habitat - roissy pays de france

52
N° 4, Septembre 2006 HABITAT Supplément à Vivre en Val-d’Oise n° 98. Publié par les Editions du Valhermeil. Ne peut être vendu séparément.

Upload: others

Post on 19-Jun-2022

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: HABITAT - Roissy Pays de France

N° 4, Septembre 2006

HABITAT

Sup

plé

men

Viv

re e

n V

al-d

’Ois

en°

98.

Pub

lié p

ar le

s E

dit

ions

du

Val

herm

eil.

Ne

peu

t êt

re v

end

u sé

par

émen

t.

Page 2: HABITAT - Roissy Pays de France

Garges-lès-Gonesse

Arnouville-lès-Gonesse

Villiers-le-Bel

Sarcelles

Garges-lès-Gonesse

Arnouville-lès-Gonesse

Villiers-le-Bel

Sarcelles

Page 3: HABITAT - Roissy Pays de France

Quiconque se déplace dans les villes de Sarcelles, Villiers-le-Bel, ArnouvilIe-lès-Gonesse et Garges-lès-Gonesse est étonné par la diversité des paysages urbainsrencontrés. Des alignements de maisons rurales de ses vieux bourgs aux immeu-

bles de ses grands ensembles, en passant par toute une variété de lotissements pavillon-naires, Val de France offre au visiteur un résumé de l'habitat de ces 150 dernières années.

Par-delà le constat purement descriptif de l'existant, cette vitrine aussi riche soit-elle, nousinterpelle et nous incite à chercher à comprendre pourquoi et comment les territoiresruraux de nos communes, qui, au milieu du XIXe siècle, n'hébergeaient que des villages, ontété au fil du temps absorbés par le débordement urbain de Paris jusqu'à en devenir desvilles de sa banlieue.

«Banlieue de l'habitat ouvrier de la fin du XIXe siècle, banlieue pavillonnaire entre les deuxguerres mondiales où les familles modestes eurent pour seul recours d'acheter à des inter-médiaires peu scrupuleux, un lot de terrain sur lequel ils édifièrent eux-mêmes unmodeste pavillon, banlieue des grands ensembles après la deuxième guerre mondialepour répondre à la crise du logement née de l'interruption de la construction pendant unegénération et des mouvements de population liés à la guerre» : ce schéma explicatif d’unurbaniste de renom suffit-il à donner sens à ce manteau d’arlequin que constitue aujour-d’hui l’assemblage des différentes zones urbanisées de nos villes ?

Décrypter l'histoire de la construction de nos villes, c'est aussi chercher à apprécier leseffets tant des mesures politiques et institutionnelles prônées au plus haut niveau de l'Etatque des préconisations d'architectes et d'urbanistes, voire des gestions locales et des choixpersonnels qui, au fil des années, ont essayé de répondre à ce mal récurrent qu'est la «crisedu logement». Une crise permanente souvent ponctuée de situations plus dramatiquesdont l'intensité rappelle périodiquement l'importance de cette question, réaffirmant ainsice droit fondamental qu'est le droit au logement pour tous.

Les articles présentés dans ce quatrième numéro de Patrimoine en Val de France vouspermettront d'entrevoir dans quelle(s) histoire(s) d'hommes et de femmes s'inscrit cedéveloppement de l'habitat sur le territoire de la communauté d'agglomération. Unehistoire dont il ne faut pas oublier certaines pages qui, même si elles ne sont plus très lisi-bles sur le terrain, ont marqué la mémoire collective, à l'instar des «châteaux», vastesdemeures bourgeoises édifiées dans une campagne aujourd'hui disparue, mais aussi desbidonvilles et des cités d'urgence des années cinquante.

Maurice BonnardVice-Président chargé de la Culture et

du Patrimoine.

Dominique Strauss-KahnPrésident de la Communauté d’agglomérationVal de France

Page 4: HABITAT - Roissy Pays de France

1 PréfaceDominique Strauss-KahnMaurice Bonnard

3 EditorialCatherine Roth

4 Le logement ouvrierà la fin du XIXe siècleEtienne Quentin

6 Le pavillonnaire,entre rêves et nécessitésMarie-Madeleine Canet

10 Des chantiersexpérimentaux aux ZUPGwenaëlle Legoullon

14 Gros plans surles Grands EnsemblesPatrick Glâtre et Olivier Millot

18 Des habitants animateursPierre-Jacques Derainne

21 Parcours résidentielsLes Sages de Villiers-le-Bel

24 Les bidonvilles à l’heuredes Trente GlorieusesHélène Parisot

27 Seuil limiteDominique Renaux

Directrice de la publication : Marthe Meneghetti-Défossez. Rédactrice en chef : Catherine Roth. Secrétaire de rédaction : Joël Godard.Rédaction : Sophie Astic-Heisserer, Marie-Madeleine Canet, Pierre-Jacques Derainne, Patrick Glâtre, Joël Godard, Gwenaëlle Legoullon, Olivier Millot,Hélène Parisot, Etienne Quentin, Dominique Renaux, Catherine Roth, Les Sages de Villiers-le-Bel. Maquette et mise en pages : Abdelhalim Grich.Photogravure : Aurélie Petitjean. Prépresse : Conseil Graphique - Editions du Valhermeil. Impression : Corlet S.A. Routage : GIS.Crédit photographique et illustrations :Pierre Becvort : p. 1, p. 21 bas. Lagnado Douek : p. 22. Etienne Quentin : p. 4, p. 5. Coll. Part. D.R. Photo Conseil général du Val-d'Oise/ARPE : p.6 bas. Passé d’Arnouville/Mairied’Arnouville : p. 6 haut, p.7 haut droit, p.8, p.9 haut, p.30 haut. Maurice Bonnard : p. 9 bas, p. 10 haut, p. 12 haut et bas, p. 15 bas, p. 23 bas, p. 31, p. 35. MTETM/SG/SIC -1953 Fonds MRU/Harle : p.10 bas MTETM/SG/SIC - 1961/Salesse : p. 13 haut. MTETM/SG/SIC - 1961/Salesse : p. 40 haut. Ministère de la Reconstruction : p. 11 haut, p. 12 milieu,p. 13 bas. Gilbert Poupaert : p. 11 bas. Association Animation Dame Blanche : p. 18, p. 19, p. 20. Marcel Pouppeville : p. 21 haut et milieu. Viviane Revah : p. 23 haut. Nicolas Capelle :p. 24, p.25, p.26. Robert Delpit : p.27. Collectif Fusion : p.28 haut. Marc Valantin : 1ère de couv, p.3, p. 28 milieu et bas, p. 29 bas, p.39 haut droit, p.42 a, b. Eva Allouche p. 29haut. Archives municipales de Garges-lès-Gonesse : p.30 milieu. Sarcelles et son histoire : p.30 bas. Jean Oudet : p. 34 haut. Archives municipales de Villiers-le-Bel : p.34 bas. Valde France : p. 39 bas droite, p. 44 a, b et d, p. 45. Maison des Arts de : p. 36, p. 37. Ville de Villiers-le-Bel : p. 44 c. IGN : 2e couv. Val de France : 3e couv. Maillat A.C. : plande Maillat p.7 haut gauche. D.R. : p. 46 et 47. Ariane Films : p 14. Metropolitan Films : p. 15. Alhambra Films : p. 16. INA : p. 17. Arnouville et son passé : p. 42 c. Monique Petit :p. 42 d. Colette Alix : p. 40 b et c. Manuel Moleiro : p. 40 d. François Gentili : p. 41. Yasmine Eid-Sabbagh : p. 43 a, b, c. Ville de Garges-lès-Gonesse : p. 43 d, e. Muséed’Argenteuil : p.39 bas gauche, p. 48.

30 Fiche pédagogique :Résidences secondaires

32 Fiche pédagogique :Le «chez moi» de mes rêves

34 Fiche pédagogique :Opération bulldozer

36 Autres regards

38 Pour en savoir plus

39 Chantiersdu patrimoine :

40 50 ans de vies dans

le Grand Ensemble

41 Une découverte active

de l’archéologie

42 Un patrimoine partagé

43 Mémoire et

rénovation urbaine

44 Valoriser le patrimoine

de Val de France

46 En bref

48 L’invité : le musée d’Argenteuil

Les quatre numéros de la revue (2003, 2004, 2005 et 2006)ont reçu le soutien financier des Fonds Structurels Européens (Feder objectif 2)

S O M M A I R E

Page 5: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 3

IEditorial

Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les logements pourmesurer la diversité des manières d’habiter. Un coup d’œil surl’aménagement des balcons des immeubles suffit : ici séchoir, làdébarras, ailleurs espace de détente ou substitut de jardin... Demultiples acteurs contribuent à l’habitat, et même les occu-pants des logements les plus uniformisés transforment l’espaceconçu par les architectes pour l’adapter à un mode de vie et enfaire un «chez soi».

Le rôle des habitants ne s’arrête pas au seuilde l’habitation. Dans les lotissements pavillon-naires du début du XXe siècle comme dans lesgrands ensembles des Trente Glorieuses, ils sesont associés pour résoudre les difficultés de lavie quotidienne dans ces nouveaux quartiersprivés d’équipements, participant à l’aménage-ment de leur cadre de vie aux côtés des promo-teurs et des pouvoirs publics.

Nombreux sont les points communs entre cesdeux moments de l’histoire de l’habitat : la crisedu logement et le rêve d’une existence plusconfortable, l’arrivée massive de nouveauxhabitants et la cohésion de ces déracinés, lemanque d’infrastructures et la boue des chan-tiers, le bouleversement des communes d’im-plantation et la méfiance des «anciens» habi-

tants, le regard extérieur critique sur les «lotissements défec-tueux» et la «sarcellite»...

Pavillons et grands ensembles ne sont pas opposés, même sides décennies d’images et de discours ont mis en avant lesruptures au détriment des continuités. Aujourd’hui encore, denombreuses problématiques ignorent la distinction entre cesdeux types de logement, à commencer par l’importance de l’ha-bitat, pour notre existence privée tout autant que pour notre viecollective.

Catherine RothMission Mémoires et Identités en Val de France.

Page 6: HABITAT - Roissy Pays de France

4 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Ala fin du XIXe siècle, Sarcelles vivaitessentiellement à l’heure agricole. Laculture maraîchère, très développée

dans la commune, exigeait une main d’œuvreimportante : nécessité de tout planter à la main,binages réguliers, nombreux bras nécessaires àl’arrachage de la production. Si les petits exploi-tants pouvaient se contenter d’une maind’œuvre temporaire, les plus gros cultivateursembauchaient un ou deux ouvriers de manièrepermanente, le plus souvent venus de province.

Ouvriers agricolesLes ouvriers agricoles étaient la plupart du

temps logés par leur employeur, dans des locauxinitialement destinés aux usages fermiers, telsque buanderies, celliers, quand ce n'était pasdans une cave n'ayant qu'une porte donnant surla cour ou sur la rue. Le sol de ces logements étaitcarrelé, pavé, ou tout simplement en terre battue.Les murs intérieurs, sans revêtement particulier,étaient de gravats de plâtre, typique des cons-tructions de notre région.

L'air et la lumière entraient par l'uniqueouverture de la porte. La deuxième pièce,quand elle existait, ne profitait d'aucune aéra-tion. Selon la situation géographique des bâti-

ments, l'humidité était importante. Quand l'eausuintait trop le long des murs, on allumaitl'unique feu à bois ; mais beaucoup nepouvaient acheter le combustible nécessaire à lalutte contre ces effets néfastes.

Utilisés par l'ensemble des locataires d'unemême cour, les égouts et les latrines se résu-maient à un simple trou recouvert d'une grille.Le curage et le balayage n'étant jamais effectués,la saleté de ces cours était repoussante. L'accu-mulation des ordures et l'état de surface du solrendaient impossible l'évacuation des eauxusées ou pluviales. Ces mares stagnantes provo-quaient des émanations fétides, incommodanttout le monde par temps chaud, et constituaientdes foyers d'infection des plus dangereux.

JournaliersTout en bas de la hiérarchie sociale du monde

agricole, les journaliers venaient à Sarcellespour trouver de l’embauche à l’occasion destravaux saisonniers, binages, buttages, échar-donnages, arrachages, etc. La cueillette de petitspois, qui constituaient une part importante de laproduction locale, suscitait l’arrivée decentaines de ces journaliers, provinciaux, étran-gers ou clochards parisiens. Si certains trou-

Le logement ouvrierà la fin du XIXe siècle

Les difficiles conditions de logement de l’ouvrier parisien à la fin du XIXe siècle sont bien connues.Mais qu’en est-il dans les villages franciliens? Panorama de l’habitat des personnes les plus dému-nies dans la commune de Sarcelles, alors particulièrement marquée par l’insalubrité.

Logement d’ouvrier agricole composé d’une pièce dans le quartier les Chaussy-les Noyers à Sarcelles.

Page 7: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 5

vaient asile dans les granges ou les caves, bonnombre d’entre eux devaient passer la nuitdehors.

Un arrêté du maire signé en 1902 obligea ceuxqui ne pouvaient trouver un abri à séjournertout au fond de la place des Marais, entre deuxrangées d’arbres. L’alcool que ces sans-abri seprocuraient grâce aux quelques sous gagnésdans la journée animaient les soirées, et la maré-chaussée intervenait régulièrement pour mettrefin aux rixes.

Ouvriers d’industrieDeux immeubles de rapport, de quatre ou

cinq étages, furent construits avec la mise enservice de la ligne de chemin de fer, accueillantdes ouvriers d’industrie ou des employés.Quelques maisons du centre furent aussi trans-formées en immeubles de rapport. Le logementétait situé dans les étages, le premier étage étantsouvent réservé aux propriétaires. Il compre-nait, le plus souvent, deux pièces, l'une tenantlieu de salle à manger avec un mobilierrestreint, l'autre servant de chambre avec unentassement de lits de bois ou de fer, garnis de

UN RÈGLEMENT SANITAIREPOUR SARCELLES

Sarcelles était renommée pour son insalubrité,sans doute due à sa position en fond de vallée et àses marécages.A la fin du XIXe siècle, les épidémiesse succèdent, typhoïde, diphtérie, suette milliaire eten 1892, le très dévastateur choléra. La situationd'hygiène et de salubrité est telle que le mairepromulgua en mai 1905 un règlement sanitaire. Lesdispositions concernant le logement témoigne desconditions d’alors.

«Habitations : [...] Toutes constructions cons-truites en pierres, briques ou bois seront enduitesou tout au moins badigeonnées à l'intérieur à lachaux. La couverture et la sous-couverture enpaille des maisons, granges, écuries et étables sontinterdites [...] Le sol devra être surélevé de 30centimètres au moins au dessus du niveau exté-rieur […] Le sol en terre battue est interdit.

Cuisines : La cuisine, pièce commune, doit êtrelargement pourvue d'espace, d'air et de lumière[...] Et sera munie d'un évier(1).

Chambre à coucher : Toute pièce servant àl'habitation de jour et de nuit sera bien éclairée etventilée, elle sera haute d'au moins 2m60 sousplafond et d'une capacité d'au moins 25m cubes.Les fenêtres ne pourront mesurer moins de 1mètre et demi superficiel [...] L'habitation de nuitest interdite dans les caves ou sous-sols.

Cabinets et fosses d'aisances : [...] Chaquehabitation doit être pourvue de ses cabinets ou aumoins de tinettes placées sous abri(2). Les mêmes,plafonds et boiseries des cabinets seront munis derevêtements permettant d'être lessivés ou blanchisà la chaux».

(1) Il n'est pas encore question d'eau courante.(2) Dans les cours.

paillasse de foin ou de balle d'avoine pour lesplus petits.

Manquant des objets élémentaires de confort,n'ayant qu'un seul poêle pour cuisiner et sechauffer, la famille était contrainte de dormirdans cette unique chambre, bien qu’elle puissecompter jusqu’à cinq ou six personnes. Les sani-taires des immeubles les plus modernes, étaientsur chaque palier ; pour les autres, ils étaient soitau rez-de-chaussée, soit en fond de cour. C'étaitla civilisation des pots de chambre et autresseaux hygiéniques. L'eau puisée à la pompe ouau puits était montée à bras dans les étages,jusqu'au réduit tenant lieu de cuisine. Lesconditions de logement des ouvriers d’industrieétaient donc à peine meilleures que celles desouvriers d’agricoles.

Etienne Quentin,Sarcelles

Immeuble de rapport près de la gare de Sarcelles.

Place des Marais, les journaliers passent la nuit dehors,au moment de la cueillette des petits pois.

Page 8: HABITAT - Roissy Pays de France

6 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

L’ouverture, en 1859, d’une gare en pleinecampagne crée une situation complexe auxconfins de trois communes puisque la

station, bien qu’établie sur le territoired’Arnouville-lès-Gonesse, vise d’abord la des-serte des deux agglomérations les plus peuplées,comme le prouve son appellation «Villiers-le-Belet Gonesse» sans mention d’Arnouville, villageégalement distant de 2 km mais qui compte alorsà peine 300 habitants.

De l’industrie à l’habitatLe trait dominant de ce secteur agricole est la

présence de glaisières d’où on extrayait l’argilepour fabriquer de la brique pleine. L’arrivée duchemin de fer favorise le commerce de la briqueet au moment de l’ouverture de la gare, on

dénombre trois briqueteries sur le territoired’Arnouville entre la voie ferrée et le village, sanscompter celle toute proche implantée sur le terri-toire de Villiers-le-Bel. Autour des fosses et desfours se sont formés les premiers noyaux d’habi-tation : petites maisons construites souvent avecdes briques de rebut où se côtoyaient ouvrierssédentaires et saisonniers. Cette population d’ou-vriers comptait de nombreux étrangers – surtoutdes Belges, des Italiens et des Suisses – que lescommunes préféraient voir s’installer loin duvillage «pour ne pas troubler l’ordre public».

Les briquetiers disposant des meilleures instal-lations ont produit jusqu’à la guerre 39-45, maisles plus modestes, tel Malfète, doivent éteindreleur four et abandonner les fosses épuisées dès ledébut du XXe siècle. Ces terrains argileux, creusés,fouillés, plus ou moins aplanis à l’aide des débris

des fours, ont alors une faible valeurmarchande et intéressent les investis-seurs. A Arnouville, comme en biend’autres points de la Seine-et-Oise, deuxcatégories d’acquéreurs sont sur lesrangs : des marchands de biens ou dessociétés mutuelles d’épargne.

Ainsi les acquéreurs d’une partie desterrains de la briqueterie Malfète,le long du Chemin latéral prèsde la voie ferrée, sont deux associés,M. Deschamps et Mme Nottré quivendent rapidement le terrain en lots

Le pavillonnaire,entre rêves et nécessités

L'idéologie de la petite propriété et le désir d'une maison avec jardin ont suscité un tel engoue-ment qu’une marée de pavillons s’est déversée en banlieue parisienne. Dans les communes de Valde France, cette urbanisation s’est amorcée à la fin du XIXe siècle, avant de s’amplifier entre les deuxguerres, constituant une des plus vastes zones pavillonnaires de l’ancienne Seine-et-Oise. Retoursur cette histoire au travers de l’exemple arnouvillois, révélateur des stratégies et des enjeux dupavillonnaire.

N Une briqueterie en activité : montage desmeules à cuire et démontage des tas debriques cuites. Dessin de F.Brule. vers 1880.

Page 9: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 7

individuels. Dès 1889 s’y élèvent des habitationsqui ont gardé longtemps l’appellation «MaisonsMalfète», avec peut-être une consonance de déri-sion, car ce premier lotissement n’était certaine-ment pas viabilisé : pas de réseau d’eau ni d’as-sainissement, le bruit et les fumées des trains àvapeur en prime, puisque le trafic ferroviaireétait devenu particulièrement important sur cetteligne qui desservait aussi Chantilly et Creil…

De La Garenne de Gonesseà La Garenne d’Arnouville

Comme la multitude de sociétés mutuellesd’épargne qui se forment alors dans toute larégion parisienne, la Société «La Garenne» tireparti des premières lois en faveur de la propriétéprivée. En 1893, trois employés de la SociétéGénérale, à Paris, s’entendent avec d’autressociétaires pour, dans un premier temps à l’aidede droits d’entrée réunis, signer un bail associé àune promesse de vente pour acheter un terrainde 5 hectares situé sur Gonesse, mais formantenclave immédiatement au nord-ouest du pontde chemin de fer, dans une zone où les limites dela commune d’Arnouville franchissent curieuse-ment la route Gonesse-Villiers-le-Bel. Il faudraquatre années à Barlier, Dubois, et Mohr, et àleurs associés, pour réunir le capital prévu : ils seretrouvent chaque quinzaine, sans doute dans uncafé parisien, et chacun apporte son écot en préle-vant sur le modeste budget du ménage.

Que de rêves ont dû s’échafauder durant cettepériode occupée à tracer les 100 lots prévus, à lesrépartir par tirage au sort selon la bonne règle, ànouer des relations entre futurs voisins! On seprête Ma petite maison ou Not’Cabane, ces revuesmilitant en faveur de la propriété individuelle etdiffusant les thèses hygiénistes de la vie au grandair, les valeurs de l’épargne, de l’économie fami-liale favorisée par le petit élevage et le jardinage.La belle saison offre déjà la possibilité de diman-ches aux champs, de repas sur l’herbe… en atten-dant de pouvoir construire.

A gauche : plan du lotissement de la Société Mutuelle d’Epargne La Garenne, édifié à partir de 1897 sur le territoirede Gonesse, mais mordant sur la commune d’Arnouville. A droite : rue de l’Egalité, dans ce lotissement.

En 1897, «La Garenne» est enfin propriétaireaux Carreaux, non loin de la briqueterie Lefèvrequi vient d’être modernisée : l’avenir apparaîtradieux et dans l’enthousiasme, les membres dela société mutuelle d’épargne, devenue syndicatde co-propriétaires, nomment ses voiries, toutjuste tracées, Liberté, Egalité, Fraternité. Elles neseront empierrées que quelques années plus tard,l’eau est difficilement accessible, mais le syndicatva de l’avant et la rue de la Liberté et ses voisiness’éclairent à l’électricité dès 1908.

Peu auparavant, Dubois et Mohr, deux desinitiateurs de «La Garenne», forment cette foisune société anonyme pour lotir, à leur profit,3 hectares sur La Butte Saint-Blin, dans la conti-nuité du quartier voisin, de sorte qu’on appelleparfois ce lotissement «La Garenne d’Arnouville».Forts de leur expérience, ils confient les plans àl’architecte Duhamel qui commence par creuserun puits, à tracer les voiries et à prévoir un équi-pement collectif : une école intercommunale… quine sera finalement jamais réalisée. La Fraternitéaffichée au coin de la rue serait-elle devenue uneutopie en quelques années ?

Multiplication des initiativesPendant tout ce temps, les initiatives pionnières

ont fait des émules à proximité de la gare. En1902, deux frères, Raphaël et Georges Boutillié,achètent 15 hectares juste au sud de la voie qu’ilsvendent par lot en cinq tranches successives.L’ensemble est baptisé bourgeoisement «LeCottage». Les lotisseurs entendent établir unecohabitation de bon aloi et y construisent leurpropre demeure bien en vue au croisement dedeux rues.

Le souci d’hygiène et de confort est sans doutepartagé entre vendeurs et acquéreurs : très vitel’ensemble est équipé d’un puits, d’un châteaud’eau et d’un réseau de distribution. Les frais sontrépartis au pro-rata de la surface de chaquepropriété. Les employés des magasins et admi-nistrations parisiennes, des ateliers et usines de la

Page 10: HABITAT - Roissy Pays de France

8 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

proche banlieue affluent. Aussi, dès 1909, lacinquième section du Cottage est-elle vendue.

Fort du succès, les frères Boutillié, qui vivent deleurs rentes immobilières, renouvellent l’opéra-tion, juste de l’autre côté de la voie de chemin defer, en créant successivement l’Ermitage et le PetitErmitage. Ils dessinent eux-mêmes les plans –Raphaël est artiste peintre – plantent les rues,creusent le puits à leur frais, mais en restent cettefois seuls propriétaires; ils ont sans doute tiréleçon des limites financières des «petits proprié-taires» qui peinent à construire un logis «en dur»

à la place de leur maison de bois provisoire ; àmoins que les individualismes d’au-delà desclôtures rendent difficile la gestion de l’intérêtcommun…

La difficile création des équipementsAu cours de cette période, les municipalités

traînent à prendre en considération les demandesd’équipement de la part des habitants installéssur des marges territoriales aux limites adminis-tratives floues : dans une même rue, selon qu’on

L’avenue Carpeaux au Cottage, vers 1903.

L’avenue Carpeaux au Cottage, vers 1913. La réalisation des rues et des trottoirs, aux frais des propriétaires, facilite lavie quotidienne. Au fond de l’avenue, la maison des promoteurs du lotissement, les frères Boutillié.

Page 11: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 9

est propriétaire d’un côté ou de l’autre de lachaussée, on peut dépendre de deuxcommunes et de deux cantons différents. Leshabitants se constituent dès 1910 en Comité dedéfense des intérêts locaux des quartiers de lagare qui «s’occupera des questions de voirie,d’eau, d’éclairage public, des transports, despostes et télégraphes, des écoles, d’hygiène etsalubrité, de police, de surveillance, de fêtesetc.» : presque une commune libre en somme! Ilfaut dire qu’en 1913, sur 909 habitants répartis surl’ensemble du territoire d’Arnouville, il n’y enavait plus que 426 au village. Et l’ensemble despavillons – ou bicoques – des Charmettes édifiéssur les terrains fouillés par la briqueterie Bastin àVilliers-le-Bel ne font qu’accentuer le déséqui-libre.

Pourtant, il faudra attendre 1921 pour l’ouver-ture d’une école communale répondant auxbesoins du quartier. La commune d’Arnouvillerefusera le terrain offert gratuitement par les lotis-seurs de la Butte de Saint-Blin pour construireune école dans le lotissement, et le projet d’écoleintercommunale aux frais partagés des troiscommunes voisines, proposé par les «utopistes»de La Garenne et longtemps discuté, n’aboutirajamais. Des bâtiments de fortune affectés à deuxclasse près du Cottage et une école libre à LaGarenne seront un pis-aller jusqu’en 1921.

De la gare au villageParallèlement à cette urbanisation du quartier

de la gare, d’autres espaces s’offrent à la cons-truction individuelle. Même le briquetier Marlierarrête les fours établis depuis des lustres dans laplaine entre la gare et le village pour équiper à sesfrais et commercialiser dès 1909 le lotissementBeauséjour. C’est la première étape de l’urbanisa-tion continue qui reliera le village à la gare aprèsla guerre 14-18.

Au cours de la guerre tout ce territoire sert dezone de repli pour les unités et les blessés, leslignes ferroviaires sont investies par les convois

militaires. Même si la vie était souvent difficile etinconfortable sur bien des lots individuels,chacun était prêt à manifester gaiement la satis-faction de «voir avancer les choses» : la place dela gare avait bonne tournure, une poste, unmarché et divers commerces s’installaient, leswagon de gadoues qui empuantissaient l’airétaient maintenant garés plus loin, il y avait dutravail sur place pour les hommes à la briqueterieet pour les femmes, tout près de là, à «l’usined’électricité» qui fabriquait des ampoules.

La paix rétablie, les choses vont changer.Depuis 1913 la loi réglementait les statuts etle fonctionnement des sociétés mutuellesd’épargne. Les textes prévoyaient la possibilitépour une association autorisée de réaliser deséquipements d’utilité publique – à l’instar de cequi s’était fait spontanément à la Garenne ou parles lotisseurs privés de Saint-Blin, du Cottage oude Beauséjour. Mais dès les premières années del’après-guerre, sous les poussées conjuguées de lacrise du logement à Paris et de l’arrivée massivede provinciaux dans les usines du départementde la Seine, l’urbanisation s’emballe.

Une loi sociale de 1922 exempte les lotis del’impôt communal : le mal-logé parisien s’em-presse d’acquérir un coin de champ souventdivisé à la va-vite par des aigrefins et ne fait que«échanger son taudis contre un autre», selon lemot du député Henri Sellier. Les problèmes des«mal lotis» font la une des journaux, et desmesures doivent être prises pour régler la ques-tion «des lotissements défectueux». La popula-tion arnouvilloise est plus que quadruplée aucours de cette seconde période des lotissements,qui reste à étudier.

Marie-Madeleine Canet Atelier de Restitution du Patrimoine

et de l’Ethnologie.Conseil général du Val-d’Oise

Avec la documentation de l’association Arnouville et sonpassé et les ouvrages de référence d’Annie Fourcaut.

La briqueterie Marlier, dans la plaine, entre la gareet le village, qui laisse place au lotissement Beauséjour,commercialisé à partir de 1909.

N Le comité intercommunal contre la vie chère en 1919(Arnouville-Gonesse-Villiers-le-Bel). Le comité s’estinstallé dans la baraque qui a abrité la vente des lots dulotissement L'Ermitage.

Page 12: HABITAT - Roissy Pays de France

10 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Que sont les «Grands Ensembles»? Lesgéographes, sociologues, architectes,économistes, juristes, historiens n’en ont

pas la même définition… Ils s’accordent néan-moins sur les aspects suivants : il s’agit de quar-tiers d’habitat collectif, dont l’autonomie urbaineest assurée par le nombre de logements (plusieurscentaines) et par une forte densité en équipe-ments collectifs. Ils sont conçus comme de vraisquartiers, développant une sociabilité propre, dufait d’un urbanisme spécifique et de la présencede nombreuses structures favorisant un voisinageactif. Ce «modèle» a été retenu par les pouvoirspublics en France à la fin des années 1950, aprèsbien des tergiversations…

Depuis la fin du XIXe siècle,une crise du logement s’étaitenracinée en France. Elle étaitdevenue, dans l’après-guerreplus dramatique que jamais.15 % du parc immobilier de1939 a été endommagé et leshabitations urbaines ont ététout particulièrement touchées.L’exode rural et la croissancedémographique accentuaientla gravité de la situation. Cettecrise frappait l’ensemble duterritoire et des classes sociales,mais plus encore les grandes

agglomérations et les familles ouvrières. Onmanquait de logements et le parc immobilier étaitsurpeuplé et vétuste. Dans les villes de plus de30 000 habitants, 95 % des immeubles étaientdépourvus de tout confort (eau courante, électri-cité, gaz, tout-à-l’égout et chauffage central) etseul un logement sur dix possédait une salle debain.

De multiples responsablesLe ministère de la Reconstruction et de

l’Urbanisme (MRU) était en charge de cette ques-tion urgente, mais il devait inscrire son actiondans le cadre des décisions d’abord prises par leCommissariat Général au Plan, qui fixait les prio-

rités budgétaires de l’Etat. Orjusqu’en 1953, l’heure était àla production industrielle,pas au logement. Le MRUdevait aussi compter avec lesbailleurs de fonds (en parti-culier la Caisse des Dépôts et

Des chantiers

Comment répondre à la crise aiguë du logement qui sévissait après la Seconde Guerre mondiale ?Les pouvoirs publics ont tâtonné avant de promulguer en 1958 le décret des ZUP qui systématisala politique des grands ensembles. Décryptage de ces années d’hésitations et d’expérimentations,qui ont vu de nombreux chantiers de construction sur le territoire de Val de France.

V Castors et premiersimmeubles du grand ensemble,construits à Sarcelles en 1955.

N Logement insalubre à Pantin,1953.

Des chantiersexpérimentaux aux ZUP

Page 13: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 11

puis montés sur le chantier, organisé de façon«tayloriste» (tâches simples et répétitives enchaî-nées de la façon la plus rationnelle possible). Ces«chantiers industrialisés» furent menés en 1947,puis en 1948 et en 1949.

Au même moment, le MRU construisit aussises premiers grands ensembles, dénommés ISAI(Immeubles Sans Affectation Individuelle). Ce futun échec, mais le MRU n’abandonna pas cettevoie. Il créa en 1951 le Secteur Industrialisé, dontla mission était la construction de logementscollectifs industrialisés, dans le cadre deprogrammes groupés et massifs… bref des«Grands Ensembles», construits à la suite deconcours et devant être attribués à des orga-nismes d’HLM.

Parallèlement à ses opérations industrialisées,le MRU soutenait les initiatives individuelles. En1950 est créée l’ «aide à la pierre», système deprimes à la construction qui aboutit à la créationd’un «secteur aidé» dans le logement, aux côtésdes secteurs sociaux (HLM) et libre (marchéimmobilier). Cette loi a stimulé la construction depavillons individuels construits selon desméthodes traditionnelles.

Consignations), les maîtres d’ouvrage (en parti-culier les organismes d’HBM, ancêtres des HLM),les élus locaux, les associations (associations delocataires, de sinistrés, etc.), ainsi que les entre-prises en bâtiment, souvent archaïques etconfrontées à une pénurie de main d’œuvre,surtout spécialisée. Le MRU avait pour missionde réglementer, de coordonner et de stimuler tousces intervenants, mais n’avait pas véritablementun rôle de direction et d’impulsion.

Stand du MRU au Salon des Arts Ménagerspour enquêter sur les attentes en matière de logement.

Construction d’un pavillon à Villiers-le-Bel en 1959.

Primes, prêts et plans-typesEn 1953, le «plan Courant» instaura la contri-

bution des patrons à l’effort de construction par le«1 % patronal», renforça les primes et les prêts àla construction et les lia au respect de plans-typesde logements. Il a entraîné un essor massif etdurable de la construction de logements indus-trialisés en accès aidé à la propriété, lesLOGECOS (logements économiques et fami-liaux). L’engouement a été immédiat chez lesparticuliers, mais aussi chez les organismes cons-tructeurs, comme les SCI (Sociétés deConstruction Immobilière), les organismesd’HLM ou encore les Castors, ces coopératives deconstruction qui regroupaient des travailleursdésireux de construire eux-mêmes leur logement.

Ainsi les cités castors construites dans nosquatre communes comptaient de nombreuxLOGECOS. On peut notamment citer le grand

Pour pouvoir diriger les efforts de tout ce petitmonde, il aurait d’ailleurs fallu savoir quelchemin emprunter! Fallait-il construire des loge-ments collectifs, peu gourmands en réservesfoncières, ou des logements individuels, plusfaciles à intégrer dans l’urbanisme préexistant?Fallait-il opter pour la production artisanale, quigarantit des logements très durables mais dont lescoûts très élevés interdisent une production demasse, ou pour une production industrialisée, quipermet le recours à une main d’œuvre non quali-fiée? Fallait-il soutenir le logement social, quipermet de loger une population, nombreuse, nonsolvable, ou l’accession à la propriété, qui permetde limiter l’engagement financier des pouvoirspublics? Toutes ces questions, et bien d’autres,n’avaient pas été tranchées. Le MRU encourageadonc dans les années 1950 tous les efforts de cons-truction, quels qu’ils soient, et il mena lui-mêmede nombreux chantiers, dans le but de «tester» lesdiverses formules de logement.

Des logements pour tous les goûts…La préférence des Français allait au pavillon

individuel, avec un jardin individuel, le toutentouré de verdure… Par conséquent les premiersessais de construction du MRU portèrent sur despavillons, construits de façon industrialisée afind’en minorer le coût : les éléments de constructionétaient préfabriqués en usine, selon des processusindustriels (production massive et standardisée),

Page 14: HABITAT - Roissy Pays de France

La cité de la Cerisaie (au premier plan) et la résidence Villiers (au second plan), deux programmes LOGECOS cons-truits à Villiers-le-Bel en 1957 et 1955. Ce ne sont pas encore des grands ensembles, mais déjà des immeubles collectifs.

12 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

chantier de 200 LOGECOS en pavillons indivi-duels à Garges-lès-Gonesse, mené par la sociétéBaticoop, une structure émanant du mouvementCastor. On retrouve aussi des LOGECOS dansles programmes de logements collectifs de la citéde la Cerisaie (248 logements) et de la RésidenceVilliers (104 logements), construites par des SCIà Villiers-le-Bel.

Le tournant de 1954-1955Les nouvelles possibilités offertes par le plan

Courant étaient le fruit d’un contexte financierplus favorable à la politique du logement.L’amplification de la croissance économique etla réorientation des priorités du Plan en direc-tion de la construction expliquent l’investisse-ment nouveau des pouvoirs publics dans le

secteur du logement à partir de 1953, et surtoutde 1954.

Ce changement prit avec l’appel de l’AbbéPierre des allures spectaculaires. Prononcée le1er février 1954, cette déclaration visait àprotester contre les effets mortels de la crise dulogement et à instaurer une mobilisation natio-nale pour vaincre ce fléau. Elle connut unextraordinaire écho dans le pays.

En réponse à ce cri d’alarme, des cités d’ur-gence furent construites par le MRU un peupartout en France, et notamment dans nosquatre communes. Ces pavillons préfabriqués,construits dans l’urgence pour répondre à lapression de l’opinion publique, se transformè-rent immédiatement en « taudis neufs». Ladéconvenue fut telle pour le MRU, et l’ensemble

Cité d’urgence à Villiers-le-Bel, construite en 1955.

Programme de 200 LOGECOS à Garges-lès-Gonesse,entrepris en 1954. Le pavillon s’industrialise.

Page 15: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 13

du pays, qu’elle fit pencher la balance vers leslogements collectifs.

Ecartant désormais ce contre-modèle, les ingé-nieurs du MRU privilégièrent l’option des grandsensembles, tout en conservant les dispositifs deprimes, prêts et logements-types. Plusieursdizaines de milliers de logements collectifs indus-trialisés furent alors construits sur tout le terri-toire français dans le cadre de diversprogrammes : les «Logements Million», loge-ments de normes inférieures aux logements HLMtraditionnels, et matrice des LEN (LogementsEconomiques Normalisés) et des LOPOFA(Logements Populaires Familiaux).

Une terre d’élection La bonne situation géographique de nos

communes, proches de Paris, et la disponibilitéde réserves foncières, nécessaires à la réalisationde grandes opérations, mirent le territoire de Valde France au premier rang de cette vague deconstruction de grands ensembles. La SCIC,filiale de la Caisse des Dépôts, entreprit la cons-truction de la première tranche de Sarcelles-Lochères dès octobre 1955. Dans le même temps,elle entama les procédures administratives pourle programme des Carreaux à Villiers-le-Bel, dontle premier coup de pioche fut donné en 1956. Etfin 1955, dans la continuité de la construction depavillons industrialisés à Garges-lès-Gonesse, lasociété Baticoop déposa un projet pour le lieu-ditla Dame Blanche, qui, après diverses modifica-tions, aboutit à la construction de Dame BlancheOuest et Dame Blanche Nord.

L’exception arnouvilloise se manifesta néan-moins avec vigueur. Pour contribuer à l’effortnational de construction et de lutte contre la crisedu logement, le maire d’Arnouville-lès-Gonesse,M. Mazurier, préféra le pavillonnaire. Il refusaitles grands ensembles, à propos desquels il lançacette interrogation : «Serons-nous condamnés àvivre en caserne?». Il conçut donc plusieurs petits

programmes pavillonnaires industrialisés etlança en septembre 1955 un chantier rationalisécomprenant 205 pavillons préfabriqués.

Tous ces chantiers battaient leur plein, lors-qu’en 1958 le nouveau ministre de laConstruction systématisa et formalisa la politiquede grands ensembles, en créant les ZUP (Zones àUrbaniser en Priorité). Ce dispositif, qui reprendde nombreux éléments expérimentés depuis1955, est depuis devenu le symbole de cette poli-tique nationale. L’exemple de nos communes,véritable musée vivant de l’histoire du logement,montre que les ZUP ne furent pas le point dedépart des grands ensembles en France, maisseulement une étape supplémentaire dans leur«genèse». Leur difficile et long accouchement,devrions-nous dire!

Gwenaëlle LegoullonUniversité Paris 1

Visite de l’exposition d’urbanisme Demain Paris par leprésident de la République et le ministre de laConstruction, Pierre Sudreau, en 1961. Le logement estdevenu une priorité de l’Etat.

Chantier du grand ensemble Les Carreaux àVilliers-le-Bel, vers 1957.

Page 16: HABITAT - Roissy Pays de France

14 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Le ton change quand le même Jean Gabinrevient à Sarcelles pour Mélodie en sous-sol(Henri Verneuil, 1963). Libéré d’une longuepeine de prison, Charles descend en gare deSarcelles. Il cherche sa maison au milieu desimmeubles qui ont poussé comme des cham-pignons et continuent de sortir de terre en deuxsemaines à peine :

« Pardon, la rue Théophile-Gautier, s’il vousplaît?

– Théophile Gautier, ici, à Sarcelles ? Çan’existe pas!»

Et Gabin-Charles de se lamenter à hautevoix : «Bah, ils ont tout de même pas rasé macabane, Ginette m’aurait écrit… Et ben!… Direque j’avais acheté ici pour les arbres et puispour la zone verte… C’est devenu New York, lazone verte!»

Henri Verneuil fait ressortir le gigantisme destours en les filmant en contre-plongée. Les

Au début des années 1950, les productionsfrançaises de cinéma quittent les studiospour tourner en décors naturels. Paris,

bien sûr, mais aussi la banlieue, restent des sujetsde prédilection. Dans ce contexte, dès la cons-truction des grands ensembles, Sarcelles a attiréles cinéastes.

En 1959, pour son film Rue des prairies, Denysde la Patellière y pose sa caméra. Il filme JeanGabin, contremaître sur le chantier du quartierde Lochères. Sans prendre parti sur la construc-tion des grands ensembles, le cinéaste observe lesdures conditions de vie de la classe ouvrière :Henri Neveux peine pour élever au mieux sa filleOdette (Marie-José Nat), son fils Louis (ClaudeBrasseur) et Fernand, l’enfant adultérin de sonépouse décédée. La grisaille des semaines, larudesse du travail contrastent avec la tranquillitédes dimanches, dans une guinguette paisible etverdoyante, sur la plage de l’Isle-Adam.

Gros plans surles Grands Ensembles

Journalistes, sociologues, romanciers,… tous sont venus observer les tours et les barres surgis-sant de terre aux portes de Paris. Les grands ensembles ont fasciné, et particulièrement Sarcelles-Lochères, qui a donné son nom à ce qu’on appelait alors la «maladie des grands ensembles», la«sarcellite». Le petit et le grand écran ont été des acteurs clefs de cette fabrique d’images et dediscours. Arrêt sur image.

Denys de la Patellière pose sa caméra à Sarcelles pour raconter la dure vie d’un contremaître du chantier de Lochères.

Page 17: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 15

dialogues signés par Michel Audiard semoquent des slogans publicitaires de l’époque,qui invitent les «sans-abris» et autres Françaismodestes à quitter leurs taudis parisiens pourrejoindre les nouveaux pionniers dans cesappartements modèles aux cuisines équipées etbranchés sur le tout-à-l’égout.

Une société déshumaniséeLa Patellière, Verneuil ou Pierre Granier-

Deferre avec Le Chat (1971), tourné à Cour-bevoie, opposent les grands ensembles auximages stéréotypées du Paris populaire. Lesblocs de béton érigés dans l’urgence symboli-sent une société en pleine mutation qui oublieses repères traditionnels, au risque d’unedéshumanisation. Ces cinéastes de l’habitatnégligent les habitants, leurs caméras restent àl’extérieur, ne franchissent pas les halls d’en-trée, encore moins les cages d’escalier.

Entre temps, dans Deux ou trois choses que jesais d’elle (1967), Jean-Luc Godard se fait socio-logue, scrute Paris et La Courneuve, en yincluant des plans purement documentaires.Prenant le mot «ensemble» à la lettre, il inscritle destin individuel d’une prostituée occasion-nelle dans un moment précis de la vie dupaysage urbain, faisant de la banlieue et de lafemme un double sujet/objet d’observation ;l’immeuble est vu de l’extérieur, puis de l’inté-rieur, comme si on entrait à l’intérieur d’uncube. Néanmoins, Godard rejoint ses pairs enfilmant des personnages immobiles dans une

banlieue-dortoir, au milieu du mouvementperpétuel des pelleteuses et des marteaux-piqueurs.

Quand le septième art représente la vierythmée des cités, c’est pour en faire le lieu deprédilection des délinquants. Les Gabin,Ventura, Delon et Belmondo, truands embour-geoisés des Trente Glorieuses, cèdent la placeaux voyous des banlieues. En 1973, dans Il n’y apas de fumée sans feu, André Cayatte investit lesFlanades, la place de France et la Maison de laJeunesse et de la Culture pour dénoncer lacorruption des édiles locaux et la collusionentre le pouvoir politique, la police et la justice.Dans Dernière sortie avant Roissy (Bernard Paul,1977) Monique (Anne Jousset) et Didier (PierreMondy), qui vivent dans un immeuble deSarcelles, s’enfoncent peu à peu dans la médio-crité, elle le trompant avec un collègue, luidérobant des pièces automobiles chez sonpatron. Barricadé dans son appartement, il finitpar tirer sur la foule avant de se rendre. Ici, lecinéaste met en exergue la promiscuité, l’isole-ment et l’aspect concentrationnaire des grands

En 1973, André Caillatinvestit la place de France pourles besoins de Il n’y a pasde fumée sans feu. BM

Page 18: HABITAT - Roissy Pays de France

16 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

ensembles. Néanmoins, la fin se veut optimiste.Quand la foule se disperse de l’esplanade oùelle s’était rassemblée, le générique se déroulesur l’air de «Ma jeunesse est source de vie» et«Laissez-moi croire en l’avenir».

L’intégration réussieNé à Garges-lès-Gonesse et habitant Sarcelles,

Malik Chibane s’est peut-être inspiré de cettefin optimiste de Dernière sortie avant Roissy pourréaliser ses chroniques de la banlieue, àGoussainville pour la première, à Sarcellespour les deux autres : Hexagone (1993), Nésquelque part (1997) et Voisins, voisines (2005).Dans ce dernier film, les adolescents paumésd’Hexagone sont devenus trentenaires, leurniveau de vie a changé et certains ont accédé àla propriété. Ceux de la Résidence Mozart,

coincée entre le village et le grand ensemble,fêtent avec un an d’avance la fin de leur créditimmobilier. On croise dans la cage d’escalier unconseiller municipal un peu magouilleur, unejuive tunisienne, un rappeur en mal d’inspira-tion… Religion et couleur de peau ne sont qu’ac-cessoires pour tous ces voisins de palier.

Si les personnages sont un peu stéréotypés, lediscours ne l’est pas. Loin du misérabilisme et dela représentation gratuite de la violence, MalikChibane conteste le prétendu échec de l’intégra-tion, devenu depuis quelques années un truismedu discours médiatique et politique. Sa visionn’est pas béate ni sottement optimiste, elle s’at-tache à mettre en lumière des modèles d’intégra-tions réussies.

Karin Albou adopte une problématique iden-tique dans La Petite Jérusalem (2005). Dans ce jolifilm, la réalisatrice évoque les errements de deuxsœurs juives élevées à Sarcelles. Coincées entrela tradition et la modernité, le poids de la reli-gion et le désir d’émancipation, Laura etMathilde s’interrogent sur la loi, voient leurscertitudes vaciller et inventent leur propreexpression de la liberté et du désir. En se plaçantau plus près des habitants, la caméra sembleavoir enfin apprivoisé les grands ensembles.

Patrick GlâtreMission Images et Cinéma

Conseil général du Val-d’Oise

Dans Voisins, voisines,Malik Chibane place lacaméra au plus près deshabitants.

Page 19: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 17

Dès les années 1960, la télévision s’est aussi saisiedes grands ensembles. Les actualités et documen-taires d’information réalisés lors de leur constructiontémoignent d’une même fascination, oscillant entrecuriosité et stupéfaction. Imaginons ce que pourraitêtre un film qui proposerait une synthèse de cesdocuments et, en mettant bout à bout des morceauxde commentaires d’époque, mettons-nous à la placedu spectateur qui, dans une France en pleine muta-tion et vouée entièrement à la modernisation de seséquipements et de ses modes de vie, assistait devantson poste de télévision à l’édifica-tion du nouveau Sarcelles.

Suivant un scénario fortementstéréotypé, le journaliste nouslivre pour commencer unedescription peu avantageuse dusite et du contexte : «Il y a dix ansà 15 kilomètres de Paris, ce tran-quille village d’Ile-de-France n’étaitpeuplé que de retraités et demaraîchers, c’était vraiment la vierustique à la campagne»(1). Puis,pour souligner la rapidité du chan-gement, le commentateur du filmajoute : «Une ville nouvelle de40 000 habitants a surgi à proxi-mité, elle a poussé comme unchampignon et sa croissance estloin d’être achevée. Le grandSarcelles, cité artificielle du XXe

siècle, semble le prototype desvilles sans passé qui naissent unpeu partout». Voilà comment, audétour d’un plan que renforce ladureté du commentaire, se créent des stéréotypesqui deviendront bientôt des stigmates. Puisque lechoc est brutal et le phénomène inédit, le journalisteconvoque alors le spécialiste, qui, en soulignant lanouveauté du phénomène lui donne aussi une portéeglobale : «On les appelle les grands ensembles, on lesappelle aussi les villes dortoirs. Elles doiventpermettre aux familles de vivre loin de l’agitation etde l’air malsain des grandes cités, elles existent dansle monde entier, les urbanistes et les sociologues leurconsacrent des volumes et des congrès»(2).

L’innovation réside principalement dans les modesconstructifs et la massification, autant que l’industria-lisation du bâtiment, expliquent le gigantisme de cesprojets : «L’architecte fait ici équipe avec l’ingénieurpour calculer et prévoir les moindres détails commeon prépare l’exécution d’une pièce de mécanique.Onpeut construire industriellement même avec desmatériaux traditionnels (…) Cette pierre dont lamise en place elle-même a été minutieusementétudiée, est prétaillée mécaniquement en quatredimensions seulement pour l’ensemble de ce vasteprogramme»(3). Les programmes, conçus pour des

espaces théoriques sur des plans d’urbanisme parfoisdéconnectés du terrain, déroutent parfois : «Certesla nécessité de construire vite et économiquement asuscité des façades standardisées.Tout semble inter-changeable et l’envers vaut l’endroit. La topographieparaît simple et l’on perd pourtant le sens de l’orien-tation»(4)

Une fois le décor planté et le portrait du chantierdressé, le journaliste change d’échelle,passant de l’im-meuble à l’unité d’habitation. Seulement alors, appa-raissent ceux pour qui ces immeubles sont édifiés : de

bien mystérieux habitants que l’onregarde vivre avec empathie et unecrainte teintée d’admiration quel’on ressent pour le pionnier,découvreur de terres inexplorées :«Au point du jour, on prend cons-cience de ce que c’est qu’une villedortoir, les hommes sont partistravailler et le grand ensemble vavivre sa journée uniquement avecdes femmes et des enfants. Noussommes ici dans un universdomestique, dans un ensemble defoyers, une ville sans usines, sansbureaux, sans ateliers, sans fumée,sans bruit, sans circulation»(5).Voilàcomment s’invente la sarcellite,maladie des grands ensembles,dont l’antidote sont les habitantseux-mêmes. Jamais le journalistene se fait analyste et rarement ilnous dit d’où viennent ces 40 000nouveaux voisins. S’il constate lesbouleversements, il ne les met pas

en perspective et ne nous apprend rien des formesinédites de sociabilité et de solidarité qui se mettenten place.Tout au plus retrouve-t-il son interrogationdu départ sur l’avenir supposé de cette cité modèle,laissant percer l’espoir sous la curiosité : «Les enfantssemblent heureux à Sarcelles en l’an 10 de son exis-tence. (…) En lui donnant une âme ils lui font unavenir, demain les espaces verts, les arbres et lesfontaines finiront peut-être par avoir raison»(6).

Olivier Millot

(1) Sarcelles, ville sans passé, Pathé-Gaumont archives, 1965.(2) «40000 voisins», 5 colonnes à la Une, INA, 1962.(3) Bâtir à notre âge, Les Films Roger Leenhardt, 1962.(4) Sarcelles, ville sans passé, Pathé-Gaumont archives, 1965.(5) «40000 voisins», 5 colonnes à la Une, INA, 1962.(6) Sarcelles, ville sans passé, Pathé-Gaumont archives, 1965.

GRAND ENSEMBLE SUR PETIT ÉCRAN

V Photogrammes de l’émission 5 colonnes à la une consa-crée à Sarcelles, 1962.

Page 20: HABITAT - Roissy Pays de France

18 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

co-propriétaires. Suivirent peu de temps après,les logements de Dame Blanche V Les Mouettes,de GIAL, de l’Habitat Communautaire, del’OCIL, du FFF, de la Société Auxiliaire deConstruction Immobilière…

Un noyau fondateur Parmi les premiers habitants des Vergers, un

groupe décida de constituer une associationd’animation afin de faire face au sentiment d’iso-lement et à l’absence quasi-totale d’équipementen matière de santé, de commerces, de loisirs...L’Association Animation Dame Blanche (AADB)fut créée officiellement en mars 1961, formali-sant le réseau constitué autour des premièresinitiatives collectives, telle une «brigade phar-macie» organisée pour occuper les jeunes etpallier l’absence de pharmacie.

L’initiateur était Claude Frin. Né dans le 19e àParis, il fut un temps cadre chez Citroën – beau-coup des premiers habitants de la DameBlanche travaillaient d’ailleurs dans cette entre-prise – puis devint directeur d’entreprise. Sonpassage par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne luiavait permis de tisser de nombreuses relationsparmi les prêtres ouvriers. Il constitua unnoyau de plusieurs jeunes couples, les Jullydont l’époux, né dans le même arrondissement,

La société de construction Baticoop, lancéepar Michel Anselme, un des cofondateursdes «Castors», construisait en 1954 un

programme de 200 logements à Garges-lès-Gonesse, lorsqu’elle y acheta 140 hectares pourun ambitieux projet de cité nouvelle. Descontraintes administratives retardèrent cepen-dant le lancement du chantier et obligèrentBaticoop à s’associer à d’autres sociétés immobi-lières. A partir de mai-juin 1960, Dame Blanche ILes Vergers (482 logements) accueillait ses occu-pants, des «sociétaires» qui deviendront ensuite

Des habitants animateursDans les quartiers en chantiers, les premiers habitants se sont regroupés pour résoudre lesproblèmes de la vie quotidienne, et parfois, donner une âme à un territoire sans passé. Naissancede l’Association Animation Dame Blanche, créée en même temps que le grand ensemble DameBlanche à Garges-lès-Gonesse, dans l’enthousiasme.

Les Vergers en 1960. Les premiers logements sontachevés mais les équipements inexistants.

Page 21: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 19

était contremaître dans une usine de piècesdétachées pour l’automobile et par ailleursprofesseur de judo, les Le Jean dont le mari étaitauteur-compositeur… Socialement, ce groupeétait assez représentatif des classes moyennesformant les premiers habitants des Vergers.

Des animateurs pionniersConstituée au départ des seuls sociétaires des

Vergers, l’AADB s’ouvrit très vite aux autreshabitants du quartier, puis à l’ensemble desGargeois. Les sections, ouvertes à tous, maris,épouses, enfants, se créaient à partir des savoir-faire et des passions de chacun : judo, théâtre,photo-cinéma, peinture, bricolage…

Dès la création de l’association, on assisteainsi à un joyeux foisonnement d’activités,marquées par l’entraide, la «débrouille» collec-tive, l’enthousiasme et la volonté de non cloi-sonnement entre équipes : cendrier offert enjuin 1961 aux premiers mariés de la DameBlanche, «pension pour plantes vertes»proposée en août par trois épouses aux habi-tants partis en vacances, soirée variétés donnéele 4 novembre au foyer Pierre Sémard, avec auprogramme, entre autres, deux pièces deCourteline, un concert de piano, un récital de

chanson, des sketches, une démonstration dejudo, un film sur la construction du premierlocal de l’association… Le 11 novembre un balfut encore organisé, puis pour les fêtes de find’année, l’animatrice de la section «peinture-décoration» orna les entrées de fresques surcellophanes et parsema des «étoiles-lanternes»sur les vitres des logements.

Cette même année, l’association lança DameBlanche Gazette et acquit son premier local.Claude Frin ayant eu en effet connaissance, parun prêtre ouvrier de ses relations, d’unebaraque en bois à Pantin, un groupe alla ladémonter et la remonta sur la dalle d’uneépicerie qui venait de déménager. A Noël, ungrand sapin illuminé fut élevé à proximitédonnant lieu à un spectacle musical. L’AADBaborda même le terrain revendicatif en faisantpression pour que l’Union commerciale, quipratiquait localement des tarifs élevés, nepuisse s’implanter dans le premier centrecommercial, Place des Vergers.

En lien étroit avec le constructeurLes relations avec Baticoop furent étroites,

malgré les exigences répétées de l’AADB pourque la société se plie à ses obligations légales enmatière de locaux associatifs. Cette proximitéengendra d’ailleurs une certaine confusion,d’où cette mise au point dans un numéro deDame Blanche Gazette : «Les animateurs ne sontune émanation ni des organismes constructeursni des conseils d’administration de nos sociétés.Cependant c’est en plein accord avec le conseild’administration de la Société Dame blanche Iles Vergers que l’association d’AnimationDame Blanche fut créée».

V 1er mai 1961, les enfants des animateurs, habillés enclochettes, remettent le muguet au maire de Garges,Mme Carnajac.

N Représentation théâtrale Les Boulingrin deCourteline, vers 1962. De gauche à droite : Noël Le Jean,Jean Jully, Mme David.

L’édification de la «Baraque», premier local de l’AADB,aux Vergers au cours de l’année 1961.

Page 22: HABITAT - Roissy Pays de France

20 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

L’interlocuteur privilégié de l’AADB étaitAlbert Coustenoble, vice-président deBaticoop. Pour cet ingénieur de formation,l’animation représentait, avec les équipements,les seuls moyens d’échapper à la délinquance,l’ennui et l’isolement, ces grands dangersmenaçant la ville nouvelle. Il s’en expliqua aucours d’une conférence, le 8 décembre 1963 : ilfallait «créer le mouvement, en attirant lespromeneurs par les curiosités, les fêtes popu-laires, le sport. La ville nouvelle doit sedétendre et recréer à toutes occasions lesrencontres bariolées des agoras de l’antiquité,des marchés, des foires, des expositions, descarnavals, des plages…».

Baticoop n’offrit pas d’aide financière maisproposa divers services à l’AADB : elle conçutson logo, inséra, en 1962, Dame Blanche Gazettedans sa propre revue, Le Lien, proposa la mêmeannée un espace au sous-sol du bâtiment Nopal,que l’AADB aménagera en «Club Nopal».Celui-ci vite devenu insuffisant, Baticoop parti-cipera, avec l’Association pour les équipementssociaux, émanant de l’OCIL, à la création duCafé Club, un local à usage associatif – que laCaisse d’Allocations Familiales utilisera égale-ment – inauguré en 1969.

Baticoop aida également à la promotion del’AADB auprès des pouvoirs publics. Ainsi, le 18novembre 1961, ce fut dans ses propres locauxparisiens, en présence de MM. Anselme etCoustenoble, que Claude Frin et des animateurs,accompagnés de représentants du Conseild’Administration des Vergers, présentèrent leursactivités à M. Macé, Directeur de l’aménagementfoncier et de l’urbanisme, et à un membre duministère de la Santé. Malgré cette reconnais-sance publique, une structure comme la Caissed’Allocations Familiales offrit une fin de nonrecevoir aux demandes de soutien financier.

«Sarcellite» ou vie harmonieuseS’ils partageaient les critiques formulées à

l’encontre de certains grands ensembles,comme celui construit par la SCIC à Sarcelles,les animateurs de l’AADB refusèrent decondamner en bloc le nouvel urbanisme. Partisvisiter, en juillet 1962, les Grandes Terres, unecité de 1 480 foyers à Marly-le-Roi, ils revinrent«enthousiasmés, rêveurs, imaginant la Dame

Blanche dans trois ans». Les immeubles étaienten effet groupés par quatre «autour de squaresspacieux possédant bacs à sable, mur de jeu,bancs et bassin», le centre commercial était«immense, magnifique», et les équipementssportifs nombreux…

Claude Frin participa encore à la table rondeorganisée le 11 janvier 1964 à la mairie annexede Sarcelles-Lochères sur le devenir deSarcelles, au cours de laquelle François BlochLainé, président de la Caisse des Dépôts etLéon-Paul Leroy, directeur de la SCIC, rencon-trèrent des animateurs d’associations et demaisons des jeunes.

L’ATELIER D’HISTOIREDES ASSOCIATIONS

Valoriser la mémoire des associations, tel estl’objectif de l’atelier initié en 2004 par la MMIV, enpartenariat avec les Archives municipales, leCentre de Ressources des Associations et unevingtaine d’associations de Garges-lès-Gonesse.Après une collecte de mémoire orale et un travailsur les archives associatives (rencontres, éditiondu guide Associations à vos archives, rechercheshistoriques), une publication est à paraître fin2006. Comme cet article, elle s’appuiera sur lestémoignages et les documents collectés par l’ate-lier, afin d’offrir un aperçu sur la richesse de l’his-toire associative locale.

Albert Coustenoble lors d’une réunion vers 1969. Aucentre, Jean-Roger Bédue, président de l’AADB (1969-1971).

Les trois premiers présidents de l’AADB dans la biblio-thèque du club Nopal. Au premier plan Claude Frin (1960-1966). Second plan, avec des bretelles, à gauche JacquesLirand (1966-1968) et Jean Jully (1971-1977, 2004-).

L’âme de Dame BlancheFinalement, Claude Frin et ses camarades

ainsi qu’Albert Coustenoble virent dansl’AADB l’âme collective de Dame Blanche etau-delà, une association emblématique descapacités de devenir harmonieux des grandsensembles. Ne représentait-elle pas la prise encharge par les habitants pionniers eux-mêmesdu secteur vital qu’était l’animation?

Pierre-Jacques DerainneMission Mémoires et Identités en Val de France

Page 23: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 21

Parcours résidentielsL’habitat se vit aussi à travers un parcours. Selon le logement d’où l’on vient ou celui vers lequel onva, l’expérience se modifie. L’installation de Parisiens et de rapatriés d’Egypte dans les nouveauxappartements du grand ensemble Les Carreaux, témoigne de cette dimension du vécu résidentiel.

Les Carreaux, à Villiers-le-Bel, est un quartierde 1650 logements sociaux en constructionlorsqu’arrivent ses premiers habitants, à

partir de 1958. «C’était un brassage de personnesvenues de partout», se souvient Mme B. 25 natio-nalités sont représentées dans ce nouveau grandensemble, ainsi que la plupart des départementsfrançais. Parmi les nouveaux locataires, seuls 10%sont originaires de la commune, et la plupartn’ont pas choisi leur lieu de résidence, arrivantaux Carreaux au gré des hasards de l’attributiondes logements par divers organismes, entreprises,administrations ou organisations humanitaires.

VersaillesLes Parisiens, qui forment le plus gros contin-

gent des nouveaux habitants, sont enthousiasteslorsqu’ils découvrent leur nouvel appartement :c’est «Versailles», «le Pérou», «le paradis», «lebonheur», «le luxe»... Ils sont tout particulière-ment séduits par le confort moderne : «Moi je suisarrivé à Villiers-le-Bel par le modernisme. Onétait vachement heureux d’avoir une salle debain».

Le contraste est saisissant avec les logementsqu’occupaient précédemment ces parisiens, deschambres de bonnes ou des minuscules meublésqui constituent l’ordinaire pour de nombreuxhabitants des grandes villes à l’époque : «Noushabitions dans le 19e, une très petite pièce, dequatre mètres sur cinq, sans cuisine, un petitréchaud butagaz nous permettait des repas bienlégers! Aucune commodité sanitaire, pas d’eausur le palier, il fallait descendre quelques marchespour accéder aux WC communs. La pièce s’ou-vrait sur une misérable petite cour d’où la clartén’était pas généreuse».

C’est une nouvelle vie quotidienne qui peut seconstruire dans les appartements modernes desCarreaux. Le travail des femmes y est plus facile,les enfants y ont plus de place pour jouer ou faireleurs devoirs, les hommes peuvent y être plusprésents, des repas de famille et des rencontresentre amis peuvent s’y organiser. L’appartementpeut être meublé avec un salon ou une salle àmanger, accueillir des appareils électroménagersmodernes, tels que le réfrigérateur ou la télévi-sion.

Dans un appartement occupé par un cadre EDFet sa famille, vivant auparavant dans une chambre

de bonne dans le 8e arrondissement. 1961. M

Le père de famille a fabriqué une cheminée en cartonpour meubler la pièce.

Dans un appartement occupé par un ouvrier et sa famillevivant auparavant dans un meublé dans le 13e arrondis-sement. Vers 1960.

Page 24: HABITAT - Roissy Pays de France

22 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Un pas vers le pavillonTout n’est pas parfait… Des malfaçons sont

déplorées, telles que des infiltrations d’eau ou deschauffe-eau défaillants. Le quartier est encore enchantier, et les équipements ne sont pas encoretous mis en service. L’éloignement du lieu detravail et l’insuffisance des transports en communcompliquent le quotidien. Ces désagréments nesuffisent pas à entamer les impressions positivesde ces anciens mal logés, tant leurs conditions devie se sont améliorées. L’ambiance champêtre duquartier, situé en bordure de terrains agricoles,rajoute à leur satisfaction.

Evidemment, ces nouveaux banlieusardsauraient préféré une maison avec jardin, commel’écrasante majorité des français à cette période,mais ils ont encore de longues années devant euxpour faire l’acquisition de ce pavillon rêvé. Car cesont surtout de jeunes couples, avec un ou deuxenfants en bas âge. L’heure n’est donc pas àrembourser des prêts immobiliers, mais plutôt àmeubler et équiper leur premier foyer digne de cenom, et ce, avec les faibles salaires que cesouvriers, employés ou petits cadres en début decarrière perçoivent. Leurs épouses ont souventarrêté de travailler pour élever les enfants, dimi-nuant d’autant les capacités financières desfamilles. Les « luxueux» appartements desCarreaux et leurs loyers encadrés conviennentparfaitement, en attendant de pouvoir gravir unéchelon supplémentaire de l’échelle résidentielle.

Des nichesLes rapatriés d’Egypte ne partagent pas l’en-

thousiasme des jeunes ménages parisiens. Cesjuifs de nationalité française, chassés de leur paysau moment des évènements du Canal de Suez,sont souvent issus des classes moyennes ou

Deux générations dans la cuisine d’une famille de rapa-triés d’Egypte. Vers 1960.

Dans un appartement occupé par une famille de rapatriésd'Egypte. Vers 1960.

aisées. Certains d’entre eux vivaient en Egyptedans de confortables maisons, à côté desquellesles logements des Carreaux font pâle figure :«C’étaient vraiment des niches, c’étaient pas devrais appartements! On n’avait pas de douche,c’était un petit sabot, c’était… vraiment desHLM ! Quand on rouspétait, on nous disait : vousêtes mieux logés que les vrais habitants deVilliers-le-Bel. Mais il faut savoir qu’en Egypte,on avait 14 ou 15 pièces!». L’exiguïté des loge-ments est particulièrement difficile à vivre. Lesappartements semblent d’autant plus petits qu’ilsaccueillent souvent des familles élargies, avecgrand-père ou grand-mère, frère ou sœur, voireune ancienne domestique.

La Croix Rouge, qui a installé ces rapatriés auxCarreaux, apporte une aide d’urgence pour distri-buer des couvertures et des lits pliants, accorderdes petites aides financières. Mais il faut réglerd’innombrables difficultés : «Arriver ici avec lesmains vides et des gamins, c’était un grosproblème». Ce n’est pas sans émotion que cettemère de famille se souvient d’avoir couché sonnourrisson dans une valise à défaut de disposerd’un berceau.

Les problèmes matériels ne sont qu’une desfacettes de l’expérience de l’exil. «On est venusmalgré nous, on n’a pas choisi de venir. Du coupon avait gardé le souvenir d’une vie qui était toutà fait différente, le climat était différent, la menta-lité était différente», explique Mme M. Lanostalgie du sol natal, la méfiance des habitantsdu pays d’accueil, le bouleversement des posi-tions sociales plongent nombre d’adultes dans ladépression.

Transit ou enracinementLe parcours qui les a emmenés aux Carreaux a

été éprouvant. Après leur arrivée à Marseille ouen Italie, en 1956, ils ont rejoint plus ou moins

Page 25: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 23

leur sort. Construction d’une synagogue, consti-tution d’un groupe de scoutisme, vente deproduits orientaux sur le marché, les rapatriésd’Egypte se sont organisés pour tisser des liensprivilégiés et re-créer des bribes de la vie àlaquelle ils ont été arrachés.

Le brassage des parcoursLa cité des Carreaux a réussi à fondre ces trajec-

toires ascendantes et descendantes en unensemble harmonieux. Les mamans font connais-sance sur le chemin de l’école, les familles se lientdans les cages d’escalier, les associations tissentleurs réseaux, une convivialité s’installe : «C’étaitcomme une ambiance de village!». Les diffé-rences sociales ou culturelles ne sont pasgommées, mais le partage de valeurs telles que letravail, l’éducation et la famille, favorise les rela-tions entre les habitants. L’utopie d’un urba-nisme créateur de mixité sociale est devenu uneréalité dans ce grand ensemble, du moinspendant cette période de prospérité économique :«C’était le temps… pas de l’insouciance, parceque la vie était dure et le moral pas toujours trèsclair, mais c’était la période de la confiance!».

Les Sages de Villiers-le-Belrapidement la région parisienne, avant d’errerd’un lieu de transit à un autre : «C’était vraimentdur d’être à l’hôtel avec trois enfants. Les enfantsont été malades et nous n’avions pas d’argentpour manger, alors ma belle-sœur a été à la CroixRouge, les enfants ont été pris en charge. D’autrespersonnes arrivant, ils nous ont emmenés à Vichy,où nous sommes restés quelques mois. Mon maria trouvé du travail, et aussi un petit pavillon àBoussy-Saint-Antoine. Puis nous sommes allés àla Varenne-Saint-Hilaire. Finalement, la CroixRouge nous a donné un quatre pièces à Villiers-le-Bel».

Certains ont quitté la cité dès que leur situationfinancière et professionnelle s’est améliorée, s’ins-tallant dans des pavillons achetés à Villiers-le-Belou en banlieue parisienne, ou bien migrant versParis. La cité des Carreaux n’aura été pour euxqu’une étape supplémentaire de leur parcoursd’exil.

D’autres s’y sont implantés, renonçant à recon-quérir les conditions d’antan ou y trouvant dequoi reconstruire une nouvelle vie : un logementplus satisfaisant que les meublés ou les hôtels,ainsi que de nombreux voisins qui ont partagé

L’HISTOIRE DES CARREAUXCet article est extrait de l’ouvrage Les Carreaux 1955-1963. Naissance d’un grand ensemble en banlieue pari-

sienne, qui marque l’aboutissement d’un atelier d’histoire initié par la MMIV, en partenariat avec le Conseildes Sages de Villiers-le-Bel, les Archives Municipales et la Maison de Quartier Boris Vian. Deux années derecherches ont permis de retracer la création des Carreaux, de la conception du projet à l’installation deshabitants, de la naissance d’une vie de quartier à la transformation de l’ensemble de la commune.

Un quartier à l’ambiance conviviale.Début des années 1960.

Photographie pour marquer l’implantation dans unnouveau lieu de vie. 1958.

Page 26: HABITAT - Roissy Pays de France

personnes vivant en bidonvilles en 1970. Celas’explique par la proximité du secteur industrielde Saint-Denis, Aubervilliers et La Courneuve,et la présence d’un arrêt SNCF reliant rapide-ment Garges-lès-Gonesse à la capitale. En outre,la multiplication des chantiers de constructiondes nouveaux grands ensembles dans cette zoneréclame de nombreux ouvriers du bâtiment,essentiellement étrangers.

En conséquence, les bidonvilles gargeois affi-chent une hausse constante jusqu’à leur dispari-tion. Les premiers occupants furent des famillesfrançaises avant l’arrivée massive d’ouvriersportugais accompagnés de leurs familles aucours des années 1960. Quelques Espagnols,Italiens, Maghrébins, Polonais et Yougoslaveshabitent également les bidonvilles gargeois.

Les bidonvilles à l’heuredes Trente Glorieuses

Tandis que se construisaient les grands ensembles, des bidonvilles se sont développés à Sarcelles,et surtout à Garges-lès-Gonesse, où plus de mille personnes se sont progressivement installéesdans des habitations précaires, inventant un mode de vie particulier, entre système D et solidarité.

L’émergence et le développement de bidon-villes résultent paradoxalement du formi-dable essor économique que connaît la

France après 1945. Le pays fait appel à unenombreuse main-d’œuvre étrangère pourtravailler dans l’industrie française. La crisegénérale du logement et l’arrivée massive d’im-migrants empêchent souvent ces derniers d’ac-céder à un logement décent. La populationétrangère est contrainte de se replier dans deslogements de fortune sur des terrains vagues àproximité de leurs lieux de travail. 35 845personnes vivant en bidonvilles sont recenséesen 1971 en Ile-de-France, 2 359 dans le départe-ment du Val-d’Oise.

Garges-lès-Gonesse est la commune du dépar-tement regroupant le plus grand nombre de

24 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Bidonville des Doucettes, vers 1968.

Bidonville des Doucettes, vers 1968.La boue complique la vie quotidienne.

Bidonville des Doucettes, vers 1968.Parmi les baraques, un autobus,aménagé pour être habité.

Page 27: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 25

Des maisonnettes aux baraquesAu lendemain de la Seconde Guerre mondiale,

Garges-lès-Gonesse est très marquée par l’ha-bitat pavillonnaire et les terrains agricoles, enattendant la construction de ses grands ensem-bles, qui débute à la fin des années 1950. Deuxbidonvilles principaux se développent dans lesparties sud non loties de la commune.

Le premier se crée aux Pieds Humides, quidésignent des terrains de 78 600 m2 non lotissa-bles. En effet, ils sont inondables et très humides,en raison de la proximité du ruisseau du Crouldet du rû canalisé de la «fontaine Plamond».L’habitat insalubre s’est progressivement installésur ces terrains inoccupés et 798 personnesvivent dans ce bidonville, selon un recensementd’octobre 1971.

La zone située au sud du nouvel ensemble dela Dame Blanche constitue jusqu’au début desannées 1970 un ensemble rural non bâti et nonviabilisé également propice à l’installation desquats sur une surface de 47 645 m2. Les cheminsde l’Argentière, les Doucettes et le Tiers-Potregroupent 450 personnes.

Les différentes parcelles bidonvillisées deGarges-lès-Gonesse présentent le même aspect :des terrains nus, non viabilisés et boueux. Leshabitations sont bâties selon les moyens dechacun. Les premières familles françaises ontbâti des petites maisonnettes et établi des pota-gers. Avec l’arrivée massive des familles portu-gaises, le nombre de constructions se multiplie.Les baraques sont plus souvent rudimentaires :bois ou carreaux de plâtre, toitures en tôleondulée. Elles sont construites en une nuit, avecl’aide des voisins.

Difficultés et système DLes terrains n’étant pas viabilisés, le système D

s’impose dans tous les aspects de la vie quoti-dienne. L’éclairage se fait à la bougie ou à lalampe à pétrole. La cuisine, l’eau chaude et le

chauffage dépendent de la cuisinière à bois et àcharbon. Des briques chauffées remplacent lesbouillottes dans les lits lors des nuits froides. Lesrares télévisions sont sur batterie. L’astuce estsouvent au rendez-vous. Ainsi, un habitant desPieds Humides force l’admiration de ses voisinsen fabriquant de l’électricité au moyen d’uneéolienne artisanale. Les habitants du bidonvilledes Doucettes bénéficient de l’électricité qu’ilsont installée par leurs propres moyens :«Certains disaient que ce bidonville était unbidonville de luxe, parce que les hommesavaient organisé la vie collective. Il s’organi-saient pour l’eau, et surtout pour l’électricité».

Des fontaines publiques approvisionnent lesbidonvilles en eau. Les habitants sont parfoisprivés d’eau en hiver quand les fontaines gèlent.Les dépôts multiples d’ordures ménagères,infestés de vermines, favorisent la subsistancede nombreuses colonies de rats. Des cas dedysenterie sont signalés. De plus, les cabinetsd’aisance, installés précairement en différentsendroits, n’assurent pas toujours leur fonction.

Les incendies ne sont pas rares ; celui de mai1971 aux Doucettes, provoqué par une fuite degaz, fit cinq brûlés. Aux Pieds Humides, lesinondations sont régulières. Les gens supportentces conditions de vie difficiles car la vie aubidonville leur permet d’économiser davantage.De plus, ils considèrent cette situation commetransitoire.

Une communauté solidaire et isoléeEn dehors des multiples difficultés de la vie

quotidienne dans un bidonville, les personnes yayant vécu restent nostalgiques de cette périodede leur vie. Tous évoquent la solidarité existantentre les habitants de ces quartiers et le senti-ment de vivre dans un village où tout le mondese connaît et se rend service. «Il y avait cettechaleur humaine!», explique l’un d’entre eux,«on n’avait pas de télé, quand il y avait un

Pieds Humides, vers 1968. Une part importante de la viequotidienne se déroule dehors, des tâches ménagères auxmoments de détente.

Bidonville des Doucettes, vers 1968.Les bidons permettent la récupérationdes eaux de pluie.

Page 28: HABITAT - Roissy Pays de France

26 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

en espaces verts. En 1974, un arrêté préfectoraldéclare d’utilité publique l’expropriationdémarrée depuis 1972.

Le relogement

Se pose alors la question du relogement desoccupants des anciens bidonvilles. La moitiédes familles est relogée à Garges-lès-Gonesse,en particulier dans le quartier des Doucettes etde la Muette. Les autres familles sont accueillies

dans les communes environnantes,en HLM ou dans des cités de transitqui hébergent les travailleurs étran-gers sur une durée limitée. Cesderniers sont ensuite dirigés versdes HLM ou dans des ProgrammesSociaux de Relogements (PSR)réservés aux personnes démunies.

Pour beaucoup, le départ desbidonvilles se fait avec difficulté,malgré les commodités modernesdes appartements standardisés :«On se connaissait entre voisins, onse rendait service entre voisins, cequi n’est plus le cas dans les grandsimmeubles». Le bidonville possé-dait une fonction importante depassage transitoire qui a permis à

ses habitants immigrés de s’adapter en douceurà leur nouveau pays d’accueil. Dans ces quar-tiers insalubres, les gens ont eu la possibilitéd’établir librement leur logement en fonctionde leurs réseaux et ainsi de se créer un équi-

match on se retrouvait tous dans le cabanonpour regarder la télé, c’était sympa. Il y avaittoujours un truc à grignoter ou à boire». LesPortugais apportent leur sens des festivités :danses, fêtes, barbecues.

Cette solidarité est importante puisque leshabitants des bidonvilles vivent totalement enautarcie, isolés du reste de la commune, qui lescraint et les évite. A l’école, les enfants des bidon-villes sont mis à l’écart. «Les gosses étaientcrottés tout le temps, alors les enseignants en

Pieds Humides, vers 1968. Les habitants se sont orga-nisés pour ménager des espaces collectifs destinés auséchage du linge.

avaient marre, parce que les mômes salissaienttout. Ils arrivaient en bande, alors ça faisait peur.Ils étaient considérés comme des espèces degitans», rapporte un témoin.

La résorption des bidonvillesL’action de la municipalité gargeoise s’inscrit

dans un contexte national, celui du plan derésorption des bidonvilles du ministère del’Equipement. Au niveau du Val-d’Oise, unprogramme préfectoral porte sur la construc-tion de cités de transit et la réservation d’HLMpour les migrants.

A partir de 1966, la municipalité prévoit ladisparition des bidonvilles des chemins del’Argentière, des Doucettes et du Tiers Pot dansle cadre de la construction du grand ensembledes Doucettes. La même année, en accord avecle préfet, elle confie à la société d'HLMLOGIREP l'étude des mesures à prendre pourla résorption des bidonvilles. Les expropria-tions débutent à partir de 1970.

Le Conseil Municipal engage, à la fin del’année 1971, la procédure de résorption dubidonville des Pieds Humides suite à unenouvelle inondation des terrains bidonvillisés.La mairie envisage de transformer ces parcelles

libre. Or, cette transition est rendue plus diffi-cile dans les nouvelles cités, dont la configura-tion et l’attribution arbitraire d’appartementsuniformes brisent les repères et instaurent unnouvel anonymat.

Hélène ParisotChargée de mission aux Archives municipales

de Garges-lès-Gonesse

Déménagement du bidonville vers les immeubles prochesdes Doucettes, probablement en 1971.

Page 29: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 27

Porte à porteDans la maison rurale traditionnelle, le seuil

de l'habitation de plain-pied est matérialisé parune marche. Cet équipement a pour fonctionprincipale d'empêcher les pluies d'orage d'en-vahir la maison. Dans les pavillons sur sous-soldes banlieues de l'entre-deux-guerres, le seuil seréduit à une légère surélévation cimentée. Surles paliers des cités périurbaines, où jamais il nepleut, le seuil s'est dématérialisé pour n'être plusque le bref espace devant la porte d'entrée.

Mulhouse, Pondichéry, Bejaïa, Bamako,Pointe-à-Pitre, Passy ou Sarcelles… Laporte s’ouvre devant un visiteur,

accueilli diversement selon qu’il est un parent,un ami, un voisin, un collègue de travail, unfacteur ou un médecin... L’arrivée de l’Autre àson domicile met en jeu une perception de labonne distance, définie en fonction de critèressocio-culturels.

Seuil limiteLe logement est un territoire privé, que le seuil d’habitation permet de séparer de l’espace public.La conception de cette limite fluctue d’un pays, d’une culture, d’une époque à l’autre. Mais partoutdes rituels marquent ce passage entre le «chez soi» et le monde extérieur.

Sur le seuil d’une ancienne maison de notable,Casablanca (Maroc), 1984.

A la porte du jardinet d’un pavillon des années 1950,Sarcelles, vers 1980.

Dans la France traditionnelle, la porte symbo-lise le bâtiment dans son ensemble. Porte demanoir, elle présente vers l'extérieur unraccourci significatif de la richesse recelée à l'in-térieur. Porte de chaumière, c'est elle que leseigneur faisait enlever en l'absence du paiementdes redevances qui lui étaient dues.

Sacré seuilLe caractère sacré du seuil est lié au besoin de

dessiner son territoire, mais la manière dontchacun le définit varie. Dans les sociétés hispa-niques, indiennes, maghrébines et en généraldans les cultures de l'Islam, ce seuil immatérielse trouve juste à la jonction avec le domainepublic, la rue. Cette dilatation de la sphère del'intime est liée à l'exigence de soustraction desfemmes aux regards des Autres.

Les vacances aux pays des parents sont l'occa-sion pour les jeunes de banlieue d'expérimenterles variations de la juste distance : «Au villagequant tu passes trop près du muret qui entoureles maisons, ça veut dire que tu veux draguer la

Page 30: HABITAT - Roissy Pays de France

28 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

fille de la maison. Y'a des vieuxqui te jettent des pierres! Monpère passait son temps à me fairela leçon. Je ne connaissais pas lescodes...» (Algérie, 1986).

Sur un autre continent, dont lesmodèles sont diffusés ici par lesfeuilletons télévisés, la pelousesans clôture, devant les maisonsaméricaines des banlieues aisées,est vécue comme un espace semipublic, la pelouse arrière faitpartie du domaine privé.

A l'origine, dans les banlieues pavillonnairesde la région parisienne, le grillage des clôturespermettait l'ensoleillement des potagers popu-laires. Par les grilles de jardin non verrouillées,les voisins venaient frapper à la porte dupavillon. Chacun vivait sous le regard de

une autre (naissance, puberté,majorité, mariage, mort, etc.).

Chacun connaît cette traditionqui consiste pour le marié àporter son épouse lorsqu'ils fran-chissent le seuil de leur maisonpour la première fois en tant quemari et femme. Cette coutume

prolonge la pratique du monde antique romainqui craignait que le malheur ne s'abatte sur lecouple en cas de trébuchement de la jeunemariée sur le seuil de sa nouvelle demeure. Onévoque également la nécessité de protéger lamariée des mauvais esprits rodant autour desseuils. De fait, le marié fait passer son épouse dustatut de jeune fille à celui de femme. Les ritesautour du mariage marquant le début de laprocréation, ce premier franchissement de seuils'inscrit également dans une symbolique sexua-lisée.

Dedans/dehorsSi un changement a marqué les modes d'ha-

biter, c'est bien la construction, à partir desannées 1950, d'un habitat collectif massif qui afait se rencontrer la diversité des sensibilités, enobligeant chacun à s'insérer dans un espacerestreint sur lequel l’occupant a peu de possibi-lités d'intervention. Dans ce contexte, le seuil del'appartement est plus que jamais le point decontact entre le dedans et le dehors. Il est le seulpassage possible entre l'extérieur et l'intérieur,entre le profane et le sacré, entre la société d'ac-cueil et la société d'origine.

Les seuils sont marqués de signes qui indi-quent le sens de la démarche et de l'accueil. Lesplaques nominatives et les paillassons agré-mentés d'une mention de bienvenue en sont desexemples.

N Jeunes mariés au seuil de leurnouvelle vie, 1922, probablement enRussie, Serbie ou Bulgarie.

Arnouville-lès-Gonesse, 2006.

Les paillassons peuvent être agrémentés d’un signed’accueil ou de mise à distance. Sur le seuil d’apparte-ments de Villiers-le-Bel, 2006.

l'Autre. Progressivement, la société a renforcé satendance à l'individualisme, les jardins potagerssont devenus d'agréments, les clôtures se sontopacifiées. A partir des années 1970, les haies dethuyas ont empêché les vues de pelouse àpelouse. Ces dernières années, l'arrivée defamilles originaires de Turquie, d'Inde, duPakistan, du Maghreb, a accentué l'occultationdes clôtures sur la rue.

PassageDans toutes les sociétés, les rites de passages

marquent symboliquement les changementsintervenant dans la vie des personnes. Leur objetest de faire passer l'individu d'une situation à

Page 31: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 29

Pur/impurFranchir un seuil exige une certaine pureté de

corps, d'intention, que symbolise l'obligation dese déchausser au seuil de la mosquée ou d'unemaison japonaise. De façon générale, la nécessitéd'enlever ses chaussures dans l'habitation s'estimposée aux sociétés utilisant traditionnelle-ment nattes et tapis.

Pour la diversité musulmane, les chaussuresont à voir avec l'impur. Malodorantes, en contactavec la souillure par leurs semelles, on ne verrapas d'inconvénient à rejeter les chaussures endehors de l'espace privé, sur le seuil, sur lepalier, à proximité du sac poubelle en instanced'évacuation avec lequel elles partagent la mêmerépulsion. Ce renvoi de l'impur vers l'espacecollectif provoque généralement la réprobationde cultures ayant une qualification et unegestion différente de l'impur, ce qui est le cas del'Occident contemporain qui attribue à«l'entrée» ce rôle d'espace intermédiaire, zonedu troc de la chaussure pour la pantoufle, et réci-proquement.

Quand les Juifs se préparaient à entrer en TerrePromise, il leur fut commandé d'apposer lescommandements et instructions de la Torah auseuil de leurs habitations. Ces inscriptionsdevaient servir à la fois comme remémorationconstante de loyauté du peuple juif vis-à-vis deDieu ainsi que comme source de protectiondivine. De nos jours toujours, une mézouzah estfixée sur le montant droit de la porte de certainsfoyers juifs. Elle est embrassée en entrant et ensortant. Matériellement la mézouzah est unboîtier contenant un morceau de parchemin surlequel sont inscrits les deux passages bibliquesdécrétant son utilisation.

Entre seuil et antichambreAu XIXe siècle, les femmes de la grande bour-

geoisie tenaient un salon hebdomadaire oumensuel, à leur domicile, l'après-midi. Cesréceptions étaient l'occasion d'appliquer un codemondain mettant en jeu divers rituels entre seuil

et antichambre, ce que met en scène le théâtrebourgeois de l'époque. Vers 1920, des manuelsde savoir-vivre et d'usages du «Monde» endiffusaient encore les figures : «Dès que lasonnette a retenti, la personne chargée duservice va ouvrir la porte. En dehors du jour deréception, elle fait attendre le visiteur dans l'an-tichambre pendant qu'elle va demander si lesmaîtres reçoivent. Le visiteur dit son nom ouremet sa carte.»

Cette description des comportements sociauxdans la «bonne société» est aussi la France. Lepersonnage de Nestor veillant sur le château deMoulinsard dessiné par Hergé dans Tintin, enest probablement l'image la plus connue aujour-d'hui. Mais cette réalité n'était-elle pas pour lesclasses populaires de l'époque, comme pournous aujourd'hui, une autre planète ?

Règles du lieuEntrer dans un espace privé nécessite de la

part du visiteur une adaptation aux règles dulieu, à plus forte raison lorsque les rattachementsculturels sont différents. Franchir la limite duseuil, matérialisé ou virtuel, c'est s'imposerl'écoute attentive de l'univers que l'on va inté-grer, c'est accepter une modification temporairede son intériorité. C'est à cette transformationque sont voués les espaces intermédiaires dontnous n'avons fait qu'esquisser la diversité.

Dominique Renaux Collectif Fusion

Mézouzah dans un immeuble de Sarcelles.

A la porte d’une maison d’Arnouville-lès-Gonesse, 2006.

Page 32: HABITAT - Roissy Pays de France

FICHE PEDAGOGIQUEP R I M A I R E

Résidences secondairesAu 18e et 19e siècle, les nobles et les bourgeois de Paris font construire des résidences secon-daires. Ces châteaux ou maisons cossues leur permettent de se délasser dans la campagne àproximité de la capitale. Voici quelques-unes de ces propriétés, qui connaissent des fortunesdiverses après le départ de ces nantis au 20e siècle.

La propriété Grimard à SarcellesLa demeure est construite par la famille Grimard vers1875, rue des Piliers. Une pièce d’eau et un potagerprolongent la propriété jusqu’à l’impasse des Piliers.En 2000, celle-ci est transformée en Maison duPatrimoine, qui conserve des collections et accueille lepublic pour faire connaître l’histoire de la ville.

Le château d’Arnouville-lès-Gonesse En 1750, Jean-Baptiste de Machault transforme lepavillon de chasse hérité de son père en château. Ilconfie ces travaux à deux célèbres architectes, Contantd’Ivry et Chevotet. Devenu comte d’Arnouville, il entre-prend même de rebâtir le village. Après avoir eu diverspropriétaires, dont la baronne de Rotschild, le châteauest devenu un centre horticole et thérapeutique.

Le château de Garges-lès-Gonesse

Messire Blondel de Gagny achète en 1753 unensemble de bâtisses datant de la fin du 16e siècle etfait appel à l’architecte Contant d’Ivry pour y bâtir

une grande propriété. Après les destructions de laseconde guerre mondiale, le château tombe en ruine.

Il est démoli vers 1951, sauf la grille, qui esttoujours en place rue de Verdun.

Page 33: HABITAT - Roissy Pays de France

$ Repérer les traces desmaisons bourgeoises et châteauxsur le territoire $ Chercher des

documents concernant la vie de leurspropriétaires $ Imaginer et dessiner lemobilier de ces demeures $ Comparer

ces propriétés à l’habitat ouvrierde la même époque $ Etudier

le métier d’architecte

Pistes pour des activités en classe

Le château d’Astanièresà Villiers-le-BelLe comte d’Astanières fait bâtir cette demeure vers 1890,rue Julien-Boursier. Des documents permettent de connaîtreson aménagement, sur une surface de 160 m2.Après des années d’abandon, la villa est détruite en 1980,mais son jardin est reconverti en parc public en 2002.

Au sous-sol, la cuisine,l’office, la chaufferie

et les caves.

Au rez-de-chaussée :le vestibule, le salon, la bibliothèque,

la salle à manger et l’office.

Au second étage : des chambres de bonne.

Au premier étage :un palier, quatre chambres,

une salle de bain,un cabinet de toilette.

Page 34: HABITAT - Roissy Pays de France

FICHE PEDAGOGIQUEC O L L E G E

Le «chez moi» de mes rêvesIls ont seize ans et habitent à Garges-lès-Gonesse, dans un grand ensemble ou un quartierpavillonnaire. Leurs rêves en matière de logement ne sont guère différents des aspirations deleurs aînés. C’est le pavillon traditionnel qu’ils plébiscitent, à peine nuancé par une touche defantaisie.

C e serait une maison à énergie solaire, ce serait dansune montagne, comme ça il y aurait un beau paysage.

Et j’aurais un fleuve à moi tout seul. J’habiterais avec mafamille, déjà, et avec des amis aussi, ce serait bien ! Machambre serait grande, et il y aurait tout ce qu’il faut, unécran plasma, un ordinateur et toutes les consoles de jeu.

Ahmed

C e serait plutôt dans un quartier pavillon-naire, propre. Ce serait une grande maison,

avec un grand jardin, et une piscine. Je ne saispas où elle pourrait être, peut-être dans le nord,en tout cas pas à Garges, c’est un ghetto. J’auraiun lit à moi toute seule, et une chambre à moitoute seule, parce que chez moi ce sont des litssuperposés avec ma petite soeur, des fois j’aime-rais avoir un peu d’intimité.

Sheela

J’aimerais habiter dans un pavillon, et horsde France, parce qu’en France il pleut beau-

coup. Une maison, c’est plus grand qu’un apparte-ment, et on n’est pas gênés par les voisins, il y ades voisins, mais ils sont un peu éloignés. Lamaison serait grande, mais pas énorme non plus,après ce serait trop spacieux et il y aurait trop deménage à faire. Il y aurait un jardin, une piscine,et il y aurait la mer à côté. Ce serait un peucomme une maison de vacances, mais il y auraitdu travail tout à côté.

Judith

D éjà il faudrait que ce soitpropre, ici c’est trop sale

par terre. Une grande maisonavec un jardin, peut-être àParis, j’aime bien Paris, maispas à Garges. J’habiteraisavec ma famille, mais j’auraisune chambre pour moi touteseule, elle serait grande etbelle, avec un lit pour moitoute seule. Ce serait unemaison toute neuve, que jepourrais dessiner moi-même.Elle serait grande, un peucomme une villa.

Bernadette

C e serait une maison en campagne, près d’uneville, et avec des montagnes autour. Près de la

ville, pour rester près de la civilisation, s’il y a deschoses à acheter, ou pour sortir ou pour aller àl’école. Et près de la montagne parce que c’est trèsagréable de vivre près de la nature. La maison neserait pas forcément grande, normale, en briques,j’aime bien ça, c’est plus joli que le crépis. J’auraisla même chambre que maintenant, et je vivraisaussi avec ma famille. Il n’y a rien de plus impor-tant que la famille pour moi.

Malek

Page 35: HABITAT - Roissy Pays de France

$ Comparer la vie en maison individuelleet en appartement $ Etudier l’aménagementd’une maison écologique $ Choisir un pays

étranger et faire une recherche sur l’architecturede ses maisons $ Expliquer la croissance

de la population habitant en ville $ Observerl’évolution de la composition des foyers

depuis un siècle.

Pistes pour des activités en classe

Là où j’habite, c’est trop renfermé, il y a trop debâtiments, ça manque d’espace, du coup le

paysage est moche. Et les appartements sont troppetits. Mais c’est quand même une ville bien,Garges, alors si j’étais dans un quartier pavillon-naire, ce serait bien. On devait construire unemaison ailleurs, c’était plus espacé, il y avait despavillons et un lac, on voyait qu’il y a de la nature.D’un côté j’aimerais être là-bas, mais ici je suisbien, tout est à côté, la gare est à côté, l’école est àcôté, tout ! Et en plus, il y a une chose qui me tientbeaucoup à cœur ici, mon père est décédé et il estenterré là, alors je n’aimerais pas partir trop loin.

Fabienne

C ’est bien où je suis, je suis content. Mais c’estbien de changer aussi, pour voir des

nouveautés. Alors je prendrais une maison, avecjardin et piscine, comme les autres, mais ce serait àLos Angeles, Milan ou Buenos Aires. Ce sont desbelles villes, j’aime bien. Habiter dans une maison,ça changerait plein de choses. Déjà si on fait desfêtes, les voisins ne sont pas là pour dire de baisserle son. Et on peut avoir une piscine, on peuts’amuser et tout, on est plus cool ! Il y auraitInternet dans ma chambre, comme ça je pourraistravailler chez moi. Karim

J ’aimerais habiter près de Rennes : là-basc’est pas très cher. Comme j’aimerais avoir

une maison de trois ou quatre maisons, unterrain avec plusieurs maisons où habiteraittoute ma famille, il faudrait beaucoup de terrain,à Paris ce ne serait pas possible, même à Gargesce serait trop cher. Et là-bas, près de Rennes,c’est aussi plus près de la nature, et les genssont plus aimables quand ils ne vous connais-sent pas. Les maisons seraient installées en rond,et il y aurait tout ce qu’il faut. Elles seraient destyle oriental, un peu comme au bled.

Ahmed

Ç a me plairait d’habiter à Las Vegas. Pour appro-fondir mon anglais. Et toutes les lumières, ça

me plaît. Ce serait dans un building, au dernierétage, avec une terrasse. Il y aurait dix pièces.J’aurais deux chambres, une avec des papiers peintsrasta, avec les couleurs verte jaune et rouge, et uneavec des posters. Je ne vivrais pas toute seule, maisen tout cas il n’y aurait pas ma famille, comme çaj’aurais plus de permissions.

Alicia

Propos et dessins recueillis auprès d’élèves de 3e du collège Henri Wallon avec l’aide deDelphine Brosso, enseignante en arts plastiques.

Page 36: HABITAT - Roissy Pays de France

34 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

FICHE PEDAGOGIQUEL Y C É E

Opération bulldozerFaut-il démolir ou restaurer l’habitat ancien ? La réponse apportée à cette question au tournant des années 1960est radicale. C’est en rasant des quartiers entiers que le gouvernement entend éradiquer les logements insalubres.A Villiers-le-Bel, la démolition de l’ensemble du Vieux Pays est envisagée.

Pour rénover les centresanciens, le gouvernementpromulgue en 1958 une loide Rénovation Urbaine etprogramme la démolition de450 000 taudis en dix ans, seralliant à la stratégie de latable rase que prônaient lesarchitectes modernes : expro-priation, démolition et recons-truction de quartiers, afin depouvoir rénover, au-delà del’habitat, l’ensemble du tissuurbain, et notamment créerdes nouvelles voies de circula-tions. Ces «opérations bulldozer»ont suscité de vives critiques,sociales, économiques etculturelles, et de nombreuxcomités de défense se sontconstitués. La loi Malraux de1962, qui reconnaît la valeurpatrimoniale des anciens quar-tiers, marque une premièreinflexion de cette politique,qui sera abandonnée dans lesannées 1970, avec la créationde dispositifs en faveur de larestauration immobilière.

En 1961, la municipalité de Villiers-le-Beldécide une opération de rénovation du

«Vieux Pays», afin de démolir certains immeu-bles vétustes, construire des parkings, améliorerla circulation et poser des égouts. Un plan d’amé-nagement de la commune débattu en 1964 met enémoi les habitants, inquiets de découvrir lesruelles du village remplacées par de larges voiesde circulation. Deux ans plus tard, NoëlLemaresquier, célèbre architecte qui travaillaitpour la commune, propose de démolir tout leVieux Pays, sauf l’église, soitdes centaines de logements.Un projet que n’aurait pasrenié Le Corbusier qui, en1925, dessina le plan Voisin,rasant les arrondissementscentraux de Paris au profit degratte-ciels et de voies rapides,n’épargnant que la tour Eiffelet Notre Dame...

Le plan de Lemaresquier n’apas encore été approuvé par lamunicipalité, mais les habi-tants du Vieux Pays en ontvent, font signer une pétition,protestent dans la presse et seregroupent en un «Comité de défense des habi-tants, propriétaires, exploitants et usagers deVilliers-le-Bel». Après des débats houleux et unesuccession de crises, le conseil municipal décideen mars 1967 d’abandonner le projet de rénova-tion urbaine.

Eglise

V Partie duplan d’aména-gementcommunal de1964 concer-nant le VieuxPays.

Maquette de Lemaresquier.

Page 37: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 35

$ Identifier les arguments pour etcontre la rénovation $ Comparer la réno-

vation urbaine d’hier et d’aujourd’hui $ Faireune recherche sur le Mouvement Moderne

$ Retracer l’histoire du patrimoineen France $ Etudier les évènements

politiques de l’année 1958

Pistes pour des activités en classe

Lettre ouverte du président du Comitéde défense, L’Echo Régional, 28 avril 1966

«Loin de nous l’idée de nous opposer, si fairese peut, à toute évolution, mais détruire desconstructions capables d’abriter encore pendantplusieurs générations et qui, si elles sont entrete-nues, survivront de loin aux immeubles en cons-truction à la Marlière sous des prétextes d’em-bellissement et de rénovation. N’est-ce pas ungrand luxe incompatible avec les impératifs et lasituation financière du nouveau Villiers : impôtsécrasants, taxes nouvelles sur les produits depremière nécessité, etc. Jeter dehors brutalementles uns, contraindre peu à peu les autres parl’hypocrite obligation du "non aedificandi",c’est-à-dire l’obligation de laisser leurs maisonstomber progressivement en ruine, voir avecrancœur mais impuissance les bulldozersréduire à néant son foyer, les efforts et les espoirsde toute une vie difficile de labeurs, de priva-tions, perdre tout, être réduit à la misère, à l’hu-miliation, perdre tout ce qui donne un sens à lavie.»

Texte du maire Louis Perrein dansle bulletin municipal d’avril-mai 1964

«Le centre de l’agglomération ancienne dont lastructure n’a pas évolué depuis la fin du siècledernier, et dont les constructions qui n’ont pasété renouvelées se dégradent lentement, setrouve en certains points, dans un état devétusté tel qu’il saute aux yeux du visiteur lemoins prévenu. Les équipements publics etcollectifs ne répondent plus aux nécessitésd’aujourd’hui et encore moins à celles dedemain […] Certains esprits chagrins etsouvent mal intentionnés s’émeuvent bruyam-ment de ce que nous voudrions faire disparaîtrele "Vieux Villiers". Il s’agit tout au contraired’en conserver le charme provincial en offrant àses habitants le confort moderne qu’ils sont endroit d’attendre au XXe voire au XXIe siècle. Cetterénovation urbaine est un travail de longuehaleine. Il est bien certain que la Municipaliténe saurait admettre une opération "bulldozer".Elle entend agir avec prudence et dans le cons-tant souci des intérêts légitimes des proprié-taires et des locataires.»

Immeuble insalubre du Vieux Pays, années 1960.

Le cœur du Vieux Pays, années 1960.B

Page 38: HABITAT - Roissy Pays de France

Aut res RegardsLa création contemporaine parle de la vie quotidienne, de l’homme, de la cité, témoigne.«Habiter» vient tout naturellement s’inscrire dans les productions artistiques. Peintures,collages, installations, sculptures, photos… Ces travaux réalisés par les habitants de Val deFrance viennent prolonger l’histoire et la réflexion de la revue, sur le mode sensible.

Une sélection proposée par la Maison des Arts de Garges-lès-Gonesse

Petites maisonsEnfants du collège Henri Wallon

Monument d'antan Andras Gâl

Elle toise la ville nouvelle,cuivrée maquette, sculpture,érigée par l'artistepour accompagner l'habitant,la mettre en regard, en pensée…et le petit lion gargouille, humblement, se joue des échelles et des époques,une émollience cuivrée qui nous ramène au crépuscule des dieux.

Page 39: HABITAT - Roissy Pays de France

Sans abri Jeanine Bouteiller

En regardant autour de moi, j'ai vu la souffrance des uns, la solitude des autres,la beauté d'une vie ordinaire, et tant d'autres choses encore.

Peut-on penser l'habitat sans penser «l'habité»? Qui, mieux que l'habitant peut dire ses besoins,ses aspirations, ses désirs, son mode «d'habiter»?Où nous mèneront ces rêves de tour sans fin etsur quel socle culturel s'appuient-ils? Toujours plus de quantité, de rapidité, de distance,d'individualité, de communication dans l'isolement,sans réel dialogue ne conduisent-ils pas, à toujoursmoins d'humanité?Ce travail de peinture et collage sur triptyquedialoguant avec une maquette, interroge cettehistoire singulière de l'habitat.

Danielle Roslagadec

Page 40: HABITAT - Roissy Pays de France

38 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

POUR EN SAVOIR P LUSBibliographieAlthabe et al., Urbanisme et réhabilitation symbolique,L'Harmattan, 1993.Arnouville et son passé, Arnouville-lès-Gonesse,Alan Sutton, 2001.Barou J., La place du pauvre, Histoire et géographie socialesde l’habitat HLM, L’Harmattan, 1992.Bonnard M., Villiers-le-Bel, Alan Sutton, 2001.Duby G. (dir.), Histoire de la France urbaine, Seuil, 1980.Dufaux F., Fourcaut A., Le monde des grands ensembles,Créaphis, 2004.Duquesne J., Vivre à Sarcelles ? Le grand ensemble et sesproblèmes, Éditions Cujas, 1966.Fourcaut A.(dir.), Un siècle de banlieue parisienne(1859-1964), L’Harmattan, 1988.Fourcaut A., La banlieue en morceaux. La crise des lotisse-ments défectueux en France dans l'entre-deux-guerres,Créaphis, 2000. Garcia J., Garges, ce petit village au bord du Crould,Ville de Garges-lès-Gonesse, 2003.Gaudin P. (dir.), L’invention du Val d’Oise. 1920-2000.Naissance d’un département, Conseil généraldu Val-d’Oise, 2001.Groux G., Levy C., La possession ouvrière : du taudisà la propriété (XIXe-XXe siècle), L’Atelier, 1993.Kaes R., Vivre dans les grands ensembles,Editions Ouvrières, 1963.Legoullon G., L’urgence et l’utopie. Des chantiers expéri-mentaux aux ZUP, une histoire de la genèse des grandsensembles, 1950-1965, Université Paris I, 2003. Les Carreaux 1955-1963. Naissance d’un grand ensembleen banlieue parisienne, Val de France, 2006.Maillat A.C, Géographie-Histoire de la communed’Arnouville-lès-Gonesse, Herbin & Bouché, 1920. Masboungi A. (dir.), Regénérer les grands ensembles,La Villette, 2006.Mezrahi C., Regards et témoignages sur Sarcelles,Idéographic éditions, 1991.Merlin P. et al., Dictionnaire de l’urbanisme etde l’aménagement, PUF, 2005.Meyer O. (dir.), Le logement social en Seine-Saint-Denis(1850-1999), APPIF, 2003.Michel G., Derainne P.-J., Histoires singulièreset exemplaires aux Courtillières, Créaphis, 2005.Nouvelle histoire de la France contemporaine, Le Seuil, 1992.Pétonnet C., On est tous dans le brouillard. Ethnologiedes banlieues, CTHS, 2002.Quentin E., Sarcelles, Alan Sutton, 2003.Sayad, A., Un Nanterre algérien, terre de bidonvilles,Autrement, 1995.

Mémoires orales et archivesArchives Municipales de Garges-lès-Gonesse, Mémoiresgargeoises, témoignages oraux, 2002.MMIV, Atelier d’histoire des Sages, Histoire du grand

ensemble Les Carreaux 1958-1963, recueil de mémoireorale, 2005.MMIV, Archives municipales de Garges-lès-Gonesse,Collecte de mémoire orale de l’atelier d’histoire des associa-tions de Garges-lès-Gonesse, témoignages oraux et trans-criptions, 2006.Lefrançois D., Guide des sources pour l’étude des grandsensembles Garges-lès-Gonesse, Sarcelles, Villiers-le-Bel,1950-1980, Val de France, 2005.Parisot H., Emergence des grands ensembles de Garges-lès-Gonesse, 1955-1980 : catalogue des fonds municipaux,Archives Municipales de Garges-lès-Gonesse, 2006.

Pour l’enseignementDa Costa Goncalves M., Galand G., Habiter en ville,Autrement, 2004.Desgardes F., Lacombe I., Mille ans d’un immeuble pari-sien, Parigramme, 1998.Graine d'architecte, Hatier, 2003.Guide pratique de la construction : Dossier d'urbanisme -Permis de construire, CRDP de l'Académie d'Amiens,2001 (cédérom).Le Tellier H., Maisons, CRDP Aquitaine, 2002.Madec P., L’architecture, Autrement, CNDP, 2004.Maisons du monde, Ecole Moderne Française, 2005.Provence M., Retracer l’histoire d’une maison, Autrement,2004.Sicard M., Comprendre l’architecture, CRDP Grenoble,2002.Wilkinson P., Les maisons des hommes, Gallimardjeunesse, 1995.http://elias.ens.fr/hss2001/logement/index.html,des ressources sur l’histoire du logement. www.urbanisme.equipement.gouv.fr/cdu/accueil/histoire/introf.htm, tableau synoptique présentant les princi-pales étapes de l'urbanisme et du logement en Francede 1894 à 2003.www.patrimoine93.net, ressources sur l’architectureet le patrimoine de la Seine-Saint-Denis. www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/fr/index.htm,expositions virtuelles sur les grands sites archéolo-giques.www.photo.rmn.fr, catalogue d’images d’œuvres d’artconservées dans les musées pour y chercher des docu-ments liés à l’habitat.www.culture.gouv.fr/documentation/merimee/accueil.htm, base de données recensant le patrimoine français,dont l’architecture domestique. www.culture.gouv.fr/culture/regions/dracs/idf/loge-ment-social/index.html, un dossier pédagogique surle logement en Seine Saint Denis.www.archi.fr/LES_CLASSES/, dossier sur l’architectureau collège.

Page 41: HABITAT - Roissy Pays de France

50 ans de vies dansle Grand Ensemble

Une découverte activede l’archéologieUne découverte activede l’archéologie

Un patrimoinepartagé

Valoriserle patrimoinede Val de France

Valoriserle patrimoinede Val de France

L’invité : le musée d’ArgenteuilL’invité : le musée d’Argenteuil

Mémoireet rénovation urbaine

Mémoireet rénovation urbaine

CHANTIERS DU

PATRIMOINE

Page 42: HABITAT - Roissy Pays de France

40 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

50 ans de vies dansle Grand Ensemble

«50 ans de vies dans leGrand Ensemble», voilàce que les passants ontpu voir sur les grandesaffiches qui ont décoré

Sarcelles cette année, aux côtés desvisages de Sarcellois de tous âges ettoutes origines photographiés pourl’occasion. Un demi-siècle d’existence,cela se fête. De nombreuses manifes-tations ont ponctué cet anniversaire,aux multiples couleurs de la popula-tion de ce grand ensemble mythique.Créé en 1955, il a fait passer Sarcellesde la taille d’un village à celle d’uneville en un temps-record : en 1960,Pierre Tchernia intitulait son docu-mentaire sur Sarcelles pour 5 Colonnesà la Une «40 000 voisins».

Un important colloque, intitulé«Sarcelles, les 50 ans du grandensemble», s’est déroulé les 16 et17 mars pour faire le point sur cetteextraordinaire aventure urbaine, sonpassé et son avenir. Chercheurs,témoins et politiques se sont succédéà la tribune devant plus de deuxcents participants, pour débattre desdébuts du Grand Ensemble, de sesespoirs, de ses difficultés et de sestransformations.

L’art avait aussi sa place dans cetanniversaire, avec la première éditiondu Festival international de la photo-graphie sociale, baptisé Photosoc.Organisé par la ville de Sarcelles, enpartenariat avec le Club des BellesImages, il a proposé des expositions

de photographiesdans divers lieux,comme le centreadministratif, laMaison de quartierdes Vignes blanches,l’école municipale demusique, la salleAndré Malraux etmême des vitrinesde commerce de larue Pierre-Brossolette. C’est

donc au plus près des habitants quece festival a voulu montrer les

travaux de très grands photographes. Il serait difficile de citer toutes les

initiatives tant elles ont éténombreuses : mémoire des coloniesde vacances, collecte de photogra-phies de famille, fête au parcKennedy, pique-nique inter-quartiers,etc. L’intitulé de cette dernière mani-festation, Croquons notre ville à pleinesdents, montre bien l’enthousiasmeavec lequel les Sarcellois ont fêté lescinquante printemps du GrandEnsemble. Tous les rendez-vous habi-tuels de la ville se sont mis à l’heurede cet anniversaire. La marcheannuelle du Petit-Rosne, initiée parl’Association Sarcelloise de Sauve-garde et d’Aménagement desRivières et des Sites, a par exempleemprunté un parcours inhabituel,emmenant les participants desBassins de Chauffour jusqu’auxSablons, premier quartier construitdu Grand Ensemble.

L’association Sarcelles et sonhistoire avait ouvert les festivités enseptembre dernier, avec l’inaugura-tion à la Maison du Patrimoine deson exposition sur l’histoire du GrandEnsemble, réalisée en partenariat avecles Archives Municipales. Elle estrestée active tout au long de cetteannée d’anniversaire, installant sonquizz en images sur l’histoire duGrand Ensemble dans de nombreuxlieux de la ville.

La Mission Mémoires et Identitésen Val de France ne pouvait pas nepas s’associer à ce cinquantenaire duplus grand ensemble de la commu-nauté d’agglomération. Elle prépareune publication pour valoriser etprolonger les travaux menés par l’as-sociation Sarcelles et son histoire etles archives municipales. Disponible àla fin de l’année, l’ouvrage enrichirale patrimoine constitué grâce à cegrandiose cinquantième anniversaire.

Mission Cinquantenaire du Grand Ensemble :01 34 38 21 [email protected]

Ecole maternelle Henry-Dunant en 1962 - quartier desSablons.

Visite du Grand Ensemble parles participants du colloque.

Photo géante d'habitants,carrefour Maurice-Ravel.

Manifestation «parc inédit»,avenue Joliot-Curie, mai 2006.

Page 43: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 41

Une découverte activede l’archéologie

Les fouilles menées à Villiers-le-Bel livrent année après année denouvelles informations sur l’histoirede la commune. Initiées et conduitesdans les années 1970-1980 par l’asso-ciation Jeunesse Préhistorique etGéologique de France, présidée parRémi Guadagnin, elles sont aujour-d’hui poursuivies sous la responsabi-lité de François Gentili, par l’INRAP– lisez Institut national de recherchesarchéologiques préventives. En 2005,c’est le site de «La Confiserie», qui aété exploré, au 72 rue Gambetta,immédiatement en face de la parcelledéjà explorée en 2004, portant à 0,8ha la surface explorée d’un seultenant en plein cœur du village.

Ces fouilles démontrent que l’ha-bitat s’est implanté à la charnière duVIIIe et du IXe siècle avec des bâti-ments sur poteaux, fours et silos.Plusieurs individus furent inhumésdans un silo au IXe siècle après untraitement un peu «barbare» (prélè-vements de scalps…). L’occupation,continue jusqu’aux XI-XIIe siècles, serestreint au bas Moyen Age enbordure de voirie, avec un bâtimentà fondations en pierres (fin XIIIe-XIVe

siècles). L’activité pastorale estreprésentée par de grands fonds decabane (XIIIe-XIVe siècles) et par desrestes d’une épizootie du XIVe siècle,avec une dizaine de squelettes debrebis rejetées dans une fosse aprèsprélèvement de leur peau. Uneétude parasitologique, en cours, vatenter d’identifier la cause de lamaladie. La parcelle, abandonnée àla charnière du XVe et du XVIe siècle,devint le jardin d’une ferme jusqu’àl’implantation d’une maison bour-geoise au XIXe siècle.

Dans l’église Saint-Didier, la conso-lidation en micro-pieux de la base duclocher a été l’occasion d’une fouillelimitée à la périphérie des piliers.Celle-ci a permis de reconnaître desniveaux d’inhumations antérieurs àl’église du XIIIe siècle avec la présencede sépultures attribuables à l’époquecarolingienne (tombes anthropomor-

phes, fosses à banquettes à couver-cles de bois).

Toutes ces fouilles, lancées à l’oc-casion d’opérations immobilièresdans la rue Gambetta, ne sontmalheureusement plus visibles :préventives, elles ont laissé place àde nouveaux bâtiments ou auxrestaurations. Mais elles ont cons-titué un formidable terrain pouroffrir à des enfants la possibilité dedécouvrir l’archéologie par unedémarche active.

Les élèves de l’école Jean-Macéont ainsi pu visiter le chantier defouille, en 2004. Ils ont découvertun site d’habitation datant duMoyen Age à proximité de la fermeseigneuriale de Villiers-le-Bel (69,rue Gambetta). Grâce à des objetstrouvés pendant les fouilles, ils ont«enquêté» pour déterminer ce queles Beauvillésois médiévauxmangeaient et cultivaient, leursméthodes de construction… Ils ontfait un relevé du site, pour cons-truire des maquettes en classe, etmême réalisé une émission de radiosur «Alternative FM».

Des actions pédagogiques sontaussi organisées depuis plusieursannées au château d’Orville : visitedu chantier, reconstitution grandeurnature d’un grenier, d’une cabane etd’un four à pain, animation d’ate-liers de fabrication de pain, detissage et de taillage de pierre …Des classes de CM1 et de CM2 deVilliers-le-Bel ont pu profiter de ceriche programme pédagogique. Ilsont visité cette année 2005-2006 lesfouilles et ont réalisé avec des maté-riaux du Moyen Age des maquettes,exposées en fin d’année scolaire,pour la plus grande fierté desapprentis archéologues.

Réalisation par les élèves d'une maquetted'un bâtiment du haut Moyen Age de

Villiers-le-Bel à partir des informationsfournies par la fouille. M

Aux origines du vieux Villiers-le-Bel : vue de la fouilled'un secteur de l'ancien villagemédiéval (IXe-XIIe siècles)effectuée par l'INRAPen préalable à la constructionde logements.

Sépulture carolingiennedans l'église Saint-Didierde Villiers-le-Bel.

Visite d'une classe de l'écoleJean-Macé de Villiers-le-Belsur les fouilles médiévales dela rue Gambetta : explicationsautour d'un silo à grainsenterré.

Page 44: HABITAT - Roissy Pays de France

42 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

L’esprit associatif règne sur lechâteau d’Arnouville depuis quel’association Entraide Universitaire arepris, il y a dix ans, l’Institut PierreMale, médecin psychiatre à l’originede la cure analytique des jeunes. CetInstitut Thérapeutique Educatif etPédagogique (ITEP) accueille doncdes jeunes en difficulté. Pour cefaire, il dispose d’un cadre de choix,le château de Machaultd’Arnouville, ministre de Louis XV,

et son magni-fique parc de22 ha.

Les bâtimentsdu château sonten grande partieinscrits à l’inven-taire desMonumentshistoriques.Quant au parc, ilabrite deuxarbres exception-

nels, un sophora pleureur (Sophorajaponica pendula) et un paulownia(Paulownia imperialis), inscrits dansl’inventaire des arbres remarquablesdu département, dont l’un au titrenational. Il constitue en outre unespace vert précieux dans un secteurfortement urbanisé.

Consciente de l’intérêt de ce patri-moine exceptionnel, l’associationmultiplie les initiatives pour ouvrirle château au public et le partageravec le plus grand nombre. Cesactions sont appréciées par les habi-tants de la commune et des villesvoisines, mais elles sont aussi d’unegrande richesse pour l’activité théra-peutique et pédagogique.

Outre sa traditionnelle Journéeportes ouvertes du mois de mai, quivalorise les travaux des jeunes, lechâteau participe depuis quelquesannées aux grands rendez-vousproposés par le ministère de la

Culture : les Journées du Patrimoineet les Rendez-vous aux Jardins.

Des manifestations plus exception-nelles ont pu voir le jour grâce auxrelations privilégiées qu’a nouéesl’association avec les férus du patri-moine que sont les membres de l’as-sociation Arnouville et son passéprésidée par Jean-Jacques Vidal. Lechâteau a ainsi pu accueillirplusieurs conférences et plusieursspectacles historiques, pour le plusgrand plaisir de l’association patri-moniale et de centaines de spectac-teurs.

Des liens se sont aussi tissés avecle groupe Ikebana (art floral japo-nais) créé par Monique Petit, ensei-gnante à l’Ecole Municipale d’ArtsPlastiques de Garges-lès-Gonesse.Le groupe vient parfois travailler auchâteau, pour réaliser des composi-tions à partir des fleurs et des herbesdu parc. Non seulement il y trouvedes matériaux nouveaux, mais aussiun lieu exceptionnel pour montrerses réalisations, notamment auxJournées du Patrimoine. MoniquePetit assure un cours d’art floraloccidental aux jeunes de l’ITEPavant Noël, grâce auquel descompositions de table sont prépa-rées.

D’autres initiatives verront peut-être le jour autour de la chapelle duchâteau, joyau architectural ignoré aupoint d’avoir été transformé enlingerie. Cet oubli a été réparé il y aun an, avec le déplacement d’uneactivité aussi inappropriée à un tellieu… L’association Entraide univer-sitaire souhaiterait désormais mettrecette chapelle en valeur : après unerestauration qui consisterait surtouten un bon nettoyage, pourquoi nepas l’aménager pour accueillir desreprésentations ou des expositionspubliques? Le lieu, réduit et joli,offrirait une atmosphère précieuse etchaleureuse. Un beau projet àsuivre…

ITEP Pierre Male, 7 Rond-Point de la Victoire95400 Arnouville-lès-Gonesse.Renseignements : 01 39 93 67 77.Pour les Journées du Patrimoine : démonstra-tions d’Ikebana (samedi et dimanche de 14 hà 18 h), exposition de créations de la Maisondes Arts de Garges-lès-Gonesse, conférenced’Arnouville et son Passé, présentations dediverses associations locales.

«Rendez-vous aux jardins»en 2005.

Spectacle théâtralUne Ténébreuse affairede Jean-Jacques Vidal lorsdes Journées du patrimoine2005.

Création de l’atelier floralanimé par Monique Petit.

Un patrimoine partagé

Page 45: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 43

Le souhait serait de réaliser un filmpar an sur une tranche de la popula-tion, avec des témoignages sur la viedu quartier.

L’association En Marche, elle,collecte des photos sur le quartier deces dernières années. Car la rénova-tion est l’occasion de constituer unfonds patrimonial visuel pour unquartier qui n’en a guère malgré sestrente ans d’existence. Un projetdevrait aussi être mené au seindu centre social DulcieSeptember, sur la mémoire ducentre lui-même. Une créationartistique sur les piliers ducentre (peinture, sculpture oumosaïque…) retracera lesmoments forts. Enfin, la villeréalise un film sur le quartiertout au long de sa rénovation.

Les initiatives publiques, asso-ciatives et privées ne manquent doncpas pour accompagner, au mieux, LaMuette vers une secondejeunesse. A l’instar des autresvilles de la communauté d’ag-glomération qui se sont enga-gées dans la rénovationurbaine, Sarcelles et Villiers-le-Bel, la commune de Garges-lès-Gonesse prend appui sur lamémoire pour mieux se tournervers l’avenir.

Un vaste projet de rénovationurbaine a été lancé dans le quartierde La Muette à Garges-lès-Gonesse.La particularité de ce quartier est dese trouver très isolé du reste de laville, avec une route pour seule voiede liaison avec le reste de lacommune. Les travaux, engagés surplusieurs années, doivent y remédier,avec une restructuration de l’habitatqui comprend plusieurs démolitionsimportantes et des reconstructions,«à taille plus humaine» que lesgrandes barres de l’après-guerre.

Pour accompagner ce que de nom-breux habitants considèrent commeun bouleversement de leur vie, untravail de mémoire a été entrepris autravers de plusieurs projets. Laparole des habitants est au cœur deces initiatives. «Il est essentiel que lapopulation s’exprime, qu’elle de-vienne actrice, créatrice, témoin, afinde vivre positivement les change-ments plutôt que de les subir»,souligne Audrey Blau, chargée del’accompagnement social de la réno-vation urbaine.

Ainsi, le projet «Cheminée»prévoit de réaliser de vastes fresques,qui une fois photographiées, serontreproduites sur une bâche de150 mètres qui entourera la cheminéed’alimentation qui restera deboutaprès la démolition de la barre. Enpartenariat avec le bailleur 3F, cetteinitiative est réalisée par l’associationCommun’arts. Un atelier vidéo,mené par l’artiste Virginie Loisel, estaussi piloté par 3F, en collaborationavec la ville. Il permettra à des habi-tants de participer à la réalisationd’un film sur la mémoire de leurquartier.

L’association Corpus Delicti a déjàréalisé un documentaire sur deuxanciennes habitantes du quartier,Josiane et Marinette, deux dames de LaMuette, qui a remporté un vif succèsauprès de la population lors de sadiffusion en mars dernier. Le projetest reconduit cette année, autour duthème «Etre jeune à La Muette».

Mémoire et rénovation urbaine

Marinette, une habitante de la Muettesuivie par la photographe Yasmine Eid-Sabbagh.

Transformation du quartiervue par Yasmine Eid-Sabbagh.

«Miroir» ou Marinetteet Josiane au marché...

Fresques réaliséespar les habitants du quartier.

Page 46: HABITAT - Roissy Pays de France

44 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

Maurice Bonnard est le vice-président de la communautéd’agglomération en chargede la culture et du patrimoine.

Patrimoine en Val de France :Pourquoi Val de France s’est inté-ressé au patrimoine ?

Maurice Bonnard : Val de Franceest né de la volonté d'élus munici-paux d'élaborer et de concrétiserensemble des projets d'avenir dont

la dimension dépassaitl'échelle de chaquecommune membre, commele développement deszones d'activité ou larestructuration des pôlesgare. Les deux «slogans»successivement adoptés parVal de France, «terresd'avenir» et «plus forts

ensemble», en constituent unesynthèse simple mais éloquente.

Partager un ensemble de projetscommuns ne fonde pasautomatiquement l'inter-communalité, qui se cons-truit dans la durée. Aussi,nous avons constamment àl'esprit la nécessité dedonner toujours plus desens au regroupement denos villes que sont

Sarcelles, Villiers-le-Bel, Arnouville-lès-Gonesse et Garges-lès-Gonesse.Un double pari pour le moyenterme : que les habitants de cesquatre villes s'approprient le terri-toire de Val de France et que ceterritoire soit connu et reconnu àl'extérieur.

La richesse patrimoniale de nosvilles et l'existence de nombreusesinitiatives dans le domaine de l'his-toire et du patrimoine, telles lestravaux des associations Fusion,Jeunesse Préhistorique etGéologique de France (JPGF),Sarcelles et son Histoire, Arnouvilleet son passé, nous ont incités àconsidérer que le patrimoine, ausens large du terme, pouvait aider,

entre autres leviers, à relever cepari.

Encore fallait-il crédibiliser cetteoption. Pour ce faire, la commu-nauté d'agglomération Val deFrance s'est dotée d'un outil, laMission Mémoires et Identités enVal de France (MMIV), créée endécembre 2003 et confiée à madameCatherine Roth, ethnologue.

PVDF : Quelles sont les missionsde la MMIV?

MB : J’ai, au nom des élus de Valde France, construit avec CatherineRoth un cadrage se déclinant enquatre points :

- donner la priorité aux travauxconcernant d’une part les grandsensembles, dont l’intégration dansle patrimoine local est encore timidealors qu’ils ont fortement marqué leterritoire et qu’ils se transformentdans le cadre d’opérations de réno-vation urbaine, d’autre part lesarchives, qui constituent un supportfragile, volatile et pourtant une baseirremplaçable de l'action patrimo-niale, mémorielle et historique.

- accomplir un travail en partena-riat avec les habitants soit indivi-duellement, soit en groupe enveillant à ce que les approchescommunales induisent des retom-bées intercommunales et en favori-sant, autant que possible, les actionsintergénérationnelles.

- conduire un travail selon lesnormes de la démarche scientifique(conseil scientifique, encadrementpar des professionnels tels quehistoriens, ethnologues, archivistes,bibliothécaires…)

- valoriser le travail accompli,privilégier les réalisations concrèteset la publication comme mode dediffusion.

Les différentes actions menéesdepuis 2003, avec de nombreuxpartenaires et dans les quatre villes,ont scrupuleusement respecté cette«feuille de route» : ateliers dévelop-pant une démarche participative,

Valoriser le patrimoinede Val de France

Maurice Bonnard à la Maisondes Arts de Garges-lès-Gonesse, pour la présentationde l’ouvrage Histoires d’en-semble, premier titre de lacollection Les publicationsdu Patrimoine en Val deFrance (2005).

L’atelier d’ethnologie du collègeVoltaire de Sarcelles sur lethème du parc Kennedy (2004).

Soirée-mémoire aux Carreaux(2004).

Recherche aux archives dépar-tementales de l’atelier d’his-toire des Sages de Villiers-le-Bel (2005).

Page 47: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 45

politique éditoriale valorisant lestravaux des acteurs, outils favori-sant la conservation des archives…

PVDF : Y a-t-il une perspectiveà long terme?

MB : A la création de la MMIV,j'avais l'idée que notre communautéd'agglomération pourrait, dans lesannées à venir, héberger un centred'interprétation de la ville, c’est-à-dire un écomusée, ou centre deressources voué à l'histoire et aupeuplement du territoire. La situa-tion emblématique de Sarcelles maisaussi de Villiers-le-Bel et de Garges-lès-Gonesse, les opérations de réno-vation urbaine projetées dans cesdifférentes villes, les recherches déjàaccomplies par des associationslocales dynamiques, y compris surla naissance et le développement denos villages traditionnels, mesemblaient de bonne augure.Ce centre d'interprétation «basé» àSarcelles – le maire de Sarcelles enavait exprimé le vœu – pourraittravailler en complémentarité avec,d'un côté, le Musée Historique etArchéologique en voie de dévelop-pement sur la communauté decommunes Roissy Porte de Franceet, d'un autre côté, avec le MuséeNational de la Renaissanced'Ecouen permettant de valoriser,outre Val de France, tout l'est duVal-d'Oise.

PVDF : Qu’en est-il aujourd’hui? MB : Je suis conscient que, même

si ce projet de centre d'interpréta-tion était maintenu et validé par lesélus de la communauté d'agglomé-ration, sa réalisation ne pourraitvoir le jour avant quelques années.Il faut reconnaître qu'être financière-ment la plus pauvre des162 communautés d'agglomérationexistantes à ce jour ne favorise pasl'émergence de tel projet.

Pour l'immédiat, je souhaite querapidement des propositions soientfaites visant la création d'un muséevirtuel permettant à la MMIV depoursuivre encore plus efficacementson travail et ses recherches. Ce siteInternet interactif serait alimentépar la mise en ligne des travauxdéjà effectués et intègrerait, si

possible, ceux accomplis par lespersonnalités et associations de lacommunauté d'agglomération. Ilpermettrait d'apporter une réponseadaptée aux nombreuses sollicita-tions qui nous parviennent, enparticulier des écoles, concernant lepatrimoine. En complément de laréalisation et de l’animation de cetespace numérique, un ou deuxateliers patrimoniaux «de terrain»devraient pouvoir être maintenus etfonctionner en relation avec lesbibliothèques de Val de France. Bienentendu la livraison annuelle de larevue Patrimoine en Val de Franceserait, elle aussi, maintenue.

En conclusion, alors que l'actionculturelle de la communauté d'ag-glomération commence à se struc-turer, la MMIV doit trouver sa placeen articulation avec deux autresmissions que Val de France doit oudevra assumer, à savoir : le dévelop-pement de la lecture publique et laconstitution d'un service d'archivesdont le périmètre reste à définir.

CD de la collecte de mémoirede l’atelier d’histoire des asso-ciations gargeoises. Au total,40 heures d’archives orales ontété constituées.

Visite de responsables associa-tifs gargeois aux ArchivesMunicipales (2005).

N Tournagede l’ateliervidéodocu-mentaire ducollège LéonBlum deVilliers-le-Bel(2006).

Rencontre des deux atelierssur la mémoire des Carreaux,l’atelier vidéo et l’atelier d’his-toire (2005).

Présentation du livre des Sages et des films des collégiens à la maison de quar-tier Boris Vian, 8 avril 2006.

Page 48: HABITAT - Roissy Pays de France

46 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

En brefBébés Babel à la conquêtede ParisS’il y a un événementheureux dans toutes les civili-sations, c’est bien la naissanced’un enfant. Suite logique àleur exposition et à leurouvrage Alliances sur lespratiques du mariage,Dominique Renaux et lecollectif Fusion ont réalisé lelivre et l’exposition «Bébés

parfois drôle, et évoquent latable mise pour les invités, lachambre rangée pour lesamis, les jouets sortis etprêtés... Puis ils ont apprisles rudiments de la photogra-phie afin de réaliser un repor-tage photographique à leurdomicile. Cette initiative, quis’est achevée par une projec-tion-débats, témoigne de lacapacité de regard desenfants, qui nous font réflé-chir, par leurs remarquessimples et significatives. EMAP de Garges, 14 rue Philibert-Delorme, Garges-lès-Gonesse.Tél. 01 34 45 00 10

Le passé d’Arnouvilles’enrichit Arnouville et son passécontinue à explorer lesarchives pour progresser dansla connaissance de l’histoirede la ville. Or un très richegisement est à la dispositiondes chercheurs arnouvilloisgrâce au dépôt fait par lafamille de la Panouse auxarchives départementales desYvelines. On sait que laseigneurie d’Arnouville etcelle de Thoiry-en-Yvelinesont été tenues par la mêmefamille, celle de Machault. Ilest ainsi possible de consulterdes pièces concernantArnouville dans les archivesen provenance de Thoiry. Parexemple, la prisée du mobi-lier du château en 1798 ouencore un registre de363 folios donnant, de lamain du garde des sceauxpuis de son fils, les recettes etles dépenses entre 1741 et1820. A l’occasion desJournées du Patrimoine, dansl’orangerie du château, Jean-Jacques Vidal, présidentd’Arnouville et son passé,propose une conférence débatsur les découvertes à fairedans cette précieuse docu-

donner à connaître deséléments méconnus du richepatrimoine sarcellois. Lepremier des quatre thèmeschoisis concerne les fouillesde fours à briques et à tuiles.L’aménagement du secteur dela sous-préfecture a permisd’effectuer des fouillesarchéologiques dont les résul-tats seront présentés aupublic. Encore des objets, etnotamment la reconstitutiond’une ancienne salle declasse, avec le second thèmequi traite de l’école à Sarcellesqu’on peut suivre sur troissiècles. L’exposition éclaireaussi la belle figure d’unmédecin, héros local de lalutte contre le choléra auXIXe siècle, le docteur Galvani.Enfin, le dernier thème, faitrevivre l’arrivée et l’installa-tion de la première descommunautés étrangères àSarcelles dans les années1920, celles des Arméniens.Un diaporama a été conçupour sensibiliser les scolairespendant et après l’exposition.Maison du Patrimoine, 1 rue desPiliers, Sarcelles 01 34 19 59 28

Accueillir chez soiL’Ecole Municipale d’ArtsPlastiques de Garges-lès-Gonesse poursuit son travailoriginal sur la mémoire etl’identité, à la croisée desdémarches artistiques etsociologiques. Cette année,c’est sur le thème de l’hospi-talité qu’a été lancée uneaction. Virginie Loisel, artistevidéo et enseignante à l’école,a animé un atelier auprèsd’enfants de la ville. Ceux-ciont tout d’abord été inter-viewés sur les pratiques del’hospitalité au sein de leurfamille, dans le cadre d’entre-tiens filmés. Seuls ou à deuxou trois, ils lancent leursidées de manière très vivante,

Babel», avec des photogra-phies collectées auprès deshabitants de Sarcelles et deVilliers-le-Bel, originaires detous les continents. Ils se sontattachés à montrer à la fois ladiversité et les ressemblances,dans le temps et dansl’espace, des pratiques entou-rant la venue de Bébé et lapetite enfance. Consécrationpour cette exposition montéevoici deux ans et présentéelocalement : elle a été reçueau Musée de l’Homme à Parisdu 30 novembre 2005 au 4septembre 2006, dans le cadrede l’exposition «Naissances».Collectif Fusion : 01 39 87 31 53www.fusion.asso.fr

Sarcelles méconnueL’association Sarcelles et sonhistoire inaugure sa nouvelleexposition, à l’occasion desprochaines Journées duPatrimoine. Par-delà lavariété des thèmes abordés,«Sarcelles méconnue» veut

Page 49: HABITAT - Roissy Pays de France

Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006 47

documents iconographiques,le plus souvent inédits, etaccompagnés d’une présenta-tion historique, EtienneQuentin fait revivre tous lestravaux de la terre. Cettedocumentation exceptionnellepermet de comparer les tech-niques et les savoir-faire deSarcelles, de Presles oud’Argenteuil. On retrouveavec plaisir et curiosité l’acti-vité suscitée par les moulinsou les vignerons de Sarcelles,la culture du cresson à Preslesou les pigeonniers deGonesse. C’est un beausouvenir du temps pas silointain où les communes deVal de France étaient encore àla campagne.Etienne Quentin, Vignerons et paysansentre Sarcelles, Presles et Argenteuil,Editions Alan Sutton.

Couleur mosaïqueComprendre son environne-ment, construire un regard,laisser un témoignage sur deslieux et des gens, tout en s’ini-tiant aux techniques audiovi-suelles, tels étaient les objec-tifs de l’atelier vidéodocu-mentaire qui a mobilisé unequinzaine d’élèves du collègeLéon Blum de Villiers-le-Bel etleurs enseignants, RenaudFarella et Alain Degenne, toutau long de l’année scolaire.Les apprentis-vidéastes ont

mentation. Un sujet qu’ilconnaît bien, puisqu’ilexploite ces archives pourpoursuivre ses recherches surMachault d’Arnouville. Association Passé d’Arnouville :01 39 85 04 71

Tisser la mémoireElie Rojas, qui a enseigné

durant des années à l’EMAPde Garges-lès-Gonesse, afondé il y a trois ans une asso-ciation pour réaliser desœuvres à partir de collages detissus. Le nom de l’association«Tissu de la mémoire» révèleque le souci plastique n’estpas son seul but. L’œuvre doitexprimer d’abord le vécu deson auteur. Elle est pleinementréussie quand elle dépasse leslimites imaginées par l’auteurpour livrer des émotionsfortes. Dans la vie quotidiennele tissu sert à habiller lescorps, dans ce travail artis-tique, il déshabille les âmes.L’association n’a pas que l’ob-jectif de permettre la créationartistique, elle souhaite aussipouvoir favoriser leur diffu-sion sous forme d’expositions.La qualité plastique desœuvres, leur originalité,comme leur compréhensionimmédiate par tous publicsjustifient cette perspective. LeCentre de ressources des asso-ciations de Garges-lès-Gonesseaccueille des expositionsmensuelles de ces oeuvres. Aquand des présentations dansles autres villes?Association Tissu de la mé[email protected]él. : 01 39 86 49 12.Centre de ressources des associationsTél. : 01 30 11 03 55

Vignerons et paysansLes territoires de l’actuel Val-d’Oise ont longtemps servi àapprovisionner la capitale envins et en légumes frais.Vignerons et paysans tenaientalors le haut du pavé.A travers plus de deux cents

réalisé quatre courts-métrages, avec l’aide de deuxréalisateurs, Salvo Manzone etArnaud Gamba (associationsEpinoïa et apoG). Ces filmsont été réunis en un DVDédité par la Communautéd’agglomération, Couleurmosaïque. Cet atelier a étéinitié par la MissionMémoires et Identités en Valde France, dans la continuitédu travail mené sur l’histoiredes Carreaux avec la Maisonde Quartier Boris Vian, lesArchives Municipales et leConseil des Sages. Il ad’ailleurs débuté par unerencontre entre les Sages et lescollégiens, si passionnantequ’elle a trouvé sa placeparmi les «bonus» sur leDVD.

De là-bas à SarcellesAprès avoir collecté les

mémoires croisées de laLibération, la ville de Sarcellesaborde celles des migrations.De l’arrivée des premiersmigrants dans le noyau ruraljusqu’aux populations récem-ment arrivées dans le grandensemble, ce sont des décen-nies de migrations qui ontconstruit le Sarcelles d’aujour-d’hui. La parole est donnéeaux habitants des quartierspour recueillir les récits de cesparcours et les transmettre auxjeunes générations. Ce projetinitié par Annick Morin,adjointe au maire chargée del’intergénération, et mis enœuvre par Frédérique Praud,écrivain public, s’appuie surune large participation :conseil des retraités-citoyens,établissements scolaires,maisons de quartier, associa-tions, etc. Il permet de mieuxconnaître le phénomène desdéplacements migratoires etde valoriser cette mémoire del’immigration, pour tenterd’en changer les représenta-tions stéréotypées et luttercontre les discriminations.e-mail : [email protected]

Page 50: HABITAT - Roissy Pays de France

48 Patrimoine en Val de France n° 4, sept. 2006

L’invité : le musée d’Argenteuil

Olivier Millot est le chef deprojet du musée d’Argenteuil,actuellement en rénovation

Patrimoine en Val de France :Quel est l’enjeu de la rénovationde ce musée ?

Olivier Millot : Il ne s’agit pas«simplement» de préparer un démé-nagement et une installation, mais deréorganiser et de redéfinir le proposd’un musée datant des années 1930.Agé de plus de 70 ans, ce musée avaitété créé en 1932, en grande partiegrâce à la Société historique et archéo-logique d’Argenteuil et du Parisis,aussi connue sous le nom de Sociétédu Vieil Argenteuil.

PVDF : Quelles sont les étapes decette transformation ?

O.M. : Il a fallu tout d’abord rédigerun projet scientifique et culturel, quiservira de référence constante : cequ’on veut raconter, avec quoi, pourqui, à quel rythme… Des études defaisabilité et de programmation archi-tecturales ont ensuite été menées afinde déterminer un cahier des chargespour lancer un concours d’architectescet automne. Les travaux de réaména-gement devraient commencer en 2008,pour une ouverture du musée fin2009.

PVDF : Pouvez-vous nous décrirele contenu du futur musée?

O.M. : Le programme muséogra-phique se découpera en six séquenceschronothématiques, courant de laPréhistoire à aujourd’hui : la villeavant la ville, la formation du noyauurbain au Moyen Age, la ville ruraleet viticole à Argenteuil à l’époquemoderne, la conquête des environs deParis au XIXe siècle, le développementde la ville industrielle et ouvrière dudébut XXe siècle, la ville urbanisée descinquante dernières années.

PVDF : Sous quel éclairage abor-derez- vous ces questions?

O.M. : Deux partis pris président àces choix : privilégier l’histoireurbaine, et celle des représentations.Une des ambitions principales dumusée est de fournir une interpréta-tion de l’histoire de la ville et de labanlieue.

PVDF : Pendant les travaux, lesvisites continuent…

O.M. : Le musée doit garder lecontact avec le public. C’est pourquoinous présentons des expositionstemporaires, en lien avec notre projetmuséographique. En 2005, ce futInventer la ville, qui a abordé le déve-loppement urbain récent. Cette année,notre exposition temporaire Age depierre, guerre du feu , a mis en lumièreles premières implantations humainessur le territoire. Et en 2007, ce sera uneexposition de «préfiguration», consti-tuée à partir des objets emblématiquesdes six séquences qui organiseront lefutur musée.

PVDF : Quel est le prochainrendez-vous ?

O.M. : Les Journées du Patrimoine,coordonnées par Miassa Bakourichargée de mission pour le patrimoine,seront l’une des dernières occasions devisiter le musée «ancienne formule» eten cours de déménagement. Musée d’Argenteuil, 5 rue Pierre-Guienne95100 Argenteuil. Téléphone : 01 34 23 49 07

De gauche à droite : Stéphanie Martin,Cécile Bavière, Olivier Millot et MiassaBakouri.

Intérieur paysan reconstituéau Musée.

Page 51: HABITAT - Roissy Pays de France

La revue Patrimoine en Val de France est diffusée gratuitement, commetous les ouvrages de la collection «Publication du patrimoine en Val deFrance», dans la limite des stocks disponibles. Les publications sont àdemander à la Communauté d’Agglomération Val de France (serviceCulture et Sports), par courrier (Communauté d’agglomération, 1, Bd Carnot95400 Villiers-le-Bel), par mail ([email protected]) ou par téléphone(01 34 04 20 32).

Page 52: HABITAT - Roissy Pays de France

Répertoire des acteurset des ressourcesMémoires, Identitéset Patrimoinedans les communesde Val de France.

Communauté d’agglomération, 1, Bd Carnot 95400 Villiers-le-BelTél. : 01 34 04 17 70 - http://www.agglo-valdefrance.fr

Les éditions de la Mission Mémoires et Identités en Val de France

Revue Patrimoineen Val de France

Collect ion« Les publicat ionsdu Patrimoine enVal de France »

Répertoire localisédes référencesbibliographiques sur lesvilles de Val de FranceArnouville-lès-Gonesse,Garges-lès-Gonesse,Sarcelles et Villiers-le-Bel.

Guide des sourcespour l’étude des grandsensembles. Garges-lès-Gonesse, Sarcelles etVilliers-le-Bel, 1950-1980.