hyperplasie nodulaire régénérative secondaire à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine

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Hyperplasie nodulaire régénérative secondaire à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine Regenerative nodular hyperplasia of the liver related to oxaliplatin-based chemotherapy Comme le syndrome d’obstruction sinusoïdale (SOS), la fibrose périsinusoïdale, la sclérose hépato-portale et la cirrhose septale incomplète, l’hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) est responsable d’une hypertension portale intrahépatique non cirrhotique [1]. Sa prévalence varie de 0,72 à 2,6 % sur les séries autopsiques [2], et est de 0,52 % sur les séries de biopsies hépatiques [3]. L’HNR, décrite sur les pièces d’hépa- tectomies de métastases hépatiques de cancer colorectal (MHCCR), est liée à une toxicité induite par l’oxaliplatine utilisée dans les protocoles de chimiothérapie néoadjuvante [410]. Le diagnostic anatomopathologique est cependant difficile et souvent décrit comme compatible avec un contexte clinique et biologique particulier. Nous rapportons deux observations d’HNR induites par l’oxa- liplatine dans des contextes très différents. Observations Cas n o 1 Un homme de 60 ans était adressé pour un adénocarcinome du sigmoïde avec métastases hépatiques synchrones. Il était traité depuis plusieurs années par diltiazem (90 mg deux fois par jour), molsidomine (2 mg trois fois par jour), acide acétylsali- cylique (75 mg par jour) et ivabradine (7,5 mg deux fois par jour) pour une coronaropathie stable. Il n’existait pas de consommation excessive d’alcool, pas de surcharge pondérale et pas de contexte d’exposition aux virus des hépatites B ou C. L’examen clinique était normal en dehors d’une hépatomégalie modérée. Une coloscopie totale, justifiée par des douleurs abdominales, avait montré un adénocarcinome Lieberkühnien sténosant du sigmoïde. La tomodensitométrie thoraco-abdominopelvienne (TAP) montrait des métastases hépatiques bilobaires (figure S1, disponible en complément électronique). Il existait une cho- lestase anictérique à deux fois la limite supérieure de la normale (2 N) et un syndrome de cytolyse à 1,7 N prédominant sur l’aspartate aminotransférase (ASAT), sans insuffisance hépatocellulaire. La sérologie des virus de l’hépatite B et C était négative et il n’existait aucun stigmate biologique de surcharge en fer. Les anticorps antinucléaires, antimuscle lisse et antimitochondries étaient négatifs. La gastroscopie ne trou- vait pas de signe d’hypertension portale. Il n’existait aucun signe clinique d’insuffisance cardiaque, ce que confirmait la normalité du taux sanguin de Pro-Brain Natriuretic Peptide et l’échocardio- graphie. Les anomalies de la biologie hépatique étaient attri- buées à l’importance des lésions métastatiques. L’antigène carcinoembryonnaire (ACE) était dosé à 1629 ng/mL. La survenue d’une occlusion était traitée par une hémicolecto- mie gauche avec rétablissement de la continuité colique. Il n’existait pas de carcinose péritonéale. L’examen de la pièce opératoire montrait un adénocarcinome Lieberkühnien de bas grade G2 classé pT3N1M1R0. L’absence de mutation dans l’exon 2 du gène K-ras permettait de débuter un traitement associant du cétuximab (500 mg/ m 2 à j1 et j15) à une chimiothérapie par 5-Fluoro-Uracile (5FU) (400 mg/m 2 en bolus à j1 et j15 et 2400 mg/m 2 à j1 et j15) et oxaliplatine (85 mg/m 2 à j1 et j15) (FOLFOX4/cétuximab). Après six cures, la normalisation de l’ACE était associée à une réponse objective quantifiée à 40 % selon les critères RECIST. Après l’administration de 17 cures du même traitement, la tomodensitométrie TAP montrait trois lésions résiduelles localisées au niveau du segment VII (21 mm et 47 mm) et au niveau du segment VI (45 mm) (figure 1). La scintigraphie au 18-Désoxy-Fluoro-Glucose (FDG) montrant l’absence de localisation métastatique extra-hépatique, une chirurgie était décidée : l’exploration peropératoire avec écho- graphie hépatique montrait des lésions cicatricielles calcifiées du foie gauche associée à une lésion vivace du bord inférieur du segment III, au sein d’un parenchyme hépatique macroscopi- quement très pathologique. La métastasectomie de cette lésion du segment III était associée à l’ablathermie de quatre lésions localisées aux segments III et IV. Une ligature de la branche portale droite, en vue d’une hépatectomie droite ultérieure, n’était pas réalisée en raison du risque d’insuffisance hépato- cellulaire suggéré par l’aspect macroscopique du foie. L’exa- men anatomopathologique de la pièce opératoire confirmait le caractère métastatique de la métastasectomie du segment III et montrait, au sein du parenchyme hépatique adjacent, des lésions d’HNR sans SOS associé (figure 2). Les paramètres biologiques hépatiques préopératoires et post- opératoires à j2 et à j5 sont disponibles dans le tableau I : après une poussée cytolytique à 12,5 N pour l’alanine aminotrans- férase (ALAT) à j2 associée à une augmentation du taux de en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2013; 42: 102107 102 Cas clinique tome 42 > n81 > janvier 2013

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Page 1: Hyperplasie nodulaire régénérative secondaire à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine

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Hyperplasie nodulairerégénérative secondaireà une chimiothérapieà base d’oxaliplatineRegenerative nodular hyperplasia of the liverrelated to oxaliplatin-based chemotherapy

Comme le syndrome d’obstruction sinusoïdale (SOS), la fibrosepérisinusoïdale, la sclérose hépato-portale et la cirrhose septaleincomplète, l’hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) estresponsable d’une hypertension portale intrahépatique noncirrhotique [1]. Sa prévalence varie de 0,72 à 2,6 % sur lesséries autopsiques [2], et est de 0,52 % sur les séries debiopsies hépatiques [3]. L’HNR, décrite sur les pièces d’hépa-tectomies de métastases hépatiques de cancer colorectal(MHCCR), est liée à une toxicité induite par l’oxaliplatine utiliséedans les protocoles de chimiothérapie néoadjuvante [4–10]. Lediagnostic anatomopathologique est cependant difficile etsouvent décrit comme compatible avec un contexte cliniqueet biologique particulier.Nous rapportons deux observations d’HNR induites par l’oxa-liplatine dans des contextes très différents.

Observations

Cas no 1Un homme de 60 ans était adressé pour un adénocarcinome dusigmoïde avec métastases hépatiques synchrones. Il était traitédepuis plusieurs années par diltiazem (90 mg deux fois parjour), molsidomine (2 mg trois fois par jour), acide acétylsali-cylique (75 mg par jour) et ivabradine (7,5 mg deux fois parjour) pour une coronaropathie stable. Il n’existait pas deconsommation excessive d’alcool, pas de surcharge pondéraleet pas de contexte d’exposition aux virus des hépatites B ou C.L’examen clinique était normal en dehors d’une hépatomégaliemodérée.Une coloscopie totale, justifiée par des douleurs abdominales,avait montré un adénocarcinome Lieberkühnien sténosant dusigmoïde. La tomodensitométrie thoraco-abdominopelvienne(TAP) montrait des métastases hépatiques bilobaires (figure S1,disponible en complément électronique). Il existait une cho-lestase anictérique à deux fois la limite supérieure de lanormale (2 N) et un syndrome de cytolyse à 1,7 N prédominantsur l’aspartate aminotransférase (ASAT), sans insuffisance

hépatocellulaire. La sérologie des virus de l’hépatite B et Cétait négative et il n’existait aucun stigmate biologique desurcharge en fer. Les anticorps antinucléaires, antimuscle lisseet antimitochondries étaient négatifs. La gastroscopie ne trou-vait pas de signe d’hypertension portale. Il n’existait aucun signeclinique d’insuffisance cardiaque, ce que confirmait la normalitédu taux sanguin de Pro-Brain Natriuretic Peptide et l’échocardio-graphie. Les anomalies de la biologie hépatique étaient attri-buées à l’importance des lésions métastatiques. L’antigènecarcinoembryonnaire (ACE) était dosé à 1629 ng/mL.La survenue d’une occlusion était traitée par une hémicolecto-mie gauche avec rétablissement de la continuité colique. Iln’existait pas de carcinose péritonéale. L’examen de la pièceopératoire montrait un adénocarcinome Lieberkühnien de basgrade G2 classé pT3N1M1R0.L’absence de mutation dans l’exon 2 du gène K-ras permettaitde débuter un traitement associant du cétuximab (500 mg/m2 à j1 et j15) à une chimiothérapie par 5-Fluoro-Uracile (5FU)(400 mg/m2 en bolus à j1 et j15 et 2400 mg/m2 à j1 et j15) etoxaliplatine (85 mg/m2 à j1 et j15) (FOLFOX4/cétuximab).Après six cures, la normalisation de l’ACE était associée àune réponse objective quantifiée à 40 % selon les critèresRECIST. Après l’administration de 17 cures du même traitement,la tomodensitométrie TAP montrait trois lésions résiduelleslocalisées au niveau du segment VII (21 mm et 47 mm) etau niveau du segment VI (45 mm) (figure 1).La scintigraphie au 18-Désoxy-Fluoro-Glucose (FDG) montrantl’absence de localisation métastatique extra-hépatique, unechirurgie était décidée : l’exploration peropératoire avec écho-graphie hépatique montrait des lésions cicatricielles calcifiéesdu foie gauche associée à une lésion vivace du bord inférieur dusegment III, au sein d’un parenchyme hépatique macroscopi-quement très pathologique. La métastasectomie de cette lésiondu segment III était associée à l’ablathermie de quatre lésionslocalisées aux segments III et IV. Une ligature de la brancheportale droite, en vue d’une hépatectomie droite ultérieure,n’était pas réalisée en raison du risque d’insuffisance hépato-cellulaire suggéré par l’aspect macroscopique du foie. L’exa-men anatomopathologique de la pièce opératoire confirmait lecaractère métastatique de la métastasectomie du segment IIIet montrait, au sein du parenchyme hépatique adjacent, deslésions d’HNR sans SOS associé (figure 2).Les paramètres biologiques hépatiques préopératoires et post-opératoires à j2 et à j5 sont disponibles dans le tableau I : aprèsune poussée cytolytique à 12,5 N pour l’alanine aminotrans-férase (ALAT) à j2 associée à une augmentation du taux de

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Figure 1

Tomodensitométrie après 17 cures de chimiothérapie. Lésionsrésiduelles dans les segments VI et VII

bilirubine totale à 69 mmol/L, l’évolution à j5 était marquée parun pic de bilirubine totale à 140 mmol/L associé à une décrois-sance du taux d’alanine aminotransférase (ALAT) à 2,7 N, sanssigne d’insuffisance hépatocellulaire. La tomodensitométrieabdominale ne montrait pas de lésion biliaire. L’évolution étaitspontanément favorable avec régression de l’ictère en quel-

Figure 2

Hyperplasie nodulaire régénérative. Nodules hépatocytairesbénins entourés d’hépatocytes atrophiés, sans fibrose septaleHES, G � 100

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ques jours (bilirubine totale à 64 mmol/L à j9, puis à 16 mmol/Là j15) et normalisation des aminotransférases à j9.Le projet d’ablathermie percutanée des lésions hépatiques parmicro-ondes était abandonné en raison de l’apparition denouvelles métastases du foie droit à la scintigraphie au 18-FDG réalisée deux mois près la chirurgie. Une chimiothérapie deseconde ligne associant le 5FU à de l’irinotécan et à dubévacizumab était débutée.Cas no 2Une femme de 61 ans était prise en charge pour une tumeurhépatique. Dans un contexte d’obésité (Indice de Masse Cor-porelle à 34 kg/m2), elle était traitée depuis quelques annéespar aténolol (100 mg par jour) pour une hypertension artérielle,et rosuvastatine (10 mg par jour) associé à ézétimibe (10 mgpar jour) pour une dyslipidémie. Il n’existait pas de consomma-tion excessive d’alcool. On ne trouvait aucun facteur de risquede contamination par les virus des hépatites B ou C.Des douleurs de l’hypocondre droit avaient justifié une écho-graphie et une imagerie par résonance magnétique (IRM)

hépatiques (figure S2, disponible en complément électronique)qui montraient une lésion du segment II évocatrice de carci-nome hépatocellulaire ou de cholangiocarcinome. Deux biop-sies de cette lésion, réalisées dans un autre centre, étaientnégatives.L’examen clinique montrait une hypertrophie du lobe gauchedu foie et aucun signe clinique d’insuffisance hépatocellulaireou d’hypertension portale. Le TP était à 98 %, la bilirubine totaleà 7,5 mmol/L et l’albuminémie à 48,7 g/L. Il existait un discretsyndrome de cytolyse prédominant sur l’ALAT à 1,4 N associé àune augmentation de la g-glutamyl transférase (gGT) à 4,3 N età un taux normal de bilirubine totale et de phosphatasesalcalines. La sérologie des hépatites B et C était négative. Lecoefficient de saturation de la transferrine était à 21 %. Lesanticorps anti-nucléaires, antimuscle lisse et antimitochondriesétaient négatifs. L’élastométrie et le Fibro-Test étaient enfaveur de l’absence de fibrose ; la suspicion de stéatohépatitenon alcoolique (NASH) n’était pas confirmée par le NASH-Test.Une hépatectomie gauche est réalisée : l’exploration peropéra-toire montrait l’absence de carcinose péritonéale. L’examen dela pièce opératoire trouvait un cholangiocarcinome moyenne-ment différencié associé à un thrombus biliaire indiquant unechirurgie R1. L’examen du foie non tumoral éliminait toutehépatopathie sous-jacente.Une chimiothérapie reposant sur 12 cures de l’association degemcitabine (1000 mg/m2 à j1 et j15) et d’oxaliplatine(100 mg/m2 à j1 et j15) (GEMOX) était débutée cinq semainesaprès la chirurgie. Le tableau I montre le résultat de la biologiehépatique avant et après la chimiothérapie. L’apparition d’unethrombopénie à 78 000/mm3 après la 4e cure conduisait à uneréduction de 20 % de la dose-intensité des deux drogues. Après12 cures, l’examen clinique mettait en évidence une splénomé-galie, également décrite à la tomodensitométrie (figure S3,

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Tableau I

Résultats des examens biologiques dans chacune des observations

Cas 1 Cas 2

Avant CT Après CT Après chirurgie Avant CT Après CT

j2 j5

ASAT

(n : 4 – 32 UI/L) 53 285 320 53 26 46

ALAT

(n : 4 – 31 UI/L) 33 128 389 84 35 53

Phosphatases alcalines (n : 35 – 106 UI/L) 204 220 195 173 132 133

g-glutamyltransférase

(n : < 40 UI/L) 85 416 306 256 126 149

Bilirubine totale

(n : < 20,5 mmol/L) 12 41 69 140 8 6

Taux de prothrombine (%) 100 96 93 95 100 98

Plaquettes

(n : 150 – 450Giga/L) 211 125 89 125 287 83

CT : chimiothérapie.

Cas clinique

disponible en complément électronique). La gastroscopie étaitnormale, ne montrant aucune varice oesophagienne. Cepen-dant, l’apparition d’une splénomégalie, faisant suspecter ledéveloppement récent d’une hypertension portale, conduisaità réaliser une ponction biopsie hépatique qui montrait deslésions d’HNR (figure 3). Une radiothérapie (50,4 Grays sur latranche hépatique) était administrée sur cinq semaines, sansdétérioration de la fonction hépatique. La splénomégalie n’étaitplus notée cliniquement et à la tomodensitométrie six moisplus tard.

Discussion

La chimiothérapie néoadjuvante des MHCCR initialement nonrésécables augmente le taux de résécabilité de 15 à 30 % [11].La qualité de la réponse clinique et radiologique [12], le degréde réponse histologique [13,14], et dorénavant les lésions detoxicité hépatique induite par la chimiothérapie [4–10]constituent les facteurs pronostiques déterminants de la survie[15]. La prolongation de la durée de la chimiothérapie néoad-juvante n’améliore pas la qualité de la réponse histologique etmajore les risques de toxicité hépatique [16]. Dans la sériede Kishi et al. [17], l’administration de plus de neuf cycles de

chimiothérapie néoadjuvante serait le seul facteur prédictifindépendant de morbidité hépatique postopératoire en analysemultivariée ; un Index de Masse Corporelle supérieur à 25 kg/m2, une hépatectomie majeure, une perte sanguine peropéra-toire supérieure à 1000 mL ou une transfusion sanguineperopératoire étaient en revanche statistiquement non signifi-catifs. L’importance du nombre de cycles de chimiothérapienéoadjuvante est bien illustrée par la première observation.Dans le contexte des MHCCR traitées par chimiothérapie néoad-juvante à base d’oxaliplatine, l’HNR surviendrait dans 15 % [4]à 58 % des cas [7]. Le diagnostic anatomopathologique estdifficile, expliquant possiblement les variations de ces donnéeschiffrées ; il peut notamment exister un tassement des travéeshépatocytaires au pourtour des métastases hépatiques, d’inter-prétation difficile (figure 3). La classification de Wanless [2]permet de coter les lésions d’HNR en quatre grades (absentes,légères, modérées et sévères). La toxicité des chimiothérapiesà base d’oxaliplatine débute au niveau des cellules endothé-liales sinusoïdales (CES) et se manifeste par des dilatationssinusoïdales et/ou des SOS et/ou des fibroses périsinusoïdalescentrolobulaires et veinulaires et/ou des lésions de péliose et/ou des lésions d’HNR. Le spectre lésionnel est donc complexe,

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Figure 3

Hyperplasie nodulaire régénérative. La coloration à la réticulineaide à individualiser les nodules. G � 100

expliquant une intrication des lésions toxiques (figure S4,disponible en complément électronique). La série de Rubbia-Brandt et al. [7] a bien montré que l’association de dilatationssinusoïdales aux lésions d’HNR était en rapport avec leursévérité.L’HNR peut être longtemps asymptomatique. Quand elledevient symptomatique, elle se manifeste par une cholestaseet/ou une hypertension portale. Sur la série de Wicherts et al.[4], où des hépatectomies majeures avaient été réaliséeschez un pourcentage équivalent de patients porteurs d’HNRou non, les complications hépatiques postopératoires sontsurvenues chez 50 % des patients porteurs d’HNR versus 29 %chez les patients sans HNR ; la différence était surtout liée àune plus forte incidence des fuites biliaires. Des taux préo-pératoires élevés de gGT et de bilirubine totale, associés à untaux de plaquettes inférieur à 150 000/mm3, seraient prédic-tifs de la présence d’HNR [4]. Cette donnée est illustrée par lapremière observation.L’utilisation combinée de bévacizumab pourrait prévenir lerisque de lésions vasculaires induites par l’oxaliplatine[4,7,17–20]. Cette observation permet d’établir des hypothèsesphysiopathologiques de constitution des lésions d’HNR dans cecontexte toxique : il existe un état d’hypercoagulabilité in-trahépatique secondaire à l’atteinte des CES aboutissant à uneobstruction sinusoïdale, sans obstruction des branches portalescomme cela peut être observé en association avec la cirrhosebiliaire primitive ou certaines hémopathies [7,21]. Les lésionsd’HNR résulteraient d’une adaptation à l’ischémie chronique

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par une distribution hétérogène du courant sanguin intrahépa-tique [1] : ces modifications vasculaires expliquent lacoexistence de zones hypoperfusées atrophiques alternantavec des zones régénératives très perfusées. Des nodules derégénération sans fibrose remplacent l’architecture hépatiquenormale aboutissant à des dilatations sinusoïdales et à desoblitérations vasculaires. Le bévacizumab, anticorps anti-Vas-cular Endothelial Growth Factor (VEGF), diminuerait la sévéritédu SOS, diminuant ainsi l’incidence de la péliose, de la fibrosecentrolobulaire et de l’HNR [7]. Un modèle animal a permis demontrer que l’activation des métalloprotéinases MMP-2 etMMP-9 joue un rôle majeur dans la dégradation de la matricepérisinusoïdale et entraîne une dilatation périsinusoïdale [7]. LeVEGF induit l’expression de MMP-9 par les CES [22]. Ainsi, leblocage du VEGF par le bévacizumab pourrait entraîner unebaisse de l’activation de MMP-9 et atténuer les lésions sinusoï-dales [7].Dans un contexte très différent, le cas no 2 montre le risqued’HNR induit par l’oxaliplatine après l’hépatectomie, l’examende la pièce opératoire ayant permis d’éliminer toute hépato-pathie sous-jacente avant le début de la chimiothérapie. Endehors de l’oxaliplatine, le 5-fluoro-uracile en monothérapie aégalement été rapporté à l’origine d’HNR [23,24]. En revancheet à notre connaissance, la gemcitabine n’a jamais été signaléeà l’origine de lésions d’HNR, cette donnée constituant unargument en faveur de la responsabilité de l’oxaliplatine dansl’apparition des lésions. Peu de données sont disponibles dansla littérature en dehors du contexte de MHCCR. Cette observa-tion illustre l’importance de l’apparition d’une thrombopéniepar splénomégalie d’hypertension portale secondaire auxlésions vasculaires hépatiques au cours d’un traitement paroxaliplatine [25–27]. L’histoire naturelle de l’HNR n’est pas bienconnue, mais la régression de la splénomégalie observée sixmois après l’arrêt de la chimiothérapie en montre le caractèrepossiblement réversible [4,7,28]. Il s’agit en effet d’une hépa-topathie non cirrhotique sans fibrose pouvant théoriquementrégresser [17].L’utilisation très fréquente de chimiothérapies néoadjuvantesà base d’oxaliplatine a mis en évidence une toxicité particu-lière de cette molécule au niveau des CES, à l’origine d’at-teintes complexes et intriquées, bien au-delà d’une simpledilatation sinusoïdale [9]. Les conséquences, en termes demorbidité hépatique postopératoire, sont bien connues dans lecontexte de la chirurgie des MHCCR, faisant proposer desstratégies plus strictes de traitement néoadjuvant [10] etentraînant une modification de la place de l’anatomopatho-logiste dans la prise en charge [7]. Notre seconde observationillustre également la possibilité de rencontrer ces lésionsd’HNR induites par l’oxaliplatine dans un contexte très diffé-rent des MHCCR.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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Complements electroniques disponibles sur le site Internet de La Presse Médicale(http://www.em-consulte.com/revue/lpm)� Figure S1 Tomodensitométrie initial. Métastases hépatiques bilobaires.� Figure S2 Imagerie par résonance magnétique Lésion du segment II.� Figure S3 Tomodensitométrie après 12 cures de chimiothérapie. Apparition d’une splénomégalie.� Figure S4 Les différents types de lésions hépatiques induites par l’oxaliplatine.

Cas clinique

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tome 42 > n81 > janvier 2013

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tome 42 > n81 > ja

Dominique Béchade, Grégoire Désolneux, Marianne Fonck,Isabelle Soubeyran, Yves Bécouarn, Serge Évrard

Groupe digestif, institut Bergonié, 33076 Bordeaux cedex,France

nvier 2013

Correspondance : Dominique Béchade,Groupe digestif, institut Bergonié, 229, cours de l’Argonne,

33076 Bordeaux cedex, [email protected]

Reçu le 30 décembre 2011Accepté le 11 mai 2012

Disponible sur Internet le 6 juillet 2012

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.012

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