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1 HAÏTI: Où est allé tout l'argent? Vijaya Ramachandran et Julie Walz Center for Global Development Mai 2012 Nous tenons à remercier le Bureau de l'Envoyé Spécial de l'ONU pour Haïti et le Bureau de la Fourniture de l’Aide de Paul Farmer à New York de nous avoir livré des commentaires détaillés. Nous sommes également reconnaissants à Tom Adams, Kent Annan, Owen Barder, Nancy Birdsall, Till Bruckner, Michael Clemens, Tom Dickinson, Alan Gelb, Lucy Heady, Cara Kennedy, David Roodman, Enrique Rueda-Sabater, Ian Schwab, Sarah Jane Staats, GAIV Tata, Meredy Throop, et aux participants au séminaire du Center for Global Development, pour leurs remarques et suggestions. Alex Main et Jake Johnston ont fourni des indications précieuses et des orientations sur les données relatives aux achats. Le travail d’Owen Barder sur l’International Aid Transparency Initiative (IATI) est à la fois utile et convaincant. Le travail de Till Bruckner sur la responsabilisation des donateurs et des ONG a été une source d'inspiration et d'idées. Christina Droggitis a compilé une base de données des ONG en Haïti et Julia Clark a commenté la section sur les appels d'offres concurrentiels. Nous les remercions tous. Les opinions présentées dans ce document n’engagent que leurs auteurs, qui restent également seuls responsables d’éventuelles erreurs.

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HAÏTI: Où est allé tout l'argent?

Vijaya Ramachandran et Julie Walz

Center for Global Development

Mai 2012

Nous tenons à remercier le Bureau de l'Envoyé Spécial de l'ONU pour Haïti et le Bureau de la

Fourniture de l’Aide de Paul Farmer à New York de nous avoir livré des commentaires détaillés.

Nous sommes également reconnaissants à Tom Adams, Kent Annan, Owen Barder, Nancy

Birdsall, Till Bruckner, Michael Clemens, Tom Dickinson, Alan Gelb, Lucy Heady, Cara

Kennedy, David Roodman, Enrique Rueda-Sabater, Ian Schwab, Sarah Jane Staats, GAIV Tata,

Meredy Throop, et aux participants au séminaire du Center for Global Development, pour leurs

remarques et suggestions. Alex Main et Jake Johnston ont fourni des indications précieuses et

des orientations sur les données relatives aux achats. Le travail d’Owen Barder sur

l’International Aid Transparency Initiative (IATI) est à la fois utile et convaincant. Le travail de

Till Bruckner sur la responsabilisation des donateurs et des ONG a été une source d'inspiration

et d'idées. Christina Droggitis a compilé une base de données des ONG en Haïti et Julia Clark a

commenté la section sur les appels d'offres concurrentiels. Nous les remercions tous. Les

opinions présentées dans ce document n’engagent que leurs auteurs, qui restent également seuls

responsables d’éventuelles erreurs.

2

Résumé

Au cours des 28 mois écoulés depuis qu’un séisme de magnitude 7,0 a frappé la ville de Port-au-

Prince, près de 6 milliards de dollars (soit 600 $ par personne) ont été versés pour l'aide

officielle en Haïti, pays de près de 10 millions d’habitants. Un montant estimatif de 3 milliards

de dollars a été versé à des ONG en contributions privées, en plus de l'aide publique. Le

gouvernement des États-Unis à lui seul a versé près de 2 milliards de dollars sur ce montant total

et promis 3 autres milliards pour les secours et la reconstruction. Les organisations non

gouvernementales (ONG) et les opérateurs privés ont été les intermédiaires par lesquels sont

passés la plupart de ces fonds. Le Gouvernement d'Haïti a seulement reçu à ce jour 1 pour cent

de l'aide humanitaire et de 15 à 21 pour cent de l'aide à plus long terme pour la reconstruction.

En conséquence, les ONG et les opérateurs privés en Haïti ont créé une vaste infrastructure pour

la fourniture des services sociaux. Pourtant, ces entités semblent avoir une responsabilité limitée.

En dépit de l'utilisation des fonds publics, il y a peu d'évaluations des services fournis, des vies

sauvées ou des erreurs commises. Plus important encore, les Haïtiens sont déçus par l'absence

générale de progrès, le manque de transparence des comptes et de justification des dépenses.

Il est probable que les ONG et les opérateurs privés vont maintenir leur prédominance dans la

prestation de services en Haïti pour encore un certain temps. À la lumière de ce fait, nous

recommandons trois options pour améliorer la situation actuelle. Primo, que les ONG et les

opérateurs privés effectuent des évaluations systématiques et largement accessibles de leur

travail. Secundo, que tous les acteurs en Haïti soient tenus de publier les données concernant

leurs dépenses et les résultats obtenus en Haïti. L’International Aid Transparency Initiative

(IATI) peut être le véhicule idéal pour cela et le gouvernement des Etats-Unis devrait exiger des

ONG (et peut-être des opérateurs privés) qu’ils fournissent des rapports à l'IATI. La conformité

aux normes de l’IATI pourrait, a terme, être une condition préalable pour recevoir des fonds des

États-Unis. Et tertio, que le gouvernement d’Haïti se procure des services par le biais d'appels

d'offres concurrentiels autant que possible, afin de maintenir la prestation de services essentiels

tout en renforçant les capacités locales à plus long terme.

3

Introduction: Le contexte de l'aide étrangère à Haïti

L'instabilité en Haïti est alimentée par une longue tradition de développement politique et

économique manqué, de relations erratiques avec les États-Unis et les autres pays étrangers. La

colonisation française et l'occupation américaine (1915-1934) ont laissé un pays en proie aux

difficultés économiques, sans aucun contrôle haïtien sur l'industrie ou le commerce. Les Etats-

Unis ont mis fin à leur présence officielle sans aucun processus de transition et peu d’efforts ont

été faits pour restaurer les institutions locales ou préparer les Haïtiens à l’autonomie. Après leur

départ, les Etats-Unis gardent le contrôle des finances nationales d'Haïti jusqu'en 1947.1 Même

l'armée haïtienne a été créée par une loi du Congrès des États-Unis, bien qu'elle n'ait jamais fait

face à un ennemi extérieur ; elle a été démantelée en 1995.2 Les réformes ont été imposées de

l’extérieur, laissant le pays très peu maître de l’élaboration de systèmes économiques et

politiques. Les Haïtiens se sont retrouvés avec un nationalisme à fleur de peau, une méfiance

envers les étrangers et une économie largement dépendante de l'aide étrangère.3

La situation économique a été aggravée par une instabilité politique extrême. L'histoire d'Haïti

est caractérisée par des présidences de courte durée et des interventions étrangères périodiques.

Depuis 1806, sur 54 présidents élus, seuls neuf ont accompli un mandat complet.4 Les Etats-

Unis ont chassé cinq présidents du pouvoir.5 Les périodes de vacance du pouvoir, généralement

relayé par l’armée, vérifient le proverbe créole selon lequel «les Constitutions sont faites de

papier et les baïonnettes d'acier. »6 Dans une période de six mois entre 1956 et 1957, cinq

gouvernements ont siégé avant que les États-Unis ne soutiennent l'installation de François «Papa

Doc» Duvalier. Haïti est ensuite devenu un pion dans la géopolitique de la guerre froide, les

États-Unis voulant empêcher la propagation du communisme dans les Caraïbes et isoler Cuba.

Duvalier a misé sur ces craintes, suscitant d'importants flux d'aide américaine.7 Pourtant, son

régime dictatorial reposait sur la corruption massive, le népotisme et la négation des droits

humains. Pendant les années les plus brutales, 1960-1970, des milliers de Haïtiens ont

1 Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 24.

2 Farmer, The Uses of Haiti. 379-380.

3 Girard, Haiti: the tumultuous history, 5.

4 Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 4.

5 Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 3-4.

6 Granderson Hard Choices, 99.

7 Girard Haiti: the tumultuous history, 105.

4

7

été assassinés et des dizaines de milliers ont fui en exil.8 Le président Kennedy a arrêté l’aide à

Haïti pour protester contre la répression sous le régime Duvalier mais le président Nixon a

restauré les subsides après que le fils de Duvalier, Jean-Claude «Baby Doc » Duvalier, a pris le

pouvoir et promis des réformes. Au lieu de cela, Jean-Claude a perpétué les abus du régime de

son père. Pourtant, les États-Unis ont continué de fournir des subsides au pays, considéré comme

un allié dans la lutte contre le communisme.

En 1970, l'aide étrangère représentait 70% des revenus des finances publiques d’Haïti ; les

subsides ont atteint 35,5 millions de dollars en 1975.9 La corruption à grande échelle signifie que

cette aide n'est jamais arrivée au peuple haïtien et que la situation économique est restée

pratiquement inchangée.10

Le pays le plus pauvre du monde occidental, le PIB par habitant

d’Haïti a diminué d’à peu près deux pour cent par an. Le développement à long terme a

également été entravé par des niveaux d'inégalité scandaleux. Une étude de 1984 estimait que

moins de 25 pour cent de la population vivait au-dessus du seuil de pauvreté absolue. En outre,

Haïti a pâti d'un taux de natalité très élevé, de la déforestation sur plus de 97% de la superficie

du pays et de l'érosion des sols.11

Paradoxalement, F. Duvalier a parfaitement résumé la

gouvernance haïtienne :

Nos divers gouvernements ne se sont jamais souciés de l'héritage national et n'ont jamais tenté

de résoudre les problèmes sociaux. Ils ont beaucoup parlé de liberté, mais pour tromper le

monde libre et non pour en faire bon usage en politique intérieure. Le pays est divisé en deux

groupes: les exploiteurs - minorité hyperactive et offensive - monopolisent l’Administration et

paralysent le progrès du peuple; les exploités – l’immense majorité - sont victimes d'un système

immoral et cruel.12

Ce contexte politique et économique a conduit à l’avènement du prêtre populiste Jean-Bertrand

Aristide, connu pour son opposition tonitruante au gouvernement et son grand projet de

réformes économiques et sociales. Son élection en 1990 a été soutenue par les Etats-Unis et

l'aide internationale a augmenté du même coup - en 1991, Haïti a reçu 380 millions de dollars de

8 Talentino, Military Intervention After the Cold War, 133.

9 Girard, Haiti: the tumultuous history, 10.

10 Girard, Haiti: the tumultuous history, 210.

11 Weiss, Military-Civilian Interactions, 117.

12 Quote from 1957, shortly after Papa Doc took office. Source: Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 46.

5

l'étranger.13

Aristide a été renversé par Raul Cédras lors du coup d'Etat de Septembre 1991 et la

politique internationale envers Haïti s'est immédiatement inversée. L'administration Bush a

suspendu son aide, adopté un embargo économique rigoureux, renforcé les sanctions, refusé les

visas et gelé les comptes bancaires.14

Bien que les produits alimentaires de base n’aient pas été

inclus dans l’embargo, des produits d’importation tels que semences ou engrais, absolument

nécessaires à l’autonomie alimentaire des Haïtiens, ont aussi été bloqués. En conséquence, entre

1992 et 1993, le produit intérieur brut a chuté de 20 pour cent et le chômage est monté jusqu’à

75 pour cent.15

Les usines textiles et les ateliers de montage - qui assuraient plus de trois quarts

des exportations d'Haïti - ont été fermés, le système de collecte des impôts s'est effondré et les

infrastructures se sont désagrégées.16

Le président George W Bush a également instauré un

blocage de l’immigration, empêchant les "boat people" haïtiens de s'installer aux États-Unis.

Aristide est devenu un sujet clivant aux Etats-Unis et les désaccords politiques ont conduit à une

perception quasi schizophrénique d’Haïti.17

Lors de sa campagne présidentielle de 1992, le

président Clinton a promis qu'il reviendrait sur la politique du président Bush à l’égard des

réfugiés haïtiens et permettrait le retour d'Aristide. Après l'élection, l'Administration est revenu

sur sa promesse électorale, en maintenant l'embargo et la suspension des aides. Puis Clinton a

soutenu l’invasion d'Haïti pour rétablir Aristide, restaurant l'aide étrangère en 1995. Quand le

Parti Républicain a pris le contrôle du Congrès aux élections de 1996, il a répondu à la politique

haïtienne de Clinton par l'amendement Dole-Helms: Aristide devait réformer ou le pays perdrait

ses subsides. Les élections haïtiennes de 2000 ont été largement contestées, avec pour résultat le

blocage de toutes les aides de la Banque mondiale, de l'Union européenne, de la Banque

interaméricaine de développement, des États-Unis, du Canada, de la France et des Pays-Bas.

L'Administration du président George W. Bush a continué l'embargo sur les aides, empêchant

les bailleurs de fonds de toutes origines de verser à Haïti les subsides qui avaient déjà été votés.

Suite à la destitution contestée d'Aristide en 2004, la politique étrangère a de nouveau changé et

l'aide a recommencé à affluer. Un calendrier global résume la politique américaine d'aide à

Haïti:

13

Girard, Haiti: the tumultuous history, 125. 14

“Sanctions in Haiti.” 15

Weiss, Military-Civilian Interactions, 119. 16

Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 31. 17

Summary of US foreign assistance from Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 71-80.

6

Schéma 1: Assistance internationale en Haïti

Source: Buss and Gardner, Haiti in the balance, 70

La volatilité de l'aide internationale officielle au gouvernement haïtien sape un secteur public

déjà fragile. À ce jour, le gouvernement haïtien a peu de ressources et peu de recettes fiscales.

En 2002, le budget du gouvernement (pour un pays de près de 10 millions d’âmes) équivalait à

peu près à celui de la ville de Cambridge, Massachusetts (population : 100.000 hab.).18

En 2008,

l'aide extérieure nette à Haïti était de 92,30 $ par habitant. Pourtant, seulement trois pour cent de

l'aide bilatérale sont allés soutenir le budget du gouvernement haïtien.19

Le financement du

soutien au budget fut également très volatil, même pendant les années où l'aide étrangère à Haïti

est demeurée relativement stable. Pour l'exercice 2010, il est passé de 93,6 millions de dollars à

225 millions de dollars. En juin 2011, il était seulement de 48,8 millions de dollars pour

l'exercice 2011.20

Cette imprévisibilité complique davantage la capacité du gouvernement

haïtien à mettre en place des plans de redressement et de progrès économique à long terme.

L'extrême volatilité des niveaux d'aide étrangère a entravé le développement économique et

humain en Haïti. Les progrès dans le domaine social - augmentation du taux de scolarisation et

du taux de vaccination, réforme judiciaire - au cours des années où Haïti a bénéficié de subsides,

18

Farmer, Haiti after the Earthquake, 135. 19

“Has aid changed?”, 7-8. 20

“Has aid changed?”, 4-8.

7

ont été contrebalancés par un recul dans les années où le pays a dû supporter les embargos.21

Réduire la pauvreté n’a jamais été une priorité pour le versement de l'aide étrangère ; l'aide a

surtout été instrumentalisée, comme récompense ou comme punition pour influencer la politique

haïtienne. Les flux les plus importants de l'aide avaient un but humanitaire mais ce financement

visait des actions de secours d’urgence - les projets à court terme ont pu saper le développement

à long terme dans certains cas.22

L’instabilité politique haïtienne et la réponse politique des

États-Unis ont également eu des effets désastreux sur l'investissement direct étranger. En trois

ans, de 1999 à 2002, les investissements sont passés de 30 millions de dollars à 5 millions de

dollars.23

La défiance, tant des donateurs que des investisseurs, a sans doute réduit les flux de

financement, même au cours des périodes de relative stabilité politique en Haïti.

Les promesses des donateurs à Haïti après le séisme de janvier 2010

Mardi, 12 janvier 2010, à 16:53, Haïti a connu un tremblement de terre de magnitude 7,0 dont

l'épicentre se situait près de la ville de Léogâne, à environ 25 km à l'ouest de Port-au-Prince.

Haïti est situé dans la région où la plaque tectonique des Caraïbes rejoint la plaque nord-

américaine. La plaque des Caraïbes se déplace vers le nord de 7 à 20 mm par an, s’écrasant

contre la plaque nord-américaine. Ce mouvement a produit deux lignes de failles majeures,

appelées failles de décrochement, au nord et au sud d'Haïti : la faille septentrionale au nord et la

faille du Jardin Enriquillo-Plaintain au sud. Le séisme de janvier 2010 a vraisemblablement été

causé par l’affrontement des deux plaques et la libération des tensions accumulées autour de la

faille sud, plongeant un pays déjà pauvre et instable dans un désastre encore plus grand.24

21

Erickson, “The Haiti Dilemma,” 293. 22

Buss and Gardner, Haiti in the Balance, 52. 23

Erickson, “The Haiti Dilemma,” 293. 24

Certains scientifiques avancent que le séisme fut causé par des failles souterraines, dites blind thrust faults,

impliquant que la pression sur la faille sud (accumulée sur une période de 250 ans) ne s’est pas encore

pleinement dissipée.

8

Schéma 2: Carte du tremblement de terre en Haïti et risques de la population25

Source: Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires

Un tiers de la population du pays a été directement touché par le tremblement de terre: plus de

220.000 personnes ont péri et plusieurs millions d’habitants ont été déplacés vers des abris

temporaires. Les dommages et les pertes ont été estimés à 7,8 milliards de dollars, une somme

supérieure au PIB d'Haïti en 2009.26

Suite à cette catastrophe, Haïti a reçu une avalanche de soutiens et d'aides financières. Les dons

privés ont atteint 3,1 milliards de dollars.27

Rien qu’aux U.S.A., les particuliers ont offert 774

millions de dollars au cours des cinq premières semaines - la réaction rapide a été largement

facilitée par la technologie des SMS. La Croix-Rouge, pionnière de cette stratégie de collecte, a

levé une somme jamais égalée de 32 millions de dollars, en dons individuels de 10 $, grâce à la

25

Source: Relief Web. Available:

http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/37BA48E03E63ABC6C12576AC002ADA11-map.pdf 26

”Action Plan for National Recovery and Development of Haiti.”

27 “Has aid changed?”, 12

9

technologie SMS.28

A la Conférence internationale des donateurs à New York le 31 Mars 2010,

cinquante-huit donateurs ont promis 5,5 milliards de dollars pour l’aide à Haïti.29

Selon le

rapport L’Aide a-t-elle changée ? émanant du bureau de l’Envoyé Spécial des Nations Unies

pour Haïti, cela représente un triplement des flux d'aide financière entre 2009 et 2010. En 2010,

l'aide des bailleurs de fonds officiels a représenté 400 pour cent des recettes nationales du

gouvernement haïtien. Le Schéma 3 montre les dix principaux donateurs, le Schéma 4 comment

les fonds du gouvernement des États-Unis ont été alloués. De l'aide humanitaire promise ou

versée, 60 pour cent revêtaient la forme de dons, tandis que 40 pour cent étaient réglés en nature

et en services.30

Schéma 3: Les principaux bailleurs de fonds face au Séisme en Haïti, 2010-2011

Note: Total provenant de tous les bailleurs du secteur public: 8,401.4 M$ promis et 5,327.7 M$ décaissés. 2010-2011.

Contributions globales jusqu’à mars 2012. Ces chiffres n’incluent pas les donateurs du secteur privé. Les contributions

comprennent l'aide humanitaire (pour tremblement de terre et choléra) ainsi que les Fonds pour la Reconstruction et le

Développement (hors allègement de la dette). Source: Bureau de l’Envoyé Spécial des Nations Unies pour Haïti

28

“Index of Global Philanthropy and Remittances 2011,” pp 5-6 29

La Conférence de New York se réfère aux promesses de don faites a la conférence internationale des bailleurs

« Vers un Nouveau Futur pour Haïti » tenu a New York, let 31 Mars 2010.

Source: http://www.haitispecialenvoy.org/download/International_Assistance/2-overall-financing-data.pdf 30

“Has aid changed?” 14.

10

Schéma 4: Canaux de financement du gouvernement américain pour Haïti,

exercice 2010-exercice 2011

Source: Total aide humanitaire USAID, Département d’Etat et Département de la Défense des Etats-Unis, exercice

2010 (1,141,365,477 $) et exercice 2011 (191,284,091 $), tremblement de terre et choléra inclus. Les totaux

concernent le financement de l’aide humanitaire et représentent les montants débloqués au 29 septembre 2011. Source: USAID Earthquake and Cholera Fact Sheets pour l’année 2010, Fiche n ° 73, 24 septembre 2010.

Pour l’année 2011 : Fiche n ° 13, 29 septembre 2011. Partenaires d'exécution classés par auteurs.

Le Bureau de l'Envoyé Spécial pour Haïti rapporte que les donateurs bilatéraux et multilatéraux

ont promis 9,28 milliards de dollars en aide humanitaire et aide à la reconstruction pour les

années 2010 à 2012.31

De ces fonds, 5,63 milliards de dollars (60,7 pour cent) ont été versés.32

Des engagements ont également été pris pour soutenir le Plan d'Action du gouvernement d'Haïti

pour la reconstruction et le développement. Le budget à dix-huit mois dans le Plan d'Action du

31

Ce Chiffre inclut l’aide humanitaire pour le séisme et pour la réponse au cholera, ainsi que les engagements

de fonds pour la reconstruction promis lors de la conférence de New York et d’autres fonds pour la

reconstruction. N’inclut pas l’allègement de la dette. 32

UN Office of the Special Envoy for Haiti, “2010-2012 overall contributions from public sector donors to relief

and recovery efforts in Haiti as of March 2012.”

http://www.haitispecialenvoy.org/download/International_Assistance/2-overall-financing-data.pdf

11

gouvernement d’Haïti identifie les secteurs prioritaires et les demandes de niveaux de

financement.

Il est clair que les principaux secteurs élus par les donateurs ne correspondent pas toujours aux

priorités du gouvernement haïtien, comme en témoignent les différences entre les demandes et

les promesses de fonds (Schéma 5). Par exemple, dans le secteur des transports, les promesses

dépassaient de 510 pour cent (737 millions de dollars) la demande du gouvernement d'Haïti. A

l’opposé, les promesses de dons pour le renforcement des institutions démocratiques ont tourné

court - seulement 20 pour cent (31 millions de dollars) de la demande du gouvernement d'Haïti

ont été satisfaits par les donateurs.

Schéma 5: Les priorités du Gouvernement d’Haïti et les promesses de dons des bailleurs

(millions de dollars américains)

Financement de reconstruction par secteurs, Mars 2012. Source: Bureau de l'Envoyé spécial pour Haïti,

http://www.haitispecialenvoy.org/download/International_Assistance/7-ny-recovery-sector.pdf

Qui a reçu l'argent?

D'après les chiffres disponibles, il semble que les ONG et les opérateurs privés soient les

principaux intermédiaires bénéficiaires de cette aide pour les secours et la reconstruction, tandis

que très peu d'argent échoit directement au gouvernement d'Haïti. Le financement se divise en

deux catégories: l'aide d’urgence, aide immédiate humanitaire, et le financement de

12

reconstruction, aide à plus long terme pour la reconstruction et le développement. Les agences

humanitaires, les ONG, les opérateurs privés et autres fournisseurs de services non étatiques ont

reçu 99 pour cent de l'aide humanitaire, alors que moins de un pour cent est allé au

gouvernement d'Haïti.33

Le Schéma 6A montre la répartition des 2,29 milliards de dollars d’aide

humanitaire émanant de tous les donateurs, promis ou décaissés en 2010 et 2011. Cependant, sur

les 1,28 milliard de dollars versés en aide humanitaire à partir des États-Unis, pas un dollar n’est

allé au gouvernement haïtien (schéma 6B).

Schéma 6A: les bénéficiaires de l'aide humanitaire en Haïti

* Hors appel d’urgence (flash appeal). **Suivant appel éclair. Les INGO sont des ONG internationales. Le

financement total est de 2,29 milliards de dollars en financement humanitaire, promis ou versés par les bailleurs de

fonds bilatéraux et multilatéraux en 2010 et 2011. 168,200,000 $ supplémentaires ont été levés pour les victimes du

choléra.

Source: Bureau de l’Envoyé Special pour Haiti, mars 2012. http://www.haitispecialenvoy.org/download/International_Assistance/1-overall-key-facts.pdf

33

“Has aid changed?”4.

13

Schéma 6B: Bénéficiaires des financements des Etats-Unis pour la phase humanitaire

Schéma 6C: Bénéficiaires des financements des Etats-Unis pour la phase de reconstruction

Note: Total du financement humanitaire américain versé : 1,28 milliard de dollars ; financement pour la

reconstruction : 655 millions de dollars jusqu’à mars 2012.

Source: Bureau de l’Envoyé Special pour Haiti, http://www.haitispecialenvoy.org/download/Home/Donor_Status/us.pdf

Un pourcentage légèrement plus élevé de fonds décaissés pour la reconstruction à long terme a

été remis au gouvernement haïtien. Entre 15 et 21 pour cent des fonds de reconstruction ont été

remis au gouvernement haïtien par les donateurs du monde entier - chiffre variable selon la

catégorisation des fonds.34

Les États-Unis, cependant, ont seulement versé un pour cent de

l'argent de reconstruction au Gouvernement d'Haïti (Schéma 6C).

L'aide versée directement au gouvernement reste très faible, bien que le Trésor Public soit le

canal privilégié par le gouvernement haïtien pour recevoir l'aide. Une contribution non

spécifique au budget de l’Etat peut également être faite indirectement par l'intermédiaire du

Fonds de Reconstruction d'Haïti (dont la Banque Mondiale est mandataire).35

Au lendemain du

séisme, le gouvernement haïtien avait une marge d’action très limitée, étant donné la destruction

presque totale des locaux du gouvernement et que les agences opéraient en situation d'urgence.

Pourtant, des mois et des années plus tard, les bailleurs de fonds continuent d'être réticents à

financer le gouvernement. Il est légitime de se poser des questions sur le manque de capacité du

gouvernement d'Haïti, ainsi que sur les habitudes enracinées de favoritisme, de corruption et

34

Recovery aid (longer-term aid) is distinguished from humanitarian aid (immediate needs) by the UN Special

Envoy for Haiti based on the funding pools used. See Appendix 1 for a breakdown in estimations about budget

support to the GOH and other direct financing. 35

“Has aid changed?” 25-26.

14

d'inefficacité. Pourtant, la capacité du gouvernement ne sera jamais améliorée, ni même acquise,

si les donateurs continuent de contourner les institutions locales en faveur des ONG.

Même si nous croyons que les organisations à but non lucratif et les opérateurs privés peuvent

être plus efficaces dans le versement des aides immédiates, la reconstruction à long terme ne se

fera que sous l’égide du gouvernement. En contournant le gouvernement haïtien, les donateurs

ne font que retarder le processus et continuent de saper le secteur public. Le Comité Intérimaire

de Reconstruction d'Haïti (CIRH) a été créé pour fournir une plate-forme de collaboration entre

les donateurs et le gouvernement haïtien. La commission, co-présidée par Bill Clinton et Jean-

Max Bellerive, était composée de représentants du gouvernement et de donateurs. Pourtant, le

CIRH n’avait qu’un mandat de dix-huit mois, que l’on peut estimer trop court pour faire face à

la situation sur le terrain.36

On a aussi critiqué son efficacité. Un rapport publié par l'US

Government Accountability Office a constaté que plus d'un an après sa création, le CIRH n'était

pas encore pleinement opérationnel.37

Le financement au compte-gouttes pour le développement peut aussi jouer un grand rôle dans le

suivi des dépenses. Pour les entités civiles donatrices, les ONG internationales et les agences des

Nations Unies, il y a souvent de multiples couches de contrats de sous-traitance et de sous-dons

avant d'atteindre les groupes qui mettent en œuvre les programmes sur le terrain. Un généreux

donateur peut verser une contribution à une grande ONG internationale qui peut transmettre de

l'argent aux petites ONG, groupes religieux ou communautés haïtiennes. Chaque étape de ce

processus peut absorber de sept à dix pour cent des coûts administratifs, ce qui réduit

considérablement la quantité d'argent disponible pour les programmes sur le terrain.

Ce ne sont pas toutes les ONG qui ont reçu des aides. En fait, les principaux bénéficiaires ont été

les grandes organisations internationales à but non lucratif et certaines agences des Nations

Unies. (Schéma 7). Le US Department of Defense (DOD) a pris la responsabilité de toute la

sécurité en Haïti à la suite du tremblement de terre. Cela comprenait la restauration et la gestion

de la piste de l'aéroport de Port-au-Prince, le contrôle des atterrissages à Port-au-Prince à partir

du centre de commandement de Tampa, en Floride, et le maintien de la sécurité dans la capitale

d'Haïti. Ainsi, le DOD a reçu la plus grande part de l'aide humanitaire pour mener à bien ces

36

Farmer, Haiti after the earthquake 156-7. 37

GAO report, “Haiti Reconstruction.”

15

missions. Le reste des fonds est allé à de grandes ONG internationales, à des opérateurs privés et

à d’autres organismes gouvernementaux américains comme la Federal Emergency Management

Agency (FEMA) et Health and Human Services (HHS).

Certains opérateurs privés ont également beaucoup bénéficié du séisme en Haïti. Un message

trouvé sur Wikileaks présentait la passation de marchés privés comme une «ruée vers l'or» et des

questions ont été soulevées au sujet des contrats accordés à la suite du tremblement de terre.38

Le

Schéma 8 montre les dix plus grandes entreprises privées qui ont reçu des fonds. Cependant, de

nombreuses ONG gérées par Haïti ont été écartées des caisses de secours ou de reconstruction.39

L'appel initial de l'ONU ne comptait que les besoins des ONG internationales ; les ONG

haïtiennes ont été complètement exclues. Dans les versions ultérieures de l’appel, ont été

incluses dix ONG haïtiennes qui ont demandé 5,4 millions de dollars, ce qui équivaut à 0,4 pour

cent de la demande totale. Seules deux organisations haïtiennes ont reçu des fonds pour un total

de 0,8 millions de dollars - moins de 15 pour cent de l'argent demandé par les dix

organisations.40

38

Herz and Ives, “WikiLeaks Haiti,” The Nation. 39

Till Bruckner, a former employee of Transparency International Georgia, argues that “in Georgia, NGOs

could not have run the relief operations, they were not strong enough. But it’s worth asking why they were

STILL not strong enough after over a decade of “local NGO capacity building” by donors and INGOs. Main

problems: (1) donors distrust LNGOs and do not give them large grants, (2) INGOs poach the strongest LNGO

employees with better salaries, (3) LNGOs lack core funding.” 40

“Has aid changed?” 15-16.

16

Schéma 7: Principaux bénéficiaires du financement du Gouvernement des Etats-Unis,

Séisme en Haïti, exercice 2010-2011 (en millions de dollars américains)

Total de l'aide humanitaire de l'USAID, de l'État et du DOD. L’USAID et l'État ne sont pas répertoriés puisque les

fonds ont été réaffectés aux partenaires ci-dessus (fig. 7).

Le graphique représente les montants engagés jusqu’au 29 septembre 2011.

Source: USAID Earthquake and Cholera Fact Sheets pour l’année 2010, Fiche n ° 73, 24 septembre 2010.

Pour l’année 2011 : Fiche n ° 13, 29 septembre 2011.

Schéma 8: Les opérateurs privés en Haïti, du 12 janvier 2010 au 1 mars 2012

Source: Federal Procurement Data Systems; total du financement en millions de dollars

17

Les contrats confiés à des entreprises haïtiennes sont également peu nombreux et espacés. Le

Schéma 9 montre que 9 millions de dollars ont été dépensés pour acheter des services auprès de

fournisseurs haïtiens, selon le Système Fédéral de base de données sur les marchés publics.

Seuls 12 fournisseurs ont été impliqués dans ces transactions. Le Schéma 10 montre que les

contrats confiés à des entreprises haïtiennes ont pratiquement cessé en 2011. Les montants

dépensés pour des achats locaux ont fortement chuté par rapport à 2010. Suite à une demande

émise sur le blog de Haiti Relief and Reconstruction Watch (HRRW) géré par le Center for

Economic and Policy Research , l'USAID a publié les noms de ses sous-traitants locaux en Haïti

en Avril 2012. Ces données montrent que les contrats s’élèvent à 9,45 millions de dollars, ce qui

est nettement moins de un pour cent du milliard de dollars dépensé par l'USAID. Plus de 75 pour

cent des fonds de l'USAID sont allés à des opérateurs privés basés autour de Washington DC.41

Schéma 9: Contrats à des entreprises haïtiennes (12 sociétés vendeuses)

Notes: Contrats du 12 janvier 2010 au 1 mars 2012.

Source: Federal Procurement Data Systems

41

41

HRRW, “USAID’s Disclosure of Local Partner Info Raises Troubling Questions,” 30 March, 2012.

18

Schéma 10: Contrats confiés à des entreprises haïtiennes par le Gouvernement des Etats-

Unis

Notes: Contrats du 12 janvier 2010 au 1 Mars 2012.

Source: Federal Procurement Office Data System

La genèse d’un Etat quasi-privé en Haïti

En raison de la capacité d’action limitée du gouvernement haïtien et de la faiblesse des

institutions nationales, ONG et opérateurs privés ont joué un rôle de plus en plus important en

Haïti. L’instabilité extrême de la vie politique haïtienne et la réticence des États-Unis à donner

une aide directe au gouvernement haïtien ont poussé ONG et opérateurs à devenir le canal

principal de l'aide étrangère. Les associations caritatives internationales ont continué d’être

financées même lorsque l'aide au gouvernement haïtien a été interdite. ONG, opérateurs privés,

banques multilatérales sont rapidement devenus les destinataires privilégiés de l'aide car ils

étaient plus stables et pouvaient rendre de meilleurs comptes aux donateurs internationaux que le

gouvernement haïtien. Avant le séisme de 2010, on estime que 70 pour cent des fonds d'aide à

Haïti sont passés par les associations caritatives et les organismes à but non lucratif.42

42

De Cordoba ,“Aid Spawns Backlash in Haiti.”

19

Des chercheurs décrivent comment les ONG sont devenues des acteurs clés dans la construction

de la nation et de la gouvernance, certaines influant même davantage sur la politique locale que

la population elle-même.43

Il est clair que les organisations internationales et les ONG ont accès

à des niveaux de financement sans commune mesure avec ceux du gouvernement. Les ONG

constituent le canal principal à partir duquel l'argent peut être siphonné. Les politiques locaux

cherchent souvent du soutien et du financement auprès des ONG étrangères pour appuyer leurs

campagnes électorales et en assurer le succès. Diverses organisations, basées aux États-Unis et

ailleurs, ont été accusées d’avoir financé l'opposition au président Aristide.44

Il est difficile de déterminer le nombre d'ONG qui opèrent en Haïti. Les estimations varient

grandement et seule une petite proportion des organismes sont officiellement enregistrés auprès

du Ministère de la Planification (Schéma 11). Une comparaison de sources, parmi les plus

récentes et le plus fréquemment citées, fait ressortir de grandes disparités dans les estimations en

vigueur.

Schéma 11: Estimations du nombre d’ONG actives en Haïti

Remarque: "Liste", signifie que cette source liste les organismes individuels. "Estimation" signifie que la source

fournit des chiffres approximatifs. Sources: Institut catholique pour les relations internationales, «Haïti: 2004," 18.

US Institute for Peace (USIP) Compte-rendu, «Haïti : une République d’ONG ?». Avril 2010 Zanotti, Laura, 757.

Bureau de l'Envoyé Spécial:. Http://csohaiti.org/ UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, Haiti :

http://bit.ly/sW1YJ2 Directory of Development Organisations :.. http://www.devdir.org/files/Haiti.PDF

Unité de Coordination des Activités des ONG (UCAONG): http://www .mpce.gouv.ht / ongreconnues.pdf.

Estimation du Ministère de la Planification dès 2004, Schuller, "Invasion or Infusion?"

43

Zanotti, “Cacophonies of Aid,” 759. 44

Zanotti, “Cacophonies of Aid,” 759.

20

L'incapacité du gouvernement haïtien à compter ou à enregistrer les ONG met également en

évidence la faiblesse du secteur public par rapport au système ONG. Les programmes et

activités gérés par des ONG ne sont généralement pas inclus dans la planification du

gouvernement et peuvent manquer de viabilité à long terme. Il n'existe aucune méthode pour

assurer la responsabilité ou la coordination entre les différentes organisations qui, souvent,

opèrent avec les mêmes mandats pour exécuter des projets similaires. Le Bureau de l'Envoyé

Spécial a aidé le Gouvernement d'Haïti dans ses efforts pour réglementer et superviser les

prestataires non étatiques, afin que les programmes de travail et de financement soient plus

conformes aux priorités du gouvernement.

InterAction a été le pionnier de la carte des aides en Haïti, fournissant des statistiques sur les

projets de 65 ONG opérant actuellement dans le pays (Schéma 12).45

Pourtant, la tâche

consistant à inclure les petites associations dans ces projets demeure ardue.

Schéma 12: Carte d’InterAction : l’aide et les projets en cours en Haïti (12.07.11)

Bien qu'il soit à peu près impossible d'identifier exactement combien d'ONG sont présentes en

Haïti, il est intéressant de tirer des caractéristiques et tendances des données dont nous

disposons. Le site de l’Envoyé Spécial et de la Banque Interaméricaine de Développement

donne l'annuaire le plus complet, énumérant un peu moins de mille organisations de la société

45

7 Décembre, 2011. InterAction, “Haiti Aid Map.”

21

civile et d’ONG. En utilisant ce répertoire avec les sites Web individuels et les rapports annuels

des ONG, nous avons pu construire un ensemble de données de 980 ONG opérant en Haïti.46

Le

document est biaisé car nous citons seulement les organisations qui ont un site web ou sont

inscrites sur une base de données. Ainsi, nous risquons d’exclure de nombreux organismes

haïtiens qui n'ont pas accès à l'Internet ou pas le moyen de se faire enregistrer. Il y a une grande

disparité, les organisations listées ayant entre trois et 500.000 employés.

Comme le montre le Schéma 13, les ONG n’en sont pas à leur coup d’essai en Haïti et leur

croissance dans les dernières décennies fut spectaculaire.47

Un nombre relativement faible et

stable d’associations caritatives a été enregistré entre 1800 à 1960. Dès la fin des années 1960

les chiffres ont commencé à croître, avec l’apparition du mouvement des ONG internationales

partout dans le monde. Tout au long des années 1990, il y a corrélation entre les ONG

enregistrées et les politiques nationales et étrangères, y compris le retour d’Aristide au pouvoir

en 1995, et la reprise ou la suspension de l'aide américaine à l’étranger. Le pic le plus

spectaculaire se situe au lendemain du séisme de janvier 2010 ; près d'une centaine de nouvelles

ONG ont été enregistrées à la suite du tremblement de terre. Selon le registre fourni par

l'intermédiaire du Bureau de l'Envoyé Spécial, 23 nouvelles ONG en moyenne ont vu le jour

chaque année entre 2000 et 2009. Ce chiffre a quadruplé en 2010, avec l’apparition de 93

nouvelles ONG.

Schéma 13: Année de fondation des ONG actives en Haïti

46

Toutefois, pour bon nombre de ces organisations, nous n’avons pu trouver aucune information au delà du

nom. Aucune information sur le siège social, les secteurs d’activité, etc. Pour ces raisons l’drink pour les

analyses ci-dessous varient considérablement (la taille de l’échantillon est mentionné pour chaque schéma). 47

Dans notre base de données les années enregistrées sont celles ou les organisations ont été fondées (pour les très

grandes ONG mondiales ceci peut ne pas correspondre a la date de début d’opérations en Haïti).

22

Nous constatons que 51 pour cent des ONG opérant en Haïti ont leur siège social aux États-Unis

(schéma 14).48

Ce n'est pas surprenant, étant donné les interférences politiques entre les deux

nations, la proximité géographique et le grand nombre d'Haïtiens résidant aux Etats-Unis. La

majorité de ces organisations ont des bureaux et des succursales basés en Haïti mais ont leur

siège social aux Etats-Unis ; seulement un cinquième des organismes ont leur siège en Haïti. Les

ONG opérant en Haïti couvrent la planète entière ; cela va d'une association liée à l’Eglise

Arménienne, à une mission libanaise abritant les personnes vulnérables, à la Coopération

internationale et au fonds taiwanais de développement offrant argent-contre-travail et aide

d’urgence. Étonnamment, on ne trouve dans la liste que trois organisations de la République

Dominicaine.

Schéma 14: Localisation du siège des ONG actives en Haïti

Quelle que soit leur implantation, de nombreuses ONG opérant en Haïti partagent les mêmes

priorités. Santé et éducation sont leurs principaux domaines d'activité ; 34 pour cent de toutes les

organisations travaillent dans au moins un de ces deux secteurs. (Schéma 15). L'aide

humanitaire, le développement économique général, l'agriculture et les droits humains sont les

domaines de travail les plus communs. Les ONG dont le siège social est en Haïti (Schéma 16) et

celles qui sont basées aux États-Unis (Schéma 17) semblent avoir les mêmes priorités.

48

Encore une fois, il est important de noter le biais contre les petites organisations haïtiennes qui n’ont pas de

site web ou de présence sur internet. Nous sommes ainsi peut-être en train d’exclure des petites organisations

haïtiennes qui ont un profil bas et travaillent dans des régions isolées. Toutefois en nous reposant sur des

organisations ayant un site web ou disposant d’informations accessibles sur internet, nous excluons aussi du

même coup les organisations fictives ou frauduleuses.

23

Schéma 15: ONG en Haïti par secteur d’activité

Schéma 16: ONG Haïtiennes par secteur d’activité

Schéma 17: ONG Américaines par secteur d’activité

Les preuves disponibles suggèrent que les ONG et les opérateurs privés fournissent près des

quatre cinquièmes des services sociaux en Haïti.49

Une étude menée avant le séisme de 2010 a

49

De Cordoba, “Aid Spawns Backlash in Haiti.”

24

conclu que les ONG fournissaient 70 pour cent des soins médicaux tandis que les écoles privées,

pour la plupart gérées par des ONG, assuraient 85 pour cent des missions éducatives.50

Cette participation est-elle une «intervention» ou une «invasion» des ONG ? Les avis diffèrent.51

Les organismes internationaux à but non lucratif apportent une expertise très précieuse, des

ressources humaines et financières et un flux stable de financement pour le pays. Pourtant, il est

probable que la force des ONG réduit la capacité d’action déjà limitée du gouvernement haïtien.

Les ONG ont construit une infrastructure alternative pour la fourniture de services sociaux,

confortant par là même un gouvernement peu enclin à consacrer ses ressources limitées au

secteur social. Une « fuite des cerveaux » du secteur public vers le secteur caritatif est également

observée, privant l’Administration de ses talents.52

Les ONG fournissent près d'un tiers de tous

les emplois du secteur officiel, souvent les plus respectés et les mieux rémunérés.53

Cela a abouti

au concept haïtien de la « klas ONG », la classe ONG.54

Souvent, l'argent dépensé par les ONG

ne reste pas dans l'économie locale car de nombreux organismes à but non lucratif procurent des

contrats aux grandes entreprises internationales et aux operateurs privés. La contribution à la

création de valeur ajoutée en Haïti reste donc faible.55

La responsabilité des ONG et des opérateurs privés en Haïti

Quels sont les résultats des ONG en matière de prestation de services en Haïti? Le bilan, vingt-

huit mois après le tremblement de terre, est encore très difficile à tirer. On a publié peu de

constats sur la performance des ONG et on ne trouve pas facilement ceux qui ont été rendus

publics. Certaines grandes ONG internationales rédigent des rapports annuels et publient des

données financières, mais celles-ci sont rares et publiées de manière ponctuelle. Le Disaster

Accountability Project (DAP), organisme à but non lucratif, a publié un rapport sur la

responsabilité et la transparence des ONG opérant en Haïti un an après le tremblement de terre.56

Sur 196 organismes identifiés, seulement huit ont publié et régulièrement mis à jour les rapports

sur leurs activités en Haïti. Près de 65 pour cent des organisations n'avaient pas de rapports à

présenter mais diffusaient des appels émotionnels ou des études de cas anecdotiques sur leurs

sites Web.57

Seulement 38 organisations ont répondu à la demande du DAP de fournir un

compte-rendu d’activité et de plus amples renseignements. La plupart des évaluations

accessibles des ONG se concentrent sur des études de cas ou des exemples de réussite. On ne

mentionne presque jamais les résultats négatifs ou les échecs, du moins dans les documents

50

Schuller “Invasion or infusion?” 96-7. 51

Schuller, “Gluing Globalization,” 90. 52

Schuller “Gluing Globalization,” 91. 53

Schuller, “Gluing Globalization,” 92. 54

Zanotti, “Cacophonies of Aid,” 760. 55

Disaster Accountability Project, “One Year Follow Up Report.” 56

Revkin, Andrew “Report Faults Haiti Aid Groups on Openness.” 57

Werker and Ahmed, “What do Non-Governmental Organizations Do?” 79.

25

accessibles au public.58

Des enquêtes dans les médias ont décrit des prestations inadéquates, des

descriptions inexactes de succès et un suivi financier entaché de doute, mais nous avons très peu

de preuves directes venant des ONG ou d’opérateurs privés pour confirmer ou infirmer ces

allégations.

Les évaluations peuvent être difficiles à trouver et souvent ne sont pas accessibles sur le site

Web de l'organisme qui les réalise. Nous avons trouvé deux organismes externes qui combinent

évaluation globale et enseignements à tirer des rapports d'organisations opérant en Haïti depuis

le tremblement de terre: Relief Web de UN OCHA et le Active Learning Network for

Accountability and Performance in Humanitarian Action (ALNAP).59

Fusionnant ces sources,

nous avons classé 45 rapports d'évaluation d’actions menées en Haïti depuis janvier 2010 et

nous avons compté combien de ces rapports incluaient les caractéristiques que nous aimerions

trouver dans une évaluation rigoureuse: un évaluateur indépendant, une méthodologie claire, les

données du projet, le budget ou le coût, une discussion sur le rapport qualité-prix, sur

d’éventuelles solutions alternatives et des recommandations pour les opérations futures. Les

rapports incluent des évaluations menées à différents niveaux: programme, organisation par

secteur ou par système et organismes donateurs. Certains rapports mettent l'accent sur la

coordination d’un ensemble d'organismes opérant dans un même lieu ou un même secteur ; dans

ce cas les données du projet ou des rapports financiers ne sont pas directement exploitables.

Dans les tableaux ci-dessous, nous présentons les données pour tous les rapports et aussi pour

ces rapports qui sont des évaluations de programmes et d’organisations seulement (c.à d. en

excluant les bailleurs de fonds et les rapports sectoriels).

Tableau 1: Les rapports d'évaluation (Total: 45 rapports)

Evaluateur

indépendant

Méthodologie

Données

de projet

Rapport

budget / cout

Discussion des

alternatives

Recommandations

Non 25 20 23 37 42 3

Oui 20 25 22 8 3 42

%Oui 44% 56% 49% 18% 7% 93%

58

Pour la liste de tous les rapports, se référer a l’annexe 2. Un troisième effort, que nous n’avons pas utilisé dans

ce rapport mais qui mérite mention est mené par l’Université d’état d’Haïti et Tulane University. La Haiti

Humanitarian Aid Evaluation Database liste toutes les évaluations, cartes, documents et rapports écrits sur

Haiti. Accessible a l’url suivant:

< http://www.drlatulane.org/groups/meta/haiti-humanitarian-aid-evaluation-database-explorer>.

59

Inclut 7 rapports de programme, 16 rapports d’organisation, 16 rapports de secteur ou de système, et 6

rapports de bailleurs.

26

Tableau 2: Rapports sur les programmes et les organisations (Total: 23 rapports)60

Evaluateur

indépendant

Méthodologie

Données

de projet

Rapport budget /

cout

Discussion des

alternatives

Recommandations

Non 14 11 9 19 22 2

Oui 9 12 14 4 1 21

% Oui 39% 52% 61% 17% 4% 91%

Alors que la plupart des rapports ont émis des recommandations, ils laissent à désirer dans

d’autres catégories. Moins de la moitié des rapports ont été menés par un tiers indépendant et

seulement un peu plus de la moitié ont exposé en détail la méthodologie utilisée. Parmi ceux qui

ont expliqué comment l'évaluation a été faite, la plupart combinent collecte de données,

recherche documentaire, entretiens avec le personnel de terrain, enquêtes auprès des

bénéficiaires et visites sur le terrain. Pour les évaluations de programmes et d'organisations,

nous constatons que plus d'un tiers des rapports ne renferment pas de données spécifiques au

projet.61

Particulièrement préoccupant est le manque de données sur le budget ou les coûts. Seuls

quatre rapports de programmes et d'organisations fournissent des détails sur la façon dont

l'argent a été dépensé (combien coûtent les tentes, combien d'argent a été versé par transfert ou

quel pourcentage des fonds est allé à la logistique, au transport). Qui plus est, un seul de ces

rapports argumente sur le rapport qualité-prix et sur les alternatives au programme actuellement

mis en œuvre.

On trouve quelques bons exemples d'évaluation globale. La première est de Christian Aid, qui,

en janvier 2012, a publié un document évaluant son programme de transferts monétaires

inconditionnels.62

Il explique clairement les objectifs du programme, pourquoi l'aide a été

accordée sous la forme choisie et non destinée aux salaires, bons d’achat ou autres types d’aide

directe. Le mémoire comprend une carte de l'endroit où chaque programme a été exécuté,

combien d'argent a été donné et combien de fois on a versé de l’argent à chaque destinataire. Le

rapport, fondé sur une enquête réalisée auprès de plus de 400 bénéficiaires dans huit endroits

différents, montre ensuite l'impact du programme. Il conclut avec une liste détaillée des réussites

et des leçons à tirer de ce programme. Bien que le transfert d’argent direct soit un cas un peu

particulier dont l’impact peut s’évaluer plus facilement, voilà un très bon exemple d'évaluation

minutieuse.

60

Inclut 7 rapports de programme et 16 rapports d’organisation.

61

Reports that only had broad generalizations (“We reached 5,000 people”) we counted as a “No” if there was

no detail about how these people were reached. 62

ChristianAid, “Haiti: Unconditional Cash Transfers – Lessons Learnt.”

27

Autre bon exemple : le rapport de Médecins Sans Frontières (MSF) de janvier 2011.63

Il

comprend une analyse qualitative des programmes de MSF pour la première année, couplée

avec un tableau très détaillé présentant des données sur toutes les activités menées par MSF, du

nombre de lits fournis au nombre de patientes traitées pour violence sexuelle. Les données

financières sont partiellement incluses; un tableau détaille les grandes catégories de dépenses

opérationnelles où on peut voir quel pourcentage des fonds est allé aux salaires du personnel par

rapport aux coûts de transport et de logistique. Il s'agit d'une étape positive, même si l’on

souhaite plus de détails sur les dépenses spécifiques. Dans l'ensemble, les deux rapports

illustrent le type de transparence qui est très utile dans les rapports d'évaluation.

La majorité des rapports que nous avons trouvés comprennent une analyse qualitative des

réussites du programme ou des défis relevés dans sa mise en œuvre, analyse recueillie après

discussions avec le personnel et les bénéficiaires. Plus de 90 pour cent des rapports émettent des

recommandations pour les opérations futures. Les entretiens et les sondages sont très importants

pour la compréhension de l'impact d'un programme, le processus de mise en œuvre, la

collaboration avec d'autres organismes et la durabilité du projet. Mais les données quantitatives,

en particulier sur les résultats du projet et la communication sur le budget ou sur les coûts sont

essentiels pour compléter cette analyse. Cela permet aux donateurs, bénéficiaires et autres

parties prenantes de comprendre comment l'argent est dépensé - surtout si c'est de l'argent public

- et aide à identifier les meilleures pratiques pour les opérations futures.

Les ONG ne sont pas seules en cause. Même dans les comptes-rendus de l’USG, on constate un

manque de données. Un examen indépendant des activités de l'USAID en Haïti ne fournit

aucune donnée et on n’y dit pas grand-chose sur la responsabilité attachée aux flux d'aide. Une

citation extraite de la préface résume bien ces faits :

"Nous avions espéré fournir davantage d'efforts pour mesurer plus précisément la

qualité de l'aide et son impact sur les bénéficiaires. Cependant, un manque inquiétant

d’information sur les critères permettant de mesurer les progrès ou même l'impact a mis

notre projet en veilleuse. Nous avons réalisé que consacrer plus d'énergie à cette tâche

pourrait accaparer tout le temps et les ressources humaines dont nous disposions. Ainsi,

certaines conclusions bien utiles demeureront dans le flou. "64

Il est difficile de comprendre pourquoi on constate un «manque inquiétant de données ».

L’USAID et d'autres agences américaines opèrent depuis plusieurs décennies en Haïti, comme

beaucoup de grandes ONG internationales. Pourtant, on en sait peu sur la façon dont l'argent a

été dépensé en Haïti durant les années qui ont précédé le tremblement de terre et dans les vingt-

huit mois qui l’ont suivi, alors que plusieurs milliards de dollars ont transité par des

intermédiaires pour la prestation de services à la population haïtienne.

63

MSF, “Haiti One Year After.” 64

Ghua-Sapir, Debarati, et al.

28

Le rapport fait ponctuellement référence à l'absence de bénéficiaires et d’implication sur place,

au grand nombre d'ONG opérant dans le pays et au fait que de nombreuses organisations sont

arrivées en Haïti sans aucune expérience préalable de gestion des catastrophes. Pourtant, il dit :

« en raison de limites de temps et de ressources, nous n'avons pas pu explorer ces sujets en

détail ». En outre, le rapport indique que « aucune ligne de base ni mecanisme de reporting n’ont

pu être définies» pour les organismes qui reçoivent un financement USAID. En leur absence, les

ONG et les opérateurs privés fonctionnent avec peu de surveillance, bien qu'ils soient toujours

les principaux canaux d’arrivée de l'argent.

Critique des ONG et des opérateurs privés

Un manque de transparence du budget et du programme a parfois conduit à des enquêtes. Un

doute a été soulevé sur les activités de la Croix-Rouge en Haïti depuis le tremblement de terre.65

Deux journalistes, Jacqui Charles et Frances Robles du Miami Herald, ont posé quelques

questions pointues sur les dépenses des ONG et leurs résultats effectifs en Haïti. Robles souligne

que les frais de fonctionnement des ONG sont élevés - il en coûte 3500 $ par mois pour louer un

4x4, 30.000 $ par mois pour couvrir les frais de stockage (Oxfam), 150.000 dollars par mois

pour livrer l'eau par camion (Oxfam) et 30.000 $ par mois pour l'électricité (projet Medishare,

Université de Miami).66

Ce genre de dépenses peut s’expliquer au vu des conditions de travail

pénibles en Haïti mais il est difficile de le justifier en l'absence de données sur les sommes

d’argent ou les matériels reçus, les réalisations ou les leçons tirées de l’expérience.

Il est logique que les appels à la générosité sur les sites Web des ONG montrent des cas et des

images qui réchauffent le coeur. Le site web du Catholic Relief Services (CRS) pour Haïti en

témoigne. Le page intitulée «Vous êtes le Héros d’un drame vraiment vécu » dit: Dans tous les

cas, vous priez, vous en parlez autour de vous et vous donnez, souvent sans jamais savoir à quel

point c’est utile ou combien de personnes vous secourez. Dans certains cas, le bénéfice de vos

dons se prolongera pendant des générations, longtemps après le travail immédiat accompli.67

Il est probable que les sites Web des ONG visent à maximiser les dons privés, un objectif qui

fait sens pour des organisations qui comptent à la fois sur des fonds publics et privés, ainsi que

sur des bénévoles. Mais l'absence d'évaluations incluant des rapports financiers et accessibles au

public est troublante. CRS fournit bien un décompte des dépenses en Haïti, qui expose,

documentation à l’appui, la façon dont le financement est allé à des actions générales mais il

faudrait détailler davantage les dépenses plus spécifiques.68

Le PDG d'une grande ONG

65

Par example: HRRW “Scrutiny of Red Cross Effort Grows” et “Why doesn’t the American Red Cross Want

People to See “Haiti: Where Did the Money Go?” 66

Robles, Frances, “many question whether Haiti quake donations put to best use.” 67

Accessible ici: http://crs.org/united-states/you-are-the-hero-in-a-real-life-drama/ 68

Accessible ici: http://crs.org/emergency/haiti/financials.cfm

29

internationale dit : « Je ne regarde pas en arrière pour chercher les erreurs. Je pense que nous

avons sauvé des vies et rendu la vie meilleure à beaucoup. Je sais que nous avons eu plus

d'enfants scolarisés ».69

En l'absence de données et avec peu d’évaluations, il est difficile de

confirmer cette déclaration. Les organismes qui reçoivent cette abondance de fonds publics et

opèrent avec des budgets importants devraient être tenus de rendre des comptes plus rigoureux.

De même, il y a peu d'évaluations des opérateurs privées qui opèrent en Haïti. Les auteurs du

Center for Economic and Policy Research (CEPR) et du blog Haiti Relief and Reconstruction

Watch (HRRW) ont fait un travail de fond sur l'utilisation de l’argent en Haïti, en particulier par

des opérateurs privés financés par l'USAID. Ils font valoir que bon nombre de gros bénéficiaires

de l'aide humanitaire fonctionnent avec peu, voire pas du tout de contrôle, en dépit d'un passé de

performances insuffisantes. HRRW explique comment Chemonics a reçu des centaines de

millions de dollars pour des opérations en Afghanistan. L’Inspecteur des Enquêtes Générales

pour le General Accounting Office (GAO) et l'USAID a constaté des problèmes importants dans

ses programmes, indiquant que Chemonics a échoué à « répondre à un objectif clé du

programme » et qu’il y avait insuffisamment de données et de documentation pour les résultats

rapportés. Malgré cette histoire, Chemonics est devenu le principal bénéficiaire des contrats de

l'USAID en Haïti. En 2011, un audit effectué par l'Inspecteur Général de l'USAID a trouvé des

résultats non conformes pour le projet argent-contre-travail (Cash for Work) en Haïti, un

manque de supervision des activités et de contrôles financiers de leur sous-traitants.70

Cette

histoire n'est pas propre à Chemonics. De nombreux autres opérateurs ont été impliqués dans des

polémiques en Irak, en Afghanistan ou après l'ouragan Katrina, mais continuent à obtenir des

contrats importants en Haïti. Il s'agit notamment de Development Alternatives Inc (DAI), CH2M

Hill Constructors, Flour Enterprises, Inc, The Shaw Group, MHW America, et Agility Logistics

(anciennement PWC Logistics), basé au Koweït, entre autres.71

Le manque de contrôle des grands opérateurs signifie qu'il est presque impossible de suivre la

quantité d'argent qui circule en même temps chez les entrepreneurs et chez les sous-traitants. Il

n'y a pas de rapports accessibles au public sur les activités des opérateurs privés, et si oui ou non

leurs efforts ont porté leurs fruits. C'est une faiblesse que l'USAID reconnait sur son site

Internet:

Malheureusement, l'Agence ne dispose pas des moyens de suivre les sous-subventions et

les contrats de sous-traitance de sorte qu'il n'est pas possible d'indiquer avec précision

le nombre de partenaires ou le pourcentage de fonds de l'USAID qui sont alloués aux

69

Robles, Frances, “Many question whether Haiti quake donations put to best use.” 70

HRRW, “With Poor Track Records For-Profit Development Companies Team UP to Fight Reform,” 1

December 2011. 71

HRRW: “Katrina Redux: New Disaster, Same Contractors,” 11 June 2010. “Blacklisted Contractor Continues

Receiving Government Money through Haiti Contracts,” 2 December 2011. “Contractor Accused of Waste in

Katrina Reconstruciton Lands USAID Contract in Haiti, “4 January 2012.

30

organisations locales à but non lucratif (ou, même, à des entreprises privées locales) au

travers de ces arrangements indirects.72

Pourtant, selon HRRW, un contrat ‘fuité’, passé entre l'USAID et Chemonics, dit que

Chemonics est prié « de suivre de faire le rapport de l’ensemble de ses engagements et de ses

déboursements mensuels pour toutes les dépenses liées aux activités et celles liées a la non-

activité. » Chemonics doit également « fournir un budget détaillé et des justificatifs pour tous les

sous-traitants. » Un rapport de 2012 émanant de l’Inspecteur Général de l’USAID a établi que si

les autres branches de l'USAID avaient procédé à des examens financiers de leurs partenaires,

l'USAID / OTI ne l’avait pas fait. Étant donné que les opérateurs privés reçoivent des centaines

de millions de dollars venant du contribuable, le manque d'évaluation est très embarrassant. Une

priorité absolue de la reforme « Forward » de l'USAID est d'augmenter l'approvisionnement

local et d’améliorer le suivi des dépenses chez les entrepreneurs et les sous-traitants. En réponse,

les opérateurs privés ont formé un groupe de pression appelé Coalition of International

Development Companies, pour «accroître la visibilité » auprès du gouvernement des Etats-Unis

et des autres entités.73

En général, les efforts visant à obtenir des informations de l'USAID sur les ONG et sur l'activité

des opérateurs privés en Haïti et ailleurs n'ont pas été couronnés de succès. Jake Johnston, du

CEPR, muni d’une demande couverte par le Freedom of Information Act (FOIA), a voulu se

renseigner sur deux contrats de l'USAID avec Chemonics en Haïti. En retour, il n’a obtenu que

des commandes de travaux et des documents sans objectifs :

De tous les divers documents et rapports financiers que l'entrepreneur était tenu de

soumettre à l'USAID, aucun n’a été présenté, ni d’ailleurs refusé. C'était comme s’ils

n'existaient pas. En outre, toutes les informations sur les coûts, y compris les frais

généraux et les salaires, ont été rédigées dans l’idée qu’elles devaient rester

confidentielles chez l’entrepreneur car elles pourraient lui causer du tort auprès de la

concurrence.74

Cette expérience n'est pas unique; les tentatives FOIA pour obtenir les données de l'USAID et

des ONG dans d'autres parties du monde ont suivi la même tendance. Le Schéma 18 montre les

résultats d'une requête FOIA présentée à l'USAID par Till Bruckner (un ancien employé de

Transparency International Georgie) et affichée sur le blog populaire Aid Watch. Au bout de 14

mois, Bruckner a reçu un document largement expurgé, vide de toute information. Malgré

diverses déclarations des ONG au sujet de leur transparence, on a l'impression que cette

transparence manque toujours quand on en vient aux opérations et aux dépenses des ONG. Dans

son message de conclusion sur Aid Watch du 1 Octobre 2010, Bruckner disait ceci :

72

“Building Local Development Leadership: USAID’s Operational and Procurement Improvement Plan,”

http://forward.usaid.gov/node/316. 73

Rogin blog post “Corporations Unite to Fight for Development.” 74

Johnston, Jake. “Op-Ed: Haiti’s Fight for Transparency.”

31

Seize mois après ma première requête au travers du Freedom of Information Act auprès

de l’USAID pour obtenir les budgets des projets d’ONG financés par les Etats-Unis en

Géorgie, je suis arrivé a la fin de ma route. Rejetant mon appel, l'USAID a confirmé

qu'elle continue de considérer les budgets des projets d’ONG comme une information

«réservée ou confidentielle" et ne publiera pas les budgets sans l'autorisation des

prestataires concernés.

L'opacité de la sous-traitance de l'USAID rend impossible aux chercheurs l’accès à des

données complètes et comparables qui pourraient éclairer les débats sur l'efficacité des

ONG comme canaux de distribution de l’aide. Par exemple, la question de la

fragmentation de l’aide au sein des ONG n’a seulement pu être soulevée que parce

qu’Oxfam GB a volontairement fourni à un chercheur une liste de tous ses projets à

l'étranger.

L'USAID avance en terrain miné quand elle essaie de pousser les institutions des pays en

voie de développement à devenir plus responsables. La prochaine fois que l'USAID fait

la morale à un fonctionnaire africain sur l'importance de la transparence dans les

marchés publics, j'espère qu'elle va dissimuler les budgets douteux figurant dans sa

propre liste et faire valoir que son ministère suit les meilleures pratiques Américaines :

tous les comptes de ses sous-traitants sont «réservés ou confidentiels. »

Bruckner poursuit en disant:

Cet épisode FOIA a montré avant tout une chose: les ONG (à l’exception d’Oxfam GB)

ne veulent tout simplement pas que des observateurs extérieurs mettent le nez dans leurs

budgets. Pas une seule ONG n’a utilisé cette tribune pour annoncer sa volonté de donner

accès à ses projets et futurs budgets aux bénéficiaires ou aux prestataires. Pourtant,

chaque administrateur national détient ces documents sur son disque dur et pourrait les

attacher à un courriel dans les deux minutes.

Les budgets des projets ne sont consultables que par les intervenants qui ont le pouvoir

de forcer les ONG à ouvrir leurs dossiers: les bailleurs de fonds, le siège social et les

organismes d'audit. Les pauvres et les sans pouvoir doivent se contenter des

informations que les ONG veulent bien leur fournir.75

75

Bruckner, Till, “TransparencyGate: the end of the road” 1 October, 2010.

32

Schéma 18: Réponse à la demande d'information FOIA par Till Bruckner

Source: Bruckner, Till sur AidWatch, "The accidental NGO and USAID transparency test" 18 Août, 2010.

Il est certain qu’en Haïti les ONG et les opérateurs privés travaillent dans des conditions très

difficiles et avec des personnels dévoués qui sacrifient beaucoup pour fournir des services.

Pourtant, un mécontentement considérable règne dans le pays. Les Haïtiens ne sont en général

pas très satisfaits de la communauté internationale. Les membres des ONG sont diversement

décrits en créole haïtien comme « vòlè» (voleurs ou escrocs), « malonèt » (menteurs) et

« kowonpi » (corrompus). Une grande partie de la population haïtienne est mécontente de

l’irrégularité dans la prestation de services de base. Selon l’Envoyé Spécial Adjoint de l'ONU,

33

Paul Farmer : « Il y a actuellement partout sur les murs de Port-au-Prince des graffitis disant:« A

bas les ONG »... Je pense que les collaborateurs des ONG devraient les lire. »76

Le Schéma 19

montre le niveau de frustration : les grandes ONG sont rayées d'une croix rouge et la légende

indique que toutes sont complices du maintien des Haïtiens dans la misère.

Schéma 19: La frustration des Haïtiens face aux ONG, aux opérateurs privés et à l'ONU

Au bas du mur on lit: "Tout Komplis Nan Mize Nou" - "Tous complices de notre misère." Source: Daniel Morel, dans Valbrun,

"Amid a slow recovery, Haitians question the work of aid groups.” “Alors que le redressement est lent, les Haïtiens s’interrogent

sur le travail des organismes d'aide." 10 Janvier 2012.

En faveur de la transparence et de la responsabilisation

Il y a contradiction à ce que les donateurs poussent le gouvernement haïtien à améliorer la

transparence de leurs plans de budget et l’efficacité dans l’attribution des fonds alors que la

communauté de l'aide internationale elle-même ne parvient pas à fournir cette information au

public. La transparence et la responsabilité organisationnelle peuvent jouer un rôle crucial dans

l'amélioration de la coopération au développement en Haïti. Il s'agit d'une question au cœur de

nombreuses discussions entre les bailleurs de fonds à l'échelle mondiale, car non seulement elle

renforce les relations entre les gouvernements et les citoyens mais aussi renforce la foi et la

confiance dans les programmes qui sont mis en œuvre. Même un pays comme Haïti, qui est

apparemment géré par des organismes donateurs et des ONG internationales, pourrait connaître

des améliorations spectaculaires dans la coopération au développement si les données étaient

facilement accessibles.

Des initiatives telles que la carte Haiti Aid d'InterAction sont des étapes importantes pour situer

géographiquement les projets en cours mais il faudrait un système complet et obligatoire pour

rendre compte des projets et les géocoder. Idéalement, ce type de transparence devrait conduire

76

Elfrink, Tim, “Paul Farmer at Barry.”

34

à des projets coordonnés et complémentaires. Par exemple, le gouvernement pourrait construire

une route à travers une zone où un bailleur de fonds ou une ONG sont déjà au travail pour

accroître la productivité agricole, afin que les investissements se potentialisent et génèrent un

impact plus important. La prévisibilité de l'aide est également cruciale car les gouvernements

n'ont pas la possibilité d’élaborer des plans à long terme ou des budgets prévisionnels sans avoir

aucune idée de l'aide qu'ils vont recevoir. Une étude estime que le coût de l’imprévisibilité se

monte à 15-20 pour cent de la valeur totale de l'aide.77

La difficulté que nous avons eue à rassembler les données, mêmes celles qui concernent les

dotations à Haïti, illustre le caractère fragmentaire et incohérent des systèmes de données

actuels. Il n'y a de source exhaustive que pour les promesses des donateurs et les données sur les

fonds décaissés. Nous savons que les informations que nous avons compilées dans le présent

document sur les contrats ou les partenaires d'exécution ne sont pas complètes, et qu’il y a une

absence dramatique d'information sur la sous-traitance ou la mise en œuvre effective des projets.

Nous pouvons dire où va l'argent de manière fragmentaire, mais d’énormes lacunes sur les

données spécifiques des agences d'aide des donateurs, des ONG et des entrepreneurs privés

demeurent. En théorie, le gouvernement d'Haïti devrait prendre l'initiative du suivi de la

coordination et de l'assistance mais sa capacité à le faire demeure une grave préoccupation.78

Si toutes les ONG et opérateurs privés en Haïti mettaient la clé sous la porte et quittaient le pays

demain, tout le monde en pâtirait. Mais il est tout aussi problématique qu'ils continuent à

fonctionner avec des contrats de plusieurs millions de dollars sans responsabilité et sans

obligation de rendre leurs budgets et leurs projets publics. Ce que nous devons créer, c’est un

système qui favorise la transparence, qui oblige ces organisations à rendre des comptes et à

opérer dans un marché concurrentiel.

Choix de stratégies

Cet exercice soulève des questions essentielles : Haïti s’en serait-il mieux sorti sans aucune

aide? Près de 600 dollars ont été consacrés à chaque Haïtien depuis le tremblement de terre de

2010, mais quels résultats concrets avons-nous à présenter? Est-ce qu'un transfert de fonds de

600 $ fait directement à chaque Haïtien aurait été plus bénéfique que les contrats de prestations

de services avec les entreprises privées et les ONG qui se drapent souvent dans le mystère?

77

Kharas, Homi, “Measuring the Cost of Aid Volatility,” Wolfensohn Center for Development at the Brookings

Institution, Working Paper 3, July 2008. 78

Till Bruckner a remarqué lors de la phase de commentaire de ce rapport que la coordination doit se faire au

niveau au delà des ONG, idéalement au niveau du gouvernement bénéficiaire. Le Gouvernement d’Haiti

pourrait limiter le nombre de bailleurs (comme l’Inde l’a fait) ou le nombre d’ONG internationales autorisées a

recevoir des financements de la parts des bailleurs internationaux. Toutefois, un engagement a ce niveau requiert

un intérêt et une capacité d’exécution qui fait peut-être encore default (8 mai 2012).

35

Il est très probable que les ONG et les opérateurs privés vont dominer la prestation de services

en Haïti pour encore un certain temps. Tenant cela en compte, nous recommandons trois choses

pour faire face à la situation actuelle. Primo, que les ONG et les opérateurs privés soient

transparents sur ce qu'ils font en Haïti, en publiant des évaluations systématiques et aisément

accessibles de leur travail. Secundo, qu'ils fournissent des données sur les dépenses et les

résultats, d'abord sur une base temporaire, puis par l'intermédiaire de la plate-forme commune

International Aid Transparency Initiative. Et tertio, que le gouvernement d’Haïti procure les

services par le biais d'appels d'offres concurrentiels lorsque cela est possible.

[1] Des évaluations systématiques et largement accessibles

Il faut absolument évaluer systématiquement comment ont été dépensés les 6 milliards de dollars

consacrés à Haïti depuis le tremblement de terre. Evaluation ne signifie pas nécessairement un

essai contrôlé randomisé (randomized control trial). L'évaluation est définie comme une analyse

systématique et objective de la conception, de la mise en œuvre et des résultats d'un projet ou

d’un programme. Les lignes directrices pour l'évaluation du développement émanant de

l'Organisation de Coopération et de Développement Economique et du Comité d'Aide au

Développement (OCDE- DAC) mettent en relief la pertinence, l’efficacité, l’efficience, l’impact

et la durabilité.79

Comment ont été réalisés les objectifs du programme? Les activités ont-elles

été rentables et menées en temps opportun? Combien de personnes en ont bénéficié? Comment

les effets bénéfiques du projet ont-ils perduré après la fin du financement? Voici les six critères

principaux que nous aimerions trouver dans les évaluations:

L’indépendance (évaluation effectuée par un tiers et non par l'organisation elle-même)

Une méthodologie claire, qui explique comment l'évaluation a été menée

Des données claires sur le projet, le nombre de services fournis et le nombre de

bénéficiaires ;

Une ventilation des coûts ou un rapport de gestion du budget ;

Une discussion sur le choix de programmes alternatifs, avec comparaison des coûts, et

réflexion sur d’autres utilisations possibles des fonds ;

Des recommandations pour améliorer les performances.

S’ajoutant à une harmonisation et à une planification optimisée, la transparence dans les flux de

subsides diminue le risque de corruption ou de détournement de l'aide. Une série d'études de cas

menées par AidInfo a constaté que la priorité pour les citoyens des pays en voie de

développement n'était pas l’information sur la répartition de l’aide mais l’information sur

l'exécution des tâches.80

Où va vraiment l'argent? Combien d’argent se perd en frais de

79

“DAC criteria for evaluating development assistance.” 80

Ces résultats sont décrits par Own Barder dans son article de blog « Eight Lessons from Three Years Working

on Transparency » http://www.owen.org/blog/4433. Les etudes de cas sont disponibles sur le site AidInfo :

http://www.aidinfo.org/resources/case-studies.

36

consultation ou en administration des dons avant d'atteindre le pays? Qui sont les opérateurs et

les sous-traitants effectivement occupés à construire des maisons ou acheter des manuels

scolaires?

L’évaluation des projets des ONG en Haïti est compliquée par le nombre d'agences et de

programmes à opérant dans le pays. Le système est fragmenté et il est difficile - mais pas

impossible - de mesurer les effets d’une intervention individuelle. De nombreux Haïtiens ne

cherchent pas à savoir quelles organisations sont à l’origine de quels projets et souvent

perçoivent la communauté des donateurs comme un seul organisme collectif.81

Ainsi, lorsque les

évaluations sont fondées exclusivement sur des enquêtes ou des entretiens auprès de la

population bénéficiaire, il se peut que les personnes interrogées ne parlent pas d’opérations ou

de projets particuliers mais plutôt d’un nébuleux ensemble de projets.

Les résultats et les commentaires des bénéficiaires sont essentiels mais cela ne devrait constituer

qu'un seul aspect de l'évaluation. Les évaluations devraient se concentrer également sur l’aspect

contribution effective : qu’est-ce qui a été fourni et à quel coût ? Idéalement, toutes ces

évaluations devraient être gérées par des entités indépendantes et externes, sans interférence. Le

donateur qui finance le projet ne devrait pas être l'entité qui finance également l'évaluation.

L’USAID et d'autres agences en contrat avec le Gouvernement des Etats-Unis doivent clarifier

leurs mécanismes de publication de comptes en ce qui concerne les bénéficiaires de fonds

publics et exiger des évaluations effectuées par des tiers et conformes aux normes de l'OCDE.

Ces organisations opèrent actuellement sans grande surveillance et sans lignes directrices claires

sur les normes de référence ou de reporting. Les évaluations qui répondent aux critères ci-dessus

devraient être obligatoires pour toutes les organisations qui se voient confier des contrats par des

agences du Gouvernement des Etats-Unis.

Imaginez ce à quoi pourrait ressembler à Haïti si les donateurs et les ONG fonctionnaient avec

une plus grande transparence. Les organisations n’exécuteraient pas quantité de programmes

indépendants et souvent redondants. Si les citoyens et les gouvernements bénéficiaires pouvaient

recevoir une information fiable et à jour permettant de comparer les projets et les budgets, ils

seraient en mesure de faire de meilleurs choix. Les comparaisons de coûts forceraient les

organisations les moins performantes à revoir leur copie sous peine de perdre les marchés. De

plus, la publication des informations encourage l’éducation du public et offre des lieux

interactifs de discussion sur les meilleures pratiques et une meilleure compréhension de ce qui

marche et ce qui ne marche pas.

[2] L'International Aid Transparency Initiative

81

ALNAP report, “Haiti Earthquake Response: Mapping and analysis of gaps and duplications in evaluations.”

P.12

37

Les ONG et les opérateurs privés peuvent grandement améliorer la publication des données

relatives aux dépenses et aux résultats. Il existe une plate-forme qui encourage la

responsabilisation et la transparence pour tous les acteurs de l'aide humanitaire - les bailleurs de

fonds, les grandes fondations, les agences onusiennes et les ONG. L'International Aid

Transparency Initiative (IATI) est une initiative plurilatérale qui a élaboré une norme pour la

publication d'informations sur les dépenses d'aide humanitaire. Les donateurs, les pays

partenaires et les organisations de la société civile peuvent divulguer publiquement des

informations sur le volume de l’aide, son attribution et les résultats des dépenses pour le

développement. Voici la déclaration de l'IATI: « Nous demanderons à tous les bailleurs de fonds

publics et privés, y compris les organisations bilatérales et multilatérales, les fondations

caritatives et tous ceux qui fournissent une aide en notre nom, de travailler avec nous pour

définir et appliquer ces normes et ce format communs. »82

Les grands bailleurs tels que les Etats-

Unis et le Royaume-Uni sont signataires de l'IATI, de même que les institutions internationales

et les agences de la Banque mondiale jusqu’au Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la

Tuberculose et le Paludisme. Des organisations telles que Oxfam Grande-Bretagne et

l'International HIV / AIDS Alliance ont aussi fourni des informations à l'IATI.83

Actuellement, les bailleurs de fonds rendent compte de l’attribution de l’aide humanitaire à une

multitude de systèmes et d’utilisateurs : au Development Assistance Committee’s Creditor

Reporting System (base de données DAC CRS), au Financial Tracking Service, au Trésor Public

et au parlement des différents pays, aux journalistes et aux chercheurs, sur les sites Web des

ambassades ou des donateurs - la liste ne s’arrête pas là. Ce n'est pas seulement contraignant

pour les organismes d'aide de fournir des rapports séparés avec différents niveaux d’information,

mais ce n'est pas pratique. Avec des informations éparpillées à travers les multiples sites, les

données sont souvent difficiles à trouver et pas cohérentes.

L’IATI pourrait résoudre ces problèmes. Il s'agit d'une méthode standard de remise de comptes –

à considérer comme une norme comptable. Elle ne vise pas à « fusionner » les différents

systèmes mais plutôt à fournir un ensemble de données harmonisé et cohérent, lisible par

machine, duquel tous les systèmes peuvent s'inspirer. Le format standard de l’IATI prévoit

également de localiser les dépenses d'aide humanitaire, ce qui signifie que les bailleurs et les

ONG seraient en mesure de situer facilement tous les projets et programmes sur la carte du pays.

Cette initiative favoriserait la traçabilité de l'aide, nous permettant de suivre l'argent de la poche

du contribuable à l'activité financée sur le terrain.

82

International Aid Transparency Initiative Accra Statement. 83

For more information, see www.aidtransparency.net

38

Au niveau des pays, on fait de plus en plus d’efforts pour assurer le suivi de l'aide humanitaire.

Plus de 40 pays ont établi des Aid Information Management Systems (AIMS). Depuis 2009 des

efforts sont en cours pour mettre en place un système AIMS en Haïti, avec l'appui du

Programme des Nations Unies pour le Développement. Développer des capacités nationales à

analyser, communiquer et prendre des décisions à partir d’une information fiable sur l'aide

humanitaire est extrêmement important. Pourtant, il est difficile de s'appuyer uniquement sur

l'AIMS car les efforts individuels sont souvent compromis par des données peu fiables ou des

décalages chronologiques excessifs. De plus, les données peuvent n’être ni comparables ni

largement accessibles.84

En République Démocratique du Congo par exemple, les informations

ont été collectées manuellement auprès des bailleurs de fonds et elles ne correspondaient pas aux

données normalisées de l'IATI. Plusieurs responsables de gouvernements de pays bénéficiaires

ont dit qu’ils préféraient se procurer les données IATI auprès des bailleurs de fonds, plutôt que

de les recueillir eux-mêmes manuellement.85

L'IATI offre l'avantage d'une norme universelle de

reporting. L’IATI est plus complète que la base de données DAC-CRS et souvent plus précise et

plus à jour que ce que peuvent fournir les efforts de tel ou tel pays. Pourtant, l'IATI a besoin

d'être étroitement associée aux efforts nationaux, renforçant les processus de planification des

gouvernements et formant les communautés à gérer l’aide sur place. Les efforts pour analyser

comment l'IATI peut créer la meilleure synergie avec l’AIMS et d'autres systèmes nationaux

devraient être poursuivis.

Il y aurait des bénéfices importants à réaliser pour tous les intervenants en Haïti si chaque

organisation fournissait à l'IATI des informations sur ses projets. Bien que cela puisse

ressembler à un rêve, il n’est peut-être si déraisonnable d’y croire. Le gouvernement britannique

a été le fer de lance de l’adhésion aux normes IATI. Le Department for International

Development (DFID) exige actuellement que les ONG qui obtiennent les plus grandes dotations

se mettent en conformité avec les normes IATI, comme indiqué dans UK Aid Transparency

Guarantee.86

Il n'a pas encore obligé toutes les ONG et opérateurs à se conformer à l'IATI, ni

encore exigé que l'obligation s’applique aux sous-traitants. Mais le gouvernement britannique

réfléchit activement à la façon dont il peut étendre l'obligation des normes IATI à ces

intervenants aussi. En mars 2012, neuf ONG avaient déjà publié des données conformes et en

juin 2012 plus de 60 autres bénéficiaires du DFID feront de même.87

Il existe des instructions

claires sur la façon dont les ONG peuvent devenir IATI-compatibles et des directives détaillées

sur les moyens de développer la transparence de l’information.88

L'hypothèse (étayée par des

84

‘Why does IATI Matter for Partner Countries?” http://www.aidtransparency.net/partner-country-perspectives. 85

Email de Owen Barder aux auteurs, 1er Mai 2012. 86

http://www.dfid.gov.uk/What-we-do/How-UK-aid-is-spent/What-transparency-means-for-DFID/UK-Aid-

Transparency-Guarantee/ 87

Voir lien suivant pour des exemples de reporting de ces agences sur les opérations en Haïti :

http://www.aidview.net/activities?Country=HT 88

Pour plus d’informations, voir: http://www.bond.org.uk/pages/iati-resources.html

39

preuves ressortant des premières publications) est que, si une ONG doit être IATI-compatible

pour l'argent reçu du DFID, elle devra publier ses comptes selon les mêmes normes pour le reste

de ses dotations et de ses budgets de fonctionnement. Il s'agit d'une avancée sans précédent avec

un énorme potentiel pour améliorer la transparence de l'aide humanitaire et la responsabilité

financière au niveau mondial. Le gouvernement américain pourrait tirer un enseignement de ces

efforts et collaborer activement avec le Royaume-Uni sur une plate-forme unique de conformité

à l'IATI.

Nous recommandons vivement aux États-Unis, en tant que principal donateur et domicile des

ONG les plus actives, ainsi qu’aux opérateurs privés en Haïti d'adopter le processus de l’IATI

dans les meilleurs délais. Les Etats-Unis ont adhéré à l’IATI en Novembre 2011 et se sont

engagés à travailler pour plus de transparence et de responsabilité dans l'aide humanitaire. Nous

saluons le fait que le Gouvernement des Etats-Unis est signataire et attendons avec impatience la

publication de ses premières données IATI. Dans son allocution lors du forum de haut-niveau de

Busan (2011), la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton a annoncé l’adhésion américaine aux principes

de l’IATI et souligné la valeur de la transparence. « Nous devons tous respecter les normes

internationales auxquelles la communauté mondiale s'est engagée .... La transparence contribue à

révéler nos faiblesses afin que nous puissions améliorer notre travail. »89

Il est important que les

États-Unis expliquent clairement ce que cela signifie pour les ONG et les entreprises qui

reçoivent de l'argent du Gouvernement des Etats-Unis. En outre, les États-Unis devraient mettre

tout leur poids pour promouvoir le travail en cours à l’IATI et pour augmenter le géocodage,

publier les détails des projets et des niveaux de transaction et inscrire la traçabilité dans la

norme.

Si elle est réellement mise en œuvre, l’IATI fournira une plate-forme qui permettra au public

américain et haïtien de responsabiliser les organismes sur l’usage de l'argent reçu et sur le travail

accompli. En même temps, un seul processus pourrait bien réduire les couts, en temps et en

effort, du reporting pour les ONG. Certes, le respect intégral des normes IATI sera difficile à

obtenir dans les meilleurs délais. Comme le Secrétaire général adjoint et les organisations

partenaires travaillent dans le sens du respect intégral, des mesures peuvent être prises à court

terme pour divulguer toutes les données disponibles. L'USAID devrait rendre publics les

rapports financiers des principaux operateurs et bénéficiaires de dons en Haïti. Puisque la mise

en œuvre d’exigences de déclaration standardisées est susceptible de prendre du temps, il serait

très utile pour l'USAID de simplement diffuser ces documents et d’établir les compétences pour

assurer le suivi des subventions et sous-subventions, de manière à garantir une certaine forme de

transparence dans l'intervalle.

[3] Appels d’offres concurrentiels et renforcement du pouvoir décisionnaire local

89

Clinton, “Keynote at the Opening Session.”

40

Dans un environnement où les institutions sont faibles, l'État pourrait rétablir sa crédibilité en

redémarrant la prestation de services par le biais de la sous-traitance, tandis que les donateurs

investiraient simultanément dans le renforcement de la capacité de l'État à fournir des services à

long terme. Cependant, il est particulièrement important que les donateurs accordent du temps à

cette période de transition. L'expérience dans d'autres états fragiles suggère que ce sera une

affaire de décennies et non d’années.

Peut-être que la compétence du secteur des ONG dans le domaine des services pourrait tourner à

l'avantage du Gouvernement d'Haïti. Des contrats du genre New Public Management (NPM)

pour des services comme le transport, la santé et la construction d'écoles pourraient mettre de

l’ordre dans le paysage des ONG en Haïti par le biais d'un processus d'appel d'offres

concurrentiel, tout en augmentant l'offre de services et leur efficacité. Bien conçus, ces contrats

pourraient également renforcer les obligations réciproques entre les donateurs, les ONG et le

gouvernement haïtien.

La sous-traitance, qui consiste à externaliser les prestations de services au lieu de les attendre de

l’état, a commencé dans des pays riches comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande comme

un moyen de «promouvoir économies, efficacité, flexibilité et réactivité dans la prestation de

services », sur le modèle concurrentiel du marché.90

Depuis, elle s'est répandue dans les pays en

développement. Notamment, la Banque mondiale a constaté des gains en coût et en efficacité

pour l'entretien des routes, la gestion des ports et des services d'approvisionnement en eau

lorsque ces activités ont été confiées à des entreprises privées au Brésil, en Malaisie et en

Guinée, respectivement.91

Bien sûr, il y a eu des tentatives de sous-traitance moins réussies. Les

gouvernements faibles peuvent manquer de capacité à réguler, contrôler ou évaluer les contrats

et courent le risque de devenir trop dépendants des acteurs non étatiques. Alors, les canaux

traditionnels de communication entre gouvernement et citoyens se ferment et un système de

clientélisme enraciné peut conduire à davantage de corruption ou à un comportement de rentier

de l’état.92

Bien qu’Haïti ne dispose pas d'un secteur privé solide, le modèle concurrentiel est possible car il

y a plusieurs milliers d'ONG pour se disputer les contrats. Le financement des donateurs pour

des projets spécifiques pourrait suivre ce modèle et la concurrence contribuerait à éliminer les

organismes inefficaces. Les contrats peuvent être subordonnés au respect des normes IATI. Ce

processus pourrait mettre de l'ordre dans la prolifération des ONG et les obliger à se conformer

aux recommandations de procédure évoquées ci-dessus.

90

Larabi, “The New Public Management Approach,” 27. 91

World Development Report, 1997. 92

Larabi, “The New Public Management Approach,” 32.

41

La sous-traitance des services de base à des opérateurs privés n'est pas nouvelle en Haïti. À

partir de 1999, l'USAID a engagé un cabinet de conseil aux États-Unis pour passer directement

des contrats avec les ONG basées en Haïti pour les services de santé fondamentaux, y compris

vaccinations, soins prénatals et périnatals.93

Ces ONG ont été remboursées de leurs services sur

la base de résultats mesurés. Le projet a réussi à augmenter le taux de couverture médicale, de

vaccination et d’assistance périnatale.94

Toutefois, le projet a supplanté l’action du

gouvernement, faisant peu pour améliorer la capacité nationale à gérer des actions de santé

publique. En vérité, l'objectif déclaré de l'USAID n’était que d'améliorer la capacité des ONG à

fournir ces services.

Un meilleur exemple est le contrat de 1998 entre le gouvernement haïtien et PSI (une ONG

américaine active en Haïti) pour l’acquisition et la commercialisation de préservatifs, contrat

financé par la Banque mondiale et soutenu par le FNUAP. Bien que les négociations aient été

longues – le gouvernement haïtien se méfiait de l’offre privée et il y avait des hésitations

concernant les approvisionnements et les coûts - le PSI a signalé que le soutien et l’engagement

des donateurs furent déterminants pour assurer la légitimité et la bonne exécution du contrat.95

Les faiblesses perceptibles, la corruption et le manque de capacité d’action au sein du

Gouvernement d'Haïti constituent un défi de taille, mais le renforcement de l'Etat est l'un des

plus grands enjeux de la reconstruction et du développement à long terme en Haïti. Un récent

rapport intitulé « La voix des sans voix » souligne que la priorité majeure de nombreux Haïtiens,

c'est qu'ils veulent que leur Etat soit un état digne de ce nom.96

Ce sentiment peut justifier le

maintien des ONG dans le domaine de la prestation de services. Toutefois, le Gouvernement

d'Haïti devrait jouer un rôle actif, modifiant la répartition du pouvoir et initiant une nouvelle

demande de responsabilités pour les ONG. Si les fonctionnaires travaillaient en étroite

collaboration avec l’opérateur privé ou l’ONG, le gouvernement pourrait renforcer ses capacités

d’action. Bien sûr, une telle approche peut ne pas fonctionner dans certains secteurs - le marché

ouvert à la concurrence donnerait probablement de meilleurs résultats dans le secteur du

bâtiment que dans le secteur de l’éducation. La sous-traitance exige des prestations et des

produits identifiables, mesurables, dont certains (la construction de routes) sont plus faciles à

évaluer que d'autres (les résultats des tests scolaires), étant donné le manque de références et les

problèmes administratifs en Haïti.97

93

OCDE, “Contracting Out Government Functions.” 94

Eichler & Levine, “Performance Incentives for Global Health.” 95

Rosen, “Contracting for Reproductive Health Care.” 96

“A Voice for the Voiceless.” 97

Dans ses commentaires a ce rapport, Meredy Throop de Partners in Health appelle a une approche basée sur

les droits humains dans la prestation de services de base en Haïti. Elle est dubitative sur le potentiel pour les

appels d’offres concurrentiels et avance que plutôt que de créer des systèmes de prestations de service qui

ponctionnent les ressources du secteur privé, Partners in Health et son organisation sœur Haïtienne Zanmi

Lasante ont travaillé avec le ministère de la Santé pour renforcer l’infrastructure de santé publique : « une

42

Il ne fait aucun doute que les commandes de services posent de nombreuses questions. Par

exemple, qui, du gouvernement haïtien ou des bailleurs de fonds, serait responsable de

l'évaluation et de l’adjudication des offres? Comment le gouvernement d’Haïti pourrait-il gagner

la confiance des bailleurs pour recevoir une plus grande part de financement? Quelles mesures

concrètes peuvent être prises pour développer et démontrer la réussite du gouvernement d'Haïti,

en particulier là où les bailleurs sont concernés? Comment les acteurs non étatiques devraient-ils

travailler avec le gouvernement et soutenir son action? Néanmoins, le pilotage de l’attribution

des contrats pour certains services serait une expérience utile.

Bien qu’elle ne concerne pas ce sujet, une question plus générale se pose : comment concevoir

une politique de plus grande envergure, étant donné que les ONG et les opérateurs privés

fournissent déjà de nombreux services. La réponse pourrait être pour le gouvernement et les

bailleurs de fonds de mettre encore plus l’accent sur les fonctions essentielles, en particulier sur

« le noyau de la gouvernance »: la sécurité, la fonction publique, la gestion des finances

publiques et la corruption, l'infrastructure de base et les réformes juridiques et réglementaires.

Ce sont des domaines dont les ONG ne peuvent pas s’occuper et qui sont vitaux pour toute

reprise durable. Construire, ou reconstruire, dans ces domaines va prendre du temps et divers

indicateurs peuvent servir à mesurer les progrès. Par exemple, le premier programme de la

Banque Mondiale en République démocratique du Congo en 2001 mettait fortement l’accent sur

la gouvernance et l’infrastructure de base et pourrait servir de modèle pour les bailleurs de fonds

et pour le gouvernement haïtien.98

Conclusion

La domination des ONG internationales et des opérateurs privés en Haïti a créé un état parallèle

plus puissant que le gouvernement lui-même. Ces entités ont bâti une infrastructure alternative

pour la fourniture de services sociaux mais elles ont peu de responsabilité envers le

gouvernement et le peuple haïtien. Dans nos prochaines contributions, nous examinerons plus en

détail les politiques d'approvisionnement du Gouvernement des Etats-Unis et explorerons les

possibilités d'approvisionnement local en Haïti. Nous mènerons également des recherches

comparatives, en étudiant les cas du Rwanda, de l’Afghanistan et d’Aceh, pour mettre l'histoire

d’Haïti en perspective.

Aucun élément ne permet de penser que la simple élimination des ONG et des opérateurs privés

ou l’arrêt de l'aide humanitaire pousserait la population à rechercher un gouvernement plus

fiable. Mais il est évident que les ONG et les opérateurs privés doivent être plus efficaces et plus

approche collaborative est essentielle en Haïti, ou les institutions restent faibles et l’accès universel aux services

de base est tellement nécessaire. » (Mai 2012).

98

World Bank, “On the Road to Recovery.”

43

responsables. Ils ont le devoir d'améliorer la coopération à la fois entre eux et avec le

Gouvernement d'Haïti et de s’en tenir à des principes partagés pour obtenir de meilleurs

résultats. Les ONG et les opérateurs devraient fournir systématiquement des évaluations

accessibles à tous et conformes aux normes de l’IATI. Le gouvernement d’Haïti devrait recourir

plus souvent aux appels d’offres pour reconstruire sa capacité d’action et responsabiliser les

organisations internationales, sans interrompre la fourniture de services à la population

haïtienne.

44

Annexe 1: Dons pour la reconstruction décaissés au Gouvernement d’Haïti (millions de dollars américains)

Pays Promesses

de New

York

Autres

dons

Total des

dons

% Appui

budgétaire

Appui

budgétaire

(NY)

Appui

budgétaire

(Total)

% Gouvernement

d’Haiti

Gouvernement

d’Haïti (NY)

Gouvernement

d’Haïti (Total)

Brésil 114.20 0.20 114.40 0.13 14.85 14.87 0.13 14.85 14.87

Canada 240.50 112.40 352.80 0.04 9.62 14.11 0.04 9.62 14.11

Commission

Européenne

187.80 117.20 305.10 0.37 69.49 112.89 0.39 73.24 118.99

France 175.60 0.00 175.60 0.29 50.92 50.92 0.28 49.17 49.17

BID 360.50 0.00 360.50 0.24 86.52 86.52 0.26 93.73 93.73

FMI 138.60 0.00 138.60 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00

Japon 106.80 0.00 106.80 0.00 0.00 0.00 0.73 77.96 77.96

Norvège 76.50 0.00 76.50 0.20 15.30 15.30 0.20 15.30 15.30

Espagne 295.20 34.40 329.60 0.08 23.62 26.37 0.06 17.71 19.78

Etats-Unis 179.00 476.0 655.00 0.01 1.79 6.55 0.01 1.79 6.55

Venezuela 222.60 0.00 222.60 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00

Banque

mondiale

210.00 0.00 210.00 0.20 42.00 42.00 0.22 46.20 46.20

Total 2,307.30 740.20 3,047.50 314.10 369.53 399.57 456.66

13.61% 12.13% 17.32% 14.98%

Les douze pays et institutions de la liste ci-dessus sont les principaux bailleurs partageant les détails de leurs dons et déboursements d’aide. Les calculs des

auteurs se basent sur les données mis a disposition par le bureau de l’Envoyé Spécial : http://www.haitispecialenvoy.org/relief-and-recovery/international-

assistance/. Ce tableau ne contient pas les contributions des bailleurs plus petits, qui représentent environ 193 millions de dollars. 2.48 milliards de dollars des

promesses de New York et 760.5 millions de dollars d’autres dons pour la reconstruction ont été décaissés pour un total 3.24 milliards de dollars. Toutes les

données datent de mars 2012.

Le bureau de l’Envoyé Spécial présente les données suivantes (mars 20120) :

« des 2.48 milliards de fonds décaissés des promesses de New York, environ 21 pour cent on été décaissés au Gouvernement d’Haïti au travers de ses systèmes »

Ce total comprend 337.2 millions de dollars en appui budgétaire et environ 193.8 millions de dollars en autres financements passant par les canaux officiels. Le

rapport mentionne aussi que « 246.6 millions de dollars (9.9 pour cent) en appui budgétaire direct au Gouvernement d’Haïti » et « 196.9 millions de dollars (7.9

pour cent) en prêts et autres financement au Gouvernement d’Haïti ».Toutes ces sommes ne reflètent toutefois que les dons pour la reconstruction promises lors

de la Conférence de New York, et n’inclut pas d’autres sources de dons pour la reconstruction

.

45

Annexe 2: Rapports Inclus dans l’enquête sur les évaluations des ONG

Organisation Titre du rapport Date

Context Merlin Evaluation to assess Merlin’s Emergency Response in Haiti Mars-12

IFRC Case Study: Two-Way SMS Communication with Disaster

Affected People in Haiti

Mars-12

Joint (IFRC, UNHCR,

UN Habitat)

Shelter Projects 2010 Fevrier-12

PAHO, WHO Health Response to the Earthquake in Haiti - January 2010 Janvier-12

Development and Peace Development and Peace Haiti program: 2-Year progress

report

Janvier-12

Cash Learning

Partnership - Christian

Aid

Unconditional Cash Transfers – Lessons Learnt,

Humanitarian briefing paper January 2012

Janvier-12

Inter-Agency Standing

Committee

Inter-agency real-time evaluation of the humanitarian

response to the earthquake in Haiti - 20 months after

Janvier-12

MSF OCG response to cholera in Haiti, October 2010 – March

2011

Décembre -

11

IFRC An Evaluation of the Haiti Earthquake 2010 Meeting Shelter

Needs: Issues, Achievements and Constraints

Décembre -

11

Netherlands Assisting Earthquake Victims: Evaluation of Dutch

Cooperating Aid Agencies (SHO) Support to Haiti in 2010

Novembre-11

Ushahidi Haiti Project Independent Evaluation of the Ushahidi Haiti Project Novembre-11

InfoAid Ann Kite Yo Pale: Let Them Speak - Best Practice and

Lessons Learned in Communication with Disaster Affected

Communities: Haiti 2010

Novembre-11

IOM Evaluation of the International Organization for Migration’s

Ongoing Activities on Support to the Flash Appeal for the

Haiti Earthquake and Cholera Outbreak

Octobre-11

HelpAge (through UK

Disaster Emergency

Committee)

Evaluation of the AgeUK/DEC funded HelpAge project in

Haiti Phase 1 and Phase 2.1

Octobre-11

DG ECHO (European

Commission

Humanitarian Aid Office)

Real-time evaluation of humanitarian action supported by

DG ECHO in Haiti 2009 - 2011

Aout-11

Oxfam Haiti earthquake response: evaluation of Oxfam GB's DEC-

funded programme

Juin-11

UN OCHA OCHA Evaluations Synthesis Report, 2010 Mai-11

UN Environmental

Programme

UNEP in Haiti: 2010 Year in Review Avril-11

IFRC A Review of the IFRC-led Shelter Cluster - Haiti 2010 Avrril-11

CRS CRS Haiti Real Time Evaluation of the 2010 Earthquake

Response: Findings, Recommendations, and Suggested

Follow Up

Mars-11

Disasters Emergency

Committee

Urban disasters-lessons from Haiti: Study of member

agencies' responses to the earthquake in Port au Prince, Haiti,

January 2010

Mars-11

CARE, Int'l Planned

Parenthood Federation,

Save the Children

Priority Reproductive Health Activities in Haiti Février-11

International Council of

Voluntary Agencies

Strenght in Numbers: A Review of NGO Coordination in the

Field - Case Study: Haiti 2010

Février-11

46

DG ECHO (European

Commission

Humanitarian Aid Office)

Beyond Emergency Relief In Haiti Janvier-11

UN OCHA Evaluation of OCHA Response to the Haiti Earthquake Janvier-11

MSF Haiti: Despite massive aid response, significant needs remain

one year after earthquake

Janvier-11

Plan Plan Haiti: One Year After The Earthquake - Response and

priorities for the future

Janvier-11

Inter-Agency Standing

Committee

Inter–Agency Real–Time Evaluation Of The Humanitarian

Response To The Earthquake In Haiti

Janvier-11

Save the Children Misguided Kindness: Making the right decisions for children

in emergencies

Décembre -

10

Humanitarian

Accountability

Partnership

After Action Review of the HAP Roving Team Deployment

to Haiti

Décembre -

10

DARA International DARA Humanitarian Response Index - Crisis Reports: Haiti Décembre -

10

CARE, Save the Children An Independent Joint Evaluation of the Haiti Earthquake

Humanitarian Response

Octobre -10

Handicap International Nine months of action by Handicap International Octobre -10

Govt of Australia Australian Government Response to the Haiti Earthquake of

12 January 2010

Septembre -

10

USAID Audit Of Usaid's Cash-For-Work Activities In Haiti Septembre -

10

British Red Cross British Red Cross - Mass Sanitation Module - 2010 Haiti

Earthquake Response: Post Deployment Learning Evaluation

Aout -10

Various Inter-agency real-time evaluation in Haiti: 3 months after the

earthquake

Aout -10

World Economic Forum Innovations in Corporate Global Citizenship: Responding to

the Haiti Earthquake

Aout -10

Inter-Agency Standing

Committee

Response To The Humanitarian Crisis In Haiti Following

The 12 January 2010 Earthquake: Achievements, Challenges

And Lessons To Be Learned

Juillet -10

United Nations in Haiti Haiti: 6 months after... Juillet -10

Christian Aid A Real- Time Evaluation of Christian Aid’s Response to the

Haiti Earthquake

Juin-10

Tearfund Real Time Evaluation of Tearfund's Haiti Earthquake

Response

Mai-10

Govt of France Real-time evaluation of the response to the Haiti earthquake

of 12 January 2010

Avril -10

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of Haiti Earthquake January 2010

Mars -10

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