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GRANDS-JOURS DE POITIERS DE 1454 A 1034 (1). P11LIMINAIRES. On considère généralement les Grands-jours comme des assises extraordinaires que des commissaires ehoh (t) BIBLIOGRÂPITIE. M. UnÊnusi Grands-jours d'Auvergne en 1665, par Flichier. M. Grün, dans la préface des Actes du parlement de Paris, adonné une description sommaire des différentes sessions de Grands-jours. M. Léon Faye, qui n publié une notice sur les Grands-Jours de Poitiers, dans les $fémoires des Antiquaires de l'Ouest (1854), avoue n'avoir jamais consulté les documents déposés aux Archives nationales. Onsn TALON Mémoires. IsAunImT Anciennes lois françaises. Ordonnances des rois de Transe. THIBRAUnEAU Histoire du Foitoic, 6 vol. in-12, 1775. ,TEkN BOtIdUET: Annales d'Aquitaine. ETlmaeE Pasquma (Bitures coro pt êtes. LA RoounrLAvj, Histoire des Parlements. M. Bouvaiuc Institutions de la Transe sous Phikppe le Bel. M. Panoussns Essai historique sur Itorganisation judiciaire. - GUYOT Répertoire de jurisprudence. PaussEL Traité de lusage des fiefs. Docuucxus nArtusdnITs. Aux Archives nationales, les registres civils des Grands-jours sont compris dans la série judiciaire Xj', et forment une section séparée. Les registres criminels sont confondus avec ceux de la thème ca- tégorie du Parlement. t' Rarsnss CIVILS. Session de 1454 X" 9210 (ce registre contient aussi les Grands-jours de Thouars de 1455.) La session de 1519 man- Document II II I II II Illhl 1111 1R I L

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Page 1: GRANDS-JOURS DE POITIERSbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/ae3f2...1° BIBLIOTHÈQUE DU LUXEMBOURG Collection Boissy dAnglas, 0246 4 vol. in-1. 20 BIBLIOTHÈQUE NKTIONÀLE

GRANDS-JOURS DE POITIERS

DE 1454 A 1034 (1).

P11LIMINAIRES.

On considère généralement les Grands-jours commedes assises extraordinaires que des commissaires ehoh

(t) BIBLIOGRÂPITIE. M. UnÊnusi Grands-jours d'Auvergne en 1665,par Flichier.

M. Grün, dans la préface des Actes du parlement de Paris, adonnéune description sommaire des différentes sessions de Grands-jours.

M. Léon Faye, qui n publié une notice sur les Grands-Jours dePoitiers, dans les $fémoires des Antiquaires de l'Ouest (1854), avouen'avoir jamais consulté les documents déposés aux Archives nationales.

Onsn TALON Mémoires.IsAunImT Anciennes lois françaises.Ordonnances des rois de Transe.THIBRAUnEAU Histoire du Foitoic, 6 vol. in-12, 1775.,TEkN BOtIdUET: Annales d'Aquitaine.ETlmaeE Pasquma (Bitures coro pt êtes.LA RoounrLAvj, Histoire des Parlements.M. Bouvaiuc Institutions de la Transe sous Phikppe le Bel.M. Panoussns Essai historique sur Itorganisation judiciaire.

- GUYOT Répertoire de jurisprudence.PaussEL Traité de lusage des fiefs.Docuucxus nArtusdnITs. Aux Archives nationales, les registres civils

des Grands-jours sont compris dans la série judiciaire Xj', et formentune section séparée.

Les registres criminels sont confondus avec ceux de la thème ca-tégorie du Parlement.

t' Rarsnss CIVILS. Session de 1454 X" 9210 (ce registre contientaussi les Grands-jours de Thouars de 1455.) La session de 1519 man-

Document

II II I II II Illhl 1111 1RI

L

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2 GRANDS-JOURS

sis par le roi allaient tenir dans les provinces éloi-gnées, pour réprimer les crimes devant lesquels lajustice locale demeurait impuissante. La publicationde l'ouvrage de Fléchier sur les Grands-jours d'Au-vergne u contribué à ne faire regarder l'institutionque sous ce seul aspect. Dans ce livre, Fléchier araconté les événements les plus remarquables et lesprocès les plus curieux de la session de 1665, mais ilne s'est pas attaché à faire connaitre l'institution des

que. Session de 1531 X' 9201. Session (le 1541 X' 9202. Sessionde 1567 Xi- 9203. Session de 1579 X1R 0204, 9205. Seùion de 1634X'° 9206, 9207, 9208, 9200.

Minutes de 1579, X 10570.2° REGISTRES CRIMINELs. Les sessions de 1454 et de 1519 manquent

Session de 1531K. Session de 1541 manque. Session de 1567X2a 137. Session de 1570 X2' 142. Session de 1634 X2* 252.

Des extraits de ces divers registres; faits ail dix-septième ou audix-huitième siècles, permettent de suppléer à certaines lacunes, no-tamment à la perte des registres de la session de 1519, et se trouvent

1° BIBLIOTHÈQUE DU LUXEMBOURG Collection Boissy d'Anglas, 02464 vol. in-1'.

20 BIBLIOTHÈQUE NKTIONÀLE Fonds français, 16505 h 16509.Dongois n fait précéder les registres de 1665 d'une étude sommaire

surl'origine des Grands-jours. Archives nationales, U, 130.On trouve dans les archives municipales de Poitiers' des documents

relatifs aux sessions ' de Grands-jours tenues dans cette ville. Ces docu-ments, oit l'on rencontre de curieux détails sur le cérémonial, surla tenue des séances, sur les rapports des magistrats avec les différen-tes autorités, no peuvent être d'un grand secours pour une étudegénérale sur l'institution des Grands-jours.

Dans les Mémoires des Ântiquires dc l' Ouest (1839-1840), M. Redet,- archiviste de la Vienne, a donné quelques extraits des comptes de In

ville de Poitiers au quatorzième et quinzième siècles. A l'occasiondes Grands-jours féodaux tenus par ordre de Jean de Berry, comtede Poitiers, la ville fit quelques dépenses, relatées dans ces extraits.

Les principaÙc éléments de ce travail sur les Grands-jours de Poi-tiers ont été surtout tirés des registres originaux déposés aux archi-ves nationales et des copies qui sont conservées à le bibliothèque duLuxembourg.

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• b 4PÔITtERSJ 2Grands-jours. M. Chéruel, l'éditeur de Fléchier, n'apas eu d'autre but!, en s'appuyant sur lautorité desregistres de Dongois, le greffier de la session, que decorroborer et de compléter les récits de l'historien.

On ne doit pas considérer uniquement les Grands-jours comme un tribunal criminel extraordinaire; ilsformaient aussi unejuridiction d'appel pour les causesciviles, et étaient investis d'attributions très-étendues.

Le but de ce travail est de montrer le caractère,l'organisation et les attributions des Grands-jours dePoitiers. Comme pendant près de deux siècles l'insti-'tution ne subit pas de changements notables et restajusqu'à la fin telle qu'elle avait été constituée à l'on-'gine, une étude d'ensemble était possible.

Les sessions de Grands-jours, tenues à la mêmeépoque dans d'autres villes, avaient une même com-position, une même compétence. Une étude particu-lière des Grands-jours d'une province fait donc res-sortir les caractères généraux de l'institution.

La monographie d'une session séparée ne présen-terait pas grand intérêt, car elle se réduirait à l'énumé-ration de causes insignifiantes ou semblables, suscepti-bles d'être ramenées à quelques types principaux. Ense bornant aux causes principales d'une ou de plusieurssessions, on serait contraint, si l'on voulait suivre lesaffaires depuis leurs origines jusqu'à leurs conclusions,de consulter les archives des juridictions inférieuresou celles du Parlement et de s'écarter ainsi du plan pri-mitif. En effet, comme les Grands-jours étaient aussiune juridiction d'appel, il faudrait., pour remonter àl'origine d'une cause, recourir aux archives de la ju-ridiction où elle a été plaidée en première instance.En outre, quand le rôle trop surchargé ou le moment

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4 GÂk4DSJOTJJt

dé la clôturé ne permettaient plus aux magistrats deGrànds-jours de terminer les causes pendantes, ils lesrenvoyaient à une prochaine session du Parlement.

Les Mémoires de Fléchier sur les Grands-jours d'Au-vergne en 1665, ne peuvent servir d'exemple à unauteur qui voudrait donner le tableau exact et completd'une session de Grands-jours. L'ouvrage de Fléchierest incomplet. Si l'historien s'était appliqué à entrerdans le détail de tous les débats, il n'aurait pas évitéles inconvénients que nous signalons.

Dans notre ancien droit, la dénomination de joui'servait à désigner toutes les différentes juridictions.Si l'on ne considère que le sens propre des mots, lestermes Grands jours indiquent une juridiction supé-rieure. « Le nom de jour, dit Dongois (t), « est un» nom commun à toutes les juridictions; mais il a» été donné par excellence à celle-ci, pour la distin-D guer des jours des plaids ordinaires. Et le nom de» Grands-jours montre assez qu'elle est supérieure à, toutes les juridictions ordinaires. »

A l'origine, les Grands-jours n'étaient qu'une juri-diction supérieure instituée dans quelques grands fiefs,comme en Champagne, et analogue aux autres juri-dictions supérieures qui existaient dans d'autres pays,sous des noms différents.

Les Grands-jours royaux étaient une délégationd'un parlement que le roi envoyait dans une villeéloignée du ressort de cette cour. Cette délégationinvestie des pouvoirs les plus étendus, avait pour mis-sion de rendre prompte et bonne justice aux parties.

Elle jugeait les appels qu'on interjetait des senten-

(t) Dongois, Archives nationa'es, U., 130.

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DE POITIERS. -

•ces rendues par les tribunaux inférieurs; elle inter-venait dans toutes les questions où le pouvoir centralétait intéressé, rendait des règlements d'administra-tion, entendait les plaintes portées contre le officiersprévaricateurs et punissait les criminels à qui leurpuissance permettait de braver impunément les jugesinférieurs. Pour mettre lajustice à la portée des parties,on distrayaitdu rôle du Parlement toutes les causes dela province où devaient se tenir les Grands-jours, et onchargeait les magistrats de celte juridiction de les jugerau siège même de la ville où s'ouvrait la session.Délégation du Parlement, la cour des Grands-joursavait, outre les pouvoirs du corps dont elle émanait,d'autres attributions considérables.

Ce ne fut pas seulement dans les provinces relevantdu Parlement de Paris qu'eurent lieu des sessions deGrands-jours plusieurs fois le Parlement de Toulouseenvoya des délégations dans différentes villes de sonressort.

ORIGINES.

Sans faire remonter, comme Laflocheflavin (1), l'ori-gine des Grands-jours à l'institution des inissi dominicide Charlemagne, il faut reconnaître que les rois, dé-sireux de faire pénétrer leur influence dans les con-trées les plus éloignées, ont, à toutes les époques,essayé de resserrer les liens qui unissaient les pro-vinces au pouvoir central. En déléguant des agentschargés de surveiller les officiers inférieurs, de s'infor-mer des besoins du pays et de rendre prompte etbonne justice, la royauté a pris un des moyens les

(I) La Rochellavin, Histoire dlis Parlements.

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6 GRANDS-JOURS

plus efficaces pour, assurer sa domination. Sous Phi-lippe-Auguste et sous saint Louis, nous trouvons lesbaillis-enquêteurs, chargés de parcourir le domaineroyal. Plus tard, ce fut aux maîtres des requêtes qu'ontransféra les fonctions d'enquêteurs. Les maîtres desrequêtes devaient faire ce.qu'on appelait des chevau-chées, c'est-à-dire visiter les provinces, suivant larépartition faite par le chancelier.

Dans leurs tournées (I), il leur était prescrit de re-cevoir les plaintes des populations sur l'oppressionqu'elles supportaient de la part des grands et desofficiers royaux, de faire un rapport au chancelier surla situation, sur l'administration des provinces et surla levée des impôts. Pour réprimer sommairement lesabus, ils avaient même la faculté de rendre des ar-rêts provisoires.

Là n'est pas l'origine des Grands-jours. Les che-vauchées des maîtres des requêtes ont subsisté enmême temps que cette juridiction, dont elles-provo-quaient en quelque sorte la convocation. ci Pôur re-» médier aux mêmes abus et autres avec plus d'auto-» rité, i' disait LouisXIIJ, dans l'ordonnance de 1629(2),réglant les chevauchées, q nostre intention est d'or-» donner la séance des Grands-jours. z'

Où faut-il donc chercher l'origine des Grands joursroyaux? Dans la transformation des Grands-joursféodaux de Champagne en juridiction royale et dansl'extension de cette institution à tout le royaume.Ce n'est que sous Charles Vil que les Grands-jours,tenus jusqu'à cette époque dans la seule province deChampagne (3), furent institués dans tout le royaume

(t) Isambert, t. XVI. p- 242. - (2) Id.(3) N. R. Les 44istres des Grands-jours sont divisés par séances.

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Mt POITIERS.- 7En 1454, ils furent convoqués à Poitiers; en 1455, àThouars; en 1456, à Bordeaux.

Sous les règnes précédents, à partir de Philippe leBel, des sessions de Grands-jours se tenaient à Troyes,à des intervalles assez rapprochés. Eu cette circon-stance, les souverains agissaient, non comme rois deFrance, mais comme comtes de Champagne (1). Phi-lippe le Bel avait épousé Jeanne de Navarre, héritièreet fille du dernier comte de Champagne. Par ce manage, cette province avait été réunie à la France,sans être complètement incorporée au domaine royal.Elle n'était pas soumise au même régime que les pro-vinces relevant directement de la couronne. Tandisque quelques autres ressortissaient directement auParlement de Paris1 celle-ci avait conservé ses juri-dictions dont les Grands-jours étaient la principale.Ces Grands-jours de Champagne, qui plus lard don-nèrent l'idée aux rois d'étendre le bienfait de cetteinstitution à tout le royaume, avaient un caractère.Particulier. Ils n'étaient que la juridiction supérieuredu comté de Champagne, analogue à toutes cellesqui existaient dans les autres grands fiefs du royaume.Cette juridiction, qui portait le nom de Grands-joursen Champagne, en Bourgogne, dans le Perche et dansquelques autres pays, s'appelait Echiquier en Nor-

Les indications renvoient le lecteur, non pas au folio du registre,mais h la date de la séance. II suffit donc, pour retrouver l'indica-tion, de se reporter au registre de l'année et à la date d la séance.Cette méthode a été adoptée parce que, le plus souvent, on fait plutôtun résumé qu'une citation textuelle.

(1) Itegiatte de 1288 Pro domino rege Frarucorum tan quam dominoCampaniœ.

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mandie. L'Echiquier, comme les Grands-jours, rele-vait du Parlement de Paris:

g LajuridicÙon du Parlement de Paris, » dit M. Bon-tarie (1), « s'étendait'on principe sur toute la France,x c'était le tribunal souverain Cependant, il y avait» dansle royaume plusieurs autres hautes cours: l'Echi-

quier de Normandie, les Grands-jours de Champagne,• et le Parlement de Toulouse, qui j ugeaient les appels• des baillages de Normandie, de Champagne et de• Languedoc. L'Echiquier et les Grands-jours avaient• une origine commune. L'un était la cour du duc de• Normandie, l'autre celle du comte de Champagne.• Quand ces provinces furent réunies au domaine» 1'Echiquier et les Grands-jours subsistèrent, mais ils» conservèrent leur caractère seigneurial. Lorsqu'une» province était dévolue à la Couronne, elle n'y était» pas unie irrévocablement, les rois se réservaient leii droit de l'aliéner en faveur des princes du sang. Tant

qu'elle restait entre les mains du roi, celui-ci ne» l'administrait qu'à titre de comte ou de duc. On ap-» pelait de ces juridictions comme on appelait des» cours des comtes. »

Sous Philippe le Bel, l'institution conserva le ca-ractère qu'elle avait sous les comtes. En 1303, ceprincé rendit une ordonnance pour faire tenir deuxparlements à Paris et deux sessions de Grands-joursà Troyes. Cette ordonnance montre clairement que la -Champagne gardait une juridiction distincte de la courdu roi. Les chanceliers de France, qui au début allè-rent tenir 1i sceau, en avaient un spécialement ré-servé à la cour de Champagne. Le roi désignait des

(1) institutions da ta Frange sous Philippe le net, P. 213 et 214.

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DE401TfEflS. 19

membres du Parlement comme assesseurs; à-côté deceux-ci siégeaient des membres de droit, appartenantau pars. On y comptait, comme.pairs ecclésiastiques,l'évêque de Troyes, l'abbé de Saint-Loup, et, commepairs laïques, les sires de Joinville et les principauxbarons de Champagne. Celle cour, comme les courssupérieures des autres grands fiefs de Franco, avaitdes attributions nombreuses dans lesquelles rentraientla justice, les finances, l'administration.

Peu à peu les successeurs de Philippe le Bel con-fondirent, les pouvoirs qu'ils exerçaient comme roiset comme comtes de' Champagne; l'autorité royalesupplanta le pouvoir local et les officiers de la cou-ronne assimilèrent la Champagne aux autres provin-ces du domaine royal. Les sessions des Grands-joursn'eurent lieu qu'à des intervalles éloignés, pendantlesquels les appels de Champagne venaient à Paris.Pendant les sessions, les membres du Parlement deParis reléguèrent au second rang les membres de,droit, qui finirent par disparaitre tout à fait. A peinel'abbé de saint Loup et l'évêque de Troyes obtinrent-ils la faveur de siéger à titre honorifique parmi lesassesseurs de la cour. La juridiction supérieure deChampagne s'était transformée en une délégation diiParlêment royitl. Quand les Grands-jours se tien-dront alternativement dans d'autres villes du royaume,ils seront uniquement composés de membres à qui leroi aura donné une commission spéciale. En vain leshauts dignitaires du pays réclamei'ont-ils le droit deprendre place et d'opiner dans les séances. La courrefusera d'entendre leurs réclamations et ne leuraccordera qu'une place d'honneur.

A partir de 1454, les Grands-jours, convoqués par

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10 GRANDS-JOURS

le pouvoir central, eurent le caractère d'une institu-tion purement royale et écartèrent de leur sein toutce qui était susceptible de rappeler les anciennes ju-ridictions féodales.

Quand les rois aliénaient une province en faveurd'un prince du sang ou érigeaient une terre en pai-rie, ils accordaient aux personnages investis de cettedignité le pouvoir de tenir les Grands-jours dansleur fief, Ces Grands-jours n'étaient pas seulementdes assises extraordinaires; ils avaient tous les carac-tères d'une juridiction supérieure et durable.

En concédant ce privilège, les rois ne faisaientqu'assimiler le nouveau fief aux autres fiefs, quiavaient leur juridiction supérieure, et ne voulaient pasmettre les princes apanagistes dans un rang d'infé-riorité vis-à-vis des autres feudataires,- Louis le Hutin accorda à Charles son frère, comtede la Marche, le droit de tenir les Grands-jours dansses terres. Ce prince délégua des officiers pour tenirdes assises où furent reçus les comptes des officiersinférieurs et les appellations des juges ordinaires.Philippe de Valois donna le droit de Grands-jours àson fils Philippe d'Orléans, pour l'Orléanais et leValois (5 mai 1346), et par des lettres du 8 mai de lamême année, il renvoya à ces Grands-jours les procèsde ces pays qui avaient été portés au Parlement deParis. Cette cour gardait néanmoins le pouvoir dedécider dans les causes de souveraineté. Les roisn'abdiquaient jamais leurs droits d'une manière aussiabsolue. Charles V accorda à ses frères le droit detenir des Grands-jours. Toutes les fois que le Percheétait donné en apanage, le roi accordait le droit deGrands-jours à l'apanagiste.

s

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DE POITIERS. .11Bans l'érection des pairies de Jean le Bon à Fran-

çois 101 , on accorda un droit semblable à tous lesnouveaux pairs. A son avènement à la couronne,le roi Jean reconnut ce droit à Charles le Mauvais,pour le comte d'Evreux. « Cette prééminence des» Grands jours, t dit IJongois (1), c n'était pas une» suite de la dignité de pair qui entraînait seulementii pour les pairs le droit d'avoir leurs affaires person-» nelles jugées au Parlement. Après l'érection d'uneD terre en pairie, il fallait une concession spéciale pouru tenir les Grands-jours. » Les seigneurs possédant cedroit pouvaient même tenir leurs sessions à Paris,comme l'ont fait les comtes de Nevers.

Pour tenir les Grands-jours, les seigneurs devaientobtenir la permission etet demander des conseillers duParlement. Imbert de Bussy, membre du Parlement,qui avait présidé aux Grands-jours d'Alençon en 1392et 1397, fut envoyé en qualité de président à ceux deBourgogne, tenus à Beaune en 1407. Jean de Berry,prince apanagiste de Poitou, convoqua plusieurs foisà Poitiers la Cour des Grands-jours, comme- comtede la province. A chaque session on peut constaterla présence de membres du Parlement de Paris. LeVisté, qui présida aux Grands-jours royaux de Poi-tiers en 1531, fut président de ceux de Bretagne en1525 et 1532. Cette présence des membres du Par-lement dans les Grands-jours féodaux , indiquait laprééminence de la Cour du roi sur toutes les juridic-tions.

Les princesses douairières avaient également ledroit de Grands-jours. En 1515 et 1525, Louise de

(I) Dongois, Préliminaires, etc., U, 130.

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ig GRANDS-JOURS

Savdiobtint de son fils, François I°, la pérmissionde faire tenir des sessions dans ses terres.

• La plupart des Grands-jours seigneuriaux cessèrentpeu à peu, supprimés par les rois ou abolis à la sol-licitation des seigneurs. L'édit de Roussillon (t)(1563), défendit auxseigneurs d'avoir deux degrés dejuridiction. C'était un coup indirectement porté àl'institution des Grands-jours féodaux. En 1571, lorsdu rétablissement des Grands-jours d'Alençon en fa-veur du due François, il y eut de l'opposition auParlement, et un des avocats généraux déclara quemieux valait la création de dix parlements royauxque d'un échiquier seigneurial. A l'avenir, lorsque leroi créa de nouvelles pairies, il s'appuya sur l'éditde Roussillon pour refuser le droit de Grands-jours.

c Si par la suite des temps, D dit Iiongois (2), « lesGrands-jours des pairs de France ont été abolis, il

D faut demeurer d'accord qu'ils ont enfanté, pour ainsi» dire, ceux qui se tiennent maintenant par tout le pays» avec tant de fruit et d'utilité pour les sujets du roi. »

UTILITÉ ET BUT DES GRAND5-JOURS.

La tenue des Grands-jours de Troyes transformés enjuridiction royale, avait amené d'excellents résultatsen Champagne. Les causes d'appel de cette province,au lieu de s'accumuler au greffe du Parlement, étaientterminées chaque année. Les parties pouvaient, pres-que sur place, surveiller la conduite de leurs affaires,sans être contraintes de recourir à un procureur deParis ou de venir elles-û)êmes dans cette ville. La jus-

(t) Art, 24. - (2) Dongois, PréL, U, 130.

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DE POITIERS. 13lice d'appel n'était donc pas illusoire; puisqu'elle étaitrapide et mise à la portée des intéressés. Le roi, enenvoyant des délégués du.Parlernônt occuper les pre-miers rangs à la juridiction supérieure de la provinceiétendait et affirmait l'autorité de la couronne. C'est àces Grands-jours que les baillis ou sénéchaux et lesautres officiers de justice, de finance et d'administra-ftion venaient rendre leurs comptes. Ils n'étaient pasobligés de venir à Paris comparaitre devant le .Parle-ment, et ils évitaient ainsi un déplacement qui lestenait éloignés longtemps de leur résidence. Lecontrôle de la gestion était en outre facilité, puisque.il s'exerçait sur les lieux; ce qui permettait aux inté-ressés de venir porter plainte directement aux magis-trats des Grands-jours. Ceux-ci pouvaient, grâce à.l'autorité royale dont ils étaient les représentants,combattre les empiétements de la féodalité et réprimerles excès et les abus de tout genre.

Les rois ne pouvaient manquer d'introduire, dansles provinces éloignées du domaine royal, une insti-tution capable de produire de si bons résultats. Dé-livré des Anglais, Charles VII rendit une ordonnancepour ordonner la tenue d'une session de Grands-joursà Poitiers, au mois de septembre 1454.

Ce n'était pas le premier essai qu'avait tenté laroyauté. Déjà, sous Charles le Bel (t), une délégationdu Parlement avait siégé à Paris sous le nom doGrands-jours et jugé quelques grands criminels.

e Le Parlement de Paris, » dit Dupleix dans sonHistoire de France, (est d'une si grande étendue qu'il

ne peut pas toujours faire sentir de près les effets

(t) Dongois, Prêt., U, 150.

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14 GRANDS-JOURS

D de sa justice ès provinces éloignées; de sorte queplusieurs crimes s'y commettent avec impunitépour cette considération, nos rois, de temps en

x temps, ont coutume d'envoyer des commissaires,• pris dans le même Parlement, ès provinces où ils• jugent être plus nécessaire que la justice soit d'au-• tant plus sévèrement exercée qu'elle y a été plus• longtemps languissante. D

Les Grands-jours furent un des moyens les plusefficaces dont se servit la royauté pour rattacher aupouvoir central les provinces éloignées et pour battreen brèche la féodalité.

Il ne faut pas croire qu'après la disparition ou ladestruction des grands fiefs, la royauté n'avait plusqu'à établir tranquillement son autorité sur les ruinesde la féodalité abattue. Qu'on parcoure les chroniques,les registres et les édits de convocation des Grands-jours, et l'on verra combien était puissante et redou-table la féodalité locale. Les juges royaux étaient im-puissants ou complices. Certains gentilshommes,enhardis par l'impunité, renouvelaient, au -seizièmeet même au dix-septième siècle, des excès dignesdes époques où la royauté était impuissante à pro-téger les populations. Retirés dans leurs châteaux, ilsbravaient les officiers royaux et répondaient à coupsd'aquebuse aux archers qui venaient les appréhenderau corps.

c En 1531, » dit Jean Bouchet (1), a le roy, considé-D rant que les roys règnènt par justice, et..., que puis

six ou sept ans aucuns gentils hommes se vouloient» faire croyre de leurs opinions par assemblées et

(1) Annales d'Âqixitciine.

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DE POITIEflS. 15combats, sans autorité du roy, et aussi par force,sans faire révérence au roy ni à justice, et que

D plusieurs, sans tiltres, s'emparoient des bénéfices,D les tenans par force et violence contre ceux qui en» avoient jouy par plus de 15 à 20 ans, à bon tiltre,D de sorte que les juges royaux n'avoient plus d'au-

thorité, et n'y avoit sergent qui ausast aller met-tre à exécution les mandemens pour les grands et

» enormes excès qu'on leur faisoit à leurs records etD temoins, ordonna dés le mois de juillet que les» Grands-jours seroient tenus à Poictiers.

L'avocat général Faye, en ouvrant la session desGrands-jours de Troyes, en 1583, fi l un discours oùil montrait comment l'institution avait ramené l'ordreet la sécurité « ès pays de Poitou et d'Auvergne, où trois• mois avant la tenue des séances, les eglises étoient• désertes; les grands et les nobles, au lieu de soula-• ger leurs sujets ruinés par les guerres, leur impo-• soient des cens et des corvées; et où les juges, éton-• nés de la violence des grands, au lieu d'ouvrir la• justice aux faibles, les abandonnojent à la force et• connivoient à l'injustice. »

Orner Talon (I), dans ses Mémoires, avoue qu'iltrouva, à son arrivée à Poitiers, « les maximes deD courage et de sévérité endormies parmi les juges. )

A la session de 1634, plus de deux cents gentils-hommes furent poursuivis et condamnés.

La royauté elle-même ne craint pas, dans les éditsde convocation, de divulguer la profondeur du mal;auquél elle compte apporter un énergique remède:Charles VII (2) exprima le désir de relever ses sub

(I) (JmerTalon,Mé,nojyes, t. J, 1634. —(2) Ed. de 1454.

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16 GRANDS-JOURS

» gez d'oppressions et dommages et de donner ordrex. et provisions ès telles matieres. » En 1519, Fran-çois Il, ordonna la tenue des Grands-jours (1), « parce

qu'il lui -a esté présentement remonstré qu'il estp grand besoin et nécessité de les faire tenir en la» ville de Poitiers. »

Dans ces deux édits, il n'est pas spécialement ques-tion des gentilshommes, mais des officiers royaux et« d'autres personnes quelconques. »

En 1541, le roi déclara qu'il « a appris que ès diz» pays se commettent tous les jours plusieurs grands» crimes, excès, voies de fait, et autres maléfices parD . les gentilshommes et autres sujets; lesquels cri-» mes, délits, excès et voies de fait et autres malé-

fices, tant pour la longue distance des lieux, commepour la négligence de nos officiers ès diz pays etsupport que quelquefois ont aucuns crimineux, de-

» meurent impunis, tellement que nos pauvres sub-» gets sont excédez et ne sont satisfaits de réparation. »

En 1531 (2), le président de la session, Antoine leViste, fit réunir les officiers royaux et leur dit que« le roi étoit averti des désobéissances à la justice,» qu'il avoit connaissance des entreprises, excès et» voies de fait qui ont été faites et se font de jour enD jour en son pays de Poitou et autres circonvoisins. »Mais les officiers, quoiqu'ils eussent fait leur devoir,n'avaient pu remédier à cet état de choses, à cause de lapuissance des criminels. « Aussi le roi a-t-il voulu la» dite cour venir en la ville de Poicticrs pour punir les» cas dessus diz et réprimer telles voies de fait (3). »Cet exposé de la situation montre la prudence qu'eût

(1) Ed. de 1519,— (.2) P' sept. —(3) Edit de 1519.

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DE POITIERS. 17le roi en cette occasion d 'envoyer cinquante hom-mes d'armes commandés par le grand prévôt des ma-réchaux, pour prêter main forte à l'exécution des arrêts(le la Cour.

En 1567 (1), le sire de Lanzac, qui prit place à lacour en qualité de lieutenant du duc d'Anjou, fit untableau de la situation. Revenant du Bordelais, il apu, en traversant les pçovinces, voir par lui-mêmeles excès qui se commettaient. En Angoumois, deuxgentilshommes, les sires de Laumont et de la Chéze,se sont pris de querelle à propos d'un oiseau et ontpromis de se rencontrer cent lances contre centlances. lin sire de Sainte'Ijolombe a été tué dans unequerelle par vingt-cinq arquebusiers. Près Vivoneun Espagnol, porteur de dépêches, a été assassiné etdétroussé.

Le sire de Montoud (2), envoyé du roi, rapportaque, dans certaines provinces du ressort, des bénéficesavaient été usurpés , et que des prêtres, qui avaientessayé de rentrer en possession, avaient été tués.

A cette même session, un gentilhomme vint de-mander justice vingt-quatre heures après, il étaitcruellement mis à mort. Tin prieur vint exposer à laCour que, des usurpateurs détenaient son prieurédont les sergents n'osaient les déloger.

L'édit de convocation de 1634 entre dans la longueénumération des crimes, attentats, rébellions et usur-pations dont les Grands-jours devaient assurer la ré-pression et empêcher le renouvellement.

La Cour ne se bornait pas à la punition des crimi-nels, à qui leur puissance avait assuré l'impunité sur

-(1)8 sept. —(2) Id.2

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18 GRANDS-JOURS-

le théâtre de leurs crimes. Elle recevait aussi les ap-pels des causes civiles, et exerçait la surveillance surtoutes les branches de l'administration. Le détail desattributions dévolues à la Cour montrera l'utilité queles provinces et la royauté retiraient de cette institu-tion. Par cette délégation du Parlement, qu'elle inves-tissait des pouvoirs les plus étendus, la royauté fai-sait sentir' les effets de son, autorité d'une manièreaussi efficace dans les provinces éloignées que dans lacapitale.

ÉTENDUE ET IMPORTANCE DE LA JURIDICTION.

La juridiction du Parlement de Paris s'étendait enprincipe sur toute là France. Les agrandissements dudomaine royal et l'accroissement du pouvoir centralaugmentèrent le nombre des affaires portées au Par-lement, dont les attributions étaient en iime tempsaccrues. L'administration de la justice subissait des re-tards préjudiciables aux intérêts de la royauté. Cet étatde choses appelait une réforme. Afin que le Parlementpût exercer son influence avec efficacité et que lesaffaires reçussent une prompte solution, il fallait res-treindre la juridiction de la Cour, et faire juger àcertaines époques toutes les affaires en retard. Cedouble résultat fut atteint par la création des parle-ments provinciaux et par l'établissement périodiquedes Grands-jours, qui n'étaient qu'une sorte de parle-ment provincial d'une durée temporaire.

Au Parlement de Paris, les causes ne se jugeaientpas suivant leur ordre d'inscription au rôle ; ellesétaient appelées par bailliages. Chaque bailli ou sé-néchal était tenu d'envoyer annuellement au Parle-

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DE POITIERS. 19ment les causes d'appel de sa juridiction. Comme lescauses d'un bailliage n'étaient pasjugées avant que lescauses du bailliage précédent ne fussent épuisées, ilarrivait quo les affaires restaient accumulées plusieursannées, avant qu'ellesfussent exhumées dugreffe pourêtre portées devant les juges. « Les rôles d'appelIa-• tiens verbales des années et parlements précédents,• de plusieurs prévotés et bailliages, D dit l'édit de1541 (1), c sont demeurés à expédier, mesmement des• sénéchaussées de Poitou... et jusqu'à la vidange et• expédition des quels rôles anciens on ne peut tou-• cher aux nouveaux et aux appellations récemment• interjetées. »

En enlevant au Parlement lé jugement des causespendantes de certains bailliages , les Grands-joursremédiaient à l'inconvénient de laisser les procèss'accumuler au greffe.

Le roi Charles VII, en envoyant des membres duParlement tenir à Poitiers une session de Grands-jours,rendit hommage au dévouement de cette ville, quiavait reçu dans ses murs les magistrats fidèles à 1acause royale. De 1418 à 1436, Poitiers resta le siégede la Cour supréme. Quand les Anglaisfurent chassés deParis, le roi fit revenir le Parlement dans la capitale.Satisfait de la façon dont les habitants de Poitiersavaient reçu le Parlement et du patriotisme qu'ilsavaient montré pendant l'invasion , Charles VII vou-lut, en dédommagement du départ du Parlement,instituer dans cette ville une juridiction supérieure.Les Poitevins, informés que le roi, qui avait en 1443rétabli le Parlement de Toulouse, songeait à créer un

(1)Edit de 154.

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20 GBANDSJOURS

nouveau parlement provincial, en réclamèrent l'éta-blissement dans leur fidèle cité (1) « pour le soulage-ment des subgez du pays de Poictou. » Des consi-dérations politiques firent obtenir la préférence àBordeaux.

En 1453, Charles VII traversa Poitiers en revenantde soumettre les Bordelais révoltés. A son passage,clergé, bourgeois, noblesse, tous renouvelèrent lademande-d'un parlement , alléguant « que sur latrès—mauvaise trahison qu'ils avoient faite, les habi-tans de Bordeaux n'estoient plus dignes désormais decette haute juridiction (2). » Le roi ajourna sa réponse.En février 1454 (3), une députation, que dirigeaientrévéque Jean Jouvenel des Ursins et le lieutenant dusénéchal, Maurice Claveurier, al la trouver le roi à Tourspour lui rappeler les droits de la ville. Poitiers neput obtenir gain de cause et dut se contenter d'unsiège royal, afin qu'il soit mémoire perpétuelle ànous et à nos successeurs que la dite cour de Parle-ment y a esté et demeurée. »

L'ordonnance constitutive du siège royal est pour laville de Poitiers un titre d'honneur où sont relatéesles preuves de sa fidélité et de son dévouement à lacause de Charles VII. et de la patrie envahie. Le roidéclare (4) qu'il « fut grandement, honorablement et

à grand joye reçeu par les gens dEglise, bourgeois,maire et habitans d'icelle, et qu'il l'ont secouru et

• aydé de tout leur pouvoir et puissance, sans y épar-• guer corps ni ehevance, à tous les affaires et néces-• sitez pour le recouvrement du royaume. »

(1) Archives de la ville de Poitiers, 994. —(2) Ibis,. 1165. - (S) Faye,

Bulletin des Antiquaires de l'Ouest, 1854. - (4) Ordonnontes. t. XIII,

P. 226.

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r

DE POITIERS. 21Le siège royal (1) devait décider et connaître de

toutes les causes de régales et d'exemptions du Poitouet de la basse Marche, et des cas de nouvelleté quiseraient commis aux juges du pays en vertu de lettresroyaux. Si, par suite d'un cominittirnus (2), ajourne-meut était donné à un des siéges du Poitou, le séné-chal de Poitiers pouvait évoquer, si bon lui semblait,la cause au siège royal.

En 1461, la ville, dont les finances étaient obérées- par les secours fournis à Charles VII, n'hésita pas à

s'imposer 200 écus d'or qu'elle remit à Louis de Crus-sol, sénéchal du Poitou. Il fut chargé de tenter toutesles démarches nécessaires à obtenir du roi l'érectiond'un Parlement. Dans l'espérance que les Limousinsne demanderaient pas mieux que d'avoir la justice àleur portée, par l'établissement d'un Parlement à Poi-tiers, les Poitevins envoyèrent une députation versles consuls de Limoges pour les prier de joindre leursinstances aux leurs (8). Toutes ces tentatives furentvaines.

Quand la Guyenne fut donnée en apanage àCharles,frère de Louis XI, on songea à transférer la Cour sou-veraine de Bordeaux dans une ville du domaine royal.La ville de Poitiers (4) se hâta de solliciter cette fa-veur tant désirée et dans les instructions qu'elledonna aux mandataires envoyés à Louis XI, elle re-présenta que, de toutes les localités pouvant préten-dre au séjour de la cour, aucune ne se trouvait dans

(t) Ordonnances, t. XIII, p. 227.(2) Le commir(i,nus était le droit qu'obtenaient certains privilégiés

de faire juger leurs Causes par un tribunal autre que celui dont ilsétaient justiciables. - (3) M. Redet, Antiquaires de f Ouest (1840). -(4) Faye, Antiquaires de L'Ouest, 1854.

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22 GRANDS-JOURS

des conditions aussi favorables. On y rappelait le sé-jour du Parlement, le grand nombre de gens de loi,on faisait valoir que la ville possédait « ung bel etnotable palais bien et grandement édifié (1). Poi-tiers parvint enfin à obtenir la translation du Par-lement de Bordeaux dans ses mors. Mais , après lamort du due Charles en 1472, la Guyenne revint à lacouronne, et le Parlement retourna à Bordeaux. Laville, qui avait dépensé 4,000 écus pour l'ihstallationde la cour, resta chargée de l'acquittement decette somme (2).

Louis XI (3), qui n'aimait $s à montrer de la gra-titude envers ceux restés fidèles, à son père dans labonne comme dans la mauvaise fortune, ne cherchapas à donner une compensation à la ville. Il fit plusla sénéchaussée de Poitiers fut démembrée pour formerune juridiction semblable à Niort. Réclamations, hum-bles remontrances, tout fut inutile; et Poitiers perditune partie de son importance judiciaire.

Etienne Pasquier rapporte que de son temps il Tutencore question d'établir un parlement à Poitiers.- La tenue presque périodique des Grands-jours, lacréation d'un présidial sous Renri II, la faveur, ac-cordée à la magistrature poitevine de porter, aux cé-rémonies solennelles, la robe écarlate comme lesmembres du Parlement, étaient une compensationbien faible obtenue par la vieille cité en récompensede ses sacrifices et de sa fidélité.

Le présidial de Poitiers, qui comprenait dans sonressort les sièges de Lusignan, de Chàtellerault, de

(I) Archives municipales de Poitiers, registre 6. - (2) Archit'cs muni-cipales de Poitiers, n°780. —(3) M. Redet, Anriqwires de ÇOucsi (I840).

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DE POITIERS. 23

Montmorillon, du Dorat, de la basse Marche, de Fon-tenay-le-Comte , de Civray et de Saint-Maixent,servait de base à l'étendue de juridiction des Grands-jours, auxquels parfois on ajoutait d'autres séné-chaussées.

Les Grands-jours eurent lieu à Poitiers en 1454,1519, 1531, 1541, 1567, 1579, 1634. Des Grands-joursroyaux furent tenus à Thouars en 1455. Avant lasession de 1454, on trouve la trace de Grands-jourstenus en Poitou. Ainsi l'on voit, dans un manuscrit dela Bibliothèque nationale (t), contenant les coutumesdu Poitou, que certaines ordonnances furent faites etpubliées en la cour des Grands-jours le dernier octo-bre 1405. Les archives municipales (2) relatent qu'en1396 le maire et les notables envoyèrent du poissonau président des Grands-jours qui n'avait pas vouluaccepter un dîner offert par la ville. En 1396 et en1405, Jean de Berry, frère de Charles Y, était comteapanagiste de Poitou, et en cette qualitéil avait, commeles autres grands feudataires , le droit d'avoir desGrands-jours ou une juridiction supérieure. Les men-tions de dépenses extraordinaires inscrites sur les li-vres de comptes de la ville, ont permis à M. Redet (3)de constater qu'il y eut aussi des sessions de Grands-jours en 1387 et en 1390. Ces différentes sessionsavaient un caractère purement féodal. Thibeaudeau (4)a donc tort de considérer comme un fait extraordi-naire cette tenue des Grands-jours et de lui donnerle caractère d'une institution royale.

(1) Bibliotb. nat. 12042. Ponds français, manuscrit du quinzièmesiècle. - (2) Arc hi r es municipales, n' 854. —(3) MSoircs des Antiquai-res de t'Ouest (1840). - (4) Thibeaudeau, Hist. du Poitou, t. I.

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24 GRANDS-JOURS

Il ne faut pas compter parmi les sessions de Grands-jours la délégation désignée en 1589 par le Parlementligueur au nom du duc de Mayenne, ni la commissionde 1687, composée de conseillers d'Eilat, que LouisXlVenvoya en Poitou pour l'exécution de la révocationde l'édit de Nantes.

La juridiction des Grands-jours de Poitiers , quiétait presque toujours comprièe dans les mêmes limi-tes, était déterminée par l'édit de convocation.

Le Poitou, l'Angoumois, la Touraine, la Marche, leMaine, l'Aunis, l'Anjou, formaient le ressort ordinairedes Grands-jours. Le Périgord, le Limousin, le Ferryetméme le Perche relevèrent, à différentes sessions, dela Cour de Poitiers. En 1579, en prorogeant la session-,le roi adjoignit le Berry et le pays de Combrailles (1)pour le criminel seulement. La juridiction recevaitune étendue moins grande, si les provinces qui enfaisaient habituellement partie n'avaient pas un rôletrop surchargé au Parlement, et si aucun abus flagrantne réclamait des moyens particuliers de répression.

Ce n'étaient pas, à proprement parler, les provincesqui formaient l'étendue de juridiction, mais les bail-liages. La province ne constituait pas une divisionjudiciaire. Autrement on ne comprendrait pas pour-quoi quelques édits portaient, tout en mentionnant lenom général du pays, une désignation spéciale desbailliages. Ainsi, dans l'édit de 1531 (2), nous trou-vons, après la désignation du pays de Poitou, lamention des bailliages de Loudun, de Civray , deChûtellerault. Dans les édits suivants, tantôt une deces villes est omise, tantôt elle est relatée.

(1) 16 octobre. - (2) Edit de 1531.

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DE POITIERS. 25En 1533 et 1547, des Grands-jours eurent lieu à

Tours, en 1539 à Angers. Le Poitou , avec tous lesautres pays qui dépendaient ordinairement de son res-sort, fut rattaché à ces villes. Sous François W (1),toutes ces différentes contrées de l'Ouest formaienten quelque sorte une juridiction provinciale, dont lesassises se tenaient périodiquement tantôt à Tours,tantôt à Poitiers, tantôt à Angers.

La compétence de la Cour ne s'étendait qu'aux payssoumis àsajuridiction. Henri III, dansl'éditrde 1579(2),recommanda 'i aux conseillers d'expédier et de ter-

miner les causes et procès des dits bailliages, de• connoître etdéciderde toutes les appellationsdonnées• tant par les dits baillis et autres juges des pays des• susdits ressorts ou leurs lieutenants, pourvu que les• choses litigieuses ou les parties collitigean tes fussent• du ressort des dits Grands-jours. En 1531, quandle grand prévôt des maréchaux, Chandir, fut envoyéà Poitiers pour prêter main-forte à l'exécution dessentences de la cour, le roi lui prescrivit (3) de re-chercher les condamnés même, en dehors du ressortdes Grands-jours, sans obtenir le pareatis, c'est-à-direle droit de mettre la sentence à exécution sans l'in-tervention du juge du pays. Dans ce cas particulier, ilne s'agissait plus de commencer ou de poursuivrel'instruction d'un procès, mais d'en assurer l'exécu-tion. Les juges du lieu où s'était réfugié le condamnéne se trouvaient plus en présence d'un prévenu, maisd'un coupable, qui s'enfuyait pour échapper à la péineprononcée contre lui,

(t) Dongois, Préliminaires, U. 130, - (2) Edi(de 1579. - (3) Lettrespatentes à Chandir, 1531,

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26 GRANDS JOURS

Les parties ayant affaire à la Cour, mais résidanten dehors du ressort, devaient élire domicile danssa juridiction pour envoyer et recevoir des assigna-tions (1). -

CONVOCATION.

C'est à l'autorité royale qu'appartenait seule le pou-voir de convoquer les Grands-jours, d'en déterminerla juridiction et la durée , et d'en fixer lés attribu-tions.

Avant de s'arrêter à cette importante décision, leroi prenait avis de son conseil. Charles VII (2), dansla commission envoyée au président de la session de1454, dit qu'il e pris la résolution de faire tenir lesGrands-jours d'après une déclaration du grand conseil.De plus, l'édit de cette mémo année se termine par laformule de par le roi en soit (3). En 1519,François ler se décida à rendre l'édit de convocation

par l'advis, » dit-il (4), « de plusieurs personnes Île» nostre sang et autres - gens notables de notre,» conseil. »

Aux Grands-jours de 1567, le sire de Lansac, lieutenant du Dauphin (5) dans son gouvernement, passapar Poitiers et vint offrir ses services à la cour. Danssa harangue, il déclara qu'il avait assisté au conseil GiÏ

sa Majesté avait décrété la tenue de la session et fitpart des intentions qu'avait le roi. En 1579, Henri IIIs'exprima ainsi (6): ti Avons, par l'advis de plusieurs

princes de ùosire sang et d'autres de nostre conseil

(1) 14 sept. 1579. - (2) Commission à Yves de Sedpeaux. - (3) Editde 1454. - () Edit de 1519. —(5)18 sept. 1567. - (6) EdjI de 1579.

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DE POITIERS. 27

• privé, ordonné et ordonnons, voulons et nous plaît• que la juridiction vulgairement nommée Grands-• jours estre tenue et exercée en ceste présente annéen en nostre ville de Poictiers. »

Le 12 janvier 1634, Louis XIII, dans une déclara-tion qu'il fi t lui-même au Parlement, promit l'éta-blissement des Grands-jours pour porter remède auxmaux des provinces éloignées (1).

Etait-ce de sa propre initiative ou sur des réclama-tions qu'on lui adressait, que le roi ordonnait la tenuede cette terrible juridiction? Les édits ne sont pasexplicites et indiquent vaguement que le roi, ayantconnaissance de l'état où se trouvait le Poitou, etdésirant faire rendre bonne et prompte justice à sessujets, décidait la tenue des Grands-jours. Les roisaimaient mieux déclarer qu'ils avaient, de leur propreinitiative, sans suggestion, apporté remède au mal,que sembler céder à une pression.

La cour du Parlement, quand elle était trop sur-chargée d'affaires, ou quand elle voyait le mal pren-dre une trop grande extension, adressait une remon-trance au roi, par laquelle elle lui demandait deconvoquer les Grands-jours. En 1524 (2), le Parle-ment proposa à la régente Louise de Savoie de fairetenir les Grands-jours, comme moyen de purger lesprovinces des tyrans du peuple, de réformer les abuset de punir les juges prévaricateurs. En 1542 (3),.comme les prisons de Paris regorgeaient de captifs,François fer reçut du Parlement la demande d'uneconvocation de Grands-jours. En 1567, le sire de

(I) Orner Talon, Mémoires, 1634. - (2) t)ongois, PréLi,ninaire$, U -130. - (3) Id., ibid.

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28 GRANDS-JOURS

Lansac exposa aux magistrats de la Cour qu'il assis-tait à la séance du Cônseil où le Parlement de Parisdonna avis au roi de ce qu'il avait à faire « pourchâtier les désobéissants qui avoient si grandes licen-ces et cours en son royaume. » L'édit de convocationavait suivi de près cette communication de la Coursuprême.

Dans l'édit de 1454, Charles VII avait déclaré qu'unesession de Grands-jours se tiendrait chaque année àPoitiers. Des ordonnances rendues par les successeursde ce prince essayèrent d'établir que chaque annéeune session de Grands-jours aurait lieu dans une 'villedu ressort de chaque parlement.

Tel était le désir de la royauté, qui comptait, enrendant régulières les sessions de Grands-jours, fairetourner cette institution au profit du pouvoir central;tel était aussi le voeu exprimé par ]es Etats-Généraux,qui demandaient la tenue périodique de cette juridic-tion supérieure, pourassurer aux populations éloignéesdes centres une prompte justice et une protectionefficace.

Louis XII (1), en 149$, après une assemblée desnotables, rendit une ordonnance sur la réformationde la justice, où se trouve un article relatif à la tenueannuelle des Grands-jours. L'ordonnance de Moulins,'le 1563 (2), rappelait la même disposition. Celle deBlois, del 579 (3), portait que les Grands-jours se tien-draient tous les. ans dans les provinces les plus éloi-gnées de chaque parlement, suivant la distributionqui en serait faite par le roi. Louis XIII, dans l'ordon-

(t) Ordonnances, t. XXI, p. 192. - (2) Isambert • Anciennes joiefrançaises, t. XIV. - (3) Id., ibid.

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DE POITIERS. 29nance de 1629 (1), se réservait le droit de recourir àcette mesure suivant l'exigence des cas.

Malgré toutes ces prescriptions, la tenue des Grands—jours n'eut lieu qu'à des intervalles éloignés, tantpar suite des circonstances que 'Par la difficulté dedéplacer une partie du Parlement. Si le roi restaitlibre de convoquer, quand il le jugeait convenable,une session do Grands—jours, les voeux des Etats etles ordonnances lui faisaient néanmoins un devoir dese conformer à cette mesure.

Orner Talon (2) signale les abus qu'entrainait cetteirrégularité dans la convocation des Grands-jours. Lescriminels qui avaient une première fois échappé auxpoursuites de la Cour, devenaient ensuite plus auda-cieux et, comme il était difficile de prévoir l'époqueprobable d'une nouvelle convocation, ils reprenaientle cours de leurs forfaits. En 1634, un certain barondes Francs, qui s'était réfugié dans l'église de Saint-Savin—sur-Gartempe, dont il avait fait un refuge etune forteresse, fut cité devant les Grands—jours , etmême appréhendé au corps. Une puissante interven-tion lui évita le châtiment que lui avait mérité unelongue suite de crimes impunis. A peine les magis-trats de la Cour avaient-ils quitté Poitiers, que le barondes Francs se livra avec plus d'ardeur à de nouvellesexactions et se mit à rechercher ceux qui l'avaientdénoncé. Ce ne fut que quelques temps après qu'ondélivra le pays (le son tyran.

En outre , le long intervalle des sessions permettaitaux officiers royaux d'échapper à une surveillanceactive et de se montrer négligents on complaisants

(I) Isambert, Anciennes lois françaises, t. XVI, p. 430. - (2) OrnerTalon, Mémoires.

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dans l'exercice de leurs fonctions. « Il faudrait, D ditOrner Talon, u promettre et assurer la tenue des» Grands-jours tous les huit ou dix ans. Cette appré-hension est capable de retenir la noblesse et les offi-ciers dans le devoir. »

La simple rédaction de l'édit ne suffisait pas; l'en-registrement au Parlement était encore nécessaire à lavalidité de l'acte.-

Dans l'édit de 1454, on trouve la formule généralede salutation : u A tous ceulx qui ces présentes let-tres verront. » L'édit de 1519 (1) est adressé à « tousles amez et féaux conseillers qui tiennent et qui tien-dront nostre cour de Parlement à Paris; » et il estsuivi de la mention t Lecta et publicata fuerunt etregistrata Pansus in Parlamento die XI Augusti, annoDomini 1519. Sic signatum Du Tillet: »

L'édit était ensuite revêtu du sceau royal. u Entesmoing de ce, nous avons fait mettre notre séel encesdites présentes, D trouve-t-on comme clause devalidation à l'édit de 1454.

Après ces formalités, l'édit était envoyé à tous lessénéchaux du ressort de Poitiers, qui recevaient enmémo temps des lettres closes du roi, leur donnantordre de faire la publication de l'édit dans toute l'éten-due de leur juridiction, et principalement dans leurtribunal, afin que personne n'alléguât son ignorancecomme excuse.

Pour que l'édit reçût une plus grande publicité,t que les intéressés fissent les déclarations nécessaires

à la recherche des, crimes et à la réforme des abus,on avait recours à la voie des monitoires. Les curés

(t) Edit do 1519.

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DE POITIERS. 31

donnaient en chaire lecture de l'édit auquel était^jointe une lettre monitoire de l'évêque diocésain, obli-

sous peine des censures ecclésiastiques, tousceux qui avaient connaissance d'un crime ou de quel-que autre fait, dont on cherchait l'éclaircissement, àen faire la révélation.

Les édits contenaient un long préambule où le roiexposait les motifs qui le déterminaient à convoquerles Grands-jours. Venaient ensuite la composition etles attributions de la Cour, la fixation de la juridic-tion. Dans les édits les plus récents, comme danscelui de 1579, les attributions sont plus minutieuse-ment déterminées que dans les précédents. La royautéportait spécialement son attention sur certains faitsauparavant inaperçus, ou, se sentant plus forte, elles'attaquait franchement à des abus que jusqu'alorselle n'avait pas essayé de réprimer ouvertement.

COMPOSITION DES GRANDS-JOURS.

Les Grands-jours, comme le Parlement et les au-tres juridictions souveraines, portaient le titre decour. A la tête était un président, auquel était adjointun certain nombre d'assesseurs faisant fonction dejuges. Comme au Parlement, il y avait un greffe, unministère public, un grand nombre d'avocats et deprocureurs.

c Les Grands-jours, » dit Guy-Coquille, « sont une• assemblée d'aucuns présidons, maistres des re-• questes et conseillers de la Cour, de Parlement un• certain nombre, députés par lettres-patentes du• roi, qui s'assemblent en la ville ordonnée...

La première ordonnance, où il est question de la

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composition des Grands-jours, remonte à 1498 (1)chaque session devait être formée d'un président dela Grand'Chambre, d'un président aux enquêtes, detreize conseillers, dont huit de la Grand'Chamhre etcinq de la Chambre aux enquêtes, suivant leur ordred'ancienneté. L'ordonhance de Blois (2) ne fait pasmention de la composition de la Cour, mais prescritaux gouverneurs; aux lieutenants généraux, aux bailliset sénéchaux d'assister aux séances pour prêter main-forte à l'exécution des arrêts. Louis XIII, dans l'or-donnance de 1629, déclare qu'il enverra, pour pren-dre séance aux Grands-jours, 'z tel nombre de gensde ses parlements qu'il avisera.

Dans les différentes sessions de 1454 à 1634, desprésidents de chambre au Parlement furent seuls dé-signés pour être mis à la tête des Grands-jours. Parmices présidents, on compte des noms illustres. En1454, ce fut Yves de Scépeaux, qui devint plus tardpremier président du Parlement; en 1567, ce fut deHarlay; Séguier, en 1634.

Le roi désignait lui-même le Président par unelettre close, où il lui donnait ordre de se rendre àPoitiers pour présider les Grands-jours. La date deslettres indique que la désignation est faite par le roilui-même et non pas en son nom. La commission (3)donnée à Yves de Scépeaux est datée du 31 août 1454,du Breuil-Dore, où se trouvait alors le roi. En 1519,François Jar (4) envoya la commission au présidentRoger Barme, de Corbeil, en date du 10 août.

(1) Ordonnancc, t. XXI, p. 192. - (2) Isambert, t. XIV, p. 438.-(3) 1454. Commission à Yves de 5cdpeaux. - (4) 1519. Commission àflarme.

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;PZYOITIERS. :4.3

Puisque la cour des Grands-jours devait au civilconnaître des sentences rendues sur débat oral et dessentences rendues sur rapport, il était naturel d'enformer la composition, partie avec des conseillers dela Grand'Chambre, qui jugeaient les appels des sen-tences orales, et partie avec des conseillers de laChambre aux requêtes, qui jugeaient les appels dessentences rendues sur rapport.

Les assesseurs des Grands-jours étaient choisisparmi les conseillers, clercs et laïques, du Parlementde Paris. Cependant nous pouvons signaler une excep-tion à cette règle. En 1454, un membre de la Courdes aides, genercUis super facto juvamin'am (t), futadjointaux conseillers délégués du Parlement. L'or-donnance de 1498, limitant le nombre des assesseurs,resta lettre morte.

Comme l'importance des sessions variait suivantles époques,. le nombre des assesseurs variait égale-ment. En 1454, neuf conseillers siégèrent aux Grands-jours, et dix-huit en 1541. Aux autres sessions, lenombre varia de quatorze à seize. Sous Charles VII,les conseillers-clercs firent défaut. Plus tard, Us sontsupérieurs, comme en 1541, ou égaux, comme en1561, aux conseillers laïques ; mais jamais infé-rieurs (2).

En 1519, comme le nombre des causes était plusconsidérable qu'on ne l'avait supposé primitivement,le roi désigna trois conseillers laïques pour aider lesquinze autres précédemment nommés.

Parmi les conseillers assesseurs (3), tous n'occu-

(1) 1454. Edit, commission à Barton. - (2) Liste de compositionen tête des registres. - (3) Ibid.

3

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34 GRANDS-JOURS

paient pas au Parlement la même position. Les unsétaient de la Grand'Chambre, les autres des enquêtes.En 1454,1519,1531, un président aux enquêtesse trouvadans les rangs des assesseurs. Cette inégalité hiérarchi-que amena, en 1519, une discussion sur la questionde préséance. Le jour de l'ouverture (t), Philippe Pot,président aux enquêtes, prétendait précéder tous lesconseillers-clercs, quoique plus anciens que lui enréception. Guillaume 'Vendetar, autre conseiller-clerc,ne voulait pas céder son droit, alléguant que, si lesprésidents aux enquêtes précédaient les conseillers-clecs en leur chambre, ils allaient ailleurs en l'ordrede leur réception. Aucun ne voulut céder, et laquestion ne fut pas tranchée par la Cour, qui en ren-voya la discussion au Parlement', seul compétentdans la matière.- Tandis que les présidents recevaient toujours une

commission directe du roi, les assesseurs étaient dé-signés, tantôt par le roi, tantôt par la Cour du Parle-ment, qui leur délivrait leur commission au nom duroi: En 1454, les assesseurs, comme le président,furent désignés, si on s'en rapporte aux termesl'édit, par leurs collègues du Parlement. e Avonst voulu et ordonné, t dit Charles VII (2), « voulons» et ordonnons, que par ces présentes soient par nost amez et féaux conseillers, les gens tenant à présent» et qui tiendront pour le temps à venir nostre Par-» lement à Paris, nommez, esleuz, commis et envoyez /t l'un de nos présidents et six de nos conseillers en

nostre dite cour de ParleMent.., »A la session de 1541, le président François de Saint-

(1) 12 septembre. - (2) 1454. Edit de convocationE

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DE POITIERS. 35André tomba malade. Le maître des requêtes et leplus ancien conseiller, Auguste de Thou prétendirentchacun le remplacer. Le roi décida en faveur du con-seiller de Thou, à qui il adressa une commission datéede Lyon (1). Dans l'édit de 1519, le roi ne prescrivitpasà la Cour de désigner les membres des Grands -jours :« Avons ordonné, » dit-il, « envoyer en nostre dite» ville de Poictiers un président... douze conseillers.

Aux Grands-jours de f531 (2), la Cour reçut du roiune lettre missive qui appelait un conseiller à d'au-tres fonctions pour huit jours. Après avoir pris con-naissance de la lettre, elle accorda à l'assesseurcongé d'aller remplir les ordres du roi.

En 1541, le roi, par lettres patentes adressées auParlement, enjoignit à la Cour de choisir et d'en-voyer d'autres conseillers aux Grands-jours, en rem-placement de ceux qui se trouvaient malades ou légi-timement empêchés. En 1567 (3), Brachet, conseillerdésigné, tomba malade avant de pouvoir siéger. Aus-sitôt le roi envoya une lettre au Parlement, pour luidire de choisir un autre assesseur. Jean de floureçut, au nom du roi, une lettre de cachet qui lesubrogeait à Brachet.

En résumé, le Président, pris parmi les présidentsde chambre, recevait une commission spéciale du roi,tandis que les assesseurs, choisis parmi les différentsconseillers, étaient généralement désignés par le Par-lement, et étaient pourvus d'une lettre de cachet aunom du roi.

L'édit de 1454 (4) permettait aux conseillers de

(1) 21 août, en tête des registres. - (2) l' sept. 1531. —(3) 1e1 sept.1567, en tête des registres. - (4) Edit de 1454.

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s'adjoindre, si bon leur semblait, un certain nombrede notables du pays; et, comme il ne spécifiait pasle rôle qu'ils devaient remplir, on ne peut faire quedes conjectures sur leurs attributions. Rien, du reste,n'indique qu'ils aient siégé à la Cour, ou même qu'ilsaient été nommés. Les édits suivants ne prescriventplus à la Cour de prendre comme auxiliaires des no-tables du pays.

Les fonctions du ministère public étaient remplies,près la Cour des Grands-jours, par ceux qui en étaientchargés au Parlement de Paris. Il est logique de ren-contrer la môme organisation du ministère public, làoù nous trouvons la même organisation de la magis-trature assise.

Eu principe, c'était le procureur général qui occu-pait le premier rang; mais comme ses nombreusesattributions ne lui permettaient pas de quitter le siègede la Cour pour aller remplir sa mission en province,il déléguait un substitut. Le procureur général n'estmentionné que dans l'édit de 1454 ; dans les autres,il n'est question que d'un substitut du procureur gé-néral et d'un avocat général. En 1454 (4), le procu-reur général fut remplacé par un avocat du roi, quireçut une commission directe. Aux autres sessions,le procureur général désigna lui-même le substitutqui devait le remplacer (2). Au substitut était adjointcomme suppléant et comme aide un avocat général.Les édits font toujours mention de cet avocat. Celui de1454 (3) désignait en outre, pour remplir les fonctionsde ministère publie, le procureur général de Poitiers.

(I) 1454. Commission à l'avocat du roi. - (2) DtI6gation du Proc.gn., 15t9. - (3) Edit de 1434.

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DE POITIERS; 37

En 1634, 1'avoct général Orner Talon, obligé deretourner à Paris, reçut du roi la permission de choi-sir et de nommer lui-même son remplaçant (fl.

Le procureur du roi ou son substitut avait pourmission spéciale de faire les actes de procédure, dediriger les poursuites. A. l'avocat général revenait lesoin de porter la parole dans les audiences et de re-quérir à la barre de la Cour.

Du reste, la Cour des Grands-jours, pour connaitred'une affaite, n'avait pas besoin d'en être saisie parle ministère public ou par la partie civile; elle pou-vait d'office ordonner les poursuites, citer directementà sa barre les magistrats des juridictions inférieures,faire mettre les inculpés en état d'arrestation, stimulerle zèle des officiers du ministère public. Le droit d'é-vocation de la Cour n'avait aucune limite.

Le ministère public pouvait intervenir dans toutesles causes, donner ses conclusions, éniettre son avisaussi bien au civil qu'au criminel, prescrire les pour-suites, faire des réquisitions.

Le Parlement de Paris était partagé en quatre sec-tions principales la Grand'Chambre, la Chambre auxEnquêtes, la Chambre des Requêtes et la Tournelle.

La première de ces sections était la Grand'Cham-bre, qui avait dans ses attributions la connaissancedes appellations verbales qu'on interjetait des sen-tendes rendues verbalement aux audiences des ju-ridictions inférieures. Elle jugeait aussi les appelscomme d'abus , les causes dé la coûronne , lesquestions de régale et d'apanage, les crimes de lèse-majesté, les procès des grands officiers de la cou-

(1) Orner Talon, Mémoires, 1634.

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ronne, de l'Université, de l'Hôtel-Dieu de Paris, desmembres des cours souveraines.

A la chambre des enquêtes étaient portées les appel-lations des sentences rendues sur procès par écrit.Ces sentences étaient rendues, non à l'audience surles plaidoiries , mais sur rapport et production depièces écrites. Cette chambre jugeait aussi les appelsincidents aux procès par écrit, et l'appel des procèscriminels qui n'entraînaient que l'amende.

La chambre des requêtes jugeait en première instanceles procès de ceux qui avaient leurs causes portéesau Parlement en vertu de commiteimus. On déféraitaussi à cette chambre les affaires des églises et desabbayes de fondation royale et de toutes les corpora-tionsqui avaient obtenu des lettres de garde-gardienne,c'est-à-dire qui relevaient directement du Parlement.

Les affaires criminelles de minime importance étaientportées à la chambre des enquêtes qui ne prononçaitque des amendes; les autres procès criminels portésau Parlement étaient soumis à une chambre spécialenommée Tournelle. Cette chambre se composait descinq derniers présidents à mortier, de dix conseillersà la Grand'Chambre, siégeant tour à tour pendant sixmois, et de deux conseillers de chacune des chambresdes enquêtes.

Le conseil ne formait pas une section séparée on'désignait ainsi tout ce qui ne se passait pas à l'au-dience.

La Cour des Grands-jours, dont le nombre ordi-naire des assesseurs ne dépassait pas seize, ne pouvai,se diviser en autant de sections; elle réunissait toutesles attributions réparties à Paris entre plusieurs cham-bres. Elle remplissait tour à tour les fonctions de la

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DE POITIERS. 39

Grand'Chambre, de la Chambre aux enquêtes, de laChambre des requêtes et de la Tournelle, et siégeaità l'audience et au conseil.

Quelquefois aussi, elle se divisait en deux sectionspour hâter l'expédition d'un grand nombre d'affaires.Pendant qu'une partie jugeait les causes civiles, l'autrepartie s'occupait des affaires criminelles et même ci-viles. En 1541, l'édit de convocation ne portait qu'àquinze le nombre des conseillers. Par lettres patentes,que le roi donna postérieurement, trois conseillerslaïques furent ajoutés, afin que les assesseurs pussenttous les jours tenif deux chambres ou bureaux, et que,pendant que le président vaquerait, avec une partiedes conseillers, aux procès criminels, l'autre partietravaillât aux procès civils. En 1567, il y avait égale-ment une chambre civile et une chambre criminelle.

Le service de la Cour était fait par les huissiers deParis, qui étaient chargés d'appeler les parties (1),d'envoyer les exploits d'assignation et de signifierles arrêts de la Cour.

En 1454, le greffier et les huissiers reçurent leurcommission directement du roi. Aux autres sessions,ils étaient délégués par le Parlement lui-même.

Le greffe était tenu par un seul greffier qu'assis-taient plusieurs commis. En 1634 (2), Gilles Boileau,qui était commis au greffe, reçut de la Cour l'autori-sation de retourner à Paris. Les édits prescrivaienttoujours la présence d'un greffier, lequel recevait sacommission de la Cour de Paris. L'importance desaffaires criminelles, comme en 1541, nécessita parfoisla création d'un greffe distinct du greffe civil.

(1) Commission aux huissiers, 1454. - (2) 23 nov. 1634.

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A côté du greffier se trouvait le notaire. Ces deuxfonctiondaires, qu'il faut prendre gade de confondre,avaient des attributions en certains points analogues,mais pourtant distinctes. Le greffier était chargé degarder les minutes, de veiller aux mises au rôle, àla rédaction et à la transcription des arrêts de laCour, et de recevoir ffn dépôt les pièces des procès. Lecommis-greffier était chargé de venir en aide S gref-fier et de tenir la plume pendant lés audiences. En1454, le greffier remplissait en môme temps les fonc-tions de notaire (f).

Le nombre des notaires variait suivant l'importancedes travaux de la session et était fixé par l'édit.

Les arrêts de la Cour des Grands-jours, comme lesarrêts du Parlement, devaient éI.re revêtus du sceauavant de recevoir leur exécution. « Voulons (2) etordonnons,» dit l'édit de 1454, «que lesdiz jugemenset arrez, appointemens et lettres, qui seront émanéz deladite Cour des diz GranJs-jours soient séellez du séel,lequel avons voulu pour ce et ordonné. » Les autresédits ne sont pas aussi explicites; mais ils désignentle fonctionnaire chargé de tenir le sceau, dont neparlait pas le premier édit. En 1454, le président desGrands-jours (3) fut chargé, en l'absence du chancelier,d'apposer ]e sceau et le contre-sceau sur tous les actesde la Cour. A toutes les autres sessions, un maîtredes requêtes recevait directement du roi une commis-sion pour tenir les sceaux.

A l'origine, le Parlement n'avait d'autre chancellerieque celle de la couronne. Au quatorzième siècle, l'ex-

(1) commission de fininat. -. (2) Edit de 1454. - (3) Commissionspéciale h Yves de Scéjeaux.

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DE PO1TIEfl. 41

tension des attributions et de la juridiction du Parle-ment amena la création d'une chancellerie spé-ciale pour la justice, appelée petite chancellerie. Tousles actes émanés du Parlement portaient un sceauspécial. A Paris, un maître des requêtes tenait le sceauet signait les actes. Aux Grands-jours, c'était unmaître des requêtes qui recevait également la missionde tenir le sceau. La chancellerie du Parlement avait,comme la Cour, sa délégation aux Grands-jours.

Les notaires étaient les auxiliaires des maîtres desrequêtes. Par ordonnance de 1482, Louis XI instituades notaires-secrétaires du roi auprès de chaque chan-cellerie, pont donner expédition des actes qu'ils fai-saient revêtir du sceau par le maître des requêtes, etdont ils indiquaient le collationnement.

Le maître des requêtes du sceau n'était pas le seulqui prit place au Parlement il y en avait quatreautres siégeant à la Grand'Chambre. Aux Grands-jours,parmi les assesseurs, nous ne trouvons que des con-seillers. En 1634, cependant, un maUre des requêtes,qui se trouvait en mission à Poitiers, fut admis à oc-cuper à la Cour la place k laquelle il pouvait préten-dre à Paris (t).

Le roi, après avoir désigné les membres de laCour, prenait des mesures efficaces pour que les sen-tences reçussent leur exécution et que personne nevint entraver l'action de la justice; autrement, l'effetattendu d0 cette juridiction aurait été illusoire. Aussitous les édits contenaient-ils les dispositions néces-saires pour assurer le respect à la volonté du roi,manifestée par les arrêts des magistrats (2).

(I) Orner Talon, )Jémoires. - (2) Edit de 1519.

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42 GRANDS-JOURS

La Cour des Grands-jours, pour inspirer une terreursalutaire à tous les audacieux, devait donc avoir lemoyen de faire exécuter par la force les arrêts ren-dus à son tribunal.

En 1531, François W donna commission à Louis deChandir (1), son chambellan, grand prévôt des ma-réchaux de France, de suivre à Poitiers la Cour desGrands-jours. « Car, D dit le roi, « ayant esté advertis et

informés qu'ès pays de Poictou et autres circonvoisins» se fait plusieurs excès, forces violences, tant par gen-» tilshommes que par autres, au grand scandale de la

chose publique, foule, charge et oppression du peu-» pie... nous vous députons et commettons pour faireD entièrement obéir les arrêtés et ordonnances qui seii fèrontèsdes Grands-jours. Chandir reçut pour l'ac-complissement de sa mission des pouvoirs fort éten-dus. Si les archers qu'il commandait ne suffisaientpas, il avait ordre de convoquer le ban et l'arrière-ban de la noblesse, les francs-archers du pays, et derequérir tous les gens d'armes en garnison dans lacontrée. Dans le cas où les condamnés se seraient re-tirés hors du ressort des Grands-jours, Chandir avaitpouvoir de les poursuivre, sans être obligé d'obtenirun pa'recais. Ce fut la seule occasion où le roi eutbesoin de déléguer un personnage investi d'une auto-rité aussi grande.

C'était à ]a prévôté des maréchaux qu'était réservéle soin de poursuivre et de réprimer les auteurs derébellion et de désordre, de les livrer aux juges royauxet d'assurer l'exécution des sentences rendues contreles coupables. Les fonctions de la prévôté consistaient

(1)2 sept. 1531.

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DE POITIERS. 43

surtout à veiller à la sûreté des grands chemins, àjuger sommairement certains crimes et à sévir contreles excès des gens de guerre et des vagabonds. Laprévôté, qui dépendait des maréchaux de France, avaità sa tête un grand prévôt. En 1474, Louis XI permitau grand prévôt de commettre danschaque provinceun gentilhomme pour le représenter, avec pouvoird'assembler les nobles, quand ]es circonstances l'exi-geraient. Cette force publique était mise à la disposi-tion des Grands-jours.

Les baillis ou leurs lieutenants, les procureurs duroi ou leurs substituts et les sergents du ressortétaient, par la teneur des édits de convocation ., obligésde mettre à exécution les sentences rendues par. lesGrands-jours.

La Cour prononçait des arrêts portant amende ouconfiscation. Un receveur spécial touchait le produitde ces condamnations, dont la Cour avait libre dispo-sition pour ses propres dépenses. En 1519, elle donnaordre au receveur des amendes et des exploits depayer dix-neuf livres quatre sols parisis à un clercdu greffe qui avait amené de Paris les sacs de pro-cès (1). En 1570, on trouve la mention d'un paiementde quatre écus d'or (2) fait par le receveur pour répa-rations au palais.

L'édit de convocation enlevait au Parlement de Parisles causes pendantes en appel des provinces ressor-.tissant aux Grands-jours. Les procureurs des parties,chargés de les représenter à Paris, suivaient leursclients aux Grands-jours ou se faisaient remplacer par

(1) 19 sept. - (2) 19 déc.

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44 GflANflsaJotJIls

un procureur du ressort.. Les uns et les autres étaientobligés de se faire agréer par la Cour (I).

Les avocats, comme les procureurs, venaientde Paris défendre les causes de leurs clients , ouceux-ci 'confiaient [leurs intérêts à des avocats de laville de Poitiers. Ce n'était qu'après serment et en-quête (2) que les avocats étaient admis à se présenterdevant la Cour.

Parmi les avocats du Parlement qui vinrent à Poi-tiers, on peut citer, en 1579, Etienne PasquierAntoine Loysel, François Pithou, François Brisson.Etienne Pasquier a même laissé (3) un récit anecdo-tique des Grands-jours de 1579 et le grave avocatne dédaigna pas de composer des vers badins surun incident survenu pendant le séjour à Poitiers dela Cour des Grands-jours. Tous les poètes de l'épo-que ont chanté en français, en latin et même en grec,la Puce de Mademoiselle des Boches (4).

Outre les assesseurs ordinaires, nous trouvons dans

(1) Préliminaires des registres. - (2) Ibid. - (3) T. II, Œuvres coin-pIéter. —(4) Feuillet de conches, Causeries d'un curieux, É. II. - Dansune visite qu'Etienne Pasquier fit aux dames des Roches, dont lessalons étaient fréquentés par tous les beaux esprits de la ville et duPalais • il remarqua une puce placée sur le sein de mademoiselle desRoches. L'avocat Pasquier, et après lui tous les poètes contemporains,adressèrent des vers à la puce et à mademoiselle des Roches. Une desépigrasimes les plus curieuses, dont la puce fut la cause innocehte,et delle de Passerat

Causidicos bahoit vigilantes caria. baraquePorpetaus palot illorum lisait In erre.

L'auteur en a donné lui-mdme la traductionLes avocats ont IiI merveille,Et te publie doit applaudir;On n'en voit pas un s'endormirIls ourlons la puce à l'oreille.

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DE POITIERS, 45les registres la mention de persQnnages qui siégèrentaccidentellement par permission de la Cour. Ce sohtles princes du sang, les conseillers de passage à Poi-tiers, et les hauts dignitaires de la province.

Les princes du sang étaient pairs de France, et encette qualité avaient droit de siéger en certaines cir-constances au Parlement de Paris. En 1579, le sire deLansac, lieutenant du Dauphin (1) au gouvernementd'Orléans, de Bourges et de Touraine, vint à PoitieMet se présenta à la Cour, où il fut admis à prendreplace au dessous des anciens conseillers. Il prit laparole, et exposa à la compagnie les crimes dont ilavait connaissance, et fit le tableau de l'état où setrouvait son gouvernement. En 1579, le comte deMontpensier, seigneur d'un grand nombre de fiefs duPoitou (2), exerça son droit de pair en venant sié-ger à la délégation de la Cour suprême. Le dé-cembre, la Cour, avertie que le comte voulait êtreintroduit près d'elle, députa deux conseillers pouraller à sa rencontre; et le prince (3) vint prendreplace, dit le procès-verbal, comme les pairs au Par-lement.

Le lieutenant du duc d'Anjou et le comte deMontpensier prirent place à titre honorifique et neparticipèrent pas aux délibérationi. Quoiqu'il eût reçude la Cour les marques de respect dû au sang royal,le comte de Montpensier lui prodigua néanmoins despreuves de déférence et de soumission. S'il avait enle même pouvoir que les autres assesseurs, aurait-ilmontré une soumission aussi grande envers des collé-

(.1) 18 sept. 1567.(2) Mirebeau, champigDy-s-vcnae, etc. -(3) 1- 1 déc. 1579.

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gues? Les honneurs qu'on lui rendait s'adressaient auprince du sang; mais lui, comme seigneur féodal, s'in-clinait devant la Cour. Plusieurs fois, il adressa deslettres à la compagnie, où il s'exprimait comme unjusticiable et non comme un égal. Dans l'une (I), illui dénonça les excès de la garnison de Saumur, enla priant de porter remède à cet état de choses. Dansune autre (2), il protesta qu'il n'était en rien mécon-tent de la simple réponse que le président lui avaitfaite, et lui recommanda un prisonnier.

En 1579, Monsieur (3) écrivit à la Cour pour inter-céder en faveur de son chambellan, le sire de Bon-ni au, accusé de meurtre. Le prince de -Condé (4) en-voya un secrétaire à la Cour pour l'assurer de sondévouement et pour protester contre le bruit quis'était répandu qu'il donnait asile à des rebell'es.

Toutes ces démarches, toutes ces protestations,montrent de quelle autorité était investie la Cour desGrands-jours. Si les princes du sang tenaient à écarterd'eux tout soupçon, quelle devait être la terreur in-spirée aux autres gentilshommes!

Le roi, jaloux de son autorité, ne permettait doncpas aux princes de son sang de siéger parmi les mem-bres des Grands-jours, dont ils pouvaient se rendrejusticiables par leurs actes.

En 1579, Je sire de Montoud, qui venait de la partdu roi, prit place vis-à-vis du président (5), où, ditle compte-rendu, l'on fait asseoir les gentilshommesvenant de la part cIa Sa Majesté.

Outre les princes du s ang, les conseillers ou pré-

(I) 5 sept. 1519. - (2) 10 ot. 1579. ,-. (3) François, duc d'Alençon.- (4)4oct. 1579. —(5)15 sept.

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DE POIT1ES. 47sidents des parlements de province ou de Paris pas-santparPoitiers prenaient séance,mais n'opinaient pas.En 1579, le président du Parlement de Bordeaux (1),qui se trouvait à Poitiers, fut admis à siéger au-dessusdu plus ancien conseiller. Un conseiller du Parlementde Bretagne (2) fut reçu de ,la même façon ; mais le -procès-verbal n'indique pas la place où il siégea. Lemême fait se reproduisit pour des membres du Parle-ment de Paris à la session de 1634.

Aux audiences solennelles, le présidial et le corpsmunicipal de Poitiers, les délégués des chapitres, del'université, des corpbrations, étaient invités à pren-dre place sur des bancs réservés. C'était un simplehonneur qui n'entraînait aucune prérogative.

Les hauts dignitaires de la province prirent aussiplace parmi les assesseurs des Grands-jours; mais -cette faveur ne leur fut accordée que par déférence.Aux Grands-jours de Champagne, à 1'Echiquier deNormandie, certains évêques étaient de droit mem-bres de la Cour. Aux Grands-jours de Poitiers riende semblable. Le roi ne voulait pas à côté des ma-gistrats souffrir d'autres assesseurs dont la présencerappelât l'ancienne autonomie des provinces.

En 1519, les évêques de Luçon et de Poitiers (3)prirent place aux séances; mais comme ils ne comp-taient pas au nombre des membres pourvus de com-missions, ils ne furent admis que par honneur. En1531, l'évêque de Maillezais assista aux séances dé lasession avec les prérogatives qui constituaient undroit pour tous les évêques du ressort. En 1454,l'évêque de Poitiers ne figura pas parmi les asses-

(1) 28 sept. - (2) 20 oct. - (3) Liste des assesseurs.

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seurs, étant lui-même en cause devant la Cour. En1561, l'évêque d'Uzès (1), qui était abbé commenda-taire de l'abbaye de Saint-Maixent, prit séance; etquand il sollicita la faveur de se retirer, le présidentlui demanda s'il ne connaissait rien qui concernât leservice du roi. L'évêque dénonça alors les menées duprieur de Nanteuil (2) qui favorisait secrètement lareligion' prétendue réformée.

Outre les évêques du ressort, le gouverneur du Poi-tou siégea aussi à la Cour. Le comte de Lude, quifut gouverneur de la province pendant les deux ses-sions de 1567 et de 1579, réclama ses droits dans lesdeux circonstances. La première fois (3), il demandad'entrer à la Cour avec son épée. On lui réponditqu'il pouvait franchir le seuil de la Cour en laissantson épée à la porte et siéger au-dessus des con-seillers. La seconde fois qu'il sollicita l'entrée (4),on décida c qu'il prendrait place, comme honneurrendu à sa charge, au-dessus des plus anciens con-seillers et qu'il n'opinerait pas, sinon s'il avait quel-que chose à dire et à remontrer, car il n'a ni ser-ment, ni lettres, ni offices qui lui donnent entrée. D

En 1634, le comte de Parabère, gouverneur de la pro-vince, obtint séance avec voix délibérative.; mais ilne fut admis qu'en se fondant sur l'exemple desGrands-jours de Lyon de 1596, où le gouverneuç dela province fut, quoique non pourvu de commission,reçu parmi les assesseurs. Le gouverneur de la villede Poitiers, M. de Saint-Georges, obtint la faveur deprendre séance, mais sans avoir le droit d'opiner.

(I) 19 sept. - (Z) Près Saint-Moirent. — (3) 23 sept. 1567. - (4) 10oct. 1579.

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DE POITIERS.. 49L'article 206 de l'ordonnance de Blois prescrivait

seulement aux gouverneurs et lieutenants générauxde province, aux baillis et sénéchaux, d'assister auxGrands-jours pour en faire exécuter les arrêts, maissans pendre part aux délibérations (I).

En résumé, nul ne pouvait prendre place commeassesseur aux Grands-jours de Poitiers sans être munid'une commission spéciale de la part du roi et sansêtre membre du Parlement. Les autres personnes nesiégeaient qu'à titre honorifique et n'avaient que parexception le droit d'opiner.

La Cour des Grands-jours ne cessait de se consi-dérer combe partie intégrante du Parlement et noncomme une juridiction spéciale. En 1634 (2), l'avocatgénéral Orner Talon fut rappelé à Paris. Quand il pritcongé de ses collègues, le président lui, répondit, aunom de la CourQuand vous arriverez à Paris (3),» vous y trouverez la meilleure et la plus excellente• partie de la compagnie, à laquelle la Cour est déjà• réunie 'et rejointe en esprit et en affection, pour• l'être absolument, quand il plaira au roi lui en• donner la liberté, ce qui ne peut être assez tôt sui-• vaut notre désir. Vous témoignerez à tous mes-• sieurs un compte particulier de tout ce qui s'est• passé. ') '

. I

ATTRIBUTIONS. .

Les attributions -de la cour des Grand-jours étaientfort nombreuses. L'énumération, qui en était faite dansles édits, n'était pas restrictive, et servait plutôt à dé

(I) Edit de 1579. - (2) 7 déc. - (3) Orner Talon. ftfériwires. 1634.4

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signer aux magistrats les points où devait porter leurattention, qu'à tracer la limite de leur pouvoir. Lesédits des dernières sessions sont plus explicites queceux des premières. Faut-il conclure de là quelespremiers Grands-jours ont en des attributions moins -étendues? Non, car le registre de 1454 montre que,dès cette époque, la compétence était aussi vasteque sous Henri III. Au quinzième siècle, la royauténe se sentait peut-être pas encore assez forte pourdéclarer hautement ses prétentions.

Les Grands-jours avaient des attrWutions à la foisjudiciaires et administratives. C'est une' erreur decroire que les magistrats avaient pour unique mis-sion de rechercher les criminels trop puissants, quicomptaient sur la complicité ou l'impuissance dela justice locale. La Cour avait cette attributioncomme conséquence des autres pouvoirs du Parle-ment dont elle était investie. Comme l'on cite sur-tout, dans les publications faites sur les Grands-jours, les causes criminelles , on ne considère ]e plussouvent qu'un côté de la question. Les attributionsde la Cour de Grands-jours n'étaient autres que cellesdu Parlement de Paris , auxquelles le roi adjoignaitles pouvoirs des autres cours souveraines, comme leConseil d'Etat ou la Cour des comptes. Les Grands-jours réunissaient les attributions que possédait leParlement de Paris, avant qu'il perdit une partie de sesprérogatives. La séparatiôn de pouvoirs et d'attribu-tions, qui limite chacune des administrations moder-nes dans une sphère d'action nettement déterminée,ne se retrouve pas dans les institutions de l'ancienrégime. Le Parlement, malgré des démembrementssuccessifs, avait conservé le droit d'intervenir dans les

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DE POIrIERS. 51questions administratives, tandis que le Conseil d'Etatprenait parfois ]e caractère d'un corps judiciaire.

Civil. - La Cour terminait les causes d'appeljugées en premier ressort par les juges des provincesressortissant aux Grands-jours; par ce moyen, elledéchargeait le Parlement de Paris et mettait la justiceà la portée de tons. Charles VII constatait que lescauses d'appel s'accumulaient au Parlement au granddétriment des parties (1). c Il est venu à nostre cod-» gnoissance que plusieurs de nos subgiez ont souf-

fert, supporté et soubtenu, souffrent, supportent et» soutiennent de jour en jour plusieurs grans griefs,» oppressions, dommages, à l'occasion de ce que, par» la multiplicacion des causes estant en notre cour de» Parlement, les procès de nos diz subgiez ne ont peu» estre jugiez ne expediez. D Aussi donnait-il auxconseillers le pouvoir « de juger, chercher et déter-" miner tontes appellacions (2) de sentences et juge-» mens interlocutoires. » Aux mêmes besoins, Fran-çois Jer apporta les mêmes remèdes, et reproduisit lesmêmes dispositions qu'en 1454.

Houri III (3), en réglant la compétence des Grands-jours, entrait dans plus de détails et déterminaitminutieusement les attributions des magistrats. LaCour devait juger, connaître et définir u toutes les ap-

pellations de simples exploits,de toute instance, de• compulsoires, d'oppositions ,subrogations, somma-

tions et requêtes formelles, adjudications et profits• de tous exploits donnés en Parlement et ès Grands-» jours, reprises de procès, réceptions d'enquête. » Leroi lui accordait, en outre, le pouvoir de décider sur les

(t) Edit de 1454. - (2) Edit de 1454. - (3) Edit de 1579.

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contrats, séquestres, provisions d'aliments, douaires,garnisons et autres matières qui, se rapportant direc-tement à ces appellations verbales, pourraient enmême temps recevoir une solution.

Non-seulement la Cour rendait des arrêts, maisencore elle devait surveiller l'exécution de ceux ren-dus par elle ou par le Parlement (1). Si les parties,au lieu d'attendre la décision , des juges, voulaientterminer leur procès à l'amiable, ceux-ci devaient re-cevoir leur acquiescement.

La Cour avait aussi la faculté de juger en premièreinstance et en dernier ressort certaines causes. L'éditde 1454 lui attribuait la connaissance définitive descauses 'où il s'agissait de 50 livres de rente ef de1000 livres de capital. L'édit de 151* (2) lui accor-dait delerminer toutes matières réelles etposses-soires jusqu'à 600 livres de rente , êt jusqu'à10,000 livres tournois de capital. Les édits suivantsne donnèrent pas un nouvel accroissement à la com-pétence de la Cour, si . étendue en appel et si restreinteen première instance.-

En vertu de oonttnittirnus, les parties parvenaientà soustraire leurs causes aux juges ordinaires et àles soumettre à une autrejuridiction. C'est ainsi quecertains privilégiés obtenaiént la faveur de porter leursprocès devant les requêtes de l'hôtel du roi. En 1579,Henri III renvoya à la cour des Grands-jours toutesles causes dont l'instance était pendante devant lesrequêtes de l'hôtel, devant le prévôt de Paris et leconservateur des privilèges royaux (3).

Criminel. .- Au criminel comme au civil , la Cour,

(1) Edit de 1579. - (2) Ibid. - (3) Edit de 1579.

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DE POITIERS. 53

avait une double compétence celle d'appel et cellede première instance. En appel, elle jugeait les pro-cès, dont la sentence avait été rendue par lesjuges du

•premier. ressort. Comme les causes civiles d'appel, lescauses criminelles du même genre étaient renvoyéesde Paris à Poitiers. Les prisonniers appelant au Par-lement étaient transférés du lieu où ils étaient déte-nus à la conciergerie de Paris, pour attendre leur ju-gement définitif. Après l'édit de convocation, ils étaienttransférés à Poitiers auprès de la 'cour desGrands-jours. En 1541, la Cour donna ordr&à deux messagersd'amener les prisonniers de Paris à Poitiers, et leur fitretnbourser les frais dont ils avaient supporté lesavances (15. Par suite de la tenue des Grands-jours;quelques prisonniers revenaient attendre l'issue deleui appel dans les provinces d'où ils avaient étéextraits pour être conduits à Paris. Quand la causen'était pas arrivée au greffe du Parletnent, les appe-lants étaient dii'igés, de la prison où ils étaient déte-nus, à la conciergerie (lu palais de Poitiers.

En première instance, les attributions de la Courétaient beaucoup plus étendues qu'au 'civil. « Nous

vôuloÉs (2), D disent Fratçois Jt et Henri III, u quer. les conseillers cognoissent, jugent et cherchent de» toutes matières criminelles de quelque grandeur et

qualité' qu'elles soient, tant en premièrè instance» qu'en appel. e En première instance. cri min elle,.laCour avait une compétence qui n'était $s limitée. Lesgrands coupables, dont la punition était nécessairePour inspirer, une salutaire terreur, ou les officiersprévaricateurs étaient seuls réclamés par les Grands-

(1) 17 sept. —(2) Edits de 1519, 1579.

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jours. Les criminels vulgaires étaient abandonnés auxjuges ordinaires.

Outre les crimes, que la qualité du coupablefaisait porter devant les Grands-jour; quelques au-ires, dont l'énormité ou la multiplicité exigeaientune repression énergique et exemplaire, étaient aussisoumis à la même juridiction. En 1634 (1), le pro-cureur général demanda que les baillis ou les ju-ges royaux de la province de Périgord reçussent mis-sion spéciale d'informer de certains crimes commisdans ce pays. L'énumération contenue dans l'arrêtsollicité par Je ministère public fait connaître les cri-mes que. les Grands-jours devaient particulièrementjuger. Les juges et les baillis de Périgoi'd devaient,en toute diligence, commencer une instruction « sur• meurtres, assassinais , 'viollements , rapts , enleve-• mens et viollences des femmes et des filles, levées• de deniers et autres exactions, concussions , rébel-• lions, forces, viollences, usurpations et occupations• des cures, prieurez, chapelles, hospitaux, maladre-• ries, excez faits à sergens et autres officiers du roy« exercans leurs charges. '-

La Cour, quand elle faisait le procès des incul-pés que leur puissance mettait à l'abri de la justicelocale, avait des pouvoirs dont la compétence dé-passait les attributions criminelles du 'Parlement.Le pouvoir de juger en première instance et en der-nier ressort, tant au civil qu'au criminel, dont étaientinvestis les magistrats des Grands-jours , n'apparte-nait pas au corps, dont ils étaient la.délégation. Eneffet, au civil le Parlement n'avait pas en première

(t) 4 oct. (634.

0

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DE POITIERS. 55

instance la connaissance des causes où il s'agissaitd'un capital de 10,000 livres; au criminel, il ne ju-geait que les causes d'appel, à moins que l'accusé nefût pair de France, ou prévenu du crime de lèse-ma-jesté.

Règlements. - La cour des Grands-jours ne secontentait pas de réprimer les crimes elle tâchaitd'en prévenir le retour par des ordonnances, où ellemenaçait de peines très-sévères les violateurs des lois.Le roi lui conférait d'une façon expresse cette puis-sance législative. Dans tous les édits, on trouve quela Cour a pouvoir « de réformer ou corriger les fautes• ou abus qui se font et peuvent faire par plusieurs• personnes. » Pendant les sessions', le roi écrivaitaux magistrats pour leur recommander de prendre desmesures préventives ou répressives sur un point qu'ilsignalait à leur attention (1).

Ces décisions, qui portaient le nom d'arrêts de rè-glement, n'avaient pas trait seulement aux matièrescriminelles, mais encore à l'administration. Le droitde rendre des arrêts de règlement conférait au Par-lament et à sa délégation des Grands-jours un véri-table pouvoir législatif. En effet , ces arrêts prescri-vaient des amendes et des prises de corps commesanction de -'délits déterminés, réformaient la procé-dure des tribunaux, apportaient des modifications dnsles services administratifs, imposaient des taxes, régie-mentaiéntla police municipale, soumettaient à un con-trôle les comptes des villes et des hôpitaux, rappelaientles protestants à l'observation des édits, contraignaientle clergé régulier et séculier û laisser des commissai-

(1) Il oct. 1567.

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456 GRANDS Jouasres laïques visiter des abbayes et des diocèses, ordon-naient la réforme des monastères. Les besoins dupays elles circonstances désignaient seuls la limitequ'il ne fallait pas franchir en rendant ces arrêts qui,sans le concours de la sanction royale, avaient, pareux-mêmes, force exécutoire.

A la séance du 7 novembre 1519, le maire , leséchevins et les docteurs de l'université de Poitiers,.présentèrent une requête à la Cour, où ils exposaient« que Plusieurs escoliers, vagabonds et mauvais gar-» çons all oient, tant de jour que de nuit, à grand• assemblée, portant espées, bastons, poignards et• autres armes invisibles, et que se sont ensuivies• plusieurs grandes batteures, meurtres, ravissemens• de filles, et autres grans inconvéniens et scanda-• les. » Com,me la Cour avait en outre reçu desplaintes de divers côtés, elle rendit une ordonnancedéfendant aux gens, dont se plaignait la ville, de por-ter des armes et de s'abstenir de toute violence souspeine de bannissement et de punition corporelle. Lesénéchal du Poitou et le procureur du roi furentchargés de faire exécuter la sentence, « sur peine de

-s'en prendre à eux. » -En 1541, la Cour défendit, sur la réquisition du mi-

nistère public, de s'assembler en armes, de recouriraux voies de fait, de menacer les sergents , ou leshuissiers et d'entraver la liberté des témoins. En casde contravention, les témoins étaient exempts de lajustice et de la juridiction des seignéurs qui auraientusé de menaces envers eux. La Cour faisait tournerau profit de la royauté les fautes de la féodalité.

Comme la plupart des grands coupables jugeaientprudent de s'éloigner de leur pays, quand la Cour

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DE POITIEIIS.

des Grands-jours venait siéger à Poitiers, elle prenaitdes mesures pour atteindre ces contumaces. Leursbiens étaient mis sous séquestre, leurs reenus con-fisqués , et des garnisaires entretenus à leurs fraisdans leur domicile. Défense était faite de recevoir lesaccusés sous. peine d'être déclaré complice. Les gen-tilshommes qui auraient refusé d'ouvrir leur maisonpour faciliter les recherches devaient, perdre leur droitde justice. Les arrêts ne tendaient pas' seulement àréprimerles attentats et les usurpations de la no-blesse ; ils essayaient de protéger les vassaux contreles exigences des seigneurs. En 1634 (1), on défenditaux genti1shommes'ayant pas droit de corvée, « deï' contraindre leurs tenanciers . faire aucuns charrois,ï' labours, et' autres oeuvres quelconques. » Les au-tres, qui avaient ce droit, ne pouvaient réclamer quece qui leur était strictement dû. Ce même arrêt con-tient un curieux article relatif à la liberté des maria-ges , par lequel on faisait défense aux seigneurs deforcer leurs vassaux à marier leurs enfànts contreleur gré. .

Protestants. - A. llépoque de la Réforme, le rois'inquiéta du progrès, des nouvelles docttines, etchargea la Cour des Grands-joui's 16 prendre desmesures contre l'envahissement de l'hérésie. En 1541,François Jer recommanda 'aux magistrats' de punir lespartisans de la religion prétendue réformée qu'il pla-çait au rang des autres criminels. « Plusieurs hérésies,• erreurs, sectes nouvelles et, faulses doctrines ont• cours, et pullulent en aucuns des diz lieux et pays,• contre l'honeSr de Dieu et sa saincte foi catholique,

(1) 20 sept. 1634.,. ...

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» contre l'obéissance que nos sujets doivent à nouset à justice.En 1567, les Grands-jours furnt surtout convo-

qués dans le but de réprimer les troubles du Poitoufomentés par les dissensions religieuses. Les pro-testants étaient devenus puissants; au lieu de pren-dre l'offensive , la Cour fut obligée , dans le but deveiller à sa propre sûreté , de prendre des mesuresdéfensives. Se trouvant isolée on province, ne rece-vant pas d'ordre de Paris , elle prit alors les réso-lutions que les circonstances exigèrent. Au com-meiicement d'octobre 1567, une prise d'armes étaitimminente en Poitou , et la ville, de Poitiers étaitmenacée d'un siège. Dans cte circonstance , laCour prit spontanément une décision, .comme il con-venait à une délégation du pouvoir souverain. Ellechargea deux conseillers , Adrien du Drac et ThibautLesueur , d'assister à un conseil tenu à Poitiers parle comte de Lude, gouverneur de la province, dans lebut de pourvoir à la défense de la ville et d'obvieraux incursions de ceux qui avaient pris les armes.

L'évêque de Luçon, les abbés de Moutierneuf et dela Celle, le grand vicaire de Poitiers, les chanoinesde la cathédrale, de Sainte-Radegonde et de Saint-Hilaire, furent avertis de se tenir sur leurs gardes encrainte du danger. Le clergé de la ville offrit d'entre-tenir cinquante arquebusiers à ses frais. Comme laCour trouvait l'offre peu considérable, il demanda quela ville voulût bien s'associer à ses efforts.

Avertie par les habitants et le maire d'Angers que lesprotestants du pays s'étaient mis ouvertement eninsurrection, la Cour recommanda dans sa réponse-des'adresser au roi, et accorda la permission de porter

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DE POITIERS. 59des armes pour la défense de la ville. Le 2 octobre, lecomte de Lude apporta à l'audience une lettre du roi,annonçant qu'on avait repoussé les rebelles quiavaient attaqué les Suisses, et permettant au sénéchalde Poitiers d'imposer, sur les habitants de cette ville,les sommes nécesaires pour une levée de gens deguerre. Le 6 , la Cour délégua trois conseillers pourparcourir les quartiers de la ville , visiter les mai-sons suspectes, s'enquérir , des vivres, des forces etautres choses nécessaires à la défense de la cité.Le S octobre (I) , elle reçut de la ville de Tours ré-ponse à la lettre qu'elle lui avait écrite pour lui de-mander secours. Le maire répondait que la villen'avait pas de troupes et qu'elle était gardée par leshabitants autorisés à porter des armes, 'r lesquels nevoudraient pour rien du monde abandonner leurmaison et famille. » Dans cette méme séance, la Cour,après avoir vu la lettre du roi, entendu le procureurgénéral et le gouverneur de Poitou , ordonna que•pour obvier aux entrep'rises des rebelles, il serait levédix mille livres dans les villes closes 'du gouverne-ment de Poitou, que les maires dresseraient les rôles,et pie, par suite de l'urgence, la somme serait avancéepar la ville de Poitiers dans la huitaine. Celle-ci étaitautorisée à obliger ses octrois et ses biens; elles au-tres villes devaient la rembourser à fur et mesure dela rentrée des contributions. En outre, on permit aumaire, afin de payer la levée de trois compagnies etde six cents volontaires pour la défense de la ville,de prendre 4,000 livres, qui étaient entre les mains dureceveur de' la reine douairière d'Ecosse, et de mettre

(1) 8 oct. 1567.

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une contribution sur les habitants, pour effectuer en-suite le remboursement de cette somme.

A la même époque, les gouverneurs des pn5vincesvoisines, à qui la Cour avait prescrit de lui envoyerdes secours, adressèrent leurs réponses. Le gouver-neur d'Angoumois s'excusait de ne pas aller la trouver

• et l'avertissait des menées des Huguenots, qui ensomme paraissaient peu redoutables. Le sire de Ri-chelieu, gouverneur d'Anjou, lui exposait qu'il ne-pouvait aller à son secours et l'engageait à se réfu-gier à Angers. Le sire de Mortemart promettaitd'aller à Poitiers avec trente gentilshommes. Le sirede la .Vauguyon, gouverneur de Limoges, et le sirede la Trémouille, s'engageaient à mettre des forces àla disposition de la Cour.

Enfin, le 22 octobre, le roi et la reine Catherine de- Médicis envoyaient aux magistrats des Grands-jours- autorisation de clore la session et de revenir à Paris;• partout où ils passeraient , ils auraient droit de sefaire Protéger et accompognr. Le roi n'avait per-

.. rnis cette blôtûré anticipée qu'après avoir été con-sulté par la Cour, qui lui avait exposé l'état où setrouvait le pays. Dans sa lettre, il félicitait les ma-gistMts des mesures qu'ils avaient prises pour la sû-ret& de Poitiers.

Le 7 octobre, les habitants de Saumur et de Fonte-bay plaignirent que'les protestants les menâçaient;ils reçurent la permission de veiller en armes à lasûreté de leur ville. Le 29 octobre, la Cour, aprèsavoir fait venir à Poitiers le lieutenant de Saumur, qui

- était À fortementsoupçonnéde soutenir les protestants,délégua un commissaire et donna ordre de juger parcontumace les gens de cette ville sortii eu -rmS

3.

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DE POSTIERS. UI

Avant de se séparer, la Cour fit porter au cha-teau de Poitiers les coffres des receveurs des financescl envoya à Angers, pour les soustraire au danger dela guerre civile, tous les papiers de la session.

Ces levées extraordinaires de deniers sans autorisa-tion préalable du roi, ces lettres expédiées aux gouver-neurs de provinceetaux mairesdesvilles pour demanderdes secours, cet envoi de conseillers aux délibérationsdu conseil , sortent des attributions judiciaires de laCour et indiquent son ingérence dans la politique.Quoique les magistrats eussent outrepassé les pouvoirsénumérés dans l'édit de convocation, la lettre de Char-les IX, en date du 10 octobre, montre que la royauténe voyait pas d'un mauvais ccii ces mesures prisespar des gens dévoués à sa cause. Ces faits prou-vent que, si la Cour des Grands-jours avait officielle-ment un rôle judiciaire et administratif, il ne lui étaitpas interdit, quand l'intérét de la Couronne l'exigeait.,d'intervenir dans le domaine politique- En ce point, ladélégation avait des pouvoirs plus étendus que lecorps dont elle émanait. En effet, le roi n'aurait ja-,mais permis au Parlement de rendre des ordonnancesrentrant dans ]a compétence de la 'Couronne. Maisla délégation, surprise par les événements, qui exi-geaient une solution prompte, commençait par remé-dier au mal. Le . roi n'avait pas à redouter les empié-tements d'une Cour, dont les membres exerçaientdes fonctions temporaires et recevaient de lui leurspouvoirs.

Au moment où s'ouvrit la session de 1579, untraité de paix, ou plutôt une simple suspension d'ar-mes, avait donné une existence légale au protestan-tisme. - Alors était intervenu un édit de pacification,

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qui reconnaissait le libre exercice de la religion réfor-mée et prononçait amnistie pour tous les crimes com-mis pendant la dernière guerre. L'ordonnance deconvocation recommanda aux magistrats de punire toute contravention aux édits de pacification. i LesGrands-j6urs, qui avaient jadis pour mission de rêcher-cher les fauteurs d'hérésie, se trouvaient chargés deles protéger contre leurs adversaires. Pendant toute lasession, il n'y eut pas un seul procès pour le faitde la religion réformée. Les protestants adressèrentune requête, où ils' demandaient qu'en vertu de l'éditdo pacification, ils ne fussent plus inquiétés pour lefait de religion, que leurs biens fussent délivrés duséquestre et les prisonniers élargis. La Cour, quiavait déjà reiu du prince de Condé une lettre dansle même §0DB, promit de se conformer à la teneurde l'édit. Le 9 novembre, elle rendit un arrêt quiannulait les jugements rendus pendant les troubles,qui levait le séquestre des biens saisis et défendaitde poursuivre et d'inquiéter personne pour des faitspassés pendant la guerre.

En 1634, la Cour n'avait pas pour mission directe decombattre les protestants, auxquels l'édit de Nantes,en permettant le libre exercice du culte, avait ac-cordé certains droits minutieusement déterminés.Elle devait contenir les réformés dans les limites quileur avaient été assignées, et réprimer tout empiéte-ment. Dès son arrivée , elle rendit une ordonnancepour rappeler les protestants à l'observation de l'éditde Nantes. Défense leur fut faite, conformément à lateneur de cet édit, d'enterrer leui's morts dans les ci-metières catholiques, sous peine de dix mille livresd'amende et d'exhumation , d'ouvrir des écoles sans

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DE POITIERS. - 63permission, de bâtir des temples sans autorisation. Leséglises, les cimetières, les bénéfices, les biens ecclé-siastiques que les protestants avaient usurpés, revin-rent à leurs légitimes propriétaires. Le service divininterrompu en plusieurs endroits depuis de longuesannées, fut solennellement rétabli. Une taxe fut misesur le clergé poitevin pour subvenir aux réparationsdes édifices religieux. Il fut interdit aux gentilshom-mes protestants d'avoir un prêche ailleurs que dansl'endroit qu'ils l'avaient déclaré au bailli de leur pro-vince. Les nobles ayant fief de haubert ou hautejustice avaient seuls le droit d'avoir un prêche publicdans leur domaine les autres ne pouvaient se livreraux pratiques de leur culte que dans l'intérieur deleur manoir. Les temples n'étaient tolérés, et l'exer-cice de la religion réformée n'était permis que dansles localités ou le nombre des protestants en démonstrait la: nécessité. Les temples construits sans autori-sation, ou situés à proximité des églises, devaient êtredémolis. La prédication en place publique, les moyensde propagande furent réprimés. Dans les pays où leprotestantisme ne comptait que quelques adhérents,le culte réformé ne devait pas s'exercer d'une façonostensible. Toutes ces mesures restrictives avaient étéen partie provoquées par les protestants qui, à la fa-veur des troubles, avaient cherché à franchir les limi-tes où les enfermait l'Edit de Nantes. Des juges etdes officiers du ressort de Poitiers furent délégués,sous la direction d'un conseiller, pour procéder à uneenquête. Se fondant sur l'Edit de Nantes et sur l'arrêtde la Gour, ils recherchaient les contraventions danschaque paroisse, recevaient les plaintes , faisaient unrapport, après avoir examiné l'affaire et entendu les

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réclamations des intéressés. Les commissaires ou-vaièiit prendre une décision , si une solution urgenteparaissait utile et si les parties se soumettaient à leursentence. En cas de contestation ou d'opposition, lacause était portée à la Cour, qui décidait.-

Orner Talon, avocat général, dénonça, sur le rap-port du sénéchal de Niort, un ministre protestant deMareuil, qui avait fait imprimer sans autorisation unlivre intitulé Réponse au dialogue entre le sieur baronde la Chère et le sieur Audebert,-jésuite. Dans ce livreon relevait des attaques contre le pape et contre l'Eu-charistie. Les protestants de Civray reçurent l'ordred'ap'p'orter devant la Cour les titres qui les autorisaientà bâtir un temple et à ouvrir nue école. L'archevêquede Touis, abbé commendataire de Saint-Maixentdemanda que les pasteurs Samuel Blanc et llphaèlDieuregardflssent démolir le temple qu'ils avaientMit bâtir près de l'église de cette ville; On ordonnaque la démolition eût lieu sous huit jours et que lesmatériaux revinssent aux constructeurs.

La Coui' apprenant , d'après l'enquête d'un. com-misaire délégué et d'après les remontrances de l'ar-chiprêtre de Ruffec, que dans cette ville, où se trou-vaient u grand nombre de protestants, les pratiquesreligieuses se relâchaient, ordonna de fermer les au-*berges les dimanches et fêtes, de se découvrir devantle Saint-Sacrement, de garnir dé tentures les maisonsles jours d Tête-Dieu elle défendit d'exposer envente de la viande en carême et les jours prohibés, etd'en sevir dans les auberges pendant ce même temps.Une amende de 500 livres par chaque contraventionassurait l'exécution de cette ordonnance.

Les habitants protestants cleMougon, à la requête du

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DE POITIERS. 65prieur, furent assignés pour prouver qu'ils avaient ledroit de pratiquer publiquement la religion réformée.Le ministre protestant de Brézé fut tenu de rapporterdevers la Cour l'éditdu Conseil qui autorisait l'exercicedu culte réformé dans ce fief; celui de Lusignan, quiallait prêcher dans les contrées voisines , reçut ordrede ne plus quitter sa résidence. A Vivone, l'exercicedu culte réformé fut formellement interdit.

Pouvoirs sur les officiers. - Les baillis exerçant unejuridiction dans le • ressort du Parlement de Parisétaient tenus de rendre compte de leur gestion à cettecour. A l'origine, les baillis, comme le Parlementdont ils relevaient, avaient des attributions nombreu-ses justice, administration, finances, tout était- deleur compétence. Plus lard leur puissance augmenta,à mesure que diminuait l'influence de la féodalité.

La concentration de tous les pouvoirs entre lesmains des baillis ne ardapas à amener des inconvé-nients. L'étude approfondie des lois, la conduite desgens de guerre , la gestion des deniers publics nepouvaient marcher de front. Aussi, dès 1335, éta-blit-on un bailli d'épée chargé de la guerre et del'administration, et un bailli de robe préposé à la jus-tice. L'ordonnance de 1413(1) permit aux baillis de sechoisir des lieutenants sous leur .respohsabilité per-sonnelle. En 1493 (2), CharlesVTll leur fit une obliga-tion de cette adjonction. L'ordonnance de 1498 donnaà chaque siège un lieutenant criminel et un lieute-nant civil; et les baillis finirent par recevoir la dé- -fense de prendre part aux délibérations des tribu-naux , où ils conservaient l'autorité nominale et la

(1) Ordonnances des rois. - (Z) Ibid.

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prééminence. Les lieutenants particuliers suppléaientles autres lieutenants.

En 1552, la création des présidiaux porta un derniercoup aux bailliages, qui ne jugèrent plus que lescauses féodales. Les présidiaux étaient des tribunaux,qui tendaient surtout à remplacer les bailliages enleur enlevant leurs attributions. Dans l'ancienne mo-narchie, les institutions nouvelles s'ajoutaient auxanciennes sans les faire complètement disparaltre. Lesprésidiaux avaient des attributions civiles et criminel-les; au civil, ils connaissaient des appels ou des cau-ses de première instance jadis jugées par les bailliages;mais ils n'avaient la compétence de dernier ressortque pour les affaires de deux cent cinquante livres decapital ou de dix livres des rente. Au criminel, ils re-cevaient l'appel des juridictions inférieures et avaientla connaissance exclusive des cas royaux, c'est-à-direde certains crimes déterminés , comme le vol avecviolence , le rapt, la rébellion , la fausse monnaiê.Pour tous les cas qui n'étaient pas jugés en dernierressort, l'appel au Parlement était recevable. La plu-part des causes civiles, qui venaient en appel à labarre des Grands-jours , avaient déjà subi l'épreuved'un jugement devant :un présidial. Dans les causescriminelles, nous avons vu quelle était la compé-tence des Grands-jours.

Les pouvoirs du Parlement furent répartis, en 1302,en trois chambres diverses Cour de justice ou Par-lement, Cour des comptes, et Grand Conseil. Lajustice , l'administration , les finances , dans unesphère d'action séparée , eurent des officiers spé-ciaux, qui relevèrent d'une juridiction particulière.Par suite de l'agrandissement du domaine royal

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DE POITIERS. 67les officiers des provinces éloignées ne pouvaientque rarement rendre compte de leur gestion, etles différentes cours ne pouvaient que difficilementexercer une surveillance efficace sur leurs subordon-nés. Aussi les rois profitèrent-ils de l'institution desGrands-jours pour soumettre les officiers provinciauxà la juridiction de cette cour. Au lieu d'établir autantde délégations qu'il y avait de cours souveraines,les rois confièrent aux magistrats des Grands-jours lesoin de àurveiller les affaires des différentes adminis-trations. Dans tous les édits, un article spécial avaittrait aux officiers prévaricateurs.

Successivement tous les baillis du ressort et leurslieutenants venaient eh personne devant la Cour luioffri leurs services et leurs hommages, exposer la si-tuation de leur juridiction et rendre compte de leuradministration. Quand cette formalité était remplie, laCour, après leur avoir donné ses prescriptions, re-commandé de s'occuper spécialement d'une affairedéterminée, donné, des instructions, leur permettaitde se retirer. La session de 1579 offre de nombreuxexemples de cet usage. Le lieutenant du bailli dela Rochelle présenta une requête des échevins decette ville, qui demandaient une réforme pour lesgens de justice (t). Le ministère public avertit la Courque, depuis plusieurs années, des gens avaient, deleur propre autorité, opéré des levées de deniers et dedenrées (2) ; elle ordonna aux élus (3) des villes dePoitou d'apporter leurs états de recettes et de dé-penses pour leur demander les noms de ceux qui

(1) 12 sept. 15t9, - (2) 16 sept. 15t9. - (3) tes élus étaient desofficiers de finances chargés de veiller à la levée des impôts.

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avaient fait ces levées arbitraires. Ces mêmes élusreçurent l'ordre d'apporter les procès-verbaux desvisites faites aux paroisses.

A la même session , la Cour infligea un blâmeau prévôt des maréchaux de Poitiers pour ne pas

• tenir sa résidence dans cette ville. En 1634, la ma-réchaussée reçut un règlement sur la manière de pro-céder. Les prévôts furent tenus de faire des chevau-chées à travers les campagnes pour rechercher lesvagabonds et recevoir des plaintes. Les procès-ver-baux, contenant le rapport de ce qu'ils avaient vu ouappi'is pendant leurs tourliées, devaient être déposésau greffe de la maréchaussée dans l'espace de troisjours. Les prisonniers devaient être conduits aux geôlesroyales et interrogés dans les vingt-quatre heuresqui suivraient l'arrestation. Les objets trouvés sur leprisonnier devaient être consignés sur un inventaire.Ces mesures avaient pour but de sauvegarder la li-berté individuelle contre l'arbitraire d'officiers subal-ternes. La Cour recevait également des dénonciations:en 1570, le gouvernement d'Angoumois lui écrivitpour lui exposer la conduite du vice-sénéchal deRuffec, qui s'absentait souvent et négligeait de veillerà l'exécution des lois.

En 1634, le lieutenant du sénéchal de Poitiers futmandé devant la Cour, qui lui enjoignit de veillerà ce que son greffier ne prélevât pas de taxes plushautes que le tarif ne fixait et prescrivit à lui-mêmede tenir plus régulièrement les audiences et de nepas intervertir les rôles des procès. Le sénéchal deFontenay, qui n'avait pas comparu en personne pourrendre raison de sa charge et qui n'avait pas fait con-naître les motifs de ce retard , fut suspendu de ses

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DE POITIERS. 69'fonctions , et, des commissaires furent envoyés pourinstruire l'affaire. A la même audience, les officiersdu bailliage de Loche, qui avaient reçu ordre de pour-suk'ie l'instruction d'un procès, furent suspendus deleur charge pour avoir apporté de la négligence dansl'accomplissement de leur mission. A chaque session,les sergents étaient avertis, par un règlement, de nepas exiger, sous peine de suspension ou d'amende,un salaire plus fort que celui fixé par le tarif.

Ce n'était pas seulement Sur les officiers pris sépa-rément que s'exerçait cette autorité;, mais aussi surtout un corps constitué. En 1531, la Cour enjoignitau lieutenant général de Poitiers de lui remettre lesinformations prises par lui. En 1579, le présidial dePoitiers , qui était venu trouver la Cour, fut admo-nesté de requérir c plus amplement. » En 1634, ilreçut un règlement sur la manière de présenter etd'appeler les causes.

Au seizième et même au dix-septième siècle , leclergé, les villes, les universités, avaient conservé unecertaine autonomie, qui les soustrayaient à la tutelledu pouvoir central. Aussi les rois, toujours désireuxd'accroître leur influence, profitèrent-ils de l'institu-tion des Grands-jours pour en faire un instrument decentralisation. Sous prétexte de réformer des abusmanifestes, ils soumettaient au contrôle de magistratsnommés par eux ces corps privilégiés.

Communes. - Au seizième siècle, la tendance,qui poussait les villes à revendiquer leurs franchises,était affaiblie; et la royauté avait profité de cet affai-blissement pour restreindre, au profit de son in-fluence, les libertés municipales.

Le corps municipal de Poitiers acceptait sans pro-

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testation les reproches que lui adressait la Cour, et seconformait aux instructions qu'elle lui donnait lui-même réclamait son intervention , pour obtenir lasanction de règlements de police locale. En 1531, lemaire fut invité « à faire oster les pavés des rues dela dite ville, parce qu'ils sont mauvais pour genset chevaux, et à la faire paver de pierres plates commeès autres villes. » En 1541, 1567, 1579, la Cour, désson arrivée ,manda le maire et lui reprocha de n'avoirpris aucune mesure pour empêcher l'enchérissementdes vivres, et elle-même fixa le prix des denrées.En 1531 , il reçut ordre de faire conduire les men-diants à l'hôpital, et d'apporter les registres de comp-tes des dix années précédentes. La même année, laCour, sur la requête du maire et des échevins, renditun arrêté de police municipale, concernant les mar-chés et l'entretien de la voie publique, et réglant lespoids et mesures. Noua avons vu comment, en 1567,la Cour imposa, sans prendre •avis du maire et desbourgeois, une contribution à la ville de Poitiers, qui futmême contrainte de faire une avance pour la province.

Université, - L'uuiversitésle Poitiers s'inclinaitdevant la Cour et se soumettait à sa volonté toute-puissante. Eu 1541 (1), le recteur vint complimenter lesmagistrats et leur recommanda les privilèges de l'Uni-versité. Après les premières formalités, on fit fermerles huis, et le procureur général reprocha à l'Universitéla mauvaise conduite des écoliers. Il a été adverti, »dit-il , « des dissolutions des diz escaliers cstudian• en la dite Université, qui ne faisoient que courir tant• de jour que de nuit avec armes, bastons, en forme

(1) 13 sept. 1541.

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DE POITIERS. 71

» d'hostilité, troublant le repos de seureté publique;D et avec ce, enhabit et chausses échiquetées, longue» barbe, chose contraire à bons et vrais estudians. D

Le recteur, chef de l'Université, doit aviser à cet étatde choses ou bien on s'en prendra à lui. Les habitants,qui logeaient des étudiants, reçurent ordre de faireconnaître les noms de leurs hôtes et d'apporter les ar-mes de ceux-ci. Les étudiants furent avertis de ne» plus porter longue barbe et habits échiquetés qui» scandalisoient la Cour, et de vivre en telle composi-» tien et modestie d'habits qu'il convenoit. » La sur-veillance des magistrats s'étendit aussi sur les collè-ges de la ville ; et, à la suite d'un rapport de deuxconseillers (1) , le sénéchal de Poitiers fut chargéd'examiner les titres de fondation, les charges et re-venus de ces établissements.

Nomination. - Quand, pendant la session desGrands-jours, des magistrats avaient besoin de prêterserment pour entrer en fonctions, la Cour, aprèscette formalité, les mettait en possession de leurcharge. A la session de 1579 (2), les juges consulairesélus par les marchands de Poitiers, conformément àl'ordonnance du 17 février 1567 , vinrent prêter ser-ment. Pour la réception des autres magistrats, d'au-tres formalités étaient nécessaires; le serment étaitprécédé d'une enquête et d'une sorte d'examen surdes questions que le président posait au candidat (3).

La Cour prenait eu outre le droit de pourvoir auxvacances qui survenaient pendant les sessions.En1579 (4), le substitut du procureur général avertit

(1) 16 sept. 1579. - (2)23 sept. 1561. —(3) 5 et 23 nov. 1579. -(4) 19 déc.

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la Cour qu'il n'y avaiÏ pas de juge royal en basse Mar-che, et présenta un avocat de Poitiers comme suscep-tible de remplir ces fonctions ce candidat fut nommépar provisioii., en attendant la ratification du roi.

Hôpitaux.L'édit-de 1541 prescrivit de pourvoir« aux hospitaux et autres lieux piteux. » Ces établis-sements n'échappaient pas au contrôle de la Cour,qui exigeait des administrateurs la reddition de leurscomptes (I). Ceux-ci reconnaissaient cette autorité deleur propre gré, puisqu'en 1579 une ordonnance fut,à leur demande (2), rendue sur la façon dont l'hospicede Poitiers serait géré à l'avenir et dont les indigentsseraient secourus. , 4 défaut du paiement des taxesprélevées sur les habitants pour la nourriture etl'entretien des pauvres, les ecclésiastiques devaient,sous peine de la saisie de leur temporel, contribuerà toutes les charges. L'exposition des enfants étaitsévèrement défendue. Chaque dimanche, un conseil,nommé la Dominicale , devait se tenir à la maisoncommune pour fournir des secours aux indigents. Ceconseil devait se composer de membres pris dans lecorps municipal et parmi les notables ; la cour lechargeait du soin de veiller aux besoins des pauvres,en s'en rapportant à l'honneur et la conscience dechaque membre. En 1634, les habitants de Poitiersfurent taxés, pour l'entretien des pauvres, à une con-tribution de 3,000 livres, dont les ecclésiastiquesdevaient fournir la moitié. Les maisons servaient debase à la répartition de la taxe, dont le recouvrementincombait auxmarguilliers de chaque paroisse. Lesecclésiastiques devaient verser leur quote-part par

(1)19 déc. 1531. —(2)19 déc. 1579.

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DE POITIERS. 73anticipation au commencement de chaque trimestre.

Les lieutenants des bailliages étaient chargés de vi-siter les hopitaux et les aumôneries, de s'informer del'état où se trouvaient ces établissements , des usur-pations dont ils pouvaient souffrir, et des aliénationsillicites qui avaient été faites.

En 1531 , une violente épidémie sévissait sur laville de Poitiers. Alarmée pour sa sécurité, la Courmanda le lieutenant du sénéchal, pour lui prescrirede prendre des mesures sanitaires. En huit jours,vingt-cinq personnes avaient été atteintes et plusieursmaisons infectées par la contagion, qui était apportéepar les gens du dehors. La Cour ordônna de marquerles maisons suspectes, de condufte à l'hôpital destinéau traitement du malles personnes atteintes, de met-tre des gardes aux portes de la ville, pour écarter lespersonnes venant des pays que ravageait le fléau. Lesmagistràts restèrent à leur poste, mais ils s'empres-sèrent de quitter la ville après la dernière audience.

Tauaux publics. -Les attributions administrativesdes Grands-jours étaient très-vastes et ne s'étendaientPas seulement aux villes et aux hospices; elles com-prenaient encore la voirie, les constructions, les adju-dications de travaux.

En 1531 , la Cour fit publier un édit prescrivantà tous les châtelains et à tous ceux qui avaient droitde péage et do tribut sur les voies publiques, de met-tre en bon état les chemins ou ponts où ils prélevaientleur péage ; sinon les revenus devaient être saisis, etles réparations faites aux frais des négligents.

A la session de 1579 (1), la Cour prescrivit au tré.

(1) 7 oct. 1579.

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sorier de France en Poitou de fournir la somme né-cessaire à la reconstruction d'un pontsur l'Auxance (1),et elle préposa deux conseillers pour procéder à l'ad-judication des travaux nécessaires à la réparatiofi dela conciergerie du palais. Un conseiller, quelques joursaprès, fut chargé de faire une enquête sur l'emploi desdeniers consacrés à la réparation des chemins de Port-de-Piles (2). k la fin de cette session (3), la Cour re-çut des lettres patentes du roi l'autorisant à affecterles amendes des Grands-jours à la réparation du pa-lais de justice de Poitiers. Le procureur général, letrésorier de France et deux conseillers furent déléguéspour mettre le travail en adjudication. Le 19 septem-bre t634, un marchand de Bellac, Martial Gaticher,obtint, après avoir fourni caution, le privilège d'exer-cer la charge de messager entre Poitiers et Limoges; lemême jour, on fit défense de troubler dans sa chargele messager de Paris à Angers, et de lui faire concur-rence. Le monopole n'avait été accordé qu'à conditionque le concessionnaire suivrait un itinéraire désignéet mettrait dans ses voyages un temps déterminé.

Affaires ecclésiastiques. -Le clergé n'étaitpas exemptde la juridiction des Grands-jours , et lui-même enacceptait l'intervention dansdes questions purementecclésiastiques. Le 19 décembre 1579, Geoffroy deSaint-Belin, évêque de Poitiers, vint au nom de sonclergé remercier publiquement la. Cour de la bonnejustice qu'elle avait rendue et de la protection accor-dée au culte et à ses ministres. La royauté se servitde l'institution des Grands-jours pour contrebalancer

(t) Petite rivière à l'ouest de Poitiers. - (2) Village de Poitou surla Creuse. - (3) 4 déc. 1579.

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l'influence de l'autorité ecclésiastique et pour assurerau pouvoir civil le droit d'intervenir dans les questionsreligieuses. Quoique, aux sessions précédentes, la Courait jugé des questions de ce genre, l'édit de 1541 estle premier qui ait mentionné cette attribution. « Que» les conseillers pourvoient, » dit-il, « aux églises,» hospitaux et autres lieux piteux des diz pays...D tant pour le fait du divin service, entretenement des» saincts décrets et discipline régulière, que sur lesD ruines, décadence et désolation des dites églises etD maisons, édifices et lieux aux dites églises appar-» tenans, nourriture des pauvres et aliénation des lieuxD d'icelleséglises, dégradations, ventes et coupes de» bois et autres mauvaises administrations des pour-

vus et titulaires. D -

Là ne se bornaient pas les attributions de la Cour,qui, s'inspirant de l'esprit de l'édit, réformait lesabbayes , prescrivait des visites des diocèses , ren-dait des ordonnances, auxquelles elle soumettait leclergé.

Cette intervention du pouvoir laïque dans le do-maine religieux trouvait une explication naturelledans les circonstances. Des nobles ne se faisaient passcrupule d'usurper des bénéfices, d'en chasser lestitulaires et de menacer les prêtres. Ce n'était que parle moyen du bras séculier que 1'Eglise avait la facultéde rentrer dans son bien et d'inspirer aux envieux uneterreur salutaire. Comment apprécier l'étendue dumal, s'assurer de la réalité des besoins, si une enquêtesérieuse n'avait pas fait connaître la situation? Lesdeux parties intéressées, l'Eglise qui réclame l'appuidu bras séculier, et l'Etat qui prête son concours,doivent donc être représentées dans l'enquête. L'Etat,

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heureux de la circonstance pour intervenir dans lesaffaires religieuses, ne demandait pas mieux que deveiller aux intérêts matériels de 1'Eglise, et au besoinil prenait l'initiative de l'enquête.

Les appels comme d'abus ne furent pas amenés parles mêmes causes, mais par le désir de réprimer lesempiétements du pouvoir ecclésiastiqué dans le do-maine laïque. En 1519 , la Cour régla une contes-tation survenue entre le sénéchal d'Angoulême etl'évêque de cette ville, qui prétendait que les notairesecclésiastiques devaient avoir connaissance des actionspersonnelles entre les laïques; elle jugea aussi un appelcomme d'abus contre l'officialité de Poitiers qui avaitcondamné un laïque à une peine pécuniaire.

En 1519, les abbesses de Sainte-Croix et de la Tri-nité , qui appartenaient, l'une à la maison de Condé,l'autre à celle d'Amboise, furent, par arrêt des Grands-jours, transférées dans d'autres couvents. En 1531,l'abbé de Saint-Cyprien, sur la requête du procureurgénéral, fut cité devant la Cour, qui nomma, pourprocéder à la réforme de l'abbaye, deux religieux;l'évêque de Poitiers devait conférer les pouvoirs à cesdeux commissaires. 11 fut décidé après l'enquête quele tiers du revenu de l'abbaye serait consacré à laréparation de l'abbaye; et que, si l'abbé s'y opposait,tout le revenu serait saisi et administré sous la sur-veillance du procureur du roi. Les abbayes de Mon-tierneuf, do la Celle à Poitiers et de Saint-Maixentfurent réformées de la même façon. Avant de procéderà une réformation d'abbaye, les religieux étaientobligés de consigner au greffe une somme destinée àen couvrir les frais.

A cette même session, la Cour eut à se prononcer

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Dit POITIERS. 77

sur un cas fort curieux. L'officiai de Tours condamnale. geôlier de l'officialité à une réparation civile pouravoir laissé évader un prisonnier. Le geôlier en appelaà la primatie de Lyon, où la sentence fut confirmée.Le condamné porta sa cause devant deux juges délé-gués par le pape, qui le déboutèrent (le sa demande.Après avoir recouru à tous les degrés de la juridic-tion ecclésiastique, il en appela comme d'abus auxGrands-jours. ConMdérant que le geôlier ôtait un purlaïque, la Cour reçut sa demande et déclara nulle etabusive la sentence des premiers juges, qu'elle con-damna aux dépens d'appel. Les procédures criminellesfurent portées sur le compte du geôlier.

En 1541, le prieur de Clérage, en l'île de Ré, futcité aux Grands-jours, sous l'inculpation de mau-vaise gestion, de cessation de service divin. La Courordonna au gouverneur de la Rochelle de faire uneenquête. Comme il n'y avait pas de réformation, maisune simple constatation de fait, des clercs ne furentpas adjoints au fonctionnaire civil.

En 1567, le sire de Lanzac, dans sa déposition,signala à la Cour plusieurs gentilshommes, qui avaientusurpé des bénéfices, et lui signala l'interruption duservice divin dans plusieurs paroisses. Le présidentlui répondit que la Cour avait prescrit des enquêtesdans les diocèses de Luçon et de Maillezais, pris des.informations auprès des juges royaux, et qu'après lesplaintes et les enquêtes, elle avait ordonné aux évê-ques d'envoyer des vicaires partout où il y auraitcessation du service divin, et qu'au besoin un huissierserait chargé de saisir les fruits des bénéfices où nerésideraient pas les titulaires. Quant aux abbayes oùil y avait reMchement, les abbés seraient mandés.

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78 GRM4DS4OUR&

Cette ingérence d'une cour laïque dans la réforma-tion des abbayes constituait un empiètement du pou-voir civil sur les droits de l'autorité compétente. Parsuite des guerres de religion , l'évêque de Poitiersavait été obligé d'engager des joyaux et de laissertomber eu ruine, faute de réparations, quelques édi-fices épiscopaux. Pour remédier à ce déplorable étatde choses , il sollicita de la Cour (1) l'autorisation devendre deux cents arpents de bois appartenant à l'évê-ché. Ce ne fut qu'après une enquête constatant la réa-lité des besoins qu'il obtint la permission demandée.

En 1634, le procureur général recommanda (2), dansune audience solennelle, aux évêques de visiter leurdiocèse et de faire ce qu'exigeait la dignité de leurcharge.

En 1579, le roi, par lettres spéciales, recommandeà la Cour de chasser des cures les gentilshommes"entilshomme quiles ont usurpées, « de telle sorte qu'il n'y a aucuns» curés ou vicaires qui y fassent le service divin et» administrent à notre peuple les saints sacremens,» de sorte qu'il vit quasi sans aucune congnoissance» de Pieu, dont il ne peut qu'il n'advienne enfin quel.

que grand malheur.Les enquêtes et les ordonnances de réforation ne

s'appliquaient pas toujours à une abbaye en particulier,mais à toutes celles d'une province. En 1579 (3), laCour, avertie par le ministère public que les monastèresde la Marche étaient connus par leur irrégularité, ren-dit un arrêt ordonnant une enquête générale, dont ellechargea t deux religieux et un juge royal.

Dans les questions ecclésiastiques, la Cour procé-

(I) 21 sept. 1567. - (2) 20 sept. tOM. - (3) 14 oct.

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dait aussi par voie de règlement général. En 1579 (1),elle prescrivit une enquête générale dans les diocèsesde Poitiers, de Maillezais, de Saintes, de Luçon, d'An-goulême et de Limoges. Les commissaires devaientêtre nommés par l'évêque et par la Cour. Le diocèsede Poitiers fut divisé en quatre régions, qui devaientchacune être visitée par deux commissaires, un laïqueet un clerc. La mission de ces commissaires consistaità s'informer si les titulaires résidaient dans leurs bé-néfices , si leur administration ne méritait aucunreproche, à rechercher quels biens avaient été vendus,à examiner la gestion des fabriques, et enfin à remé-dier, aux ruines des églises, et, dans ce but, à convo-quer les marguilliers, les patrons, les seigneurs justi-ciers et les notables. Tous devaient s'entendre etprendre dQs mesures pour relever les édifices reli-gieux et mettre des contributions dans les paroisses.Le juge royal, du siège voisin, avait pouvoir de con-traindre et de taxer ceux qui se refuseraient à se con-former aux mesures prescrites. Les décisions descommissaires avaient une force exécutoire que nepouvaient entraver ni les appels ni les oppositions.Les frais de l'enquête étaient couverts par le clergé,qui devait verser 500 écus, dont cent à la charge del'évêque et le reste à celle du clergé. Le mériie arrêtérecommandait aux évêques de veiller à la résidencedi clergé et à la bonne administration du culte.Comme les chanoines de la cathédrale de Poitiersavaient été fortement taxés dans la répartition de lasomme fixée par l'enquête, ils objectèrent leur pau-vreté, et représentèrent que leurs confrères de Saint-

(1) 29 oct. I

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Pierre-le-Puellier étaient plus riches qu'eux (1).Ceux-ci, pleins de charité fraternelle, voulurent bienaccepter un surcroît de charge. Plusieurs chapitres,entre autres ceux de Saint-Hilaire, de Notre-Dame-la-Grande, de Sainté-Iladégonde, qui faisaient difficultéde payer leur quote-part, y furent contraints par lesvoies de droit (2). Comme les receveurs de ces cha-pitres se dérobaient aux recherches des sergents, pouréviter la saisie, on décida que trois dignitaires de cha-cun de ces chapitres, seraient contraints de payer lataxe sur leurs biens personnels , avec recours contreleurs confrères. Après l'enquête , la Cour rendit uneordonnance conffrmaniles mesures prises par les com-missaires, et recommandant de poursuivre les usurpa-teurs devant les juges royaux..

En 1634 (3), la visite de l'abbaye de la Sie, enTouraine, amena la constatation de grands scandalesqui firent appréhender au corps trois religieux. Cettemême année (4), la Cour homologua l'arrêt épiscopalqui unissait la chapelle de Notre-Dame-des-Assisau couvent des Bénédictines de Saint-Maixent, tropPauvres pour se suffire à elles-mêmes,

Coutumes. - Pans quelques édits de convocation,une.clause charge la Cour de réformer les coutumes.Comme il n'était pas possible d'arriver à l'unité delégislation, il importait que l'esprit des coutumes fûtconforme aux tendances de la royauté. En outre,comme le Parlement pouvait connaître en appel detoutes les causes jugées en premier ressort dansles pays où ces coutumes étaient en vigueur , il était

(1)9 oct. 1579. —(2)16 nov. 1579. —(3) 21 oct. 1634. —(4)11 nov.1634.

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DE POITIERS. •À1nécessaire qu'il eût connaissance de celte législation.Les rédactions devaient donc, pour ce double motif,être connues du Parlement, qui fut chargé de sur-veiller ce travail.

Quoique ce soit è Charles VII que revienne l'hon-neur d'avoir, par l'édit de Montil-lès-Tours, en 1453,ordonné la rédaction des coutumes, les Grands-joursde 1454 n'eurent pas mission de procéder à ce tra-vail. L'édit dé 1519 recommande aux membres de laCour de corriger, « amender, si mestier est, usages,» sUies et autres choses qu'ils verront être déraison-» nables, et de les réformer et mettre en bon ordre» et forme de justice, ainsi qu'ils verront estre à faire» pour le bien de justice de nos pays et sugetz. »L'édit de 1579 ne se contente pas de recommanderla réforme des coutumes; il prescrit de corriger « les

procédures abusives et les mauvaises pratiques. »Conformément à cette clause, la Cour laissa au prési-dial de Poitiers un règlement sur la manière de pré-senter et d'appeler les causes (1). En 1634, les vacationsdes sièges du Poitou, que la coutume, promulguée parles Grands-jours féodaux de 1405, plaçait à l'époque desmoissons, furent reportées au temps des vendanges.

Ce fut en 1559 que la coutume du Poitou reçut unedernière révision. La nouvelle rédaction, avant d'êtrepromulguée, avait été soigneusement examinée dansune assemblée de notables et de magistrats du pays,sous la présidence de deux membres du Parlement.

Dans ses attributions administratives, la Cour avaitle droit de conférer les privilèges an libraires.En 1531 (2), elle concéda à Jean Bouchet le privilège

(I) 19 déc. 1579. —(2) 25 oct. 1531.6

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ŒRANflS-JOURS

exclusif de faire imprimer et de vendre une nouvelleédition des Annales d'À quitaine.

Enregistrement. - La Cour des Grands-jours avait,comme le Parlement de Paris pouvoir d'enregistrertous les actes qui lui étaient adressés. Comme toutes lesprovinces placées dans son ressort étaient, pendant ladurée de la session, distraites en quelque sorte de lajuridiction du Parlement de Paris, la Cour faisait insé-rer dans ses propres registres tous les documents deson ressort soumis à cette formalité, comme les lettresde prorogation de la seûion (1), comme la lettre en-voyée par Charles IX, en 15137 (2) , pour engager laCour à revenir à Paris. En 1579, des lettres patentesd'llenri III, portant qu'on ne pourrait récuser la com-pétence de la Cour (3), furent enregistrées aux Grands-jours. Certains actes étaient enregistrés à Paris et àPoitiers, quand le Parlement et sa délégation étaienttous deux intéressés à la chose.

En 1634 (4), les libraires et les imprimeurs de Poi-tiers obtinrent du roi des lettres patentes, en date du4 octobre de cette mémo année, portant confirmationde leurs statuts. Ayant présenté ces lettres pour obte-nir vérification et enregistrement, ils les firent insérerdans le registre des Grands-jours. La formalité del'enregistrement. aux Grands-jours, exigée pour des.sujets qui n'avaient p&s spécialement trait aux attri-butions de la Cour, mais qui se rapportaient à despersonnes domiciliées dans son ressort, montre que ladélègatiôn des pouvoirs du Parlement était complète.

L'enregistrement préalable au Parlement de Paris

(I) t19, 11O. - (2) V? oct 1567. —(3)16 oct. 1579. - 4) 17 oct.1634.

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DE POITIERS. 83des lettres envoyées par le roi à la délégation étaitconsidéré comme une formalité nécessaire. En 1634 (1),comme les lettres patentes de prorogation n'avaientpas été soumises à dette formalité, le procureur gé-néral objecta qu'il était de l'honneur et de la dignitéde la compagnie, qui n'est qu'un même corps avec leParlement, que ces lettres y fussent vérifiées et regis-trées et qu'il fallait, dans ce but, en écrire au roi et auParlement. La Cour, reconnaissant la justesse de cetteremarque, fit néanmoins enregistrer les lettrés à Poi-tiers mais pria l'avocat général, mandé à Paris, designaler ce fait à l'attention du Parlement.

A l'occasion de l'enregistrement, le Parlement deParis exerçait soIi droit de remontrance. La déléga-tion du Parlement n'usa de cette prérogative quedans une circonstance. Le roi , par lettres patentes du25 août 1579, avait accordé aux docteurs ès-droitscivil et canon de l'université de Poitiers le privilègede faire entériner par les Grands-jours d'autres lettrespatentes de juillet 1577, portant à leur profit créationet assignation de la somme de 3,000 livres par an, quidevaient être perçues moitié sur les trois évêchés duPoitou, moitié sur les confribuables des tailles de cepays. La Cour, 4rès avoir entendu l'évêque et leséchevins de Poitiers et le procureur général, décidaqu'il serait fait humble remontrance au roi, sur lateneur de ces lettres-patentes (2).

En 1634 , le procureur général remontra à la Courque le maître des requêtes, garde du sceau des Grands-jours, s'était absenté sans sceller plusieurs arrêts, qui,par défaut de cette formalité, ne pouvaient devenir

(1) 17 nov. 1634, - (2) 15 déc. 1579.

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exécutoires. On décréta que ces arrêts pourraient êtreexécutés sur simple extrait de la minute.

ctaÉMorquL. PROCÉDURE.

La Cour était reçue à Poitiers avec les honneurs d5à la délégation du pouvoir souverain. Les évêquesprésents à Poitiers, les échevins et le maire, les offi-ciers du roi, se portaient au-devant des magistrats.En 1634, les magistrats reçurent un accueil plussolennel que dans les sessions précédentes. Le gou-verneur de la province, l'évêque, les chapitres, leprésidial , envoyèrent au-devant de la Cour une dé-putation jusqu'à Chàtellerault. A quelque distance dePoitiers, les conseillers trouvèrent le gouverneur dela ville accompagné de cent gentilshommes, et lemaire escorté de 7douze trompettes et de soixantenotables. Le gouverneur de Poitiers, dans sa haran-gue, offrit ses services; le maire, dans la sienne, re-commanda les franchises de la cité. Le présidentse pencha à la portière de son carrosse et répondità ces discours. Aux portes de la ville, -le cortègefut reçu par le Présidial, le trésorier de France etl'Université. Le président fut installé dans la maisondu lieutenant criminel, où un grand dîner fut servi àtous lesnouveaux venus. Après le dîner, la Cour reçutles différents chapitres de la ville.

La session ouvrait après la messe du Saint-Esprit,Célébrée par un évêque du ressort dans la chapelledu Palais ou à la Cathédrale. En 1 r)41, ce fut à l'abbé de-Montïerneuf que revint cet honneur , parce qu'il n'yavait pas de dignitaire d'un rang plus élevé. Après lamesse, les membres de la Cour, revêtus de robes rou-

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ges, se rendaient solennellement dans la salle d'au-dience , dont les portes étaient ouvertes au public.Après la lecture solennelle de l'édit de convocation etdes autres pièces officielles , la Cour admettait lesprocureurs et les avocats au 'serment, et rendait unarrêt où elle fixait ou rappelait la procédure qu'onallait appliquer pendant la session. Etablie dans lepalais de justice, elle exerçait une autorité sem-blable à celle que le Parlement avait à Paris dans lepalais de la Cité. C'était elle qui décidait les répara-tions à faire, et faisait solder les dépenses d'instal-lation par un trésorier.

Les habitants de Poitiers offraient à la Cour diversprésents en signe de déférence et de courtoisie. Eu1519, la ville décida qu'on offrirait aux magistratsdeux pipes de vin clairet, deux de blanc , deux derouge, deux pots d'hypocras et six tourtes d'unelivre (t). En 1634, le :chapitre de la Cathédraledonna quatre cents bouteilles et deux pipes de vinet la ville envoya trente livres de confitures à M me laPrésidente, vingt à Mme Orner Talon, femme de l'avo-cat général, et treize à chacune des femmes de con-seiller.

Outre l'indemnité que le roi faisait allouer à chaquemembre des Grands-jours, ils se partageaient entreeux les épices des procès. En 1634, 25,000 écus furentassignés pour subvenir aux dépenses de la 'session;le président recevait trente livres par jour, chaqueconseiller vingt livres, et l'avocat général vingt-sept.C'était la Cour (2) qui veillait au paiement du salaire

(1) Arek. mun de Poitiers, reg. des délibérai., 1519. - (2) Notice dM. Faye sur les Grands-jours.

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dû aux huissiers et aux officiers inférieurs pour leursgages et pour les missions qu'ils remplissaient. Cesfonds étaient pris sur la caisse du receveur, qui étaitadjoint à la Cour pour la perception des taxes et desamendes.

En examinant les différentes attributions des Grands-jours , nous avons déjà en partie indiqué quelle étaitla procédure de la Cour. La délégation du Parlementn'avait pas, à vrai dire, de procédure qui lui fût spé--ciale; les affaires étaient instruites et menées à Poitierscomme elles l'auraient été à Paris, sans la tenue desGrands-jours. Cependant la concentration de tous lespouvoirs du Parlement en une seule chambre appor-tait quelques changements dans la procédure.

Les magistrats tenaient à se conformer exactementaux usages consacrés par l'expérience des sessionsprécédentes. Au début de la session de 1634, deuxconseillers furent chargés d'étudier, dans les registresdes Grands-jours antérieurs, la pratique et les moyensprécédemment usités, et d'en luire rapport à la Cour,afin qu'à l'occasion les conseillers pussent se guidersur l'exemple de leurs devanciers. Plusieurs fois lesarrêts des Grands-jours tenus dans d'autres villes fu-rent invoqués, comme autorité, par la Cour dePoitiers.

La session des Grands-jours avait toujours lieu pen-dant les-vacances du Parlement, afin que les travauxde cette Cour ne fussent pas interrompus. L'éditde con-vocation indiquait le commencement et la clôture dessessions, qui prenaient ordinairement fin à l'époquede la Toussaint. Quand le nombre des causes portéesau rôle exigeait une session plus longue, le roi en-voyait à la Cour une, lettre de prorogation(1541, 1579,

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1634). Celte prorogation ne suffisait pas toujours à.l'épuisement des causes. En 1519, la Cour, voyantque, sur le point de finir sa session , il lui restait ungrand nombre d'affaires non appelées, décida quetoutes les causes qui y sont introduites tant par lerenvoi général du Parlement qu'autrement, et quin'ont pu être décidées et terminées, seraient renvoyéesau Parlement en l'état qu'elles étaient, au lendemainde la Saint-André.

Si'Ia Cour, avant de rendre un arrêt, voulaitprendredes informations, elle faisait procéder à une enquête,tantôt pardes officiers du ressort (I), tantôt par des con-seillers. En 1567 (2), trois conseillers et le substitut duprocureur général furent délégués pour procéder à uneenquête sur l'abbaye du Petit-Bonneveau , près Poi-tiers; un autre conseiller fut commis pour entendre

'les réclamations portées contre les collèges de Poitiers,où il y avait des bourses non pourvues de titulaires.Eu 1579 , dans l'enquête ordonnée sur l'état dudiocèse de Poitiers (3) , ce furent deux conseillers duprésidial et deux lieutenants du sénéchal de Poitouqui furent adjoints aux commissaires ecclésiastiques.En 1634 (4) , un juge du ressort fut chargé de visiterles localités du Poitou , où se trouvaient des protes-tants. Bu conseiller fut même délégué à Chinon (5)pour le service de la Cour.• Comme au Parlement , nous trouvons aux Grands-

jours des matinées, des après-dînées, des plaidoyerset des appointements en la chambre du conseil. Quanddeux parties avaient fait exposer leurs causes parle

(I) I7sopt. 1541. - (2) 23 sept. 1567. - (3) 15 nov. 1579. —(4)16sept. 1634. - (5) 22 déc. 1634.

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ministère de leurs procureurs et par l'organe de leursavocats, souvent la Cour les renvoyait en la chambredu conseil, pour appointer l'affaire. Les pouvoirs de lachambre des vacations ap Parlement étaient aussi dé-volus aux Grands-jours, ce qui permettait de donnersur place une prompte solution aux affaires urgentes.

Procédwre civile. - En général, la procédure civileet criminelle des Grands-jours était celle suivie auParlement de Paris. Au commencement de la session,la Cour rappelait les prescriptions anciennes ou en or-donnait de nouvelles. Elle défendait aux avocats etprocureurs venus à là suite des Grands-jours de s'enaller sans sa permission et elle réservait des dom-mages-intérêts aux parties, dont les procureursn'étaient pas venus de Paris, ou n'avaient pas envoyéles pièces en leur possession (1).

Dans leur serment , les avocats et les procureurspromettaient de ne pas se charger sciemment dunecause injuste, et même de quitter celles dont ils ver-raient l'injustice dans le cours des débats. Dans leurdéfense, ils ne devaient pas appuyer leurs preuvessurde fausses coutumes. Quand ils s'apercevaient, dansleurs causes, que les droits du roi étaient lésés en quel-que point, ils devaient en avertir le ministère public.Ils s'engageaient aussi à ne pas exiger au-dessus deleur salaire , et à ne pas chercher de subterfugesdans leurs plaidoiries.

L'édit de convocation renvoyait aux Grands-jourstoutes les affaires du ressort pendantes en appel auParlement, qui rendait alors un arrêt pour se décla-rer dessaisi de toutes ces causes- Pour les autres, qui

(I) 1519.

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n'étaient pas encore arrivées au greffe du Parlement,la Cour ordonnait aux sénéchaux et baillis de dresserun rôle de toutes les causes d'appel de leur jûridic-tion qui devaient lui être soumises (1). Il arrivait, par-fois, qu'une cause, pendante à Paris, avait déjà reçuun commencement d'instruction, et que les partiesavaient entrepris la poursuite de l'affaire. Commencéeou non, la cause était, avec les autres, renvoyée auxGrands-jours.

- Quand la Cour était appelée à statuer sur une ques-tion de compétence, ou quand elle avait fait constateraprès enquête la situation dans laquelle se trouvaitune affaire, elle renvoyait souvent la cause devant lesjuges du lieu. Pour éviter l'encombrement, la Cour sedéchargeait sur les juridictions inférieures du soin determiner les contestations soulevées par les enquêtes,esdont la conclusion était indiquée par les arrêts ren-dus. En 1579, après l'enquête prescrite dans le diocèsede Poitiers, la Cour renvoya devant les juges du res-sort les causes qui pouvaient soulever des réclama-tions, comme la revendication des biens ecclésiasti-ques usurpés.

Parmi les décisions du Parlement, on distingueles arrêts et les jugés. Les premiers étaient renduspar la Grand'chambre, pour terminer les appella-tions des sentences orales rendues à l'audience enpremière instance. Les seconds émanaient de lChambre des enquêtes pour régler les appellations desprocès jugés sur pièces écrites. Les décisions de laTournelle portaient aussi le nom d'arrêts.

Sous la dénomination de conseil, il faut entendç

(1) Sept. 1454-15t9.

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tout ce qui se traitait hors de l'audience. Là se délibé-raient tous les arrêts qui avaient nécessité la rédactiond'un rapport ou exigé une délibération spéciale desconseillers; on décidait aussi les demandes sursimple requête qui réclamaient prompte solution. Siune affaire présentait une véritable importance , ouexigeait un travail préparatoire pour être élucidés, undes conseillers était nommé rapporteur. Souvent, à lafin d'une audience, après les

'plaidoiries , les juges

renvoyaient une affaire en la chambre du conseil,pour l'étudier plus attentivement. Les délibérationsau Conseil amenaient fréquemment un arrangementamiable entre les parties. Les décisions du conseil con-sistaient le plus souvent dans la constatation des allé-gations contradictoires, clans l'examen de pièces pro-duites, dans.la fixation de délais, dans la délivranc&de congés et dans des actes préparatoires. Toutesdifférentes chambres pouvaient, quand le ju-geaient convenable, se former en conseil.

Pour qu'une décision acquît son autorité définitive,il fallait qu'elle fât prononcée. Quand il s'agissait d'af-faires plaidées à l'audience, l'arrêt était rendu séancetenante, ou le lendemain au plus tard. Les arrêtsou les jugés, prononcés après délibération en conseil,n'étaient rendus qu'après un rapport fait par un con-seiller. Certains jours étaient consacrés à la pronon-ciation de ces arrêts ou jugés solennels, qui ne por-taient que sur le fond. Toutes les autres décisions ayanttrait aux questions incidentes ou exigeant une solutionprompte étaient immédiatement tranchées en conseil,sur la simple production des pièces, et, à l'audience,sur la conclusion des parties. Les Grands-jours, commele Parlement, rendaient des jugés et des arrêts.

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• Tous les documents, toutes les pièces qui avaienttrait aux procès jugés; tous les arrêts, rapports, en-quêtes, étaient déposés aux archives du Parlement,qui comprenaient les registres et les minutes. Les re-gistres contiennent la transcription des min3tes , quin'existent, pour les Grands-jours de Poitiers, qu'à par-tir de 1579.

Le partage entre le civil et le criminel forme lagrande division des archives du Parlement. D'aprèsl'usage, les minutes et les iegistres étaient classéssuivant la nature des actes, abstraction faite des cham-

• bres dont ils émanaient. Ainsi, dans la série du Conseil,n trouve aussi bien les délibérations de la Grand'-

Chambre que de la Chambre des enquêtes. La Tour-Delle avait sa série à part, qui comprenait égale-ment des conseils et des plaidoiries. Au civil, ily avait trois séries de registres les arrêts et les ju-gés, rédigés en forme avec les lettres de justice, tel-les que lettres d'évocation, de renvoi, congés , for-maient la première; la seconde comprenait toutes lesdélibérations et décisions rendues au Conseil; dans latroisième étaient rangées les plaidoiries, qui se sub-divisaient en audiences de matinées et d'après-dinées,également consacrées aux mômes affairés. Les regis-tres de plaidoiries renferment les analyses dévelop-pées des plaidoyers et des moyens de défense pro-posés par les avocats, et les résumés des réquisitoireset des répliques du ministère public.

Aux Grands-jours, quoique l'organisation de laCour différât de celle du Parlement, nous trouvonsune même division dans les registres où, suivant l'im-portance des sessions, les matières sont contenues,dans un seul ou, dans. plusieurs volumes.

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Les arrêts ou jugés portaient toujours la signaturedu président et du rapporteur.

D'après l'ordonnance de 1446 (1) , les audiencesde matinée s'ouvrdent à sept heures. Les conseillers

viendjnt au matin en la chambre de Parlement à• l'eure que l'on chante la première niesse en nostre• chapelle basse de Paris et demourront illec continuel-

lement jusques à midy sonnant en nostre dite cha-pelle, sans partir et sans issir, se n'estoit pour né-cessité corporelle. » Les après-dînées duraient de

deux heures à quatre heures. La Gour des Grands-jours, quoique se conformant à ce règlement, tenaitnéanmoins les audiences, comme elle le jugeait àpropos. Les causes étaient appelées suivant l'inscrip-tion au rôle du bailliage.

Les règlements de procédure rendus aux différen-tes sessions présentent à peu près les mêmes disposi-tions. Les parties et les procureurs étaient tenus demontrer à leurs parties adverses les différents exploits,ajournements et anticipations, obtenus les uns contreles autres (2). Nul ne pouvait demander audiencesans avoir été appelé au rôle ou sans avoir une cé-dule de la cour. Si l'on voulait faire accord, il fallaitobtenir du roi ou de la chancellerie lettres de congéet présenter ces lettres et l'accord à la cour. Les pro-cureurs ou les parties ne pouvaient obtenir com-munication des dossiers des causes renvoyées duParlement aux Grands-jours, sans montrer les assi-gnations relatives à ces causes. Les procureurs requispar les parties devaient déposer leurs conclusions augreffe. En cas de renvoi, ils devaient le montrer au gref-

(1) Ord. des rois, t. I, p. 728.— (2) Sept. 1454 et oct. 1567.

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fier, Dans les causes d'appel, d'appointement ou desentence interlocutoire, le procureur de l'intimé de-vait avoir sous la main les actes et mémoriaux de lacause et tous les exploits, pour les exhiber dès qu'ilen serait requis.

Les requêtes devaient, quand elles survenaient dansles débats, être signées des parties et des procureurs,et incontinent communiquées aux adversaires. Si l'unedes parties était présente, l'autre absente, la présenteemportait le profit. Si les deux sont absentes, la causeest renvoyée au prochain Parlement. Toutes ces pres..criptions étaient garanties parla menace d'une amended'an moins dix livres contre les infracteurs. Aux Grands-jours, comme au Parlement, les affaires d'un bailliagen'étaient jugées qu'après l'épuisement des causes duprécédent bailliage.

L'appelant, qui était débouté de sa demande, payaitnaturellementtous les frais du procès et était, en ou-tre, condamné à une amende dite de fol appel.

Procédure criminelle. - Au criminel, la procédureétait plus simple et plus expéditive. Comme la Couravait une double compétence, elle avait double ma-nière de procéder suivant que les causes lui vinssentpar voie d'appel ou qu'elles lui fussent portées directe-ment.

Dans les causes d'appel, la Cour était saisie de l'af-faire, soit par la partie intéressée, soit par le ministrepublic, qui dans ce cas appelait a minima, soit par lesdeux ensemble.

Quand un condamné avait fait appel d'une sen-tence rendue par un juge inférieur, il était conduità la conciergerie de Poitieis, et les pièces du pro-cès étaient envoyées à la Cour par le Parlement ou

—s

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par le tribunal qui avait •prdnoncé la condamnation:Lés magistrats des Grands-Jours ne se contentaient

pas d'exatnineï' les vices de forme; ils avaient aussiconnaissance de toute l'affairè. Après l'examen de lapremière sentence et l'interrogatoire du prionnier, ilsconfirmiient ou cassaient la décision; ils avaient aussile droit d'élever ou d'abaisser la peine. En 1567, unhomme fut condamné par le tribunal d'Issoudun aufouet et au bannissement pour crime (le bigamie. Lecondamné en appela; de son côté, le procureur du roiinterjeta appel a minima, La Cour condamna l'appe-lant à être pendu.

En première instance, le tribunal était saisi parle mi-nistère public ou Parles parties, mais toujours les pour-suites étaient faites par le ministère public. La • Courelle-même prescrivait aussi la recherche des coupableset rendait des arrêts pour assurer l'exécution de sesordres. Dès la première séance de la session, elledonnait ordre à tous les juges et officiers du roi deprendre des informations sur les crimes commis dansleur ressort, d'arrêter les coupables et de lui faire con-naître les affaires dignes d'intérêt. Quand les jugesvenaient rendre compte de leur chtirge, elle leurprescrivait; s'il y avait lieu, dé poursuivre une affairedans leur juridiction et de lui en faire rapport. L'in-struction des procès criminels était en partie laisséeaux juges des provinces oà les délits avaient été com-mis; ils étaient chargés de rassembler toutes les preu-ves nécessaires à l'éclaircissement de l'affaire. Quandils avaient terminé l'instruction, ils envoyaient le ré-ultat de leurs informations au greffe des Grands-

-jours. Si la Cour avait à se plaindre de la négli-gence que ces juges apportaient dans l'exercice de

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DE POITIERS. 95leurs fonctions, elle leur infligeait un Marne, leur en-levait la poursuite de l'affaire et déléguait un com-missaire pour mener à bonne fin l'instruction duprbcès.

Le 22 juillet 1567, un nommé Maillant fut détroussé et assassiné près de Vouzailles (1) , en reve-nant de la foire de Mirebeau. Sa veuve porta plainteau prévôt des maréchaux de Loudun (2) qui commençaune information. Trouvant la procédure trop longueet le magistrat peu favorable à sa demande, la plai-gnante adressa une requête aux magistrats des Grands-jours pour les prier de prendre sa cause en main.Sir les conclusions du procureur général, la Courordonna au prévôt des maréchaux d'activer les pour-suites, de lui amener les meurtriers, et de lui envoyerdans quinzaine les pièces de l'instruction.

Les procès criminels (3), quand ils étaient en étal,devaient être jugés avant toutes les autres affaires.Lorsqu'il n'y avt pas deux chambres, l'une pour lecivil, l'autre pour le criminel, la Cour, pour se con-former à cette prescription, faisait alterner les audien-ces civiles avec les audience criminelles. Du reste, lesnombreuses affaires, qui affluaient de toutes parts àla barre, les promptes solutions qu'il fallait donner, lesremontrances du rninisf,ère public, empêchaient lesmagistrats de fixer l'ordre de leurs travaux d'uhe ma-nière régulière. Les causes étaient appelées ou jugées,quand elles étaient prêtes ou urgentes;, mais ellesn'étaient pas distribuées suivant la nature de leur oh-jets On n'indiquait un jour fixe que pour le'dépôt des

(1) Petite commune dans le canton de Mirebeau. —(2)12 sept. 1567,"-(3) Edit do 1579.

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rapports sur les enquêtes, ou pour la réception desinformations judiciaiers.

Les témoins ou les déposants menacés étaient dis-pensés de la justice des seigneurs qui les auraientintimidés. En 156j, un témoin qui avait été menacépour avoir déposé contre un seigneur, fut mis sous lasauvegarde du roi et placé sous la protection de l'ab-baye de Bonneveau. Tous les plaignants étaient missous la sauvegarde du roi. Les sergents ou les officiersmenacés dans l'exercice de leur ministère devaient seplaindre directement à la Cour.

Ministère public. —Dans toutes lès causes, le minis-tère public avait le droit de faire connaître son opinionet de donner ses conclusions: Àdministration,compta-bilité, causes civiles, procès criminels, réformes desmonastères., visites des diocèses, appels commed'abus, surveillance des officiers, il intervient en tout,il étend sa compétence sur tout. Cette ingérencedans toutes leà questions est uià fait significatif,car il indique les tendances de plus en plus absor-bantes de la royauté. La Cour du Parlement on desGrands-jours n'a relativement qu'un rôle passif; ellejuge, elle fait procéder à dès enquêtes. Le rôle actif

- est réservé au ministère public, qui est chargé deveiller à l'exécution des lois, de sauvegarder les droitsde la royauté et de déférer les coupables à la barre du

-Parlement ou des Grands-jours. Parmi les magistratsqui remplirent les fonctions du ministère public, onpeut citer, en 1531, Poyét, qui, devenu chancelier deFrance, prit une part active aux intrigues de -Louisede Savoie contre le connétable de Bourbon, et que sesmalversations flrt condamner à quitter sa charge età payer 100,000 livres d'amende; et en 1579, Brisson

J,

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DE POITIERS. 97qui, devenu président, fut mis à mort par les ligueursde Paris.

Autorité des jugements. - Les jugements renduspar la Cour des Grands-Jours avaient la même auto-rité que ceux rendus par le Parlement, et ils étaientsans appel. Les édits ne permettaient à personne decontester la compétence de la Cour. c Nous voulons, »dit Charles VII (1), « que leurs diz arrez et jugemensD soient mis en exécucion comme arrez de nostre dit

Parlement. Si mandons et commandons, et expressé-z' ment enjoignons à tous nos suhgiez et justiciablesD desdiz pays que à nos diz commissaires obéissent etb entendent diligemment et leur prestent et donnent.

conseil; confort, asile, prisons, si mestier, est et» requis en sont. » Les autres édits expriment lamême idée sous une formule différente. « Que les» arrets, jugemens et sentence, » disait Françoisen 1519 (2), « soient tenus, gardez et mis à exécu-• tion doue, comme les arrests et jugemens de nos-• tre dite Cour de Parlement, sans que aucun soit• reçeu à en appeler et réclamer, tout ainsi que s'ils• étaient donnez et prononcez en nostre dite Cour de• Parlement.

Én 1519, un marchand de Tours essaya de ré-cuser un conseiller qui avait eu à son service la Partieadverse; sa demande ne fut pas admise. En 1579, leroi envoya, après délibération du conseil, une lettreavertissant la Cour que nul ne pourrait en aucun casdécliner sa compétence, et que, pour les récusationspersonnelles des juges, on suivrait les lois habituelles.

Dans les sessions, on ne trouve qu'un cas où une

(1) E4U de 1454. - (2) MIt de 1519.

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cause fût enlevée directement à la connaissance desGrands-jours. En 1634, le conseiller Jacques Tar-dieu alla, pour le service de la Cour; à Chinon et àLoudun. Dans cette ville, un archer de la prévôté del'hôtel lui donna et lui signifia en pleine rue copie d'unarrêt du conseil d'Etat, en date du 31 mai 1634, parlequel le roi ordonnait que le procès d'Urbain Gran-dier. serait continué par Martin de Laubardemont.Gomme la Cour avait déjà donné des assignations re-latives à cette affaire, le délégué du roi avait défendu

• d'y répondre sous peine de 1,000 livres, d'amende.Cependant il avait consenti à faire part de ses inten-tions à la Cour en lui transmettant par un archer copiede l'arrêt du conseil. Le conseiller se plaignit, à sonretour à Poitiers, de cette façon d'agir injurieuse en-vers la Cour. Celle-ci ordonna d'arrêter l'archer et defaire comparoir Laubardemont à sa barre. On ne trouvepas dans les registres de la session que cette décisionait eu des suites. Le supplice d'Urbain Grandier nousapprend quelle fut la conclusion dt cette affaire, etquels étaient les redoutables pouvoirs du célèbre Lau-bardemont.

Quand le roi avait donné des lettres d'abolition, laCour n'avait plus le pouvoir d& connaître de l'affaire.

En 1579 ('1), le roi interdit de juger un sire de Vau-berant, que le ministère public, malgré des lettres derémission obtenues, persistait de pÔursuivre pour crimede meurtre. Les lettres de rémission (2) intervenaient

(I) 9 nov. 1519. - (2) Les lettres d'abolition Intervenaient avant lejugement, mottaient la procédure h néant, et empéchaient toutes pour-suites subséquentes; tandis que les lettres de rémission relevaient lecondamné des effets de la sentence prononcée contre lui.

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DE POITIERS. 99longtemps après la tenue des Grands-jours, en faveurde quelques contumaces, dont l'exil et la ruine avaientcontribué à fléchir la sévérité royale. Car, dans lecours d'une session, l'action de la justice n'était nientravée ni interrompue. « Le roy dit Etienne Pas-» quier (I), aux Grands-jours de Poitiers, sevra sa» puissance de toutes abolitions ou évocations... Le• plus fort et asseuré rempart pour la conservation• de l'autorité des Grands-jours est, quand en com-

mun cours de justice, la miséricorde du prince ou» sa puissance absolue n'entre en jeu.

CAUSES CITgE5 COMME PREUVES.

Les causes suivantes, citées comme exemples; mon-treront quelle était la nature des débats portés devantla Cour, comment fonctionnait ce terrible tribunal,et quelques-uns de ces faits, en révélant l'état desmoeurs et la situation de la province, prouveront l'uti-lité des Grands-jours. L

1)1454. Colas Germain, cita devant la Cour mes-sire Jacques de Beaumont, seigneur de Bressuire,dont le châtelain l'avait condamné à payer au fiscseigneurial le droit de barralage (2), c'est-à-direuneentrée aux portes de la ville. Colas Germain possédaità Bressuire une maison, qui relevait directement duchàtcad de Chinon. Sommé de payer aux portes de laville le droit de barralage, il refusa en alléguant qu'ilne devait de redevance qu'au roi. Malgré ses récla-mations, il, n'en fut pas moins ajourné devant le châ-telain de Bressuire, qui était dan ce, pays le juge

(I) OEuvres, t. II, P. 180. - (2) Voir Dùcanè flerral4ium.

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seigneurial. Colas eut recours au procureur du roi enTouraine, lui exposa l'affaire, « et par ce le procureurdu roy obtint lettres royaux par vertu desquelles iqhi-bidon fut faicte au chastellain que ne congneust lacause. En conséquence, l'affaire fut portée à Chinon.De son côté, le seigneur de Bressuire obtint des lettresroyaux pour faire évoquer le débat devant le sénéchalde Poitou; mais satisfait de ce premier succès, il secontenta d'appeler de nouveau Colas Germain devantson châtelain. Nouvel appel de Colas au procureur duroi en Touraine, et nouvelle inhibition faite au châtelainde ne pas juger cette cause, qui fut renvoyée au séné-chai de Touraine. Jacques de Beaumont appela de cettedécision dans le but de maintenir la compétence deson châtelain. Enfin, l'affaire arriva devant les Grands-jours, où l'avocat du seigneur de Bressuire commença

• par demander qu'elle fùt renvoyée devant le sénéchalde Bressuire ou tout au moins devant le sénéchal dePoitou; car il y a eu omisso medio, c'est-à-dire qu'undegré de juridiction a été sauté.- L'avocat de Colas Germain répliqua que l'appelant

n'était pas sujet du seigneur de Bressuire, et que par• c6nséquent il fie devait pas être cité devant soii tri-

bunal, mais devant celui du roi dont il était sujet.Après deux audiences, où l'on discuta sur les droits duroi et du seigneur, les débats portèrent sur de simplesquestions de procédure et le fond ne fut pas vidé. Onvoit, par cette affaire, la tendance qui poussait laroyauté à enlever les causes à la justice seigneurialeet à les porter devant ses tribunaux (t).

2) La cause la plus curieuse-et la plus intéressante

(t) 26 lept. et I .' oct. 1454..

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DÉ POITIERS. ..Io1de la session et celle où l'on traita la question dudroit d'asile, violé Parles : officiers de justice et défendupar l'évêque de Poitiers. La cause fut appelée devantla Cour par suite d'un renvoi du Parlement; les pou r-suites avaient été faites tant par la partie civile quepar le ministère public.

Le procureur du roi en Poitou, la veuve et les héri-tiers de messire Hilaire Larchier, et le procureur dumaire et de la commune de Poitiers étaient les de-mandeurs; le défendeur était J. des Ursins, évêquede Poitiers. La plaidoirie de l'avocat des demandeursexpose l'affaire.

Maistre Barbe (I), pour les demandeurs, dit qu'ila à faire une requeste contre le dit défendeur et ditque feu messire Hilaire estoit homme d'etat, na-tif de Poictiers et de noble lignée; et il et ses pré-décesseurs ont vesqu hoiorab1ement, et ont estmaires de ceste ville; et sont ses prédécesseurs alezde vie à trépassement, ont délaissé messire Hilaire quifutfaictchevalierpar le roy; et a esté toujours aux man-demens duroy. Hilaire Larchier demouroil près Saint-Didier et vivoit bien honorablement et estoit bien en.la recommandacion du peuple, et ce que dit est biennotoire. Thibaut R.obillon n'est natif de ce pafs; ainsest natif de Bretaigne, lequel a conçeu haine contrele dit messire Hilaire. Et avant le cas advenu, le ditltohillon, qui fréquentoit tavernes , dit plusieurs foizet en la présence de plusieurs gens et en divers lieuxque messire Hilaire ne mourroit d'autres que de sesmains. Ains •avoit progeté le meurtre et l'a fait dèsqu'il a peu. En mettant ses paroles à effect, le dit

(t) Avocat des demandeurs.

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Robillon, le'jour d'un jeudi, aiant avec lui ung comptai-gnon, lequel il laissa, se rapprocha dudit Hilaire,qui estoit près de son huis, et le print et lui donnadeux coups de dague sur le cuer et le tua, et tentostse retrahit à Saint-Didier. Maistre Barbe dit que y a grantcas avoir tué le dit chevalier en sa maison; et'ce n'eustesté le maire, le peuple eut tué &billon, comme ilcroit, sur l'autel. Le dit ltohillon, selong raison ne doitjoyre de l'émunité de l'Eglise. Quant le cas est avéré,on doit procéder à la condemnacion et punicion du ditIlobillon, absque strepitu judicis. Robillon a esté enlaprévosté trouvé en la prison; n'estoit qui le y amis,et on croit qu'il y est venu par la grâce du Sainct-Esprit. Les gens de l'évesque, voulant dire que l'Egliseavoit esté enjuriée , vindrent dire et requerir aulieutenant que ledit Robillon Fust remis en l'Eglised'où il disoit icelui avoir esté extrait. Les gens duroy, les héritiers du dit feu et le procureur de la villedebatirent la matière et disoient que Itobillou ne de-vroit joyre de l'émunité; et que il se devroit extraire,se il estoit en l'Eglise. Et les gens de l'evesque aile-guèrent autres raisons au contraire. Les parties oyespar le seneschal de Poictou ou son lieutenant, ilappoincta que les parties hailleroient leurs raisonspar ung acte. Les parties ont baillié leurs actes.Ce pendant les officiers de l'éesque procédèrentà excommunier contre ceulx, qui avoient extrait, leditItobillon et contre les gens du roy; pour quoy leurfut fait défense que ne procedassent à excommu-nier. Le dit senechal donna sa sentence par laquelleil dist que le dit Robillon ne soit, remis en l'Egliseet que on procederoit à faire son procès ; de laquellesentence l'evesque a appelé et relevé un appel en

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DE POITIERS. 103Parlement. Et non obstant la dite sentence, les offi-ciers ont procédé à excommunier... Maistre Barbeconclud que la Cour congnoisse et décide du procèsqui est par escript, et que partie adverse soit con-damnée à réparer les attemptaz et faire ester cetteexcommunicaèion et icelle déclaier nulle (I).

Après quelques discussions entre les avocats, leministère public demanda qu'on lit lever l'excommu-nication. Mais, objecta l'avocat de l'évêque, les gens duroi prétendent que liobillon est à la prévôté par la grâcedu Saint-Esprit et eux-mémes ont, après avoir désa-voué l'extraction, conseillé de frapper d'excommunica-tion les violateurs de l'Eglise. « Ceulx qui ont extrait le• (lit prisonnier avoient les visages bien brollez, le• Saint Esperit n'a pas esté accoustumé venir en tele• manière. s Les gens du roi ne sont donc pas fondésà demander la levée de l'excommunication et à direqu'ils ne savent pas comment Robillon se trouve à laprévôté.

Dans une autre audience, le même avocat de l'évê-que continua d'exposer l'affaire et reprit les mêmesarguments. Les gens du roi avaient envoyé de nuit,dans l'église Saint-Didier, des hommes qui en avaientarraché Robillon et l'avaient conduit à la prévôté.L'évêque, soutenant les prérogatives du droit d'asile,avait demandé aux officiers du roi de remettre le pri-sonnier en l'église. Ceux-ci avaient prétendu qu'ilsn'avaient pas fait l'extraction et avaient engagé l'évê-que à procéder contre les violateurs de l'église. Quel-que temps après, ils lui avaient fait défense de lancerune excommunication. Les deux parties étaient allées

(1) )Compte rendu.ezirgit d p. IGudiencà du 26 sept.

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devant le sénéchal, qui avait empêché dé remettrele prisonnier en l'église. L'évêque avait néanmoinsdonné des monitions, et comme le prisonnier n'avaitpas été réintégré à Saint-Didier, l'excommunicationavait eu son effet le jour même où fut célébré leservice d'llilaire Laréhier; le corps municipal, commele procureur du roi, avait pris part à l'extraction duréfugié; tous étaient donc, de fait, sinon expressé-ment, atteints par l'excommunication.

La défense des officiers du roi se rejeta sur l'énor-mité di.i crime, sur la nécessité de calmer, l'efferves-cence populaire , et ne se .retrancha plus, commeprécédemment; derrière l'ignorance de l'extraction (1).

La Cour des Grands-Jours ne prononça pas d'arrêt,et la cause revint au Parlement de Paris, où les débatsrecommencèrent. Les mêmes arguments furent denouveau employés de part et d'autre. L'avocat del'évêque insista surtout sur la question de droit.

« La franchise (le l'Eglise, dit-il, est de grande recoin-* mandacion; car fut introdniote en honneur de Dieu,n et niesmement l'etnunité consacrée; et est fondée» de droit canon et civil elpar les usaiges et observan-• ces de tout ce royaume. Et toutes foys qu'o a voulu• enfreindre la franchise de l'Eglise en ce royaume,• les rois et la cour ont faict de grandes réparations• et une foys le roi Clovis, avant qu'il fut chrestien, fit• occire un" sien chevalier qui avoit enfreint l'immu-

nité de l'église Saint-Rémy. Aussi les roys à leur• couronnement jurent-ils garder les franchises de• l'Eglise (2).

Le prisonnier, d'après l'ordre, du Parlement, fut re '-

(1) Séances des 26 sept. et 7 oct.(2) X2 28 nov.

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conduit à Saint-Didier. En exécutant cet ordre, les of-ficiers du roi le conduisirent enferré. L'évêque exigeaqu'on le réintégràt dans l'état où il était venu. Nouveauprocès au Parlement. L'avocat (le l'évêque alléguaque l'église était un lieu privilégié, « et que, toutesles .fois que aucuns a recours à l'église et a l'émunitéd'icelle, non potosi dolmen, veqim tendi (1). » Cedroit d'asile n'assurait pas au coupable une impu-nité complète; car, après certaines formalités , ilpouvait être expulsé du tep1e. L'avocat de l'évêqueprotestait contre la violerfce, tout en proclamant quele criminel ne doit pas rester impuni •et qu'il peutlégalement être extrait. Cette immunité, que l'Egliserespectait comme un antique usage, avait pour butd'assurer, une sauvegarde aux opprimés, dans cestemps de violence où la faiblesse se trouvait ainsi pro-tégée contre la force. Il en résultait des abus, maisqui étaient compenséè par les avantages.

3)1519. L'évêque d'Angoulême prétendait que lesnotaires ecclésiastiques avaient connaissance des ac-tions personnelles entre les laïques, d'après les privilé-ges des rois que des arrêts du Parlement avaient con-firmés. Un nommé Du Tillet, qui avait empêché leseffets d'un acte rendu par un de ces notaires, avait étéexcommunié. Les, officiers de la duchesse douairière,Louise de Savoie avaient fait défense aux parties de sepourvoir devant les juges d'Eglise, et à ceux-ci deconnaître de l'affaire, et leur avaient ordonné de leverl'excommunication, sous peine de la saisie du tem-porel. Un sergent était même venu, par suite des refusdes juges d'Eglise, mettre la saisie à exécution. L'avo-

(1) X2 . 28-30 janv.

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caL de la duchesse soutenait que toutes ls juridictionslaïques du royaume étaient en cause, car les évêquess'efforçaient de prendre connaissance des actions per-sonnelles inter laïcos, et que si l'évêque d'Angoulêmeétait vainqueur, toute la juridiction laïque était éner-vée. L'avocat de l'évêque alléguait que le laïque, ense soumettant à la juridiction du juge ecclésiastique,devait en subir les effets, et qu'il ne pouvait plus êtrereçu, après jugement, à nier cette compétence. L'avocatgénéral combattit cette théorie en protestant contrecette extension de juridfètlon, qui ne devait pas plusêtre faite par le laïque que par le clerc, et déclaraque, s'il en était ainsi, atteinte serait portée auxdroits des officiers royaux (I).

4) Un nommé Ferrière, ayant maltraité ,pn prêtrechargé d'exécuter una sentence donnée contre lui, futcondamné à l'amende par l'officiai de Poitiers. La sen-tence fut confirmée par l'officialité métropolitaine deBordeaux. Le condamné en appela comme d'abus ausénéchal de Poitou, soutenant qu'il était abusif d'at-tribuer à l'évêque une amende prononcée contre unlaïque. L'évêque répondit à cet appel par une excom-munication contre Ferrière. Le sénéchal déclara l'in-compétence du juge d'Eglise, ordonna la levée descensures, et condamna l'appelant à huit jours de pri-son et de jeûne au pain et à l'eau. Celui-ci portaappel de cette sentence au Parlement. L'avocat duroi déclara l'incompétence du juge ecclésiastique etsoutint que « Judices ecclesiastici debent pœnarninipo flore saluta,en-t et non pecwniarian. » La Courdécida que le sénéchal avait eu le tort de coin-

(1) Sept. 1519.

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muer la peine, puis renvoya l'affaire à une autreépoque (1).

5) Sur les réquisitions du ministère public, le lieu-tenant de Saumur comparut en la Chambre du conseil,parce qu'il avait condamné un homme à payer dansquinzaine une somme de 300 livres, sinon, le tempspassé, à être pendu et étranglé. Le lieutenant s'ex-cusa en disant que le condamné avait frappé griève-ment un homme d'un pouteau. La victime s'étaitportée partie civile, et avait demandé 300 livres de dom-mages-intérêts, tandis que le procureur du roi con-cluait à la mort du coupable. Le juge avait ordonnéque,si le coupable ne payait pas les 300 livres, il seraitpendu suivant cette maxime Qui non habet undoIwat in xre, Iwat in cute. L'avocat général demandaque l'officier fût bMmé et qu'il lui fùt fait défense, àl'avenir, de mêler le civil et le criminel (2).

6) 4 la session de 1567 le procureur général exposaà la Cour qu'un secrétaire du comte de Lude, gouver-neur du Poitou, lui avait apporté une lettre d'un procu-reur de Poitiers, adressée à Michel Brochart, receveurdes tailles à Châtellerauli. Cette lettre prouvait que ceMichel Brochart était secrètement partisan de la reli-gion réformée et parlait des menées des rebelles. Danscette lettre se trouvait un petit billet, fixant les soin-mes que les huguenots devaient payer pour assurer letriomphe de leur cause. La Cour donna ordre d'arrêterBrochait et de faire perquisition dans sa maison (3).

7) Valentin Vôhier, seigneur de la Roche-Boulongne,avait tué un archer chargé de l'appréhender au corps.H fut condamné à être décapité à Poitiers et à avoir

(1) 15 sept. 1519. —(2)10 oct. 1519. - (3) 17 sept. 1567.

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le corps coupé en quatre quartiers, qui devaient êtreplacés aux quatre principales portes de la ville. La tètedevait être plantée sur un poteau au milieu du marchéde Fontenay-le-Comte. Tous les biens, sujets à confis-cation, étaient confisqués; sur les autres, on prélevait3,000 livres d'amende, 1,600 livres de réparation auxparents de la victime et 200 livres pour divérs cou-vents à charge de prier Dieu pour la victime. La mai-son devait être rasée, et les droits de justice abolis (t).

8) A la requête d'une (lame Lefébure, veuve d'unsieur Bazoche, la Cour du Parlement avait par con-tumace condamné à être roué et coupé en morceauxle seigneur Blanchard de la Rabattière, qui avaittué son mari. Les hiéus du coupable devaient êtreconfisqués, et, avec le' produit, une amende devaitêtre payée au roi, une réparation à la veuve, etune chapelle commémorative bâtie à Poitiers. Leslieutenants du prévôt des maréchaux et les ser-gents avaient refusé d'accomplir les ordres d'exécu-tion par crainte du sire de la Rahattière, dont lesviolences étaient connues. Enfin des lettres patentesfurent envoyées aux sénéchaux de Poitou et de Sain-tonge, pour leur ordonner de se saisir du coupable etde l'envoyer au Parlement. Le 7 août, le sénéchal deSaintonge se présenta avec des archers devant lamaison du contumace; qui répondit à coups d'arque-buse aux sommations qu'on lui faisait. Un gentil-homme, qui avait voulu seconder les efforts de la jus-tice, trouva la mort dans cette circonstance. La Cour desGrands-jours ordonna que la première sentence seraitexécutée, et qu'en outre la maison serait rasée. Tous

(1) 3 sept. 1567.

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les juges et prévôts reçurent ordre de prêter main-forte ît l'accomplissement des arrêts de la justice et,si besoin était, d'employer le canon (1).

Cc ne fut pas un des moindres services rendus parl'institution des Grands-jours, que l'afferihissementd'un pouvoir central assez fort pour mettre fin à cestyrannies locales. Une des conséquences des Grands-jours fut de pousser à la centralisation , dont tonsfavorisaient le développement par des voies diffé-rentes la royauté, par le désir d'étendre et defortifier son influence; les populations, par le besoind'avoir une protection assurée; et enfin la féodalité,par ses excès d'abord , et ensuite par ses divisionsintestines et son manque de prévoyance.

(1) 1! oct. 1567.

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NOTES.

4. - ÉNUMÉRATION DES SESSIONS DE GRANDS-JOURS ROYAUX.

Dans l'espace de deux siècles, de 4454 à 4665, on comptevingt-trois sessions de Grands-jours royaux , tenus par unedélégation du Parlement de Paris. Gestà Poitiers que s'ou-vrit la première session en 4454. Les Grands-Jours -tenusà Troyes avant celte époque formaient la juridiction supé-rieure et particulière de Champagne.

Voici, par ordre chronologique, ta liste des Grands-joursroyaux depuis le règne de Charles VII jusqu'à celui deLouis XIV.

XV siècle.1454 Poitiers. 4459 Bordeaux.4455 Thouars. 4484 Montferrand.4456 Bordeaux.

XV? siècle.

e.

4549 Poitiers.1520 Montferrand.4531 Poitiers.4533 Tours.4534 Moulins.4535 Troyes.1539 Angers.4540 Moulins.

4541 Poitiers.4547 Tours.4550 Moulins.4567 Poitiers.1579 Poitiers.1582 Ctermont,4583 Troyes.4596 Lyon.

XVjIe siècle.4634 Poitiers. 1665 Clermont.

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GRANDS-JOURS

2. - NOMS DES PRÉSIDENTS DSiGRÀNDS-JOURS DE POITIERS.

1454 Yves de Scépeaux.1567 René Baillet.4549 Roger Baume.1579 Achille de Harlay.1534 Antoine Le Viste.4634 Pierre Séguier.1541 François de Saint-André.

3. -. ÉTENDUS DE JURIDICTION DES GRANDS-JOURS OR POITIERS

AUX DIFFÉRENTES SESSIONS.

•4454. Angoumois, lorry, Limousin, ta Marche, Périgord,Poitoq, Saintonge, Touraine.

1519. Angoumois, Anjou, Loudunais, Maine, ta Marche,Poitou, La Rochelle, Touraine.

1534, Angoumois, Anjou, Châtellerault, Civray, Loudu-nais, ta Marche, Poitou, Touraine.

4541. Angoumois, Anjou, Amboise, Berry, Blois, Chàtel-lerault, Civray, Loudunais, la Marche, le Perche, Poitou,Touraine, La Rochelle.

4567. Angoumois, Anjou, Amboise , Blois, Châtellerault,Civray,. Loudunais, la Marche, le Maine, le Perche, PoitouLa Rochelle, Touraine.

4579. Angoumois, Anjou, Berry, Pays de Combrailles enAuvergne, Loudnuais, le Maine, la Marche, Poitou, La Ro-chelle, Touraine.

1634. Angoumois, Anjou, le Maine, la Marche, Périgord,Poitou, La Rochelle, Touraine, Saintonge, Limousin.

A l'exception du Périgord et du Limousin, qui relevaientdu Parlement de Bordeaux, les provinces formant le ressortdes Grands-Jours dé Poitiers dépendaient du Parlement deParis. La proximité de Poitiers et le besoin d'une répressionexemplaire expliquent pourquoi ces deux provinces furentaccidentellement rattachées au Parlement de Paris, auquelelles ressortissaient, avant que Louis Xi eût créé en 4462 unParlement à Bordeaux.

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PIÈCES JUSTIFICATIVES ("

1.— 9DIT DE CONVOCATIONS DE 4é54.

Charles, par la grâce de Dieu, roy de Jraice, à tousceuix qui ces présentes lettres verront, 'salut. Çomme,depuis ce qu'il n pieu à Dieu, nostre créateur, appaisier etfaire cesser les guerres qui, par long temps ont esté ennostre royaume, et que nous avons recouvré plusieurs denos terres, pais et seigneuries, qui dès le temps de plu-sieurs nez prédécesseurs, roys de France et du nostre, ont

- esté par nez anciens ennemis et adversaires les Anglais de-tenuz et occupez, soit venu à nostre congnoissance queplusieurs de nos subgiez ont souffert, supporté et soubtenu,souffrent, supportent et soustiennent de jour en jour plu-sieurs grans griefs, oppressions et dommages, à l'occasionde ce quo par la multiplinacion des causes estant en nostrecourt de Parlement, les procès de nos dis songiez ne ntpeu e.stre jugiez ne expédiez, et aussi parce que plusieursde nos officiers tant de nostre domaine que de. nos aides ontfait, commis et Perpétré pluèieurs grans faultes, excès, exac-tions et autres abus, à la grant charge de nos diz subgiezotà la dirninucion de nos domaines, aides et autres droiz, qui

• de raison nous appartiennent;Voulans pourveoir aux choses dessus dites , relever nos

subgiez d'oppressions et dommages, et donner ordre et pro-

(I) Tous ces documents, qui sont inédits, ont été extraits des re-lstres des grands-jours. Comme les matières sont disposées par ordre

chronologique il est facile s'il n'y n pas d'indication contraire , de—retrouver le texte indiqué, en se reportant à la date de chaque pièce.

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vision ès matières telles qu'il appartient, avons voulu etordonné, voulons et ordonnons par ces présentes, quepour ceste présente année et dores en avant, par chacunan, tant qu'il nous plaira, soient par nos amez et féauxconseillers, les gens tenans à présent et qui tiendront pourle temps à venir nostre Parlement à Paris, nommés, esleuz,commis et envoyez l'ung de nos presidens, deux de nos con-selliers en nostre dite court de Parlement, l'ung des géné-raulx de la justice et l'ung de nos advocats, ou nostre procu-reur général en nostre ville de Poictiers, pour le pais dePoictou, Touraine, Berry, Xaintonge, Angoulmois, Li-mosin, la Marche et Pierregort;

Et pareillement ung de nos président et six de nosconseillers, l'ung des généraulx de la justice et l'ung de nosadvocats ou procureur-général en nostre ville do Montferrant,pour les pais d'Auvergne, Iiourbonnoys, Nivernos, Foreyz,Beaujolais , et pour les baIllages de Saint-Pierre le Mous-tier, Montferrand, les montaignes d'Auvergne et Lionnoys;

Pour juger, décider et déterminer toutes appellacions desentences et jugemens interlocutoires , d'exécucions soit desentences ou d'autres lettres, et aussi de sentences diffiniti-ves, en cause de cinquante livres de rente ou mille livres,pour une fois paiées et au dessouli.

Appellent avec eulx, se bon leur semble, aucuns des no-tables hommes des diz pais.

Auxquels président et conseillers, qui ainsi seront commispar rostre dite cour, Nous avons donné et donnons aucto-rité, puissance et commission de jugier, décider • et déter-miner les dites causes par errez de la court de nos dizGrands Jours.

Et avec ce leur avons donné commission et puissanced'aulx inrormer, corriger et pugnir toutes exactions,fultes et autres abuz queisconques, qu'ils trouveront avoiresté commis et perpétrez par les officiers royaulx tant de lajustice ordinaire des sénéschaussées et baillages royaulx que4e la justice des diz aydes et par autres personnes quels-

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DE POITIERS. 115conques, sans que on puisse appeler de leurs jugemenz etarrez en quelque manière que ce soit.-

Et voulons que leurs diz arrez et jugemenz soient misen exécucion , comme arrez de nostre dit parlement etque 3es jugements et arrez, appointemens et lettres quiseront émanées de la dite cour des diz Grans Jours soientscellées du secl , lequel pour ce avons voulu et ordonné.

Si mandons et commandons et expressément enjoignonsà tous nos subgiez et justiciables des diz pais que à nos dizcommissaires obéissent et entendent diligemment et leurprcstent et leur donnent conseil, confort, aide, mestiers etprison, si mestier est, et requis en sont.

En tesmoing de ce nous avons fait mettre nostre skI àces dites présentes.

Donné à Brueil-Dore, le derrenier jour d'aoust l'an degrâce MCCCCIJV, et de nostre règne le XXiI. Sic signalurpar le roy en son conseil : Us LA LORE (4).

II. - ÉDIT DE CONVOCATION 0E 4579.

Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et de Polon-gne, à nos améz et féaulx conseillers, tenans nostre courtde Parlement à Paris, salut et dilection. Comme le plusgrand et singulier désir et affection que nous ayons enl'administration et gouvernement de la chose publique denostre roiaulme, soit à la distribution de justice, expédi-tion d'icelle et abréviation des procès, et à ce que à chacunde nos subgiez soit fait et rendu par justice distributive cequi est sien et qui Iuy appartient, à la descharge de nostreconscience, debvoir envers Dieu, soulagement de nostrepeuple, repos des bons et punition des mauvais, et soitainsy que, pour la grande multitude et affluence des causes

(t) Éd registre P 9210,

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et procès, qui sont par cy-devant survenez et 'surviennenttous les jours en nostre dite cour de Parlement àParis, parfrivoles et téméraires appelations, subterfuges, délaisfrustratoires et exquises cavillations, de plusieurs partieset autrement, les malles ordinaires des appellations verba-les des années et parlemens préceddens de plusieurs pré-vostés et baillages et sénésehaussées, mesmcrnet des paiset séneschaussées de Poictou, Anjou , .'Angoulmois, 'Maine,Haute et Basse-Marche 1 Touraihe, Lodunois, ville etgouvernement de La Rochelle 'sont demeurez à expédierjusques à la vidange et expédition desqtiels 'roolles anciensVon ne peut toucher aux nouveaux, et aux appellationsrécentement interjetées, [ce] qui a esté par cy-devant etest encores occasion que plusieurs causes et matières de-mourent en arrière, et advient souvent que, par une frivoleappellation verbale •de quelque appoinctement interlocu-toire, les procès principaux : domoùrent et sont accrochésdeux, trois ou quatre ans et plus, au moyen de ce que ladite appellation ne peut estre délivrée ne vuidée plustost,jusques à ce que •es dits vieils et anciens molles soientachevez et expédiez;

Ayant esté aussi advertyz que, en nos dits pays, terreset bailliages et sénésehaussées dessus déclarées, ont esté parcy-devant commis et perpétrez, et se commettent tous lesjours plusieurs grands crimes, excès, délits ,!Torces publi-ques, voyes de faits et autres maléfices parles-gentils-hommes et autres nos subgiez des dits pays contre- l'obéis-sance que nos dits subgez doivent à Nous et à-justice, contrele repos publicq et l'oppression du pauvre peuple; [et que]les dits crimes, excèz et maléfices tant pour la longue dis-tance des lieux et que les délinquans sont king de la lumière, qui est nostre justice souveraine, comme pour lanégligence de nos dits officiers ès dits pays -et support quequelquefois ont aucuns des dits criminels, demeurent impu-niz, tellement quo nos pauvres subgetz excédez ne sontatis(aits de la réparation civille et interest privé, ne nous ne

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nostre chose publique de la :vindicte et fumition exemplaire;le tout à nostie grand regret et déplaisir, que n'avons rientant à coeur, que de nostre temps et règne, faire régnerjustice en nostre royaume;

Sçvoia faisons que Nous, en considération de ce quedit est, voulans relever nos snbgez de despens peines ettravaux , et les garder et deffendre de toutes molestes op-pressions et vexations, avons par l'ndvis de plusieursprinces de nostre sang et aultres de nostre conseil privé,ordonné et ordonnons, vouions et nous plist la cour etjuridiction vulgairement appelée les Grands-Jours estretenue et excercée ceste présente année en nostre ville dePoictiers par ung des présidons de nostre dite Cour de Par-lement , ung maistre des enquestes ordinaires de nostrehostel, ung président ès enquestes et treize de nos conseillersen icelle Cour , c'est à sçavoir , trois clercs et dix layesung de nos advocatz, ung substitut de nostre procureur gé-néral, les greffiers civils, criminels et des présentations,deux des quatre notaires de nostre dite cour, et nos audien-cier et. controleur pour le fait de nostre audience, et quatrehuissiers.

Pour , .par les dits président , maistre des requestes etconseillers, tenir iceux Grands-Jours, commencans le neuf-viesnie jour de septembre prochain venant, et finissans leneufviesnie jour de novembre ensuivant

Et, les dits Grands-Jours durans, expédier, finir et terminerles causes et procès de toutes les dites séneschaussées et bail-

liages de Poict.ou, Anjou, Angoulmois, Moine, Haute et Basse- iiii

Manche, Touraine, Lodunois, ville et gouvernement de LaRochelle; congnoistre et 'décider de toutes appellations ver-bales, interjettées des sentences diffinitives et interlocutoiresdonnées tant par les baillis sénéschaux et autres juges despays dessus dits et ressorts d'iceux ou leurs lieutenans, quepar nos arnez et féaux les gens tenons les requestes de nostrepalis à Paris, Prévost du dit Paris, conservateurdes privilègesroyaux du dit lieu, pourvou que les choses litigieuses ou les

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IlS GRANDS-Jouas

parties collitigeantes, quoyque soit celle qui sera deffende-resse originalle, soient des ressorts des dits Grands-Jours

Ensemble juger, congnoistre et diffinir toutes les appella-tions comme d'abbus, appellations de simples exploits detoutes instances, de compulsoires, oppositions, subrogations,sommations et requestes formelles, adjudications et proffitsde. tous exploits donné.-. en Parlement et ès Grands-Jours,réparations civiles, reprinses de procès, réceptions d'enqueste,créations de curateurs en causes, provisions ou pareatis, ence que les dites matières concernent les dites appellationsverbales;

Et oultre jugent, cougnoissent et décident des entreténe-mens des contrats, séquestres, provisions d'alimens, dots,douaires, garnisons, congnoissances de cédules, consigna-tions, et autres matières qui se pourront vuider sur-le-champ,avec icelles appellations verbales, et non autrement;

Et encore proceddent et fanent procedder aux exécutionsdes arrez et à la taxation de tous despens acquis et adjugez;

Et reçoivent toutes conclusions et acquiescemens en quel-que matière que cc soit, but aiusy que l'on fait en la Chambrepar nous ordonnée, nostre Parlement vacquant.

Pareillement proceddent au jugement de congez-deffauxen toutes matières, par faute de présentation des parties yadjournées, tant en nostre dite cour de Parlement séant queLa dits Grands-Jours.

Voulons . aussy les dits Président, maititre des requestes etconseillers, congnoistre et décider de tous abbus, tauRes, mal-versations ou negligences, dont nos dits officiers ès dits payset ressorts se trouveront chargéz aux faits de leurs estatsoffices ouaultrement, et qu'ils les chatient, corrigent et punis-sent selon l'exigence des cas, et qu'ils verront estae â faire

Aussy corrigent et amendent toutes corruptelleset usaiges,stillos et proceddures, abusives, mauvaises pratiques et for-mulaires de praticiens, ou autres choses, que, ès sièges ouau-ditoires des dits pays et ressorts ils trouveront esire derai-sonnablcs ou contre le bien et expédition de la justice; et le

ÉMOL-

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DE POITIERS. 119tout reforment et mettent en bon ordre et farine de pratique.

Pareillement voulons qu'ils coagnoissent, jugent et déci-dent de toutes matières criminelles de quelque grandeur etqualité qu'elles soient, contraventions à nos édits de paciffi-cation et autres nos ordonnances, tant en première instanceque par appel, ainsy que les matières se présenteront et of-friront.

La congnoissance, jugement et dérision de toutes lesquel-les causes criminelles et dés dites appellations verballes ci-viles, dont les assignations sont escheues ès trois Parlemensderniers, et aussi de celles des Parlemens préceddens, èsquelles l'une des parties sera poursuivante et présente et aurarenouvelé procuration pour la poursuite, et non aultrement;le tout jusques à la somme de six cens livres de rente tour-nois et dix mille livres tournois pour une fois payées, Nousavons commise et attribuée, commettons et attribuons à nosdits Président, Maistre des requestes et conseillers, selon lacommission qui leur sera cy après adressée.

Voulons et Nous plaist les jugemens, arrêts, ordonnances,et appointemens, qui auroient esté donnez par les dits Pré-sident et conseillers es dites matières, comme dit est, estrede tel effet, vertu exécuwire, cumme les arrez,.jugemensdonnez et prononcez en nostre dite Cour de Parlement, icelleséant, sans que auleun soit reçeu à en appeler ne réclamer;vous déclarans toutes fois que nostre voulloir et intention estque tous les procès-criminels soient vuidez, avant tous nul-tres, et que les plaidoiries cessent et toutes aultres causesciviles soient postposées à l'expédition des dits procès cri-minels, quand il y en aura en estât d'estre jugez.

Sy vous mandons, commettons et enjoignons que ces pré-sentes pour la jurisdiction de nosdits Grands-Jours, vous faic-tés lire et publier, et enregistrer en nostre dite court deParlement et ès pais et sénesehnussées dessus déclarées , enmanière que nul n'en prétende cause d'ignorance, et que lesdits subjez des dits pais se disposent et apprestent de leurscauses et en soient presz ès dits Grands-Jouis.

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Co GRANDS-JOURS

Mandons enoultre par ces mesmes présentes à tous baillis,sénesebaux, et autres nos officiers et subjez et à chascundoux, si comthe à lus' appartiendra, que les arrez, jugomenset sentences qui seront donnez aux dus Grands-Jours en lamanière dessus dite, ils facent, souffrent, et laissent observer,entretenir, garder et y obéyr par tous ceux qu'il appartien-dra, comme si donnez et prononcez avoient esté en nostredite court de Parlement.

Car ainsy Nous plaist-il estre faict.Donné à Paris le treizième jour de aoust, l'an de Grace mil

cinq cent soiinte-dix-neuf.Ainsy signé: Par le Roy estant en son conseil Do Neuville.Et scellé de cire jaune sur simple queue. -

- Loues, publiées et registrées, oy le procureur général duroy à Pai'is en Parlement, le quatorzième jour d'aoust l'anmil cinq cent soixante-dix-neuf.

Ainsy signé Ou Tillet (1).h

III. - ARRÊT DES GRANDS-JOURS CONFIRMANT LA SENTENCE DU PAR-

LEMENT DE PARIS, PAR LAQUELLE LOUIS BLANCUÂRT, SEIGNEUR •DE

LA RABATTIÈRE, ACCUSÉ D'ASSASSINAT ET DE RÉBELLION CONTRE LA

JUSTICE, ÉTAIT CONDAMNÉ A Mont.

44 Oct. 4567. - Veu par la court des Grands-Jours,séant à Poictiers, l'arrest donné en la court de Parlement

(I) Ex tête Juregistre I" 9204,L'édit de 1454, qui servit à convoquer la première session de

Grands-Jours royaux, et celui dcl 579, qui fut rendu dâns un momentoit les circonstances exigeaient la tenue fréquente de la Cour, mon-trent les origines et les développements de l'institution. La lecture etla comparaison de ces deux documents font clairement ressortir lebut, le caractère, la composition et les attributions des Grands-Jours.

L'édit de 1454 . qui a trait non-seulement à cette session, mais en-core qui décrète ]a tenue périodique des Grans-Jours, a un caractèred'intérêt général et dispose pour l'avenir. Ce double titre assignait àcet édit de 1454 une place dans la colicetiomi des ordonnances des roisde France, oh il fait cependant défaut.

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UE M1P1EES. 121le premier febvrier 1565, nu proffit de Valeutine Lorfebvre,darne de ilazoches, à l'encontre de Loys Blanchart, seigneurde la Rabattière, confirmatif de la sentence contre lay don-née par coustumace, pour raison du meurtre inhumainementcommis par assassinat en la personne de feu Jehan Gérard,en son vivant escuier, seigneur de Bazoches, par lequel le-dit Blanchard aurait esté condaniné à avoir les bras, cuisses,jambes et reins rompus et brisez sur une croix et eschaffaud,qui serait faict et dressé en la place du vieil marché de laville de Poictiers, et après son corps estre étendu sur uneroue haute et eslevée à un pousteau en la dite place, ayant laface vers le ciel, y demeurer vivant, tant qu'il plairait àDieu le permettre, et après son corps mort mis en quatrequartiers, portez et pendus à potence sur les grands cheminspublics, hors les quatre principales portes et entrées, et sateste au bourg, près lequel ledit homicide avait esté com-mis, et icelle en lieu et place plus éminent lichée et attachéesur ung hault pouteau; tous et chacuns des biens meublesdu dit Blanchart, déclarez coufisquezà qui il appartiendroit,sur iceux et ses immeubles préalablement prins la somme de250 livres tournois, • pour estre convertie et employée enprières, aumosnes et bienfaiets, pour l'âme du dit feu Gérard,et cinquante livres tournois de rente ou revenu' annuel, quiserait prins des dits immeubles et assignez en bonne assietteet revenu plus prochain à lEglise parochialle du dit Mar-ché, en làquelte aurait esté inhumé et enterré le dit Gérard,pour la fondatio(per1ietuelle d'une chapelle; la présentationde laquelle appartiendrait à damoiselle Valentine Lorfebvre,dame de Reamoyeau, vefve du dit deffunct Gérard, sieur deBazoches, et après son décès aux héritiers du dit feu Gé-rard et d'elle; pour par le chapollain estre dit et célébré enla dite église paroissialle du ditMarché deux messes, chacunesemaine pour l'âme du dit deffunct Gérard et sa femmé ; etcinq cens livres tournois pour la construction et édifficationde la dite chapelle en laquelle serait dressé et en hault eslevéun piller de cuivre ou airain, auquel serait escrit In cause de

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122 GRANDS-JOURS

la (lite fondation; aussy serait prins sur les biens du dit l3lan-éhard la somme de vingt mil livres tournois adjugée h ladite Lorfebvre pour réparation civille de la mortel homicidedu dit deffunct Gérard ; et les frais et despens de la pour-suite; et deux mit livres d'amende envers le roy;-

[Veu] les attestations des premier, troisiesme et qua-triesrne jour de febvrier 4567, contenans les refus faits tantpar le lieutenant du prévost des Marescbaux de Foictou quepar plusieurs sergens du dit pays de Poictou, Fontenay-le-Comte, Saint-Maixant, de procedderh la capture du dit Blan-chard pour Tes forces, violences, et rébellions, dont ledit han-chard est coustumier user contre les exécuteurs de justice;

[Veu] les lttres patentes données à Paris, le premier jourde juin au ditan 4567, adressées aux séneschaux d'Anjou,Poictou et Xaintouge ou leurs lïeutenans généraux. et particu-liers pour procedder à l'exécution des dites sentences et arrez,et, en cas de résistance et rébellion, pour en faire procès-ver-bal et, icelluy envoyer à la dite cour pour estre proceddécontre le dit Blanchard selon la rigueur des edils, avec man-dement au comte du Lude, gouverneur et lieutenant généralde Sa Majesté en Poictou d'ordonner toute assistance, main-forte, et ayde à ce nécessaire;

[yen] le procès-verbal de maistre Olivier Dumont, lieu-tenant particulier en la séneschaussée de Xaintonge au siègede Saint-Jean d'Angely, daté du septiesme aoust dernierpassé, par lequel appert que s'estant ledit lieutenant trans-porté en la maison dudit Blanchart, appelée Revertière, enla compagnie du prévost des mareschaux du vissénescbatde Thouars, ses archers et plusieurs gentilshommes etautresgens y nommez, pour exécuter ledit arrest, auroit esté tiréde la dite maison de la Rabattière un coup d'arquebuzo, du-quel auroit esté atteint un nommé Jean d'Essendoyeux , sei-gneur de la Borde, qui, dudit coup, serait à rinstant tombémort en la place;

[Veu] les informations faites par ordonnance de la ditecour sur le mesme fait., sur l'homicide du dit deffunct dEs-

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DE POIT!E1'IS. 123sendoyeux, ainsy que dit est, en voulant exécuter lesditsarrez et sentences;

[yen] les lettres patentes données à Dregney le dixiesmede ce mois de septembre adressées à la dite cour, parlaquelle est mandé faire exécuter les dites sentences etarrez, prendre ledit Blanchart et complices, et contre euxprocedder selon la forme des édits et ordonnances, et jus-ques à faire razer la dite maison de la Ilabattière, et pour ceteffet y mener la canon, si besoing est;

[ yen] la requeste présentée par la dite dame de Bazoches,tendante aux mêmes fins, portée par les dites lettres;

[Von] les conclusions du procureur général du roy, avectout ce qui a esté mis et produit par devers la dite cour;

Et tout considéréIl sera dit que la dite cour a ordonné et ordonne que le

dit arrest du premier febvrier sera mis à exécution selon saforme et teneur; et, pour avoir, par le dit Blanchart, faitrébellion à justice, tenu fort au dit lieu de la liabaltière ettiré coups d'arquebuze et [fait] homicide de Jean d'Es-sendoyeux , seigneur de la Borde, d'un coup d'arquebuze,et autres cas mentionnez au dit procès, la dite cour, pourréparation dès dits cas, suivant les dites lettres patentesn ordonné et ordonne que la dite maison de la Babattière serarazée , démolie cC abattue, et les fessez, si aucuns y ncomblez, et si aucun droit de justice y a au dit lieu de laRabattière , icelle cour l'a réuni et incorporé ..a plus pro-chaine et supérieure justice du dit lieu de la Rabattière a(ait la dite cour inhibitions et deffenses à toutes personnes dequelque estat, qualité et condition qu'ils soient, de réédiffier,construire, ne rebastir la dite maison , sans expresse per-mission du roy, sur peine d'estre punis, comme rebelles etdésobeissans au roy et à sa justice; et en cas de résistance,la dite cour, suivant les dites lettres, enjoint à tous juges,prévosts des mareschaux ou leurs lieutenans d'assemblertelles et si grandes forces que bon leur semblera, et mesmey mener le canon pour razer et abattre la maison et closture

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124 GRANDS-JOURS

dicelle; et ordonne la dite cour que sur les biensdu ditBlanchart, OUI Ire et pardessus les sommes jà adjugées ., seroitprinse la somme de six mille livres parisis que la.coura adju-gée au roy, laquelle sera mise ès mains du receveur des ditsexploits et amendes de la dite cour, et sur icelle seraientprins les frais qu'il conviendroit faire pour l'exécution de Co

préseiit arrest. -Signé , ou fRAC, D'ERGUINVILBBRS.

Prononcé à Poitiers, esdits Grands-jours, le unzieme jourd'octobre 4567.

IV. - PLAINTES PORTÉES PAR LES JUGES DE TOURS CONTRE QUELQUES

NOBLES QUI RÉPANDAIENT LA TERREUR DANS LE. PAYS.

Ce jour (16 septembre 1579), messieurs'. Nicolas Leclerc etVictor Gardette, lieutenans criminels ès baillages et siègeprésidial de Tours, venus et fait entrer, après avoir saluéla courttant de la part des autres officiers et juges royauïquede la dite ville, ont dit qu'ils sont venus pour faire la révé-rence à cette compaignie, pour luy rendre, raison de leursactions et affaires, et dire qu'il y a ès environs de la ville au-cuns gentilshommes ,qui tant par la perception des dixmesque autres font plusieurs excès et outrages aux pauvres la-boureurs et gens du plat pays, dont personne n'ose parler nedéposer, ne mesmes les sergens faire leurs exploits contreeux, [qui osent] jusques à venir menasser eux et les autresjuges de la ville; sur quoy [les dits juges] admonestés decontinuer faire leur debvoir, l'honneur de Dieu, service duroy, et lieu de la justice, loura esté dit de bailler par escritles articles des plaintes et choses qu'ils ont à dire, au procu-reur général du roy pour, lui ouy, y estre pourveu.

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DE POITIERS, 125

V. - COMMISSION-DONNÉE 'A UN PRIEUR POUR EXPULSER LES

'USURPATEURS DE SON bÉNÉFICE.

48 sept. 4579. - Yeu par la cour des Grands-jours , larequeste presentée par inaistre Samuel Spifame , prieur duprieuré du Theut-aux-Moynes, par laquelle, attendu que luyavoit esté impossible •de faire exécuter l'arrest de la ditecour, portant adjournement personnel à l'encontre de ceu'xqui, par la force et violence, détenoient et occupaient lamaison du dit prieuré, enlevoient les fruits et revenusd'iceluy, -tant - par ce que les dits nommez au dit arrestn'avoient aucun domicile, que pour ce qu'ils estoient cous-tumier d'excéder et outrager les sergens et autres ministresde justice, lesquels n'y osoieait aller, et que -encores à pré-sent les dits accusez estoient dedans le dit -prieuré avecarmes, -et s'y tenaient etretiroicot pour la force du lieu enintention.dc résister au roy et-à-sa justice, il requéroit-tuyestre'sur ce pourveu.

[Ouy] les conclusions-du 'procureur -general dwroy, et toutconsidéré.,

La cour a-ordonné et ordonne que commission sera bailléeau suppliant pour informer plus amplement de ce que dessuscirconstances et dépendances [est dit],pour, l'information faiteet rapportée, y estre pourven, ainsy que de raison; cépen-dant ordonne que commandement sera fait aux usurpateurs'et occupateurs du dit prieuré d'en vuider promptement eten laisser la libre possession au suppliant, sur peine d'estredéclarez rebelles et désobéissons au roy et à justice; et -àcette fin enjoint aux prévosts des mareschaux de ce ressortdese transporter surles lieux; -et au surplus que ceux quiont pris et recueilly les fruits et revenus du dit--prieuré-seront appelez en la dite cour pour, eux ouys, ordonner ce-que de raison.

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126 GRANDS-JOURS

VI. - ENQUÉTE PRESCRITE POUR CONNAÎTRE L'ÉTAT OU SU TROUVAIENT

LUS OtNÊFICES DANS LE DIOGÉSU DE POITIERS.

- 29 oct. 4579: - Sur la requeste faicte par le procureurgénéral du roy pour le restabuissement du divin service èscures du diocèse de Poictiers;

La court des Grands-jours a ordonné et ordonne que;Les curez et aultres bénéficiers, ayans charge d'âmes, du

dit diocèse, et aultres diocèses du dit ressort des dits Grands-jours résideront personnellement et actuellement en leursdites cures et ès dits bénéfices, nonobstant toutes dispenses,lettres de non-residendo, sinon qu'ils soient excusez par ex-cuses légitimes et reçues de droict; et seront admonnestezles évesques et prélats des dits diocèses de ne donner neoctroyer dores en avant les dites lettres, ains tenir la mainestroitewent à la résidence des dits curez, administrationdes saints sacremens et prédication de la parole de Dieu èsdites cures et bénéfices ayans charge d'âmes, et pour ceteffet ypourveoir de personnes capables.

Aussy n ordonné et ordonne que certains personnaiges dela justice et officiers du roy, qui seront par elle commis avecautres du clerg&qui seront députez par l'éesque du dit-diocèse de Poictiers ou son vicaire, se transporteront ès cureset autres bénéfices ayans charge d'ames du dit diocèse, s'in-formeront des noms et qualitez de ceux qui y sont pourveus,et au quel tiltro; du debvoir qu'ils font au divin serviceet administration des dits saints sacremens, en quel estatsont les édiffices, tant des églises que maisons preshitéralles,en quoi -consiste le revenu d'icelles, et si les vrays titulairesen jouissent paisiblement; si sous leurs noms et aultrcmentinduernent aultres personnes en prennent les fruits en toutou partie et depuis quel temps, et de leurs noms, qualitezet demourances; quel revenu y n ès fabriques et confrairies,et à quel usage les biens et revenus d'icelles sont employez

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DE POITIERS. 1.27et quelles aliénations en ont esté faicles:. à cette fin serontexhibez aux dits commissaires tous et chacuns les baux àfermes, titres, ènseignemehs et comptes des dites églises,fabriques et confrairies; et à ce faire seront contraintes toutespersonnes qui les ont S leur possession, par toutes voiesdeues et raisonnables, mesme par emprisonnement de leurspersonnes, s'il y escheoit;

Feront [les dits commissaires] assembler par devant euxles dits curez, s'ils sont sur le lieu ou leurs vicaires, les mar-guilliers, chappellains et administrateurs des dites confrairies, ensemble les patrons fondateurs et hauts justiciers desdits lieux, et en leur absence les officiers de la justice avectel nombre des paroissiens qu'ils verront bon estre , si tousles dessus dits se peuvent aysernent assembler, ou bienqu'ils pourront avoir selon la commodité des lieux; desquelsils prendront advis des moyens de pouvoir rebastir et réédif-fier les églises démolies, ou du moins pour les mettre à toiestat que le service divin -y puisse commodément estre falotet célébré;

Et ordonneront les dits commissaires estans sur les ditslieux, ce qu'ils verront estre nécessaire pour les reparationsdes dites églises et maisons presbyléralles, célébration dudivin service, administration des dits sacremens et obser-vation des édits et ordonnances du roy et arrez de la ditecour, mesmeinent contre ceux qui durant le divin servicesont aux tavernes et jeux publicqs et font scandale ou don-tient empesehement à la célébration du divin service;

Aussy ordonneront de la contribution des frais nécessairespour les dites réparations et entretenement du dit divin ser-vice sur les personnes qui en sont tenus, et aussy qu'ils ver-ront estre à faire par raison

Et où il se trouverait aucun réfractaire à l'ordonnance desdits commissaires et injuste detenteur, occupateur et usur-patour des dites cures et autres bénéfices, biens, domaines,rentes et revenus qui en dépendent, seront par eux assignezen la dite cour pour y comparoir en personne et respondre

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128 GRANDS-JOURS

à (elles conclusions que le procureur général du royvoudraprendre à l'encontre d'eux

Et ce pendant et par provision, ce qui sera par les ditscommissaires ordonné en tout ce que dessus, sera exécuté,nonobstant oppositions ou appellations quelconques et sanspréjudice d'icelles;

Et feront les dits commissaires leurs procès-verbaux, quiseront rapportez à la dite cour et communiquez au dit pro-cureur général du roy pour, luy ouy, estre ordonné sur letout, ainsy qu'il appartiendra;

Et pour Fournir aux frais qu'il conviendra faire à l'exécu-tion du présent arrest, ordonne la cour qu'il sera pris cer-taine somme sur tout le clergé du dit diocèse de Poictiersselon le département et taxe qui en sera faite par l'évesqueet autres deputez du dit diocèse sous le bon plaisir du roy

Et néanmoins, pour procéder plus promptement à la diteexécution, ordonne la ditecour qu'il sera prins par formed'advance la somme de cinq cens escus àscavoir, sur le ditévesque de Poictiers la somme de cent escus; sur le chapitrede Sainte-iladegonde et Nostre-Dame la Grande, cent escuspar mollie; sur l'abbé de Montierneuf, soixante escus, et surl'abbé de la Celle, quarante escus; desquelles sommes lesdits évesque et chapitres et abbez seront remboursez par lataxe qui sera faite sur le dit clergé , de ce qui, excéderaleur cote (fl,

(l) Dans le journal de Guillaume et de Michel Leriche (1534-1586),- puhlii par M. de la Fontenelle, on trouve quelques laits relatifs auxGrands-jouis de 1579 (Journal de Guillaume et de huchet Leriche.1534-1536, publié par M. de la Fontanelle. Saint-Maixent, 1846). Ocjournal contient la mention des faits les plus remarquables de la ses-sion et cite tes noms des principaux gentilshommes, quo leurs méfaitsliront- condamner h mort paria Com. Un membre de la famille deBeauveau, reconnu coupable de meurtre, fui exécuté en place publi-que de Poitiers.

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DE POITIERS. 129

VII. - ORDRE AUX OFFICIERS DE JUSTICE DU PÉRIGORD DE

RECUERCUER LES AUTEURS DE CERTAINS CRIMES.

4 Oct. 1634.La cour des Grands-Jours establie à Poic-tiers, ouy le procureur général du Roy ce requérant, n enjoint

- et enjoint à tous baillys, seneschaux,juges, vice-baillys, vice.sénesehaux, prévosts des mareschaux, ou leurs tieutenans, es-tans dans la province de Périgord mentionnée en la commissiondu dix-neuf d'aoust dernier, vérifflée en la dite cour desGrands-Jours le deuxiesme jour de ce mois, informer entoute diligence des meurtres, assassinats, viollemens, rapts,enlevemens, et violences des femmes et des filles, levées dedeniers et autres exactions, concussions, rebellions, forces,violences, usurpations et occupations des cures, pricurez,chapelles, hospitaux, mala deries, excez faits è sergens ou au-tres officiers du roy exercans leurs changes; et généralle-ment de tous crimes commis dans le ressort, non remis etabolis par les edits; décreter et se saisir des personnes deceux qui se trouvent chargez et coupables des dits crimesinstruire, faire et parfaire leurs procès jusques à sentencesdiffinitives exclusivement, nonobstant oppositions ou appel-lations quelcohques ; et, sans préjudice d'icelles, envoyer augreffe criminel de la dite cour des Grands-Jourà dans le vingt-ciuquiesme jour de ce mois et an les grosses des informa-tions qu'ils auront tant à décreter que decretées, et dont lesdécrets n'auroient encore esté exécutez; ensemble les senten-ces de contumace données de vingt ans, avec deffenses d'enlatiter aucunes sur peine d'amende arbitraire;

Et pareillement enjoint è tous huissiers et sergens en-voyer dans le dit , temps , sr peine de suspension de leurscharges et estats, les procès-verbaux , exploits de rébellion,désobéissances, oxccz, meurtres et intimidations qui leuront esté faites en exécutant et signifiant arrez ,sentences etautres mandernen•s de justice;

Et au surplus ordonne la dite cour que les dits baillis,0

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130 GRANDS-JOURS

sénesch aux, leurs lieutenansgénéraux civils et criminels, pré-',ots des maresehaux et substituts du dit Procureur-Généra[du ressort de la dite province de Périgord seront tenus dé s'ytrouver le vingt-cinquiesme du présent mois d'octobre pourrendre raison de leurs charges et entendre les ordonnanceset délibérations de la dite cour; et cependant d'informer desnoms et qualités de ceux qui tiennent les cures et autres bé-néfices de leur ressort; et que les archevesques et évesques,archidiacres et arehiprestres, qui feront la visitation des bé-néfices, certifieront ]a cour des Grands-Jours dedans le ditjour vingt-einquiesme d'octobre, comme sont desservys [lesdits bénéfices], pour, ce fait et communiqué au dit, Procu-reur Général, estre ordonné, ce que de raison;

Et sera le présent arrest exécuté en vertu de l'extraictd'ieeluy.

Signé Cnsspiri.

Quelques arrêts de la session de 163 g , concernant lesprotestants et les enquêtes sur l'état du diocèse de Poitiers,ont été réunis en un volume par un libraire contemporain.Un exemplaire de cet ouvrage , qui est fort rare, se trouveà la bibliothèque de la Cour d'appel de Poitiers; et un autre,à celle de la ville. Ce livre est intitulé : RECUEIL DE TOUSLES ÀRRESTS DE LA COUR DES GRANDS-JOURS na PoicTiEns, cnsemtletous ceux qui ont cité donnez contre la religion prétendue ré-formée, pour le razeynen g des presches, etc.: Poicrins, ADRAITAM

MOUNIN, rdDcxxxv (4635), in-80.Une compilation de documents de diverses sortes, intitu-

t Me : Archives curieuses de la France, par .Danjou, Paris,4838 ('I VI, 274-308) , renferme plusieurs pièces relatives

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DE POITIERS. 131à la session des Grands-jôurs de Poitiers en 4634. Cc n'estpas une compilation faite sur les textes originaux, mais uneréimpression d'un ouvrage, dont le titre n'est pas indiqué.Il est regrettable que l'éditeur n'ait pas reproduit toutes lespièces dans leur entier et qu'il n'ait donné pour quelques-unes que des extraits ou des résumés.

DOCUMENTS REPRODUITS DANS LA COMPILATION DE DANJOU,

1 0 Edit de convocation,2° Notice sur le cérémonial.3° Lettres patentes du roi plaçant le Limousin dans la juri-

diction des Grands-jours.4° Extraits et résumés d'arrêts de la Cour sur le culte ré-

formé et sur la stricte observation de l'Edit de Nantes.5° Arrêt de la Cour prescrivant une enquête dans les dio-

cèses d'Angoulême, Limoges , Luçon, Maillezais, Pàitiers etSaintes.

60 Arrêt de la Cour sur les fruits et les revenus des béné-fices usurpés par des gentilshommes.

7° Arrêt de la Cour ordonnant la démolition du temple deSaint-Maixent.

Les archives du départementde la Vienne ne contiennentaucun document relatif aux Grands-jours tenus à Poitiers.La collection de dom Fonteneau, déposée à la bibliothèque dePoitiers, ne renferme également aucune pièce de ce genre.On s'étonnera peut-être que dans les dépôts de la ville, quifut à sept reprises différentes et pendant deux siècles lesiége des Grands-jours, n'existe aucun document relatif à desfaits si intéressants pour l'histoire de la province. Cette la-cune s'explique facilement, puisque les registres des ses-sions, les actes émanés des magistrats, étaient réunis auxarchives du Parlement de Paris, dont la cour des Graôds-jours étailla délégation. li en fut de même pour les Grands-jours des autres provinces, dont les registres ont été égale-

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132 GRANDS-JOURS DE POITIERS.

ment placés parmi ceux du Parlement. Les Grands-jours dePoitiers, tout aussi intéressants que ceux de Clermont, n'ontpas eu la chance d'avoir un Fléehier pour en raconter les épi-sodes les plus remarquables, et pour leur donner la célébrité,par la mise en lumière des faits consignés sur le parchemiiides registres, dont nulle main curieuse no vient secouer lapoussière.

a

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TABLE DES MATIÈRES.

SOUROEL,Palci.

Bibliographie. Documents inhnuscrits (en note)

PRÉLIMiNAiRES.

But de la Notice .......................3

Défininition des Grands-jours ..... ... .......... â4

ORIGINES.

Transformation des Grands-jours féodaux de Champagne en ju-ridiction royale; extension de cette institution à tout leroyaume ...........................&

Droit de tenir des Grands-jours féodaux accordés aux princes dusang............................10

UTILITÉ ET BUT.

Extraits d'édits et faits prouvant ruftlité des C/randsjours,.IZ

ÉTENDUE ET IMPORTANCE 11E LL JURSCTION.

Tentatives inutiles des Poitevins peur obtenir la création d'unparlement dans leur ville, .................19

Sessions des Grands-jours royaux tenus Poitiers ........23Grands-jours féodaux pendant la domination de Jean de Berry,

comte apanagiste du Poitou . . . . . . . . . . . . . . . . .23

Limites de la juridiction .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

CONVOCATION.

Convocation par le rois ...................26Avis du conseil dEtat, remontrances du Parlement, dispositions

des Ordonnances, voeux des Etnts généraux relatifs à la con-vocation ..........................27

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134 TABLE DES MATIÈRES.

Abus qu'entraîne l'irrégularité des sessions ...........Enregistrement et publication de lEdit............3k

COMPOSITION DES ORANOS-JOLJÙS, S

Désignation du président . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32Choix des assesseurs ......................33Ministère public, et nomination des avocats généraux et substituts 37Greffes ............................39Huissiers, notaires ......................39Chancellerie particulière des Grands-jours ...........49Exécution des arrêts de la Cour ..................42En 1541, envoi du grand prévôt des maréchaux et d'archers de

renfort. Receveur particulier de la Cour. . . . . . . . . . .t3Avocats, procureurs. Anecdote de la puce de Mile des Roches. 44Droit de séance, purement.lsonorifique, accordé aux princes du

sang et aux dignitaires, de la Province............45

ATTR1uUTIoIÇ5,

Concentration des pouvoirs des autres couPs souveraines — . . . 50Civil Première instance, appel, . . . . . . . . . . . . . . . 51Criminel Extension de lajuridictién de Première instante, genre

de crimes jugés par les Grands-Jours, mesures prises contre tescontumaces. Appel........'. , ... . .53

Règlements Compétence universelle de ta Cour pour rendre desarréts de règlement ....................... 55

Protestan Di4osition par la Cour en 1567 pour s'opposer ausoulèvement des Réformés, et en 1634 peut- les ramener à lastricte observation de lEdit de Nantes. ............ 57

Pouvoir sur les officiers Ils sont tenus de rendre compte de leurcharge. Réprimandes. Ordres................. 65

Communes Contrôle exercé sur 'les administrations municipales69Université : Réprimandes au r,et eur.............. 70Nomination Droit de nommer et d'installer des officiers. . . . .71Hôpitaux : Secours aux pauvres. Edémnie de 1531,,,,,,, 72Travaux publics: Adjudications, concessions de privilèges ... . 75Anxtnm ucoc,ÉslAsnQnm Intervention du pouvoir laïque. Appel

comme d'abus. Réformes des monastères. Enquêtes dans lesdiocèses ................,

Coutumes : Ilévision..................... 86Privilèges aux libraires ....................siEnregistrement. Remontrance . . . . . . . . . . . . . . . . .82

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TABLÉ DES MATIÈRES. 135

DCàRÉItONIAL. PROCÉDURE.

Réception de la Cour à Poitiers; cadeaux de la ville; ouvorturc des sessions; traitement des membres 4e la Cour..85

Epuque dés sessions ....................87Enquêtes ............................87Procédure civile i Procédure fixée par la Cour d 'après celle du

Parlement. Rdglctnents pour tes avocats et les procureurs. Renvoidevant les juridictions inférieures. Distinction entre les arrêts etlas jugés. Conseil. Registres. Audiences ............ 88

Procédure criminellé Introduction d'une cause à la Cour. Trans-port des prisonniers. Protection pour les témoins. . . . . . . .93

Ministère publie Rôle actif des membres du parquet ...... . 96Autorité des jugements !féme valeur que ceuxdu Parlement.

Défcn.e de récuser la compétence de la Cour . . .. ...... . 97

CAUSES CITÉES COMME PREUVES.

Cause enlevée à la juridiction du seigneur de Bressuire pour êtreportée devant un siégc royal .................99

Excommunication lancée par l'évêque de Poitiers contre lesofficiers de justice et le maire de cette ville, pour avoir violéle droit d'asile en arrachant un assassin d'une église oh ils'était réfugié ........................100

Contestation entre les officiers du comté d'Angoulême et L'évé-que de cette ville, au sujet de la compétence des juges ecclé-siastiques ..........................105

Appel comme d'abus contre l'évêque de Poitiers, au sujet d'uneexcommunication qu'il avait lancée contre un condamné qui

• refusait de payer une amende infligée par l'officialité .....106Blâme adressé nu lieutejant criminel de Saumur pour avoirmêlé le civil et le criminel .................loi

Seigneur condamné à être coupé en quatre morceaux pour avoirtué un archer........................

Blanchard, seigneur de la Itabattière, condamné à être roué etcoupé en quatre morceaux pair avoir tué un archer chargé del'arrêter. Confiscation dosas biens. Rasement de sa maison.108

Conclusion ..........................i os

NOTES.

Euumératlon des sessions de Grands-Jours Royaux,,,... IIINoms des présidents des Grands-jours de Poitiers. - Etendue

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136 TABLE DES MATIÈRES.

de juridiction des Grands-jours de Poitiers aux différentessessions ..........................112

ZnÈcce JUSTIFICATIVES.

Edit de convocation de 1451 ..................113Edit le convocation de 1579 .................115Arrêt des Grands-jours confirmant la sentence du Parlement de

Paris par laquelle Louis Blanchard seigneur de la Rabattière,accusé d'assassinat et de rébellion contre la justice était con-damné à mort ........................120

Plaintes portées par tes juges de Tours contre quelques noblesqui répandaient la terreur dans le pays .. . . . . . . . . . . 124

Commission donnée h un prieur pour expulser les usurpateursde son bénéfice .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .125

Enquête prescrite pour connaître l'état oh se trouvaient les bé-néfices dans le diocèso de Poitiers . . . . . . . . . . . . . . 126

Ordre aux officiers de justice du Périgord do rechercher les au-teurs de certains crimes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

Indication d'arrêts imprimés relatifs à la session de 1634. . . . 130Manque de documents relatifs aux Grands-jours h la bibliothè-

que et aux archives de Poitiers. .. . 131

ERRÀTA.

Page Il, ligne 5, au lieu de comte, lisez comté.- 20, - 21,-il,-ils.- 26, - 4,-c'est, -c'était.- 31,. - 27,-un,-en.- 42, - .15,-des, -dits.- 46,. - 12,- Bonniau, - Beauveau.- 70, - 8,-às,-

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