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Prise deparole Agora L’ Acadie des origines sous la direction de James de Finney, Hélène Destrempes et Jean Morency

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L’Acadie, dès ses débuts, a fasciné explorateurs, coloni­sateurs, voyageurs, historiens et écrivains. Ceci s’avère par ti culièrement vrai pour la période précédant le Grand Dérangement.

Cette Acadie souvent mythique et mythifiée s’est trouvée figurée sous diverses formes — que ce soit dans les textes rédigés à l’époque de la Nouvelle­France, dans les œuvres littéraires, depuis le poème Evangeline de Henry Wadsworth Longfellow jusqu’aux œuvres acadiennes contem poraines, ou dans les travaux de nombreux histo riens et essayistes, qui ont cherché à décrire une Acadie tantôt « perdue », selon l’expression de Michel Roy, tantôt « renaissante ». Des auteurs tant acadiens qu’étrangers ont ainsi proposé un ensemble de visions, qui tiennent autant de l’imaginaire que de la réalité.

L’objectif de L’Acadie des origines est d’analyser ces diverses manifestations à la lumière de l’étude des repré sen tations collectives et du processus d’émergence des imaginaires collectifs.

L’ouvrage regroupe des textes écrits par Samuel Arsenault, Monique Boucher, Annette Boudreau, Caroline­Isabelle Caron, Hélène Destrempes, Benoit Doyon­Gosselin, Tania Duclos, François Dumont, James de Finney, Pierre M. Gérin et Jean Morency.

Après avoir enseigné la littérature à l’Université Laurentienne de Sudbury de 1967 à 1969, James de Finney a pour­suivi sa carrière à l’Université de Moncton de 1973 à 2004. Hélène Destrempes et Jean Morency sont tous deux professeurs au département d’études françaises de l’Uni­versité de Moncton. Hélène Destrempes s’intéresse à l’approche interculturelle et aux questions d’identité dans la littérature canadienne­française, tandis que Jean Morency est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse littéraire interculturelle.

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L’Acadie des origines

sous la direction deJames de Finney,

Hélène Destrempes et Jean Morency

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L’Acadie des origines :mythes et figurations

d’un parcours littéraire et historique

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Sous la direction de James de Finney,

Hélène Destrempes et Jean Morency

Essais

collection agoraÉditions Prise de parole

Sudbury 2011

L’Acadie des origines :mythes et figurations

d’un parcours littéraire et historique

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaL’Acadie des origines / sous la direction de James de Finney, Hélène Destrempes et Jean Morency.

978-2-89423-255-2

1. Acadie — Historiographie. 2. Acadie dans la littérature. I. De Finney, James II. Destrempes, Hélène, 1959- III. Morency, Jean, 1960-

FC2049.H57A34 2011 971.6’01 C2011-900795-9

Diffusion au Canada : Dimedia

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de pa role appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contem poraine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (programme Développement des communautés de langue officielle et Fonds du livre du Canada) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

La collection « Agora » publie des études en sciences humaines sur la francophonie, en privilégiant une perspective canadienne.

Remerciements : Nous tenons à remercier les organismes suivants de nous avoir permis de reproduire les cartes qui se trouvent au chapitre 1 : – Bibliothèque et archives nationales du Québec, pour les cartes 1, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 19, ainsi que pour la carte utilisée en page de couverture ; – Musées nationaux du Canada, pour les cartes 2 et 7 ; – Bibliothèque nationale de France, pour la carte 3 ; et – Musée du Nouveau-Brunswick, pour la carte 18.

Conception de la page de couverture et mise en pages : Olivier Lasser

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Imprimé au Canada.

Copyright © Ottawa, 2011Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 978-2-89423-255-2ISBN 978-2-89423-446-4 (Numérique)

Prisedeparole

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IntroductIon

L ’Acadie, depuis ses débuts, a fasciné explorateurs, colonis a teurs, voyageurs, historiens et écrivains. Ceci s’avère particulièrement

vrai pour celle qui précède le Grand Dérangement. On le sait, cette Acadie souvent mythique et mythifiée s’est trouvée figu rée sous des formes diverses dans le discours littéraire et historio-graphique. On n’a qu’à penser aux textes rédigés à l’épo que de la Nouvelle-France, dont les auteurs étaient souvent dans l’obligation de composer avec un monde qui ne cadrait pas en tout point avec leur univers de référence. On peut aussi évoquer les œuvres litté -raires et historiques qui ont tenté de recomposer le paysage acadien d’avant la Déportation, depuis le célèbre poème Evangeline de Henry Wadsworth Longfellow jusqu’aux œuvres littéraires contemporaines, en passant par les travaux de Rameau de Saint-Père et des nombreux historiens qui ont tenté de décrire cette « Acadie perdue » dont a parlé l’essayiste Michel Roy dans un ouvrage percutant. Les auteurs tant acadiens qu’étrangers sont ainsi parvenus à construire des représentations du paysage de l’ancienne Acadie, en en proposant un ensemble de visions qui tiennent autant de l’imaginaire que de la réalité factuelle.

L’objectif de cet ouvrage est de répertorier et d’analyser ces diverses manifestations à la lumière de l’étude des représentations collectives et de la place que ces représentations occupent dans le processus d’émergence des imaginaires collectifs. Cette notion des imaginaires collectifs correspond, selon l’historien Gérard

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Bouchard, à « l’ensemble des repères symboliques qu’une société élabore pour s’inscrire dans le temps et dans l’espace, et qui s’expriment dans des représentations plus ou moins cohérentes — parfois carrément incompatibles — d’elle-même et des autres, dans des reconstitutions de son passé, dans des visions de son avenir » (« Discours de réception à l’Académie des lettres du Québec », Montréal, le 6 novembre 2003).

L’Acadie de l’Autre

Les premiers textes de ce collectif explorent l’invention de l’Acadie à travers les premières représentations étrangères, puis la vision qu’en ont proposée certains voyageurs canadiens-français des 19e et 20e siècles.

Samuel Arsenault esquisse un survol cartographique et topo-nymique de l’Acadie, de 1524 à 1769, dans lequel il illustre à quel point la localisation, les contours et les noms de lieux ont varié au cours de l’histoire, d’abord en raison des aléas de l’explo-ration et des incertitudes concernant les limites du territoire, mais ensuite, et surtout, en raison des nombreux changements de gouver nement.

La construction discursive de l’Acadie est abordée par James de Finney et Tania Duclos, qui montrent bien que les textes français élaborent peu à peu l’image d’une Acadie « arcadienne », un éden ouvert à la colonisation et à la fondation d’une France nouvelle. La Déportation de 1755 ne fera qu’accentuer l’image d’un peuple innocent peuplant ce territoire conçu comme une sorte de paradis terrestre, et ainsi s’élaborent peu à peu des images archétypales qui peupleront longtemps l’imaginaire social et littéraire.

Enfin, Hélène Destrempes montre qu’à l’époque où le Canada français renoue des liens avec une Acadie oubliée à la suite du Grand Dérangement, les auteurs hésitent entre deux stratégies de représentation : la première privilégiant les notions de progrès et d’urbanisation — l’Acadie moderne que représente alors la ville de Moncton, l’autre tendant à occulter les milieux urbains au

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profit des paysages bucoliques et des lieux de mémoire liés au récit my thique de Longfellow.

Une société qui vit ses origines

Les auteures de cette section se tournent davantage vers les pra-tiques socioculturelles en Acadie. Elles examinent la façon dont se mani feste la préoccupation des origines à travers trois phénomènes caractéristiques de la société acadienne : les associations de familles, les recherches généalogiques et les débats sur la langue.

Annette Boudreau, linguiste, compare trois parlers — l’acadien traditionnel, l’« acadjonne » de la Nouvelle-Écosse et le « chiac » de la région de Moncton —, dans l’optique du débat sur leur authenticité linguistique et historique. Les deux premiers parlers tirent leur légitimité de traits hérités des premiers colons. Mais, soutient l’auteure, le « chiac », bien qu’il s’agisse d’un mélange plus récent de français, d’anglais et d’acadien traditionnel, « pourrait également se réclamer des origines ».

L’historienne Caroline-Isabelle Caron, pour sa part, examine la croissance fulgurante d’une des nombreuses associations de familles acadiennes, celle des Forest, qui a des adeptes dans toute l’Amérique du Nord. Elle montre à quel point le mythe de l’Acadie-Arcadie et le culte des ancêtres sont encore vivants, non seulement au sein de la diaspora acadienne, mais même chez des non-Acadiens qui, sous prétexte d’appartenir à une branche lointaine de cette famille, y cherchent une sorte de légitimité généalogique.

Construction et déconstruction du mythe des origines

Les textes qui suivent, qui traitent de littérature, d’histoire et de ques tions idéologiques, sont disposés de manière à montrer que, depuis les débuts du 20e siècle, les auteurs acadiens sont passés d’une vision collective et monolithique de l’Acadie à des perspec-tives plus subjectives et plus diversifiées.

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Pierre M. Gérin décrit la construction fort complexe d’une figure fondatrice, celle de Daniel Auger de Subercase, héros d’une pièce de théâtre du père Alexandre Braud. Dans la version de 1902, ce qui était en réalité un échec — Subercase, dernier gouverneur de l’Acadie française, dut se rendre aux forces anglo-américaines — est transformé en acte de courage militaire. Mais, 34 années plus tard, dans une nouvelle version de la pièce, l’attention du dramaturge est accaparée par la figure du prêtre et le clergé est présenté comme la véritable source de la survie de l’Acadie.

Aux yeux de François Dumont, L’Acadie perdue (1975), de Michel Roy, est un texte-clé du mouvement de contestation des années 1970 qui s’en est pris aux thèses clérico-nationalistes de la Renaissance acadienne. Mais, au-delà de la force émotive et des arguments de l’auteur, Dumont attribue l’originalité de l’essai de Roy au fait qu’il adopte une pratique complexe du genre de l’essai, à la fois de nature historiographique, polémique et introspective, une forme d’écriture qui constitue une réponse à l’orientation idéologique de l’historiographie acadienne tradi-tionnelle.

Avec les textes de Jean Morency et Benoît Doyon-Gosselin, on aborde le volet littéraire de cette contestation. Morency oppose la vision romancée d’une reconquête de l’Acadie perdue, imaginée par l’abbé Lionel Groulx dans Au Cap Blomidon (1932), à celle de la romancière acadienne France Daigle, dont l’œuvre est caracté-risée « par une esthétique totalement dégagée du politique et du reli gieux ». Pas pire (1999) et Petites difficultés d’existence (2002), notam ment, déconstruisent les visions imaginaires traditionnelles sur le mode de l’ironie et du scepticisme.

Doyon-Gosselin propose une nouvelle lecture du parcours du poète Serge Patrice Thibodeau. Dans ses premiers recueils, le concept d’origine de l’Acadie s’oppose au concept d’origine de l’acte créateur dans la mesure où la conscience esthétique du poète semble écrire en marge de la conscience historique de l’homme. Mais Nous, l’étranger, publié en 1995, marque un revirement significatif : Doyon-Gosselin y décèle une réconciliation des

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consciences historique et esthétique du poète, en partant d’une réflexion sur le titre du recueil et en suivant la piste de lecture suggérée par l’utilisation des pronoms personnels « je », « tu » et « nous ».

Au-delà de l’Acadie

Enfin, Monique Boucher élargit ce débat en cherchant à expli-quer pourquoi le mythe fondateur acadien, centré sur la triple idée de l’exil, du retour et de la reconstruction, tout comme les textes littéraires publiés dans les journaux de la fin du 19e siècle, accordent une si large part à la mort alors même qu’on proclame l’avènement d’une Renaissance acadienne. Mort et vie, explique-t-elle, sont indissociables, l’une étant nécessaire pour valoriser l’autre, comme dans tous les grands récits fon-dateurs. Ce qui explique, d’une autre façon, l’universalité de la thématique de l’Acadie des origines et la persistance des représentations traditionnelles jusque dans la conscience des générations récentes.

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L’AcAdIe : un toponyme à usAges muLtIpLes1

1524–1769

samuel arsenaultUniversité de Moncton

En même temps qu’elle a été décrite par les explorateurs et les voyageurs, l’Acadie a fait l’objet de nombreuses représentations

cartographiques. Suivre l’évolution toponymique et cartographique de l’Acadie depuis le 16e siècle n’est pas une entreprise de tout repos. Dès le départ, le toponyme Acadie est placé sous le signe du mythe : l’explorateur Giovanni da Verrazano, dans le rapport qu’il adresse à François 1er en 1524, parle de régions de la côte américaine « que nous baptisames Arcadie, vu la beauté de leurs arbres » (Morley, s.d.). Verrazano, explique par ailleurs Clarence d’Entremont, devait avoir encore en tête la récente publication en 1502 d’un poème grec, « L’Arcadia » (1989). Mais le toponyme Arcadie, qui désigne alors la Virginie, migre progressivement vers le nord, subissant plusieurs variations, passant d’Arcadie à Larcadia et à Cadie avant de trouver sa forme actuelle. À ce flou toponymique, il faut ajouter les transformations géopolitiques que subira la petite colonie. Coincée entre deux voisins puissants,

1 Nous avons utilisé surtout la banque de cartes historiques qui se trouve dans le site Internet de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Chaque carte de BAnQ est suivie de sa cote CAR et / ou de celle du Catalogue Iris. Les autres cartes sont suivies des références appropriées.

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la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre, l’Acadie sera toujours une zone de friction et un pion dans les affrontements entre la France et l’Angleterre. Jusqu’au début du 18e siècle, l’Acadie change plusieurs fois de mains et sert de monnaie d’échange aux puissances impériales. C’est un territoire aux frontières contestées, qui fluctuent au gré de nombreux traités : Saint-Germain-en-Laye (1632), Bréda (1667), Ryswick (1697), Utrecht (1713). La signature de ce dernier traité cède définitivement la colonie acadienne à la Grande-Bretagne ; l’Acadie se retrouve alors sans frontières poli-tiques ou juridiques reconnues internationalement.

Ce voyage à travers les cartes géographiques et les variations toponymiques de l’Acadie entre 1524 et 1769 sera présenté en cinq temps : l’Acadie imaginée, 1524-1569 ; l’Acadie souriquoise, 1609-1662 ; l’Acadie / Gaspésie, 1703-1719 ; l’Acadie New Scotland, 1723-1760 ; et l’Acadie effacée, 1769.

1. L’Acadie imaginée ou à usage mythique

L’exploration et la description de la côte nord-américaine faites par Giovanni da Verrazano en 1524 furent cartographiées par son frère en 1529. La carte identifie plusieurs lieux entre le nord de la Floride et la côte de Terre-Neuve. Bien que cette carte ne comporte pas le toponyme Acadie, le rapport de l’expédition identifie clairement une Acadie correspondant à la Caroline du Nord. L’un des toponymes les plus importants sur cette carte et qui existe toujours dans les Maritimes d’aujourd’hui est le Cap Breton, qui identifie probablement Cape Canso ou Cape North.

La recherche des voies de pénétration vers l’Asie est une des principales préoccupations des explorateurs vers le milieu du 16e siècle. Cette recherche aura comme résultat une connaissance de plus en plus précise des tracés des côtes des provinces mari-times. La carte de Jean Rotz fait découvrir les îles du golfe du Saint-Laurent, tandis que celle de Diago Homen montre une baie de Fundy avec une précision jusqu’alors inégalée. Enfin, la première carte imprimée de Gerard Mercator nomme le golfe du Saint-Laurent pour la première fois.

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Carte 1 - 1556 : Terra de Norumbega

Le toponyme Norumbega est utilisé ici pour désigner les Maritimes ; on croit qu’il s’agit d’une déformation de orambega, qui veut dire « partie tranquille d’une rivière entre deux rapides » telle que présentée sur la carte de Verrazano. À noter, la « route de la morue », qu’on trouve également sur la carte de Jean Rotz. Les détroits de Canso et Port Réal y sont aussi clairement identifiés.Source : La Nuova Francia / [G. Gastaldi ; G. B. Ramusio], 1556. Catalogue Iris : 0003342798

Carte 2 – 1566 : Larcadia (détail)

En 1566, le Vénitien Bolognino Zaltieri publie une version modi-fiée de la carte de Paolo Forlani imprimée l’année précédente. Le to ponyme Larcadia se retrouve autour de l’emplacement de l’État du New Jersey. Le Lago pourrait bien être le lac George, avec une rivière qui est probablement la rivière Hudson. C’est la première

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fois que l’Acadie (Arcadia) est présentée et localisée sur une carte géographique.Source : Bolognino Zaltieri, Il Disegno del discoperto della nova Franza, [cartographic material] ilquale s’è havuto ulti, mamente dalla novissima navigatione dè Franzesi in quel luogo, nel quale sivedono tutte l’Isole, Porti, Capi, et luoghi fraterra chein quella sono / d’après une carte de Paolo Forlani, 1566. H3/1000/1566//NMC 6577

Carte 3 – 1601 : Levasseur

Guillaume Levasseur confirme en 1601 l’existence du topo nyme Coste de Cadie, qu’il situe dans la région Maine / Nouveau-Brunswick. On voit également sur cette carte la « grande route du Canada », le fleuve Saint-Laurent, et un estuaire parsemé d’îles

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orienté Nord-Sud qui pourrait être la baie de Fundy. Cet accès apparent vers le fleuve dans une zone sans banquises explique peut-être le choix de l’établissement de De Monts à l’île Sainte-Croix trois ans plus tard.Source : Guillaume Levasseur, Carte de l’océan atlantique, 1601. GE SH ARCH-5, 1601.

2. L’Acadie souriquoise ou à usage ambivalent

Carte 4 – 1609 : Lescarbot

Marc Lescarbot, écrivain et poète, publie en 1612 une carte de la « grande péninsule » où apparaissent clairement les rivières Sainte-Croix et Saint-Jean ainsi que le poste de Port-Royal. Entre les rivières Kennebec et Sainte-Croix, la nation des Etchemins est traversée par la rivière Norumbego, aujourd’hui Penobscot. La péninsule de la Nouvelle-Écosse abrite la nation des Souriquois, tandis que Bacallos et Canada identifient respectivement le Cap-Breton et la Gaspésie. Par contre, il est impossible d’y trouver les toponymes Acadia, Arcadie ou Acadie.Source : Marc Lescarbot, Figvre de la Terre Nevve, Grande Rivière de Canada, et côtes de l’Océan en la Nouvelle France. Dans : Histoire de la Nouvelle-France ..., 2e éd., Paris : Jean Millot, 1612. (Éditeur : [Paris : s.n]). Catalogue Iris : 0002663505

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Cartes 5 et 6 – 1613/1632 : Champlain

Samuel de Champlain, « géographe du Roy », décrit et cartographie les côtes, les havres et les îles des Maritimes. Cependant, comme chez Marc Lescarbot, il est difficile de trouver sur ses cartes le toponyme Acadie. Alors que l’Acadie figure sur une carte de 1613 (« Acadye »), elle est absente de ses deux cartes les plus connues,

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celle de 1612 et celle de 1632. Elle est également absente d’une carte de 1616, restée inachevée, mais dont Pierre DuVal publie des versions en 1664, 1669 et 1677 en y ajoutant le toponyme Accadie. Il faut dire que Champlain s’intéresse davantage au bassin du fleuve Saint-Laurent après avoir fondé Québec en 1608. Il semble préférer utiliser « Souriquois » pour désigner l’Acadie. L’île Saint-Jean est identifiée pour la première fois sur la carte de 1632.Source : Samuel de Champlain, Carte géographique de la Nouvelle France en son vray moricha, 1613. Catalogue Iris : 0002663502

Source : Samuel de Champlain, Carte de la Nouvelle France augmentée depuis la dernière, servant à la navigation, 1632. Source : G 3400 1632 C43 CAR//Catalogue Iris : 0002663988

Carte 7 – 1625 : W. Alexander

Seize ans après la fondation de Port-Royal, en 1621, le roi James 1er d’Angleterre accorde le fief féodal de New Scotland à William Alexander d’Écosse. La carte de 1625 élimine les toponymes français.

L’Acadie, encore très peu peuplée, disparaît et devient New Scotland, dont les limites élargies incluent toutes les Maritimes avec la Gaspésie et les îles du « Golfe du Canada ». La baie

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française devient Argals Bay, la nation des Souriquois la pro-vince de Caledonia, et le nord du New Scotland la province d’Alexandria.Source : Sir William Alexander, Earl of Stirling, An untitled and unsigned map of NE America which contains the names of 20 patentees among whom the country was divided by the Council of New England, 29 June 1623 and which was published in Alexander’s : An Encouragement to Colonies, 1624. NMC 15589//Cote : H3/900/[1623](1624).

Carte 8 – 1662 : Blaeu

Plusieurs cartes des Maritimes seront publiées vers 1660. Celle de Joan Blaeu, qui reprend comme d’autres les tracés des cartes antérieures, ressemble à celle de Champlain de 1632. Exception faite de « Acadie », la toponymie française d’avant 1625 revient sur la carte de Blaeu. La largeur de la rivière Sainte-Croix y est exa gérée et la rivière Saint-Jean coule du nord-est plutôt que du nord-ouest.Source : Joan Blaeu, Extrema Americae, versus boream, ubi Terra Nova, Nova Francia, adjacentiaque, [1663]. G 3400 1667 B5 CAR//Catalogue Iris : 0002663039.

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tAbLe des mAtIères

IntroductIon .............................................................................................................005

L’AcAdIe : un toponyme à usAges muLtIpLes – 1524-1769 .................................011Samuel Arsenault

rhétorIques et rêverIe des orIgInes : de Marc Lescarbot à raMeau de saint-Père....029James de Finney et Tania Duclos

mémoIre des orIgInes et Aventures mArItImes : un regard des essayistes canadiens-français sur Moncton et L’acadie (1873-1924) ..........045Hélène Destrempes

L’AcAdIe dAns LA tête : rePrésentations généaLogiques de L’acadie ancienne au québec ........057Caroline-Isabelle Caron

LA nomInAtIon du frAnçAIs en AcAdIe : Parcours et enjeux .....................................071Annette Boudreau

IntroductIon, créAtIon et vArIAtIons d’un mythe fondAteur AcAdIen, subercAse .........................................................................................095Pierre M. Gérin

de LIoneL grouLx à frAnce dAIgLe : usages utoPiques et ironiques de La reconquête ..... 111Jean Morency

LIttérAture et hIstoIre dAns L’AcAdie perdue ..................................................123François Dumont

LA poésIe des orIgInes dAns Nous, L’étrANger de serge pAtrIce thIbodeAu : sous Le signe de La réconciLiation de soi ........................................................................133Benoit Doyon-Gosselin

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170 l ’ a c a d i e d e s o r i g i n e s

exIL et exode : L’iMaginaire des origines ou origines de L’iMaginaire ? ...................................143Monique Boucher

bIbLIogrAphIe ...........................................................................................................155

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Achevé d’imprimeren juillet deux mille onze sur les presses

de l’imprimerie Gauvin, Gatineau (Québec).

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L’Acadie, dès ses débuts, a fasciné explorateurs, coloni­sateurs, voyageurs, historiens et écrivains. Ceci s’avère par ti culièrement vrai pour la période précédant le Grand Dérangement.

Cette Acadie souvent mythique et mythifiée s’est trouvée figurée sous diverses formes — que ce soit dans les textes rédigés à l’époque de la Nouvelle­France, dans les œuvres littéraires, depuis le poème Evangeline de Henry Wadsworth Longfellow jusqu’aux œuvres acadiennes contem poraines, ou dans les travaux de nombreux histo riens et essayistes, qui ont cherché à décrire une Acadie tantôt « perdue », selon l’expression de Michel Roy, tantôt « renaissante ». Des auteurs tant acadiens qu’étrangers ont ainsi proposé un ensemble de visions, qui tiennent autant de l’imaginaire que de la réalité.

L’objectif de L’Acadie des origines est d’analyser ces diverses manifestations à la lumière de l’étude des repré sen tations collectives et du processus d’émergence des imaginaires collectifs.

L’ouvrage regroupe des textes écrits par Samuel Arsenault, Monique Boucher, Annette Boudreau, Caroline­Isabelle Caron, Hélène Destrempes, Benoit Doyon­Gosselin, Tania Duclos, François Dumont, James de Finney, Pierre M. Gérin et Jean Morency.

Après avoir enseigné la littérature à l’Université Laurentienne de Sudbury de 1967 à 1969, James de Finney a pour­suivi sa carrière à l’Université de Moncton de 1973 à 2004. Hélène Destrempes et Jean Morency sont tous deux professeurs au département d’études françaises de l’Uni­versité de Moncton. Hélène Destrempes s’intéresse à l’approche interculturelle et aux questions d’identité dans la littérature canadienne­française, tandis que Jean Morency est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse littéraire interculturelle.

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L’Acadie des origines

sous la direction deJames de Finney,

Hélène Destrempes et Jean Morency

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