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Le ciment, Alain matériau de construction Desdevises Histoire et développement
Ci-contre : cimenterie Lambert Frères à Cormeilles-en-Parisis en 1951. Cl. Cem.
Ci-dessus : Louis Vicat (1786-1861).
RAPPELS HISTORIQUES Dès les premiers âges, pour leurs constructions d'habita
tions, de palais, de ponts , de monument s , les hommes furent
fascinés par la résistance et, très généralement, par les capacités
mécaniques des pierres naturelles. Mais, hormis quelques cas
prestigieux et finalement de taille modeste, comme les obélisques
égyptiens, il était évidemment impossible de tailler dans la roche
l'ouvrage définitif, sauf pour les constructions troglodytes limi
tées aux seules régions s'y prêtant. Il était donc indispensable
d'assembler entre eux les éléments de pierre taillés préalablement.
Bien entendu, cet assemblage fut parfois réalisé avec des
éléments s 'adaptant entre eux, à sec, sur des entailles, des clavettes,
mais la pratique la plus courante pour transmettre les efforts fut
celle de liants souples entre éléments, durcissant dans le temps à
l'air ou par évaporation. O n connaît l 'emploi du b i tume ^ de la
terre ; mais, très vite, on utilisa de la chaux obtenue par cuisson de
roches calcaires, éteinte dans l'eau. Il apparut rapidement qu'elle
durcissait à l'air, et elle fut donc appelée « chaux aérienne ». O n
sait maintenant qu'elle se carbonatait dans l'air, lequel contenait
déjà du gaz carbonique. Les constructions réalisées dans ces
conditions ne travaillaient pra t iquement qu 'à la compression
(murs porteurs, piles de ponts , ponts en a r c . )
La chaux, largement employée avant l'ère chrétienne, avait
donné lieu à de nombreuses observations des techniciens de
l 'époque. Ainsi, les Romains avaient constaté qu 'en la mélangeant
avec des roches volcaniques 2 trouvées à Pouzzoles, près du Vésuve,
le matériau obtenu était plus résistant, durcissait sous l'eau et avait
une grande durabilité. Certains ouvrages sont encore debout . O n
avait également constaté que certains calcaires souillés d' impuretés
souvent argileuses conduisaient paradoxalement, après cuisson, à
des liants meilleurs que ceux obtenus avec des calcaires purs. Les
chaux impures étaient qualifiées de « maigres ».
Louis Vicat, ingénieur des Ponts et Chaussées fut intrigué
par ces faits. Pendant quelques années, il étudia les mélanges de
calcaire et d'argile en faisant comme ses contemporains l'analyse
des matières contenues dans les liants hydrauliques naturels, mais
il n 'en resta pas là : il fit la synthèse de ces matières, et, reconsti
tuant artificiellement un liant hydraulique, il élabora en 1 8 1 7 une
véritable théorie de l 'hydraulicité. Louis Vicat ne prit pas de
brevet. Il utilisa la chaux artificielle hydraulique - aujourd'hui
appelée ciment artificiel - qu'il venait d'inventer pour réaliser le
pon t en maçonnerie de Souillac, dans le Lot. Le nouveau liant
servait à lier les pierres entre elles. Il fit un rapport à l 'ingénieur
général Louis Bruyère, secrétaire du conseil général des Ponts et
Chaussées, qui comprit instantanément l ' immense intérêt de
cette découverte, concrétisée par un véritable ouvrage, et due à
l'intelligence et au courage d 'un h o m m e . Dès 1818, l 'application
industrielle commençait . Maurice de Saint-Léger, dans son usine,
utilisait de la craie de M e u d o n . Par ailleurs, Joseph Aspdin, en
Grande-Bretagne, étudiait les mêmes problèmes et prit un brevet
en 1824 en créant le m o t de « ciment Port land ». Les usines
suivaient : en 1830 Pavin de Lafarge au Teil, en 1846 Demarle à
Boulogne. Les emplois industriels se multipliaient, comme ceux
du canal de Suez. Parallèlement, on exploita des gisements
naturels contenant les proportions convenables de calcaire (± 80 %)
et d'argile ( ± 2 0 % ) , tels que le ciment naturel de Vassy-sur-
Marne . Henry Le Chatelier, de son côté, posait les études de base
sur l 'hydratation et le durcissement du ciment qui devenait ainsi
l'objet de travaux scientifiques. Les matériels industriels de fabri
cation du ciment se développaient également, comme on le verra
plus loin.
LE BÉTON
Bien entendu, de même que la chaux, le ciment entra
immédiatement comme composant de base (liant) dans la fa
brication des mortiers de hourdage pour des maçonneries de
pierres ou de briques. Mais, très rapidement, on eut l'idée
d'utiliser ce mortier avec peut-être des granulats plus gros, comme
un véritable mélange prêt au coulage, se suffisant à lui-même,
pour réaliser des objets moulés, préfabriqués ou coulés sur place.
Le béton révéla très vite ses qualités en compression. Mais
on constata aussi que ses caractéristiques en traction étaient très
médiocres. Or , utilisé seul, il était nécessaire, pour étendre son
champ d'application, de lui conférer des résistance en traction.
O n eut donc l'idée d'ajouter des armatures d'acier dans les parties
tendues. Cette invention due à Lambot (1848) et à Monier
(1849) fut suivie des expériences pratiques et des travaux théori
ques de conception - calcul du béton armé de Coignet, Considère,
Hennebique , Levy, Lorieux, Mesnager, Rabut, Resal... O n en
connaît les premiers emplois : une terrasse en 1852, un réservoir
à Bougival en 1971, l 'aqueduc d'Achères en 1893, la conduite de
Bonna en 1893, le pon t de chemin de fer réalisé par Hennebique
en 1894, un immeuble en 1900. Finalement, en 1906, les bases
du calcul étaient codifiées par une circulaire de 1934, des BA 45 ,
BA 60, BA 68, BAEL 83 , BAEL 9 1 .
Autour de 1920, l 'emploi de la vibration assura la compacité
du béton dans tous les ouvrages. En 1927-1929, Freyssinet
imagina le béton précontraint et toute la technologie l 'accompagant
pour contrebattre d 'une autre façon la faible résistance à la
traction du béton. Vers 1930, les entraîneurs d'air permirent
d 'augmenter, voire d 'obtenir dans tous les cas, la résistance au gel.
Et, comme le ciment, le béton devenait lui aussi l'objet de
nombreuses études scientifiques. O n citera les noms célèbres de
Feret, Bolomey, Caquot , Faury et combien d'autres.
L'INDUSTRIE DU CIMENT : DÉVELOPPEMENT
Immédia tement après l ' invention de Vicat en 1817, le
développement industriel démarra avec la création des fours 3
puis des broyeurs. Citons quelques dates :
- 1818 : première usine
- 1830 : Pavin de Lafarge au Teil
- 1842 : ciment de Vassy
- 1846 : Demarle à Boulogne
- 1870 : four annulaire de Hoffmann
- 1885 : four rotatif de Ransome et C rampton ( 0 : 2 m ;
longueur : 35 m)
- 1892 : broyeur.
O n constate aussi des perfectionnements dans les voies de
fabrication humide , semi-sèche, sèche (voir encadré), et, enfin,
dans les moyens d'ensachage et de transport.
Parallèlement, de nouveaux ciments (alumineux 4 , blanc,
prompt) se mettaient au point en même temps que se dévelop
paient les connaissances scientifiques et techniques.
L'industrie moderne du ciment
La croissance du ciment en France est révélatrice de ses
emplois. Citons quelques chiffres de product ion :
- 1880 : 100 000 t
- 1920 : 800 000 t
- 1938 : 3 800 000 t
- 1 9 5 0 : 7 400 000 t
- 1965 : 20 000 000 t
- 1975 : 33 000 000 t (début de la crise économique)
- 1991 : 2 5 000 000 t
La quantité fabriquée dans le monde dépasse le milliard de
tonnes... Cette croissance est justifiée par toute une série de progrès
industriels permettant aux ouvrages en béton hydraulique d'être
toujours compétitifs avec les autres matériaux de construction.
Ces progrès portent : sur les moyens techniques de fabrica
tion du ciment (usine, process, etc.) ; sur les ciments, de mieux en
mieux définis, fiables et adaptés à leurs emplois ; par conséquent
sur les emplois du ciment dans les bétons et mortiers ; sur les
ouvrages de bât iment et de génie civil de plus en plus importants
et satisfaisants à tous points de vue (dont celui de l 'environne
ment) . Il va de soi que ces progrès n 'on t pu se faire que moyennant
des recherches scientifiques et techniques dans tous les domaines,
et en particulier dans celui du ciment lui-même, auxquelles la
profession cimentière a très largement contribué.
PROGRÈS ACTUELS DANS LA PRODUCTION DU CIMENT Economie d'énergie
L'énergie est un élément essentiel du prix de revient du
ciment, et on sait que, dans les cimenteries d'avant 1960, il était
consommé plus de 1 000 thermies par tonne de liant et même
1 200 par tonne de clinker, soit autour de 1 /10 au moins du poids
de clinker en fuel. Au coût actuel, cette énergie représenterait
presque 40 % du prix de revient.
L'industrie cimentière a donc consacré, en particulier de
puis la crise du pétrole de 1974, tous ses efforts à la réduction des
STOCKAGE CLINKER
ARGILE
3 * PALETTISATION
SCHÉMA DE FABRICATION DU CIMENT PAR VOIE SÈCHE
Le ciment est le résultat du broyage fin du clinker obtenu
par réaction à chaud (145(P C) d'un mélange de calcaire (80 %)
et d'argile (20 %). On peut décrire les diverses étapes de sa
fabrication :
1) Extraction des carrières de calcaire et d'argile. Le
mélange (80% - 20%) est concassé et stocké. Vérification des
proportions. C'est le « cru ».
2) Ce mélange stocké est homogénéisé :
- soit en présence d'eau (30 - 45 %) pour la voie humide
ou le mélange eau-cru est brassé lentement dans des cuves. L'eau
de ce mélange peut être extraite dans des filtres-presse et ramenée
à 18-20 % (voie semi-humide). Il est alors granulé en boulettes
ou cylindres ;
- soit broyé et séché directement dans un « broyeur à cru »
où il est déshydraté et homogénéisé : c'est la voie sèche ;
- la poudre sèche peut être agglomérée en boulettes ou
granules avec 10 à 15 % d'eau (voie semi-sèche).
3) Le mélange homogène (poudre ou granule) est introduit
dans des cyclones ou une grille où il est séché et éventuellement
décarbonaté.
4) Passant ensuite dans le four, la décarbonatation est
achevée et la clinkérisation (réaction chimique chaux-argile)
effectuée à 145CP C.
5) Le clinker obtenu (boulette de l'ordre du cm) est broyé
plus ou moins finement dans un « broyeur à clinker ». Divers
ajouts et additions peuvent être effectués pour améliorer les
propriétés du ciment : par exemple, régulariser la prise avec du
6) Le ciment obtenu est alors expédié en sac ou en vrac.
dépenses énergétiques :
a) Extension des productions par voie sèche, les voies semi-
humide ou semi-sèche n 'étant conservées que dans le cas où
l 'humidité naturelle du cru l 'impose. O n économise ainsi l'éner
gie utilisée pour l 'évaporation de l'eau.
b) Récupération maximale de la chaleur du four. Tous les
gaz chauds sont systématiquement réutilisés. O n citera dans
l 'ordre de product ion :
- broyeurs à cru : ils sont alimentés par les gaz à 350° C
ayant traversé les cyclones ;
- cyclones : ils sont alimentés par les fumées du four ;
- précalcination : ce dispositif de généralisation récente
(une dizaine d'années) est situé en amon t matière du four (entre
les cyclones et le four). Il est alimenté par les gaz du four et un
brûleur spécifique recevant comme comburant l'air chaud de
refroidissement du clinker. La préca lc ina t ion réalise une
décarbonatation quasi totale du cru ;
- c l inké r i sa t ion : le four r ecevan t la m a t i è r e déjà
décarbonatée est plus court, et offre donc moins de surface de
déperdition ;
- amélioration des rendements thermiques de combust ion
par divers moyens, isolation thermique renforcée, etc.
c) Introduct ion d'ajouts sans cuisson (cendres volantes,
fillers, laitier, pouzzolanes) : les ajouts, qui améliorent souvent
certaines propriétés du ciment et du béton, sont obtenus sans
cuisson. Les qualités du ciment sont conservées par un broyage
plus fin du clinker.
Ci-dessus : schéma de fabrication du ciment par voie sèche.
Les courbes ci-dessous illustrent ces énormes progrès qui
approchent 35 % tant sur le clinker que sur le liant définitif.
Adaptation aux divers combustibles
Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les cimente
ries employaient du charbon comme source de chaleur. Par la
suite, du fait de l 'abondance des gisements, c'est le fuel qui devint
prépondérant , et il l'était en 1974 quand survint la crise pétrolière.
Les cimenteries se reconvertirent alors au charbon et produits
analogues (coke de pétrole). Plus d 'un milliard de francs ont été
investis dans ces transformations.
Plus généralement, les sociétés cimentières sont désormais
polycombustibles. En effet, de nouveaux produits sont apparus,
comme les fuels extra-lourds, les huiles de vidange, les sous-
produits industriels combustibles, les pneus usagés. Ces produits,
au lieu d'être rejetés dans la nature ou stockés à vie, peuvent
souvent être utilisés comme combustibles. L'industrie cimentière
contribue ainsi à l'utilisation de produits qui auraient été rejetés.
Amélioration des matériels
Les matériels utilisés font l'objet d'études permanentes. Le
broyage, par exemple, est effectué à partir du clinker à 100° C. Les
broyeurs ont des cylindres chargés de boulets métalliques mais
parfois aussi céramiques. Au broyage, sont introduits divers ajouts
tels que le gypse, mais on y met aussi des « agents de mouture ».
On utilise aussi des broyeurs où les boulets sont remplacés par
des « rouleaux », et que l'on appelle donc « presses à rouleaux ».
Le contrôle du broyage permet d 'obtenir exactement les
finesses désirées qui peuvent aller de 2 500 à 10 000 cm 2 /g .
Ensachage et expédition : l 'automatisation de ces étapes de
fabrication est totale.
Conduite automatique
Bien entendu, toutes les opérations en cimenterie sont
conduites à partir d 'une salle de contrôle centralisée où sont
regroupés tous les organes de conduite et de surveillance de tous
les équipements. Les analyses automatiques, connectées à des
systèmes experts, permettent de conduire exactement toutes les
phases de la fabrication, de la composit ion des mélanges du cru à
l 'expédition.
Des voyants lumineux signalent l'état de chaque appareil
sur un schéma synoptique général, et des écrans de télévision
permettent de visualiser les points névralgiques.
Recherche : progrès
A tous les stades, des contrôles au cœur de la matière
Les équipements les plus sophistiqués permettent de véri
fier constamment la qualité des produits fabriqués. Spectromètre
de fluorescence X, absorpt ion a tomique , chromatographe ,
granulomètre à laser, tests automatiques sur éprouvettes permet
tent de s'assurer tout au long du processus que les caractéristiques
du cru, puis celles du clinker, sont conformes aux normes exigées.
Chaque usine dispose d 'un important laboratoire chargé de
ces fonctions d'analyse et de contrôle.
C I M E N T E R I E S F R A N Ç A I S E S - É V O L U T I O N D E LA C O N S O M M A T I O N S P É C I F I Q U E
th / t
1 2 0 0
1 1 0 0
1 0 0 0
9 0 0
8 0 0
7 0 0
En thermies par tonnes de clinker
A n n é e s
1 9 6 8 7 0
Recherche et développement : le goût de la performance
La recherche a pour but de faire progresser les techniques de
fabrication et d'améliorer la qualité et les performances d u
produit . En fabrication, elle est orientée également vers les grands
objectifs d' intérêt public : économiser l'énergie, préserver l'envi
ronnement , améliorer les conditions de travail et la sécurité,
améliorer la qualité et le coût des constructions. Elle contribue
aussi, de plus en plus, à assurer un contact étroit avec les clients de
la profession auxquels elle apporte l ' information et l'assistance
technique qui permet t ront une utilisation optimale des produits .
« Plan qualité », « Contrôle qualité » permet tent de garan
tir une bonne régularité du produi t et d 'adapter ses formulations
aux besoins locaux.
Ces diverses fonctions sont assurées par les laboratoires des
usines, par les centres de recherche des sociétés et par un orga
nisme professionnel à vocation technique, l'Association techni
que de l 'industrie des liants hydrauliques (Atilh), soit plusieurs
centaines de chercheurs et techniciens, sans compter ceux qui
travaillent sur des programmes proposés par la profession dans les
universités, les écoles et certains laboratoires.
Les hommes : des compétences en évolution permanente
Une industrie aussi automatisée présente une structure de
l 'emploi qui s 'apparente à celle des industries les plus avancées.
7 000 personnes environ suffisent à assurer une product ion
de près de 26 millions de tonnes, représentant un chiffre d'affaires
de 13 milliards de francs.
Le haut niveau de qualification requis a nécessité, depuis de
nombreuses années, la mise en place par les entreprises de
programmes de formation qui améliorent les connaissances tech
niques du personnel et facilitent son accession à des responsabi
lités toujours plus grandes.
Ces effort de recherche et de qualification se traduisent
prat iquement par une progression cont inue des connaissances, de
la qualité et de la fiabilité des produits .
Ci tons quelques progrès :
- introduct ion des constituants secondaires dans les ci
ments , permet tant d ' importantes économies d'énergie tout en
conservant entièrement les qualités du ciment grâce à l 'améliora
tion du rendement des réactions d 'hydratat ion ;
- régularité de plus en plus grande du ciment permet tant de
réaliser des ciments de caractéristiques spéciales sur contrat pour
des ouvrages très importants (tunnel sous la Manche) ;
- nouveaux ciments : par exemple à la fumée de silice pour
les bétons à haute performance ;
- c iment ultra-fin utilisé pour la restauration des fonda
tions de l'Arc de t r iomphe ;
Les contrôles statistiques exigés pour la normalisation fran
çaise et européenne attestent la régularité des ciments.
Ci-dessous : une usine de fabrication de ciment en 1983, à Montalieu.
Ci-contre : Évolution de la consommation de thermies à la tonne de liant et à la tonne de clinquant.
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ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION DE CIMENT ET DES ÉMISSIONS DE POUSSIÈRES DE 1950 À 1987
Emplois du ciment : progrès
Le béton étant le tout premier débouché du ciment, l ' indus
trie cimentière consacre naturellement de nombreuse recherches
à ce matériau, un des plus employés dans le génie civil. O n citera
parmi les études de ces dernières années :
- mécanismes de protection des armatures de béton,
- adjuvants du béton : introduits à faible dose (< 5 % du
poids du ciment) , ils peuvent modifier considérablement le
compor tement du béton dans sa mise en oeuvre, ses conditions de
durcissement plus ou moins rapides et son compor tement après
durcissement (tenue au gel, étanchéité, etc.). Ces produits peu
vent être actuellement élaborés par les procédés de la chimie fine
et de la synthèse organique. Il est donc possible, par greffage des
radicaux les plus divers, de modifier leurs propriétés dans le sens
voulu (par exemple la durée d'utilisation) ;
- bétons de fibres,
- influence des conditions de bétonnage,
- prévention de l'alcali réaction.
O n notera aussi le développement récent des bétons hautes
performances auxquels la profession cimentière est très attachée.
Ils permet tent de réaliser des ouvrages plus durables, plus écono
miques, occupant moins d'espace et plus performants technique
men t (portée, élancement des ponts) . Ces bétons utilisent de
nombreuses connaissances scientifiques : réactivité des poudres
ultra-fines (< 1 | l) , usage d'adjuvant réalisé par synthèse organi
que, étude de la perméabilité aux gaz et aux liquides. Leurs
propriétés physico-chimiques sont toujours l'objet d'études, par
exemple pour leur durabilité. Des bétons de 80 M P a sont facile
men t réalisables. A titre anecdotique, on citera le tout dernier
record de résistance obtenu en laboratoire : 700 M P a en compres
sion ! Nous renvoyons le lecteur aux chapitres traitant particuliè
rement de ces bétons.
Environnement : progrès
Que le ciment et le béton soient des éléments majeurs de
l 'environnement de l 'homme du xx c siècle est une évidence. Pour
abriter les hommes dans leur vie, leur travail, leurs loisirs, pour les
relier entre eux, produire leur énergie, le béton occupe une position
souvent prépondérante. Mais ces avantages doivent être obtenus en
protégeant au maximum l'environnement. C'est un des soucis
majeurs des industries actuelles comme des populations, et le
cimentiers y sont donc particulièrement sensibles, puisqu'ils se
trouvent souvent à la base des équipements fondamentaux d 'un
pays. En ce qui concerne le ciment lui-même, les société produc
trices ont toujours eu le souci de réaliser des usines propres.
Entre 1971 et 1980, près d 'un milliard de francs ont été
dépensés dans le dépoussiérage, et les résultats sont illustrés par les
courbes ci-dessous, qui montrent que, malgré la croissance de la
production, les poussières ont été pratiquement éliminées (moins
de 0,02 % de la production). Les autres émissions éventuelles,
telles que le S 0 2 , sont piégées dans le ciment lui-même. O n notera
également que la combustion des déchets divers (pneus usagés,
huiles...) constitue une dépollution active. Et, d'ailleurs, l 'Admi
nistration a, dès 1980, homologué des cimenteries comme centres
d'incinération de déchets, c'est-à-dire comme centres de dépollution.
Le ciment lui-même est utilisé pour stabiliser des boues
industrielles ou pour constituer des conteneurs de déchets ou de
produits polluants.
Enfin, l ' industrie cimentière s'est largement préoccupée du
devenir très lointain du béton utilisé dans les routes, les fondations
d ' immeubles, les ponts (piles ou tablier), les barrages, etc. Ces
études, qui se poursuivent encore, mont ren t sans ambiguïté que
les bétons, et plus exactement les hydrates formés lors des réac
tions de prise-durcissement, consti tuent des pièges définitifs pour
divers éléments lourds, comme les métaux. L'analyse des lixiviations
d'eau mont re la très faible solubilité des hydrates formés. Ces
essais sur des ciments enrichis volontairement en métaux lourds
ont confirmé ces faits.
veilleuses et surtout plus utiles, de tous ceux qui participent à
l'acte de construire.
O n a décrit dans cet article le parcours du ciment depuis un
siècle et demi. D e l'audace d'inventeurs et d'ingénieurs du siècle
dernier, de celle de tous leurs successeurs, des Caquot , Esquillan
et Perret, est né un matériau moderne, précis, fiable, don t nous
voyons chaque jour des applications nouvelles, élégantes ou
incroyables de performances, comme le pon t de Normandie .
Le ciment est le liant le plus économique, le plus fiable et
donc le plus utilisé dans les constructions des hommes . Les
progrès continus dans ses emplois t iennent bien entendu à la
qualité du liant lui-même, mais aussi aux progrès sur la connais
sance du béton, du béton armé, du béton précontraint don t les
contraintes possibles - qu'il s'agisse de contraintes limites ou
admissibles - sont de plus en plus élevées.
C'est en définitive le rôle éminent des maîtres d'oeuvre, des
concepteurs, des ingénieurs, d ' introduire dans leurs concepts et
leurs ordinateurs les qualités et possibilités nouvelles du ciment et
du béton. La profession cimentière est consciente de la nécessaire
collaboration, pour réaliser des œuvres chaque fois plus mer-
Notes
1. Voir à ce sujet l'article de Guy Ourisson « Qu'y a-t-il de commun entre le pétrole, le roi Nabuchodonosor et l'origine de la vie ? » in Culture technique n° 23, juin 1991, pp. 159-164. A Babylone le bitume, dont les gisements naturels étaient abondants dans la région de Hit, fut utilisé comme mortier dans les murs des édifices ainsi que dans la voie processionnaire.
2. Des cendres volcaniques actives, les pouzzolanes.
3. Les premiers fours étaient dérivés des fours à cuire la chaux.
4. Découvert par Bied en 1905.
Ci-contre : évolution de la production de ciment et des émissions de poussières de 1950 à 1987. Ci-dessus : la salle centrale de contrôle de l'usine de St Pierre La Cour en 1984. Cl. M. Pérusat.