesn ’ont plus d ’ issue possible . Je crois donc qu’ ilserait à propos d
’
instituer un cinqu1eme tribunal
(fimtardom) devant lequel on poursuivrait toutes
les causes non vidées aux tribunaux defiordung.
Mais le président objecta D ’où prendrez—vous
des juges pour cette cour ? Nial répondit : Don
nons de nouveaux godard a ceux qui nous en
parais sent le plus dignes dans chaque fiordung, et
que ceux a qui cela conviendra viennent s’ inscrire
dans les nouvelles circonscriptions . Soit , dit le
président ; mai s quelles sortes de causes ressorti
ront a ce tribunal Toutes cel les , reprit Nial,
qui traitent des i ll égali tés commises à l’
A lthing,
des faux témoignages et des citations erronées de
témoins toutes celles ayant donné lieu à des
décisions contradictoires tout procès , enfin,
contre quiconque aurai t accepté ou offert de
l ’argent pour séduire le tribunal , ou contre quicoo
que aurait , par ruse , retenu l’
esclave ou le servi
teur d’
un autre . Aux serments prêtés devant ce
nouveau tribunal il faudra réserver le plus de« respect ; chaque serment y sera confirmé par deux
témo ins apportant pour garants leur honneur et
1 16
Le président , après ce discours , s’
occupa de faire
adopter comme loi cette institution du fimtardom
avec toutes les dispositions proposées par Nial . On
se rendit ensuite au rocher de la loi , et on institua
les nouveaux godard. Nial demanda la parole et dit
Beaucoup de personnes ici présentes savent com
ment mes fils et mes serviteurs ont tué Thraen
S igfussen . Nous avons conclu un accord, et j ’ai
adopté son fils Hauskuld je l’
aurais même déj à
marié , s i j’
avais pu lui procurer un godard, mais
personne ne voulait se défaire du sien . Je viens
vous prier de permettre auj ourd’hui qu’
nn'
des
nouveaux godard soit érigé en son nom , a Hvide
pacs . Tous y consentirent . et l’
on se dispersa .
Le mariage d’
Hauskuld avec Hildigunne fut célébré
peu de temps après .
Tel est , en résumé , le récit de la saga de Nial .
Mettons tout de sui te en regard les termes duGrâg:ts
qui se rapportent au même changement
Nous aurons encore , y est—il dit , un cinquième
tribunal , qui prendra le nom de fimtardom . Il se
composera de neuf juges par fiordung, un pour
chaque ancien godard. Les nouveaux godar nom
meront pour leur part douze juges ; le total sera
ainsi de quarante-huit . Le fimtardom se constituera
aussitôt après les tribunaux de fiordung, et ils
1 . S ection I I I , titre xxxv : Um fim tardom .
— 1 17
procéderont concurremment à rendre la justice , à
moins que le lôgretta n’
en dispose unanimement
d’
autre façon . Le fimtardom siégera dans l’
enceinte
du lôgretta. Les causes suivantes ressortiront au
fimtardom : faux verdicts de quidr faux témoi
guages et faux serments prononcés devant les
tribunaux de fiordung tentative ou consentement
de corruption ; secours illégaux à des proscrits ou
à des débiteurs devenus les hommes de leurs
créanciers , etc . Quant au mode de nomination des
juges,les godar se rendront tous ensemble au
lôgretta, et chacun d’
eux nommera son juge. Le
godi prendra des témoins Je vous prends comme
témoins , dira—t—il, que je nomme celui—ci (et i l
l'
appellera par son nom ) juge au fimtardom, afin
qu‘
i l juge toutes les affaires qui viendront devant
ce tribunal ; et je veux qu’ il siège , s
’
i l n’
est pas
récusé je constitue le tribunal conformément à la
loi . Puis il prendra de nouveaux témoins , et il
dira : Je vous prends comme témoins que je prête
serment la main sur le Livre. serment concernant
le fimtardom . Puisse Dieu m’
assister dans cette
vie et dans l ’autre comme je crois avoir désigné
un juge tel, que nul autre homme ou habitant de
ce pays ne remplirait cet office , aux termes de la
loi,mieux que celui—ci , nommé parmi les hommes
de mon district ! Chaque godi , nommant son juge7.
pourlefimtardom , prononceraun pareil serment .
Suivent des dispositions relatives à la procédure que
nous n’
avons pas à examiner quant a présent .
Voilà les deux textes . On voit que celui du Gragas
n’
ajoute presque rien à celui de la saga de Nial , qui
est le plus ancien . Non— seulement la saga nous
indique aussi bien que le code la composition du
nouveau tribunal , mais elle nous raconte encore à
quelle occasion ce tribunal fut fondé , et le récit
qu’
elle donne est d'
autant plus détaillé , que son
propre héros est le promoteur de cette innovation
jurid ique . Il est bien permis de croire que la saga
augmente à plaisir l’
importance de son héros ; i l faut
toutefois se rappeler, d‘
une part, que Nial exerçait ,comme juriste habile , un notable ascendant aumilieu
de cette aristocratie etdanscette assembléejudiciaire ,dont il fai sait sans doute partie ; d
‘
autre part , qu’ il
n ’y a rien d’
étonnant à voir les Islandais professer
cet esprit pratique dont une partie des peuples
german iques se sont montrés plus tard si vivement
animés,et modifier chaque partie de leur législation
à mesure que l’
expérience de chaque j our leur en
faisait sentir les lacunes ou les vices . Le nouveau
tribunal ouvrit une sorte de nouvel le instance , gène
rale et suprême, au—dessus des justices locales et des
quatre grandes cours de l’
A lthing. Il appela à lui un
certain nombre de causes spéciales, qui se trouvèrent
crédit sur les populations balancerai t l ’autorité de
l’
assemblée législative et lui ferait échec c ‘était un
germe de décentralisation . Les membres du lôgretta
admirent cette proposition de Nial,dit la saga. En
effet el le laissait intacte leur autorité dans l’A lthing,et , de plus la création de nouveaux godard flattait
une sorte de noblesse inférieure , peut—être les asses
scurs mêmes du lôgretta. Nial proposa aussi de
hom er au banc du milieu , dans l’assemblée legisla
tive, le droit de voter et de faire occuper ce banc par
l’
élection . Cela encore était po li tiquement d ’
une
grande importance . Avant la proposition de Nial les
membres occupan t les trois rangées de bancs avaien t
un droit de vote égal ; i l s’
agissai t de limiter le
nombre des voix , ce qui procurerait . disait Nial , un
meilleur ordre et plus de sûreté dans la délibération
et la résolution mais c‘
était à la condition expresse
de remplacer , sur ce banc du milieu,les anciens
godar, membres inamov ibles , par desmembres élus .
C ’
est ici que Nial voulait porter à. l’
aristocratie des
godar le coup le plus sensible , et c ’est ici qu’
il
échoua . On admi t bien que le droit de voter fût
désormais le privilège exclusif de ceux qui sregeaient
sur les bancs du milieu, et les assesseurs n’
eurent
plus qu'
une voix consultative mais les anciens godar
restèrent en possession de ces mêmes bancs san s
que l’
élection fût admise, et, par conséquent , leur
121
pouvoir en doubla . Le résultat fut ainsi tout contraire
aux désirs de Nial . Les destinées ul térieures de la
républ ique islandaise réalisèrent les maux qu’
i l
avait voulu prévenir . Un petit nombre de nobles
réunirent entre leursmains toute la pui ssance . Après
avoir étouffé les l ibertés publiques , ils se divi sèrent ;
quelques—uns d’
entre eux appelèren t au secours de
leur ambition le roi de Norvège , au profit duquel
on vit périr finalement , en 1264 , après de longs
troubles intérieurs qu’
a racontés la S turlunga saga,l’ indépendance i slandaise .
En résumé nous avons vu que l’
A lthing compre
nait,outre une assemblée législative appelée lôgretta,
une assemblée judiciaire , composée de la réunion
des quatre grands tribunaux de l’
Islande , à laquelle
s ’est aj outé en 1004 le fimtardom . Nous avons vu se
complé ter une série de tribunaux fixes et réguliers
créés successivement , avec des juridictions touj ours
plus étendues et , en même temps , plus autorisées
et plus puissantes : d’
abord le tribunal du godi, puis
celui du printemps , administré par tro is godar , puis
ceux des fiordungs , enfin , et au—dessus de tous les
autres , le fimtardom ce dern ier supérieur aux
précédents , non par aucune espèce de hierarchie
établie administrativement et de propos délibéré ,mais à cause de son origine même et des raisons de
son existence , parce qu‘
il étai t destiné à combler
122
les lacunes et à réparer quelques-uns des vices de
l ’organisation judiciaire primitive , recevant, par
exemple , les affaires que le principe de l’
unanimité
nécessaire des votes avai t empêchées d‘
aboutir
devant les autres tribunaux , et les achevant gràce à
la règle , établie pour lui seul , de la plurali té des
voix ; ré visant les cas mal jugés , jugeant enfin
spécialement certaines sortes de crimes , comme
pour décharger peut—être les juridictions inférieures .
Les mêmes coutumes et le même ordre régissent à
peu près uniformément tous ces tribunaux ordinaires ,comme nous le verrons plus amplement en exami
nant le détai l de leur procédure . Partout les godar ,
qui représentent l’
E tat, ne font que surveil ler et
diriger l'
administration de la justice ; il s ne jugent
pas eux-mêmes . Partout les juges sont de simple s
citoyens nommés par les godar seulement pour une
session , et nous verrons que ces juges eux—mêmes
n’
ont pas en mains toute la décision dans une cause ;d ’
autres citoyens leur seront encore adjoints , tant
se montrent sans cesse , dans l‘
administration de la
justice suivant l’
ancien droi t islandais , le principe et
l ’habitude du self-governmen t .
Ce génie n eclate pas moins . en dehors de l’
orga
nisation régulière que nous venons d’
étudier , dans
toute une administration de justice locale que
l’
examen des sagas et du Gragas nous révèle égale
ces tribunaux ; si on ne l’
atteignait pas , l’
affaire était
transportée à un tribunal ordinaire inférieur ou à
l’
A lthing. Nous touchons ici évidemment à l'
organ i
sation primitive de la justice chez les Islandais , àcel le que l ’ institution de tribunaux régul iers a
complétée , mais non supplantée entierement . Un e
des plus anciennes formes que cette justice nationale
ait revêtues se trouve assurément dans le tribunal
du seuil de la maison . qui se tenait aux portes ,durado
’
m. Le Gragas n’
a conservé ni le nom ni même
le souvenir très-précis de cette insti tution primitive
ou plutôt de cet antique usage ; mais il décrit
longuement la visite domicil iaire à propos du vol ,
qui en était l'
occasion ordinaire . Si le propriétaire
soupçonné ne voulait pas permettre que la perqui si
tion se fit régul ièrement , à l’
abri d‘
une paix jurée
par lui-même , ou si les objets volés étaient trouvés
dans sa maison , les sagas nous attestent qu’
une
sorte de tribunal s improvisait à la porte de cette
maison et jugeait immédiatement . L’
Eyrbyggia saga
raconte que Thorbiôru, à qui on avait volé ses
chevaux, prétendit faire une perquisition chez
Thorarin , qui hab itai t a Mafahlid. Comme celui-ci
refusait de se prê ter à l ’enquête , sous prétexte de
quelque i llégal ité , Thorbrorn institua sur— le-champun duradôm, nomma six juges , et fit condamner
Thorarin comme voleur, ce qu’
il était réellement . Il
est probable que cette forme de jugement sommaire
s'
appliquait à beaucoup de cas dans la législation
primitive de l'
Islande , mais qu‘
on se hâta de la
restreindre ou même de l'
abolir dès que la loi gagna
quelque crédit , pour mettre fin aux nombreuses
violences qu’
elle devait susciter .
De pare ils tribunaux, improvisés et jugeant d’
a
près la coutume et le bon sens populaire , devaient
décider dans les nombreux différends que fai sait
n aître la vie agricole. Il y avai t le tribunal de la prai
rie , engi—ddm, pour le cas où deux voisins se dispu
teraient la proprneté d‘
un champ ; il y en avait un
autre pour fixer à quel endroit précis devait s elever
la haie destinée à clore un pâturage appartenant à
un particul ier mais contigu a des communaux ; i l y
en avai t pour estimer les biens légués à un mineur,pour déterminer les droits des indigents a l
’
assis
tance , pour régler enfin les faillites , sans omettre les
droits des créances hypothécaires . tant fut réelle de
très bon ne heure , chez les anciens Islandais , la
complexité des relations civi les et commerciales .
Nous venons d’
esquisser un tableau rapide de la
constitution jud iciaire de l’
ancienne Islande ; nous
avons dit comment cette constitution s’
était centra
lisée touj ours davantage , jusqu a ce qu’
ellerencon tràt
sa p lus haute et sa plus complète expression dans
l'
A lthing ; nous avons montré enfin que cette cen
126
tràlisation avait laissé subsister les justices locales .
Recherchons maintenant quels étaient les principaux
caractères de la procédure suivie dans tous ces
tribunaux .
En premier l ieu, il ne faut jamais oublier que , s i
l‘
on parle comme nous parlons ici , de l’époque dont
la saga de Nial retrace l’
histoire , c’
est-à—dire du x°
s1ecle , la procédure n’
est pas écrite . Les caractères
runiques , seuls usi tés dans le Nord avant l‘
introduc
tion du christianisme , ne servaien t guère qu à des
inscriptions ou à de très—courts écrits , loin d'
être
alors d’
un emploi général . De laun recours continue l
et forcé de la procédure islandaise aux témoins .
Leur mémoire et leur loyauté tiennent pour ain s i
dire l ieu de registres et de documents écrits , et le
Gragas prévoit les cas où la mort ou bien des oubl i s
involontaires viendraient mettre obstacle au contrôle
de la vérité . Quelque imparfai t qu’
il fût, ce contrô le
subsista longtemps chez ces peuples , à qui un exer
cice constant de la mémoire avait fait de cette facul té
un instrument plus perfectionné sans doute et plus
sûr que nous ne saurions l‘
imaginer.
Secondement , bien qu‘
el le ne soit pas écrite , la
procédure islandaise estextrêmement compliquée , de
formules dont il ne faut pas citer à faux une seule
expression , de marches et de contre—marches dont
on doit posséder a fond la tactique difficile. Cette
fut seulement exilé pour treize ans . Cette vengeance
parut médiocre pour un personnage aussi considéré
que l'
était Arnkel, et ceux qui avaient alors en main
le gouvernement de la république décidèren t que
désormais nulle poursui te ne serait plus confiée n i
aune femme , ni à un jeune homme âgé de moins de
seize ans . La législation i slandai se resta, surce po in t ,fixée de la sorte . D
’
après le même sentiment , s i
l’
accusateur désigné par la loi est disposé à conclure
un accord dans une affaire criminelle , mais que le s
autres parents , oumême un seul d’
entre eux, aimen t
mieux poursuivre , ce dernier avis l’
emporte , car il
est plus honorable aux yeux de la loi d’
obten i r
vengeance pour l‘
injure faite à un parent , cette
vengeance fût-el le obtenue par la voie des tribunaux
et non par la violence , que de se contenter d’
une
simple compensation . Il est, d’
ail leurs , interdit (mais
c ’est une prescription rarement observée ) de conclure
un accord dans une cause importante sans l‘
inter
vention du tribunal .
S’
i l n ’y a pas de demandeur désigné par la lo i , ou
s i le demandeur légal s’
abstient ou se trouve empê
ché , le premier venu , comme i l arrivai t à Sparte
dans les causes criminelles , peut s’
emparer de la
plainte . Il y a , d’
ai lleurs , à défaut de poursuivant
légal , une sorte de ministère publ ic , puisque , dans
le repp ou canton , cinq propriétaires , nommés par
129
leurs concitoyens où par le sort , Son t chargés de
poursuivre devant le tribunal local les dél its et
crimes commis dans leur peti te circonscription
les godar eux—mêmes ont, d’
ailleurs , le droit et le
devoir de ne pas laisser sans poursui te les crimes
importants ,‘
alors même qu’ils ont pour auteur
quelqu’
un de leurs collègues . Si l’
accusateur
légal se sent inhabile , la loi lui permet de transmet
tre sa cause a un légiste expérimenté , concession
nécessaire en présence d'
une procédure compliquée ,qu
’ i l faut connaitre et appliquer avec une entrere
rigueur .
Une poursuite criminelle s’
ouvre par la citation
de l ’accusé , que l’
accuSateur somme par—devant
deux témoins d‘
avoir à comparaître, dans un délai
fixé, devant tel tribunal . La ci tation , dit le Gragas ,doit mentionner le nom , le domicile, la profession
de l‘
accusé , le nom de son père ,'
qui tient lieu du
nom de famille , l’
objet de la plainte , le lieu , l’
heure ,les circonstances du crime , enfin la peine requise .
C'
est , d’
ordinaire , au domicile du prévenu que doi t
se faire la citation ; le Gragas contient à ce sujet des
distinctions mul tipliées et préci ses . Un j ournal ier ou
un homme de service recevra la ci tation dans le l ieu
où i l aura rés idé quinze j ours au nroins pendant la
saison dern ière , on bien , à défaut d‘
une aussi longue
résidence, dans celui où i l aura passé tro is nuits au
130
moins . Un pêcheur sera cité dans la cabane'
où il
habi te avec ses camarades auprès du rivage ; un
matelot descendu à terre le sera à l’
endroit mêmedes pieux auxquels viennent s
’
attacher les câbles
de son bâtiment.
En même temps qu’
i l fait par—devant témoins sa
citation , l’
accusateurdésigne neufpersonnes voisines
du lieu où le crime s ’est commis , lesquel les son t
chargées de vérifier les fondements de l ’accusation
pour exprimer plus tard devant le tribunal leur avis
concernant la culpabilité de l’
accusé . Ce sont les
quidr, dont nous examinerons tout à l’heure le rô le
“
en détai l .
Ces mesures préparatoires une fois prises , vien t
la session de l’
A lthing. La Cause est portée devan t
celui des quatre tribunaux de la grande cour judi
cis ire dans le ressort duquel l’
affaire s’
est passée .
L’
accusateur, avant même que les tribunaux soien t
installés et ouverts , publie sa cause du haut de la
Montagne de la loi ; elle prend rang de la sorte
parmi cel les qui devront être jugées dans la session .
Nous avons dit que les tribunaux de f’
A lthingavaient
des juges nommés par les godar mais les parties
peuvent les récuser les godar sont tenus de
remplacer immédiatement ceux contre lesquel s la
récusation est admise .
Le tribunal est installé ; les demandeurs sont
— 132
dans l‘
arsenal des formules légales celles auxquel les
son adversaire répondra le plus difficilement , et à
lui tendre même , s’i l est possible, quelque embûche
juridique dont ce dernier ne saura pas éluder le
péril . La cause une fois exposée par le demandeur,i l introduit ses quidr, invi te le défendeur à exercer
son droit de récusation contre eux, leur fait pronou
cer leur verdict et requiert ensuite son adversaire
de présenter sa défense .
Le défendeur s‘
avance alors . Il est rare qu’
il fasse
défaut , car il n’y a pas de honte , suivant les mœurs
et aux yeux mêmes de la loi , à avoir tué un homme ,s i l’on prouve qu
’on a fai t que repousser ou punir
une injure méritant la mort , et les mœurs ainsi que
la loi reconnai ssent beaucoup d’
injures de cette sor
te . Bien plutôt le meurtrier serai t tenté de se vanter
publiquement de cc -qu’
i l a fait . Le défendeur com
rnence par accomplir les mêmes formalités que le
demandeur a accomplies . Au préalable i l a , lui aussi ,désigné ses quidr, et i l les a fait asseoir près du tri
bunal . Il prête serment de loyauté , ce qui n’
empêche
pas que , loin de songer tout simplement a se recon
naître coupable , s’
il l’
est en effet , i l s'
applique
d’
abord à présenter les objections capables d’
anéan tir
la poursui te , à récuser , s’
i l peut tous les quidr de
de son adversaire , et à préven ir ainsi les effets de
l ’avis qu’
ils pourraient exprimer , à trouver enfin
quelque vice de forme par où l’
accusation offre un
cas de nul l i té . S’
i l ne peut d’
auéune façon anéantir
les opérations de son adversaire , alors seulement il
se détermine à repousser l’
accusation en démontrant
à samanière son innocence , et il produit ensuite ses
quidr, qui viennent exposer leur avis pour ou contre
lui. L e défendeur lui-même n’
est pas interrogé ; nul
ne tente d’
obtenir son aveu, de le convaincre , de lui
arracher la vérité .
Chacune des deux parties a plaidé ou plutôt con
dui t sa cause sur la tête d’
un des juges , dit le Gra
gés c‘
est—à dire que chacun , en prononçant ses for
mules , s’
est adressé spécialement à un des juges du
tribunal , et même , à ce qu’
i l semble , en posant les
mains par derrière sur ses épaules ou en se plaçant
immédiatement devant lui. Les deux juges auquel
on s‘
est adressé doivent , après que le demandeur et
le défendeur et leurs quidr ont été entendus , repren
dre la cause et en faire deux résumés , l’
un énumé
rant les formal ités remplies , les arguments et les
moyens de droit employés par le demandeur , l’
autre
ceux dont le défendeur s’
est servi .
C’
est ensuite à l’
ensemble des juges nommés par
les godar à prononcer le jugement , non sans tenir
compte , pour former leur av i s , de l‘
opinion expri
mée par les quidr. L’
unan imité des voix est, comme
nous l‘
avons dit , nécessaire dans tous les tribunaux,s
excepté le fimtardom. Si , elles se trouvent partagées
également ou divisées suivant plusieurs avis , les ju
ges quittent leurs places et se divisent en groupes .
Chaque parti cherche alors , en affirmant que sa pro
pre décision est la bonne , à attirer tous ses collègues
à lui. Si , par ces moyens fort élémentaires , aucun
d’
eux ne peut triompher et emporter le vote , un au
tremoyen , tout auss i primitif, est invoqué . Le juge
qui a été rapporteur au nom du demandeur déclare
le défendeur -coupable , et c’
est une nouvelle expé
rience pour voir combien de ses collègues l’
appuie
ront ; mais , aussitôt après , l’
autre rapporteur fai t la
Won tre—épreuve en déclarant le demandeur non rece
vahle , et l’
on voit de nouveau combien de juges vo
tent avec lui . Si le résultat reste lemême, le deman
deur et le défendeur se renden t sur la Montagne de
la loi ; chacun d’
eux réclame la peine de l’
exil con
tre les juges qui l’
ont condamné , et la cause est por
tée devant le fimtardom . D ans le cas où les juges
sont unanimes , leur sentence , qui sera souveraine ,est prononcée par un des rapporteurs, par celui de
la défense si l’
accusation est mise à néant , par celu i
du demandeur si la plainte est admi se : Je pense ,doit- il dire , que nous jugeons bien en jugeant ain
si,
et i l dit la sentence i l aj oute Nous jugeon s
tous de la sorte ; et tous les juges ses collègues ex
priment leur assentiment . Quelquefois un accord est
136
ments , de ruses judiciaires , de répliques et de do
pliques tout le développement de la procédure dont
nous venons d’
esquisser les principaux «traits nous y
apparaîtra .
L e développement des guerres privées qui divi
saient les familles de S igfus et de Nial avait amené
un grand désastre . Les fils de S igfus avaientmis le feu
a la demeure de Nial , et i l avai t péri dans les
flammes avec sa femme Bergthora et ses fils . Kaare ,son gendre , y avait cependant échappé . D e concert
avec ceux des parents de Nial qui n’
avaient pas été
atteints , il poursuivit lesmeurtriers devant l’
Althing.
Il se chargea pour sa part de porter plainte contre
Flose , qui avai t tué de sa main Helge , fils de Nial .
Attachons-nous a cette seule action , et voyons à
quelle longue procédure elle donna lieu.
Le demandeur ayant transmis son action aMoerd,
habile légiste et puissant par sa clientèle , celui—ci
dénonça la cause de la façon suivante il convoqua
neuf quidr, voisins du l ieu où le crime avait été
commis ; il les appela par leurs noms et leur dit
Je dénonce Flose Thordsen comme ayan t pratiqué
sur Hel ge , fils de Nial , blessure de téte ou blessu
re du bas-ventre ou blessure attaquant la moelle ,blessure mortelle et qui a été suivie de mort . I l
devait sans doute se contenter de prononcer ainsi
137
tout d’
abord la formule générale, sauf à préciser
ensuite , dans le cours des débats . Il aj outa : Je
dénonce la cause en présence de ces quidr, et
il les désigna par leurs noms . Je dénonce denen
ciation légale , je dénonce pour celui qui m’a
transmis la cause . Puis il assigna les quidr à se
rendre au prochain Althing , afin d’y déclarer si
Flose Thordsen avait ou non commis le crime dont
il l’
accusait . Quand on fut à l’
A lthing, Moerd se
présen ta sur la Montagne de la loi (chapi tre cxr.u dutexte is landais , p . prit des témoins et dit : Je
dénoncé l’
agression prévue par la loi que Flose
Thordsen a effectuée contre Helge Nialsen , à qui
i l a fait blessure de bas—ventre ou blessure
attaquan t la nroelle , blessure mortelle et qui a
entraîné la mort ; et je dépose l’avis que , pour ce
crime , i l soitcondamnéàl’
exil, devenantsansrefuge,sans abri , sans secours d
’
aucune mamere ; ses
biens étant forfaits , moitié pour moi , moitié pour
les juges du fiordung de l’
Est . Je dénonce cette« cause criminelle pour être poursuivie devant le
tribunal auquel , suivant la loi , el le appartient .
Je dénonce dénonciation légale , suivant la formu
le que la loi prescrit . Je dénonce pour la pour
suite avoir lieu pendant cette session et le chati
ment atteindre pleinement Flose Thordsen . Je
dénonce la cause qur m’
a été légalement transs.
138
mise . Il se tut, dit la saga ; de bouche en bou
che on répéta sur la Montagne de la loi que Moerd
avait b ien et bravement parlé . Il reprit la paro
le, redit la formule , en s’
adressant directement cette
fois à Flose ; puis i l s’
assit . Flose l’
avait écouté avec
une attention profonde ; l’action étai t désormais
introduite .
Flose , de son côté , avait transmis sa cause à un
légiste habile nommé EyolfBoelverksen . De retour
dans sa tente , Flose lui demanda si , contre l’
accu
sation ainsi posée , il trouvai t quelque échappatoire.
E n voici une, répondit Eyolf. Il faut aliéner ton
godard, le transmettre à. ton frère Thorgils , et te
faire recevoir dans la circonscription d’
A skel, fils
de Thorketil. Si ton adversaire n’
est pas informé
de ce changement de résidence, il poursuivra de
vant le tribunal de l’
E st au l ieu de poursuivre de
vant celui du Nord , et son action cessera d’
être
légale tu pourras alors l’
accuser to i-méme et le
ci ter devant le fimtardom pour s’
être trompé de
« tribunal . Si les autres moyens de défense nous
manquent , nous nous servirons de celui- là . Flo
se suivit ce conseil sans que la partie adverse en
apprit en effet un seul mot , et la poursui te se trou
va de la sorte'
grevée au préalable d’
un motif légal
de null ité .
Le j our venu où les débats devaient s’
ouvrir, on
ou attaquant lamoelle , blessuremortel lequ’
a suivie
la mort de Belge . J ’ai déclaré qu’ il avait, pour ce
crime , encouru lapeinede l’
exil , devenusansrefuge ,
sans abri , sans secours d‘
aucunemanière, sesbiens
étant forfaits , la moitié pour moi , la moitié pour
les ayant droit du fiordung de l’
Est. J’
ai dénoncé la
cause devant le tribunal auquel , suivant la lo i , elle
appartient . J ’ai dénoncé dénonciation légale , sur
la Montagne de la loi , suivan t la formule consa
crée. J’
ai dénoncé pour la poursuite avoir lieu
dans cette session et le châtiment atteindra pleine
ment FloseThordsen J’
ai dénoncé la cause qu i
m’
avait été transmise . Je me sui s servi , dans la
dénonciation de la cause , des mêmes termes que« je viens d
’
employer pour son exposition . Cette
cause en traînant l ’exil , je l‘
expose ici telle qu’
el le
est devant le tribunal de l’
E st sur la tête de Jon ici
présent . Moerd introdui sit alors les quidr qu’
i l
avait convoqués . Prenant des témoins , il dit
J‘
invite les neuf quidr que j’
ai désignés pour cette
cause à prendre place a l’
ouest du rivage (sur un
des bords de la riv iere Oxara) , et j’
invite mon ad
versaire à dire s’ il a des objections à faire valoir
contre eux. J”
en fai s l‘
invitation suivant les termes
de la loi , en présence du tribunal , et de telle sorte
que les juges m’
entendent à travers cet espace . Je
prends témoins comme quoi j’
ai produit toutes les
preuves requises . La partie adverse s’
avança
alors Eyolf prit des témoins et dit Je récuse ces
deux quidr il les nomma par leurs noms et par
ceux de leurs pères je les récuse par cette raison
qu'il s sont parents de Moerd qui poursuit la cause,
motif de récusation prévu par la loi . E t se tour
nant vers eux Aux termes de la loi , dit—il, vous
n‘
êtes pas quidr légaux examen légal a été fait de
vous . Je vous récuse d’
après le droit de l’
A lthinget
la loi du pays . Je vous récuse dans la cause qui
m’
a été transmise par Flose Thordsen .
En entendant ces mots , la foule des assistants
s‘
écria que la poursui te venait de subir un grave
échec , et l’on s
’
accorda adire que la défense était
p lus habile que l’accusation .
Moerd, embarrassé, envoya demander conseil à
Thorhall, qui avai t la réputation d’être fort expert .
Un messager exposa en détail comment Flose pa
raissait avoir récusé justement deux des quidr.
Thorhall répondit : Votre cause n’
est pas perdue
pour si peu i l faut dire à Flose qu’on ne se
laissera pas imposer par ses tracasseries mala
droites ; avec toute sa prudence , Eyolf s’
est abusé .
Pars au plus vite . Que Moerd se présente au
tribunal et qu’
i l prenne des témoins de l’
illégalité
de leur enquête ; et il lui dit en détail comment
il devait se conduire. Après le retour du messager,
142
Moerd se présenta au tribunal , prit des témoins et
dit : Je déclare il légale l’
enquê te faite ici par Eyolf
parce qu’
il n ’a pas eu égard au vrai demandeur ,mais bien à celui à qui la poursuite a été trans
mise . Il se rendit ensuite vers les quidr, fi t
asseoir ceux qui s etaient levés pour s’
en aller , e t
les déclara dûment et légalement nommés .
E t tout le peuple prononça que Thorhall lui avai t
été là d'
un bon secours , et que la poursuite l’
em
portait à cette heure sur la défense .
Flose dit à Eyolf Penses- tu qu’ ils aien t rai son
Oui,répondit—il, et nous nous sommes en effe t
fourvoyés . Mais nous al lons essayer d’
un autre
moyen : Je récuse ces quidr, dit— il à haute voix ,et i l les désigna par leurs noms , parce qu
’
i ls son t
métayers et non pr0pr1etaires . Je ne leur recon
nais pas le droit de siéger dans le tribunal ; une
enquête légale et régul ière les a frappés . Je les
récuse d’
après le droit de l’
Althing et la loi du
pays .
L ’
assemblée dit alors que la défense al lai t mieux
à présent que la poursuite on donna beaucoup de
louanges a Eyolf, et l’
on pensa que personne ne
pouvait rivaliser avec lui pour la connaissance
parfaite des lois .
Informé de ce nouvel incident , Thorhall demanda
si ces deux jurés étaient donc des mendian ts et en
- 444
on envoya demander au président de l’Althing, à
Skapte lui—même , si c etait réellement justice .
Skapte répondit qu'
en effet c’
était conforme à la loi ,bien que peu d
’hommes en fussent instrui ts .
Eyolf ne se découragea pas : Je récuse quatre
de ces quidr, dit—il, parce qu’ ils ne sont pas les
témoins les plus voisins du lieu du meurtre .
Vous n ’êtes plus en nombre légal pour vous
prononcer , dit— il aux autres , et votre devoir es t
de le déclarer quand on vous appellera devant le
tribunal . Eyolf comptait beaucoup sur ce nouve l
argument , et, de bouche en bouche. on répéta dan s
l ’assistance que la défense paraissait l‘
emporter sur
la poursuite .
Voyons,dit Moerd, ce que Thorhall pensera de
leur nouveau moyen ; i ls ne doivent pas se réj ou ir
prématurément ; Nial a affirmé plus d’
une fo is
qu’ il avait instrui t Thorhall de telle sorte qu’
il se
montrerait bien , au j our'
de l epreuve , comme le
plus habile jurisconsulte . On envoya dire à
Thorhall ce qui était survenu . Sans y longtemps
réfléchir, i l répondit : Nos adversaires seront bien
heureux si cela ne tourne pas à leur trente . Que
Moerd prenne des témoins et qu’
i l affirme , sous
serment, que le plus grand nombre de ses quidr
sont nommés légalement ; il produira ensuite les
témoins devant le tribunal , et, de la sorte , il aura
réservé la cause ; pour chacun des quidr mal
nommés , il payera trois mares ; on ne peut le
poursuivre a ce sujet dans cette cession de l’
A I
thing . Conformément à cette réponse Moerd pri t
témoins,affirma sous serment que le plus grand
nombre de ses quidr étaient légalement nommés, et
dit qu’
il avait de la sorte réservé la cause .
D ‘
une voix unan ime , l’
assemblée s'
écria que
Moerd avançait habilement, mais de Flose et des
siens on disait qu’ il s ne commettaient plus qu
’
errenrs
et qu’
illégalités .
Flose demanda de nouveau aEyolf si Moerd étai t
dans son droit . Eyolf répondit qu’
i l ne le savait pas
au juste , et que le prés ident de f’
A lthing en décide
rait . Skapte, consulté de nouveau, parla ainsi : Il
y a plus de juristes habiles que je ne le pensais .
Voilà, s’
i l faut le dire, un dern ier argument qui
est de toutes les façons fort légal , et nul n’y peut
contredire . Pourtant je croyai s être le seul à le
connaître depui s que Nial estmort ; je savais que,de son vivant , lui seul en était instruit .
Moerd ayant de la sorte écarté toutes les objec
tions qu’
on avai t dirigées contre les quidr par lui
désignés , i l les requi t de déposer leur opinou
devant le tribunal . Un d'
eux s’
avança et prononça
ces paroles , que tous confirmèrent ensui te d'
un
commun accord : Nous avons été convoqués ici,
9
dit-il , par Moerd, pour venir déclarer si Flose
Thordsen a commis contre Belge Nialsen l’
agres
sion prévue par la loi , dans le lieu du meurtre , là
où ce même Flose a blessé Belge d'
une blessure
de bas—ventre ou attaquant la moelle , blessure
mortelle et qui a entraîné la mort d’
Helge . Moerd
nous a requis d ’employer tous les termes légaux
devant le tribunal et tels qu’ i l appartient à la
cause,Il nous a requis en vue de la cause qui lui
a été transmise . Nous déposons donc notre ser
ment et notre témoignage d’
un accord unanime .
Nous témoignons contre Flose ; nous le déclarons
atteint et vaincu. Nous déposons ce témoignage
devant le tribunal de l’
Est sur la tête de Jen , ains i
que Moerd nous a requis de le faire . Tel est notre
témoignage . Cela dit , le chef des quidr reprit e t
déposa encore contre Flose, en se servant de la
même formule que la première fois . Ensuite Moerd
se présenta lui—même , et prit des témoins comme
quoi ses quidr avaient rempli leur office et con
damné Flose . Prenant de nouveau des témoins , il
dit : J’
invite Flose Thordsen , ou tout homme
ayant accepté légalement sa défense , à présenter
cette défense dans la cause que je lui ai intentée ,car toutes les preuves requises par la lo i de la
part de l’
accusation viennent d’
être produites ,ainsi que tous les témoignages nécessaires . Je me
— 148
ressortissaient , nous l’
avons dit , les causes de cor
ruption ; il assigna Eyolf et Flose comme coupable s
de ce crime : Eyolf, pour avoir accepté un riche
bracelet en vue de cette cause ; Flose pour l’
avo ir
offert . Le danger était de nouveau fort grand pour
ceux-ci ; Moerd exposa cette nouvel le cause à peu
près comme i l avait exposé la première ; il produis i t
ses témoins et ses quidr ; le juge rapporteur résum a
tous ses arguments . Flose se croyai t perdu ; il se
retourna vers Eyolf Quelle ressource nous reste
t-il ? Jusqu’ ici Moerd est inattaquable mais atten
dons un peu je pense qu’ i l va se fourvoyer sur le
nombre des juges qu’ il doit récuser . Il va rejeter
« six des quarante—hui t juges nous n’
userons pas
du même droit ; peut—être alors oubliera—t—il d’
en
« rejeter six autres . Or trois douzaines seulemen t
peuvent juger , et non pas trois douzaines et demie .
S ’il commet cette omission , sa poursuite n e
sera pas valable . Moord tomba en effet dans ce
p1ege , dont il s’
aperçut trop tard . S es partisans et
lui—même perdirent alors patience . Thorhall le
légiste qui l’
avait assisté pendant tous le procè s ,s’
élança de son srege , dit la saga , la lance à la main .
Il courut au tribunal . Il aperçut Grim le Rouge ,paren t de Flose , et l
’
étendit mort . Kaare dit à
A sgrim : Voi là ton fils Thorhall'
qui a déj à tué un
de nos ennemis ; ce serai t une honte si lui seul
avait le courage de venger nos injures ! Il n ’
en
sera pas ainsi , répondit A sgrim marchons Contre
eux ! Au même instant on en tendi t retentir de
toutes parts le cri du combat . Flose et les siens
étaient déjà prêts , eux aussi , à l‘
attaque ; chaque
parti s’
excitait abien agir, et la mêlée s’
engagea .
Tel est le récit de la saga ; elle nous dévoile à
merveille ce qu’
il y avait de rusé et de retors dans
les mœurs juridiques des anciens Islandais , et elle
ne sort pas non plus de la réal ité en nous montrant ,comme il arrivait bien des fois , un long procès
terminé tout à coup par la force ouverte , a laquelle
les patients efforts de la lo i n’
0pposaient encore
qu’
une barriere impuissante . Nous aurions pu em
prunter à la saga, moins facilement toutefois la
narration d’
un procès civi l les affaires criminelles
y abondent davantage , et leurs débats passionnés
nous oflraient plus naturellement un tableau du
développement à peu près entier de la procédure
islandaise ; les affaires civiles , sous l’
empire de la
coutume et des mœurs , étaient , en général , vidées
assez obscurément dans les juridictions locales ; si
el les arrivaient jusqu a l’
A lthing, el les prenaient une
importance qui manquait rarement d‘
exalter les
passions , d'
entanter quelque guerre privée , et de les
faire dégénérer ainsi en causes criminelles .
On est obligé de reconnai tre que les textes qui
précèdent, celui du Gragas et celui de la saga, ne
d issipent pas tous les nuages pour qui aspire à
comprendre la procédure suivie devant les tribunaux
i slandais . Par exemple , parmi les moyens de preuve
judiciaire invoqués par cette procédure i l en est un
qu‘
i l est difficile de mettre complètement en
lumière et de dégager de tout élément étranger ,plutô t sans doute , i l est vrai , par suite de la confu
sion où l’
avaient laissé les Islandais eux—mêmes qu a
cause de la difficulté des textes que nous devon s
in terroger. Nous voulons parler de institution des
quidr comparée à celle des domar ou juges , et dont
l’
obscurité cache peut-être le berceau d’
une grande
et noble institution , celle du jury .
Comme on l‘
a vu par ce qui précède , les quidr
islandais ‘ sont désignés à l’
avance par chacune
des deux parties entre les voisins pour venir
au tribunal dire si l’
accusé est ou non coupable .
I ls n’
arrêten t pas leur Opinion d ’
après un débat
contradictoire et sur l ’audition de tout ce qui peut
contribuer a les éclairer ; mais , avant de venir au
tribunal , il s peuvent avoir fait pour eux—mêmes
une sorte d’
enquête , après laquel le ils sont admis à
déclarer leur avis . Ceux qu’
a nommés le demandeur
1 . L e mo t v ien t de l rs landais kve‘
da dire , prononcer e t
se retrouv e dan s le v ieil angla is quoth he , dit-il . La tra
duction latir.e du Graigzis le s appe lle Veridici
É videmment chacune des deux institutions , celle
des domar et cel le des quidr, contient quelques
éléments du jury moderne . Les quidr sont pris dans
le vois inage , parmi les pairs de l’
accusé , et i ls
doivent se prononcer seulement sur la question de
fait , c’
est-à—dire sur la culpabil ité du prévenu le
Gragas leur interdit expressément de s’
enquérir de
la loi elle—même , de ses dispositions particulreres
dans les cas dont il s’
agit , en unmotdes‘
conséquen
ces légales de l’
avis qu’
ils croiront devoir émettre .
Ils formen t , pour ainsi parler , un jury d’
examen .
Les domar, de leur côté , sont aussi des pairs de
l’
accusé , des citoyens non revêtus d’
un caractère de
magistrature , et leur avis est souverain ; cet avis est
un véritable jugement , un véritable verdict . Ils
forment un jury de jugement .
Tel s sont les éléments divisés qui, en se réunissant,formeront le véritable jury . S ’ il nous fallait décider
laquelle des deux institutions islandai ses nous
semble avoir été le noyau principal auquel se sont
agrégés les autres éléments , nous dirions que c’
est
l ’ institution des domar qui est devenue le jury . Les
juristes , réunis au godz‘
, nous ont représenté , dans
l ’organisation islandaise , un embryon de magistra
ture ; les domar seront devenus les jurés ; les quidr
seront descendus au rôle de simples témoins les
témoins islandais enfin auron t été remplacés , quand
153
l ’écriture sera devenue d’
un usage familier, par les
actes publics dont i ls tenaient simplement l ieu . La
transformation complète ne s’
est peut—être accomplie
pour la prem1ere fois que sur le sol de l’Angleterre
moderne .
Nous venons d ’
étudier dans la procédure islandaise
un premier moyen de preuve judiciaire et légale .
Il y en avait un autre, que les mœurs avaient intro
dui t nous voulons parler du combat singul ier ou
du duel . Fondé primitivement. comme le jury nais
sant , sur des sentiments tout modernes , sur la
susceptib ilité de l’honneur , sur le mépris de la vie ,
sur une confiance narva dans une justice divine ,le duel a fait , comme le jury , son chemin dans les
soci é tés germaniques , où il survit encore . Imposé
primitivement par les mœurs à la loi , celle—ci s’
en
est emparée et l’
a transformé d’
abord en une
institution , c’
est—à—dire qu’
elle en a fait une digue
contre de plus grands désordres , jusqu’
à ce qu’
une
mei lleure discipline sociale lui permit de répudier
un remède devenu lui-même un danger .
Le duel nous apparaît ainsi dans les plus anciens
souvenirs du Nord comme un certain adoucissemen t
à la rudesse générale . Alors même que, sous sa
forme primitive , il semble au premier abord , ne
reproduire que l’exercice de la force brutale , il
reconnaît cependant lui—même certaines lois au nom9.
des sentiments que nous énumérions tout à l’
heure .
Dès la prise de possession du sol islandais , et
d‘
après les témoignages du Landnama Bok, nous
assistons à la période informe de son premier
développement : Halkel somma Grim de lui céder
son domaine ou d’
accepter le combat . Grim se
batti t et fut tué, et Halkel habita désormais dans
ce domaine . Bioern le Noir, dit une saga ,vint trouver Are fils de Thorkel, et lui posa ces
condi tions : ou de ven ir se battre en duel avec lui
dans une petite île de Surnada1, ou de lui céder sa
femme . Trois nuits après ils combattirent . Are fut
E t la femme , comme tout a l’heure le
domaine , devint légalement la proprié té du vain
queur. Il semble bien ici , on doit l’
avouer , que le
droi t du plus fort s’
est érigé en loi au mépris de
toute justice i l faut remarquer cependant que
l’
agresseur s’
est reconnu obligé d’
accepter un
certain péril et de s ’exposer lui -même en s’
inter
disant la ruse . Bientôt , d’
ailleurs le duel revêt ,chez les peuples germaniques , un caractère de
générosité qu’
i l emprunte à un sentiment de l’
hon
neur plus vif et plus délicat que les anciens ne
l’
avaient connu .
C ’était alors la loi , dit la saga de Gunlaug, en
parlant du commencement du x1° siècle , que tout
homme outragé par un autre exigeât de celui—ci le
l’
année 934 , É gil et Atle se disputent une part
d‘
héritage . Atle s‘
apprêtant à prêter serment
devant le tribunal , É gil l’
interrompt en disant :
Je ne recevrai pas ton serment . J’
invoque d’autres
lo is : nous combattrons ici tous les deux , dans le
thing même, et le vainqueur restera en possession
de l’
héritage. É gil avait raison , ajoute la
saga ; c’
était un vieil usage et une loi que tout
plaideur eût le droit de s’
en référer au com
bat singul ier, qu’
il fut demandeur ou défendeur,
Atle répondit qu’ i l n'
était pas pour récuser cette
offre, qu’
il aurait pu faire le premier . Ils 10 1gnr
rent leurs mains et confirmèrent ainsi leur mutue l
engagement avec la condition qu’
il s avaient sti
pulée .
Nous avons dit que le duel avait en,dés les
premiers temps de la civil isation du Nord , des
règles qui s etaient transformées en de véri tables
lois . Les sagas ne manquent pas de nous en
instruire : le rendez—vous était assigné d’ordinaire
trois nuits à l’
avance le lieu était une petite île ,telle que les golfes , les fleuves ou les lacs de
l’
Islande en oflraien t en grand nombre de là le
terme qui désignait les combats singul iers , holm
ganga , c’
est-à-dire l’
aller dans une île . Les défi s
survenus au milieu de l’
A lthing se vidaient ains i
dans l’
île de la riv1ere Oxara, depuis les premiers
157
temps de la colon isation islandaise . Si les deux ad
versaires arrivaient d’
avance , i ls élevaient des tentes
et dormaient l’
un auprès de l‘
autre , sans craindre
aucune surprise . On marquait le champ du combatpar des baguettes de coudrier fichées en terre ou par
une peau de bête ou un tapis étendu sous les pieds
des deux combattants ; celui qui sortait pendant
l ’action de ces étroites limites avouait sa défaite
pour une espèce particulrere de duel appelé
kerganga , un vaste baquet servait de champ clos .
Avant de combattre , on récitait les lo is du duel ;chacun visitai t l
’
épée de son adversaire , afin de
s ’assurer qu‘
elle ne dépassait pas la longueur légale ,et qu
’
elle n’
avai t pas quelque vertu magique ; cha
cun prononçait ensui te contre l‘
autre de terribles
menaces , ou le prenait en pitié en insultan t à sa
faiblesse et en lui promettant le châtiment prochain
qu’ il avait mérité ; ils essayaient ainsi de s
’
intimider
mutuellement . Celui qui avait été provoqué portait
le premier coup . Si l’un des deux voulait renoncer
au duel , i l l ivrait son épée les braves jetaient à
terre pendant le combat leurs boucliers mais
souven t , au contraire , un esclave ou un ami parait
de son boucl ier les coups destinés de part et d’
autre ;souvent aussi chaque adversaire étai t assisté de
de plusieurs combattants . Les témoins ne faisaien t
sans doute j amais défaut dans un temps où ces
combats rapportaient de l’honneur , aux yeuxmêmes
de la loi, qui en acceptait les résul tats , .et quand les
familles épousaient les querelles de leurs membres .
Les sagas montrent ces témoins presque touj ours
présents , sans dire si leur présence était rigoureu
sement nécessaire . Le premier sang pouvait terminer
le combat le vaincu payait une amende ou aban
donnai t l’
objet en litige , qui appartenait dés lors
légalement au vainqueur . On voit celui-ci tantô t
obligéde pourvoir à la sépulture du vaincu qu’
il a tué ,tantôt lui couper la tête et s
‘
en faire un trophée . S i
le combat se soutient à forces égales pendant tout le
jour, on l’
interrompt à la tombée de la nui t , on bo it
et on dort ensemble , et on recommence le lendemain .
S’
il persiste tout ce jour encore , et que finalemen t
il n ’y ait pas de vaincu, en conclut un accord légal ,
qui n’
a plus rien de moins honorable que le combat
lui-même , et l’
on devient inséparables amis . Si , au
con traire , l’
un des deux est un lâche , et que par
exemple , il ne vienne pas au rendez—vous en bien
qu’
il emploie la ruse , nen- seulement il est trai té
légalement comme vaincu, mais , en outre , son
adversaire élève contre lui le nidstang ou bâton
d’
infamie , tantôt représentant sa figure même
sculptée dans le bois avec des runes exprimant le
mépris,tantôt surmontée d
’
une tête d’
animal , signe
à la fois d’
insulte et de malédiction ; celui qui a été
— 160
qui, suivant l’
Edda, les duell istes faisaient de s
vœux . Le bœuf abattu au sortir du combat pouvai t
être un sacrifice soit d ’
actions de grâces envers ce
dieu, soit d’
expiatien envers le génie du l ieu ou
envers les mânes du vaincu. C ’
est, d’ai lleurs , l
’oc
casion de rappeler que le bœuf, suivant les supers
titions islandaises , figurait au nombre des êtres dont
les spectres gardaient les tombeaux .
La saga de Gunlaug nous a rapporté , dans un
curieux récit , à quelle occasion l‘
usage du duel fut
aboli en Islande . Un j our, pendant la session de
l’
Al thing, Gunlaud, qui était récemment revenu
de Norvège , s’
avança au milieu de l’
assemblée et
demanda la parole Rafn , fils d’
Aunund. est— il
rer? dit- i l . Rafn lui—même répondit à son appel .
Tu n’
as pas'
oublié , reprit Gunlaug, qu’
en acceptant
ma fiancée pour femme tu m’
as eflensé . En censé
quence , je te provoque ici même , pour le troisreme
jour, dans l’
î le de l’
Oxarâ , en combat singul ier .
Je t’
attend‘
ais , dit Rafn , je suis prêt et j’
accepte .
Les parents des deux adversaires furent fort trou
blés en en tendant ces paroles mais , nous l’avons
dit c etait alors conforme à la loi que celui qui se
croyait oflensé provoquât de la sorte son rival .
Trois j our après, Gun laugse rendit dans l rle ,
accompagné de son père , lllugi le Noir , et d’
une
foule armée Rafn vint aussi avec son père et de
nombreux parents ; Skapte , alors président de
l’
A lthing, était avec lui. Dès que Gunlaug eut mis
le pied dans l’
île , il récita ces vers Ile voisine de
l’
A lthing, salut ! me voici prêt à descendre dans
ton arène ; que l’
issue soit heureuse au poète et à
l‘
épée flamboyante du poète c'
est ma prrere .
Qu’
ilme soit donné de fendre jusqu’
aux dents et de
séparer du tronc par le tranchant du glaive la tête
du monstre qui se repaît des charmes de la belle
Belga . Rafn répondit par ces autres vers L’
es
prit prophétique ignore auquel des deux poetes la
fortune sourire . La fauxqui tranche est ai gui sée le
glaive est tiré pour la moisson du sang . Belga la
bel le , destinée à pleurer , en fiancée son fiancé, ou
veuve son époux , apprendra avec admiration les
grands coups du combat , dont la renommée se
répandra dans l’
A lthing. Hermund frère de Gun
laug , lui devait tenir son bouclier ; S verting, fil s
d’
Hafr—Bioern , tiendrait celui de Rafn . Le premier
blessé pourrait racheter sa vie pour trois mares .
Rafn , ayant été provoqué , dut commencer. Dès le
premier coup son épée , engagée dans le bouclier
de Gunlaug, blessa légérement son rival , mais
échappa de sa main . Aussitôt la foule des parents
d’
intervenir mais Gunlaug je le déclare
vaincu,s corie- t- il, car i l est désarmé . C ’
est
toi plutôt , s ecrie Rafn pui sque tu es blessé .
Gunlaug furieux soutenait qu’
il n ’y avait
rien de fai t encore et qu’ il fal lait recommencer ;
mais Illugi. son père , s’
y opposait . On les força de
se séparer et chacun retourna vers sa tente . L e
lendemain le lôgretta publia une loi nouvel le
abolissant le duel en Islande , sur le consentement
unan ime de tous les chefs les plus puissants et de
tous les hommes les plus sages du pays . Ce duel
de Gunlaug et Rafn fut le dernier qu’on vit dans
l ’île . Tel est le récit de la saga de Gunlaud ; i l
serait facile d’
é tablir , par une comparaison avec les
différents témoignages des sagas , que cet te réforme
importante fut accomplie pendant l’
année 101 1 la loi
qui introduisai t les épreuves judiciaires ou ordal ies ,tel les que le moyen âge les pratiqua suivant le droit
ecclésiastique , celle du fer brûlant par exemple , fut
une de celles que les Islandai s reçurent sous les
auspices d’
Olaf le Sain t, roi chrétien de la Norvège
peu d’
années après l’
abolition du duel et peut—être
pour le remplacer.
Ce n etait pas que les anciens Islandai s n’
eussen t
eu ,pendant le paganisme , aucune sorte d
‘
épreuve
judiciaire . Voici un curieux épisode de l‘
histoire du
droit privé,raconté par la Laxdaela saga , au chapi tre
xvm , et qui démontre qu’
ils employaient aussi ce
1 . V . la n ote 101 à la saga de Gun laud, Bafn iæ, 1775 , in—4
,
p. 1 58 sq . Cf. l‘
His toire ecclésiastique de l'
Islande deF. Johannœus .
161
découpée sur le sel ; cette motte de terre eblongue
était érigée en arcade , ses deux extrémités res tan t
fixées à terre ; il fallait passer sous cette arcade ,d
’
une hauteur convenue , sans la renverser ; les
parens attachaient acette épreuve autant d‘
impor
tance que les chrétiens d’
auj ourd’hui , dit la saga , à
leurs ordal ies . La Vatnsdaela saga nous apprend
que , pour rendre l’
épreuve plus sévère , on érigeait
quelquefois une série de trois arcades , l’
une s‘
élevant
jusqu a la hauteur des épaules , la seconde jusqu’
à
la hanche , la troisième n’
allant que jusqu’au mil ieu
des cuisses ; i l fal lait , en passant par—dessous , n’
en
faire tomber aucune . Suivant la saga de Gisle Surs
soen,une lance en un javelot d
’
une certaine longueur
soutenait le sommet de la pyramide . Très—probable
ment cc genre d epreuve , fort ancien , n’
était plus
fréquemment usité au temps du Gragas , pui squ’ i l
n’
en parle pe int , et il semble même , d’
après la fin
du récit de la Laxdaela saga , qu’ il n ’
ebtenait plus , de
la part des Islandais , une très naïve créance . Ter
« kil savait bien , dans sa conscience , que le récit de
Gndmnnd n’était pas conforme à la vérité . Auss i
recourut- il a la ruse . Par son ordre deux hommes
feignent de se quereller au moment où l’épreuve
commence , en gesticulant , i ls renversent la bande
de gazon . Aussitôt Torkil et ses amis de souten ir
que l’
épreuve eût sans cela, réussi , et de réclamer
160
l'
assentimen t des juges . Finalement Torkil resta
en possess ion de ten te la fortune, excepté les im
meubles , qui n’
en constituaient pas la mei lleure
partie . C‘
étai t ce qu’
on appelait l epreuve du
iardarmen ou de la bande de gazon , fondée , sans
aucun doute , sur lesmêmes sentiments qui servirent
plus tard de base aux épreuves du moyen - âge
chrétien .
Si le Orages ne parle pas du iardarmen , c’
est pro
bablement parce que cet usage judiciaire oommen
cai t à disparaître de son temps , devant les formes
chrétiennes , comme avait d isparu le duel judiciaire
lui—méme la ruse sceptique de Torkil, dans le récit
de la Laxdaela saga que nous venons de résumer ,pourrait bien être regardée comme marquant la
transition entre les deux époques .
Entre toutes les preuves judiciaires enfin , le ser
ment ne devait pas être le moins honoré chez les
peuples qui, comme nous l’
avons vu , avaient le
sentiment de l’
honneur et le respec t de la dignité
humaine . En dehors même des tribunaux , l'
inter
vention du sermen t était fréquente chez les anciens
Islandai s pour consacrer soit des engagements
d’
amitre réciproque , soit des vœux hérorques . Mais
c ’était en justice surtout qu‘
une grande place lui
était réservée ; il tenait l ieu, en bien des cas , de
dernier argumen t légal. Nous avons vu la loi d’
Ulfliot
166
le prescrire devant les tribunaux avec une formule
et des apprêts tout rel igieux . La saga de Viga-Glum
nous montre un prévenu obligé , pour se justifier,d
’
aller déposer dans les trois temples du district le
serment qui doit garantir légalement son innocen ce .
Tous ces témoignages et beaucoup d’
autres que la
lecture attentive des sagas pourrai t fournir, se rap
portent aun temps où la justice et la rel igion étaient
encore étroitement un ies . Dans le Gragas le serment
nous apparaît comme un instrument indispensable de
toute procédure , de sorte qu’
une plaidoirie n’
est pas
valable , s’
il ne l’
a pas à l‘
avance autorisée . Bien
plus , c’
est une formali té que doivent accomplir et les
juges et les quidr et les témoins . Nous l’
avons vu
appliqué de la sorte dans les citations que nous
avons faites de la saga de Nial et du Gragas pour
rendre compte de la procédure islandaise . Ici encore
il revêt des formes religieuses ; mais ces formes
sont empruntées désormais au culte chrétien et non
plus au paganisme .
Nous avons dit que la procédure islandaise ne
comportai t aucun interrogatoire du prévenu , aucune
tentative pour obten ir de lui un aveu. C’
est dire que
les moyens de preuves comme la torture et la ques
tion n’
y étaient point en usage . Le Gragas mentionne
une seule fois la question c’
est contre la femme
qui, devenue mère en dehors du mariage , ne veut
168
races . Il sera facile , en étudiant la pénal i té islan
dai se , puis la condition de la femme et de la famille
en Islande , de montrer sous un nouveau j our ce
respect de la dignité humaine et ce sentiment de
l ’honneur dont on a pu distinguer dans les premières
institutions de ces peuples l’
incontestable présence .
En résumé , nous avons essayé , dans cette pre
mière série d’
observations sur l'
ancien paganisme
islandais , qui reprodui t fidèlement l’
ancien paga
n isme scandinave , de rendre compte des idées et
des mœurs sous l’
empire desquelles s‘
est fait l’éta
blissement de ces peuples, puis de retracer le plus
ancien développement de leurs institutions po liti
ques et judiciaires que l’
histoire puis se distinguer .
Sans essayer encore de comparer les institutions
ultérieures de l’
Europe occidentale , nous nous som
mes proposé cependant d’offrir un tableau qui pût
compléter çà et là ou interpréter certaines antiqui tés
communes des peuples germaniques ou angle- saxens
et scandinaves . C ’
est ain si que nous avons sai si déjà ,peut—êtredans leurs formes élémentaires, et lareyan té
et le mâl et quelques traits de la procédure des Ger
mains . Sansdoute c’
est la primitive enveloppedu duel
avantque lesmœurs et l’
esprit modernes l’
aient entiè
remen t consti tué , et c’
est l’
embryon du futur jury que
le Gragas et les sagas nous ont laissé entrevoir . Tout
169
aumoins y avait—il un intérêt particulier à décrire,sous le double pe int de vue politique et judiciaire
les mœurs et les institutions de peuples qui sont
venus , pendant le lx°et le x
° siècle , se mêler aux
premiers développements de la secreté européenne,comme aussi à rappeler cette peti te et énergique
société islandaise dont nos livres d’
histoire générale
ignorent , ou peu s’
en faut , l’
existence . Combien peut
être de ces foyers épars où l’
intell igence humaine
s’
est vivement exercée , non sans l’
appui d’
une sell
darité constante avec quelqu'
une des grandes races
historiques ont cependant disparu du souvenir des
hommes , bien que leur date ne soit pas très reculés .
La science doit compter au nombre de ses plus
utiles services de restituer quand elle le peut leurs
titres .
D e la pénalité dan s les lots islan daises.D u V ehrgeld . D e la pre scription . D e l'exil .
A la base de la société des peuples germaniques ,comme dans la plupart des sociétés primitives , nous
trouvons la vengeance comme un droit reconnu. E lle
se convertit en devoir quand il s’
agit de venger un
parent , un alhe , un ami , un serviteur , un de ceux
qui dépendent de la famille . Le premier effort de la
civil isation sera de chercher un moyen de rétablir la
paix . La coutume bientôt réglée par la loi offrit
celui de la composition le prix offert pour la vie
time, qui est â la fois une amende et un dédomma
gement . Tous les codes d’
origine germanique ont
connu ce genre de pacification . C‘
est le vehrgeld.
Voyons ce qu’
il fût en Islande .
L ’origine même du mot qui, dans les langues
germaniques ,‘
désigne l’or et l’
argent monnayé , geld,paraît être l
’
idée de compensation et d’
expiati0 n
contenue dans le mot gelten , vergelten . De même les
ancien s Latins employèrent les animaux , pecudes ,comme victimes d
’
eæpiation avant de désigner la
monnaie par lemot pecam‘
o , et demême aussi lemot10 .
qui signifie amende dans plusieurs langues anciennes
oumodernes et dans la nôtre même a désigné primi
tivement amélioration et réparation .
Les sagas et le Gragas paraissent ne pas con
naître sous sa désignation ordinaire cette insti
tutien germanique , ils la montrent cependan t
sous sa forme primitive , sous celle d'
une pure et
simple amende , dont le taux n’
est pas encore fixé
par la loi , et dont la coutume fai t par conséquen t
un châtiment plus ou moins sévère , présentan t un
caractère de moralité dont est dépourvu le vehrgeld
fixé et matérial isé tel que nous le rencontron s dans
ce qu’
on appelle les lois barbares . C‘
est là un trai t
curieux de l’
histoire du droit pénal islandais que
quelques citations des sagas ou du Gragas suffiront
à faire ressortir . Ces monuments sont les seuls ,croyons-nous , qui nous fassent connaître l
‘
arbitrage
germanique dans sa forme primitive
On voit clairemen t d’
abord dans les sagas , surtout
dans les plus anciennes , que la composition ne
paraissait pas acceptable pour la mort d'
un trè s
proche parent ; elle eût passé en ce cas pour une
hon te ; un fils venge son père , un père venge ses
fils . il ne vend pas leur honneur et le sien Je
ne veux pas porter mon fils dans ma poche ,répond Thorstein le blanc a celui qui a tué son fil s
dan s une querelle cinq ans auparavan t et qui lui
176
session de l’
A lthing, il apprend , sans surprise , le
meurtre de Ke l, et Nial lui offre en compensation la
sommemême , enfermée dans la même bourse , qu’ i l
avait reçue de lui ; la saga fait remarquer qu’ i l
l ’avait apportée par prévoyance . Le meurtrier de
Kel paiera a son tour de sa vie le crime auquel il a
été poussé mais i l a son orgueil particulier à
satisfaire et, avant de s'
engager dans ce jeu sanglant ,il a exigé la promesse que s
’
il y périt on paiera pour
lui le prix d’
un homme libre . Lorsque Gunnar,soucieux avant tout de maintenir son amitié avec
Nial , vient lui annoncer ce nouveau meurtre et lui
offrir compensation , Nial l’
avertit qu’ il est forcé de
lui demander la rançon d’un homme libre . Gunnar
dit que c'
est bien , lui serre la main en signe de paix
et lui compte cent onces d'
argent . La série des
meurtres n ’
est pas finie : c'
est un parent d’
Ha lgerda,
la femme de Gunnar, qui tombe cette fois ; Gunnar
déclare que ce n’
est pas une grande perte car il avait
des raisons de s’
en défier ; cependant i l accepte les
cent onces d’
argent que lui offre Nial , car c’
était un
homme l ibre .
L’
importance des meurtres ira encore croissant ,avec la haine des deux femmes , haine que partagent
bientôt leurs fils et leur parenté ; Gunnar et Nial
essayant touj ours , au moyen du vehrgeld, de rame
ner la paix et de conserver leur amitié au milieu de
177
ce tourbi llon de violences . C’
est maintenant le pére
nourricier des fils de Nial qui est tué dans un lâche
guet—â-pens . Quand Gunnar l’apprend il déclare que
rien ne pouvait lui sembler pire . Aussitôt i l va
trouver Nial J’
ai une dure nouvel le à t’
apprendre ,
lui dit— il, la mort de Thord et je viens t’offrir la
composition d’
un homme l ibre . Nial resta silen
cieux nu moment , pui s dit : C’
es t honorablement
offert et je l‘
accepte Je ne veux pas qu’
une
brèche soit faite a notre amitre par ma faute , mais
mes fils me blâmeront . Veux- tu qu’
un d’
eux soit
présent à notre accord dit Gunnar . Non , car il
refuserait d’
y consen tir ; et i ls respecteront la foi
jurée . Deux cents mares d’
argent , voi là ma serr
tence, trouves—tu que c’
est trop ? Non pas , dit
Gunnar et il lui remit la somme .
L’auteur de ce dernier meurtre , Sigmund , est
parent de Gunnar lui—même , mais c’
est Halgerda
qui l’
a attiré dans la maison de Gunnar et en a fai t
son favori . S e fiant a la sorte d’
impun ité que ‘lui
vaut ce dernier accord , et touj ours excité par Bal
gerda, i l insul te publiquement Nial et ses fils , par
des chansons satiriques qui circulent dans le pays .
A ce nouvel outrage les fils de Nial ne se possèdent
plus et tuent Sigmund (voir page Cette fois
Gunnar ne réclame pas , tenant que la vengeance est
méritée . Trois années se passent , les deux amis ont
- 178
cessé de se voir pour éviter les occasions de rappro
chements entre leurs familles . Cependant ayant des
difficultés dans une affaire judiciaire Gunnar se
décide à aller trouver Nial , son conseil habitue l
Nial éclaircit la difficulté,puis prenant Gunnar par
la main Combien y a—t- il de temps que ton parent
Sigmund est tombé san s qu‘
aucune amende n’
ait
été payée pour lui Il y a longtemps et je n’
y
pense plus cependant je ne refuserai pas l’honneur
que tu m’
offres E t la composi tion fut fixée‘
à deux
cents mares d’
argent qui furent remis aussitôt .
Dans la suite.de la saga, après lamort de Gunnar ,nous trouvons un exemple duvehrgeld, réglé cette fois
non plus de gré à gré , mais judiciairement . Les fi ls
de Nial ayant tué Hauskuld,'
celui qui avait été é levé
à la dign ité de gode , Nial parut à l’
A lthing et, comme
l ’assemblée allai t finir,i l prit la parole et proposa un
accord . Les fils de S igfus parents de la victime acceptèrent . Flose , l
’
un deux , et N ial nommèren t chacun
sixarbitres ; Nial et Flose se donnèren t lamain et N ial
accepta a l’
avance au nom de ses fils tout ce que ces
arbitres décideraient . L’
assemblée tout entrere , dit la
saga se réjouit de cette issue pacifique , et il fut décidé
que les arbi tres siégeraient dans le lôgretta . Lafoule
se retira pour les laisser seuls . Quand ils furen t
entre eux, Snorre le Gode , un des arbitres nom
mes par Nial , parla ainsi Nous voici douze juges
180
tribuerait lui—même autant que celui qui donnerait
le plus , et tous les autres appuyèrent la proposi tion
de leur assentiment . Ils se séparèrent alors en
convenant que Hall de Sida proclamerait leur
décision sur la Montagne de la loi. On sonne et la
foule s’
y rendit . Hall de Sida se leva et dit : nous
sommes tombés facilement d‘
accord dans l’
examen
de la cause qui nous avait été confiée . Nous avons
conclu à six cents d’
argent . Nous , arbitres , nous en
paierons la moitié ; car tout sera payé d’
une fois au
thing . Mais c'
est mon désir et ma prière , je les
adresse à toute l‘
assemblée , que chacun des
assistants y contribue pour quelque chose . Tous
répondirent affirmativement . Hall prit des témoin s de
la sen tence rendue , afin que désormais personne ne
pût s’
élever contre elle , et Nial remercia les arbitres .
L es assistan ts s ’étant alors retirés dans leurs tentes ,les arbitres réunirent dans le cimetrere de Thingvalla les sommes qu
’ils avaient promises . Les fils de
Nial apportèren t de leur côté ce qu'
il s avaient sous
la main , un cent d‘
argent . Nial donna ce qu’
i l avai t
et ce fut le second cent . Tout cet argent fut ensui te
porté au lôgretta, où d’
autres personnes de l’
assis
tance complétèrent la somme .
Cet exemple de composition est fort curieux . On
y voit les amis des deux parties s’
accorder d ’
une
part ir infliger une amende très forte en signe de
181
châtiment , mais s’
offrir ensui te d’
eux—mêmes et
inviter l’
assistance à y con tribuer en vue de la paix
publique et en considération de Nial, universelle
ment respecté . Double preuve du caractère de
moralité inhérent à une expiation qu’
un arbitrage
loyal graduait suivant les circonstances du meurtre
et l’
importance de la victime, et dont une intéres
sante solidarité partageait le fardeau.
Le taux de la composition avait été triple pour
venger Hauskuld qui était gode ; i l en fut de même
après le meurtre de Nial et l’incendie de sa maison .
Pour compenser le double crime commis envers un
tel personnage , en nomma d’
un commun accord
douze arbitres ; les meurtres commis furent com
pensés également , chacun en efiaçant un autre
pour ceux qui se trouvaient en surplus en pays des
amendes . Quant aux meurtriers incendiaires , i ls
duren t payer triple composition pour Nial et double
pour Bergthora sa femme en stipula double amende
pour Grim et pour Helge , fils de Nial, et simple
amende pour chacune des autres victimes de l’incen
die . Flose fut condamné au petit exil , pour trois ans ,mais ses complices furent proscrits . On demanda à
Flose s’
il voulait qu’
on tint compte des blessures
qu’
i l avait reçues mais i l répondit qu’
il ne voulait
pas recevoir d’
argent en échange d’
un dommage
personnel . Ejolf Bolverksen fut laissé sans cempeh1 1
sation parce qu’
il avait agi avec déloyauté etperfidie .
La main dans la main , en sanctionna cet accord ; en
fit des présents à celui qui avait été choisi comme le
chef ou le président des arbitres en échangea enfin
des offres d’
hospitalité mutuelle , des anneaux d’
or,
des boucles d’
or et des cein tures d’
argent .
Comme les sagas , le Gragas nous montre l’
usage
fréquent des arbitrages , mais il nous les montre
adoptés et réglementés par la loi
Si des arbitres invoqués a la suite d ’
une contes
tation,dit— il, ont promis leur assistance et que ,
malgré cela , ils ne donnent pas leur déc ision ou que
d’
une man iere quelconque i ls procurent un arran
gement incomplet , qu’
ils subissent le petit exil . Une
fois les arbitres arrivés dans le lieu où la conciliation
doit se faire , celui qui a demandé leur secours
prendra des témoins et dira : Je vous prends comme
témoins que je te demande , à toi N . fi ls de N .
, de
procurer un accord entre nous N . fil s de N . et N .
fils de N ., accord que tu as promis d
’
effectuer je le
demande avec la formule légale . L’
arbitre qui re
fusera de comparaître pour arranger le procès après
en avoir accepté la charge , sera passible du petit
exil , tout comme s’
il avai t refusé de procurer cet
accord après en avoir été pme légalement . S’
il prouve
cependant que quelque obstacle insurmontable l’
a
empêché de venir, son excuse sera admissible . Celui
intervenir dans le débat ; en conséquence i ls infl i
ges ich t dans les cas graves , outre la prescription
ou l ’exil , deux peines pécuniaires . Dans une cause
de meurtre, par exemple , la fortune du coupable
était confisquée, moitié au profit du demandeur ,moitié au profit des indigents du district , et de
plus en imposait ce qu’on appelait l
’
amende de
famille , payée par la famille du coupable à celle de
l’
oflensé . M . Finsen dans son savant mémoire sur
La famille selon le Gra'
gds , dit avec raison quel ’amende personnel le était d’
un caractère tout
pacifique. tandis que l’
amende de famil le rappelai t
tous les instincts bel liqueux de la société islandaise
la premiere pouvait bien passer pour une expiation
volontairement consentie par l’
ofienseur, ou connue
une juste réparation imposée en vue de la paix au
seul coupable ; mai s la seconde, qui pesait sur des
i nnocents , n’avait évidemment pour but et pour effet
que de répondre et de remédier à l’
habituelle
solidarité de la vengeance dont les tribunaux
reconnaissaient ainsi et proclamaient le caractère
légal . La signification de l’
amende de famille étai t s i
bien celle—là qu’
elle n etait infligée et ne profitai t
qu’
aux membres de chacune des deux familles en
état de porter les armes ; les femmes et les enfants
en étaient exclus . Le Gragas, qui donne en détai l les
règles de cette pénalité ; désigne quatre degrés de
183
parenté de part et d‘autre ,
formant quatre classes
de donnants et de recevants ; et le langage imagé des
Islandais appelle buayr , c’
est—à—diro anneau, la
somme que paie on reçoit chacune de ces classes ,dénomination qui s
’
explique par l’
usage ancien de
représenter certaines sommes par des anneaux en
bracelets de certains poids ou de certaine valeur . La
première classe comprend le père , le fils et le frère ,
et l’
amende est fixée pour elle atrois mares , c’
est—à
dire que le père de l’
offenseur paie un marc au père
de l’
offensé, le fils de l’
oflenseur un marc au fils de
l‘
offensé, le frère de l‘
oflenseur un marc au frère de
l’
oflensé . D’
un côté ou de l’
autre , les fi ls ou les
frères , s’
i l y en a plusieurs , ne comptent cependant
que comme une seule personne et ne payent ou ne
reçoivent qu’
un marc ; s’
il n ’y a pas de père, deux
mares au l ieu d’
un , incombent au degré suivant
s ’i l n ’y a pas de fils , i ls incombent au père , etc .
La seconde classe , pour laquelle l‘
amende est de
deux mares et demi en vingt ôre , comprend le
grand—père paternel , le fils du fils , le grand—père
maternel et le fi ls de la fille ; la troisième dont
le taux est de deux mares , comprend le frère du
père et le fils du frère , le frère de la mère, et le
fils de la sœur ; la quatrième d’
un marc et demi en
douze ère , comprend les fils des onc les et tantes . Six
autres classes viennent ensui te pour les degrés de
parenté plus éloignés et avec des amendes qui
varient d’
un marc aun ôre . Par une singulari té qu’ i l
faut connaître pour bien comprendre certains réci ts
des sagas , l’
amende fixée pour chacune des quatre
classes comporte nécessairement une addition , un
surplus nommé baugpac, et dont le montant est
fixé pour chacune pour la première 6 ôres et
48 dveiti, petites pièces dont il semble qu’
il y
avai t soixante dans l’
ère pour la seconde un
demi marc et 32 pveiti, etc . Sans doute i l étart
permis de payer ce surplus en nature ou par un
objet équivalent, puisqu’
on voit dans la saga de
Nial,lorsqu
’
il s’
agit de compenser la mort d’
Baus
kuld, Nial lui—même aj outer a la somme d’
argent
fixée par les arbi tres et entièrement complète un
manteau de soie il est vrai qu’
il s’
agit ici d’
un arbi
trage , d‘
une composition privée , d’
une amende per
sonnelle et non pas de famille nul doute cependan t
que nous ne retrouvions là lemême détail demœurs ,la même coutume que le Gragas à converti en lo i .
Ce mode d’
expiation par amendes que la loi avait
emprunté aux mœurs , elle en fit tout un système de
pénal ité , qu’
elle sut graduer en graduant les fautes ,
par un nouveau progrès vers une justice équitable .
Il y avai t plusieurs taux d’
amende , formant autant
de catégories sous lesquelles venaient se ranger les
différents crimes ou délits . Toutefois on ne doi t pas
guerre privée s‘
ouvre entre deux gen tes et il n’y a
plus alors pour intervenir qu’
une sorte de droit des
gens ayant un caractère public grâce al’
assentimen t
un iversel . plutôt qu’
un droit pénal proprement di t ,pesant comme une menace et comme un j oug impé
rieux . La même remarque s’
applique à tout le dro i t
primitif des peuples scandinaves .
La loi islandaise ne connaissait pas une grande
diversité de peines . Par un heureux contrepoids a la
coutume , sous l’
empire de laquelle l’
homicide éta it
si fréquent , el le n’
ordonnait pas directement la
mort , et ne connaissait pas les supplices . Si l ’on
trouve quelques cas de torture dans les sagas , c’
est
contre des Finnois,réputés magiciens et maudits
ou contre des esclaves , et c’
est de plus une innova
tion dùe probablement à l’
invasion de la procédure
étrangère aprés la conversion au christianisme . L e
Gragas offre un exemple , un seul , de la question ,qu
’
on appliquait à la femme qui, devenue mère , re
fusait de faire connaître la paternité ; encore le texte
du Gragas dit— il en cette unique circonstance qu’on
devra user de modération .
La loi ne connaissait pas même l’
emprisonnement ,l ’ idée d
’
accepter une contrainte légale enchaînant la
l iberté des mouvements et des membres même eût
été trop contraire à l ’ instinct d’
indépendance inné
chez l’homme du Nord il comprenai t plus facilement
que la prescription ou l’
exi l vint, au risque de la vie,restreindre en effet sa liberté en même que dans
certains cas, comme nous le verrons plus tard , la
condition d ’homme l ibre fût entièrement perdue
pour lui . Ne dit—on pas qu’auj ourd ’hui encore l
’
An
glais aime mieux être frappé qu’
emprisonné ?
La peine la plus extrême étai t la prescription qui
si elle n‘
entrainait pas la mort , chassait pour vingt
ans au moins le condamné loin du pays . Ensuite
venait le simple exil , qui éloignait le coupable de
son district pour trois années , la confiscation et
l 'amende restaient donc les peines ordinaires . La
prescription pouvait entraîner la mort, mais l’
E tat
ne se chargeait point de l’
exécution de la peine. Lors
que la prescription est officiellement déclarée au
Thing par le président du tribunal , i l faut que le
condamné se sauve au plus vite , car, au moment où
la séance est levée et où la foule des assistants a le
droit de reprendre ses armes , i l est permis a cha
cun de le poursuivre et de le. tuer . Suivant la tradi
tion , Flosi n’
a échappé aux ennemis qui allaient
s’
emparer de lui qu’
en franchissant , par un bond
prodigieux, la redoutable erevasse béante entre la
montagne de la loi et la plaine de Thingvalla où se
trouvaient ses amis , pour l’
en tourer et protéger sa
fuite . Si le condamné était un chef, ou appartenait
1 . Voir p. 56.
— 190
à une famille puissante, s rl pouvaitgagner la côte,trouver un navire , s
’
embarquer, de nouvel les aven
tures commençaient pour lui . Sinon , i l n‘
avai t d’
au
tre refuge que le maquis et le désert , touj ours voisin
en Islande des l ieux habités , et d’
où la faim et le
désespoir le feront de temps en temps sortir pour
demander au brigandage le misérable soutient de sa
vie et de celle quelquefois de ten te une famille qui l’
a
rejo int secrètement dans sa fuite . Le condamné ,
friedlos , est désormais hors la paix , hors la loi , il est
appelé dans toutes les anciehnes loi du Nord le loupen la tête de loup ; il est au mil ieu des hommes
comme la bête dangereuse qu’ il faut détruire , nul ne
doit lui fourn ir d’
aliment , ni d’
abri,ni moyén de
transport , sa femme même n’
a le droit de le recevoir
chez elle que la première nuit qui suit sa condam
nation . Bien plus,la loi récompense celui qui tue le
prescrit. Il arriva même que les prescrits étant deve
nus très nombreux et causant un danger public une
loi les arme les uns contre les autres le prescrit
qui en tuait de sa main trois autres obtenait sa
grâce Tout Islandais pouvai t faire rentrer dans la
paix publique un condamné au profit duquel il tuai t
1 . Il est rapporté dan s un supplém en t du Landnama—Bok que
cette loi , sur laquelle le Gragas con tien t des prescription s dé
ta illées , fut faite sur la proposition de E ylulf Valgerdarson ,
lorsque , dan s un h iv er sév ère au delà de la mesure ordinaire ,
un e quan tité d’
hommes s‘
é taien t cachés dan s les bois e t les
cède la rédaction du Gragas , car c’
est dans les plus
anciennes sagas que nous le trouvons d'
abord men
tionné e t décrit ainsi qu’ il sui t le sacrifice d
’
un che
val ou d’
une cavale était suivi de la formule d’
im
précatien attestant les dieux , puis la tête de cheval
coupée était dressée , la mâchoire ouverte , vers la
demeure de l’
ennemi . Surune branche de cendrieren
gravai t en runes l‘
imprécation avec le nom de celui
qu’on vouait à l’
infamie ; c’
est le Nidstrang le bâton
d’
infâmie qu’
on fiche en terre ou dans une fente de
rocher ou dans la mâchoire même de la tête de che
val ; de man iere que tout passant le voit . Cette pu
nitien suprême est réservée à celui qui v iole une paix
ou une trêve sainte , une amitié jurée , qui attaque cc
lui qui est désarmé , sans défense ; qui trahit les siens ,
qui, appelé en combat singul ier , refuse de s’
y ren
dre ,qui viole les règles du duel , etc. Celui qui est dé
claré n iding, infâme , est rejeté des réunions publ i
ques, même de celles de la fami lle ; son témoignage
n’
est plus recevable en justice .Ce châtiment moral du
n ids trang était souven t en relation avec le duel judi
ciaire ,mais il persista aprés l’abolition de celui-ci en
D’autre part et pour préven ir un facile abus
il y a des peines qui von t jusqu a l’
exil pour punir
l’
injurepublique en signes en en paroles , ou l’
érection
sans juste cause du nidstrang, le bâton d'
infamie.
1 . Voir page 1 48 .
D es formules dans le droit islandais
On sait l’ importance des formules dans la consti
tutien du droi t primitif, quand la parole doit j ouer
le rôle de l’
écriture . Par une sorte de supersti tion
ou de convention facilement d’accord avec l
’humeur
processive et l’
esprit d‘
éristique, que nous avons
déj à reconnus dans la race islandaise, ces formules
doivent être répétées suivant les circonstances , sans
que la mémoire en défaut y modifie un seul terme .
La formule exactement et à propos introduite par
devant témoins perte sur— le-champ son effet légal ,tandis que le moindre manquement devientun motif
de null ité . C’
est encore dans un épisode de la saga de
N ial que nous trouverons a ce sujet un exemple
caractéristique .
Gunnar avait une parente , Unna , fille deMœrd, qui
avait épousé Brut mais Brut , pendant ses voyages ,avait aimé une femme étrangère qui lui avait jeté un
charme .Unna,délaissée, quitta secrètement la maison
de son mari et retourna chez son père, par qui elle
fit réclamer ses biens . Comme il n’y avait pas en
divorce, Brut se contenta d’offrir le duel , que le
vieux père ne put accepter .Unna vint donc prier son
parent Gunnar de se charger de cette poursuite
mais il fallait que la formule de cita tion fut prononcée
dans toute son intégrité et de son propre aveu en pré
sence de la partie adverse , et qu’ i l fut constaté par
témoins qu’
elle l’
avait entendue . Gunnar alla consul
ter son ami Nial .
L ’
entreprise est diffici le , dit ce dernier ; je vais
t’
indiquer cependant la voie que je crois la mei lleure
tu peux réussir, mais à la condition d’observer ponc
tuellement mes avis . Si tu négliges un seul poin t, tavie même est en danger. Tu prendras deux
compagnons . Par— dessus tes vêtements tu mettras
un surtout brun d’
ételfe commune , sur lequel tu
jetteras un manteau de voyage . Porte à la main une
petite hache . Chacun de vous trois aura deux
chevaux , l’
un gras et l’
autre maigre ; munis— to i en
particul ier d’
un attirail de forgeron . Vous partirez
demain matin de bonne heure . Quand vous arriverez
à la Rivière-Blanche , souviens— toi d'
enfoncer ton
chapeau sur tes yeux . L es gens se demanderont qui
est cet homme a la haute tai lle ; tes compagnons
répondront que c’
est le marchand de ferraille Bedin ,du canton d
’
OEfiord, qui fait sa tournée S a réputa
tion est faite au loin ; c’
est un vaniteux qui croit seul
tout savoir ; pour des riens i l rompt ses marchés et
querelle les gens . Tu iras jusqu’
au Bergefiord en
offrant partout ta marchandise et en te montrant
même temps chante—lui quelques strophes pour
l’
amuser, car je sais que tu es scalde . Il te
demandera pourquoi tu es d’
avis qu’
après la mort
de celui— là en ne saurait trouver son pareil . Réponds :
Parce que c’é tait un homme si avisé qu
’
il ne s’
est
j amais trompé dans la poursuite d’
un procès .
Sais- tu cependant , dira—t— il, ce qui s’
est passé entre
lui et moi ? Oui, i l t’a repris ta femme, et tu n
’
as
en rien à dire . Mais il a été battu ! répliquera
Brut, il a fait procès , et je n’
ai pas rendu la dot .
Réponds : Tu as offert le duel , et comme i l était
vieux , ses amis lui ont conseil lé d’abandonner la
cause . C’
est cela , dira-t-il les ignorants ont cru
que telle était la loi mais il aurait pu reprendre
l‘
affaire aun autre thing , s’
i l en avait en le courage .
Je le sais bien , répondras-tu. En t’
entendant
parler de la sorte , i l te demandera si tu as donc
quelque connaissance de la loi . Tu lui diras Là
bas , dans ce canton du nord, je passe pour en savoir
quelque chose . Cependant j’
entendrais volontiers de
toi comment on pourrait reprendre le procès . Quel
procès Un procès comme par exemple celui-ci
qui du reste ne m’
intéresse guère : comment devrait
s’
y prendre celui qui je suppose , réclamerait la dot
de la femme ? Il faudrait que la formule de
citation fut prononcée en ma présence , de telle sorte
que je l’
entendisse , et dans mon domicile légal .
Récite- la un peu, diras—tu, je la redirai après toi .
Il ne manquera pas de la réciter ; toi fais bien
attention à chacun des termes . Il te dira de la
répéter ; répète - la mais tout de travers , sur
deux mots un seul de bon . Il se mettra à rire ,sans nul soupçon contre toi , et i l te montrera
qu’
il y avait seulement tels et tels mots justes .
Rejette la faute sur tes compagnons , dont la
présence te trouble ; prie-le de reprendre chaque
mot en te laissant le reprendre après lui. Ainsi fera
t-il ; cette fois tu répéteras exactement ; tu lui
demanderas si c’
est bien ; i l ne pourra que répondre
qu’
une telle citation serait parfaitement valable .
Alors tu diras à haute voix, comme en te j ouant , de
manière que tes compagnons t’
entendent : Ainsi
je dénonce contre toi Brut le procès que Unna m’
a
confié . Et puis dés le soir venu, quand tout le
monde sera endormi , vous sel lerez , au l ieu des che
vaux maigres , les bons chevaux quevous aurez laissés
au pâturage , et vous regagnerez la montagne, où
vous resterez trois j ours . Moi cependant je me ren
drai au thing , et je t’
y assi sterai pour ce qui reste à
faire .
Gunnar remercia Nial et s’
en retourna chez lui .
Deux j ours après , i l fit ponctuel lement ce que Nial
lui avait consei l lé . Tout réussi t de point en point (lasaga nous le redit en détail dans une seconde narra
tion) comme il avait été prévu : le faux Hedin provo
qua, entendit , répéta d‘
abord tout de travers , puis fort
exactement et par devant ses deux témoins , la for
mule de citation . Brut s‘aperçut tr0 p tard qu’
une
ruse , où il reconnut l’habileté de Nial , l
’avait abusé .
Il n ’
est pas difficile , ce semble, d’ imaginer com
ment cette singulière page a pu être écrite . L’
auteur
de la saga, qui vivai t beaucoup d’années après le
temps qu’
il expose , a recueil l i la tradition du
subterfuge , resté célèbre , par où l’
habile Nial ,comptant sur la vanité de Brut grossièrement
flattée , avait obtenu l’
un de ses triomphes . E n
racontant à son tour cet exploit légendaire de son
héros,il a selon la coutume des chroniqueurs ,
étendu par un commentaire son propre récit ; il
a sans doute inventé du moins quant au détai l , la
prem iere des deux scènes , c’
est— â-dire les consei ls
donnés par Nial a Gunnar . Il y a d’
autant moins
lieu de s’étonner des exactes prédictions de Nial et
de la docil ité de Brut , suivant la saga i slandaise , à
lui donner raison , que Nial passait aux yeux de
ses contemporains et à plus forte raison aux yeux de
leur postérité , pour avoir été un de ses hommes ex
traordinaires , à l’
esprit perçant et subtil , qu’
on
croyait , peu s’
en faut , doués de seconde vue i l n’
y
avai t nul effort , pour ses imaginations scandinaves
du x° et du x1° siècle, ase représenter un tel homme,
TABLE ons MATIÈRES
Avertissemen t de l‘
édi teur
1
D escription et occupation du sol. Prem ier dévelop
pemen t de la con stitution
l l
I nstitution s politiques . Le Gragas . L’
A lthingislandais . D escription du site . L
’
A lthing con sidéré
comme assemblée législativ e et politique
111
In stitution s judiciaires . L'
A lthing con sidéré comme
cour de justice . Tableau des mœurs dan s leurs rap
ports avee les in s titution s judiciaires , d‘
après la saga de
N ial. D e la procédure . Juges , qv idrs et témoins .
D es preuves judiciaires . D u duel
APPENDlCE
1
De la pénalité dan s les lois islandaises . D u vehrgeld.
De la pre scription . D e l’
ei
I l
D es formules dan s le droit islandais
Baugé (M a ine—et-L oire) . Imprimerie D ufour .
ANN A LE S
D U MU SEE‘
GU 1M E T
VOLUME S PARUS
TOMEM É LANGE S . Un v olume in -4
, av ec 8 planches
hors texte . 1 5 fr.
B. Guimet . Rapport au M in istre de l'
In struction publique e t de s
Beaux— Arts sur sa m iss ion scien tifl n e en E xtrême—Orien t . L e
Mand ara de Koô—boô—Daï-shi dan s e temple de Teddj i à K ie t o
(Japon ) . H. Biyn ard. Le My the de Vén us . P Chabas . D e
l'
usage des baton s de ma in chez les an cien s Ê(gyp
tren s et ch e zles Hébreux. Bd. Nav ille . Ostracon égyptien u Musée Gu im e t .
B . Lefébn re . L es Races co n n ue s des Egyptien s . Garc inde Tas sy. Tab leau du Kàli—Youg ou Age de fer. P. Reyn au d .
La M é trique de t irata , xv u° chapitre du Nàtya Çastra .
P. Reynaud. Le Pessim isme Brâhman ique . Rev . C. A lw y s s .
Vis ite des Bouddhas dans l’
î le de Lan kâ tradu i t del'
anglais par L . de Milloué . J . Dupuis . oyarze au Yun - n a n
e t ouverture du fleuve Rouge au commerce . Rav . E -J . Bi t e ] .
L e Feng-shout ou Principes de scien ce naturelle en Chin e , tra
duit de l'
anglais par L . de M illoué .— P —L .
-F. Philastre . E xég è s echinoise . Shidda . E xplica t io n de s anciens caracteres san s cri ts ,
traduit du japon ais par Ymaî zcum i et Yamata . Con fére n c een tre la secte S in-are a et la m iss ion scien tifique fran ça i s e ,
traduite du japonais par Ymaîzeumi , Tomii et Yamata .
Répon ses sommaire des prêtres de la secte S in -sion , tradui tes dujaponais par M . A . Tomii . N otes sur les cours de lan gue so n en tales à Lyon .
TOM E I l
M É LANGE S . Un volume ia-4 15 fr.
F. Max Müller. Ancien s textes souscrits découv erte au Ja o n
traduit de l‘
an glais ar L . de M illon é . Y. Yma‘
izeumi . -m i
to-King , ou S ouk avati- v yflha—S oû tra, texte v ieux san scrit
traduit d'
après la v ers ion chin oise de Koumâraj tva. P. Reyn aud.
L a M étrique du Bhârata , t exte san scrit de deux chapi tre s duN àt a-Çastra , publié pour la prem ière fois et suiv i d
'
un e in terré ation fran çaise . Léon Peer. A nalyse du Kandj o»r et duandj our, recueil des liv res sacrés du Tibet, ar AlexandreCsoma de Korea, traduite de l
'
anglais et augmen t e de di versesaddi tion s , remarques et index.
TOM E I ll
TOM E IV
ME LANGE S . Un v olume in -4 , avec 1 1 plancheshors texte . 15 fr.
B . L efébure . L e Puits de Derr—e1—Bahari , n otice sur les de rn ièresdécouv ertes faites en E pte . P. Chabas . Tables à libation s duMusée Guimet . !) I! A Colson . N otice sur un Hercule Phallophore , dieu de la g
énération . P. Reynaud L e Paucha-Tan tra ,ou le grand recuei des fables de l
'
Inde ancrenn e . con sidéré au
poin t de v ue de son origin e , de sa rédaction , de son expan sione t de la littérature a laque lle il a don n é n aissan ce . Rev .
J . Edkins . La Reli ion en Chin e . E xposé des trois religions desChin ois , suiv i d
’
o serv ation s sur l'
é ta t actuel et l'
av en ir de la
pro an
fie
ghrétienn e parmi ce peuple , tradurt de l
'
anglais parL . e i en
TOME V
Léon Peer. Fragmen ts extraits du Kandj our, traduits du tibétain .
Un volume ill - «i
TOM E V I
Ph .-Bd. Ponceux. Le Lalita Vistera , en dév eloppemen t des j eux,
con tenan t l'
histoire du Bouddha Çakya- i lounr depuis sa naissance jusqu
’
à sa prédication , tradui t du san serit en français .
Première partie . Traductron françai se. Un v olume ia —4, av ec
t pæn che s hers texte . 1 5 fr.
TOM E V | |
MÉ LANGE S . Un v olume ia-4 avec 2 plancheshors texte. 20 fr
A . Bourquin . Brahruakarma , on Rites sacrés de s Brahman e s , traduit
pour la prem ière fe rs du san seri t en fran ça is . D harmasindbu,ou Océan des rites rehgreux, par le prêtre Kàshinàtha , premièrearlie , traduit du son .
—crit e t commen té . Version fran çaise parde Milleué . E .
-S .-W. S énathr-Râ
äa . Quelques remarques
sur la secte Çivaïte chez les luden s e l’
I nde méridionale .
Arn ould Locard. Les Coquilles sacrées dan s les région s indoues.
S ir Mutn Coomara—Swamy . D â tbâvan ça , ou histoire de laD en t—Reli ne du Buddha Gautama , 0 ème épique de DhammaKitti. trav uit en fran ça is d
‘
après a v ersi on un laise , parL . de Milleué . J . Gerson da Cunha . Mémoire sur h istoire dela D en t-Belt ne de Ceylan . précédé d
'
un essai sur la v ie et lareligion de en tama Buddha . traduit de l
‘
anglais et annoté arL . de M illoné . P. Raynaud. E tudes phon étiques et morpfielogi nes dan s le domaine des langues inde - européennes et
part en tièremen t en ce qui regarde le sanscrit.
TOM E V I I I
P.-L .
-F, Philastro. Le Yi—King e n liv re des changemen ts d e la
dynastie des Tschcou. traduit pour la première fois du chin o i s e n
fran çais , av ec les commen taires tradi tion n els comple t s d e
T’
shéng—Tsé et Tshou-hi e t des extraits des prin cipaux com m ea
tateurs. Un volume in —6 . 1 5 fr .
TOM E IX
L es Hypogées royaux de Thèbes . par’
M . B. Lefebure . Prem iè rediv isron : L e Tombeau de S éti I °l
'
, nhlié ih - exten so av ec la co llaboration de MM . U . Benriant et Loret , ancien s membre s de
la M ission archéologi ue du Caire , et av ec le concour s de
M . Bd. N av ille . Un v o urn e in — i , av ec 130 plan ches hors t
7
e
5
xt
f
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TOME X
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v olum e in —1 , illustré de dessin s et
de 21 plan ches hors texte . 30 fr .
armu re aux numerous sr aux noanusnrs ana na s n e
L‘
An eazeua. La S tèle de Pa lenqn é , par Ch . Ran .— Ide le s de
l’
Amazon e , par J . Verissime . S culpture de S an ta—Lucia C e s u
malwhuapa (Guatémafa) , par S . Babel , traduit de l'
anglai s par
J . Poin tet . Notice sur les pierres sculptées du Guatem a la .
ac n iece ar le M usée de Berlin , par A . Bastian , tradui t del'
a l eman par J . Pointet .
Ménorass orv ans . L e Shin torsme , sa mythologie , sa mora le , par
M A . Tomii . L es Idées philoswhrques et reli ieuse s des
James , par S .-J Warren ,
tradui t du hollandais par J . eintot .
E tudes sur le mythe de Vriéabha , par L . de M illeué . L e
D ialo ne de Çuka et de Bhamba , par J . Grandjean . La n es
tion es aspirées en san scrit et en
grec, par P. Re au
D eux in scription s phén icienn es ine ites , ar G. lem en t
Gann eau . Le Galet d’
A n tibes , ofl‘
rande pha lique à Aphrodite ,
par B . Bazin .
Mémoraas n’
écv rrô coom . La Tombe d'
un ancien Egy tien , par
V . Loret . L es Quatre races dan s le ciel in férieur des gyptien s ,
Ëar J . Liebleim Un des procédés du dérn iurge égy tien , par
Lefebure Mea , déesse de la vérité , et son r e dan s lePan théon égyptien . par A . Wiedemann .
TOMES Xl ET X I I
La Religion po ulaire des Ch in ois. par J .-J .
-M . de Groet . LesFêtes annuel émeut célébrées à Emeui (Amoy) , mémoire traduitdu hollandais , av ec le concours de l
‘
auteur. par —G. Ghavann€:
Il}ust ati
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par Félix Régamey et hélitrgravnrëb . 2 v olumes . 4,
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D E V U L GA R I S A T ION
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Les Moines égyptien s . 1 . Histo ire de S chnoudi , paf E . Amélinean .
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Histoire des Religion s de l'
Inde . Par L . de Milleué .
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Empire rom ain . C. P. T10 18 . E squisse
du dé v eloppemen t religieux en Grèce. J . Darmostetsr. Le
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Égypte.
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mythologiques des pas torales basques . _G. Clermont -Gann eau.
La _mytho logie icon ographi ne . G. d’
Brchthal. S ur le n om et
le caractère du dieu d’
lsraë Jah veh . Van Hamel . L’
en seigne
m en t de l’
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M . Em ile Guimet . Coin tes rendus . D épouillem en t des
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Bibliographie .
TOM E I l
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J . Welhan sen . Les prêtres et les lév ites chez es ancien sHébreux.
— J Goldziher . L e culte des sain ts chez le s Musulman s .
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extra-in dien (Tibet et n de -Chin e) . Deceurderrian che . Salomonet les oiseaux (légen de N o tice sur le M uséereligieux, fondé à Lyon par M . É mile Guimet . V an Hamel.Aperçu gén éral des principaux phénomèn es religieux.
J . Beoykaas . E tude gén érale des différen tes religion s . Compte srendus . D épouillemen t des périodiques et des travaux desS ocié tés savan tes . Chron ique . Bibliographie .
TOM E
Maurice Vern es . Quel n es observation s sur la place qu’
il con v ien tde faire à l
‘
his toire s e re ligions , aux différen ts degrés de l‘
en sei
gn emen t public . P. Len orman t . Les Bétyles . M ichel N icolas .
gpbard et l
'
Eglise franque au n euv ième siècle . G. Perrot . L are 1gron_égypt1enn e dan s ses rapports av ec l
'
art de l’
Égypte .
C. P.. h ole . La re ligion des Phén icien s d'
après les plus récen tstrav aux. B. Beauvois . La mag ie chez les Finn ois . P. Lenerment . Sol E lagaba lus . A . Bom bé-Leclerc La div inationchez les E trusques . A . Barth . L es religion s e l
'
Inde .—
‘
H . Cord1er. L es religion s de la Chin e (Piété filiale ) . Maurice Vernes .
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.
e M . Pustel de Coulanges . D eceurdeman che . Fragmen ts deli ttérature supersti1ieuse ottoman e . Paul Pierrot . L
'
œ uv re
de Manette-Bey au poin t de v ue des études d
'
his toire re ligieuse .
J . Vinson . E lém en ts my thologiques dan s les pas torales basques .
lemen t des périodiques et des trav aux des S ociétés savan tes.
Chron ique . Bibliographie .
A li) . Rév illo. L '
n ouv el isj.e (Herbert S encer } .J .Halévy. s ras e a code sacerdotah L . Leger . s uis se
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dhism e dan s l'
Inde . J . Rappel . La religion de l’
ancien empirechinois é tudiée au poin t de v ue de l
'
his toire comparée des re li
gion s . Gaston Boissisr . E squisse d’
un e his toire de la reli io n
romaine . E . Beauvois . L a mytho logie scandinave . B crt .
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ti en n e (Vie de Jésus ) . P. Decharme . La religion grecque .
Maurice Vernes . La religion j uiv e an cien ne . Le Pen ta teuq u e
de Lyon et les an cienn es traduction s de la Bible . L es Ca ta
combe s . La politique religie use de Con stan tin .— L e sOrigin e s
de la société musulman e . La Question de l‘
instruction ra ti
g ieuse dan s l‘
en seign emen t secondaire en Hollande . La fo i en
la Rédemptiou et au ltédempteur dan s les principales religion s .
D époui llemen t des périodiques et des travaux des S ociét és
savan tes . Chron ique . Bibliographie.
TOM E V
E . Beauvois . La Magi e cnez les Finn ois (suite) . Mauri ce Verne s .
L es plus ancien s sanctuaires des I sraélites . B . Korn . His to ire
du bouddhisme dan s l‘
in de (suite) . L éon Peer . D e l‘
histoire e t
de l'
éta t présen t des études zoroastrienues ou mazdéen nes , particulièremen t en Fran ce . Michel N icolas . E tudes sur Phi loud
'
A lexandrie . G. Mas sro . Bulletin critique de la religion de
l’
Eg pte an cienn e . A . arth . Bulletin critique des religions de
l’
in e . S . Guyard . Bulle tin critique de la religion as syro—baby lo
n ie iine (Question sumero accadien n e) . Maurice Vernes . Bulle tin
critique de la religion chrétien n e (Sain t Paul) . L a foi en la
Rédemption et au Rédempteur dan s les principales religious (fi n ) .Decourdeman che . La légende d
‘
Adam chez les Musulman s .
D épouillemeut des périodiques e t de s trav aux des S ocié tés sav an
tes . Chron ique . Bibliograplüe .
TOM E V I
A . Kusasn . L’
Islam ofl‘
re—t—il les caractères de l’
un iversalieme reli
gi eux? J . A . Bild. La légen de d
’
E née av an t Virgile .—A l . Rév file .
Con sidération s énérales sur les religion s des peuples n on ci vi
lisés . W. D . %hitney . L e prétendu hén othéœme du Véda .
M aurice Vernon. Les origin es politiques et religieuses de la natio nisraé lite . B Beauvois . La magie chez les Fin nois (fin) .
— Mau_rxceVernes . Bulletin critique de la religion juiv e (Judaïsme ancien ) .
Dewurdsmanche . La légende d‘
Alexandre chez les Musul
man s . L'
histoire des religions en Beicrique . Maur1 ce_Vernes .
M . Paul Bart et l'
en seign emen t de l‘histoire des re ligion s .
A lb . Réville . La religion des E squimaux. Maurice Vernes .
Sm rue en 1875 . Da Pu maigre . La fi lle aux main s coupée s ,
‘
etu e de folk— lors : N ico as . Les origin es de l'
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!S tanislas Guyard ; Richard L epsius ) . Chron ique . D époui l
émeut des périodiques et des trav aux des S ociétés sav an te s .
Bibliographie .
TOM E X I
Gaidoz . L es religion s de la Gran de-Bretagn e . Barth . Bulleti n
des religion s de l‘
inde . Bonet-Maury . Akbar, un in itiateur del‘
étude comparée des religion s et un précurseur de la to léranc e
dan s l’
I nde. Pagnan . Bulletin de l’
I s lam . M on tet . Le s M ission s musulman es eu xxv ° siècle . Reyn aud. Quelques observ ation s sur la méthode en mythologie comparée . Men an t . L e
mythe de Dagon . Lefebure . Les fouilles de M . N a v ille à Pithom. L
’
exodc . L e cana l de la mer Roug e . Leb lais . L a.
dern ière publication de M . D uemichen . L efébure . L e docteu r
L e siue au tombeau de S e ti l er . Laiaye . L’
in troduction du
ou te de S érapis à Rome . Baz in . L e ga le t in scrit d‘
An tibes .
Ofi”
rande phalli us a Aphrodite . M assebiean . Un e n ouv e lle interprétation de a D idaché par M . M én égoz . Lewis de Sylv aPandit . L e bonheur de N irvànà, extrait du M ilindapprashv ay aau Miroir des doctrin es sacrées . Revue des L ivres . Chron ique . D épouillemen t des périodiques et des trav aux de sS ociétés savan tes . Bibliographie .
TOM E X I IGoblet d
’
Alv iella . Les ori in es de l’
idolàtrie . Halevy . E sdra s
a- t—ii promulgué un e oi n ouv elle ? P. Reynaud. S ur le s
phases de la religion v édique , d
'
aprés M . Vérou . M aspero .
a religion égyptienn e d‘
après le s pyram ides de la V 0 et de la
Vi° dyn a stie . J . Rév ille . L e M ithriacism e au i i i° siècle de
l‘
ère chrétien n e P. Reynaud. La mé thode en my thologie com
arée ; La Mayà e t le pouv o ir créateur des div in ités v édiq ue s .
inle . L e Mythe de Kron os . S ébillot . L égen de s chré tien n es
de la Hauæ-Breta n e‘
Abd-A llâh ibn‘
Abd—A llâh ,le Brog
man . Le présen t e l homm e let tre pour réfuter les partisan s
de la Croix. Goblet d'
Alv iella . M . M aurice Vern es et la
m éthode comparativ e dan s l’
histoire des Religion s . Le Musée
Guimet à Pari s . Poucaux Un Mémoire espagnol sur le N ir
vana bouddhique . Reynaud. Les Védas et la Pa léographie .
Rev ue des liv res . Chron iques. D épouillemen t des pério
diques. Bibliographie .
TOME XI I I
Ch . Plaix. Mythologie et Folklorisme ; L es mythes de Kron os et
de Psyché . Bug . de Faye . D e l‘
in fluen ce du démon de S ocrate
sur sa pen sée re ligieuse . P. Reynaud. L’
origi ne du mot:
S aturnus . L . Peer. D e l’
importan ce des actes de la pen sée
dan s le bouddhisme . Imbault—Huart . Ronan - ti, le dieu de la
guerre chez les Chino is . J . Rév ille D e la complexi té des
mythes et des légendes , a propos de récen tes con trov erses sur
la méthode en mythologie comparée . A . Laney . Folklore et
og1 e . a . n em ereur .tu prem i er arucH . Derenbourg . La science des re te ian s e t lîl s la in isms . L Sichler. La Fille aux bras coupés . Carriére L
‘
Hexateuque d’
aprèsM . Kuen ca .
— Revue des L iv res . Chron ique .— Dépouillemen t
des périodiques . Bibliograph ie .
TOM E XIV
A . Rév ille . L’
empereur Julian (fin ) . Letébure. L'
étude de la
re ligion égyptienn e . S on état actuel et ses condition s . Goldziher . L e sacrifice d e la chev e lure chez les Arabes . G. Bot tin .
La croyan ce à l’
immortali té de l‘
âme chez les ancien s irlandais . P. Reynaud. Le sen s primitif des mots latins A uguret Gen ius De Presseuse. La religion chaldea-ass rien ne .
Goblet d'
Alv iella . L es in stitution s ecclésiasti
q£n es dHerbert
Spen cer et l‘
é vo lution du sen timen t religieux. ild. L e pessim ism e moral et religieux chez Homère et li ésiode ram ier article) .Haldvy ._L a code sacerdotal pendan t l
‘
exil . gi . Souriau . Un
merv e i lleux dan s Lucain . Bd. M on tet . La religion et le théâ tre
en Perse .4 L . Peer . Vritra et N amautchi dan s les Mahabhâ
rats . Am61ineau . L e Chris tian isme chez les an cien s Cap tes
(prem ier article ) J . R év illo. L’
Histoire des Religion s ; sa
méthode e t son rôle . D e M illoué. L e se tieme Con rès in tern ational des Orien talistes . S ess ion de ien ne . . S ichler .
Un e dern ière v ersion russe de la Fille aux bras coupés . Rev uedes L iv res . Chron ique . D épouillemen t des pé riodique s .
Bibliographie .
TOM E XV
Sabatier . Une con tribution à l‘
étude du Paulin isme . D e la ues
t ion de l'
origin e du péché , d e rès les lettres de l'
a dire aul.
Bild. L e pessim isme m ars et religieux chez owere e t
Hesiods (2° article) . P. Re gnaud . Un e épithète des dieux dan sle Rig
-Ve‘
da . Am61in eau . Le christian isme chez les ancien s
Coptes (2° article ) . J . M én an t . Les Hétéen s . Un nouveau prob lème de l
'
histoire d’
Orien t . P. Reynaud. L e Bainwv , histoire d
'
un mot e t d'
un e idée . M as era . L e rituel du sacrificefun éraire ; Bulle tin critique de a religion égyptienn e .
G. Lafaye . L es décou v ertes en Grèce au poin t de v ue de l’
his toiredes re ligion s . Maspero. L e L ivre des Morts . Bu lletin critiquede la re ligion égyptien n e . Massebiean . L
'
Apolo é tique deTertullien e t l
‘
Octav ius de M inucius Fé lix. Rev ue es L iv res.Chron ique . D épouillem en t des périodiques . Bibliographie .
TOM E XV I
Bacharme . La déesse Basiléia . H . Derenhaurg. L’
in scription deTabn it , père d
‘
E schmoun’
azar . Lefebure . L‘
œ ul’
dan s la reli
Ëion égyptienn e . Begnaud. L e mot v édique gta . Borat .
inde sur le_D eutéran ome . Compos ition du D eutéran ome.
Lafaye . L es découv ertes en Grèce . Bulletin de 1886 (2° article ) .M aurier . L
’
é tat religieux de la M ingrélie . Bd. Sayaus . LeTaurobo le . Goldziher . Le monothéisme dan s la v ie re ligieuse
des Musulman s . P. Reynaud. L e caractère et l'
origine des
jeux de mots v édiques . Massebieau . L e traité de la v ie cou
rusmcrn ous ou MUS É E own er
templative de Philou et la question des thérapeutes . BonaMaury. La
,
légende d‘
Abgar et de Thaddée et les m issions obrétienn es à Edes se. G. Lafaye . Les découv ertes en italie. Bulletinde 1886 . Bacon rdemanche . La morale reli ieuse chez les Musulman s . Correspondan ce L ettres de M . terman t—Gm neau etde M . Carrière . Rev ue des Liv res . Chron ique . D épouillement des périodiques . Bibliographie .
TOM E XV ! I
Borat . E tudes sur le D eutéranome (2° Compos i tion .
H . L es sources et la date . Mansour. La legen e d’
Achille , d’
aprèsE .
—H . M eyer. P. Reynaud. M . Max Müller et les origin es dela mythologie . Bild. Le pes sim isme moral et religieux chez
Hom ère et Hésiode . J . Ha levy L a re ligion des ancien s Babylon ien s et son plus récen t his torien M . S ayce . Maspero L e sh ypogées royaux de Thèbes . Bulletin critique de la religionégyptien n e (t
° ? article) . J . Loeb . Les coutrov erses religieusesen tre les Chré tien s et les Juifs au moyen âge , en France et en
E spagn e (t°r article ) . Balévy . L e s tra vaux de M . Jérém ias et
de M . Han t sur la religion et la langue des an cien s A ss rien s .
Dacour emauche . La morale re ligieuse chez les Muse man s .
G. Lafaye . Un nouv eau dieu syrien Rome . M a ssebieau .
E n core un mot sur la v ie con templativ e de Philou . Corres
panden es L ettre de M . Lafaye . Revue des L iv res Chron ique . D épouillem en t des périodiques . Bibliographie .
TOM E XV I I I
Maspero . Les hypogée s royaux de Thèbes (2° et dern ière partie) .G. Lafaye . Bulletin archéologique de la re ligion romaine . 1881 .
I . Loeb . Le s con trov erses religieuses en tre les Chrétien s et
le s Juifs au moyen a e en Fran ce et en E spagn e (2° et dern ière
artie ) . P. Paris . .es découv ertes en Grève . Bulletin archéo
lbgique de la re li io n grecque , 18874 888 . Goldz iher. in fluences
chrétienn es dan s a littérature re ligieuse de l‘
I s lam . Masparo .
La mythologie égyptien n e . L es trav aux de MM . Brugsch et
Lanzan e il ! partie ) . Cl . Buart . La re ligion de Bab . E ssai de
réforme de l i slamisme en Perse au mx° siècle . L . Peer. Le
séjour des morts chez les indi en s et selon le s Grecs . Borat .
É tudes sur le D eutéranome (3° article) . L e s sources et la date du
D eutéranome . Dumaut ier. L ég endes et traditions du Tonkin
et de l'
Annam . Barth . Abel Bergaign e . Rev ue des L ivres‘
.
Chron ique . D épouillemen t des périodiques . Biblio
graphie.
TOM E X IX
Maspero. La m balogie égy t ienn e . Les travaux de MM . Brugsch
et L anzan e partie) . Vern es . Quand la Bible a—t—elle été
composée ? a—t—ii , dan s l‘
An cien Te stamen t. des livres ou des
morceaux an térieurs à l’
é oque du second tem le ? Barth .
Bulletin des religion s de 1’
nde . Piepenbring. a religion pri
mitive des Hébreux. Moïse et le Jahv isms . Bd. Montet . D e
PUBL ICATIONS DU MUSEE GUIMET
R eligion s ancien nes de l‘
É gypte . G. Maspero . S tèles fun éraires .
L'
ombre chez les Egyptien s . Félix Robien . Mémoire sur
l‘
économie polit ique . l‘
adm in is tration e t la législa tion de l'
Egypteson s les Lagides . L
‘
immortalité de l'
âme chez les Egyptien s .
B. Lafébura . Le L iv re des Morts. Papyrus de Soutimès .
L e L o tus chez les Egyptien s . J . L eiblein . E tude sur le nom et
le culte prim itif du D ieu hébreu Jahveh . B. N av ille . L es quatres tèles ori en tées du Musée de M arse ille .
Religions anciennes de la Perse et de l‘
A ssyrie. Ardouin du Mazet .L es dangers du
’
roaélytiame musulman dan s l‘
Afrique cen trale .
B . Cordier. L’
s lamisme en Chin e .— Caravan es et èlerinages
de la M ecque au poin t de v ue commercial . Le abisme .
J . Dam astater . Ormuzd e t A rhiman . B. Cartaiihac. L‘
age
de la pierre en A sie .
SOMMAIRE DU TOME I l
Religions ancienn es de l‘
I nde. S ir Coomara- Swamy
. Extraits du
D a thav an ça . Carson da Cunha . In troduction à'
histoire de la
D en t Relique du Bouddha . L it térature des religion s des'
peu
pics de l‘
archi s i des indes Orien tales N éerlandaises . Panditi léké . Ca te agua des Bouddhas qui on t précédé Çdkya—Moum .
A lwys . Visites des Bouddhas à Ceylan . D ! Cnet . L es langues
modern e s de l‘
inde . Da Sylv a . Du N irvana . De Gharancay.
L e mythe de Vatan .
Religions de la Chin e . B . Cordier . Aperçu sur les reli an s de la
C hin e . B. Bi te] . L e Feng- shui . Y. Ymaizoumi . tuda cri
t ique sur Lab— iss u . P. Parny . Pro v erbes dhiuois . P. Lai
iita . Con s idéra tio ns gén érale s s ur l'
en semble de la civ ilisation
chino ise . Y. Ymaiz 0umi . D es croya nces e t des supers tition s
des Ch inois a v an t Con fucius .— J . Du
çis . E xpédition au Tonkin
B, Ayman iar . Texte s khmers . Ymaizoumi . D u culte des
A n cêtres en Chin e san s la dynas tie de'
i‘
chéou . E tude sur le
livre de la Vertu et de la Voie .
Reliqion3 du Japon . L . Matohn ikoii.E tude sur la religion natio
n ale des Japon ais , le culte de s Be an s o n S h in toi sme . Barada.
His torique des dittéren ts caracteres d’
écn tu_ra employés au
Japon . S émitan i . Le mon t S humi . E xplication du mot Rid
Bou . Prière à. Amida Bouddha . Y. Ymaizoumi . D e la re li
gio n Shin toista. Bruant Chautra ._Reia tion s en tre les s istres
bouddhiques e t certain s obj e t—1 _de l'
age de bronze européen ._
D e l‘
usage de s s is tres . S ém1 tan i . N o tice sur la déesse Bén
Z aï— tén . L . M atchn ikoii . D es caractères an cien s au Japon .
E criture I l i/oumi ou du Livre du S o leil ; écriture A na-l ier ; écri
ture I lolsma .
C lô ture du Congrès . Vœ ux émispar le Congrès . Résumé des
Travaux du Congrès . Inauguration du Musée Orien tal de M .
Guimet .
ERNE ST LEROUX, ED ITEUR“28
,s es nomm era
,98
R . D A RE STE , M embre de l'Ins titut
LA S AGA DE N IA L , traduite en fran cais pour la prem iere fo i s .
ln—18
R .—B A N D E R SON
MYTIM I.O(HE S CAN D IN AVE . Légende s des Eddas . Tradu c tio n
de M . .I . Lacuanco. I i i — 18 3 fr. . .u
E . B E A U VOI S
I MAGIE CHE Z LE S FIN NOIS . 2 broch . ñu-8 fr.
L . KN A PPE R'I‘
LA V IE D E S A INT — GA LL et le Pagan isme german ique .
In—8 2 fr.
A . B E R TR A N D , M embre de l'I n stitut
GAULE AVANT LE S GAULOIS ,d
’
après les monumen ts et le s
les textes . N ouv elle édition . I ii — 8, n ombreuses illustra
tion s 10 fr.
C .-E . D E U JFA L VY
LE épopée fin n o ise . Traduite sur l‘
origin a l.
L iv ra ison I ii —8 '2 fr.
J'
L OTH
E S S A I S UR LE VERBE N É O—CE LTIQUE en irlan da is an cien e t
dan s le s dialectes modern es . I i i-8 fr.
O . M ON T E L IU 8
LE S TEMPS Pli É ll lS TORIQL‘
E S en S uède et dan s les autres
pays scandinav es . Traduit par S aconox Rsmscn . ln -8, illustré
de 20 plan ches , 427 figures et un e carte 10 fr.
Baugé (Maine-e t-Loire ) . Imprimerie D atum .