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Dossier enseignants HENRI CARTIER-BRESSON PAUL STRAND Mexique 1932-1934 Exposition du 13 mai au 2 septembre 2012 Henri Cartier-Bresson Mexique, 1934

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Page 1: HENRI CARTIER - BRESSON PAUL STRAND

Dossier enseignants

HENRI CARTIER - BRESSONPAUL STRANDMexique 1932-1934

Exposition du 13 mai au 2 septembre 2012

Henri Cartier-Bresson Mexique, 1934

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

PrésentationAu début des années 1930, Paul Strand et Henri Cartier-Bresson séjournent successivement au Mexique. Le premier est déjà l’un des représentants de la photographie moderne à New York, le second encore un jeune photographe ambitieux. Le Mexique, où art et politique sont alors en débat, constitue pour tous deux une étape déterminante. En découvrant les traditions et la vie d’un peuple, chacun y expérimente une manière de voir – mobile et parfois crue chez Cartier-Bresson, plus posée chez Strand. Outre des documents sur leur activité au Mexique, l’exposition réunit une centaine de tirages, dont quelques chefs-d’œuvre, de ces photographes majeurs du XXe siècle.

Présentation des artistes

à l’automne 1932, Paul Strand (1890-1976) quitte les États-Unis et une vie personnelle en crise pour le Mexique. C’est sur une invitation de Carlos Chavez, rencontré un peu plus tôt et désormais responsable du département des Beaux-Arts au secrétariat à l’Éducation publique, que Strand découvre ce pays dont il disait : « Je pensais au Mexique comme quelque chose de mystérieux, sombre et dangereux, inhospitalier. » Strand restera pourtant deux ans au Mexique jusqu’à son retour à New York en décembre 1934.

Le soutien de Carlos Chavez s’avère très important et permet à Strand d’exposer pour la première fois au Mexique à la Sala de Arte du secrétariat à l’Éducation publique en février 1933. Après ce premier succès, il est nommé professeur d’éducation artistique et part au printemps 1933 enquêter sur l’art et l’artisanat mexicain dans l’état du Michoacán. Fasciné par la culture indigène et la piété des habitants, il ramènera de cette mission des portraits de statues religieuses, d’hommes, de femmes et d’enfants dans les rues, de paysages et d’architecture.

Paul Strand se voit ensuite confier la réalisation d’une série de films pédagogiques. à partir de l’automne 1933, il travaille au scénario d’un moyen métrage Redes, fiction d’inspiration documentaire qui relate la lutte de pêcheurs contre l’exploitation dont ils sont victimes. Les acteurs du film sont principalement les habitants du village d’Alvarado, près de Veracruz dans le golfe du Mexique. La réalisation est complexe mais le film est finalement projeté au théâtre Juarez de Alvarado en juin 1936. à peine un an plus tard, c’est sous le titre The Wave que le public américain découvre ce film très largement influencé par le cinéma soviétique. Entre temps, le départ de Carlos Chavez, après l’élection en 1934 du nouveau gouvernement de Lazaro Cardenas, a entraîné l’abandon du projet de série de films et Strand a décidé de rentrer à New York. Il délaisse alors la photographie, pour participer à la coopérative de cinéastes militants Nykino, avant de devenir président de Frontier Film qui prend sa suite.

Paul Stand est l’un des premiers photographes auxquels le Museum of Modern Art consacre une exposition monographique en 1945. Il travaille aux États-Unis jusqu’en 1950, date à laquelle le développement du maccarthysme le conduit à s’installer en France.

Henri Cartier-Bresson (1908-2004) débarque à Mexico en juillet 1934. Il fait partie d’une mission ethnographique menée par le docteur Julio Brandan et soutenue par le musée d’Ethnographie du Trocadéro pour suivre la construction d’une grande route panaméricaine. La mission s’engage mal car les financements attendus sont remis en question par le nouveau gouvernement mexicain.La majorité des membres de l’expédition rentre alors en France. Mais Henri Cartier-Bresson décide de rester car « il éprouve un vrai coup de foudre pour ce pays ».

Cartier-Bresson parcourt le pays avec son Leica. Il fréquente poètes et artistes, se passionne pour les fresques révolutionnaires des muralistes, publie un peu dans la presse. En mars 1935, il expose au Palacio de Bellas Artes avec le photographe mexicain Manuel Alvarez Bravo. Au moment de partir, il se décrète à vie « Français du Mexique. »

Pendant son séjour, Cartier-Bresson reste en contact avec le galeriste new-yorkais Julien Levy qui l’avait déjà exposé en 1933. En avril 1935, celui-ci présente ses photographies récentes avec celles de Manuel Alvarez Bravo et de Walker Evans sous le titre « Documentary and Anti-graphic Photographs ». Comme Paul Strand qu’il rencontre sans doute à New York, Henri Cartier-Bresson se tourne alors vers le cinéma : « La photographie n’a jamais été pour moi qu’un des différents moyens d’expression visuelle. [... ] Je me suis donc mis, chez Paul Strand avec d’autres, à apprendre le cinéma. Je changeais d’outil. » Il s’achète une caméra 35 mm et travaille avec le groupe Nykino. à son retour en France, il devient l’assistant de Jean Renoir, auquel il a envoyé ses photographies, notamment pour La vie est à nous produit en soutien au Front populaire. à partir de 1937, il participe à des films militants en faveur des Républicains espagnols (L’Espagne vivra, Victoire de la vie et With the Abraham Lincoln Brigade in Spain).

En 1947, Henri Cartier-Bresson bénéficie à son tour d’une rétrospective au Museum of Modern Art. Cofondateur de l’agence Magnum, il réalisera par le suite de nombreux reportages à travers le monde.

Le comparaison du travail au Mexique de Paul Strand et Henri Cartier-Bresson fait apparaître de fortes différences. Le premier photographie les statues comme les visages dans un temps suspendu ; le second saisit instantanément des moments de la vie ordinaire. Néanmoins, le Mexique fut pour chacun un moment clé, inaugurant une pratique cinématographique marquée par le contexte politique des années 1930. Au-delà de l’affirmation de deux « styles », cette exposition témoigne d’un même désir d’expérimentation sociale et artistique.

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Quelques pistes pédagogiques La passionnante confrontation de deux photographes majeurs du XXe siècle autour d’un même sujet permet de questionner plusieurs aspects de l’histoire de la photographie et plus généralement de l’histoire de l’art.Paul Strand, avec son lourd appareil Graphlex, et Henri Cartier-Bresson, avec son petit Leica, parcourent le Mexique, dans un bouillonnement révolutionnaire et artistique.En 1930, la photographie est une jeune centenaire et les deux artistes sont au fait de la création plastique contemporaine. Henri Cartier-Bresson ancien élève d’André Lhote est proche du mouvement surréaliste d’où la première interrogation :Henri Cartier Bresson, un photographe surréaliste ?

Paul Strand, fréquente la galerie 291 d’Alfred Stieglitz. Il découvre l’art moderne et fait référence à la peinture cubiste et particulièrement à George Braque.Il rejette le pictorialisme photographique pour mettre en œuvre le modernisme photographique. Que signifie cette « révolution » ?Paul Strand, du pictorialisme à la Straight photography ?

La confrontation des deux regards finement analysée par Christian Caujolle permet de replacer chaque artiste dans son parcours artistique. à partir d’une photographie d’Henri Cartier-Bresson, le directeur de l’agence Vu propose, de façon très éclairante, un recadrage que Paul Strand aurait pu réaliser. Il questionne également la qualité « informative » ou non de la photographie :Deux regards, un pays, la photographie ?

En complément et pour approfondir l’approche historique de l’exposition il est nécessaire de situer la photographie surréaliste, la position d’André Breton et les relations photographies/arts plastiques....

Les rapprochements photographiques permettent de découvrir :

• La position centrale de l’œuvre et la carrière d’Alfred Stieglitz dans les années 1930 avec l’analyse de son œuvreL ‘Entrepont.

• L’œuvre incontournable du mexicain Manuel Alvarez Bravo.

• Le regard singulier sur le Mexique d’un photographe contemporain Bernard Plossu.

En référence aux programmes suivants(liste indicative)

Arts plastiques en 4e : Les images et leurs relations au réel. Cette entrée s’ouvre au dialogue entre l’image et sonréférent « réel » qui est source d’expressions poétiques,symboliques, métaphoriques, allégoriques ; elle met enregard la matérialité et la virtualité.

Arts plastiques, en série L. Classe de première : La figuration ; figuration et image.Ce point du programme est à aborder sous l’angle de la question de la distance de l’image à son référent : le trompe-l’oeil, le réalisme, la fiction, le schématique, le symbolique, etc.

Classe terminale : L’œuvre et son chemin.Ce point du programme est à aborder sous l’angle d’uneanalyse du processus global qui fait suite à l’intuition et à laréflexion : la formalisation de l’œuvre engage les modes desa diffusion, de son exposition et des commentaires qu’ellesuscite. Ce cheminement de l’œuvre mobilise des rapportsaux techniques et induit des choix plastiques déterminantspour porter l’œuvre en servant le projet esthétiqueintrinsèque.

Paul Strand Hommes de Santa Anna, Pátzcuaro, Michoacán, 1933

Henri Cartier-Bressonavec son Leica en 1957

Paul Strand avec son Graflex en 1972

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

Henri Cartier-BressonUn photographe surréaliste ?Notions :

Bien que ne faisant pas parti du groupe surréaliste, Henri Cartier-Bresson allait souvent aux réunions du Café de la place blanche à la fin des années 1920. Il appréciait particulièrement les conceptions d’André Breton. Celui-ci prenait en compte « le rôle du jaillissement et de l’intuition et surtout l’attitude de révolte ». Pour les surréalistes, l’écriture automatique et la photographie permettaient d’explorer l’inconscient visuel. Au milieu des années 1950, le peintre Georges Braque offre à Cartier-Bresson le livre d’Eugen Herrigel Le Zen dans l’Art chevaleresque du tir à l’arc . Cet ouvrage explique que la voie de l’arc est un art guerrier lié à la spiritualité Zen. C’est aussi une discipline mentale permettant l’harmonie entre le corps et l’esprit. La maîtrise corporelle requise pour le tir entraîne la maîtrise spirituelle de l’archer. C’est la disponibilité totale en faisant le vide en soi grâce à une concentration intense. Alors que l’arc est l’arme du prédateur pour chasser sa proie, Henri Cartier-Bresson utilise son appareil photo pour ramener une image. C’est la même chose pour les deux disciplines : visée puis détente. Herrigel dit qu’il faut maîtriser la technique pour la rendre inconsciente. Il faut qu’elle devienne un réflexe réfléchi à cause de la maîtrise du temps (« l’instant décisif ») et de l’espace (position de l’archer / photographe et sa cible). Pour Cartier-Bresson la notion de « hasard objectif » se retrouvera dans ses œuvres faites durant ses voyages en Europe et au Mexique entre 1932 et 1934.

Source : S. Gil, Henri Cartier-Bresson, l’œuvre photographiqueHors série n°1, Collection actualité des arts plastiques, Centre national de documentation pédagogique.

Propositions de travail :

• Rechercher dans l’exposition des photographies évoquants :

. un regard lancé

. une bouche happant une parole

. un pas suspendu

. une attitude interrompue.

• « La beauté sera convulsive ou ne sera pas » : André Breton, Nadja (1928). Trouver des exemples et expliquer pourquoi cette beauté est présente dans l’exposition.

Citations :

« On perçoit tout d’abord à quel point Cartier-Bresson est un photographe de la visée, sa virtuosité au Leica a fait sa réputation, et d’une visée qui bénéficie d’une culture de l’art moderne entièrement soumise à l’exigence de la composition par formes géométriques, en tous les cas par masses, ligne, plans. Il réinjecte la leçon de la peinture moderne dans la capacité de l’appareil à interrompre le

déroulement d’une scène. Mais cela n’est possible que lorsqu’il reconnaît devant lui une composition conforme, et cette reconnaissance ne peut s’effectuer que par l’effet d’un hasard qui s’objective : c’est bien sûr la culture surréaliste de Cartier-Bresson qui lui en donne les moyens. Ce rapport au temps – bien mal servi par l’expression prime sautière « à la sauvette » (le titre français de son ouvrage publié avec Tériade, Images à la sauvette (1952) et mieux rendu par la formule anglaise « Decisive Moment » (la version américaine du livre) – est celui du tir de l’instantanéiste. Les images de Cartier-Bresson sont donc toujours synchrones avec leur référent, ce qu’elles saisissent est ce qu’elle montre, il se produit une manière d’écriture automatique où ce qui est donné à voir porte en soi la magie du furtif soustrait au flot continue du monde : un enregistrement. Mais un enregistrement qui contredit immédiatement le caractère machinique, c’est-à-dire standardisé de sa procédure, en sélectionnant jusqu’au raffinement. Le spectateur se voit ainsi nourri de « rareté », ce qui lui donne le sentiment d’échapper lui-même au banal tout en n’abandonnant rien de « la vie ». Ou, plus exactement, que le générique, le prosaïque s’effondre immanquablement sous l’effet d’une conversion en un exceptionnel apprivoisé. Ce qui s’interrompt chez Cartier-Bresson doit se manifester comme tel : un regard lancé, une bouche happant une parole, un pas suspendu, une attitude interrompue en somme. Mais, en même temps, le détail s’équilibre dans un autre détail, une masse trouve sa contrepartie, un angle contredit une ligne de fuite. Ainsi la scène d’une pièce jamais écrite s’invente en même temps que son décor. »

Extrait de Michel Poivert, « Cartier-Bresson / Walker Evans : Confession d’un impatient », Vite Vu, 2008.

« Preuve de son intérêt [pour le surréalisme], au Mexique, il demande à son père de lui envoyer Le Surréalisme et la Peinture d’André Breton. Sur place, dans la droite ligne du mouvement né à Paris, il va saisir l’étrangeté du quotidien, shooter des images qui en évoquent d’autres. Exemple avec ces simples outres, transportées par un camion, mais dont la peau gonflée, tendue à craquer, ligotée, fait penser à des corps suppliciés qu’on emmène à l’abattoir. Chez un autre photographe d’inspiration surréaliste, une pince de homard se changeait en visage menaçant. »

Extrait d’un blog sur l’exposition à la Fondation HCB.

Dans une interview publiée dans Le Monde du 5 septembre 1974, Henri Cartier-Bresson insiste sur la nécessité de « s’abstraire, [de] ne pas essayer de prouver quoi que ce soit ». « La photo ne veut rien dire, elle ne dit rien, elle ne prouve rien. [... ] Avoir investi dans la photographie cette valeur de “preuve”, affirme-t-il, a créé la concurrence et les photos “bidons”. Quand il s’agit d’une vision personnelle, il n’y a pas de concurrence. Ce qui compte, ce sont les petites différences, les “idées générales” ne signifient rien. Vivent Stendhal et les petits détails ! Le millimètre crée la différence. Et tout ce que prouvent ceux qui travaillent dans la “preuve”, c’est leur démission devant la vie. »

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Deux regards, un pays, la photographie ?D’après une analyse de l’exposition par Christian Caujolle, fondateur de l’agence Vu

Extraits d’une vidéo sur Telerama.fr

« Henri Cartier Bresson et Paul Strand vont au Mexique pour deux raisons différentes, Henri Cartier-Bresson est loin et Paul Strand est proche, ils n’ont pas la même perception du Mexique : Henri Cartier Bresson arrive avec une équipe d’ethnologues, avec des scientifiques qui y vont pour l’ethnographie et lui il y va pour le surréalisme. [... ]André Breton a décrété que le Mexique est le seul pays dusurréalisme réel.Paul Strand a déjà une affirmation claire du proposdocumentaire, il a une volonté de connaissance, d’une rigueur absolue et en même temps modeste face à ses sujets, terriblement humain, souvent bouleversant ; [... ]Paul Strand est capable de photographier une femme deprofil (voir ci-contre : Femme d’Alvarado, Veracruz, 1933) avec son manta noir sur la tête avec une attention à quoi ? Une attention à la façon dont une raie de lumière va se poser sur la joue et laisser le reste du visage et du regard partir sur la droite de l’image.Les images de Strand ne sont pas démonstratives, on a lesentiment qu’il recueille quelque chose qui est révélé par lalumière. Henri Cartier-Bresson, lui est dans une liberté, pas seulement dans une saisie de l’instant mais d’étonnement.

Il y a cette image d’une outre, qui est une peau de porcgonflée, elle est une surprise visuelle, elle est accompagnéed’un certain nombre d’objets en terre et puis derrière leslattes de bois, il y a trois regards qui nous fixent. Ce n’estévidemment pas documentaire.On peut imaginer que Strand aurait cadré beaucoup plus sur la forme en elle-même, il aurait vraisemblablement ignoré ces regards. Pas pour Henri Cartier-Bresson, car il a capté cette étrangeté du réel et c’est ce qui l’intéresse.

Une image caractéristique de ce moment-là, est d’unecomposition géométrique absolue, étonnante. Avec cetteutilisation des ombres sur la diagonale... Mais elle n’est pasencore « formaliste », parce que Henri Cartier-Bresson aurait pensé que les pattes du chien étaient coupées. Pourtant ce qui est étonnant c’est l’apparition de ce personnage, de dos, qui est une femme mais on ne sait pas qui elle est, c’est l’espace qui est rythmé et qui respire, et le personnage n’a plus d’importance, il y a une drôle d’ambiance... Il y a on ne sait pas très bien, quoi.On est dans plein de choses qui se mélangent, dans sonhumanisme, mais aussi dans l’incompréhension absolue de ce qui ce passe. La photo est incapable de nous le dire.Aucune photo n’est capable de nous donner des informations précises et on se retrouve face à la photo telle qu’elle est, c’est-à-dire de la forme, nous reconnaissons les choses, des éléments mais nous ne savons rien. [... ] »

Henri Cartier-Bresson, Mexique, 1934

Proposition de recadrage « à la Paul Strand » suggérée par Christian Caujolle

Paul Strand, Femme d’Alvarado, Veracruz, 1933

Henri Cartier-Bresson, Mexique, 1934

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

Paul Strand du pictorialisme à la Straight photographyNotions :

« Paul Strand est justement célébré comme l’un des pionniers de la photographie moderniste aux États-Unis. Pour le dire simplement, il est l’un des premiers à avoir abandonné l’esthétique du pictorialisme au profit d’une Straight photography, c’est-à-dire à rejeter l’esthétiquesymboliste de la stylisation et de l’évocation, à renoncer aux possibilités offertes par le flou et le bougé, à toutes sortes d’artifices de tirage, au profit d’une pratique photographique directe et objective, reposant sur le principe d’une saisie immédiate de la réalité, sans transformations ou le moins possible. Son article-manifeste de 1917, « Photography », écrit à l’âge de vingt-sept ans,proclame clairement : « La plus parfaite réalisation de [cette objectivité absolue qui est le propre de la photographie] est atteinte sans aucun truc ni procédé, sans manipulation, grâce à l’utilisation de méthodes photographiques directes [straight photographic methods].» Comme l’a remarqué l’historien Alan Trachtenberg, ce programme moderniste repose sur l’affirmation d’une innocence de l’appareil photographique; or, sans qu’il soit besoin d’aller y voir très loin, il est remarquable que cette supposée innocence et ce caractère direct soient manifestés, rendus visibles, comme toujours dans l’histoire de l’art (l’exemple de Monet vientimmédiatement à l’esprit), grâce à une stratégie formelle spécifique : la neutre objectivité ne se donne à voir comme telle qu’à travers des choix subjectifs, la saisie directe n’est possible que mise à distance. »

Extrait de Eric de Chassey, « Paul Strand, frontalité et engagement », Études photographiques n° 13, juillet 2003

Propositions de travail :

• Étudier la rigueur de construction des photographies de Paul Strand, la géométrie des cadrages, la posture des personnages...

• Que peut-on en déduire sur la pratique photographique de Paul Strand ?

• En quoi s’oppose-t-elle à la pratique photographique d’Henri Cartier-Bresson ?

• Paul Strand dit à ses étudiants en 1940 : « Lorsque vous mettez une photographie sur un mur, soit elle marche comme une totalité soit elle ne marche pas du tout. Et tous les prétextes, tous les raisonnements, toutes les légendes dont vous pourrez l’accompagner ne la rendront pas meilleure. »Trouver et expliquer cette « totalité » dans l’exposition.

Citations :

« Paul Strand développe [... ] une approche très formelle autour de la lumière, des formes et des personnes, figure humaine qu’il approche en un premier temps« masqué », en se servant d’un objectif dissimulé qu’il pointe sur ses sujets. Représentative de ses préoccupations de construction par la lumière et les contrastes, Fence (1916) se compose comme les paysages qu’il fera au Nouveau-Mexique et au Mexique à partir de 1930. à ce moment, il participe d’un développement de la photographie à proprement parler à l’échelle nord-américaine. Cette modernité que les Européens célèbrent dans la glorification du progrès, de la ville, de la machine, sentiment quasi inné aux États-Unis, Paul Strand et ses contemporains la cherchent dans l’objectivité, une certaine droiture vis-à-vis du médium et sa technique, qu’ils qualifient de « straight ». Cette période-ci est abordée dans l’exposition avec des photographies prises à Taos au Nouveau-Mexique, notamment celle figurant l’église du village. L’église de San Francisco est faite en terre, un contrefort massif et doux soutient ses murs trapus, la blancheur de ses murs irréguliers éclatent dans un ciel parcourus de nuages. »

Extrait de la présentation de l’exposition« Paul Strand, trois chemins parcourus »Musée d’art américain de Giverny, 2006

Paul Strand, Christ aux épines, Huexotla, 1933

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Bibliographie sélective au centre d’art

Quelques ouvrages de Paul Strand

La France de profil Paul StrandTextes : Claude RoyÉd. Aperture2001

Southwest Paul StrandÉd. Aperture2004

Tir A’Mhurain. The Outer Hebrides of Scotland Paul StrandTextes : Basil Davidson et Catherine DuncanÉd. Aperture2002

Les Hébrides Paul StrandTextes : François NourissierÉd. La Guilde du Livre1962

Un paese Paul StrandTextes : Cesare ZavattiniÉd. Einaudi1955

Catalogue de l’exposition

Henri Cartier-Bresson Paul StrandMexique, 1932-1934Textes : Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson, et Clément Chéroux, conservateur pour la photographie au Centre Pompidou. Éd. Steidl2011

Paul Strand in MexicoÉd. Aperture2010

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

Quelques ouvrages de Henri Cartier-Bresson Documentary and Anti-graphic PhotographsHenri Cartier-Bresson / Manuel Alvarez BravoÉd. Steidl, 2004

Images à la sauvetteHenri Cartier-BressonÉd. Verve1952

HenriHenri Cartier-BressonTextes : Brigitte OllierÉd. Filigranes2003

Henri Cartier-Bresson et Le MondeTextes : Michel GuerrinÉd. Gallimard2008

Henri Cartier-BressonTextes : Jean ClairDirection éditoriale : R. DelpireÉd. Cnp / Photo Poche1989

Scrap bookHenri Cartier-BressonTextes : Martine Franck, Agnès Sire, Michel FRizotÉd. Steidl2006L’Autre Chine

Henri Cartier-BressonTextes : Robert GullainDirection éditoriale : R. DelpireÉd. Cnp / Photo Poche1989

Quelques ouvrages autour de la photographie surréaliste

La subversion des imagesÉd. Centre Pompidou2009

La photographie surréalisteTextes : Christian BouqueretÉd. Actes Sud / Photo Poche2008

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Le Mexique vu par...

Manuel Alvarez BravoTextes : Brigitte OllierÉd. Hazan1999

Les routes de la passionAntonio CaballeroTextes : Alfonso moralesÉd. Toluca2005

Le Voyage mexicainBernard PlossuTextes : Denis RocheÉd. Cahier de Voyage1990

Mexico DFArtiste :Collectif Éd. Toluca2004

Les indispensables...

Alfred StieglitzTextes : Graham ClarkeÉd. Phaidon2006

The history of photographyTextes : Beaumont NewhallÉd. M.O.M.A1993

Lettres à Edward Weston 1922 - 1931Textes : Tina ModottiÉd. Anatolia1995

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

D’autres pistes pédagogiquesLa photographie surréalisteLa photographie surréaliste naît officiellement en 1924 avec le Manifeste du mouvement par André Breton. La soif d’expériences nouvelles qui motive la création surréaliste alimente l’exploration du médium photographique sous diverses formes. Parmi les procédés exploités, citons les solarisations de Man Ray qui consistent à réexposer le négatif à la lumière, les brûlages de Raoul Ubac, les photomontages de Pierre Molinier ou les jeux de miroirs d’André Kertész… autant de techniques qui déréalisent les sujets et les objets et leur confèrent une part de mystère, faisant éclore une beauté irrationnelle, merveilleuse et convulsive.

Extrait du site Yourshot : http://www.yourshot.eu/

La photographie, les arts plastiques, deux histoires parallèles ?À la fin du XIXe siècle, l’arrivée de la photographie a beaucoup influencé la peinture. La première interaction véritable a lieu lorsque, avec le fauvisme, des peintres se préoccupent clairement davantage des lois du tableau que celles de la réalité extérieure. Un certain nombre de photographes choisissent alors d’opérer un renouveau et inventent la « Photographie pure » (« Straight photography »). La vision et le cadrage de certaines toiles sont typiques d’une vision photographique par le choix de l’instant (les personnages semblent figés au 1/100e de seconde) et par la découpe dans l’espace qui rompt avec les traditions visuelles classiques. Après les années 1900, l’art engendre un nombre incroyable de courants dans lesquels la photographie s’inscrira. Les caractéristiques propres à la photographie – voire au cinématographe en pleine croissance – seront interprétées et transposées au sein des avant-gardes (du futurisme au surréalisme), occupant ainsi une place prépondérante dans la théorie et la pratique artistiques de l’entre-deux-guerres. Les grands mouvements d’avant-garde et la photographie vont donc se trouver en osmose. Entre 1907 et 1914, le cubisme qu’Alfred Stieglitz (1864-1946) et Edward Steichen (1879-1973) vont faire connaître aux États-Unis, grâce à la galerie 291, influence des photographes comme Alvin Langdon Coburn (1882-1966) crée ce qu’il appelle des « Vortographs » totalement abstraits, ou Angus Mac Bean (1904) faisant des portraits mêlant face, profil et trois quarts sur la même image. Alors que le courant pictorialiste préconise une « esthétisation » des images par le recours à des procédés complexes de tirage et d’impression qui leur donnent une matière aussi raffinée que la gomme bichromatée, Alfred Stieglitz et Edward Steichen imprègnent cependant leur art de modernisme en privilégiant des sujets urbains, comme le Flat Iron Building, ou des thèmes sociaux traités sans complaisance. C’est en 1917 que le nouveau courant baptisé « Straight photography » (photographie directe ou pure) prend naissance avec la publication de photographies de Paul Strand. Ce courant réclame le respect des moyens proprement photographiques. L’image doit être montrée telle qu’elle a été prise, sans retouches d’aucune sorte ni effet de flou que l’invention de l’instantané par George Eastman rend d’ailleurs artificiels depuis 1888. Tout l’art doit résider dans la lumière, le cadrage et le choix des détails ainsi exposés, que ceux-ci permettent de distinguer

clairement des objets ou qu’ils tendent à l’abstraction.Aux États-Unis, après la grande cassure de la première guerre mondiale, l’art subit des métamorphoses importantes auxquelles la photographie n’échappe pas. Alfred Stieglitz et beaucoup de ses amis du groupe Photo Secession (Paul Strand et Edward Steichen en particulier) abandonnent la photographie pictorialiste pour en venir à des « photographies pures » sans aucune manipulation. Déjà en 1907, il avait réalisé The Steerage (L’Entrepont) qu’il a toujours considéré comme sa meilleure image. (voir l’analyse de L’Entrepont page suivante). Un ancien adepte du pictorialisme va devenir le chantre de la « photographie pure » américaine et certainement l’un de ses représentants les plus marquants : Edward Weston (1886-1958), commence sa carrière comme portraitiste pictorialiste, se passionne pour la beauté de l’art industriel dans l’Ohio dans les années 1920. En 1924, il part au Mexique où il est en contact avec les grands artistes mexicains dont Diego Rivera (1886-1957), José Clemente Orozco (1883-1949) et Tina Modotti (1896-1942) qui l’aident à prendre sa nouvelle orientation. Il commence d’ailleurs à tenir son journal intime et y note ses réflexions mais aussi toutes ses difficultés à vivre la photographie en tant que créateur à part entière. Weston appréciait le réalisme de la photographie : un réalisme interprété, chargé d’esthétisme et non pas le réalisme social de ses collègues mexicains. Sa position d’avant-garde était américaine, elle s’appuyait sur la forme signifiante du document direct. Dans la photographie d’avant-garde aux États-Unis, la réduction et la mise à nu des formes ne s’opéraient pas de la même manière que pour les formes des images de Matisse, de Picasso, de Boccioni ou de Duchamp par exemple. Pour la photographie moderniste, réduction signifiait simplicité, gros plans et fragment, c’est-à-dire description attentive d’un objet d’une personne. Cela ne pouvait pas être obtenu en passant directement de la peinture d’avant-garde à la photographie, mais en partant de documents quotidiens revus et repensés.

Extrait de Laurent Jackel, « Le renouveau avant-gardiste »

André Breton et la photographieL’étude des rapports qu’André Breton entretenait avec la photographie s’attache habituellement à décrire à travers Nadja et L’Amour fou l’expérimentation d’une nouvelle forme de récit poétique. Surréalisme et photographie ont par ailleurs été questionnés dans la perspective d’une définition de l’essence même de l’esthétique surréaliste, comme s’y était employée Rosalind Krauss dans un article resté célèbre. On s’est en revanche peu interrogé sur l’usage stratégique que fit Breton de la photographie, notamment lorsqu’il se préoccupa de défendre sa théorie de l’automatisme. C’est pourtant la photographie qui lui permet, dans les années 1930, de revaloriser l’idée d’automatisme, quand l’heure de l’engagement politique commande le rejet de l’individualisme et « la stupide aventure littéraire ». à ce moment, Breton doit faire face à une profonde contradiction : mettre en accord l’idée d’un modèle intérieur avec celle d’une nécessaire action sur la réalité extérieure. La photographie sera l’un des agents d’une telle réconciliation, en mettant en image l’idée, restée éminemment abstraite, d’automatisme psychique.

Michel Poivert, « Politique de l’éclair », Études photographiques n° 7, mai 2000

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Rapprochements photographiques

Bernard Plossu

Le photographe français Bernard Plossu naît le 26 février 1945 à Da Lat, Sud-Vietnam.

Il n’a que treize ans lorsque son père, montagnard aguerri, l’initie au désert africain du Sahara et à la photographie avec un Brownie Flash. Durant son adolescence, il dévore les séances quotidiennes de la cinémathèque, au point de sécher les cours, pour découvrir Dreyer, Bergman, Buñuel, Satyajit Ray puis pour la Nouvelle Vague. Il aime également la musique d’Elvis et le jazz de Miles Davis. à 19 ans, il part rendre visite à ses grands-parents au Mexique avec l’intention de faire des études de philosophie.« La photographie parle de tous les moments apparemment sans importance qui ont en fait tant d’importance », c’est ainsi qu’il résume sa recherche. Il mène une vie de routard et n’hésite pas à se faire passer pour photographe professionnel pour se joindre à l’expédition ethnographique Zaschen-Max qui le conduit dans la jungle du Chiapas pendant trois mois. Il abandonne sa vocation de cinéaste, après avoir perdu sa caméra Super 8 dans une rivière. Ses images donneront le jour à un petit livre culte intitulé Le Voyage mexicain, qui paraît des années plus tard, en 1979, aux éditions Contrejour.En 1968, il vit à San Francisco, adhère aux idées de la Beat generation, fait la rencontre d’Allen Ginsberg et de Joan Baez. En 1970, il part en Inde. En 1972, il publie un petit recueil de séquences photographiques intitulé Surbanalisme. Il vit ensuite à Taos, au Nouveau-Mexique, où il côtoie la fine fleur de la photographie américaine, tel Ansel Adams, Wynn Bullock, Lisette Model, Les Krims, Lewis Baltz, Cole et Brett Weston. Naissance de son fils Shane.

De 1975 à 1977, il voyage en Afrique où il rencontre les Peul Bororo. Correspondance avec R. Quilici : « Je suis photographe, j’ai commencé à faire de la photo en 1963, bien avant Contrejour, même si pendant dix ans, j’ai fait des tas de mauvaises photos. Cela dit, comme les années 1970 ont été extrêmement dynamiques pour réfléchir sur la photographie, la promouvoir et la diffuser, je me suis investi avec Claude Nori, Gilles Mora et Denis Roche. Mais j’ai d’abord fait de la photo couleur de voyage. C’était un métier et ce n’était pas une honte. Pendant 15 ans je n’ai fait que de la photo de voyage spectaculaire, en couleur et au grand angle. J’ai quasiment brûlé tous les négatifs noir et blanc faits au grand angle. En même temps, j’ai toujours eu l’instinct de faire des photos pour moi, en noir et blanc au 50 mm. Donc, d’un côté il y avait ce qui se vendait, et de l’autre, ce qui ne se vendait en aucun cas. à l’époque on ne pensait pas à être des artistes. Quand mes photos ont été exposées en 1973 en Californie, je n’en croyais pas mes yeux. Pour moi j’étais photographe de revue de voyage en couleur et au grand angle. »

En 1986, il se marie avec Françoise Nunez, talentueuse photographe espagnole, avec laquelle il a deux enfants Joaquim et Manuela. Parmi ses images les plus emblématiques, sa famille figure en bonne place.

En 1988, une exposition rétrospective organisée par Alain Sayag au Centre Georges Pompidou présente ses vingt-cinq années de travail, ce qui lui vaut le Grand Prix national de la photographie. Consacré par le Prix de la Villa Médicis hors les murs, il poursuit son projet « Le jardin de poussière » dans les déserts du monde. Ses photographies sont des récits de voyages, qui sont autant de voyages intérieurs. Exposé dans le monde entier, on lui connaît également un goût pour la correspondance entretenue avec Max Pam, Paulo Nozolino ou Sergio Larrain photographe chilien mythique. Il a participé à la revue Nueva Lente, à Madrid. Sa notoriété a traversé l’atlantique, ce qui fait de lui un des photographes auteurs des plus renommés. Il a exercé une influence sur de nombreuses générations de photographes et l’on peut dire qu’il a inventé un style qui lui est propre. Souvent comparé à tort avec Robert Frank, photographe américain, avec lequel me semble t’il, il ne partage que le fait d’avoir fait des images de l’Amérique à la même période, dans ces photographies c’est plutôt la sérénité qui règne, ce qui ne l’empêche pas de témoigner, mais sans ce désir de dénoncer qui est celui de Robert Frank.

En 1992, après avoir vécu en Andalousie, il pose ses valises à La Ciotat, près de Marseille, et se consacre à l’édition de livres et à la préparation d’expositions, entrecoupées

Bernard Plossu, Mexique, 1966

Bernard Plossu, Retour à Mexico, 1970

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

de longues marches en montagne. Ses titres expriment la poésie contenue à l’intérieur de Voyages vers l’Italie, D’où vient la lumière, Routes, Forget me not, Train de Lumière, Le long du Nil, Lettre pour un très lent détour, Plossu l’extrêmement sensible, Celui qui encore est au monde.

Citations :

« Si j’ai toujours beaucoup voyagé, je ne suis pas pour autant un photographe du voyage, de la même façon que je ne suis pas un photographe du flou, ni un photographe du Midi. J’ai horreur de toutes ces étiquettes. Le premier voyage initiatique a eu lieu pour moi à l’âge de treize ans, au Sahara où mon père m’avait emmené, et peut-être que, devenu adulte, je n’ai fait que chercher à retrouver ce voyage là. » Bernard Plossu

« En photographie, on ne capture pas le temps, on l’évoque. Il coule comme du sable fin, sans fin, et les paysages qui changent n’y changent rien. » Bernard Plossu

Alfred Stieglitz, The Steerage (L’Entrepont), 1907

Alfred Stieglitz

États-Unis, 1 janvier 1864, Hoboken New Jersey - 13 juillet 1946 à Lake George.

Élevé à New York dans une riche famille d’origine juive allemande, l’Américain Alfred Stieglitz est très tôt passionné par la photo. (...) Ses premières photos, d’apparence très conventionnelle, datent de 1883. Celles-ci sont marquées par le mouvement pictorialiste (en 1888, il se voit décerner le Prix P. H. Emerson, nom du grand maître du pictorialisme). à la différence de ses confères, Alfred Stieglitz ne truque pas ses clichés pour obtenir des effets plastiques (il n’utilise pas la gomme bichromatée et ne retouche pas ses négatifs), mais profite des conditions météorologiques (brouillard, neige...) pour obtenir des flous artistiques. En 1890, Alfred Stieglitz retourne définitivement à New-York. Il adhère au Club de la photographie de New York et expérimente dans le domaine de la photographie (modification des procédés d’exposition, de développement...). Parmi ses principales découvertes, figure « la photographie non falsifiée ». Il édite le journal American Amateur Photographer (1893-1896) puis Camera Notes (1897-1902). Parmi ses thèmes de prédilection : l’architecture new-yorkaise. En 1902, Alfred Stieglitz se fait internationalement remarquer en co-fondant avec Alvin Langdon Coburn le courant de la Photo Secession (parmi les adeptes les plus connues : Frank Eugène, Gertrude Käsebier et Clarence H. White) et, l’année suivante, en lançant la revue Camera Work (50 numéros de 1902-1917). Avec ses amis, il organise une exposition au National Arts Club de New York. De 1905 à 1917, Alfred Stieglitz gère, à New York, une galerie de photographie, la 291 (située au 291 Fifth Avenue). Celle-ci est la première des trois qu’il a l’occasion de

diriger ; par la suite, il s’occupe de The Intimate Gallery (1925-1929), puis de An American Place (1929-1946). Il aide de nombreux artistes européens à exposer sur le continent américain : Georges Braque, Constantin Brancusi, Paul Cézanne, Henri Matisse, Pablo Picasso, Auguste Rodin... En 1917, Alfred Stieglitz tourne son appareil vers le ciel et photographie des nuages (il produit un ensemble de petites rêveries poétiques réunis sous le nom d’ « Équivalents ») et, sept ans plus tard, épouse l’artiste Georgia O’Keeffe. Tout au long de sa carrière, il est admiré comme un photographe de talent et comme le grand rassembleur de l’avant-garde artistique du début du vingtième siècle. Avec talent, il parvient à concilier les pictorialistes et les adeptes de la photographie pure, les photographes et les plasticiens. Cent cinquante prix ont récompensé sa carrière... Il s’éteint à Lake George, le 13 juillet 1946.

Analyse de son œuvre majeure L’Entrepont, 1907

L’Entrepont correspond à l’esthétique de la Straigth Photography tel que Alfred Stiegiltz l’entend. Le photographe commence par condamner le pictorialisme qui abuse de la gomme bichromatée et de la glycérine pour une définition de la photographie plus pure, plus proche de sa nature. Loin d’une photographie sociale qui pratique une frontalité plus compatible à traiter un sujet difficile, la Straight photography n’hésite pas à rompre ce face à face. Dans le cas de cette photographie, Alfred Stieglitz a cherché un endroit précis, le meilleur endroit possible du point de vue plastique pour que l’épreuve soit réussie. La thématique est sociale sans doute par la

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représentation de l’immigration. Le sujet est en réalité cette fragile passerelle fermée et jetée entre deux mondes inaccessibles, en bas les femmes qui sont assises et en haut les hommes qui sont debout. Il n’y a pas de frontalité mais une légère contre-plongée permet de diagonaliserl’ensemble. Le photographe raconte d’ailleurs comment la lumière lui a donné la révélation de cette image. Elle jette un rai sur cette passerelle et structure ainsi, avec la forme, toute la surface de la photographie. De même, le rendu de la matière devient une finalité. Le piqué pose, de fait, la question du support papier, de son grain, de sa sensibilité et du temps d’exposition nécessaire pour obtenir une parfaite qualité de l’image. Cette qualité pose, en dernier ressort, la question de la lumière et du chimique. Un soin tout particulier est donc porté au médium dont dépendra l’image finale. La qualité d’une photographie est déterminée en fonction non seulement du talent du photographe mais également en fonction de la qualité de l’outil. N’importe qui ne peut plus faire de la photographie contrairement à ce qui se laissait sous-entendre au départ. Il faut être initié, formé et des enseignements se mettent en place au même titre que la peinture. C’est seulement après une parfaite compréhension des processus photographiques et un équilibre entre l’optique et le chimique que l’individu réalisera une bonne photographie.

L’exemple d’Alfred Stieglitz, qui raconte la façon dont la photographie L’Entrepont de 1907 lui est venue à l’esprit et qu’il prit dans l’instant qui suivit, est symptomatique. « C’était magique. Je voyais des formes, tout un tableau de formes qui se répondaient et sous-tendaient autre chose, comme une vision pour moi : des gens simples ; la présence du navire, de l’océan, du ciel ; un pas décisif hors du ghetto des riches. Le nom de Rembrandt me traversa l’esprit [...] ». Dans ce propos se trouve exposé, bien sûr, la théorie de ce que peut être la photographie directe au départ, selon Alfred Stieglitz, c’est à dire une photographie prise dans l’instant d’une révélation. Mais apparaît clairement les rapports qu’entretiennent l’optique et la lumière.

En effet, l’optique, chez Alfred Stieglitz, est déterminée par le monde des formes qui sont tirées du réel. Mais la lumière vient de la peinture et donc de l’imaginaire et transfigure ce qu’Alfred Stieglitz ressent formellement. Elle n’est pas encore chimique, mais le photographe veut la lumière et revendique une photographie avec des moyens strictement photographiques. De fait, prendre conscience de la lumière pouvait consister à la contraster entre le noir et le blanc, ce qui caractérise, de plus, parfaitement la lumière rembranesque. à terme, il était normal que la génération qui suivit, celle du groupe F/64, trouva une solution d’une nature moins imaginaire et plus technique.Alfred Stieglitz est un des liens qui permet de comprendre le passage entre le Pictorialisme et le groupe F64 d’Edward Weston qui radicalise le propos.

Texte de Serge Teskrat

Manuel Alvarez Bravo

Mexico, 4 février 1902 - 19 octobre 2002

« Tant que l’impossible n’est pas atteint, le devoir n’est pas rempli » Manuel Alvarez Bravo.

« Manuel Alvarez Bravo pendant sa longue vie, ses quatre-vingt ans d’activité photographique, aura plus que rempli son devoir de traquer l’impossible, et en l’apprivoisant, de le faire ruisseler de toutes les pluies bienfaisantes de la poésie. Lui, il ne s’est pas laissé enfermer dans ce « labyrinthe de solitude » dont parle Octavio Paz. Il est sorti au-devant du monde, il a aimé le monde et plus précisément sa terre mexicaine, sa complexité envoûtante et écartelée entre religion et magie.

Il cheminait dans son Mexique comme un « photographe du dimanche », car il se considérait comme tel. Il s’attardait non pas sur les bruits du monde, sinon rarement lors de grèves sanglantes, mais sur ses murmures ; car « Le murmure peut-être est plus vieux que les lèvres » (Ossip Mandelstam). Manuel Alvarez Bravo a mis l’oreille de ses émotions sur le ventre de la terre mexicaine, et il a compris le sens de la terre.

Le dernier livre paru sur son oeuvre immense s’appelle d’ailleurs Photopoésie, et Manuel Alvarez Bravo, le grand le plus grand photographe mexicain, est le moins reconnu comme fondateur de la photographie moderne autant que Paul Strand, André Kertész, Walker Evans, Henri Cartier-Bresson, son ami indéfectible, Frida Kahlo et Tina Modotti. Mais il dialoguait aussi avec André Breton, Luis Buñuel, Diego Rivera, Fuentes, Paz, et d’autres.Il est bien plus qu’un pionnier de la photographie moderne, il en est l’artisan discret, parfois amer et ironique qui regarde la vie qui va, la mort qui marche à ses côtés, éternellement liée à elle : « La mort renaît à nouveau avec chaque nouvelle vie » (Alvarez Bravo).

Manuel Alvarez Bravo, Sombreros, Ecuador, 1984

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Manuel Alvarez Bravo Fruta prohibida, 1976

Pour nous, il demeure la figure tutélaire de la photographie mexicaine, celui qui a rendu compte, plus encore que Tina Modotti, de la vie de son peuple entre religion, sorte de magie animiste, culte de la mort, et échappées par le rêve.Tout ici-bas n’est qu’un symbole et mystère, disait-il. Il aura essayé de les rendre palpables, proches de nous, familiers comme tout ce qui entoure les Mexicains entre masques et vies. Il voulait connaître l’autre. L’autre humain : je suis l’autre, disait Nerval, et il mettait cette citation sur quelques séries d’œuvres. Il voulait comprendre qu’on ne peut séparer le corps des âmes. Ainsi ses photos de nus sont autant spirituelles que sensuelles. Ses gamins, ses paysans, ses objets religieux, sont le quotidien de son pays, vu avec amour et respect. Il voulait aussi connaître l’autre de la nature, aller au-delà des apparences.

Et il aimait citer cette phrase d’Octavio Paz « Montrer l’autre côté de ce côté ». Il ne voulait pas philosopher le regard, simplement agir pour restituer une magie des lumières antérieures et intérieures de chaque chose, de chaque être. Les actes disent tout, la vie, la mort.Aussi il agira, et son œuvre aux multiples contours est marquée du sceau de la poétique visuelle. Inaltérable ses images demeurent, non seulement comme miroir d’un pays, de ses traditions, de sa civilisation, mais de sa respiration intime. Son credo était simple et évident :« Quand les yeux voient ce qu’ils n’avaient encore jamais vu, le coeur ressent ce qu’il n’avait jamais ressenti » (Baltasar Graciàn). Manuel Alvarez Bravo travaillait lentement, il semblait soupeser le temps dans la balance du moment espéré. Et quand la balance penchait enfin, il appuyait sur le déclencheur. Sur une pancarte posée dans sa chambre noire, il avait écrit : « Rien ne presse, rien ne presse ». Son alchimie immobilisait les sabliers.

Il savait voir, et sa fille Aurélia raconte : « Mon père se considère comme un photographe du dimanche. Mais je pense qu’il est le photographe de tous les instants, aussi dérisoires soient-ils. » Combien de fois a-t-il su guider notre regard aveugle vers des formes et des lumières qui sans cela se seraient noyées dans le magma insignifiant de la vie de tous les jours ? Son oeil en noir et blanc venait sauver les nôtres de la grisaille des perspectives quotidiennes. « Mon dieu, pourquoi je n’ai pas pris l’appareil ? ».

Ses images emblématiques, souvent énigmatiques et troublantes, jouent sur les références iconographiques, les allusions, les reflets interrogateurs. Il joue sur les fragments de corps plus que sur les corps eux-mêmes, sur des objets religieux autant que païens, des masses d’individus indistincts, des gisants comme des morts et des choses comme des vivants. Il fut un grand admirateur d’Eisenstein et cela peut s’entrevoir dans sa construction de l’image.Manuel Alvarez Bravo emplit à la fois un discours poétique et une harmonie géométrique. De tout cet ensemble élaboré si longtemps domine une impression de mystère. Hanté par le langage, il parle avec ses images et le titre qu’il leur donne. Il ne supportait pas que des photos ne soient pas légendées, car pour lui elles devenaient anonymes. Aussi il choisissait méticuleusement ses titres, souvent marqués par le surréalisme, donc à connotation onirique. « La pire chose qu’on puisse faire est de donner pour titre à une photographie : “Sans titre” ; car dès lors elle ne se différencie pas des autres images » (Alvarez Bravo).

Extrait d’un texte de Gil Pressnitze

Cartier-Bresson, Prostituée, Calle Cuauhtemoctzin, Mexico, 1934Paul Strand, Filets, Michoacan, 1933

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Biographie de Paul Strand

Paul Strand, fils d’immigrés de Bohême (ouest de la Tchécoslovaquie aujourd’hui), est né à New York City le 16 Octobre, 1890.

Strand a reçu son premier appareil photo par son père à l’âge de douze ans. Deux ans plus tard, il rejoint l’Ethical Culture Fieldston School où il suit l’enseignement de Lewis Hine, qui à cette époque est impliqué dans un projet de photographie sur les immigrants à Ellis Island. Lewis Hine a également exposé Paul Strand à la Galerie Photo-Secession au 291 Fifth Avenue et l’a présenté avec Alfred Stieglitz, David Octavius Hill, Julia Margaret Cameron, Gertrude Kasebier et Clarence White .Membre du Camera Club, Strand a travaillé pour une compagnie d’assurance après l’obtention du diplôme en 1911. Cependant, deux ans plus tard il est devenu un photographe commercial indépendant. Il a travaillé en étroite collaboration avec Alfred Stieglitz, qui était un ardent défenseur de ce qu’il appelait la Straight photography. En 1916, des photographies de Paul Strand paraissent dans la revue Camera Work et Stieglitz écrit que « Strand est sans doute le photographe le plus important développé dans ce pays depuis Alvin Langdon Coburn ».

Au cours de la Première Guerre mondiale, Strand était membre du Corps médical de l’armée. Après la guerre, Strand a collaboré avec Charles Sheeler sur le film Manhatta (1925). Il travaille en tant que caméraman. En 1933-34, il supervise le film Redes (1936).

Pendant la dépression, Strand est devenu actif en politique. Un engagement socialiste, il a travaillé avec le Theatre Group qui avait été formé à New York par Harold Clurman, Cheryl Crawford et Lee Strasberg en 1931. Le Groupe était une tentative originale de créer un collectif de théâtre, une compagnie d’acteurs formés dans un style unifié et dédié à la présentation de pièces contemporaines. Les membres du groupe de gauche voulait produire des pièces qui traitent de questions sociales importantes.En 1932, Strand a été sollicité par le gouvernement mexicain pour créer le département de cinéma et la photographie au secrétariat à l’Éducation publique. En 1935, Strand a visité l’Union soviétique avec Harold Clurman et Cheryl Crawford où il a rencontré le réalisateur de film, Sergi Eisenstein. Lorsque Strand est retourné aux États-Unis, il a commencé à produire des films documentaires socialement importants. Cela comprenait The Plow that Broke the Plains (1936), son film sur les syndicats dans le Sud profond, People of the Cumberland (1937) et Native Land (1942).

En 1936, Strand rejoint Bérénice Abbot afin de créer la Photo League de New York. Son but était de fournir à la presse radicale des photographies des activités syndicales et des manifestations politiques. Plus tard, le groupe a décidé d’organiser des projets locaux où les membres se sont concentrés sur la photographie de communautés ouvrières.

Le Museum of Modern Art à New York consacre à Paul Strand une rétrospective à grande échelle en 1945.

La Photo League, comme beaucoup d’organisations radicales, a été étudiée par le « House of Un-American Activities Committee » (Commission de la Chambre sur les activités anti-américaines), créée pour enquêter sur les fascistes et les communistes au sein du Gouvernement fédéral au cours des années 1940. Cela a conduit ses membres à figurer sur une liste noire. Strand décide de quitter les États-Unis et de vivre en France.

Strand a publié une série de livres, Time in New England (1950), La France de profil (1952), Un Paese (1954), Mexican Portfolio (1967), Outer Hebrides (1968) et Ghana : An African Portrait (1976).

Paul Strand est décédé le 31 mars 1976 à Orgeval.

Paul Strand, The Family, Luzzara, Italy, 1953

Paul Strand, On my doorstep, 1916

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Biographie Henri Cartier-Bresson

Né le 22 août à Chanteloup, en Seine-et-Marne.

Fait ses études secondaires au lycée Condorcet à Paris.

1923 Se passionne pour la peinture et pour l’attitude des surréalistes.

1927-28 Étudie la peinture chez André Lhote.

1931 Parti à l’aventure en Côte-d’Ivoire, il y reste un an et prend ses premières photographies.

1932 Charles Peignot le publie dans Arts et Métiers Graphiques.

1933 Expose à la galerie Julien Levy à New York, puis à l’Ateneo de Madrid. Voyage en Europe avec André Pieyre de Mandiargues et Leonor Fini.

1934 Voyage au Mexique

1935 Séjourne à New York et s’initie au cinéma aux côtés de Paul Strand.

1936 Assistant de Jean Renoir sur Une Partie de Campagne.

1937 Participe à des films en faveur de l’Espagne républicaine. Aragon l’introduit à Regards où il publie son reportage sur le couronnement du roi George VI.

1939 Assistant de Jean Renoir sur La Règle du Jeu.de Jean Renoir

1940 Fait prisonnier par les Allemands, il réussit à s’évader en février 1943 après deux tentatives infructueuses.1943 Participe à un mouvement clandestin d’aide aux prisonniers et évadés. Réalise des portraits d’artistes et d’écrivains pour les éditions Braun : Matisse, Picasso, Braque, Bonnard, Claudel, Rouault...

1944-45 S’associe à un groupe de professionnels qui photographient la Libération de Paris. Réalise Le Retour, documentaire sur le rapatriement des prisonniers de guerre et des déportés.

1946 Passe plus d’un an aux États-Unis pour compléter une exposition « posthume » dont le Musée d’Art Moderne de New York avait pris l’initiative, le croyant disparu pendant la guerre. Voyage à travers les États-Unis avec John Malcom Brinnin.

1947 Fonde l’agence Magnum avec Robert Capa, David Seymour (dit Chim), William Vandivert et George Rodger.

1948-50 Passe trois ans en Orient : en Inde, à la mort de Gandhi ; en Chine, durant la transition entre le Kuomintang et la République populaire ; en Indonésie, au moment de son indépendance.

1952 Publie son premier livre avec Tériade Images à la Sauvette (couverture de Matisse).

1954 Publie Danses à Bali chez Robert Delpire avec un texte d’Antonin Artaud. Début d’une longue collaboration avec Delpire. Il est le premier photographe admis en URSS après la détente.

1955 Première exposition en France au Pavillon de Marsan, au Louvre, qui circule à travers le monde. Publie Les Européens avec Tériade (couverture de Miro).

1958-59 Retourne en Chine pour trois mois à l’occasion du dixième anniversaire de la République populaire.

1963 Retourne au Mexique pour quatre mois. Life Magazine l’envoie à Cuba.

1965 Voyage pendant plusieurs mois au Japon.

1966 Retourne en Inde. S’éloigne de Magnum qui conserve néanmoins l’exploitation de ses archives. Comme auparavant, ses photographies sont tirées chez Pictorial Service.

1967 Commande d’IBM : L’Homme et la Machine.

1969 Voyage en France pendant un an pour la Sélection du Reader’s Digest et publie le livre Vive la France accompagné d’une exposition qui se tiendra au Grand-Palais en 1970. Réalise aux États-Unis deux documentaires pour CBS.

1972 Retourne en URSS. A partir de 1974, il se consacre au portrait et au paysage photographiques, ainsi qu’au dessin.

1975 Première exposition de dessins à la Carlton Gallery de New York.

1980 Retourne en Inde.

1981 Reçoit le Grand Prix national de la photographie à Paris.

1986 Reçoit le prix Novecento des mains de la veuve de Jorge Luis Borges, à Palerme.

1987 Le Musée d’art moderne de New York organise l’exposition « Early Works ».

1988 Le Centre national de la photographie lui rend hommage.

2000 Décide avec sa femme Martine Franck et leur fille Mélanie de créer la Fondation Henri Cartier-Bresson, destinée notamment à rassembler son oeuvre et à créer un espace d’exposition ouvert à d’autres artistes.

2002 La Fondation Henri Cartier-Bresson est « reconnue d’ utilité publique » par l’Etat Français.

2003 Ouverture de la Fondation Henri Cartier-Bresson avec l’exposition « Les Choix d’Henri Cartier-Bresson ».Rétrospective « De qui s’agit-il ? » à la Bibliothèque nationale de France.

Henri Cartier-Bresson Natcho Aguirre, Santa Clara, Mexique, 1934

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BibliographieÀ lire pour comprendre le parcours de Paul StrandÉric de Chassey, « Paul Strand, frontalité et engagement », Études photographiques, n°13, juillet 2003

« Pour le dire simplement, Strand part d’une définition de l’art – celle du modernisme pictural qu’il admire et auquel il se confronte explicitement. Il applique cette définition à la photographie, malgré qu’il en ait à l’époque (contrairement donc à sa déclaration d’indifférence à l’égard de la question de l’art). Ce qui est interprété généralement comme un effet ou un moyen de la réalisation du concept de Straight photography est donc aussi une imitation des procédés modernistes en peinture. Strand a bien reconnu le rôle qu’ont pu jouer dans sa pratique les oeuvres de Picasso et de Braque. Il a pu en voir des exemples à l’Armory Show de 1913, puis dans les galeries de Stieglitz et de Marius De Zayas. Cette influence est cependant traitée en général de façon très vague ou sur le mode de la dérive, avec une forte insistance sur une idée tout à fait erronée de ce que peut signifier historiquement la notion d’abstraction. Il est patent que l’intérêt de Strand à cette époque est d’abord formel, ou esthétique – c’est là sa première préoccupation, comme le montrent des lettres où il insiste notamment sur le fait que, dans tout ce qu’il produit, depuis les vues de machines jusqu’à celles de nature ou les portraits, son intérêt porte sur « l’organisation des formes, dont chacune n’a d’importance que dans la mesure où elle est reliée à d’autres. »

À lire pour comprendre les enjeux et la place de la photographie et ses rapports avec l’avant garde artistique Laurent Jackel, « Le renouveau avant-gardiste », www.laurent-jackel.fr/component/jcomments/feed/com_content/60

Une vidéo passionnante de Stan Neuman sur la photographie surréaliste, réalisée à l’occasion de l’exposition « La Subversion des images » au Centre Pompidou en 2009. http://www.artevod.com/photographie_surrealiste

Ouvrages spécifiques de et sur Cartier-Bresson

The Photographs of Henri Cartier-Bresson, The Museum of Modern Art, New York, 1947

Images à la sauvette, Verve, 1952.

Les Danses à Bali (texte d’Antonin Artaud, commentaires de Béryl de Zoete), Delpire, 1954.

D’une Chine à l’autre (préface de Jean-Paul Sartre), Delpire, 1954.

Les Européens, Verve, 1955.

Moscou, vu par Henri Cartier-Bresson, Delpire, 1955.

Henri Cartier-Bresson : Fotografie (texte d’Anna Fárová),1958.

Photographies d’Henri Cartier-Bresson, Delpire, 1963.

China (texte de Barbara Miller), Bantam Books, 1964.

The Galveston that was (texte de Howard Barnstone), Macmillan / The Museum of Fine Arts, Houston, 1966.

Flagrants délits, Delpire, 1968.

L’Homme et la Machine (introduction d’Etiemble), Le Chêne, 1969.

Vive la France (texte de François Nourissier), Sélection du Reader’s Digest / Robert Laffont, 1970.

The Face of Asia (introduction de Robert Shaplen), John Weatherhill, / Orientations Ltd., 1972.

À propos de l’URSS, Le Chêne, 1973

The Decisive Moment. Henri Cartier-Bresson, Scholastic Magazines Inc., 1973.

Henri Cartier-Bresson, Aperture / Delpire,1976.

Henri Cartier-Bresson. Photographe (texte d’Yves Bonnefoy), Delpire, 1979.

Henri Cartier-Bresson. Ritratti (textes de André Pieyre de Mandiargues et Fernando Scianna), Fabbri, 1983.

Henri Cartier-Bresson en Inde (introduction de Satyajit Ray, texte d’Yves Véquaud), Centre national de la photographie, 1985.

Photoportraits (texte de André Pieyre de Mandiargues), Gallimard, 1985.

Henri Cartier-Bresson : The Early Works (texte de Peter Galassi), The Museum of Modern Art, New York / Thames and Hudson, 1987.

L’Autre Chine (introduction de Robert Guillain), Centre national de la photographie, 1989.

L’Amérique furtivement (préface de Gilles Mora), Le Seuil, 1991.

Henri Cartier-Bresson : Premières photos : De l’objectif hasardeux au hasard objectif, Arthaud, 1991.

Alberto Giacomelli photographié par Henri Cartier-Bresson, Franco Sciardelli, 1991.

à consulter la bibliographie et filmographie complète sur le site de la fondation Henri Cartier-Bressonhttp://www.henricartierbresson.org/hcb/HCB_biblio_fr.htm

Ouvrages généraux

Dominique Baqué, Photographie plasticienne. L’extrême contemporain, Le Regard, 2004

Christian Gattinoni, La photographie en France 1970-2005, Culture France / La Documentation française, 2006

Christian Gattinoni et Yannick Vigouroux, La photographie contemporaine, Scala, 2004

Louis Mesplé, L’aventure de la photo contemporaine de 1945 à nos jours, Le Chêne / Hachette, 2006

Michel Poivert, La photographie contemporaine, Flammarion / Cnap, 2002

André Rouillé, La photographie, Gallimard, 2005

François Soulages, Esthétique de la photographie. La perte et le reste, Armand Colin, 2005

Qu’est-ce que la photographie aujourd’hui ?, Beaux Arts Éditions, 2007

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Henri Cartier-Bresson - Paul Strand, Mexique, 1932-1934 / Service éducatif du Point du Jour, centre d’art/éditeur

Un centre d’art, tourné vers la photographie qui associe expositions, édition, résidences et formation. Le Point du Jour, inauguré en novembre 2008, est le premier centre d’art / éditeur en France tourné vers la photographie.

Le bâtiment a été conçu par Éric Lapierre, lauréat du Prix de la première œuvre en 2003, décerné au meilleur jeune architecte français.

Codirigé par Béatrice Didier, David Barriet et David Benassayag, Le Point du Jour est issu de l’activité, durant une dizaine d’années, de la maison d’édition du même nom et du Centre régional de la photographie de Cherbourg-Octeville.

Quatre expositions sont proposées par an : l’une concerne la région, deux présentent des artistes contemporains et la dernière est consacrée à un photographe du passé.

Le Point du Jour publie parallèlement trois ouvrages, liés aux expositions ou essais concernant la photographie.

Régulièrement, des artistes sont invités à réaliser un travail photographique dans la région, suivi le plus souvent d’une exposition et d’un livre.

Enfin, Le Point du Jour organise avec le soutien de la Fondation Neuflize Vie, le Prix Roland Barthes. Ce prix récompense des travaux de jeunes universitaires sur la photographie.

La bibliothèque réunit près de deux mille ouvrages concernant la photographie. Elle accueille aussi régulièrement des conférences et des rencontres.

Des visites et des formations sont organisées, notamment à destination des enseignants, tout au long de l’année.

Textes rassemblés et conception : Denis Tessier

Adresse et informationsLe Point du JourCentre d’art/Éditeur107, avenue de Paris50100 Cherbourg-OctevilleTél. 02 33 22 99 23www.lepointdujour.eu

Contact : Anne [email protected]

Service éducatifDenis Tessiert. 02 33 22 99 23f. 02 33 22 96 [email protected] le vendredi de 8h à 12het sur rendez-vous

Horaires d’ouverture Du mardi au vendredi de 14h à 18hSamedi et dimanche de 11h à 19het sur rendez-vous

ActualitéL’exposition est coproduite avec la Fondation Henri Cartier-Bresson

Autour de l’expositionDes projections et des rencontres ponctueront l’exposition.Première rencontre :Le dimanche 13 mai à 15h avec Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson.

Édition DVD Le film Redes (sous le titre français Les Révoltés d’Alvarado), accompagné d’un documentaire consacré à Paul Strand, vient d’être édité en DVD par Carlotta. Il fait partie d’un coffret de films restaurés grâce la World Cinema Foundation.

Visuels Henri Cartier-Bresson© Magnum Photos /Collection Fondation HCB

Visuels Paul Strand© Aperture Fondation Inc. / Paul Strand Archive

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