histoire d’un long xxème siecle - free
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HISTOIRE D’UN LONG XXème SIECLE
Introduction
Le programme d’Histoire des classes de premières générales est un programme thématique qui étudie certains
moments de l’histoire du XXème siècle (voire de la fin du XIXème siècle et du début du XXIème siècle) mais sans tenir compte
de la chronologie et en supposant que les élèves maîtrisent une chronologie minimale depuis la classe de 3ème
. Le but de cet
itinéraire dans le long XXème siècle est de reposer les repérages essentiels qui permettront de comprendre le programme de
première.
RECIT
Du milieu du XIXème siècle au début de la guerre de 1914-1919
Première et deuxième révolutions industrielles ?
La réalité du phénomène de « révolution industrielle » est aujourd’hui discuté car
il apparaît à de nombreux historiens que s’il y a eu de profonds changements en matière
économique au XIXème siècle, ceux-ci n’ont pas été « révolutionnaires » au sens où ils
auraient tout changé en très peu de temps. En revanche, il est clair que l’Europe (surtout
l’Europe du Nord-Ouest), les Etats-Unis et le Japon connaissent au cours de la seconde
moitié du XIXème siècle deux mouvements successifs d’industrialisation.
La première phase d’industrialisation est née au XVIIIème siècle en Angleterre et a
concerné ensuite la France, les pays germaniques et les Etats-Unis avant de commencer à
gagner le reste de l’Europe et le Japon (1867 : début de l’ère Meiji, ère de modernisation
du Japon). Cette industrialisation est essentiellement fondée sur la mise au point de
nouvelles techniques permettant d’augmenter des productions traditionnelles
(fabrication de fonte et d’acier, de textiles…). Ces nouvelles techniques profitent de la
mise au point puis du perfectionnement d’un moteur beaucoup plus puissant que les
forces humaine et animale utilisées depuis des siècles : la machine à vapeur. Cette
machine utilise la combustion d’une source d’énergie, le charbon, afin de chauffer de
l’eau dont la vapeur met en mouvement des pistons. Les gains de productivité obtenus
grâce à cette machine ont pour conséquence d’abaisser les prix des productions tandis
que le développement des chemins de fer assure une extension du commerce. En
revanche, pour rentabiliser ces machines, il faut se tourner vers une production de masse
ce qui nécessite de grande quantités de charbon (multiplication des mines) et
d’importants investissements afin de construire des usines et de payer des ouvriers de
plus en plus nombreux ; c’est la naissance du capitalisme industriel.
La seconde phase d’industrialisation débute dans les années 1870-1880. Elle
diffère de la précédente en ce qu’elle repose sur des produits nouveaux issus non de
progrès techniques mais d’une recherche scientifique. Deux nouveaux couples
énergétiques (le pétrole et le moteur à explosion ; l’électricité et le moteur électrique)
vont permettre de profondément transformer les productions (cette phase
d’industrialisation voit apparaître de nouveaux moyens de transport comme l’automobile,
l’avion mais aussi le téléphone, les produits chimiques, la radio, le cinéma, les appareils
électriques…). Les échanges commerciaux s’intensifient encore et profitent de techniques
en plein développement comme le crédit ou la publicité. Le prix des produits continuent
également à baisser grâce à de nouvelles techniques de production comme le travail à la
chaîne (ou taylorisme) qui suppose la standardisation des produits ou le fordisme qui
cherche à accroître le nombre des clients par des politiques salariales moins restrictives.
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Cette seconde industrialisation profite principalement à deux pays, l’Allemagne et les
Etats-Unis, qui sont devenus à la veille de la première guerre mondiale les premières
puissances en Europe et dans le monde.
L’Europe colonise le monde
L’industrialisation d’une partie de l’Europe, des Etats-Unis et du Japon va avoir des
conséquences planétaires. Parce que ces espaces moteurs ont besoin à la fois de
ressources (par exemple, le coton pour l’industrie textile) et de débouchés (c’est-à-dire de
mieux pour écouler leurs excédents de production), ils vont, à des degrés divers, se lancer
dans une politique de colonisation en Afrique et en Asie principalement. Toutefois, des
arguments moraux (liés à un supposé « devoir » de l’homme blanc à civiliser les autres
races) sont également avancés pour justifier cette politique.
La colonisation s’opère de différentes manières. Les continents asiatique et
africain étant mal connus, des missions d’exploration ou de christianisation (parfois les
deux en même temps) pénètrent au cœur des continents mais sans volonté à ce moment-
là d’exploitation économique. Ce processus, soutenu désormais par l’envoi de troupes et
le développement d’administrations coloniales, prend véritablement son expansion dans
les années 1880 (au moment où la croissance économique se ralentit en Europe). Il
nécessite de fréquents accords entre les puissances pour se partager le « gâteau » ; pour
l’Afrique, la conférence de Berlin (1884-1885) tient lieu de premier partage mais des
oppositions ponctuelles pourront avoir lieu par la suite (entre les Français et les
Britanniques au Soudan en 1898 ; entre les Français et les Allemands en 1905 et 1911…).
Cette prise de possession de territoires débouche parfois sur des révoltes armées qui sont
impitoyablement réprimées par les administrateurs coloniaux.
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L’AFRIQUE EN 1914
A la veille de la première guerre mondiale, deux pays européens disposent des
principaux empires coloniaux. Le Royaume-Uni (empire de 37 millions de km² pour 390
millions d’habitants) est présent partout dans le monde mais avec des formes de
colonisation différentes (les dominions pour les colonies de peuplement où la population
est d’origine européenne, des protectorats et des territoires sous administration directe).
La France (empire de 10 millions de km² pour 48 millions d’habitants) est surtout
présente en Afrique (avec notamment les grands territoires que sont l’Afrique Equatoriale
Française et l’Afrique Occidentale française) et un peu moins en Asie (Indochine). Ces
deux puissances longtemps rivales s’opposent dans leur rapport aux colonies : les Français
cherchent à assimiler les populations (les populations colonisées apprennent ainsi « nos
ancêtres les Gaulois »…) alors que les Britanniques sont plus tentés par une association
progressive des populations indigènes (les élites devant, un jour, se gouverner par elles-
mêmes).
Les questions nationales en Europe
En 1848, le « printemps des peuples » a embrasé une grande partie de l’Europe.
Partie de France, l’étincelle révolutionnaire s’est principalement étendue vers l’Europe
centrale là où de nombreuses nationalités (peuples sans Etat) espèrent gagner au moins
une autonomie, au mieux une indépendance, mais aussi où le progrès des libertés
fondamentales ne s’est pas fait. Différents peuples (Italiens, Hongrois, Polonais…) se sont
soulevés mais en 1849, la résistance des puissances orientales (Russie et Autriche) leur
permet de retourner la situation à leur avantage. L’Europe de 1850 reste donc
globalement marquée par la logique issue du traité de Vienne de 1815 : les peuples n’ont
aucun droit particulier, les libertés ne sont véritablement en train d’être reconnues que
dans l’Europe du Nord-Ouest, partie du continent la plus évoluée économiquement.
L’EUROPE DES ETATS EN 1850
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Les années 1850-1860 vont voir s’amorcer un mouvement de remise en cause du
traité de Vienne. Même s’il a assuré au moment de la naissance du Second Empire que
« l’Empire c’est la paix », Napoléon III va mener une politique favorable aux nationalités.
La guerre de Crimée, menée contre la Russie (1854-1856) aura pour conséquence
d’obtenir de l’Empire ottoman, allié des Franco-Britanniques, plus de libertés pour des
peuples comme les Roumains ou les Serbes. C’est surtout la question italienne qui va
intéresser Napoléon III. En 1859, l’armée française va se joindre à celle du Piémont-
Sardaigne pour battre les Autrichiens et lancer ainsi le mouvement de l’unité italienne.
Après avoir obtenu que la plus grande partie de l’Italie du Nord lui soit remise, le
Piémont-Sardaigne va soutenir les initiatives du patriote Giuseppe Garibaldi qui débarque
en 1860 dans le sud de la péninsule d’où il chasse le roi de Naples. En 1861, hormis la
Vénétie et les Etats du pape, tous les territoires italiens se trouvent réunis au sein du
jeune royaume d’Italie qui fixe sa capitale à Florence. En 1866, à la faveur d’une nouvelle
guerre contre l’Autriche et toujours grâce à l’intermédiaire de Napoléon III, l’Italie reçoit
la Vénétie. Quatre ans plus tard, les troupes italiennes pénètrent dans Rome qui devient
la nouvelle capitale du royaume italien unifié.
Le phénomène d’unité concerne également le monde germanique. Depuis les
guerres contre Napoléon Ier, un sentiment allemand existe dans les élites et les
populations d’un monde divisé en une multitude d’Etats et dans lequel deux puissances,
l’Autriche et la Prusse rivalisent d’ambition. C’est cette dernière qui va conduire à partir
de 1862, sous l’autorité du chancelier Otto von Bismarck, l’unité allemande. La Prusse
récupère d’abord des duchés appartenant au Danemark (1864) puis écarte la menace
autrichienne en 1866 avant de faire passer sous son autorité l’essentiel de l’Allemagne du
Nord (1867). A la faveur de la guerre contre la France (1870), Bismarck réussit à regrouper
autour de la Prusse tous les Etats allemands (hormis l’Autriche) ; la victoire lui permet de
faire proclamer en janvier 1871, dans la galerie des glaces du château de Versailles, la
création de l’Empire allemand. L’unité allemande est faite même si, officiellement, les
Etats du Sud comme la Bavière restent autonomes.
L’UNITE ALLEMANDE (1850-1871)
Si la partie centrale de l’Europe connaît ces phénomènes d’unité, le sort des autres
nationalités jusqu’à la première guerre mondiale demeurera difficile. Les gouvernements
en Russie, en Autriche, voire dans le nouvel Empire allemand, sont tentés à certains
moments par la mise en place de politiques visant à « nationaliser » les autres peuples ;
c’est par exemple le cas d’une intense politique de russification menée notamment à
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l’égard des Polonais par la Russie. Ces politiques peuvent déboucher périodiquement sur
des soulèvements nationaux (comme par exemple en 1861-1864 avec le soulèvement des
Polonais). Confrontée à ces mouvements nationaux, l’Autriche, fragilisée par sa défaite de
1866 face à la Prusse, choisit en 1867 d’établir un compromis avec les Hongrois. L’Empire
d’Autriche devient ainsi l’Autriche-Hongrie, l’empereur François-Joseph régnant en fait
sur l’Autriche et la Hongrie, chacun des deux royaumes dominant de manière énergique
les autres nationalités de l’Empire (tchèques, croates, roumains, polonais…).
Si la situation n’évolue guère à l’Est de l’Europe (seul l’effritement de l’Empire
ottoman permet la création de petits Etats nationaux dans les Balkans), l’Ouest connaît
également quelques situations difficiles. La plus complexe est assurément celle de
l’Irlande rattachée depuis des siècles à l’Angleterre (et donc incluse désormais dans le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande). Face à ce problème national, qui se
double d’un problème religieux entre catholiques et protestants, le gouvernement de
Londres finit par proposer des lois d’autonomie (très décriées en Angleterre comme en
Irlande), les Home Rules dont la dernière, adoptée en 1912, n’est pas encore appliquée au
début de la première guerre mondiale. La situation est beaucoup plus claire pour la
Norvège qui en 1905 s’est séparée sans violence de la Suède pour prendre son
indépendance.
L’Europe de 1914 est donc une Europe dans laquelle les problèmes nationaux
demeurent très sensibles. Ils se trouvent compliqués par les appétits territoriaux de
certaines puissances comme l’Autriche et la Russie qui, profitant de l’affaiblissement de
l’Empire ottoman, cherchent à s’étendre vers les Balkans. C’est en partie dans cette
situation qu’il faut rechercher les origines de la première guerre mondiale.
L’EUROPE DES ETATS EN 1914
La France : de la République éphémère à la République consolidée
La France a connu entre 1789 et 1914 de très nombreux changements de régime
politique. Après la monarchie limitée (Restauration et Monarchie de Juillet), elle connaît
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en 1848 la proclamation d’une république (la IIème République) qui devient le vrai
premier régime démocratique en France (garantie des libertés, suffrage universel
masculin, abolition de l’esclavage dans les colonies). Les nouvelles institutions créent, à
l’image des Etats-Unis, un chef de l’Etat portant le titre de Président de la République. Les
élections (au suffrage universel) couronnent un quasi inconnu mais au nom célèbre :
Louis-Napoléon Bonaparte. Toutefois, cette République devient rapidement conservatrice
et commence à se méfier du peuple (le suffrage universel se trouve ainsi réduit). En
décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte, qui ne peut se représenter aux élections de
1852, fait un coup d’Etat pour conserver le pouvoir. Il réussit ainsi à restaurer l’Empire (2
décembre 1852) et prend le nom de Napoléon III.
Le Second Empire (1852-1870) est une période au cours de laquelle on retrouve
un pouvoir autoritaire camouflé derrière des apparences libérales et démocratiques (le
suffrage universel est restauré, les élections laissent le choix entre plusieurs candidats
mais les candidats de l’empereur sont ouvertement favorisés par les préfets). Les
dernières années de l’Empire montrent cependant une certaine inflexion libérale, d’abord
en matière économique puis politique à partir de 1869.
Cependant, lorsque Napoléon III capitule à Sedan (2 septembre 1870), personne
ne songe véritablement à donner la succession à son fils. La Troisième République est
proclamée à Paris le 4 septembre 1870 dans le contexte difficile de la guerre contre la
Prusse. Cette République apparaît dès son amorce aussi fragile que celles qui l’ont
précédée : les élections législatives qui se déroulent au début de 1871 donnent une
majorité de députés monarchistes ; on se retrouve donc avec des partisans de la royauté
pour organiser les institutions d’une République !… Dans ce contexte, des soulèvements
« rouges » des républicains les plus extrémistes se déroulent dans quelques villes de
France ; ces « Communes », dont la plus importante est celle qui se déroule à Paris de
mars à mai 1871, réclament plus de pouvoir pour le peuple. Entre monarchistes et
Communards, la Troisième République apparaît donc mal partie. Pourtant, cette
République va peu à peu s’installer. Après près de cinq ans d’institutions provisoires, les
trois lois constitutionnelles de 1875 lui donnent une organisation (deux assemblées, un
président de la République élu pour 7 ans) ; il s’agit en fait pour les royalistes d’attendre
la mort du prétendant au trône, le comte de Chambord, qui n’est pas assez libéral. Sauf
que le retour à la paix et le bon fonctionnement de cette nouvelle République permet aux
Républicains de s’imposer peu à peu dans les institutions. En 1879, tous les organes du
pouvoir sont passés entre leurs mains. La République est installée… Cela ne signifie pas
pour autant qu’elle puisse s’enraciner.
En 1914, c’est pourtant toujours cette Troisième République qui fonctionne en
France. Elle a réussi peu à peu à devenir le régime faisant consensus aux yeux de la
grande majorité des Français. Ce succès, elle le doit d’abord à ses institutions
démocratiques qui assument l’héritage de la Révolution française mais aussi au fait que
l’école va apprendre aux petits Français à aimer et à respecter ce système. Cet ancrage
progressif permet à la République de faire face aux crises répétées qui vont la menacer :
c’est d’abord le boulangisme (du nom du général Georges Boulanger que des
mouvements antirépublicains cherchent à porter au pouvoir à la fin des années 1880),
puis le scandale de Panama (1892) qui voit les antirépublicains se déchaîner contre des
hommes politiques de premier plan corrompus ; c’est surtout l’Affaire Dreyfus qui, de
1894 à 1906, va diviser profondément la France, non seulement sur le cas du capitaine
Alfred Dreyfus mais aussi sur la question de savoir si la liberté d’un homme est plus
importante que l’honneur de l’armée, si les lois républicaines sont plus fortes que les
sentiments nationalistes.
La crise de l’Affaire Dreyfus marque une évolution dans les gouvernements en
France. Alors que, depuis 1879, les gouvernements étaient essentiellement dirigés par
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des républicains modérés (les « opportunistes »), le pouvoir passe à des républicains
radicaux qui sont notamment férocement anticléricaux et favorables à plus de justice
fiscale (ils réclament la création d’un impôt sur le revenu). Ces gouvernements radicaux
seront à l’origine en 1905 de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’exercice du
pouvoir aura pour conséquence de « recentrer » ces radicaux qui se trouvent dépassés
sur leur gauche par le courant socialiste qui s’incarne à la veille de la première guerre
mondiale dans la personne de Jean Jaurès, créateur du parti socialiste la SFIO (1905) et du
quotidien socialiste L’Humanité.
La France de 1914 est donc devenue républicaine. Désormais, seule une frange
nationaliste, xénophobe et ultra-catholique située à l’extrême-droite et quelques
anarchistes à l’extrême-gauche s’opposent à elle.
La première guerre mondiale (1914-1919)
Les origines et le déclenchement du conflit
Pendant longtemps, on a limité aux seules ambitions allemandes et autrichiennes
les causes de la première guerre mondiale. Celles-ci apparaissent aujourd’hui aux
historiens beaucoup plus complexes. En fait, tout le monde avait plus ou moins intérêt à
la guerre et une active course aux armements était déjà engagée depuis longtemps.
L’Autriche-Hongrie et la Russie ont des visées dans les Balkans où l’Empire ottoman en
pleine déliquescence n’a pas pu empêcher la naissance de nouveaux Etats (Grèce puis
Serbie, Roumanie, Bulgarie, Albanie…). L’Italie voudrait récupérer sur l’Autriche les
territoires italophones du Trentin et de l’Istrie. La France rêve de récupérer l’Alsace et la
partie de la Lorraine perdues en 1871. Le Royaume-Uni regarde l’élévation économique
de l’Allemagne avec beaucoup d’inquiétude et notamment sa volonté de mener une
politique mondiale fondée sur le développement d’une puissante flotte. A ces rivalités
entre les nations, il ne faut pas oublier d’ajouter la situation complexe des nationalités
(peuples sans Etats) dans une grande partie de l’Europe de l’Est mais aussi les ambitions
des petits Etats récemment devenus indépendants (Serbie, Roumanie, Grèce, Bulgarie…)
qui estiment ne pas avoir encore atteint leurs frontières.
Sur le plan diplomatique, depuis la création de l’Empire allemand en 1871,
l’Allemagne n’a cessé de vouloir isoler la France des autres puissances (c’était la politique
de Bismarck jusqu’au début des années 1890). Après une alliance des Trois Empereurs
(Allemagne, Autriche-Hongrie et Russie) qui ne dure pas du fait des rivalités austro-russes,
l’Allemagne conclue une nouvelle alliance avec l’Autriche-Hongrie et l’Italie qu’on connaît
surtout sous le nom de Triple Alliance (1882). Face à cette alliance, la France reste seule
car les Britanniques se méfient du pays qui est leur rival continental depuis plusieurs
siècles et la Russie tsariste refuse toute alliance avec une république. Les ambitions
allemandes (Welt politik de l’empereur Guillaume II) vont modifier la donne : comprenant
que son principal rival en Europe est allemand, le gouvernement britannique se
rapproche de la France et conclue avec elle l’Entente cordiale (1904) avant de régler ses
contentieux avec la Russie (1907). Avant même le Royaume-Uni, c’est la Russie qui avait
fait alliance avec la France parce qu’elle cherchait un allié pour contrer la poussée
autrichienne vers les Balkans (1893).
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LES SYSTEMES D’ALLIANCE EN 1914
Les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913 constituent des phénomènes avant-
coureurs de la crise qui va déclencher la guerre. La zone du sud-est de l’Europe apparaît
comme la poudrière du continent. Le 28 juin 1914, l’archiduc et héritier du trône
autrichien François-Ferdinand est assassiné avec son épouse par le jeune étudiant Princip.
Le gouvernement d’Autriche-Hongrie adresse un ultimatum humiliant à la Serbie qu’elle
soupçonne d’avoir favorisé l’attentat. Lorsque la Serbie refuse de céder, un engrenage
diplomatique fatal se met en place. En quelques jours (28 juillet au 4 août 1914), toutes
les grandes puissances du continent (hormis l’Italie) font jouer le respect de leurs
alliances. D’un simple conflit balkanique, on passe à une grande guerre européenne… qui
n’est pas encore tout à fait une guerre mondiale.
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LE DECLENCHEMENT DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE
Les phases de la guerre
Globalement, on peut diviser la première guerre en trois temps : une première
phase correspondant à l’été et l’automne 1914 marquée par une guerre de mouvement,
une phase intermédiaire (la plus longue et la plus connue) de l’hiver 1914-1915 au
printemps 1918 connue sous le nom de « guerre des tranchées » et enfin une reprise de
la guerre de mouvement du printemps à l’automne 1918. Cette distinction vaut surtout
cependant pour le front de l’Ouest, il ne faut pas oublier qu’on se bat durant cette guerre
sur le front Est (Russie contre Allemands et Autrichiens), dans les Balkans (Autrichiens,
Turcs, Bulgares contre Serbes et Franco-Britanniques), au Proche-Orient (Turcs contre
Britanniques), au sud des Alpes (Italiens contre Austro-Hongrois)… et même un peu
partout dans le monde (dans les colonies ou dans le Pacifique car le Japon a déclaré la
guerre à l’Allemagne).
Le début des hostilités dans les Balkans entre Austro-Hongrois et Serbes prélude
de peu à l’engagement de l’armée allemande dans une grande offensive à l’Ouest. En
effet, bien qu’ayant d’abord déclaré la guerre à la Russie, l’état-major allemand a prévu
en cas de guerre de se soucier d’abord de l’armée française qui paraît plus dangereuse et
dont la mise en ligne se fera plus rapidement. L’objectif du plan allemand, le plan
Schlieffen, est de battre très rapidement les Français avant de se retourner contre la
Russie. Pour ce faire, les Allemands ont prévu de contourner les armées françaises qui se
massent aux frontières (et lancent même le plan XVII, plan offensif devant mener l’armée
rapidement à Berlin) en passant par la Belgique, petit Etat au plan militaire et surtout Etat
neutre.
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LE PLAN SCHLIEFFEN TEL QU’IL ETAIT PREVU
Le plan s’exécute à merveille, les Allemands mieux préparés remportent la bataille
des frontières, déferlent sur le Nord de la France, marchent sur Paris. La victoire semble à
porter de mains. C’est compter sans une entrée en action beaucoup plus rapide que
prévue des Russes qui ont pénétré en Prusse. Le commandement allemand se trouve
obligé de prélever des troupes à l’Ouest pour les envoyer vers l’Est et de modifier son
dispositif. Prévenu de cette évolution inespérée, l’état-major français, regroupant des
troupes revenue des frontières, décide de lancer une contre-offensive en Champagne au
début septembre ; c’est la fameuse bataille de La Marne qui arrête l’avancée des
Allemands et les repousse plus au nord sur l’Aisne. Des lors les deux armées se font face
de l’Oise jusqu’à l’Alsace, mais tout un espace demeure libre de troupes entre la Manche
et l’Oise. Les deux armées vont alors essayer d’utiliser cet espace libre pour se
« tourner », se prendre à revers. La guerre de mouvement se poursuit donc durant tout
l’automne 1914 jusqu’à ce que la possibilité de contourner les troupes ennemies cesse ;
on donne à cette période le nom de « course à la mer ». Sur le front de l’Est, l’avancée
russe n’a été qu’un feu de paille ; dès la fin du mois d’août et le début de septembre aux
batailles des Lacs Mazures et de Tannenberg, les Allemands arrêtent l’avancée des
troupes russes et commencent à pénétrer sur le territoire russe (en fait dans la Pologne
occupée par les Russes depuis 1815). Dans les Balkans, les Serbes après avoir plié sous
l’assaut des Austro-Hongrois se sont repris et ont regagné du terrain. L’hiver arrive, les
armées s’enterrent dans des tranchées en attendant que le retour du beau temps
permette la reprise de cette guerre de mouvement (qui a été terriblement meurtrière).
Sur le front Ouest, il faudra attendre plusieurs années pour en sortir…
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EVOLUTION DES FRONTS EN 1914
La période de la guerre des tranchées est passée dans la mémoire collective et
incarne la première guerre mondiale. Tout le monde connaît donc la vie difficile des
« poilus » dans les tranchées : la boue, le froid hivernal ou la chaleur de l’été, le bruit des
préparations d’artillerie, les offensives en terrain découvert pour s’emparer de la
tranchée adverse. Il ne faut pas cependant oublier qu’ailleurs, notamment sur le front
russe, les grandes offensives reprennent dès 1915 ; profitant qu’ils contiennent les
Franco-Britanniques, les Allemands lancent une grande offensive contre les Russes tandis
que les Franco-Britanniques, pour soulager l’allié russe et mieux communiquer avec lui,
lancent une opération dans les Dardanelles (détroit turc) qui est un échec. Sur le front
Ouest, l’année 1915 est marqué par des offensives des Alliés en Champagne et en Artois
qui ne réussissent pas à bousculer les défenses allemandes. Toutefois, les Alliés
enregistrent l’ouverture d’un nouveau front contre les Empires centraux (Allemagne et
Autriche-Hongrie) ; par le traité de Londres, l’Italie s’engage à déclarer la guerre à
l’Autriche-Hongrie en échange de la promesse de gains territoriaux conséquents à la paix
(Trentin, Istrie, côte de Dalmatie).
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LE FRONT OCCIDENTAL EN 1915
Forts de leur avancée en Russie, les Allemands décident de consacrer leurs efforts
en 1916 sur le front de l’Ouest afin de percer les défenses françaises, marcher sur Paris et
forcer la France à cesser le combat. Pour y parvenir, ils choisissent de concentrer leur
effort sur un saillant sur la ligne de front, la place de Verdun (voir le saillant sur la carte du
front en 1915 ci-dessus). L’offensive est lancée en février 1916 avec un grand renfort
d’artillerie. Pendant plusieurs mois, les Français doivent reculer mais, commandés par le
général Pétain, ils ne cèdent jamais et les Allemands ne peuvent réaliser la percée
espérée. A partir de l’été 1916, profitant d’une contre-offensive lancée par les Franco-
Britanniques sur la Somme, les troupes françaises, désormais commandée par le général
Nivelle, entreprennent de reconquérir le terrain perdu à Verdun. A la fin de l’année, on en
est revenu à la situation du début de l’année 1916 ; la bataille aurait fait 700 000 morts
même si, aujourd’hui, certains historiens trouvent dette évaluation trop élevée.
Sur le front de l’Est, les Russes passent à l’offensive afin de soulager leurs alliés
occidentaux ; c’est l’offensive Broussilov du nom du général russe qui la commande. Si
elle permet de regagner quelques territoires sur les Allemands et les Austro-Hongrois,
l’offensive s’essouffle vite et ne met pas en danger les Empires centraux. Elle fait
cependant une victime collatérale, la Roumanie qui, entrée en guerre aux côtés de la
Russie au moment où cette offensive progresse, se retrouve rapidement envahie par les
Allemands, les Autrichiens et les Bulgares.
LE FRONT OCCIDENTAL EN 1916
L’année 1917 pourrait être perçue comme un tournant de la guerre. Elle voit en
effet un des belligérants s’effondrer suite à des troubles intérieurs révolutionnaires (la
Russie) tandis qu’un autre entre en guerre (les Etats-Unis). L’entrée en guerre des Etats-
Unis, votée en avril 1917, n’a cependant pas d’effets immédiats au contraire de
l’effondrement militaire russe. Depuis 1914, les Etats-Unis avaient pris grand soin de se
tenir en dehors du conflit (ne pas oublier que la population américaine est composée en
partie d’immigrants venant de la plupart des pays en guerre) tout en prêtant de l’argent
aux Etats et en vendant du matériel ou des produits de consommation courante aux
belligérants. Cependant, ce commerce et cette aide financière s’effectuent surtout avec
les Franco-Britanniques. Asphyxiés par la supériorité navale britannique, les Allemands
ripostent par une guerre sous-marine qui vise notamment les navires de commerce. Peu à
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peu, les Etats-Unis, au nom de la liberté du commerce maritime, haussent le ton à l’égard
de l’Allemagne (notamment après le torpillage du paquebot Lusitania en 1915). Le
déclenchement par l’Allemagne d’une guerre sous-marine à outrance en février 1917
(c’est-à-dire ne tenant plus aucun compte des pavillons des navires s’approchant des
côtes de l’Europe) et les intrigues allemandes pour provoquer une guerre entre le
Mexique et les Etats-Unis amènent le président Wilson à demander au Congrès de voter
l’entrée en guerre.
Sur le front occidental, l’année 1917 est marquée par la désastreuse offensive du
Chemin des Dames commandée par le général Nivelle. Les Allemands s’étant repliés sur
des positions plus faciles à défendre foudroient les soldats lancés à l’offensive sous le feu
de leurs armes. La durée de la guerre et les conditions de vie difficiles conduisent en cette
année 1917 à des mutineries dans toutes les armées engagées sur ce front. Elles sont
réprimées plus ou moins sévèrement (c’est une question très débattue entre les
historiens). En France, après l’échec de Nivelle, c’est le général Pétain qui prend la tête de
l’armée et entreprend de restaurer l’ordre en adoptant un précepte simple, éviter les
offensives meurtrières inutiles (« N ‘oublions pas qu’à la guerre, le feu tue ! »).
Sur le front sud, la situation des Italiens apparaît très difficile après la désastreuse
défaite de Caporetto (octobre 1917) qui permet aux Autrichiens de percer la ligne de
front et d’envahir la Vénétie. Sur le front de l’Est, la désorganisation russe permet aux
Allemands de progresser. S’étant emparés du pouvoir, les Bolcheviks signent un armistice
avec les Allemands à Brest-Litovsk à la fin de l’année.
L’année 1918 commence avec une reprise de l’offensive allemande en Russie (les
Empires centraux veulent ainsi contraindre la Russie à signer la paix… ce qu’ils obtiennent
dès le mois de mars). Dès lors s’engage une véritable course de vitesse pour les
Allemands ; l’objectif est de ramener le plus rapidement possible les troupes du front Est
vers le front Ouest afin de lancer une grande offensive victorieuse avant que les troupes
américaines, encore en cours de formation, ne soient en ligne.
La première guerre totale ?
Des images de la première guerre mondiale restées dans les mémoires, celle du
poilu dans sa tranchée est évidemment la plus importante. Cependant, on a gardé aussi
cette idée de la femme qui entrait dans le monde du travail, des « vieux » qui reprenaient
le guidon de la charrue ou des enfants apprenant des chants patriotiques. On peut voir
dans ces souvenirs le fait que cette guerre a concerné tout le monde, qu’elle a été une
guerre totale. Militaire bien sûr mais aussi économique (il faut produire longtemps pour
la guerre ce qui nécessite une reconversion des activités… mais aussi de pouvoir financer,
essentiellement par l’emprunt d’ailleurs) et scientifique (invention ou perfectionnement
des armements et du matériel de manière générale. Cette guerre est aussi culturelle car
elle renforce les sentiments patriotiques, ceux-ci étant stimulés par différents moyens (de
l’affiche appelant à donner son or pour la victoire au « bourrage de crâne » d’une certaine
propagande en passant par de nombreux objets caractéristiques de cette culture de
guerre). Cette guerre est bien sûr totale parce qu’elle concerne directement ou
indirectement une grande partie de la planète ; attention, cependant, les contemporains
auront conscience d’avoir vécu une « Grande Guerre » mais pas une « Première Guerre
mondiale » (cette idée ne viendra qu’avec la seconde).
S’il y a bien eu de profonds changements au cours de cette première guerre
mondiale (par exemple dans la psychologie des personnes à travers un sentiment de
« brutalisation des sociétés » identifié par certains historiens), leur impact est cependant
très différent selon les personnes, les régions, les pays. Il faut se garder d’une trop grande
14
généralisation. Toutefois, quand on observe les monuments aux morts de petites villes ou
villages, on se rend compte de l’impact humain de cette guerre (9 à 10 millions de morts
environ en Europe).
MONUMENT AUX MORTS D’ENTRAYGUES (Aveyron)
Comparer les deux grandes plaques de la 1ère
guerre mondiale avec la petite pour la 2ème
…
Un événement connexe : les Révolutions russes
Lorsque commence le XXème siècle, la Russie est (avec peut-être l’Empire
ottoman et le « Vatican ») le seul Etat en Europe dans lequel une forme de libéralisation
politique n’est pas apparue. L’empereur russe, le tsar (déformation du mot « césar »), est
un autocrate c’est-à-dire un souverain qui a tous les pouvoirs ; il en a plus que par
exemple un souverain absolu comme Louis XIV puisque le tsar peut, par exemple, choisir
son successeur (par exemple, au début du XVIIIème siècle, Pierre le Grand fera de sa
femme Catherine Ière son successeur). Ce système politique s’applique sur un pays dans
lequel la société est bloquée depuis le XVIIIème siècle (pas de vraie possibilité d’ascension
sociale) et reste dominée par une noblesse propriétaire des terres que travaillent des
paysans (tous libres depuis 1862 mais souvent pauvres). Un début d’industrialisation est
en cours d’accomplissement mais celui-ci se heurte à la faiblesse de la bourgeoisie
d’affaires russe (et au fait que les investissements viennent de l’étranger… en particulier
de France).
L’année 1905 se révèle catastrophique pour la Russie qui subit une défaite
militaire humiliante face au Japon (première fois qu’un peuple asiatique bat un peuple
européen dans une guerre moderne) et connaît une révolution qui conduit à une
première limitation des pouvoirs du tsar par une assemblée (la Douma). Cependant, peu à
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peu, dans les années qui suivent, le pouvoir du tsar Nicolas II se reconstitue et certains
voient dans l’entrée en guerre de 1914 le moyen de réaffirmer la puissance russe en
Europe et à l’intérieur. Il n’en est rien ! Les armées russes sont le plus souvent mal
équipées, mal commandées et n’ont qu’un véritable avantage, le nombre. Aux défaites
militaires s’ajoutent de graves problèmes économiques dus à la désorganisation du pays
du fait du conflit et de l’invasion de la partie ouest de l’empire.
C’est dans ce contexte difficile que se produit en 1917 la première révolution
russe, appelée « Révolution de février » même si elle se passe en fait en mars (le
calendrier russe est le calendrier orthodoxe qui a une dizaine de jours de décalage avec le
calendrier grégorien). Une série de manifestations dans lesquelles les soldats fraternisent
avec le peuple amène le tsar Nicolas II à abdiquer en faveur de son frère le grand-duc
Michel… lequel refuse le trône. Il n’y a donc plus d’empereur en Russie ; on peut penser
que le pays va s’engager vers la voie d’une monarchie ou d’une république
constitutionnelle. En attendant la mise en place d’institutions, des gouvernements
provisoires libéraux se succèdent… et poursuivent la guerre.
Cette poursuite de la guerre va faire le jeu d’une partie du parti social-démocrate
russe, les Bolcheviks, qui défend les idées de Karl Marx revisitées par leur chef de file
Lénine. Revenant de son exil suisse en avril 1917, Lénine annonce que les Bolcheviks en
prenant le pouvoir mettront fin à la guerre et passeront à une économie communiste
(cela signifie notamment la redistribution des terres). Au terme d’une année troublée, les
Bolcheviks réalisent dans la nuit du 6 au 7 novembre un coup de force à Petrograd et
s’emparent du pouvoir ; c’est la « Révolution d’Octobre ». Ils signent rapidement un
armistice avec les Empires centraux (décembre 1917) puis la paix (mars 1918). La Russie
devient le premier Etat communiste au monde.
Des traités de paix porteurs de futurs difficiles
Après les différents armistices qui mettent fin aux combats (octobre-novembre
1918), il reste à faire la paix. Pour préparer celle-ci, une grande conférence de la paix
s’ouvre à Paris en janvier 1918. Elle ne réunit que les vainqueurs de la guerre (ce qui est
exceptionnel comme situation) et, parmi ceux-ci, seuls quatre pays vont vraiment discuter
des conditions de la paix future : la France (Clemenceau), le Royaume-Uni (Lloyd George),
les Etats-Unis (Wilson) et l’Italie (Orlando). La participation des Etats-Unis (le président
Wilson se déplace lui-même ce qui est la première visite d’un chef d’Etat américain en
Europe) dit les changements que la guerre a provoqués dans l’ordre du monde ; elle se
justifie aussi par le fait qu’en janvier 1918, le président Wilson, dans un célèbre discours
en 14 points, a défini les contours de ce que devait être selon lui cette paix : droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, liberté du commerce, fin de la diplomatie secrète,
création d’une Société des Nations sont quelques-unes des grandes lignes qu’il a fixées.
Les discussions vont donc voir les attentes américaines relativement modérées s’opposer
aux fortes exigences de la France (qui veut un redécoupage de l’Allemagne et de l’Italie
(qui veut les territoires qui lui ont été promis). N’obtenant pas ce qui lui était promis,
l’Italie se retirera même des discussions.
Au terme de plusieurs mois de négociations, le premier traité de paix règle le sort
de l’Allemagne (traité de Versailles du 28 juin 1919). Celle-ci se trouve convoquée pour
signer le traité sans avoir pu en négocier le moindre mot (c’est ce que les Allemands
appelleront le « diktat »). La volonté française de démembrer le pays a été bloquée par
les Américains et les Britanniques ; cela n’empêche pas l’obligation pour l’Allemagne de
se soumettre à des clauses très dures : limitation de son armée, interdiction de certains
armements, remise de sa flotte aux Alliés, perte d’une partie de son territoire qui permet
en partie la renaissance d’un Etat polonais. Le plus humiliant est l’article 231 qui rend
16
l’Allemagne responsable de la guerre et lui impose le versement de lourdes réparations
(dont la somme sera définie ultérieurement).
En 1919 et 1920, plusieurs nouveaux traités mettent fin à la guerre avec les alliés
de l’Allemagne (Autriche, Hongrie, Bulgarie, Turquie). Il en résulte une nouvelle carte de
l’Europe, notamment dans la partie centrale et orientale du fait de la marginalisation de
la Russie bolchévique, de l’éclatement de l’Autriche-Hongrie et de ce qui restait d’Empire
ottoman. A l’ouest, les changements sont beaucoup plus rares et ne concernent que
quelques territoires ; le plus important en superficie est le retour à la France de l’Alsace et
de la Lorraine du Nord. Seul le différend (puis la guerre) entre la Grèce et la Turquie
débouchera en 1923 sur une modification d’un des traités de paix par le traité de
Lausanne.
L’EUROPE EN 1923
L’entre-deux-guerres (1919-1939)
Les vingt années qui séparent le traité de Versailles de l’entrée des troupes
allemandes en Pologne peuvent être lues de différentes manières. On peut y voir une
inéluctable pente vers un nouveau conflit mondial, penser qu’après une période où tous
les espoirs d’un monde nouveau restaient possibles, la mécanique du progrès s’est
détraquée avec la crise de 1929. On peut aussi lire la naissance (évidente après coup) du
grand conflit qui opposera après la seconde guerre mondiale les Etats-Unis (sortis
première puissance mondiale de la Grande Guerre) et l’URSS formée suite à la Révolution
bolchévique d’Octobre 1917.
Prospérité et dépression
Les lendemains de la Première Guerre mondiale ne sont pas forcément des
lendemains qui chantent pour tous. Le retour à la paix ne signifie pas le retour à la vie
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d’avant la guerre. Trop de paramètres économiques, sociaux, politiques ou culturels ont
changé. La saignée démographique chez les belligérants crée de nouvelles données
sociales (besoin en main d’œuvre étrangère qui reste nécessaire) voire politiques (le droit
de vote est accordée aux femmes, sauf en France, dans les principaux pays ayant
participé au conflit). C’est surtout au plan économique et financier que la guerre a
irrémédiablement transformé les choses. Les nombreuses industries qui s’étaient
reconverties vers les activités liées à la guerre doivent revenir à leurs anciens domaines
de production, ce qui ne se fait pas de manière instantanée et explique que les prix des
biens devenus rares pendant la guerre vont encore rester élevés longtemps. Si certains
industriels ont tiré de grands profits de la guerre (aussi bien en terme de revenus que de
transformation de leurs installations : usines agrandies, passage au travail à la chaîne),
d’autres au contraire subissent le choc d’un retour à la paix avec des conditions
économiques et surtout financières qui ont changé. En effet, il a fallu financer cette
guerre longue et coûteuse. Pour y parvenir, faute de pouvoir s’appuyer vraiment sur la
fiscalité, les Etats ont eu recours à l’emprunt (mais ces emprunts, en grande partie
contractés envers les Etats-Unis, il faut les rembourser !) mais aussi à la fabrication
supplémentaire de monnaie sans que le stock d’or dans les caisses des banques centrales
ait augmenté ; la conséquence mécanique de l’apparition de cette nouvelle monnaie est
une perte de valeur relative des monnaies et l’inflation qui se traduisent par une hausse
des prix. Cette situation pénalise en particulier tous les rentiers, ceux qui vivaient des
revenus de l’argent prêté : beaucoup, au lendemain de la première guerre mondiale, se
trouvent purement et simplement ruinés. Chez les vainqueurs de la guerre, on compte
beaucoup sur les réparations (132 millions de marks or) que l’Allemagne doit verser :
« L’Allemagne paiera ! » devient la réponse en France que les gouvernements apportent à
ceux qui s’inquiètent des difficultés économiques des lendemains de la guerre.
Les années 1919, 1920, 1921 sont donc des années difficiles au plan économique
mais tous les Etats ne restent pas plongés dans le marasme aussi longtemps. N’ayant pas
à reconstruire leur territoire et continuant à bénéficier de commandes européennes, les
Etats-Unis se redressent très rapidement ; ils entrent dans la période qu’on va appeler la
période de la Prospérité. Soutenue par des présidents républicains, partisans d’un
véritable libéralisme économique, l’économie américaine connaît une forte croissance
portée par des achats de biens de consommation liés à la deuxième révolution
industrielle comme l’automobile, la radio, les produits électroménagers. Cette croissance
s’accompagne d’une forte augmentation des valeurs à la Bourse de New York et par le
sentiment qu’on est entré dans une nouvelle ère économique d’expansion continue. A
des degrés moindres, cette prospérité va être connue par d’autres grands pays : en
France, cette croissance s’accompagne d’une certaine libération des mœurs bien
compréhensibles après les cinq années de guerre ; ce seront les « années folles ».
Il est un pays cependant qui ne voit pas sa situation économique se redresser.
L’Allemagne reste engluée dans les difficultés du fait notamment des conséquences de la
guerre (endettement) et de la défaite (réparations). 1923 est pour les Allemands une
année noire. Le pays connaît une hyperinflation qui se traduit par une hausse vertigineuse
des prix et une perte de valeur impensable de la monnaie : on va faire son marché avec
une brouette remplie de billets, le timbre-poste atteint un milliard de marks… Cette
situation amène le gouvernement allemand à renoncer au remboursement des
réparations (qui, elles, doivent se faire avec la valeur or théorique de la monnaie). Les
Français et les Belges réagissent en occupant la Ruhr, principale région industrielle
allemande dont ils s’emparent des richesses ; le peuple allemand réagit en déclenchant
une grève générale ce qui aggrave encore la situation économique du pays. La sortie de
cette terrible crise viendra des Etats-Unis. Par le plan Dawes (1924), les banques
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américaines s’engagent à prêter à l’Allemagne de quoi faire face à ses échéances. Peu à
peu la situation économique allemande se redresse. La seconde moitié des années 20
donne l’impression d’une prospérité générale et bien installée.
On a longtemps cru que la crise économique des années 30 (ou crise de 1929)
était survenue alors que tous les indicateurs économiques étaient positifs. Il n’en est rien.
Depuis des années déjà, les signes inquiétants d’essoufflement de l’économie américaine
existaient mais, entretenue par une active spéculation, la Bourse continuait à monter.
Puis vint le jeudi noir (24 octobre 1929) où les valeurs s’effondrèrent à Wall Street,
ruinant de nombreux possédants et actionnaires. Dans les jours qui suivirent ce krach, la
dégringolade se poursuivit créant un vent de panique dans tous les Etats-Unis : les
épargnants se précipitèrent dans les banques pour retirer leur argent avant que celles-ci
soient dans l’incapacité de le rendre ; dans certains cas, ce fut trop tard, la banque ayant
fait faillite ; dans d’autres cas, les banques se dépêchèrent d’exiger le remboursement des
sommes prêtées notamment à des Etats comme l’Allemagne ou l’Autriche. La crise
financière, partie des Etats-Unis, commença ainsi à gagner l’Europe puis le monde (seule
l’URSS, en marge des réseaux économiques et financiers mondiaux, ne sera pas touchée).
Si la crise a un point de départ clairement daté, il ne faut pas voir dans les graves
difficultés qui vont courir pendant les années 30 un simple phénomène boursier. Si les
valeurs se sont effondrées c’est qu’on s’est rendu compte que leurs cours ne
correspondaient plus avec les réalités économiques. La « crise des années 30 » (en fait
une période de dépression économique, la crise n’étant que le déclencheur) est
caractéristique d’une situation classique de surproduction. Cette surproduction dans les
usines américaines se traduit par la constitution de stocks d’invendus et donc par une
baisse des prix (qui auraient dû normalement tirer le cours des actions vers le bas depuis
un moment). Les industriels ne peuvent donc que réduire leur production, voire même
carrément la stopper, puisque, malgré les prix en baisse, il y a moins d’achats. Le
ralentissement de la production et, à plus forte raison, la faillite et la fermeture des
industries ont des conséquences économiques (ralentissement des commandes en
matière première… ce qui étend les difficultés à d’autres régions du monde) et sociales
(licenciement du personnel qui, à une époque où les assurances chômage n’existent
pratiquement pas, se retrouvent soudain sans presque rien pour vivre). La consommation
se trouve donc d’autant plus réduite… ce qui ne risque pas de faire repartir la production.
On se trouve donc enfermé dans un cercle vicieux… mais c’est un cercle vicieux qu’on
connaît car toutes les crises de l’Age industriel depuis le milieu du XIXème siècle ont à peu
près respecté ce schéma-là. L’attitude du président américain Hoover est caractéristique
des croyances libérales dominantes : « la prospérité est au coin de la rue » affirme-t-il
pensant que les difficultés ne dureront que six mois à un an. Or, la crise dure, la misère
augmente avec une forte croissance du nombre des chômeurs (aux Etats-Unis et en
Allemagne en particulier) et la production ne repart toujours pas.
Face à la crise, les politiques vont essentiellement être de deux types : soit une
politique d’attente qui estime que la situation économique doit s’assainir d’elle-même
avant le retour de la prospérité, soit une politique d’intervention de l’Etat dans le
domaine économique pour relancer la consommation (politique keynésienne qui sera
appliquée aux Etats-Unis par le président Roosevelt dans le cadre du New Deal ou en
France avec le Front Populaire). Dans les deux cas, les résultats ne sont pas vraiment
concluants ; le marasme va durer pendant toutes les années 30 et peser sur les
événements politiques de l’époque.
La montée des régimes fascistes
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La définition de totalitarisme étant apparue après la seconde guerre mondiale
pour « mettre dans le même sac » en pleine guerre froide les vaincus (Allemagne, Italie)
et le régime stalinien, ce terme est à manier avec une certaine prudence. On préférera
dans cette présentation séparer le cas des régimes fascistes (qui seraient des
totalitarismes d’extrême-droite) du régime communiste stalinien (un totalitarisme
d’extrême-gauche). Le programme de la classe permettra en outre de préciser cette
notion.
Le mot fascisme, à l’origine, ne désigne que l’idéologie portée en Italie par le
mouvement fondé par Benito Mussolini ; cependant, parce que ce régime italien sera le
premier, le mot finira par désigner pour les historiens tous les régimes s’inspirant des
principes mussoliniens (avec des discussions entre spécialistes pour savoir su tel ou tel
pays dans l’entre-deux-guerres a été ou pas fasciste).
La jeune démocratie italienne sort ébranlée de la première guerre mondiale ; le
pays, confronté à une crise politique, économique et morale (on parle de « victoire
mutilée » car les traités de paix n’ont pas donné au pays tous les territoires promis), est
confronté à une grande instabilité (mouvements paysans et ouvriers se réclamant du
communisme). C’est dans ce contexte troublé qu’un ancien militant socialiste, Benito
Mussolini, fonde en mars 1929 les Fasci di Combattimento (faisceaux de combat), un
mouvement de type révolutionnaire amis qui glisse entre 1919 et 1921 vers l’extrême-
droite en se posant en défenseur des possédants. Les « chemises noires », uniforme des
partisans de Mussolini, font régulièrement le coup de poing contre les militants
communistes dans ce qui ressemble fortement à l’amorce d’une guerre civile : en août
1922, les « chemises noires » cassent par la violence la grève lancée par les communistes
et renforcent ainsi le sentiment que le fascisme est le seul mouvement pouvant défendre
les classes moyennes. A la fin du mois d’octobre, Mussolini organise la Marche sur Rome
qui est un moyen de faire pression sur le roi Victor-Emmanuel III pour qu’il confie le
pouvoir aux fascistes. La menace est suffisante pour que Mussolini soit nommé
légalement – ou à peu près – chef du gouvernement.
Même si Hitler n’accède au pouvoir que 11 ans après Mussolini, il y a un certain
nombre de similitudes avec le fascisme italien dans la création du nazisme. On retrouve
d’abord dans l’idéologie la conjonction d’idées socialistes et nationalistes (le NSDAP,
fondé en 1919, est un parti qui se dit national-socialiste d’où découle le l’abréviation
« nazi »). Les circonstances de création sont très proches ; certes l’Italie était du côté des
vainqueurs et l’Allemagne le grand vaincu de la première guerre mondiale, mais dans les
deux pays la frustration domine après les traités. Le contexte économique y est difficile au
début des années 20 et dans les deux cas, la menace d’un coup de force communiste est
réelle (il a même eu lieu en Allemagne avec le soulèvement des « spartakistes » au début
de 1919). Ce contexte difficile (et durable en Allemagne) conduit en 1923 à une tentative
de prise du pouvoir par Hitler ; c’est le « putsch de la brasserie » à Munich qui échoue et
envoie Hitler en prison. Pendant son emprisonnement, Hitler rédige son livre-manifeste
Mein Kampf dans lequel il expose ses idées (notamment sur l’inégalité des races). A sa
sortie de prison, il décide une prise du pouvoir par des formes légales. Le déclenchement
de la crise économique dès la fin de 1929, son impact terrible sur les populations et les
faiblesses de la démocratie allemande font le jeu du parti nazi dont les scores électoraux
progressent. Le 30 janvier 1933, le président Hindenburg appelle Adolf Hitler à former un
gouvernement dans lequel il n’y a, outre Hitler, qu’un seul ministre nazi. On pense
affaiblir ainsi le parti nazi, c’est l’inverse qui va se produire.
20
Fascisme italien et nazisme allemand se rejoignent, une fois au pouvoir, sur un
grand nombre de points. Mussolini et Hitler imposent assez vite le système du parti
unique en interdisant les autres partis (le parti communiste en premier lieu), en
pourchassant les adversaires politiques (avec des assassinats ou des emprisonnements à
la clé), en marginalisant les chefs de l’Etat (Victor Emmanuel III en Italie, le maréchal
Hindenburg en Allemagne) afin de prendre le contrôle total de l’Etat. Les libertés
fondamentales sont bien évidemment supprimées. Pour assurer leur pouvoir, ils
s’appuient sur des forces paramilitaires (les chemises noires en Italie, les SA puis les SS en
Allemagne) et sur une police politique (OVRA en Italie, Gestapo en Allemagne). Les
structures démocratiques sont supprimées ou seulement peuplées de membre du parti
unique. Les deux leaders italien et allemand sont valorisés par une propagande incessante
vantant leurs mérites et imposant leur statut de chef suprême (Duce en Italie, führer en
Allemagne) auquel on ne peut refuser d’obéir. La propagande est le principal relais de la
volonté d’embrigadement qui incluent les populations au sein de la structure du parti
unique à travers toutes une succession de groupes (« enfants de la louve » ou « jeunesses
hitlériennes » par exemple).
Fascisme et nazisme sont donc deux dictatures totalitaires dont les idées
principales sont de type nationalistes. Les deux Etats ont, selon leurs chefs respectifs,
vocation à s’étendre, à retrouver un « espace vital » ; pour l’Italie, il s’agit de retrouver la
puissance méditerranéenne du monde romain tandis que pour l’Allemagne, on vise le
contrôle de toutes les terres germanisantes d’Europe, soit pour l’essentiel l’Europe
centrale. Toutefois, il existe une distinction fondamentale entre les deux idéologies
totalitaires ; alors que le discours mussolinien est principalement nationaliste, celui
d’Hitler ajoute un violent antisémitisme qui ne se retrouve pas dans le fascisme des
origines (il faudra attendre le rapprochement de l’Allemagne et de l’Italie à la fin des
années 30 pour que l’Italie mussolinienne commence à tenir des discours antisémites et à
agir contre les juifs). Dès 1933, l’Allemagne a ouvert des camps de concentration pour les
adversaires politiques et certains juifs (ce ne sont pas encore des camps
d’extermination) ; en 1935, les lois de Nuremberg affirment le caractère inférieur des juifs
et les écartent de nombreux métiers et, quasiment, de la société allemande.
Face aux crises économiques, les deux Etats fascistes vont mener des politiques
similaires. L’Etat devient le principal acteur économique en lançant des politiques de
grands travaux (création d’autoroutes ou bonification des terres par exemple) dont les
résultats seront exaltés par la propagande. Cette politique se double d’une volonté
autarcique car l’Italie et l’Allemagne, sachant que leur politique peut mener à la guerre,
souhaitent ne pas se retrouver dépendantes d’autres pays ; elles cherchent donc à
produire elles-mêmes ce dont elles ont besoin au besoin en fabriquant des produits
artificiels (ersatz). Dans cette politique économique face à la crise, qui globalement
réduira très fortement le chômage, la fabrication de matériel de guerre ne cesse de
progresser et conduit au développement d’armées modernes et bien équipées.
L’affirmation de l’URSS de Lénine à Staline
La prise du pouvoir par les bolcheviks en novembre 1917 ne signifie pas une
victoire immédiate et totale. Si Lénine fait adopter très rapidement des mesures donnant
à l’Etat la propriété des moyens de production pour se gagner le soutien des paysans et
des ouvriers, si la Russie met fin à la guerre contre les Empires centraux, le nouveau
pouvoir doit prendre le contrôle effectif du pays que lui contestent à la fois des partisans
du régime tsariste et des partisans d’une république libérale. De la révolution, on bascule
vers une longue guerre civile qui va durer jusqu’en 1921 et avoir des conséquences
désastreuses pour l’économie et les populations de la Russie. Aussi, après cette période
21
dite du « communisme de guerre » (où s’installent également la traque et l’arrestation
des adversaires politiques), Lénine décide pour redresser le pays un retour partiel à
l’économie de marché ; c’est le temps de la NEP (nouvelle politique économique). En
1922, la Russie devient l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques).
Cependant la santé de Lénine faiblit et la question de sa succession commence à
se poser. A sa mort (21 janvier 1924), deux hommes semblent les mieux placés pour
incarner le futur de l’URSS. D’un côté, Léon Trotsky, intellectuel d’origine juive,
organisateur de l’Armée rouge qui a permis d’assurer la victoire communiste pendant la
guerre civile, favorable à une extension rapide de la révolution soviétique dans le monde.
De l’autre, Joseph Staline, homme frustre, devenu secrétaire général du parti en 1922 et
plutôt partisan de finir d’implanter le communisme en Russie avant d’envisager une
révolution mondiale. Dans cette lutte, Staline va pouvoir s’appuyer sur le contrôle qu’il
exerce sur le parti mais aussi sur la crainte que peut susciter un homme brillant comme
Trotsky. Peu à peu, Trotsky va se retrouver exclus des organes supérieurs du parti, puis du
parti et enfin contraint à l’exil. En 1928, Staline est devenu le maître de l’appareil du parti
et ceux qui pensaient pouvoir le contrôler vont bientôt se rendre compte que ce sera
impossible.
Assuré du pouvoir, Staline rompt avec la NEP pour mettre en place sa vision du
communisme. Celle-ci repose sur le retour des terres, des commerces et des usines à
l’Etat. Les terres, rendues aux paysans, sont ainsi collectivisées ; désormais, il n’existera
plus que de grandes unités de production, les kolkhozes, fermes collectives. La résistance
des paysans à cette collectivisation (1929) débouchera sur une grande famine au début
des années 30 dans certaines parties de l’URSS. Dans le même temps, Staline instaure la
planification ; désormais, toutes les productions du pays seront prévues à l’avance dans
un plan de cinq ans (plan quinquennal) qui fixera les quantités à produire. La priorité fixée
par Staline pour les premiers plans est l’industrie lourde qui doit permettre de redresser
la situation industrielle du pays (effectivement, en 1940, l’URSS, profitant notamment de
ses grandes ressources naturelles, sera devenue la 3ème
industrie mondiale).
Mais Staline est un personnage toujours inquiet face à ceux qui pourraient être
tentés de le supplanter. La propagande a beau vanter les mérites du « petit père des
peuples » et les camps regorger sans cesse de nouveaux opposants prisonniers, Staline
craint qu’on veuille l’éliminer. Aussi, conduit-il régulièrement de grandes purges au sein
du parti. Les plus importantes interviennent entre 1936 et 1938 (Grands procès de
Moscou) et ont pour résultat d’éliminer tous les anciens chefs de la révolution de 1917 (il
ne reste que Staline et Trotsky… que Staline fera assassiner au Mexique en 1940) mais
aussi une partie des cadres supérieurs de l’Armée rouge. L’URSS de 1940 est un pays
vivant sous le régime de la terreur stalinienne, forme de totalitarisme se réclamant des
valeurs des Lumières (la constitution soviétique apparaît en effet très démocratique sur le
papier… mais comme c’est le parti qui dirige tout, elle n’a aucune véritable application).
Les difficultés de la France
La France sort de la première guerre mondiale dans un état épouvantable. Elle est
endettée, saignée par la mort de près d’un million et demi de soldats (sans compter les
mutilés), confrontée au vieillissement de sa population (déjà réel avant la guerre mais
renforcé par la mort d’une grande partie de sa jeunesse). Une partie du territoire national
(essentielle à l’industrie et à l’agriculture du pays) a été ravagée par les combats et le
retour à une économie de temps de paix va se révéler très difficile. Mais la France est
auréolée par sa victoire, retrouve l’Alsace-Lorraine… tout en se désolant que les traités
n’aient pas été plus durs avec l’Allemagne. A tous ces problèmes, la France oppose une
certitude qui doit permettre des lendemains meilleurs : « l’Allemagne paiera ! ». Sauf que
22
l’Allemagne n’est pas vraiment en condition de payer et que les difficultés perdurent dans
les premières années des années 20. En 1923, le gouvernement dirigé par Raymond
Poincaré veut se montrer énergique et envahit la Ruhr pour « se servir » directement en
Allemagne. Cette intervention n’arrange rien (grève générale en Allemagne et isolement
diplomatique conduisent à un repli sans gloire) et le marasme économique dure en
France une bonne partie des années 20 jusqu’à ce qu’en 1928, Poincaré, revenu au
pouvoir, réalise une forte dévaluation du franc qui relance l’activité économique.
Politiquement, la France des lendemains de la première guerre mondiale est
« bleu horizon » (couleur des uniformes des soldats français) c’est-à-dire majoritairement
à droite. Les difficultés économiques, l’incapacité à faire payer l’Allemagne conduisent en
1924 à la victoire électorale du Cartel des gauches (alliance des radicaux et des
socialistes) ; cependant, dès 1926, les radicaux rompent avec les socialistes et forment
une nouvelle majorité avec la droite permettant le retour au pouvoir de Poincaré.
En 1929, en 1930, la France regarde le monde entrer dans la grande dépression en
pensant être à l’abri du cataclysme économique. Il faut attendre 1931 pour que
l’économie française, qui profitait toujours des effets de la dévaluation de 1928, sombre à
son tour dans les difficultés. Les faillites d’entreprises se multiplient (d’autant plus
nombreuses que l’appareil productif français est plutôt ancien et peu concurrentiel) et le
chômage augmente. Face aux difficultés, les gouvernements vont tenter de juguler la
crise par une politique de déflation (l’Etat réduit ses dépenses, notamment en abaissant
les salaires et en faisant moins de commandes) ; ce type de politique n’a aucun effet
positif.
Dans cette situation compliquée, l’instabilité gouvernementale devient chronique
tandis que s’organisent des mouvements nationalistes d’extrême-droite, les ligues,
soutenus par l’Italie et/ou l’Allemagne qui critiquent le système parlementaire l’accusant
de mollesse et de corruption. Le 6 février 1934, la manifestation des ligues dégénère en
violents affrontements à proximité de la Chambre des députés. La peur d’un coup de
force réussi de ces ligues va amener à un rapprochement inédit des trois formations de
gauche française (radicaux, socialistes et communistes) dans l’optique des élections de
1936. Cette alliance prend le nom de Front populaire.
En mai 1936, l’alliance du Front populaire emporte les élections avec un
programme visant à résoudre la crise politique (lutte contre les ligues), la crise
économique (politique de relance économique inspirée des politiques keynésiennes), la
crise internationale (faire barrage aux appétits des régimes fascistes). Au début du mois
de juin, le socialiste Léon Blum devient président du conseil (c’est la première fois qu’un
socialiste accepte de diriger un gouvernement républicain). Mais, entre les élections et
l’arrivée de Blum au pouvoir, le monde ouvrier a lancé un vaste mouvement de grèves
avec occupation des usines pensant que, pour la première fois, il ne risque rien avec
l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement soutenant leurs revendications. Ce contexte
conduit Léon Blum à organiser autour de lui, à l’hôtel Matignon, une rencontre entre
syndicats et représentants des patrons. Il en sort les fameux accords Matignon (juin 1936)
qui prévoient des hausses de salaires afin de relancer la consommation. Dans les jours qui
suivent, le gouvernement Blum met en place la semaine des 40 heures et les premiers
congés payés (2 semaines).. Il décide aussi de nationaliser certaines entreprises (les
compagnies de chemins de fer, la Banque de France, les industries d’armement…) afin
que l’Etat exerce un meilleur contrôle sur l’économie. Toutes ces mesures vont
cependant se révéler insuffisantes ; l’activité économique a beaucoup de mal à repartir.
Dans le domaine politique, les mesures prises contre les organisations ligueuses
(elles sont interdites) ne vont pas être suffisantes car celles-ci se transforment en partis
politiques et deviennent dès lors intouchables. Elles peuvent notamment à travers la
23
presse poursuivre un travail de dénigrement antisémite contre Blum ou anticommuniste.
Les accusations virulentes contre le ministre Roger Salengro accusé de désertion pendant
la première guerre mondiale conduiront celui-ci au suicide. La résistance des ligues se
double d’une incapacité des gouvernements de Front populaire à faire face à la situation
internationale. L’opinion publique française demeure profondément pacifiste, l’allié
britannique n’est pas prêt à faire une guerre sur le continent ; ces deux raisons expliquent
que le Front populaire ne peut ni déclarer la guerre à l’Allemagne, ni lancer la France au
secours des Républicains espagnols dans la guerre d’Espagne (1936-1939). Les
gouvernements français se contenteront de lancer le réarmement de la France en vue
d’une guerre qui apparaît désormais proches et de faire passer clandestinement des
armes aux Républicains espagnols.
Très rapidement, l’alliance électorale de gauche se fissure. Les radicaux sont
effrayés par les mesures économiques du gouvernement et par les risques d’intervention
en Espagne quand les communistes trouvent que le gouvernement du Front populaire ne
va pas assez loin. Comme en 1926 et en 1934, à mi-législature, les radicaux abandonnent
l’alliance à gauche et basculent vers la droite. Edouard Daladier succède à Léon Blum à la
tête du gouvernement en se donnant pour mission de « remettre la France au travail » ;
une partie des mesures du Front populaire sont supprimées ou mises entre parenthèses.
Si le Front populaire présente un bilan plutôt mitigé, voire négatif sur certains points, il
deviendra pourtant un moment important de la mémoire nationale.
La seconde guerre mondiale (1939-1945)
Une génération après la Grande guerre, l’Europe (d’abord) puis le monde se
trouvent propulsés dans un nouveau conflit à l’importance inconnue. Ce conflit qu’on fait
traditionnellement aller du 1er
septembre 1939 aux 2 septembre 1945 a pourtant
commencé dès 1937 en Asie avec l’agression du Japon contre la Chine… et ne trouvera sa
véritable issue que bien après 1945 (en fait, en 1990, au moment de la réunification
allemande).
La marche à la guerre
La seconde guerre mondiale trouve ses origines principales dans la Grande guerre.
Celle-ci a fait beaucoup de frustrés (les Etats vaincus notamment qui n’ont pas accepté les
conditions dures qui leur ont été imposées… mais aussi certains Etats vainqueurs, comme
l’Italie, qui n’ont pas obtenu ce qu’ils espéraient lors des traités) en même temps qu’elle a
développé chez les vainqueurs les sentiments pacifistes. On a donc d’un côté, et en ayant
conscience de schématiser, des Etats qui rêvent de revanche et de l’autre des Etats qui
veulent éviter à tout prix une nouvelle déflagration.
Dès son arrivée au pouvoir, Adolf Hitler va commencer le grignotage des
dispositions du traité de Versailles. Cette attitude va conduire Mussolini à vouloir, lui
aussi, mener des opérations militaires extérieures (ce sera l’invasion de l’Ethiopie en
1934). De son côté, le Japon a entrepris dès le début des années 30 une nouvelle
expansion sur le continent asiatique en Chine du Nord. Ces actions des futures puissances
de l’Axe résultent en premier lieu des difficultés économiques liées à la crise des années
30 : l’orientation des productions industrielles vers l’armement comme la conquête de
nouveaux marchés pour écouler les produits nationaux expliquent ces poussées
expansionnistes. Pourquoi s’en priver d’ailleurs puisque la SDN (Société des Nations),
organisme international siégeant à Genève et sensé garantir la paix dans le monde, n’a
24
aucun moyen de s’y opposer sauf par des condamnations qui restent le plus souvent
théoriques.
Les coups de force hitlériens sont cependant les plus décisifs dans la marche à la
guerre car ils émanent d’un pays vaincu en 1919 (alors que l’Italie et le Japon étaient alors
du côté des vainqueurs et n’avaient donc aucune condition draconienne à respecter). Dès
1933, Hitler quitte la SDN (dans laquelle l’Allemagne était entrée en 1926, symbole
croyait-on alors d’une paix durable) ; c’est montrer que l’Allemagne nouvelle se place en
dehors des règles internationales. En 1935, assuré du contrôle du pays, il peut
entreprendre la remilitarisation de l’Allemagne, restaurant notamment une aviation de
guerre interdite depuis 1919 (celle sera d’ailleurs testée en soutien de Franco dans la
guerre d’Espagne). Il récupère la même année la Sarre qui avait été confiée à la SDN en
attendant un votre pour savoir si cette région frontalière voulait être française ou
allemande. L’année 1936 voit le rapprochement allemand avec l’Italie (jusqu’alors hostile
à Hitler) et le Japon. En mars, la remilitarisation de la Rhénanie (rive gauche du Rhin)
remet les forces allemandes aux frontières de la France. En 1937, Hitler planifie l’entrée
prochaine du pays en guerre (plan de quatre ans pour préparer à un conflit d’envergure)…
Cela ne l’empêche pas de mener de nouveaux coups de force.
L’EUROPE POLITIQUE A L’ETE 1938
En mars 1938, il annexe l’Autriche réalisant l’Anschluss pourtant interdit par le
traité de Versailles. En septembre 1938, il réclame la région des Sudètes qui, bien que se
trouvant en Tchécoslovaquie, est peuplée en grande partie par des populations
allemandes. Cette crie diplomatique débouche sur la réunion d’une grande conférence à
Munich où se retrouvent Hitler, Mussolini, Daladier (pour la France) et Chamberlain
(Royaume-Uni) ; premiers concernés, les Tchécoslovaques ne sont pas présents et se
trouvent obligés d’accepter la décision issue de la conférence (29 septembre 1938) : les
Sudètes seront remises à l’Allemagne. Bien qu’ils s’agissent d’un recul humiliant, cette
25
solution est accueillie avec liesse par les Français et les Britanniques : la paix est sauvée.
Léon Blum, hostile à cette reculade, parle dans son journal Le Populaire d’un « lâche
soulagement ». Encouragée par le pacifisme et l’absence de réaction des Franco-
Britanniques, Hitler s’empare de toute la partie ouest de la Tchécoslovaquie (mars 1939)
laissant la partie slovaque à la Hongrie. Face à cette nouvelle agression et au risque
évident d’une prochaine contre la Pologne (dont l’accès à la mer par le corridor de
Dantzig coupe en deux le territoire allemands), Français et Britanniques déclarent qu’ils
interviendraient pour la secourir.
Dans la nuit du 23 août 1939, la signature du pacte germano-soviétique ébranle
les certitudes diplomatiques des démocraties européennes. Là où certains voyaient Hitler
en obstacle à la poussée des communistes en Europe, on découvre l’alliance improbable
entre une dictature d’extrême-droite et une dictature d’extrême-gauche. Et, même si
cette question n’est abordée que dans un article secret du pacte, les plus clairvoyants
peuvent imaginer que l’entente se fait sur le dos de la Pologne dont le territoire fait
tampon entre ces deux puissants voisins. Ayant la certitude de ne pas être attaqué sur
deux fronts, Hitler peut lancer le 1er
septembre ses troupes contre la Pologne (sans
déclaration de guerre). Ce qui sera la deuxième guerre mondiale débute.
Les victoires de l’Axe
La Pologne n’a à opposer que des forces relativement symboliques à la puissante
armée allemande (l’image traditionnelle a retenu les cavaliers polonais chargeant contre
les blindés allemands). Elle trouve également des alliés bien peu pressés de voler à son
secours ; même si la France et le Royaume-Uni ont déclaré la guerre à l’Allemagne dès le
3 septembre 1939, l’envoi de renforts reste très symbolique (ils arriveront d’ailleurs alors
que la défaite polonaise est acquise) et aucune action n’est lancée contre l’Allemagne par
l’ouest. La Pologne succombe donc en quelques semaines et se trouve partagée entre
Allemands et Soviétiques (lesquels sont entrés à leur tour dans le pays le 17 septembre).
La Pologne étant vaincue, on entre dans la « drôle de guerre », période qui dit bien
l’indécision des Français et des Britanniques à passer à l’action. Il faut dire que la stratégie
de l’état-major français, fondée sur l’expérience de 1914, repose sur une guerre défensive
que symbolise la ligne Maginot, série de fortifications impressionnantes tendues le long
de la frontière avec l’Allemagne ; rien n’est pensé pour l’offensive. Aussi, échafaude-t-on
des plans étranges dans lesquels l’ennemi principal apparaît plus l’URSS que l’Allemagne.
L’essentiel semble être de ne pas se battre sur le territoire français (« stratégie
périphérique »). C’est ce qui expliquera l’envoi d’un corps expéditionnaire en Norvège, à
Narvik, pour « couper la route du fer » suédois indispensable à l’industrie de guerre
allemande. En quelques jours, en avril 1940, l’armée allemande avait en effet occupé le
Danemark et la Norvège. Le corps expéditionnaire allié dut rembarquer rapidement car
les combats venaient de commencer sur le front ouest.
Le 10 mai 1940, les troupes allemandes ont lancé la grande offensive attendue
depuis l’automne. Celle-ci consiste à une attaque massive sur les Pays-Bas et la Belgique
qui semble reprendre le plan Schlieffen de 1914. Conformément au plan prévu en pareil
cas, les troupes françaises et britanniques entrent en Belgique. C’est alors que le 14 mai
1940, une seconde offensive allemande est déclenchée dans les Ardennes (jugées
infranchissables par l’état-major français) entre la ligne Maginot à l’est et les forces
entrées en Belgique. Les blindés allemands percent les défenses françaises et en se
rabattant vers la Manche piègent les forces franco-britanniques dans une poche qui va
peu à peu se refermer sur eux. En dépit de l’opération menée par les Britanniques dans
cette poche de Dunkerque pour sauver ce qui peut l’être, les Allemands font des dizaines
26
de milliers de prisonniers. Le gros de l’armée alliée étant détruite, les Allemands
reprennent leur progression vers le sud au début de juin 1940 poussant devant eux une
vague de réfugiés, civils ou militaires ; c’est l’Exode. Le 14 juin, les troupes allemandes
entrent dans Paris que le gouvernement français a abandonné pour Bordeaux. Le 16 juin,
le président du conseil Paul Reynaud, qui voulait poursuivre la guerre depuis l’Afrique du
Nord, est contraint à la démission au profit du maréchal Pétain, glorieux vainqueur de
Verdun, dont on espère qu’il pourra en imposer aux Allemands. Le 17, il annonce à la
radio avoir demandé l’armistice aux Allemands. Le 22 juin 1940, les envoyés du
gouvernement français sont conduits par les Allemands à Rethondes là où l’Allemagne
avait dû signer l’armistice en novembre 1918 ; les conditions sont dures mais le
gouvernement de Pétain accepte de s’y plier (ainsi qu’à la signature d’un armistice avec
les Italiens entrés en guerre eux aussi contre la France le 10 juin). Le 25 juin, la France
dépose les armes et le Royaume-Uni, dirigé depuis le 10 mai 1940 par Winston Churchill,
se retrouve seul pour poursuivre la lutte.
La victoire allemande, et surtout sa rapidité, stupéfie le monde ; l’armée française,
depuis la Grande guerre, était réputée comme étant la meilleure au monde. Elle s’est
effondrée en un peu plus d’un mois. Les raisons de cette défaite sont multiples. L’armée
française, contrairement à ce qu’on a longtemps affirmé, s’est battue et bien battue en
mai-juin 1940 mais elle n’était pas préparée à affronter un type de guerre nouveau ; en
France, « l’école Pétain » prônait la défensive et rien n’avait été pensé en fonction d’une
guerre de mouvement mécanisée. La production d’armements nouveaux avait été décidé
trop tard et même lorsqu’on en disposait, on ne les employait pas de la manière la plus
efficace. Du côté allemand, on avait retenu les leçons de la première guerre mondiale
mais pour mieux les dépasser ; la tactique allemand reposait sur ce qu’on appellera la
blitzkrieg, la guerre-éclair, fondée sur la complémentarité entre les chars et les avions. Les
premiers fonçaient pour prendre l’ennemi de vitesse et l’encercler, les seconds avaient
pour mission de désorganiser l’ennemi et de faire sauter les éventuels points de
résistance (au besoin en larguant des parachutistes sur zone). Même si certains historiens
considèrent aujourd’hui que les Allemands ont bénéficié d’un peu de chance au cours de
la campagne de France, la blitzkrieg a mis à terre l’armée française comme elle avait
abattu avant la Pologne, le Danemark ou la Norvège. Reste pour Hitler à en finir avec le
Royaume-Uni.
L’Allemagne escompte sans doute que, resté seul, le Royaume-Uni mette bas les
armes. C’est compter sans la détermination de Winston Churchill qui s’engage à
poursuivre la lutte et envisage même de la poursuivre depuis le Canada si par malheur les
îles britanniques étaient envahies. Car tel semble être désormais le dessein d’Hitler :
passer la Manche pour mettre fin à la résistance britannique. L’armée britannique est
beaucoup moins forte que ne l’était l’armée française, elle a en plus laissé une grande
partie de son matériel dans la poche de Dunkerque. Si les Allemands réussissent à
prendre pied au Royaume-Uni, la victoire ne peut que leur revenir… Sauf qu’il faut
d’abord franchir la Manche justement et la blitzkrieg trouve ici ses limites. Pour pouvoir
traverser, les Allemands doivent empêcher la flotte britannique (réputée la meilleure au
monde) de s’interposer ; faute d’une flotte suffisante, les Allemands comptent sur leur
aviation pour interdire l’entrée de la Manche aux navires britanniques. Cela suppose donc
un préalable, la destruction des ports et des aérodromes anglais. C’est par ce biais que les
Allemands comptent s’offrir les conditions d’une rapide victoire. En face, les Britanniques
peuvent s’appuyer sur une aviation moderne et sur un nouveau moyen de détection, le
radar, qui « voit » les appareils allemands avant même que ceux-ci aient quitté les côtes
continentales ; ils peuvent aussi profiter des limites des appareils allemands qui sont mal
adaptés à des vols aussi longs. Malgré ces avantages, les Britanniques subissent les
assauts allemands, perdent avions et pilotes et sont proches de succomber lorsque l’état-
27
major allemand change ses plans et décide de s’en prendre aux villes britanniques et en
particulier à Londres. Le « blitz », longue période de bombardement des villes anglaises,
permet aux Britanniques de se réorganiser. Hitler finit par renoncer au projet de
débarquement dans les îles britanniques. Les Britanniques ont remporté cette bataille
d’Angleterre de l’été et du début de l’automne 1940. Comme le dira Churchill en
évoquant l’héroïsme défense des aviateurs de la RAF : « Jamais dans le champ des conflits
humains tant de gens n'ont dû autant à si peu. » .
Le report d’un débarquement en Angleterre à l’année 1941 signifie en fait pour
l’Allemagne l’abandon du projet (l’Angleterre sera vaincue en étant écrasée sous les
bombes). En effet, dans l’esprit d’Hitler, l’année 1941 doit être celle qui verra l’offensive à
l’Est contre l’allié soviétique ; celle-ci est déjà planifiée ; les vastes plaines de Russie se
prêteront bien mieux que les étendues maritimes de la Manche à la blitzkrieg que l’armée
allemande semble maîtriser à la perfection. Un contretemps va cependant retarder les
plans allemands : l’échec des tentatives de l’allié italien. Mussolini a en effet lancé à
l’automne 1940 une offensive en Afrique contre l’Egypte (au départ de la Libye) et une
offensive dans les Balkans contre la Grèce (depuis l’Albanie) ; dans les deux cas, les
troupes italiennes ont été refoulées. Hitler envoie alors l’Afrika Korps sous les ordres de
Rommel pour rétablir la situation en Afrique (les Allemands s’approchent du Nil) et il
déclenche au début d’avril 1941 une offensive foudroyante dans les Balkans contre la
Yougoslavie et la Grèce qui sont écrasées en deux semaines (deux de plus pour s’emparer
de la Crète). Le 22 juin 1941, l’offensive contre l’URSS (Opération Barbarossa) peut enfin
être lancée. Prise par surprise (Staline avait refusé d’écouter ceux qui l’alertaient sur la
prochaine attaque allemande), mal préparée du fait des purges de la fin des années 30,
l’armée soviétique est submergée rapidement, doit reculer en pratiquant la politique de
la terre brûlée. Cependant, la résistance russe est suffisante pour infirmer les prévisions
optimistes des stratèges allemands qui pensaient remporter la victoire en dix semaines.
L’arrivée de l’hiver 1941-1942 voit une URSS toujours pas vaincue même si les chars
allemands sont arrivés à une vingtaine de kilomètres de Moscou.
L’extension de l’aire dominée par le Japon dans l’Asie et dans le Pacifique ne
pouvait à terme que provoquer des tensions avec les Etats-Unis présents notamment
dans la région aux Philippines. La défaite de la France leur avait permis d’accroître cette
domination par une installation en Indochine française. Pour les Japonais, la seule
possibilité d’établir plus fortement leur domination en Asie de l’Est était d’éliminer les
Etats-Unis de la région… et pour y parvenir, il fallait détruire la flotte américaine. C’est de
cette nécessité que naquit le plan d’une attaque surprise sur la base de Pearl Harbor, aux
îles Hawaï, principale base de la marine américaine dans le Pacifique. Les Etats-Unis
n’étaient pas particulièrement vigilants car Pearl Harbor était jugée trop éloignée du
Japon pour devoir subir une attaque. Pourtant, au matin du 7 décembre 1941, sans
déclaration de guerre, le Japon à partir de ses porte-avions lance plusieurs vagues
aériennes qui vont couler une grande partie de la flotte américaine du Pacifique. Dans la
foulée de cette victoire surprise qui exclue, au moins temporairement, les Etats-Unis du
jeu, l’Allemagne et l’Italie déclarent la guerre à leur tour au pays dirigé par le président
Roosevelt. En quelques semaines (décembre 1941-mai 1942), le Japon pousse son
avantage dans toutes les directions, s’emparent de Singapour possession britannique, des
Indes néerlandaises (Indonésie), des Philippines… Même l’Australie se trouve sous la
menace japonaise.
28
Au milieu de l’année 1942, les forces de l’Axe apparaissent donc en position de
force et les Alliés (Britanniques, Américains et Soviétiques) en difficulté sur tous les
fronts.
L’Europe « sous la botte »
Les victoires des Alliés
L’année 1942 est considérée comme le tournant de la guerre. Plusieurs
événements se produisant sur tous les fronts marquent l’arrêt de l’avancée des forces de
l’Axe et le début de l’offensive des Alliés. Sur le front ouest, la guerre continue d’être
essentiellement aérienne mais le 2 août 1942, des troupes canadiennes effectuent un raid
près de Dieppe, tentative rappelant que les Alliés comptent bien débarquer un jour sur
les plages de la Manche ou de la mer du Nord. En Afrique, les troupes allemandes et
italiennes qui se rapprochaient du Nil (avec comme objectif les puits pétroliers de l’Arabie
et le canal de Suez) sont arrêtées à la bataille d’El Alamein par les Britanniques (octobre-
novembre) ; dans le même temps, un débarquement anglo-américain en Afrique du Nord
(Maroc et Algérie) prend les troupes de l’Axe à revers et se donne ainsi une bonne base
de départ pour une offensive sur le sud de l’Europe. Sur le front est-européen, l’armée
soviétique continue à résister que ce soit devant Leningrad (au nord) ou Stalingrad (au
sud). Dans cette dernière ville, symbolique par son nom et stratégique par sa situation sur
la route des puits pétroliers soviétiques, la résistance soviétique conduit à l’encerclement
d’une armée allemande obligée de se rendre au début de février 1943. Dans le Pacifique,
l’avancée japonaise est arrêtée par deux grandes batailles aéronavales (bataille de la mer
de Corail en mai, bataille de Midway) qui commencent le progressif affaiblissement des
forces japonaises.
Le retournement de 1942 et l’offensive générale des Alliés qui suivra de 1943 à
1945 s’expliquent par de nombreux facteurs. Le général de Gaulle dans ses discours de
juin 1940 avait prophétisé que la force mécanique des Allemands pourrait être vaincue
par une force mécanique supérieure. C’est en quelque sorte ce qu’il va se passer avec
l’entrée en guerre des Etats-Unis ; le président Roosevelt va faire de son pays « l’arsenal
des démocraties » et la puissance économique américaine va suivre avec des résultats
extraordinaires. En mettant à part le cas de l’arme atomique, l’industrie américaine va
être capable de mettre en service des quantités considérables de chars, d’avions, de
navires dotés des dernières technologies. Par exemple, les Etats-Unis qui n’avaient que 3
porte-avions dans le Pacifique au moment de Pearl Harbor en auront près de 50 à la fin
de la guerre ; l’aviation US dont les appareils n’étaient pas en 1940 ou 1941 à la hauteur
des avions allemands ou japonais va sortir des chasseurs modernes et rapides, des
bombardiers résistants et à grand rayon d’action. Cet effort industriel n’est d’ailleurs pas
au seul profit des Etats-Unis puisque le pays va fournir également les armées de ses alliés,
y compris dans certains cas l’URSS (laquelle mène aussi un puissant effort industriel après
avoir déplacé ses usines vers l’est). Toutefois l’effort industriel et technologique des Etats-
Unis ne signifie pas que l’Allemagne, seule des trois puissances de l’Axe à pouvoir
rivaliser, est incapable de relever le défi. En dépit des bombardements alliés, l’industrie
allemande continue à sortir des quantités considérables de matériel militaire (au besoin
en utilisant les installations souterraines du métro pour cacher ses chaînes de montage)
et les ingénieurs allemands mettent au point des armes nouvelles dont Hitler pense
qu’elles peuvent changer le cours de la guerre (bombes volantes V1 et V2, avions à
réaction…). Cependant, l’Allemagne souffre de la comparaison parce qu’elle manque de
29
matières premières (les derniers avions allemands en reviennent à des structures en bois
entoilées) et de source d’énergie (manque de pétrole).
Les seuls éléments technologiques et industriels ne suffisent pas à expliquer le
renversement de la situation à partir de 1942. Il faut prendre en compte un facteur
humain. En guerre depuis 1939, ayant mené de nombreuses offensives, les Allemands ont
perdu des hommes qu’il devient difficile de remplacer (la situation est partiellement
valable également pour les Japonais) et qui souvent auraient dû constituer la relève dans
le commandement ; on en arrive parfois à la fin de la guerre au paradoxe suivant :
l’aviation allemande dispose d’avions modernes qui peuvent faire basculer la supériorité
aérienne à son profit mais n’a plus assez de pilotes expérimentés pour les mener au
combat. L’Allemagne s’est retrouvée obligée dès le milieu de la guerre de constituer des
régiments composés de non-Allemands qui se révèleront souvent moins combatifs). Face
à cette situation démographique difficile, l’Allemagne voit se dresser face à elle les
millions d’hommes que l’URSS peut mobiliser, la puissance numérique des Etats-Unis et
les ressources humaines des empires coloniaux britanniques et français (partiellement).
Enfin, l’inversion du sort de la guerre peut aussi s’expliquer par l’application mise
par les Alliés à détruire le potentiel économique de l’ennemi. Usines, nœuds et axes de
communication, voire villes pour des raids « psychologiques » (Dresde, Tokyo…), sont
régulièrement visés par l’aviation alliée. Si on a vu que ces bombardements réguliers
n’ont pas forcément entravé la production de guerre allemande, ils ont cependant
profondément affaibli les populations et amené celles-ci à douter de leurs dirigeants (les
mêmes qui avaient annoncé que jamais leur sol ne serait atteint par les bombes
ennemies).
A partir de 1943, les forces de l’Axe entament leur repli. A l’Est, le « rouleau
compresseur » soviétique commence à bousculer les troupes allemandes. Au Sud, après
la capitulation des troupes allemandes en Afrique, les Alliés débarquent en Sicile (juillet
1943) puis dans la botte italienne. Le 8 septembre 1943, le pouvoir italien, qui a fait
arrêter Mussolini, capitule et le nouveau gouvernement rejoint le camp des Alliés (ce qui
ne signifie pas que toute l’Italie passe sous contrôle allié, les Allemands continuant à y
combattre). Staline réclame toujours l’ouverture d’un front à l’Ouest mais il apparaît
impossible aux Anglo-Américains de réaliser un débarquement avant 1944.
Le 6 juin 1944, les forces anglaises, canadiennes et américaines lancent enfin
l’opération Overlord (débarquement en Normandie sur 5 plages entre le Cotentin et
l’estuaire de la Seine). Contrairement à ce que la mémoire collective a pu retenir, ce
débarquement ne réussit pas pleinement. Certes, les troupes alliées réussissent à
débarquer sur la côte normande et à s’y maintenir, mais elles vont se retrouver
rapidement bloquées (il faudra un mois pour prendre Caen dont on comptait s’emparer
dès le 6 juin). Fort heureusement, la supériorité aérienne des alliés et les destructions des
infrastructures de communication retarderont l’arrivée de renforts allemands. Au terme
de deux mois de combats difficiles, les troupes allemandes se retrouvent encerclées dans
la poche de Falaise ; dès lors, il devient possible de lancer les chars alliés vers l’Est.
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Il ne faut pas imaginer que la guerre se termine du fait du débarquement allié en
Normandie (on en oublie souvent ainsi l’existence d’un autre débarquement en France, le
débarquement de Provence du 15 août 1944). La résistance allemande va durer en dépit
du manque d’hommes et de pétrole… Elle va aussi profiter de l’avancée parfois trop
rapide des troupes alliées qui les contraignent à s’arrêter faute de matériel et d’énergie
pour continuer. Si Paris est libérée le 25 août, Nancy le 15 septembre, Strasbourg le 23
novembre, les Allemands lancent encore pendant l’hiver suivant une violente contre-
offensive dans les Ardennes qui ébranle les Alliés. Toutefois, sur le front Est, les
Soviétiques continuent à avancer très rapidement. Au milieu d’avril 1945, ils atteignent
Berlin. Après le suicide d’Hitler dans son bunker de Berlin (30 avril), le nouveau
gouvernement allemand capitule (à Reims le 7 mai, puis à Berlin le 8 mai). La guerre est
terminée en Europe.
Dans le Pacifique, les Américains pilonnent régulièrement le territoire japonais
avec des raids aériens de leurs B29. Dans le même temps, ils reprennent une à une les îles
conquises par les Japonais depuis 1941 tandis que les Britanniques récupèrent les
colonies européennes occupées par le Japon. Au printemps 1945, interviennent les
premiers débarquements sur des îles historiquement japonaises mais qui ne sont pas
encore les îles principales de l’archipel. La résistance japonaise y est très importante
tandis que se multiplient les opérations kamikazes (des aviateurs japonais jettent leur
avion sur les navires américains). L’état-major allemand n’envisage pas, face à une telle
résistance, une victoire contre le Japon avant 1947. C’est cette perspective qui aurait
conduit à la décision de hâter la fin du conflit en recourant à l’utilisation de l’arme
nucléaire mise au point dans le cadre du programme Manhattan. Après une première
explosion d’essai dans le désert du Nouveau-Mexique en juillet 1945, la bombe atomique
est lancée sur Hiroshima le 6 août, puis sur Nagasaki le 9 août. Le Japon finit par accepter
de cesser le combat : il capitule officiellement le 2 septembre 1945 sur le Missouri, navire
américain rescapé de Pearl Harbor.
Les horreurs d’une guerre totale
31
Il est difficile de donner un chiffre précis pour le nombre de victimes de la guerre.
Celle-ci a, en effet, touché autant les populations civiles que les militaires, frappé de
nombreuses régions du monde (notamment la Chine et l’URSS) dans lesquelles le
décompte des victimes n’a pu être fait de manière précise. On estime à 50 millions de
personnes le nombre des tués pendant la guerre (l’URSS ayant eu selon les chiffres
officiels 21 millions de victimes… et la Chine entre 6 et 20 millions ce qui montre la
fragilité de l’estimation à 50 millions). Ces bilans offrent certains paradoxes. Si on
comprend bien le nombre élevé de victimes pour l’Allemagne (7 millions de personnes) et
pour le Japon (3 million), la faiblesse du nombre des victimes britanniques (388 000
personnes) et américaines (300 000) apparaît étonnante surtout si on les rapproche des
5,4 millions de morts polonais et des 600 000 Français. Ce serait oublier que bon nombre
des Polonais morts pendant la guerre ont été des juifs et que l’armée française a eu
beaucoup de victimes tant dans les combats de 1940 qu’ensuite aux côtés des Anglo-
Américains (250 000) auxquelles s’additionnent les victimes civiles (350 000).
A la lourdeur du bilan démographique, il faut ajouter un bilan économique
désastreux. La seconde guerre mondiale a conduit à des destructions massives. Celles-ci
frappent tous les secteurs (industriel, agricole, transport...) et touchent plus
particulièrement les villes dont certaines sont en grandes parties rasées (Le Havre,
Dresde, Hiroshima...). Là aussi, tous les pays n'ont pas été touchés de la même manière
par ses destructions. Les Etats-Unis sortent du conflit sans que leur territoire national
n'ait été envahi ou dévasté (sauf Hawaï). Au contraire, la Russie, la Pologne, l'Allemagne,
la Yougoslavie et le Japon ont une grande partie de leur territoire ravagé et leurs
capacités économiques sont fortement entamées. De ce fait, la plupart des pays
européens et du sud-est asiatique ont une économie désorganisée et largement à
reconstruire. Cela se traduit également par d'importantes difficultés pour les populations
dans leur vie quotidienne (ravitaillement, logement...). Cette catastrophe économique a
bien évidemment des répercussions financières. Une grande partie de l'Europe et de
l'Asie est ruinée financièrement, les belligérants étant considérablement endettés (ex :
Royaume-Uni). Cela se traduit par une "faim monétaire" et une forte inflation. La
situation est en revanche très favorable pour les Etats-Unis qui son devenus, encore plus
qu'en 1919, les créanciers du monde.
Toute guerre laisse des cicatrices morales mais la seconde guerre mondiale est
allée plus loin dans l'horreur que les conflits précédents. A côté des massacres de civils,
du déchainement technologique d'armes toujours plus puissantes, deux faits marquent
particulièrement les esprits en 1945 : les génocides perpétrés dans les camps
d'extermination ; la bombe atomique.
La découverte des camps d'extermination nazie au début de 1945 (Auschwitz en
janvier) révèle au monde (certains occidentaux savaient sans doute) l'étendue de la
"machine" d'extermination mise en place par les nazis. Le choix de la solution finale pour
les juifs (1942) avait conduit à la création de ces camps où étaient anéanties des millions
de personnes. Les victimes en furent principalement les juifs mais la politique
d'extermination concernait les Tziganes, les homosexuels et les handicapés.
La puissance destructrice des bombes atomiques lancées sur Hiroshima (6 août
1945) et Nagasaki (9 août 1945) fait passer un cap supplémentaire à l'horreur. Désormais,
une seule bombe peut anéantir une ville entière. On mesure le risque que cette puissance
fait courir en cas de nouveau conflit : un bilan encore plus lourd et qui sait la destruction
de l'espèce humaine...
Les esprits sont fortement ébranlés par toute cette horreur. Autant que la crainte
de l'avenir, c'est la foi en l'homme de beaucoup de penseurs, d'intellectuels, d'êtres
32
humains qui est fortement ébranlée, c'est la croyance dans le progrès qui est
considérablement affaiblie.
La France dans la guerre : entre collaboration et résistance
Le monde des « Trente Glorieuses » (de la seconde guerre mondiale au milieu des années 70)
1945 : Un monde recomposé
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le monde semble avoir tourné une
page de son histoire. Comme après tout conflit, des transformations territoriales
interviennent mais au-delà de ces modifications "classiques", ce sont les rapports de force
entre les Etats importants qui on changé. La seconde guerre mondiale a défini une
nouvelle donne géopolitique sur la planète.
La carte du monde (et surtout de l’Europe) se trouve recomposée.
- l'Allemagne est ramenée à ses frontières de 1937 (ce qui signifie que l'Anschluss,
union politique avec l'Autriche, est annulée). Dans la réalité, les frontières de 1937 ne
sont même pas véritablement retrouvées car la partie la plus orientale de l'Allemagne
(territoire de Koenigsberg et Prusse-Orientale) est attribuée à l'URSS et la Pologne reçoit
une partie de l'Allemagne s'étendant vers l'ouest jusqu'à la ligne dite Oder-Neisse). Cette
Allemagne vaincue est occupée militairement (ce qui veut dire qu'elle est démilitarisée),
découpée en quatre zones d'occupation (URSS, Royaume-Uni, Etats-Unis... plus une zone
française rajoutée ultérieurement) et dénazifiée (cf procès de Nuremberg). Le partage
vaut également pour la capitale, Berlin, qui bien que se trouvant en zone soviétique est
également divisée en quatre zones. L'Autriche est traitée de la même manière (division
du pays en quatre zones d'occupation ainsi que la capitale, Vienne).
- l'Italie est traitée d'une manière plus modérée que l'Allemagne. En effet, elle a
abandonné l'alliance allemande en 1943 pour se retourner contre elle et rejoindre le
camp des Alliés. Il n'empêche pas moins que le territoire italien se trouve réduit par la
perte de l'Istrie (qui passe à la Yougoslavie), par la cession des deux petites villes de
Brigue et Tende à la France... Le plus important reste cependant la perte des colonies
italiennes (Libye, Erythrée...).
- le Japon est traité tout aussi durement que l'Allemagne. Il perd toutes les
conquêtes qu'il avait pu réaliser dans la zone Asie-Pacifique depuis la fin du XIXème
siècle
(notamment la Corée, conquise en 1898, qui est divisée en deux zones d'occupation, la
zone de la Mandchourie chinoise, l'île de Sakhaline...). Le pays n'est pas soumis aux Alliés
mais aux seuls Etats-Unis. Le Japon est dès lors occupé par l'armée américaine,
démilitarisé. Il est même placé sous l'autorité d'un général américain, le général Douglas
Mac Arthur, ce qui est un traumatisme supplémentaire pour un pays dans lequel
l'autorité de l'empereur (Hiro Hito) était assimilée à celle d'une divinité).
De nombreuses transformations frontalières affectent donc le monde (mais plus
particulièrement l'Europe centrale et orientale [voir carte]). Celles-ci ne concernent pas
seulement les trois grands pays membres de l'Axe. Il apparaît que ces modifications de
frontières répondent peu au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes mais reposent
surtout sur la loi du plus fort, en l'occurrence l'URSS, qui pousse ses frontières vers
l'ouest. Cette situation crée une situation assez exceptionnelle, le glissement du territoire
d'un pays vers l'ouest ; en effet, la Pologne perd sa partie orientale (historiquement
polonaise) conquise par l'URSS en 1939 et s'agrandit au détriment de l'Allemagne. Cette
33
situation se traduit par un vaste mouvement de réfugiés qui quittent les terres de leurs
ancêtres pour continuer à demeurer dans le pays auxquels ils se sentent appartenir.
L’EUROPE AU LENDEMAIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Les transformations intervenues en Europe et dans le monde en 1945 font l'objet
depuis cette époque d'interprétations relevant du fantasme mais qui, en dépit des écrits
des historiens, demeurent dans les esprits.
Pour beaucoup, le monde a été partagé entre les Alliés à Yalta, en Crimée (sud de
l'URSS), au cours de la conférence qui y réunit Staline (pour l'URSS), Churchill (pour le
Royaume-Uni) et Roosevelt (pour les Etats-Unis). Entre le 4 et le 11 février 1945, les
discussions portent sur le sort de l'Allemagne. La guerre n'est pas finie et à cette date-là,
la progression la plus spectaculaire reste celle des soviétiques, les Anglo-Américains ayant
été ralenti dans les Ardennes puis sur le Rhin pendant l'hiver. La conférence se tient en
URSS, donc chez Staline, et le président Roosevelt, malade, chercher à rallier Staline à son
projet de création d'une Organisation des Nations Unies. En dépit de tous ces faits, les
décisions prises à Yalta n'engagent pas véritablement l'avenir de l'Europe. On décide que
l'Allemagne sera occupée, partagée en trois zones d'occupation et que dans la zone
qu'occupera ses troupes chacun des Alliés organisera après la fin de la guerre des
élections libres.
A Potsdam (17 juillet au 2 août 1945), près de Berlin, la seconde conférence de
l'année 1945 marque déjà une nouvelle tonalité... La guerre est finie en Europe mais pas
dans le Pacifique (les Etats-Unis comptent sur une intervention soviétique pour hâter la
fin du conflit), les troupes alliées se sont arrêtées sur les positions définies à Yalta
(troupes soviétiques à l'est, anglo-américaines à l'ouest) et il reste à definir les nouvelles
frontières. C'est là que la position de Staline apparait la plus forte ; on a beau discuter sur
les frontières polonaises, il ne cède pas et s'accroche aux zones annexées par son pays. Il
faut dire qu'en face de lui les interlocuteurs ont changé : Truman a remplacé Roosevelt
34
mort en avril 1945, Attlee remplace Churchill qui a perdu les élections. La révélation par
Truman de l'existence d'une bombe au pouvoir de destruction jusqu'alors inconnu finit de
tendre la situation entre les Anglo-Américains et les Soviétiques. Il sort bien de cette
conférence quelques décisions (dénazification de l'Allemagne, partage de la Corée en
deux zones, partage de la flotte allemande entre les vainqueurs, frontières provisoires de
la Pologne...) mais désormais entre les trois vainqueurs, les relations se sont dégradées...
L'Europe n'est plus en situation de force diplomatiquement au lendemain de la
guerre, les données géopolitiques se sont complètement modifiées. Principal champ de
bataille de la guerre avec la zone Asie-Pacifique, l'Europe est dévastée à la fin du conflit et
ruinée (endettement des belligérants). Elle est dès lors dans une situation de dépendance
ne pouvant en grande partie assurer sa subsistance qu'avec l'aide des autres continents
(Amérique, Océanie...). Il apparaît également que c'est de l'extérieur que viendra l'aide
qui permettra la reconstruction du continent. A cette situation économique et financière
difficile, s'ajoutent des problèmes sociaux certains (problème de logement notamment)
et aussi le trouble des esprits (lié aux politiques de collaboration avec l'Allemagne
pratiquées dans certains Etats comme à la découverte des camps d'extermination). La
reconstruction est tout autant politique (ex : en Italie, la question est de savoir si on
conserve une monarchie ou si on change pour un système républicain)
La situation de faiblesse de l'Europe pendant la guerre (notamment pour les
métropoles vaincues par l'Allemagne : France, Belgique, Pays-Bas...) et au sortir du conflit
amène les colonies à remettre en cause la domination qui est exercée sur elles depuis le
XIXème
siècle. On assiste à un réveil des nationalismes indigènes pendant la guerre (des
promesses d'autonomies ou d'indépendances sont faites parfois... plus ou moins
clairement) et surtout lorsque celle-ci prend fin (les principes de liberté défendus par les
Alliés ne s'appliqueraient pas aux peuples colonisés ?).
Le déclin de l'Europe, "centre du monde" depuis des siècles s'accompagne de la
"promotion" de deux pays vastes aux allures de continent que la guerre froide élèvera au
rang de superpuissances.
La suprématie des Etats-Unis est en fait déjà ancienne, mais les observateurs
européens n'avaient pas perçu (ou pas voulu percevoir) que les Etats-Unis étaient depuis
au moins l première guerre mondiale le véritable centre du monde économique et
financier (la preuve, c'est de New York que part la grande crise des années 30). La
seconde guerre mondiale affirme cette fois-ci nettement la domination américaine. C'est
le seul pays qui sort plus riche du conflit qu'il n'y est entré. La production a été multiplié
par 2, il y a plein emploi et les usines tournent à plein régime (les Etats-Unis ont été
pendant la guerre "l'arsenal des démocraties" selon le mot du président Roosevelt), la
balance commerciale est en très fort excédent, le pays détient 2/3 des stocks d'or
mondiaux et le dollar devient à Bretton Woods la seule monnaie convertible). C'est donc
sur cette puissance que va se fonder la reconstruction du monde (le dollar, l'ONU etc...).
La suprématie américaine est également militaire : à une flotte supérieure à toutes les
autres (importance des porte-avions) et à une aviation performante, s'ajoute en 1945 le
poids dissuasif de l'arme atomique.
Devenue en 1940 la 3è puissance industrielle du monde à la suite de la politique
stalinienne (qui privilégiait l'industrie lourde), l'URSS n'était pourtant pas considérée
comme un Etat majeur (on craignait pourtant le péril communiste...). En 1945, l'URSS doit
sa position de force à la manière dont elle a "tenu" pendant la guerre seule (ou presque)
contre les forces de l'Axe (période 1941-44), puis la vigueur avec laquelle elle a enfoncé
les défenses allemandes. La puissance soviétique est donc essentiellement militaire
(forces terrestres) et morale (le communisme s'est opposé en URSS mais aussi dans les
35
maquis européens au nazisme...). Cette situation réussit même à éclipser dans la plupart
des esprits les crimes staliniens des années 30 et le pacte germano-soviétique de 1939.
L'URSS tire profit de cette position de force pour repousser ses frontières vers l'ouest
mais aussi pour se constituer grâce à l'occupation des pays d'Europe de l'Est un glacis
protecteur la mettant à l'abri d'une éventuelle nouvelle agression venue de l'ouest.
Cependant, la puissance de l'URSS n'est pas aussi solide que celle des Etats-Unis. D'abord,
elle repose sur la terreur d'Etat stalinienne qui, mise en veille pendant la guerre,
redémarre bientôt. Ensuite, le poids payé a été très lourd (plus de 20 millions de morts,
de nombreuses destructions...). Démographiquement, économiquement, l'URSS est
affaiblie et ce ne sont pas les industries allemandes démontées et transportées en URSS
au titre de réparations qui vont l'aider à se redresser dans ce domaine au moment où va
s'ouvrir la grande compétition avec les Etats-Unis à laquelle on donnera le nom de guerre
froide...
Une expansion économique jamais vue
Dans son célèbre ouvrage sur "les Trente Glorieuses", l'économiste Jean Fourastié
présente deux villages. L'un semble caractéristique des pays sous-développés, l'autre des
pays riches... En fait, c'est le même village français à trente ans de différence. C'est dire à
quel point, en particulier dans les pays occidentaux, la période qui va de la fin de la
seconde guerre mondiale au milieu des années 70 a bouleversé les habitudes et les
modes de vie. A tel point que le médiéviste français Jacques Le Goff pouvait affirmer, de
manière polémique certes, que le Moyen âge se terminait en fait dans les années 50...
La période des Trente Glorieuses se fonde sur une croissance économique d'une
ampleur inconnue jusqu'alors... même si la période précédente (milieu du XIXème
siècle à
la seconde guerre mondiale) avait, elle aussi, connu une croissance sans égal dans
l'Histoire.
Les taux de croissance de la période 1945-1975 sont exceptionnels. Entre 1950 et
1973, le PIB mondial est multiplié par 3. Cette croissance se caractérise également par sa
régularité. Hormis deux courts ralentissements, la croissance ne cesse pas. Les crises
cycliques caractéristiques de l'histoire économique du monde (d'abord liées aux crises de
l'agriculture, puis à partir du milieu du XIXè siècle des crises industrielles et financières)
semblent avoir disparu. Cette croissance est également exceptionnelle par son étendue
géographique. Elle est en effet mondiale et profite autant aux pays industrialisés qu'aux
continents les plus pauvres (qui sortent pendant cette période de la colonisation). La
croissance est de 2,8 % par an pour les pays du Tiers monde. Cette situation se traduit par
une réduction de l'écart entre pays riches et pays pauvres dans certains secteurs. La
croissance des Trente Glorieuses repose sur les productions (automobile, produits
chimiques, radio...), les sources d'énergie (pétrole et électricité) et les méthodes
(standardisation, taylorisme) issues de la IIème Révolution industrielle. L'industrie est
alors le cœur de l'activité économique même si ce secteur n'occupera jamais plus de 50 %
de la population active. Et cette industrie qui tourne à plein régime a un besoin important
de main d’œuvre. Les Trente Glorieuses se traduisent donc par une période de plein
emploi (même s'il existe toujours un "volant" incompressible de chômeurs). C'est
l'époque où le recours à une main d'œuvre immigrée s'impose de manière évidente pour
tous...
Les origines de la Trente Glorieuses sont nombreuses et partiellement discutées
encore. En effet, ce phénomène n'était pas évident vue la situation du monde en 1945.
Cette évolution a surpris tout le monde.
36
- la reconstruction après la guerre peut apparaître comme un élément
déclencheur. La situation du monde (et notamment de l'Europe et du Japon) va
nécessiter de nombreux investissements afin de faciliter la relance économique, le
relèvement des ruines et la fin des situations de pénurie. De nouvelles bases
économiques ont été définies dès la fin du conflit : les accords de Bretton Woods
de juillet 1944 assainissent le domaine monétaire, la création du GATT (General
Agreements on Tariffs and Trade) amène à une libération des échanges
internationaux, la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement) est prête à financer les actions de reconstruction. A cela s'ajoute,
dans le contexte de guerre froide naissante, la mise en place du plan Marshall
(1947) qui entre 1948 et 1952 distribue 13 millions de dollars aux pays de l'Europe
de l'Ouest ( principalement la France et le Royaume-Uni). Dans cette
reconstruction, le poids des Etats-Unis est donc prépondérant : ils exportent leurs
façons de manager, de gérer les entreprises en même temps que leurs produits
(Coca, chewing-gum...) ou leur cinéma.
- le poids des hommes dans le vigoureux élan de croissance des Trente Glorieuses
n'est pas à négliger. Entre 1950 et 1973, la population mondiale passe de 2,5
milliards de personnes à 3,9 milliards (cette hausse sur 23 ans correspond à la
hausse intervenue en 130 ans entre 1820 et 1950). C'est le fameux Baby Boom,
période de reprise démographique entamée avant même la fin de la seconde
guerre mondiale. Cette croissance du nombre des humains a bien évidemment des
effets économiques : elle conduit à une hausse de la demande, de la
consommation et stimule ainsi les marchés. Tout autant, sinon plus, que cette
croissance en nombre, l'amélioration de la formation, de la qualification de ces
hommes, se révèle essentielle dans le processus de croissance économique. La
population active est mieux nourrie, mieux soignée, mieux formée, donc plus
efficace et plus productive (en Europe occidentale, le PIB par heure travaillée est
multiplié par trois !).
- le rôle des gouvernements dans le déclenchement et la poursuite de la
croissance économique apparaît tout aussi essentiel. Les idées du britannique
Keynes imprègnent les pensées des acteurs politiques des lendemains de la
guerre. L'Etat se fait clairement interventionniste en matière économique
rompant avec une neutralité habituelle (sauf périodes de guerre). Les Etats
investissent dans les infrastructures essentielles (transports, énergie, banques...)
et favorisent le secteur de la recherche (nucléaire, informatique,
télécommunications...). Ils développent aussi la protection des plus faibles (Etat-
providence) ce qui permet à ceux-ci de consommer. Entre 15 et 30 % du PIB en
moyenne sont consacrés durant cette période aux investissements.
La période de croissance des Trente Glorieuses modifie de manière très sensible
les caractéristiques de la société de l'Age industriel. L'enrichissement moyen, la
scolarisation accrue créent une nouvelle situation dans laquelle les écarts sociaux ont
tendance à se réduire.
La structure de la population active est profondément modifiée dans les pays
développés. Le secteur primaire est en déclin de manière inexorable : alors qu'il
représentait 27,5 % de la population active des pays industrialisés en 1950, cette part
tombe à 11,4 % en 1970. Ce déclin est cependant variable selon les pays (beaucoup plus
précoce et accusé aux Etats-Unis qu'en France) mais produit partout les mêmes effets
37
(des exploitations moins nombreuses, plus vastes, plus productives grâce à une
mécanisation et une motorisation plus importante.
La croissance du nombre des actifs se poursuit dans le domaine du secteur
secondaire (entre 30 et 40 % de la population active). Parmi ces travailleurs, la place des
OS (ouvriers spécialisés, c'est-à-dire les ouvriers sans qualification) augmente du fait de la
généralisation du taylorisme et du fordisme (exemple des usines de construction
automobile).
La progression la plus spectaculaire n'est pas liée au secteur secondaire mais au
secteur tertiaire. Dans les pays industrialisés, il représente déjà 51 % de la population
active au début des années 70. Cette croissance repose sur l'augmentation du nombre
des "cols blancs" c'est-à-dire les cadres mais aussi sur le développement des secteurs
publics (administration, enseignement...). Cette progression annonce déjà la fin de la
société industrielle et l'avènement d'un monde post-industriel... mais on ne le perçoit pas
clairement à cette époque...
La société des Trente Glorieuses prend de nouvelles habitudes, de nouveaux
repères. On ne vit plus comme la génération précédente. Cela se marque statistiquement
par une spectaculaire progression des niveaux de vie (en France, le pouvoir d'achat des
ouvriers est multiplié par 4 en 25 ans). Les écarts de revenus entre les plus riches et les
plus pauvres ont tendance à se réduire (en 1914, les plus riches avaient en France un
revenu 300 fois plus élevés que les plus pauvres... on "tombe" à "seulement" 50 ou 60
fois plus en 1970).
Cette société se marque donc par son entrée dans la consommation. Alors
qu'auparavant l'essentiel des revenus passait dans le logement et l'alimentation, il est
possible désormais de dégager de l'argent pour acheter des objets qui améliore la qualité
du logement, des objets nouveaux qui facilitent les tâches ménagères (machine à laver,
réfrigérateur...) ou qui ouvrent sur la civilisation des loisirs (télévision). Les conditions de
vie des familles s'améliorent donc (augmentation de la taille moyenne des logements)
favorisées par le contexte de croissance mais aussi par le développement d'incitations à
l'achat (publicité, crédit, hypermarchés...)
Cette société de consommation, parce qu'elle rompt avec les habitudes
multiséculaires (faiblesse des dépenses, sens de l'économie, difficulté de la vie
quotidienne) sécrète des oppositions, des remises en cause :
- auprès des jeunes générations (mouvement des beatniks dans les années 50 puis
des hippies dans les années 60) qui condamnent la société de consommation car
elle asservit au lieu de libérer. Pour eux, la simplicité, le dénuement (modèle de
Gandhi) et la révolution des comportements humains (révolution sexuelle, égalité
homme-femme, non-violence) sont les bases d'une nouvelle vie sociale.
- auprès de penseurs et de théoriciens (Club de Rome en 1968, rapport Meadows
en 1972) qui mettent en garde contre les effets pervers de la croissance pour
l'environnement.
Un monde bipolaire : la guerre froide
La période qu'on connaît sous le nom de "guerre froide" commence en 1947 et se
termine... à une date variable selon les historiens. Certains la conduisent jusqu'à 1989 ou
1991 (chute du mur de Berlin, puis fin de l'URSS). D'autres considèrent que le véritable
38
caractère de la guerre froide prend fin avec la crise des fusées de Cuba (1962) en excluant
la période de la Détente.
Le journaliste et historien André Fontaine fait commencer son "Histoire de la
guerre froide" en 1917 (année de la révolution bolchévique et de l'entrée en guerre des
Etats-Unis). C'est une façon d'indiquer que l'affrontement entre Etats-Unis et URSS était
inévitable dès cette année-là (voir antagonisme évident des modèles...). En 1945, après
une alliance tournée contre les régimes fascistes et dans laquelle l'URSS est, de manière
commode, proclamée "démocratie", un monde nouveau émerge du conflit. Les Etats-Unis
ont la puissance aérienne, atomique, économique, financière, l'URSS dispose d'une force
terrestre supérieure et d'un prestige énorme pour sa résistance aux armées allemandes.
Surtout, en vertu des accords de Yalta, l'armée soviétique s'est avancée des Balkans à la
mer Baltique et occupe toute l'Europe de l'Est. Partout des gouvernements de coalition
ont pris en main les destinées des Etats à la fin des combats... Mais il apparaît que dans la
partie contrôlée par les soviétiques les élections libres dont le principe avait été adopté à
Yalta tardent à se réaliser.
Dès la période de la guerre, le premier ministre britannique Churchill s'était
inquiété de l'avancée des Russes en Europe centrale (et surtout dans les Balkans, zone
stratégique aux yeux des Britanniques) ; il avait même fortement suggéré que le
débarquement américano-britannique se déroule dans les Balkans plutôt qu'en
Normandie. Aussi, dès la capitulation allemande, il commence à faire part de ses
inquiétudes quant à la situation en Europe de l'Est. Son télégramme du 11-12 mai 1945
au président Truman évoque pour la première fois le "rideau de fer" qui serait tombé en
travers de l'Europe. Il reprendra publiquement cette expression au cours de son discours
de Fulton (1946). L'inquiétude de Churchill se fonde en grande partie sur la crainte de voir
les Etats-Unis retourner à leur détachement traditionnel des affaires européennes pour se
recroqueviller sur leur "chasse gardée", le continent américain et la zone du Pacifique.
Le président Truman ne tarde pas à être convaincu de la nécessité pour les Etats-Unis de
ne pas se désengager d'Europe. Il écrit en janvier 1946 à propos de Staline qu'"une autre
guerre éclatera si on ne lui oppose pas une poigne d'acier et un langage dur". Il faut dire
que la gestion par les vainqueurs de la guerre de l'Allemagne et de l'Autriche (divisées en
zones d'occupation) révèle très vite des incompréhensions. Peu à peu, la "Grande
Alliance" s'efface, les antagonismes se creusent.
L'année 1947 est l'année de la rupture. Reprenant l'idée défendue par
l'ambassadeur américain à Moscou, George Kennan, le président Truman présente les
Etats-Unis comme les garants, les défenseurs de tous les peuples libres dès lors qu'ils sont
menacés par des minorités armées (les groupes armés communistes) ou des pressions
étrangères (l'URSS). Le message est clair : les Etats-Unis ne se désengageront pas des
affaires de l'Europe comme ils l'ont fait après la première guerre mondiale. C'est le sens
de ce message au Congrès du 12 mars 1947 qui devient la "doctrine Truman" : les Etats-
Unis doivent contenir l'avancée du communisme ("containment"). Pour y parvenir,
Truman annonce la volonté des Etats-Unis d'aider au relèvement économiques des pays
de l'Europe dont la fragilité et les difficultés font le jeu des communistes. Cette volonté
trouve sa concrétisation dans la proposition par le secrétaire d'Etat américain, George
Marshall, d'un plan d'aide (juin 1947). Ce plan Marshall est proposé à tous les Etats
européens, y compris les pays de l'Europe de l'Est et l'URSS. Celle-ci refuse et fait pression
sur les pays qu'elle occupe militairement pour qu'ils refusent également. Ce renoncement
marque le véritable début de la "guerre froide". En France, en Italie, les communistes qui
participaient à des gouvernements d'union nationale sont chassés du pouvoir. La riposte
communiste se place sur le plan idéologique. En septembre 1947, le responsable de
l'idéologie communiste, Andreï Jdanov présente sa vision du monde. Selon lui, il y a d'un
39
côté les "impérialistes" (Etats-Unis, Royaume-Uni, France...) qui ne pensent qu'à asservir
le monde (d'ailleurs, ce sont les puissances coloniales) et les "anti-impérialistes" qui
défendent les travailleurs et les peuples soumis. Cette "doctrine Jdanov" est définie à
l'occasion de la création du Kominform, bureau d'information et de liaison entre les
différents partis communistes européens. Succédant au Komintern, supprimé pendant la
guerre, il doit permettre aux "ordres de Moscou" de s'appliquer partout avec la plus
grande rigueur.
En 1947, l'Europe de l'Est n'a pourtant pas entièrement basculé dans le
communisme. La rupture va précipiter cette évolution. Depuis la "libération", les pays
d'Europe de l'Est sont gouvernés par des gouvernements de coalition ("fronts nationaux")
sensés annoncer les futures élections libres. Dans la réalité, les postes clés (police, armée,
économie, justice...) sont confiés à des communistes. Tenant les leviers des rouages
essentiels du gouvernement, ceux-ci éliminent progressivement les autres partis de la
direction des affaires ("tactique du salami" qui consiste à diviser les opposants petit à
petit, éliminant d'abord les plus conservateurs, puis les socialistes, tous étant accusés de
complots au profit des Américains et de menées contre les ouvriers). Les effectifs des
partis communistes connaissent alors une forte croissance. De 1946 à 1948, la Bulgarie, la
Roumanie, la Pologne, la Hongrie, l'Albanie basculent dans le système soviétique et
deviennent des démocraties populaires. Dans cette Europe de l'Est, quelques cas
particuliers sont à signaler. Non occupées par les troupes soviétiques, la Grèce et la
Turquie ne passent pas sous contrôle communiste mais doivent faire face à une guerre
civile contre des partisans communistes. En Yougoslavie, le pays s'est libéré des fascistes
par l'action d'une guérilla communiste dirigé par Tito. D'abord lié à Moscou, Tito s'en
éloigne très vite et le parti communiste yougoslave est exclu du Kominform en 1948.
En Europe de l'Est, la Tchécoslovaquie est un cas à part. Contrairement aux autres Etats
créés au lendemain de la première guerre mondiale, elle a connu dans les années 20 et 30
une démocratie durable. Si les troupes soviétiques ont été accueillies comme partout en
libératrices, la Tchécoslovaquie entreprend la restauration de son Etat démocratique
(retour du président Bénès à la tête de l'Etat). Les relations se détériorent au sein de la
coalition gouvernementale après que l'URSS ait empêché le pays d'accepter l'aide du plan
Marshall. En février 1948, une campagne d'agitation dans le pays, organisée par le parti
communiste, contraint le président Bénès a confier la tête du gouvernement au
communiste Gootwald. Dès lors, le parti intensifie son contrôle et en mai 1948, Bénès,
dernier rempart démocratique, devra démissionner.
En Europe, la rupture de 1947 laisse un continent partagé en deux parties et
séparé par le fameux "rideau de fer" inventé par Winston Churchill mais qui peu à peu se
matérialise sous la forme de barbelés et de grillages. De ces deux parties du continent
européen, on va finir par arriver à un partage du monde en deux camps, en deux blocs
lorsque la situation étant bloquée en Europe (1949) les oppositions Etats-Unis / URSS
vont se transporter ailleurs.
Le bloc américain regroupe les pays de l'Europe occidentale et leurs colonies (du
moins jusqu'à leur indépendance). Ce sont des pays d'économie de marché (mais pas
forcément des démocraties... comme le Portugal ou l'Espagne... ou beaucoup de pays
d'Amérique latine). Dans ces pays, si les partis communistes ne sont pas le plus souvent
interdits, ils sont exclus du pouvoir et des coalitions de gouvernement. Aux Etats-Unis, la
lutte contre les communistes prend la forme d'une véritable "chasse aux sorcières" avec
la commission présidée par le sénateur McCarthy qui traque dans l'administration, dans
le monde artistique les personnes communistes ou défendant des idées proches. Une
affaire comme celle des époux Rosenberg, reconnus coupables d'espionnage au profit de
40
l'URSS et exécutés, suscite un émoi considérable dans le monde (1953) mais ne fait pas
mollir la volonté américaine de pourchasser les "ennemis de l'intérieur".
Le bloc américain ne se structure pas véritablement sur le plan idéologique mais
davantage sur un plan militaire. Dès le lendemain de la guerre, par le pacte de Rio, les
Etats-Unis ont rassemblé les pays d'Amérique sous leur protection. En 1949-1950, la
signature du traité de l'Atlantique Nord puis du pacte militaire qui lui est associé assure la
présence américaine en Europe occidentale (installation de bases permanentes) ; le
commandement de la structure militaire de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord) installé en région parisienne est confié au général Eisenhower, organisateur de la
libération de l'Europe occidentale. L'extension de la guerre froide sur d'autres terrains
d'action renforce ce penchant, décrié aux Etats-Unis sous le nom de "pactomanie", à
signer des alliances : en 1951, le traité de San Francisco scelle la paix avec le Japon qui
devient un allié et accepte d'accueillir des bases américaines sur son sol ; toujours en
1951, le traité de l'ANZUS avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande vise au contrôle du
Pacifique Sud. En 1954, l'OTASE (Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est) est le
pendant de l'OTAN dans la région. L'encerclement des espaces communistes par ces
systèmes d'alliances est terminé en 1955 par la conclusion du CENTO (ou pacte de
Bagdad) qui doit empêcher toute avancée des soviétiques en Asie centrale.
Ces alliances ont toujours pour but de contenir l'avancée communiste dans le monde.
Cependant, dans les années 50, l'administration américaine en vient à prôner le "roll
back", le refoulement, donc à envisager de prendre l'offensive pour "libérer" des
territoires du communisme. A l'heure de l'"équilibre de la terreur", cette doctrine n'est
pas mise en application.
LE BLOC AMERICAIN DANS LES ANNEES 50
Le bloc soviétique se structure autour des partis communistes qui en dirigent les
Etats membres (et liés au sein du Kominform... du moins pour un temps dans le cas de la
41
Yougoslavie, de la Chine et de l'Albanie). L'intégration économique de ce bloc est réalisée
avec la création en 1949 du Conseil d'Assistance Economique Mutuelle (CAEM ou
COMECON) qui crée une sorte de marché commun entre les démocraties populaires et
l'URSS, celle-ci en étant la principale bénéficiaire.
Le bloc soviétique s'organise autour de l'idée que le monde communiste est
encerclé et menacé par les Etats impérialistes. Il répond donc coup pour coup à ce qu'il
présente comme des agressions des pays impérialistes. Le CAEM est ainsi une réponse au
plan Marshall, le pacte de Varsovie en 1955 à l'OTAN (en prenant prétexte de l'entrée de
la RFA au sein de celui-ci).
Solidement arrimé à l'URSS, le bloc communiste se trouve cependant doté d'un
second "géant" avec la victoire des communistes chinois dans la longue guerre civile
entamée dans les années 30, suspendue le temps de la lutte contre l'envahisseur japonais
et reprise dès 1945. Le 1er octobre 1949 est proclamée la République populaire de Chine.
Celle-ci conclue un traité d'assistance et d'amitié avec l'URSS (1950) et adopte une
politique économique calquée sur celle de l'URSS (priorité à l'industrie lourde). En 1960,
la Chine rompra de manière spectaculaire avec l'URSS mais durant les années 50, le bloc
communiste prend la forme d'un vaste espace continental entre Europe et Asie.
LE BLOC SOVIETIQUE DANS LES ANNEES 50
Au sens large, la guerre froide s'étend de 1947, année de la rupture, à 1989 (chute
du mur de Berlin) ou 1991 (fin de l'URSS). Sa première phase est traditionnellement
limitée à l'année 1962 qui est la date de la crise la plus directe, et donc la plus
dangereuse, entre les super-grands. Toutefois, à l'intérieur de cette première phase, on
peut distinguer deux périodes. Jusqu'au milieu des années 50, la tension est très forte
entre les deux blocs en raison du sentiment stalinien d'un encerclement des pays
communistes par les pays occidentaux. Cette tension de tous les instants prend fin avec
l'arrivée au pouvoir en URSS de Nikita Khrouchtchev qui, tout en lançant la déstalinisation
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de l'URSS et des pays satellites (XXè Congrès du parti communiste d'Union soviétique en
1956), prône la coexistence pacifique, c'est-à-dire l'acceptation du partage du monde et
des blocs constitués. Sa théorie est qu'on n'est pas obligé d'aimer son "voisin de palier"
mais qu'il faut quand même vivre avec. La politique de Khrouchtchev est donc axée sur
une lutte avec les Etats-Unis sur d'autres plans que le militaire (son objectif de rattraper
et de de dépasser les Etats-Unis dans le domaine agricole par exemple). Cette coexistence
pacifique est cependant traversée de crises d'autant plus fulgurante qu'elles éclatent
dans une période où la tension semble un peu apaisée.
"Guerre improbable, paix impossible". C'est ainsi que le penseur français Raymond
Aron définissait la guerre froide. Le terme même de "guerre froide" inventé par un
journaliste américain dès 1947 dit bien que cette guerre n'est pas une guerre classique au
sens où les adversaires en présence ne s'affrontent jamais directement. Un tel
affrontement serait d'ailleurs terriblement destructeur du fait de la possession de l'arme
nucléaire. L'affrontement prend donc la forme d'une course aux armements (au sens
large car il faut intégrer à ce domaine la question essentielle de la course à l'espace). De
1945 à 1949, les Etats-Unis ont le monopole de l'arme atomique. L'explosion de la
première bombe soviétique en 1949 (réalisée grâce à l'espionnage soviétique dans les
pays occidentaux et grâce aux découvertes faites dans les centres de recherche
allemands) rétablit un temps l'équilibre avant qu'en 1952, les Etats-Unis fassent exploser
la première bombe H (à hydrogène) beaucoup plus puissante. En 1954, l'URSS a rattrapé
son retard en faisant exploser sa propre bombe H. Tant que les Etats-Unis ont disposé de
l'avantage en matière nucléaire, ils ont défendu le principe des "représailles massives"
(toute agression communiste déchainerait l'envoi de bombes atomiques sur l'URSS). A
partir du milieu des années 50, on entre dans "l'équilibre de la terreur" car désormais les
deux super-grands peuvent se détruire : les représailles massives signifieraient des
destructions considérables des deux côtés. La stratégie américaine devient dès lors la
"riposte graduée" : la réponse à une attaque des soviétiques prendra une forme
proportionnée à l'attaque (afin d'éviter le risque d'un embrasement rapide et fatal). A
côté de cette surenchère nucléaire, les deux camps se livrent également une lutte
incessante afin d'accroître puissance des chars, vitesse des avions, efficacité des armes
classiques.
La course à l'espace est un prolongement de la course aux armements. Elle s'y
rattache par le fait que les fusées ont été utilisées dès la fin de la seconde guerre
mondiale pour envoyer des charges explosives à longue distance et sans qu'on puisse
détruire ces armes nouvelles en vol. Au lendemain de la guerre, Américains et Soviétiques
ont fait une véritable chasse aux savants allemands afin de profiter de l'état de leurs
recherches dans le domaine des fusées. Les soviétiques font cette course à l'espace en
tête : en 1957, il place le premier satellite artificiel, le Spoutnik, en orbite autour de la
Terre ; en 1961, quelques mois avant les Américains, ils envoient un homme, Youri
Gagarine, dans l'espace. L'administration américaine réplique par un effort
supplémentaire afin de devancer les soviétiques dans l'étape suivante, la course à la Lune
(sénateur (et futur président) L. Johnson : "je ne veux pas m'endormir tous les soirs sous
une lune communiste"). En juillet 1969, Neil Armstrong et Buzz Aldrin se posent sur la
Lune... les soviétiques n'y iront jamais (parce qu'ils ne le pouvaient pas ou parce qu'ils ne
le voulaient pas ?).
L'affrontement est également un affrontement idéologique. Chaque bloc tend à se
présenter sous les formes les plus pacifiques et accuse l'autre de fomenter la guerre. Dans
le bloc occidental, les partis communistes animent, directement ou indirectement des
campagnes anti-américaines (au nom de la lutte contre l'impérialisme). En 1950, est signé
en Suède l'Appel de Stockholm qui appelle à lutter contre la possession et l'utilisation
possible de l'arme atomique par les Américains. La propagande anti-américaine est
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particulièrement active par l'intermédiaire d'affiches qui présentent les Occidentaux
comme des capitalistes dominateurs et sans pitié, par des ouvrages vantant la réussite de
l'URSS et l'échec inéluctable des Américains. Ces campagnes sont téléguidées par les
partis communistes mais aussi les services de renseignements soviétiques (le KGB).
Il est plus difficile d'influencer l'opinion dans les pays communistes. Pour y parvenir, les
services américains et occidentaux utilisent l'action de leurs espions (la CIA pour les Etats-
Unis) qui font passer informations et ouvrages dans l'autre bloc. Le moyen le plus efficace
reste encore l'utilisation de la radio. De puissants émetteurs sont installés en Europe
occidentale et déversent en Europe de l'Est et en URSS des programmes dans les
différentes langues appelant à résister au communisme ("Voice of America").
Plusieurs crises émaillent la première partie de la Guerre froide. Elles
correspondent à des moments de tension importantes car elles portent sur des lieux, des
espaces sensibles.
• le blocus de Berlin (juin 1948-mai 1949) : L'Allemagne est le terrain d'affrontement
tout désigné entre Américains et Soviétiques. Depuis la fin de la guerre, elle est
partagée en quatre zones d'occupation (ainsi que la capitale, Berlin) et doit être gérée
conjointement par les vainqueurs de la guerre. Or, les objectifs des anciens alliés sont
très différents : les Américains ne veulent pas d'une Allemagne appauvrie et humiliée
qui risquerait de basculer dans le communisme ; les Soviétiques souhaitent au
contraire affaiblir durablement l'Allemagne dont ils craignent la renaissance en tant
que puissance (et notamment au plan militaire). Faute de trouver un terrain d'entente
sur le sort global de l'Allemagne, Américains et Britanniques décident de fusionner
leurs zones (les Français, bien que peu favorables à la reconstitution d'un Etat
allemand, sont obligés de suivre). Devant la perspective de la renaissance de
l'Allemagne (au moins à l'ouest), Staline réagit en essayant de faire pression sur les
Occidentaux. Pour cela, il fait fermer tous les accès terrestres à Berlin-Ouest, enclave
au sein de la zone soviétique. La seule façon de ravitailler la ville est d'utiliser la voie
des airs : un gigantesque pont aérien se met en place pour ravitailler pendant presque
un an la ville de Berlin-Ouest. La détermination des Occidentaux ne faiblit pas et
Staline, qui ne dispose pas à ce moment-là de l'arme nucléaire, n'ose pas tenter de
s'opposer au pont aérien (c'est là que se définit la "règle du jeu" de la guerre froide,
accepter l'épreuve de force sans provoquer un conflit militaire ouvert). Le 23 mai
1949, naît la République Fédérale Allemande (premier chancelier, le démocrate
chrétien Konrad Adenauer) ; n'ayant pu réussir à faire reculer les Occidentaux, Staline
lève le blocus de Berlin Ouest. En octobre 1949, est créée à partir de la zone
soviétique une République Démocratique Allemande qui prend la forme d'une
démocratie populaire. Preuve que la question allemande demeurera sensible, c'est
seulement lorsque l'Allemagne sera remilitarisée en 1954 que le bloc communiste se
dotera de son alliance militaire, le pacte de Varsovie (1955).
• la guerre de Corée : dans l'histoire de la guerre froide, la guerre de Corée est souvent
qualifiée de "guerre chaude". En effet, il s'agit là d'un affrontement direct entre les
deux blocs et beaucoup de contemporains ont pensé qu'elle allait dégénérer en
troisième guerre mondiale. Partagée après la défaite du Japon en 1945, la Corée voit
s'installer au nord un régime de type communiste dirigé par Kim Il Sung et au sud une
dictature soutenue par les Etats-Unis. Le 25 juin 1950, les forces de la Corée du Nord
attaquent, enfoncent les lignes sud-coréennes. Les Etats-Unis portent l'affaire devant
l'ONU et, profitant de l'absence des soviétiques au conseil de sécurité, obtiennent la
création d'une armée des Nations Unies pour aider la Corée du Sud. Grâce à
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l'intervention de ces troupes, en grande partie américaines, les soldats nord-coréens
sont refoulés et la ligne de front atteint pratiquement la frontière entre la Corée du
Nord et la Chine (automne 1950). Cette situation amène des "volontaires" chinois
(environ 500 000 hommes) à venir prêter main forte aux Coréens du Nord. La Corée
du Nord se dégage et le front se stabilise à peu près sur le 38 parallèle qui servait de
frontière antre les deux Corées avant la guerre. Pour avoir proposé d'attaquer la
Chine avec l'arme atomique, le commandant en chef des troupes américaines, le
général Mac Arthur, est relevé de ses fonctions (avril 1951). Le conflit s'enlise et ne se
débloque qu'après la mort de Staline (mars 1953) qui permet l'ouverture de
négociations. Celles-ci aboutissent à l'armistice de Pan Mun Jon (27 juillet 1953). La
guerre a duré trois ans, fait plus d'un million de morts et n'aboutit à aucun véritable
gain territorial de part et d'autres...
• les crises de 1956 : les crises de 1956 sont révélatrices de la nouvelle situation créée
par la coexistence pacifique et l'acceptation d'un monde bipolaire. En octobre-
novembre 1956, l'armée soviétique réprime le soulèvement de la Hongrie qui voulait
quitter le bloc de l'Est : hormis quelques protestations de principe, les pays du bloc
occidental ne bougent pas. Pratiquement dans le même temps (novembre), Français
et Britanniques interviennent en Egypte afin de récupérer la zone du canal qui vient
d'être nationalisée par Nasser, chef de l'Etat égyptien. Moscou menace d'utiliser
l'arme atomique contre la France et le Royaume-Uni, les deux pays cherchent du
soutien auprès des Etats-Unis qui leur demandent de retirer leurs troupes de Suez. La
crise de Suez montre clairement que les anciennes puissances européennes
(Royaume-Uni, France) ne disposent plus de poids réel dans les affaires
internationales.
• la construction du mur de Berlin (août 1961): la situation de Berlin-Ouest demeure
particulière et, depuis le blocus de 1948-49 et la création de la RDA, les Soviétiques et
l'Allemagne de l'Est réclament le rattachement de cette partie de la ville à la RDA. La
situation est d'autant plus sensible que beaucoup d'Allemands de l'Est passent à
l'Ouest simplement en passant de Berlin Est à Berlin Ouest (il suffit de prendre le
métro !). Près de 3 millions d'Allemands de l'Est ont ainsi émigré à l'Ouest depuis la
création des deux Allemagnes. Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, le secteur
occidental de Berlin est isolé et on entreprend de construire un mur qui colmate la
dernière brèche dans le "rideau de fer". Les pays occidentaux condamnent la
construction de ce "mur de la honte" mais n'agissent pas pour l'empêcher.
• la crise des fusées de Cuba (octobre 1962) : c'est la crise la plus brûlante de la guerre
froide, la seule qui ait véritablement risqué de déclencher une guerre nucléaire.
Depuis 1959, l'île de Cuba est passée sous le contrôle des guérilleros de Fidel Castro.
Après l'échec d'une tentative de débarquement d'opposants cubains à Castro dans la
"baie des Cochons" (1960) [opération soutenue par la CIA], Cuba se rapproche de
Moscou. En octobre 1962, les Etats-Unis découvrent que des rampes de lancement
pour missiles sont en construction, puis que des navires soviétiques transportent ces
missiles vers Cuba. Kennedy choisit la force et menace l'URSS de représailles si elle ne
renonce pas à cette installation. Après plusieurs jours d'extrême tension,
Khrouchtchev cède. Les missiles ne seront pas installés.
La crise des fusées de Cuba a agi comme un avertissement, l'affrontement nucléaire
demeure possible. Aussi marque-t-elle un changement dans les relations Est-Ouest en
conduisant à une nouvelle période qu'on qualifie de "Détente".
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Les relations entre Américains et Soviétiques connaissent sinon une amélioration
du moins une évolution positive. La mise en place en 1963 d'un "téléphone rouge" reliant
la Maison blanche au Kremlin doit permettre une meilleure gestion des affaires du monde
par les deux superpuissances. Tout en restant adversaires du fait de leurs modèles si
différents, Etats-Unis et URSS inaugurent des relations plus directes. Des relations
commerciales s'établissent entre les deux pays (notamment en matière agricole car la
politique de Khrouchtchev ayant échoué, l'URSS a besoin de céréales qu'elle va acheter
désormais chaque année aux Etats-Unis).
Mais c'est dans le domaine diplomatique et militaire que cette détente est la plus
visible. Le président Nixon se rend en URSS, puis Léonid Brejnev va aux Etats-Unis. Les
rencontres au sommet attestent de ce "rapprochement" entre les deux Grands. Cette
nouvelle situation permet d'aborder la question de l'arme nucléaire. En août 1963, le
traité de Moscou, signé par l'URSS, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, interdit les essais
nucléaires dans l'atmosphère, puis en 1972, après trois années de négociations sont
signés les accords SALT (Strategic Arms Limitation Talks) qui visent à limiter la
prolifération des armes nucléaires (autrement dit, les deux signataires s'engagent à
fabriquer moins d'armes nucléaires). De nouvelles négociations (SALT II) seront engagées
par la suite mais n'aboutiront pas du fait de la reprise des tensions dans la seconde moitié
des années 70.
L'apogée des relations favorables entre les deux super-grands intervient en fait avec la
conclusion des accords d'Helsinki. Négociés depuis 1973, l’Acte final est signé en 1975 par
35 pays européens. Ceux-ci s'engagent à respecter de nombreux principes (inviolabilité
des frontières européennes, non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre Etat,
défense des droits de l'homme...). Cette Conférence pour la Sécurité et la Coopération en
Europe (CSCE) précédent pose cependant des principes dont on sait bien qu'ils ne sauront
pas respectés dans la partie orientale du continent.
La situation de "détente" amène certains alliés des Etats-Unis à prendre certaines
distances avec leur "protecteur"... ou du moins à tenter de pratiquer une politique
étrangère un peu plus personnelle.
En 1969, le nouveau chancelier allemand, le social-démocrate Willy Brandt,
entame une politique d'ouverture à l'Est, l'Ostpolitik. Celle-ci le voit reconnaître en août
1970 par le traité de Moscou les frontières entre l'Allemagne (de l'Est !) et la Pologne sur
la ligne Oder-Neisse. La réconciliation germano-polonaise se traduit en mars 1971 par le
geste émouvant de Willy Brandt s'agenouillant devant le monument à la mémoire des
victimes du ghetto juif de Varsovie. Enfin, en décembre 1972, la RFA et la RDA se
reconnaissent mutuellement ce qui normalise les relations en Europe et permet aux deux
Etats de faire leur entrée à l'ONU.
L'attitude française est toute autre. Voulant rétablir la grandeur nationale, et
disposant depuis 1960 de la bombe atomique comme (petit) moyen de dissuasion, le
général de Gaulle entend mener une politique étrangère indépendante des Etats-Unis
(même si en 1962 il est un des premiers soutiens de Kennedy dans la crise des fusées de
Cuba). Ainsi, en 1964, il critique dans un discours à Phnom-Penh au Cambodge
l'engagement américain au Vietnam ; en 1967, son "Vive le Québec libre !" est une
intrusion dans la vie d'un Etat voisin des Etats-Unis, le Canada, dont il menace l'unité.
Mais surtout, en 1966-67, de Gaulle décide que la France quittera le commandement
militaire de l'alliance atlantique. Les bases américaines situées en France ainsi que le
grand commandement des forces de l'OTAN doivent déménager en quelques mois.
Dans le bloc communiste, il est plus difficile de se désengager. C'est pourtant ce
que tentent de faire les communistes tchécoslovaques à partir de 1967. Sous la direction
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d'Alexandre Dubcek, le parti communiste de Tchécoslovaquie se réforme et s'oriente vers
un "socialisme à visage humain" (plus ouvert et démocratique). Ce "printemps de Prague"
se trouve écrasé en 1968 par l'intervention des troupes du Pacte de Varsovie. L'URSS
remplace les dirigeants du parti communiste tchécoslovaque par des fidèles de Moscou.
En 1970, des mouvements ouvriers touchent également la Pologne mais sont là aussi
étouffés.
En fait, il n'y a plus véritablement de bloc communiste. En effet, la Chine s'est
séparée en 1960 de l'URSS, rompant avec son imitation de la voie de développement
soviétique pour suivre les préceptes de Mao ("révolution culturelle"). Désormais, les
relations entre l'URSS et la Chine sont très tendues et des accrochages ponctuels se
produisent sur la frontière entre les deux pays. Certains pays communistes se
rapprochent de la Chine quittant l'orbite soviétique (Albanie...). En 1972, dans un geste
spectaculaire, le président américain Nixon se rend en Chine. La Chine communiste,
reconnue par les Occidentaux, prend la place de la Chine nationaliste (Taïwan) au conseil
de sécurité de l'ONU.
La Détente ne signifie pas pour autant la fin de tous les conflits opposant les deux
superpuissances par Etats interposés. Au contraire, ceux-ci se poursuivent et prennent
des formes usantes et destructrices pour les populations.
- La guerre du Vietnam
Depuis la fin de la guerre d'Indochine en 1954, l'ancienne Indochine
française a été divisée en quatre pays (Laos, Cambodge, Vietnam du Sud et
Vietnam du Nord). La région est sous la pression de guérilleros communistes. Au
Sud Vietnam, soutenu par les Etats-Unis, une guérilla communiste, le Vietcong
entame la lutte contre le pouvoir de Saigon. Le Vietcong est soutenu par le
Vietnam du Nord, l'URSS et la Chine. Sous la présidence de Kennedy, les Etats-Unis
commencent à envoyer des conseillers militaires au Vietnam du Sud, puis à partir
de 1965 interviennent directement dans le conflit. Les moyens employés sont
considérables (des bombardements massifs, plus de deux fois supérieurs à ceux de
la seconde guerre mondiale ; l'utilisation du napalm pour défolier la forêt tropicale
où se cachent les vietcongs...) mais font surtout des victimes innocentes et
traumatisent les combattants (puis l'opinion) américains. En janvier 1973, les
accords de Paris entre les Etats-Unis et les Vietnamiens scellent le retrait des
Etats-Unis du Vietnam. En 1975, la capitale du Sud-Vietnam, Saigon, tombe. Le
Vietnam est unifié sous un régime communiste pro-soviétique.
- les guerres israélo-arabes
Depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, le Proche-Orient est une zone
de fortes tensions. La région était depuis la fin de la première guerre mondiale
sous mandat britannique et deux populations aspiraient à la création d'un Etat :
les populations juives et les populations arabes. Au lendemain de la seconde
guerre mondiale, et dans le contexte de la découverte de la Shoah, de nombreux
juifs immigrent en Palestine. En novembre 1947, l'ONU propose un plan de
partage (deux Etats séparés er Jérusalem obtenant le statut de ville
internationale), plan approuvé par les Etats-Unis et l'URSS. Le 15 mai 1948, les
Britanniques mettent fin à leur mandat. L'Etat d'Israël est proclamé (et reconnu
aussitôt par l'URSS et les Etats-Unis). Aussitôt les armées arabes pénètrent en
Palestine, un conflit s'engage que, normalement, le jeune Etat israélien doit perdre
47
faute de moyens. Pourtant, en 1949, des accords de cessez-le-feu laissent un Etat
israélien agrandi (40 % supérieur en surface au projet de l'ONU). Dans les années
qui suivent, la région glisse elle aussi dans la guerre froide, l'URSS soutenant
l'Egypte (voir crise de Suez de 1956) et la Syrie, tandis que les Etats-Unis font
d'Israël la pièce maîtresse de leur influence dans la région.
Malgré la détente, les tensions demeurent importantes dans la région.
Beaucoup de Palestiniens ont quitté leur terre ; un mouvement s'est formé sous la
direction de Yasser Arafat, l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) dont
les combattants détournent des avions ou réalisent des attentats. Les pays arabes
entendent faire disparaître Israël de la carte. En 1967, une nouvelle attaque
concertée des pays arabes contre Israël échoue face à l'efficacité de l'armée
israélienne (guerre des Six jours). Au terme de sa riposte éclair, Israël s'empare du
Sinaï, de la Cisjordanie et du plateau du Golan. L'ONU vote une résolution
réclamant l'évacuation de ces territoires, Israël s'y refuse posant en préalable la
reconnaissance de son existence par les pays voisins. En octobre 1973, profitant
de la fête du Yom Kippour l'armée égyptienne se lance à la reconquête du Sinaï ; à
nouveau, Israël inverse le cours de la guerre en quelques jours. Etats-Unis et URSS
imposent à leurs alliés un cessez-le-feu.
LA SITUATION AU PROCHE-ORIENT EN 1973
- la pénétration communiste en Amérique latine et en Afrique
La Détente est marquée par des avancées communistes dans des Etats du Tiers
monde. La victoire de ces groupes soutenus par Moscou ou ses alliés (au Mozambique et
en Angola en 1975, en Ethiopie en 1977, au Nicaragua...) conduiront à la fin de la Détente.
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La période de la Détente avait semblé se traduire par une acceptation par les deux
superpuissances de la réalité bipolaire du monde. Dans les faits, des forces étaient
toujours à l'œuvre pour essayer de saper le camp adversaire. Au moment même où les
accords d'Helsinki (1975) semblaient entériner une situation plus sûre en Europe, la
Détente vivait ses derniers instants.
Une carte du monde révisée par la décolonisation
La France de l’expansion
Sortie de la guerre meurtrie par sa défaite rapide de 1940, par l'occupation et la
collaboration du gouvernement de Vichy, la France retrouve cependant assez vite une
place parmi les grandes puissances mondiales même si elle ne peut pas rivaliser avec les
superpuissances (Etats-Unis et URSS). Elle le doit à la reconstruction de la République, à
une forte expansion économique et au choix de la construction européenne.
Pendant la guerre, de Gaulle n’a pas de véritable légitimité (raison pour laquelle
les Américains se méfient de lui en qui ils ne voient pas un démocrate). Il n’en a une qu’à
partir de la création à Alger du Gouvernement provisoire de la République française
(1944). De Gaulle souhaite une unité nationale et la fin du « gouvernement des partis ».
Autour de lui on trouve donc des personnes d’horizons politiques différents. Trois partis
peuvent se réclamer de la résistance (PCF, SFIO, Mouvement Républicain Populaire) :
c'est ce qu'on appelle le tripartisme. Dès 1944, le gouvernement provisoire a décidé
d’accorder le droit de vote aux femmes. Reste à définir de nouvelles institutions. Cela se
fait difficilement.
- 21 octobre 1945 : élection d’une assemblée et referendum sur le maintien des
institutions de la IIIè République. Les Français se prononcent pour la création de
nouvelles institutions. L’Assemblée devient donc constituante.
- 20 janvier 1946 : de Gaulle démissionne pour s’opposer qu projet de constitution
et au retour du système des partis
- 16 juin 1946 : discours de Bayeux de de Gaulle dans lequel il prône la mise en
place d’un pouvoir exécutif plus fort.
- 13 octobre 1946 : adoption (sans enthousiasme) par les Français de la
constitution de la IVè République
- 10 novembre 1946 : élections législatives : les formations du tripartismes
obtiennent la majorité.
La IVè République est un régime d’assemblée où l’Assemblée nationale a un poids
prépondérant (surtout par rapport à la deuxième assemblée, le Conseil de la République,
et par rapport à un président élu pour 7 ans et sans véritable pouvoir). Face à
l’Assemblée, le gouvernement est dirigé par un président du conseil désigné en fonction
de la majorité dont il dispose à l’Assemblée. Au début de 1947, le socialiste Ramadier
revient aux usages de la IIIè République en se faisant investir deux fois (une fois pour lui-
même et une fois pour son gouvernement)) ; c’est redonner à l’Assemblée nationale un
poids essentiel dans les institutions.
L’unanimité des débuts de la IVè République vole en éclat dans le contexte de la
guerre froide naissante. En mai 1947, Ramadier renvoie les ministres communistes du
gouvernement. Dès lors, les partis favorables à la IVè République se trouvent coincés sur
l’échiquier politique entre deux partis qui lui sont hostiles (mais pour des raisons
différentes) : le PCF et le RPF fondé par de Gaulle en avril 1947. Pour gouverner, une
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entente est indispensable entre les socialistes de la SFIO, les radicaux et les partisans du
MRP… donc, il y a nécessité de faire des compromis permanents entre des hommes de
gauche et des hommes de droite. Cette troisième force dirige la France jusqu’au début
des années 50.
Les gouvernements de la IVè République du fait de leur composition ressemblent à
ceux de la IIIè République (les mêmes hommes restent aux affaires… par exemple,
François Mitterrand est douze fois ministre ou secrétaire d’Etat en 24 gouvernements). Ils
en ont également la fragilité (gouvernements très courts… en moyenne, moins de six
mois). De là, la mauvaise image gardée par les Français de cette IVè République (dont
pourtant les réalisations sont nombreuses et importantes : reconstruction et croissance
économique, construction européenne, début de la décolonisation). Deux « moments »
positifs sont pourtant restés dans la mémoire collective des Français : le gouvernement
Pinay (lutte contre l’inflation, lancement d’un emprunt indexé sur l’or) ; le gouvernement
Mendès-France (juin 1954-février 1955) qui met fin à la guerre d’Indochine, prépare la
décolonisation du Maroc et de la Tunisie mais est renversé car son chef devient trop
populaire.
Mais la IVè République doit traîner derrière elle le boulet des décolonisations
difficiles (Indochine, puis Algérie). Le climat en France devient de plus en plus difficile :
montée d’un mouvement extrémiste incarné par Pierre Poujade en réaction contre le
progrès, le rôle de l’Etat, désaccord entre les partis de gouvernement sur la question
algérienne. Aux élections de 1956, la victoire des partis de la gauche non communiste
(Front républicain) amène au pouvoir Guy Mollet qui choisit d’envoyer les appelés en
Algérie. Le 13 mai 1958, une émeute à Alger amène la constitution d’un Comité de Salut
Public pour garder l’Algérie à la France. Dans ces conditions insurrectionnelles, on se
tourne vers le seul personnage pouvant rassembler les Français, le général de Gaulle. Le
1er juin 1958, il devient président du conseil, présente un projet de nouvelle constitution
le 4 septembre qui est approuvée le 28 septembre. Le 21 décembre, de Gaulle est élu
président par un collège de 80 000 grands électeurs. La Vè République commence…
La Cinquième République est dans la droite ligne des idées défendues par de
Gaulle dans son discours de Bayeux en 1946. Le rôle du Parlement est minoré et celui du
président de la République est singulièrement renforcé.
+ Le président de la République : Toujours élu pour 7 ans, celui-ci a une autorité et
un rôle bien plus important que sous les Républiques précédentes (on parle
aujourd’hui d’une « monarchie présidentielle ») : il préside le Conseil des ministres
(du coup, le chef du gouvernement ne porte plus le nom de « président du Conseil
» mais de « premier ministre » ; il dispose du droit de grâce, commande les
armées et signe les traités (ce qui lui assure un rôle éminent en politique
étrangère (« domaine réservé »), dispose le droit de dissoudre l’Assemblée et
grâce à l’article 16 a la possibilité d’obtenir les pleins pouvoirs en cas de menaces
sérieuses sur l’Etat. Il peut également consulter le peuple par référendum.
+ Le gouvernement : Le chef du gouvernement est choisi par le président en
fonction de la majorité à l’Assemblée nationale… mais il n’est en fait (sauf dans le
cas des cohabitations) que le relais des décisions présidentielles. En théorie, il ne
peut quitter le pouvoir qu’en démissionnant ou en subissant le vote d’une motion
de censure. Les pouvoirs du gouvernement se trouvent renforcés par la possibilité
de faire adopter des lois sans débat (article 49-3).
+ Le Parlement : Il est formé de deux chambres inégales : l’Assemblée nationale
est élue pour 5 ans, le Sénat l’est pour 9 ans (avec renouvellement par 1/3). La loi
doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées… mais c’est
l’Assemblée qui décide en dernier recours.
50
+ Le Conseil constitutionnel : Cette instance nouvelle est chargée de vérifier le
fonctionnement des institutions. Ses membres sont nommés par le pouvoir.
De Gaulle va d’autant mieux imposer sa marque sur la France des années 60 que
les institutions ont été faites selon ses idées. Il souhaite passer par dessus les partis pour
s’adresser directement aux Français (utilisation de la radio et de la télévision ; voyages en
province, recours à des référendums). En 1962, il fait introduire une modification
constitutionnelle qui va encore plus dans ce sens en décidant que les Français éliraient
eux-mêmes le président de la République au suffrage universel direct (idée d’une «
onction populaire » => mise en place d’un régime qu’on qualifie de semi-présidentiel).
Dans un contexte de croissance économique forte, la France règle avec de Gaulle
les problèmes hérités de la IVè République (instabilité gouvernementale, question
algérienne, dépendance envers les Etats-Unis). L’objectif gaullien est la « grandeur de la
France ». Cependant, la décennie présidentielle de de Gaulle est émaillée de crises
diverses ou de moments délicats :
+ 1962 : une motion de censure renverse le gouvernement de Georges Pompidou
(on fait payer à de Gaulle le fait d’avoir nommé comme premier ministre
quelqu’un qui est un fidèle mais pas un élu du peuple … et le fait d’avoir fait
adopter l’élection du président par les Français). De Gaulle persiste, dissout
l’assemblée, remporte les élections et choisit à nouveau Pompidou comme
premier ministre.
+ 1965 : première élection du président de la Vè République par les Français. De
Gaulle ne fait pas campagne et se trouve mis en ballotage par François Mitterrand.
Au 2è tour, de Gaulle l’emporte avec 54,6 % des voix. Mais cette élection brise
l’idée d’une France globalement unie derrière de Gaulle.
+ 1967 : nouvelles élections législatives… les Gaullistes de l’UNR n’ont pas la
majorité absolue et ont besoin de l’appoint des députés des Républicains
Indépendants de Giscard d’Estaing pour pouvoir gouverner.
+ 1968 : au début du mois de mai, des mouvements étudiants se déclenchent et se
heurtent aux forces de police. Des affrontements violents se déroulent à Paris
dans le quartier latin (nuit du 10 au 11 mai). Cette crise étudiante débouche sur
une crise syndicale : pour protester contre l’attitude répressive du pouvoir, une
grève commence le 13 mai (plus de 10 millions de grévistes). Le pouvoir flotte, de
Gaulle ne parvient pas à rétablir l’ordre et Pompidou négocie seul (ce qui aboutit
aux accords de Grenelle du 27 mai : hausses de salaire, 4è semaine de congés
payés). La crise est devenue politique. Le 30 mai, de Gaulle reprend les rênes,
dissout l’Assemblée tandis qu’un grand défilé en faveur du général de Gaulle se
déroule sur les Champs-Elysées. Les élections de la fin juin 1968 sont un triomphe
pour les gaullistes.
+ 1969 : De Gaulle sort cependant ébranlé de la crise. Il veut entamer de nouvelles
réformes institutionnelles (transformation du Sénat, régionalisation), organise un
référendum le 27 avril 1969 mais recueille 53 % de non. Il démissionne le soir
même.
Le retrait du général de Gaulle va amener à l’Elysée son ancien premier ministre,
Georges Pompidou. Celui-ci poursuit une politique inspirée par celle du général de
51
Gaulle ; il s’en écarte cependant dans le domaine de la construction européenne en
poussant à une relance de celle-ci et surtout en ne mettant plus le veto de la France à une
entrée du Royaume-Uni dans la CEE. Cependant, sa présidence est écourtée par la
maladie. Le 2 avril 1974, il meurt alors que depuis plusieurs mois la situation économique
a commencé à se dégrader ; c’est la fin des Trente Glorieuses.
La période des Trente Glorieuses voit la France entrer dans la société de
consommation. La croissance économique est forte (5% par an), le chômage presque
inexistant, le pouvoir d’achat des Français triple. Cette situation transforme la vie
quotidienne des Français (équipement des ménages, loisirs, urbanisation galopante et
déclin des campagnes).
Alors que le nombre des paysans s’effondre (de 7 millions à 2 millions entre 1946
et 1975), l’agriculture se modernise. La période de croissance voit au contraire augmenter
fortement le nombre des ouvriers (8 millions d’actifs en 1975, maximum historique). Elle
marque surtout l’émergence des classes moyennes (employés, enseignants, cadres
supérieurs), du tertiaire (plus de 50 % de la population active en 1975), du travail des
femmes (1,3 million de femmes en 1954, plus de 3 millions en 1975).
L’économie française connaît une modernisation qui touche tous les secteurs de
l’économie et transforme profondément ceux-ci.
+ L’agriculture française, qui était profondément traditionnelle et peu tournée
vers le progrès, connaît d’importantes mutations qu’il faut notamment relier à la création
de la Politique Agricole Commune (PAC) en 1962. La production augmente fortement
grâce à un recours plus important à la mécanisation et au machinisme agricole, à la
sélection des espèces, au recours massif aux engrais qui accroissent les rendements (en
1946, un actif agricole nourrissait 5 Français, dans les années 80 plus de 30). Les
productions se diversifient et la France, qui au début des années 50 devait importer des
produits agricoles, redevient un pays exportateur.
+ Après les destructions massives subies durant la seconde guerre mondiale du fait
des bombardements, la France redevient une grande nation industrielle grâce à l’effort de
reconstruction. De gros efforts sont effectués pour doter la France d’un appareil
industriel plus moderne, mettant en œuvre les dernières techniques de production
(généralisation du taylorisme et du fordisme après la guerre ; imitation de la stratégie de
« sidérurgie sur l’eau » à Dunkerque et Fos à la fin de la période). La croissance
industrielle de la France se base aussi sur une plus forte concentration qui met fin à
l’existence de petites et de moyennes entreprises trop faibles pour résister dans le
commerce mondial et conduit à l’apparition de grands groupes industriels (Elf-Aquitaine
dans le domaine pétrolier, Aérospatiale ou Dassault-Bréguet dans le domaine de
l’aviation, Saint-Gobain dans le domaine de la métallurgie, Thomson-Brandt dans le
domaine de l’électronique…). Faute de bras pour travailler dans ces secteurs industriels
en pleine croissance, la France a recours à une main d’œuvre étrangère souvent originaire
des anciennes colonies (et en particulier de l’Afrique du Nord).
+ Le secteur tertiaire est, comme dans tous les pays industrialisés, en forte
augmentation. Les activités de l’enseignement progressent fortement [le nombre des
enseignants du secondaire double entre 1960 et 1970]. Celles de la santé, du commerce,
des transports, de l’administration, du tourisme et des loisirs en font tout autant ; en
1972 la moitié des actifs français sont dans le secteur tertiaire.
La croissance française est importante et par moment spectaculaire (elle est
parfois supérieure à celle du Japon et de la RFA dont on a pourtant vanté les « miracles »
économiques). Il n’empêche que la période de haute croissance française n’est pas sans
poser de problèmes.
52
Les choix effectués par le pouvoir politique de fonder la croissance sur l’ouverture
au monde et les lourds investissements se traduisent par une inflation persistante (autour
de 5% par an). Si cette hausse des prix est intéressante pour ceux qui ont emprunté (elle
diminue le poids des intérêts), elle rend fréquentes les demandes d’augmentation de
salaires et conduit à une multiplication des revendications syndicales.
La croissance fait des victimes dans la société car tout le monde n’en profite pas.
Le développement d’une agriculture plus productive frappe de plein fouet la petite
paysannerie, l’apparition des supermarchés (puis des hypermarchés encore plus vastes)
fragilise gravement le petit commerce, le choix de l’énergie pétrolière rend moins
nécessaire l’exploitation du charbon et conduit aux premières suppressions d’emplois
dans le secteur des mines. Ces groupes sociaux victimes de la croissance sont eux-aussi
d’importants contestataires de la politique du pouvoir (mouvement poujadiste des petits
commerçants à la fin des années 50 ou mouvements paysans de plus en plus importants).
La croissance pense-t-on à tort durera de manière indéfinie car on estime pouvoir
la maintenir. Pourtant dès le milieu des années 60 certains signes (qu’on ne voit pas ou
qu’on ne veut pas voir) attestent d’un essoufflement. Le monde du travail commence à
être saturé avec l’arrivée des premières classes du Baby Boom sur le marché.
L’équipement des familles commence à être en grande partie assuré ce qui limite
évidemment les nouveaux achats. La France de 1973 ne ressemble plus que de très loin à
celle de 1945 mais l’expansion rapide touche à sa fin.
Les débuts de la construction européenne
Au lendemain de la guerre, des appels se multiplient afin de rapprocher les Etats
européens. L’idée n’est pas nouvelle, elle a déjà été lancée en son temps par des
personnes aussi diverses que Victor Hugo ou Aristide Briand. En septembre 1946, l’ancien
premier ministre Winston Churchill prononce un discours à Zurich où il appelle à la
création des Etats-Unis d’Europe. En mai 1948, le Congrès pour l’Europe réunit à La Haye
réunit près de 800 délégués favorables à un rapprochement entre Etats européens
occidentaux. Les objectifs des partisans du rapprochement européen sont fortement liés
au contexte général du continent : il s’agit d’œuvrer ensemble pour la reconstruction
après la seconde guerre mondiale, d’empêcher toute nouvelle guerre entre les Etats
européens en mettant en avant ce qui les rassemble (une civilisation commune) et faire
face à la menace communiste (c’est le sens du discours de Churchill). Cet idéal est appuyé
par les Etats-Unis qui mettent en place les premières structures de coopération entre
Etats européens : OECE en avril 1948 pour répartir les aides du plan Marshall, OTAN
même si ce n’est pas strictement européen. Quelques petites réalisations, sorte de
ballons d’essai, sont réalisées au lendemain de la guerre : création du Benelux en 1944,
Union occidentale (Benelux + France + Royaume-Uni) qui est une alliance militaire.
Cependant, derrière ce désir de rassemblement, des conceptions divergentes et
fondamentales s’opposent déjà : les fédéralistes estiment que les politiques des Etats
doivent se fondre afin que les pays aillent dans une même direction (crainte du retour du
nationalisme jugé responsable de la guerre). ; les unionistes voient le rapprochement
européen comme une simple entente entre les pays européens dans le but de favoriser
leur économie et de résister aux progrès du communisme. Ils plaident donc pour une
coopération entre Etats.
La première institution européenne est issue du Congrès de La Haye de 1948 ;
c’est le Conseil de l’Europe, une assemblée dotée d’un champ d’action considérable mais
qui est nommée et reste consultative. Il siège à Strasbourg et regroupe à l’origine 10 pays.
53
C’est pour lui qu’est créé le drapeau européen bleu à étoiles jaunes. Elabore aussi en
1950 la Convention européenne des droits de l’homme.
Avec la CECA, on passe à une organisation plus élaborée. Dans le contexte d’une
guerre froide qui se renforce, les Européens cherchent à se rapprocher en envisageant la
réalisation d’une intégration économique. C’est le sens de la déclaration Schuman (ou
discours du salon de l’Horloge) le 9 mai 1950. Il propose de placer sous une autorité
supranationale les productions françaises et allemandes de charbon et d’acier. C’est une
base qui dégage en fait les grands principes de ce que doit être l’intégration européenne
pour les « pères fondateurs » de l’Europe : supranationalité, solidarité, cour de justice
pour juger des litiges. Après rejet du Royaume-Uni mais acceptation du Benelux et de
l’Italie, la CECA est officiellement créée le 18 avril 1951 par le traité de Paris.
La CED est la deuxième étape envisagée… Cette communauté européenne de
défense est née de la crainte de la restauration par les Etats-Unis d’une armée allemande.
Le Français René Pleven propose alors la création d’une armée commune aux pays de la
CECA dans laquelle viendraient se fondre les troupes allemandes. La CED est créée le 27
mai 1952 mais sa création n’est pas ratifiée en France face à la double opposition des
communistes et des gaullistes (1954). L’échec de la CED a plusieurs conséquences : doute
sur la réalité de la construction européenne dans un autre domaine que l’économie,
reconstitution de l’armée ouest-allemande qui est intégrée à l’OTAN (1955), création
d’une Union de l’Europe Occidentale organisation militaire consultative (avec l’Allemagne
mais aussi le Royaume-Uni)
Après l’échec de la CED, les partenaires européens décident à la conférence de
Messine en 1955 de limiter leurs ambitions à deux secteurs : l’économie et l’atome.
Suite à la conférence de Messine, un comité présidé par le Belge Paul-Henri Spaak met au
point le texte des traités qui seront signés à Rome le 25 mars 1957. Ceux-ci créent d’une
part la Communauté économique européenne dont l’objectif est de créer un Marché
commun entre les 6 partenaires et l’Euratom (ou Communauté Européenne à l’Energie
Atomique) destinée à coordonner les politiques des 6 dans le domaine nucléaire.
Dans les institutions de la CEE, ce sont les Etats qui ont le contrôle à travers le Conseil des
ministres (où les décisions doivent être prises à l’unanimité). La Commission est
seulement une force de proposition et d’exécution des décisions, l’assemblée
européenne (devenu parlement en 1962) n’a qu’un rôle consultatif et est composée de
personnes nommées par les Etats. En 1965, par le traité de Bruxelles, les institutions de la
CECA et de l’Euratom seront fondues dans celles de la CEE.
Le traité de Rome vise à supprimer tous les obstacles à la circulation des
marchandises dans le communauté afin de permettre l’augmentation des échanges intra-
européens et soutenir le développement économique des pays membres. Pour y
parvenir, il faut progressivement supprimer les droits de douane mais aussi toutes les
restrictions particulières à la circulation de telles ou telles marchandises (limitation de
volume). A côté des mesures visant à faciliter cette circulation intérieure, il faut
également mettre en place un tarif douanier extérieur commun. Le 1er juillet 1968, le TEC
(Tarif extérieur commun) est mis en place. Le premier objectif du traité de Rome est
réalisé. Un marché commun existe désormais à l’intérieur des frontières des 6. Le
commerce entre Etats membres augmente considérablement (x 4 entre 1958 et 1968).
Dans le but de dynamiser l’économie communautaire, d’autres politiques sont
mises en place. La principale, qui va absorber jusqu’à la moitié du budget de la CEE, est la
PAC mise en place en 1962. Elle crée un marché agricole unique entre les Etats membres
(règlements communs, prix minimums) et bloque au contraire les productions extérieures
au nom de la « préférence communautaire ». Le principal instrument de la PAC est le
FEOGA (fond européen d’orientation et de garantie agricole. Alors que les 6 pays de la
CEE n’étaient pas auto-suffisants en 1960, ils le deviennent rapidement au point d’avoir
54
bientôt une agriculture en surproduction. Le traité de Rome prévoit d’autres politiques
communes qui ne sont pas mises en application ou avec peu d’effets (Fonds social
européen en 1958). Cependant, on rattache souvent aux politiques communautaires les
coopérations industrielles qui peuvent se faire jour parmi les pays de la CEE (notamment
à travers le programme Airbus).
La France est le principal acteur des crises et des blocages qui vont jusqu’au début
des années 70 maintenir la CEE sous le strict contrôle des Etats. Le général de Gaulle, au
pouvoir à partir de 1958, se méfie en effet d’une Europe dans laquelle la France se
trouverait noyée, diluée (cette situation vaut en particulier pour le secteur de l’atome… la
volonté de la France de contrôler pour elle-même ce secteur conduit grandement à
l’échec de l’Euratom). Dans cette vision opposée à la supranationalité, le couple franco-
allemand est le garant du contrôle par les deux principales puissances de l’évolution de la
CEE. A partir de juin 1965, la France pratique la « politique de la chaise vide » pour
protester contre la règle de décision prise à la majorité qualifiée. Le fonctionnement de
l’Union s’en trouve paralysé jusqu’à la conclusion du compromis de Luxembourg (janvier
1966) qui maintient l’unanimité pour les décisions principales. Un autre des refus
fondamentaux de la France de de Gaulle est l’élargissement de la CEE, en particulier aux
Britanniques qui sont suspectés de pratiquer la politique du « Grand large » autrement dit
de faire passer les intérêts américains avant les intérêts européens. Après le retrait de de
Gaulle (1969), les blocages semblent se dissiper. Quatre nouveaux pays sont admis à
entrer dans l'Union (Royaume-Uni, Irlande et Danemark… et Norvège qui refusera au
dernier moment). Des perspectives nouvelles sont ouvertes (politique régionale,
environnementale, sociale, union monétaire…) par la conférence de Paris (1972).
La fin d’un monde bipolaire, l’irruption de la mondialisation (du milieu des années 70 à nos jours)
Entre crise et « croissance molle », l’irruption de la mondialisation
La fin de la guerre froide
La reprise des tensions Est-Ouest dans la seconde moitié des années 70 s'explique
paradoxalement par l'affaiblissement relatif des deux superpuissances. Se sentant moins
forte, chacune est d'autant plus tentée de montrer les dents pour décourager toute
tentative adverse.
La première moitié des années 70 a considérablement ébranlé les Etats-Unis. Ce
sont d'abord les fondements financiers de la puissance américaine qui sont attaqués. En
1971, le président Nixon décide que le dollar ne sera plus convertible en or, ce qui met fin
au système monétaire issu de la seconde guerre mondiale et entériné par les accords de
Bretton Woods. Dans la foulée, la monnaie américaine est dévaluée de manière
spectaculaire (en 1971, puis en 1973). Ces mesures n'empêchent cependant pas
l'économie américaine d'entrer dans la crise économique à la suite des chocs pétroliers
de 1973 et 1979. La région du Nord-Est des Etats-Unis, le Manufacturing Belt, doit faire
face à des difficultés considérables et, de manière générale, la part des Etats-Unis dans le
PNB mondial chute (de 25 à 20 %).
La crise n'est pas seulement économique, elle est aussi morale et politique. La
guerre du Vietnam, conduite par les Américains du début des années 60 à 1973, a
profondément ébranlé les consciences : la télévision a montré les images des G.I. morts
ou blessés dans une guerre qu'on ne comprend pas bien dans l'opinion. Beaucoup se
55
demandent pourquoi on se bat au Vietnam, pourquoi les enfants du pays y meurent ou y
vivent dans des conditions difficiles. Sur le terrain, les soldats souffrent de participer à
une "sale guerre". Le Vietnam est un cauchemar pour les Etats-Unis car il instille dans les
esprits le doute concernant la légitimité et les formes de l'intervention américaine. En
1973, par les accords de Paris, les Etats-Unis renoncent à participer au conflit (en 1975, le
Vietnam du Sud que les Etats-Unis soutenaient est vaincu et le Vietnam est unifié par le
régime communiste du Nord). Au syndrome vietnamien vient s'ajouter la crise politique
du Watergate. Ce scandale est lié à la découverte de micros dans l'immeuble du
Watergate où se trouvait le PC de la campagne des démocrates pour les élections de
1972. L'enquête menée par deux journalistes, renseigné par un mystérieux informateur,
montre que de hauts responsables de l'Etat sont mêlés à cette histoire. Le président
républicain Nixon, interrogé par une commission d'enquête, entrave l'action de celle-ci. Il
est finalement contraint de démissionner en août 1974 et est remplacé par Gérald Ford
(qui a pour particularité de ne pas avoir été élu en 1972 mais d'avoir remplacé le vice-
président Spiro Agnew qui, lui, avait démissionné suite à un scandale financier.
L'Amérique doute donc au milieu des années 70 de ses valeurs et de ceux qui les
incarnent (Gérald Ford se discrédite dans l'opinion mondiale par sa fâcheuse habitude de
rater des marches en descendant les passerelles des avions).
Alors qu'on pouvait penser qu'au début des années 70 la place des Etats-Unis sur
la scène internationale n'avait jamais été aussi forte (visite spectaculaire de Nixon à Pékin,
rencontre au sommet avec Brejnev), une partie des observateurs et de l'opinion estiment
que la Détente profite exclusivement à l'URSS. En effet, on assiste dans le monde à la
progression de régimes soutenus par l'URSS et militairement par Cuba, allié fidèle de
l'URSS. En Amérique centrale comme en Afrique (Angola, Ethiopie), les "barbudos"
(soldats cubains) interviennent sans réaction apparente des Etats-Unis. On considère en
particulier que la CIA n'est plus à la hauteur de ses missions. Il faut dire que l'élection
présidentielle de 1976 a amené à la tête des Etats-Unis Jimmy Carter, candidat
démocrate, qui prône une "politique des bons sentiments" : pour lui, la lutte contre
l'URSS ne justifie pas que les Etats-Unis pactisent avec des dictateurs ou soutiennent des
groupes armés non démocratiques. Cette volonté politique d'agir plus sur le plan des
principes que sur celui de la force, ajoute au sentiment de perte d'influence des Etats-
Unis dans le monde. Deux événements intervenus coup sur coup vont venir illustrer
dramatiquement aux yeux des Américains cet affaiblissement : le 4 décembre 1979, la
foule de Téhéran pénètre dans l'ambassade américaine et prend en otage une
cinquantaine de diplomates (ils ne seront relâchés que 444 jours plus tard) ; à la fin du
mois, les troupes de l'URSS entrent en Afghanistan pour venir en aide au régime pro-
soviétique qui s'y est installé en 1978.
Même si, vu des Etats-Unis, l'URSS semble se retrouver en position de force, la
réalité est plus complexe et moins positive. Rares sont ceux qui pointent du doigt les
faiblesses du régime communiste de Moscou et qui perçoivent les signes avant-coureur
d'une disparition prochaine.
Le modèle communiste se trouve contestée en URSS et dans les démocraties
populaires. En URSS, cette contestation est le fait d'intellectuels qui constituent la
dissidence. Ceux-ci réclament l'application par l'URSS de ses engagements en matière de
libertés individuelles et collectives. Des voix comme celles du physicien Sakharov ou de
l'écrivain Soljenitsyne réussissent à se faire entendre jusqu'en Occident, fracturant
l'image d'une URSS pays du peuple qui continue à exister dans certains milieux
intellectuels et populaires de l'Ouest. L'expulsion (pour Soljenitsyne) ou la mise en
résidence surveillée (pour Sakharov) sont quelques-uns des moyens utilisés pour faire
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taire ces voix discordantes avec les discours officiels. Cependant, l'impact de cette
dissidence demeure limité en URSS car le pouvoir tient bien les médias.
Dans les démocraties populaires, c'est de Pologne que va venir la contestation la
plus virulente. Celle-ci s'incarne à travers la religion catholique (l'archevêque de Cracovie
est devenu en 1978 le pape Jean-Paul II) et le syndicat libre Solidarnosc dirigé par l'ancien
ouvrier électricien Lech Walesa. L'action de Solidarnosc sape un des fondements du
régime communiste : en effet, l'existence de ce syndicat contredit l'idée d'un pouvoir du
peuple à travers le parti. En 1981, le pouvoir arrive entre les mains du général Jaruzelski
qui réprime les mouvements ouvriers (mais sans y mettre la "violence" habituelle, ce qui
est un signe de faiblesse évident du système).
Au plan international, le leadership de l'URSS sur le monde communiste se trouve
contesté désormais par la Chine. Ayant rompu avec l'URSS en 1960 pour suivre une voie
nationale incarnée par les idées de Mao Zedong, la Chine est devenue une véritable
puissance régionale après sa reconnaissance par les Etats-Unis et son entrée au Conseil
de sécurité au début des années 70. La mort de Mao en 1976 permet à son successeur
Deng Xiaoping de lancer une politique d'ouverture économique (les "quatre
modernisations") en 1978 pour accélérer le développement du pays. Au plan
international, la Chine soutient certains mouvements communistes ou pays communistes
(Albanie par exemple). Le long de la frontière sino-soviétique des incidents se produisent
assez régulièrement. Dans la péninsule indochinoise, vietnamiens soutenus par Moscou
et Khmers rouges cambodgiens soutenus par Pékin s'affrontent.
L'intervention soviétique en Afghanistan est la "goutte d'eau qui fait déborder le
vase". L'administration Carter sort de son attitude réservée pour prendre des mesures qui
mettent véritablement fin à la détente (embargo sur les livraisons de céréales à l'URSS,
boycott des JO organisés en 1980 à Moscou). On en revient à de véritables tensions qui
font parler d'une nouvelle période de guerre froide, la guerre fraîche. Mais les Etats-Unis
ne parviennent pas à restaurer véritablement leur image : l'échec lamentable d'une
entreprise de libération des otages en Iran scelle le sort de Jimmy Carter. Il est battu par
le républicain Ronald Reagan.
Parvenu au pouvoir en janvier 1981 (il est élu en novembre 1980), Ronald Reagan
met en œuvre les idées qu'il a défendues pendant sa campagne électorale. C'est un
programme idéologiquement réactionnaire qui s'appuie sur l'idée qu'il faut que les Etats-
Unis reviennent à leurs valeurs fondamentales et ancestrales pour retrouver toute leur
puissance. Les références à Dieu se multiplient dans les discours, les politiques d'aide
fédérale inspirées des New Deal et Fair Deal sont peu à peu abandonnées l'Etat devant
s'effacer progressivement du secteur économique (c'est le retour d'un libéralisme pur et
dur qu'on qualifie de néo-libéralisme). Ronald Reagan investit les Etats-Unis d'une mission
: défendre le monde libre contre "l'Empire du Mal" que constitue à ses yeux l'URSS.
Les interventions américaines vont se multiplier : en 1982 au Liban, en 1983 sur l'île de la
Grenade (aux Antilles) où s'était installé un régime pro-soviétique.
Mais c'est surtout avec la relance de la course aux armements que l'administration
Reagan entend abattre l'URSS. En 1983, les Etats-Unis déploient dans certains pays
d'Europe occidentale des missiles courte et moyenne portées, les Pershing ; cette
installation a pour but de s'opposer aux missiles de même type, les SS20, mis en place par
l'URSS dans les démocraties populaires. Elle rencontre de violentes oppositions dans les
pays de l'ouest de l'Europe (notamment de la part des groupes écologistes) mais est
quand même réalisée. Parallèlement, le gouvernement américain lance un vatse plan
destiné à protéger les Etats-Unis des missiles balistiques soviétiques. Cette IDS (Initiative
de Défense Stratégique), plus connue sous le nom de "guerre des étoiles" doit permettre
la destruction de puis l'espace des missiles tirés depuis l'URSS.
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L'administration Reagan reprend la politique de soutien aux mouvements anti-
communistes dans le monde. Elle finance la résistance des combattants en Afghanistan,
celle des Contras au Nicaragua (par le biais d'un trafic avec l'Iran qui sera connu plus tard
sous le nom d'Irangate).
L'URSS n'est cependant pas au mieux. Elle connaît d'abord des difficultés
économiques grandissantes. Les dysfonctionnements liés au système communiste et à
l'organisation défaillante des plans quinquennaux font que les pénuries de produits
essentiels deviennent permanentes. Les magasins sont souvent vides ou les produits
vendus de qualité médiocre (et rapidement hors d'usage), beaucoup de soviétiques
passent leurs journées dans les files d'attente plutôt qu'au travail. La population croît de
moins en moins au système. En revanche, une minorité de privilégiés, la nomenklatura
(nom désignant la liste des noms de ces privilégiés) a accès à des produits de qualité
souvent achetés en Occident). La dépendance envers les importations céréalières venues
des Etats-Unis est grande et l'embargo décidé en 1980 frappe durement le pays. De plus,
les dépenses militaires très importantes se trouvent encore augmentées pour suivre
l'effort militaire américain, ce qui finit par épuiser les forces de l'URSS.
Politiquement, le régime se caractérise par son immobilisme. Brejnev qui est au
pouvoir depuis 1964 a rompu avec les idées de Khrouchtchev et l'URSS est à nouveau
dirigée par une caste de dignitaires vieillissants et incapables de prendre en main une
éventuelle réforme du pays. La constitution adoptée en 1977 ne modifie rien à la gestion
du pays. Brejnev, malade, apparaît de moins en moins en public ; deux clans s'opposent
pour sa succession après sa mort en 1982, ce qui contribue à renforcer encore
l'immobilisme. Dans les faits, les deux clans vont avoir la chance d'accéder à la tête du
parti : à Andropov, dirigeant éphémère (1982-84), succède rapidement Tchernenko
(1984-85), lui aussi très âgé et qui meurt très rapidement. La désignation de Mikhaïl
Gorbatchev pour le remplacer en mars 1985 surprend : le nouveau premier secrétaire du
PCUS n'a qu'une cinquantaine d'années et tient un langage réformateur.
L'objectif de Mikhaïl Gorbatchev est de régénérer le communisme. Il ne s'agit pas
de libéraliser le pays, d'abandonner les fondements communistes mais de conduire une
restructuration (perestroïka) profonde du pays tout en faisant preuve de transparence
(glasnost) devant le monde. Ces objectifs surprennent et intriguent ; beaucoup en
Occident considèrent d'abord Gorbatchev avec méfiance avant que ne se déclenche une
sorte de "Gorbimania" (le dirigeant soviétique est en fait beaucoup plus populaire à
l'Ouest que dans son pays). La catastrophe de Tchernobyl (1986) est à la fois un indice des
problèmes auxquels se trouve confrontée l'URSS (déliquescence de son appareil
productif) et de l'application des principes de transparences voulus par Gorbatchev
(l'URSS reconnaît l'accident immédiatement).
Pour parvenir aux buts qu'il s'est fixé, Gorbatchev entreprend la réalisation d'un
compromis entre l'économie socialiste et l'économie de marché (entreprises plus
autonomes, location des terres aux paysans, libéralisation du commerce extérieur,
autorisation des investissements étrangers). Il s'agit de rendre l'économie plus
performante et d'utiliser au mieux le potentiel (notamment en matières premières) du
pays. La rénovation est aussi politique : une nouvelle constitution (1988) définit des règles
plus démocratiques et en 1989 le Congrès des députés du peuple est élu sur la base du
pluralisme. En 1990, le rôle dirigeant du parti communiste est supprimé.
Mais c'est surtout par sa politique extérieure que Gorbatchev marque les esprits.
Ayant compris que le poids du complexe militaro-industriel est trop lourd pour l'URSS, il
cherche à obtenir une nouvelle détente. Il décide de la fin de la guerre en Afghanistan
(début du retrait des troupes soviétiques en 1988) et surtout fait des offres spectaculaires
en terme de désarmement aux Etats-Unis. D'abord méfiant, Reagan choisit avec
pragmatisme de négocier avec "l'Empire du Mal". Les accords de Washington (1987) sur
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les euromissiles (option zéro, ce qui veut dire destruction totale des deux côtés), puis de
Paris (1990) sur les forces conventionnelles sont la traduction de cet effort de
désarmement.
Pourtant, Gorbatchev échoue. Sa politique économique accroît les
mécontentements car si les magasins se remplissent, les soviétiques n'ont pas les moyens
d'acheter. Les nationalismes renaissent profitant des libertés accrues. Les pays baltes
choisissent ainsi de quitter l'URSS (1990). Les démocraties populaires évoluent elles aussi
vers la démocratie et le rideau de fer tombe (effet le plus spectaculaire, l'ouverture du
mur de Berlin le 9 novembre 1989, prélude à la réunification allemande le 3 octobre
1990). La Russie, elle-même, dirigée par Boris Eltsine, s'oppose à Gorbatchev. Après
l'échec d'un putsch communiste en août 1991, la crédibilité de Gorbatchev est atteinte.
Le 8 décembre 1991, la constitution d'une Communauté des Etats Indépendants par les
chefs des républiques de Russie, Biélorussie et Ukraine signe la fin de l'URSS. Gorbatchev
démissionne le 25 décembre 1991. La guerre froide est terminée.
La constitution d’un monde multipolaire
La France de Giscard à Sarkozy
GRANDES DATES
1769 : James Watt dépose le brevet de sa machine à vapeur
1848 : Révolution à Paris chassant Louis-Philippe – Proclamation de la IIème République (février)
1849 : Echec de la révolte hongroise
1851 : Coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte (2 décembre)
1852 : Proclamation du Second Empire
1859 : Intervention de Napoléon III en Italie du Nord
1861 : Proclamation du royaume d’Italie
1866 : Bataille de Sadowa : les Prussiens écrasent les Autrichiens
1867 : Constitution de l’Autriche-Hongrie
1869 : Premier fabrication d’hydroélectricité
1870 : Capitulation de Napoléon III à Sedan (2 septembre)
1870 : Proclamation de la IIIème République (4 septembre)
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1871 : Proclamation à Versailles de l’Empire allemand
1882 : Conclusion de la Triple Alliance
1885 : Fin de la conférence de Berlin
1893 : Rapprochement de la France et de la Russie
1898 : Crise franco-britannique à propos du Soudan
1904 : Conclusion de l’Entente cordiale franco-britannique
1905 : Crise franco-allemande à propos du Maroc
1905 : La Norvège se sépare de la Suède
1911 : Crise franco-allemande à propos du Maroc
1914 : Attentat de Sarajevo (28 juin)
1914 : Bataille de la Marne (septembre)
1915 : Expédition franco-britanniques dans les Dardanelles
1916 : Bataille de Verdun
1917 : Première révolution russe (« Révolution de février »)
1917 : Offensive du Chemin des Dames (avril)
1917 : « Révolution d’octobre » : les Bolcheviks prennent le pouvoir en Russie
1918 : Quatorze points du président Wilson (janvier)
1918 : Armistice de Rethondes (11 novembre)
1919 : Traité de Versailles (28 juin)
1921 : Fin de la guerre civile en Russie – Lénine institue la NEP
1922 : Marche sur Rome – Mussolini chef du gouvernement italien (octobre)
1923 : Français et Belges occupent la Ruhr
1924 : Mort de Lénine (21 janvier)
1924 : Victoire électorale du Cartel des gauches en France
1927 : Lindbergh traverse l’Atlantique en avion
1928 : Dévaluation du franc par Raymond Poincaré
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1929 : Krach boursier à Wall Street (octobre)
1932 : Roosevelt est élu président des Etats-Unis
1933 : Hitler devient chancelier allemand (30 janvier)
1934 : Nuit des longs couteaux – Elimination des SA (juin)
1934 : Hitler cumule les fonctions de président et de chancelier (août)
1935 : Lois antisémites de Nuremberg (septembre)
1935 : Les troupes italiennes entrent en Ethiopie (octobre)
1936 : Victoire électorale du Front populaire (mai)
1936 : Accords Matignon (juin)
1936 : Début de la guerre d’Espagne (juillet)
1936 : Premier procès de Moscou (1936)
1938 : Anschluss : les troupes allemandes entrent en Autriche (mars)
1938 : Fin du Front populaire (avril)
1938 : Conférence de Munich (septembre)
1939 : Les troupes allemandes entrent en Tchécoslovaquie (mars)