grains prÉsolaires - washington university in st....

8
ZOOM | Ernst Zinner | Dep. of Physics, Washington University (St Louis, Mo, USA) | Traduction : Janet Borg Pendant des centaines d’années, la seule information reçue des étoiles nous parvenait sous forme de lumière visible. Depuis quelques dizaines d’années, on est en mesure d’analyser d’autres longueurs d’onde, des ondes radio aux rayons gamma, en passant par l’IR, l’UV et les rayons X. Enfin, y a 25 ans, une nouvelle branche de l’astronomie a pris naissance : l’étude de la poussière d’étoiles au laboratoire. GRAINS PRÉSOLAIRES DES ÉTOILES... AU LABORATOIRE C ’est dans les années 1950 qu’il a été clairement établi que le carbone et les éléments plus lourds étaient produits dans les différentes étoiles par nucléosynthèse, avec des rapports iso- topiques variant d’une source stellaire à l’autre. Bien que de nom- breuses étoiles aient ensemencé le Système solaire naissant, on a longtemps pensé que les signatures isotopiques stellaires avaient été effacées par une homogénéisation efficace lors de la formation planétaire. Les abondances élémentaires et isotopiques mesurées dans les planètes et leurs satellites, les astéroïdes et les comètes, ainsi que les météorites et la poussière interplanétaire ne repré- sentaient que la signature moyenne de nombreuses sources dis- tinctes. La situation a changé en 1987, avec la découverte de minuscules grains de poussière d’origine stellaire dans certaines météorites primitives 1 (Bernatowicz et al., 1987, Zinner et al. 1987). C’est la composition isotopique « exotique » de ces grains, totalement différente de ce qu’on trouve dans le Système solaire, qui est la signature de leur nature stellaire, présolaire. Après avoir été condensés dans les vents d’étoiles évoluées ou les éjecta de su- pernovae, ils ont survécu au voyage interstellaire et à la formation du Système solaire avant d’être piégés dans certaines météorites (figure 1). Malgré leur petite taille, ils peuvent être localisés, ex- traits de leurs hôtes et analysés au laboratoire. Chacun de ces grains est un morceau d’étoile qui peut apporter une information sur l’évolution stellaire, la nucléosynthèse, l’évolution chimique de la Galaxie, les conditions physiques dans les atmosphères stellaires ou encore l’évolution de la poussière dans le milieu interstellaire 22 L’ASTRONOMie – Mars 2015 vol.129 | 81 | 22

Upload: others

Post on 01-Mar-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

ZOOM | Ernst Zinner | Dep. of Physics, Washington University (St Louis, Mo, USA) | Traduction : Janet Borg

Pendant des centaines d’années, la seule information reçue des étoiles nousparvenait sous forme de lumière visible. Depuis quelques dizaines d’années, on esten mesure d’analyser d’autres longueurs d’onde, des ondes radio aux rayons gamma,en passant par l’IR, l’UV et les rayons X. Enfin, y a 25 ans, une nouvelle branche del’astronomie a pris naissance : l’étude de la poussière d’étoiles au laboratoire.

GRAINS PRÉSOLAIRESDES ÉTOILES... AU LABORATOIRE

C ’est dans les années 1950 qu’il a été clairement établi que lecarbone et les éléments plus lourds étaient produits dans lesdifférentes étoiles par nucléosynthèse, avec des rapports iso-

topiques variant d’une source stellaire à l’autre. Bien que de nom-breuses étoiles aient ensemencé le Système solaire naissant, on alongtemps pensé que les signatures isotopiques stellaires avaientété effacées par une homogénéisation efficace lors de la formationplanétaire. Les abondances élémentaires et isotopiques mesuréesdans les planètes et leurs satellites, les astéroïdes et les comètes,ainsi que les météorites et la poussière interplanétaire ne repré-sentaient que la signature moyenne de nombreuses sources dis-tinctes. La situation a changé en 1987, avec la découverte deminuscules grains de poussière d’origine stellaire dans certaines

météorites primitives1 (Bernatowicz et al., 1987, Zinner et al.1987). C’est la composition isotopique « exotique » de ces grains,totalement différente de ce qu’on trouve dans le Système solaire,qui est la signature de leur nature stellaire, présolaire. Après avoirété condensés dans les vents d’étoiles évoluées ou les éjecta de su-pernovae, ils ont survécu au voyage interstellaire et à la formationdu Système solaire avant d’être piégés dans certaines météorites(figure 1). Malgré leur petite taille, ils peuvent être localisés, ex-traits de leurs hôtes et analysés au laboratoire. Chacun de cesgrains est un morceau d’étoile qui peut apporter une informationsur l’évolution stellaire, la nucléosynthèse, l’évolution chimique dela Galaxie, les conditions physiques dans les atmosphères stellairesou encore l’évolution de la poussière dans le milieu interstellaire

22 L’Astronomie – Mars 2015 vol.129 | 81 | 22

Page 2: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

Mars 2015 — L’Astronomie 23vol.129 | 81 | 23

et les conditions qui régnaient au moment de la formation du Système so-laire. Depuis la découverte des premiers grains présolaires, leur étude estdevenue une nouvelle branche de l’astronomie, complétant les observationsastronomiques plus traditionnelles (Zinner, 2014).

L'EXTRACTION DES GRAINS PRÉSOLAIRESLes premiers signes de signatures présolaires dans des matériaux

du Système solaire ont été les anomalies isotopiques trouvées à la findes années 1960 dans des météorites, à savoir les rapports isotopiquesdes gaz rares Ne et Xe différents de ceux trouvés habituellement. Tou-tefois, ces signes furent ignorés et il a fallu attendre la découverte en1973 d’anomalies de l’oxygène, un élément majeur constituant lesroches, dans des inclusions réfractaires (appelées « inclusions riches

en Ca et Al », ou CAI, pour Ca-Al-richinclusions) au sein de météorites pourque soit prise au sérieux l’idée de lasurvie de matériau présolaire dans desmétéorites primitives. Par la suite, ila été montré que les CAI montrantces anomalies pour l’oxygène (et pourd’autres éléments, comme découvertplus tard) s’étaient en fait forméesdans le Système solaire et avaient seu-lement hérité des signatures stellaires

présolaires de leurs constituants. Celaa ensuite pris plus de dix années pour

trouver de l’authentique poussière stel-laire condensée dans d’autres étoiles. Cette

prouesse est due à l’équipe du professeur EdAnders de l’université de Chicago, qui a« brûlé la botte de foin pour trouver l’ai-guille cachée » (Anders et Zinner, 1993).Des techniques de dissolution chimique etde séparation physique ont été mises enœuvre pour aboutir finalement à la sépa-ration de diamants, de carbure de silicium(SiC) et de graphite, phases qui sont nonseulement condensées à haute tempéra-ture, mais que leur résistance chimique apermis d’isoler pratiquement pures aucours des différents traitements chimiquesutilisés.ES ÉTOILES JUSQU'À

LES DIFFÉRENTS TYPES DE GRAINS PRÉSOLAIRES

De nombreux types de minéraux présolaires ontdéjà été identifiés, malgré la faible abondance desgrains et leur petite taille ; les tableaux I et II listentces grains, leurs abondances, leurs tailles et leurssources stellaires, alors que la figure 2 montre desimages en microscopie électronique de quelques-uns de ces grains.

Les plus abondants sont les nanodiamants, dontla taille moyenne n'est que de 2,5 nm, ce qui exclut

1. La poussière d’étoile depuis saformation dans les étoiles AGB et lessupernovae, son injection dans lenuage moléculaire qui a donnénaissance à notre système solaire, saconservation dans les astéroïdes et lescomètes jusqu'à son arrivée sur terre àtravers les météorites et les grains depoussière interplanétaire (dessin deLarry Nittler).

Étoile AGB

supernova

nuagemoléculaire

Disqueprotoplanètaire

ComètesAstéroïdes

météorites

Grainsinterplanétaires

Grainsprésolaires

l'EssEntiElDans les météorites primitives, on trouve des grainsde poussière formés dans les atmosphères d'autresétoiles. Ces « poussières d'étoiles » peuvent êtreextraites des météorites pour une analyse fine enlaboratoire ; leurs compositions isotopiquesanormales reflètent la physique des étoiles qui leuront donné naissance, démontrant par là leur originestellaire. Des études isotopiques et structurales deces grains renseignent sur l'évolution stellaire, lanucléosynthèse, l'évolution chimique de la Galaxieet enfin sur les propriétés physiques et chimiquesdes atmosphères stellaires.

Page 3: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

toute analyse individuelle (fig. 2d). Le faitqu'on leur attribue une origine présolairerepose sur la présence de Xe et Te anor-maux, alors que les rapports isotopiquespour C et N sont normaux (c.-à-d. so-laires), donc, il n'est pas impossible queseulement une partie des diamants aientune origine stellaire. Tous les autresgrains sont suffisamment larges pourqu’on puisse faire une analyse isotopiquedu grain entier à l’aide d’une microsondeionique (lire l’encadré sur les techniquesd’analyse).

Le carbure de silicium (SiC) est le typele mieux étudié, parce qu'il est possibled'obtenir du SiC pratiquement pur partraitement chimique des météorites etaussi parce que la concentration des élé-ments en trace présents est suffisammentélevée pour que d'autres éléments que Cet Si puissent être analysés. Pratiquementtous les grains de SiC sont d'origine stel-laire. Alors que leur taille moyenne estinférieure à 1 mm, des grains de 50 mmont été trouvés ; la figure 2a montre uneimage en microscopie électronique à ba-

layage (MEB) d'un grain particulière-ment grand. L’analyse isotopique a mon-tré des variations énormes dans lescompositions isotopiques de grains in-dividuels et a conduit à la définition desous-types (voir le tableau II).

Séparer le graphite s'avère plus com-pliqué parce qu'il faut éliminer par uneoxydation douce le matériau organiqueinsoluble (MOI) présent dans la météo-rite, sans détruire les grains de graphite(Amari et al., 1994). La plupart desgrains de graphite présolaires font plusde 1 mm (fig. 2b, c) et peuvent allerjusqu’à 20 mm ; ils ont été séparés pardensité et des grains de densités diffé-rentes montrent des signatures isoto-piques différentes. Beaucoup de grainsde graphite contiennent des inclusionsde carbures de titane, de zirconium et demolybdène, des inclusions de cohénite(Fe3C), de kamacite (alliage de Fe-Ni) etde fer natif, qui ont dû condenser avantle graphite et ont pu, dans certains cas,se comporter comme des germes decondensation (fig. 2c).

L'identification d'oxydes présolaires estdifficile parce que le Système solaire estriche en oxygène (c.-à-d. que l’abondanceen oxygène est supérieure à celle du car-bone, soit O > C), conduisant à la forma-tion de minéraux riches en O à partir dematériau qui a été homogénéisé du pointde vue isotopique. Les silicates et lesoxydes du Système solaire constituent unfond où, pour identifier des grains pré-solaires riches en O, il est indispensablede faire des mesures isotopiques degrains individuels à la microsonde (voirencadré sur les techniques). Pour sépa-rer des phases oxydées telles que le co-rindon (Al2O3), le spinelle (MgAl2O4)ou encore l'hibonite (CaAl12O19), le trai-tement chimique peut aider parcequ’une fraction importante (de 1 à 2 %)des grains dans ces phases réfractairesest d’origine présolaire. Certains de cesgrains dépassent 1 μm (fig. 2e) et peu-vent être étudiés en détail.

Bien que les silicates soient lesdeuxièmes plus abondants parmi lesgrains présolaires, ce n'est que récemment

ZOOM | GRAINS PRÉSOLAIRES : DES ÉTOILES... AU LABORATOIRE

24 L’Astronomie – Mars 2015 vol.129 | 81 | 24

2. images de grains présolaires en microscopie électronique à balayage (a, b, e, f) et à transmission (c, d). � Gros grain de siC ayant unestructure automorphe. � Grain de graphite à structure en peau d’oignon. � tranche ultra-mince d’un grain de graphite ; le grain de tiC au centrede la sphérule de graphite devait probablement servir de germe de condensation. � image haute résolution d’un diamant, montrant sastructure cristalline. � Grain de corindon (Al2o3) après analyse en sims. Le faisceau primaire a éliminé la majeure partie du substrat en orsupportant le grain. � Le grain de silicate au centre de l’image est un grain présolaire, mis en évidence par les rapports isotopiques trèsanormaux de l’oxygène. (Photos fournies par Sachiko Amari, Tom Bernatowicz, Tyrone Daulton, Scott Messenger, Ann Nguyen et Larry Nittler).

b ca

Carbure de silicium Graphite Graphite

Diamant Corindon silicate

e fd

Page 4: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

qu'on a pu les mettre en évidence, parcequ'ils sont plus petits que 1 μm et parceque seulement 1 silicate sur 5 000 estd'origine présolaire. La plupart ont destailles de 250-300 nm ; le grain représentéfigure 2f est une exception. Pour les iden-tifier, il a fallu attendre l'arrivée d'un nou-veau type de microsonde ionique, la« NanoSIMS », avec sa très grande réso-lution spatiale et son excellente sensibilité(Nguyen and Zinner, 2004).

LES SOURCES STELLAIRES C'est uniquement à partir de leur

composition isotopique que l'on peutconnaître l'origine stellaire des grainsprésolaires, pas connue a priori. Lesprincipales sources évoquées sont lesétoiles AGB (étoiles géantes de labranche asymptotique ou AsymptoticGiant Branch), les supernovae (notam-ment celles à effondrement de cœur) ouencore les étoiles RGB (géantes rougesou Red Giant Branch). Les référencesbibliographiques inhérentes à ce chapi-tre sont groupées dans Zinner (2014).

L’encadré de la page 29 présente de ma-nière succincte ce qu’il est indispensablede savoir sur les différentes classesd’étoiles dont il est question dans cet ar-ticle. On peut s’aider de l’article de DidierLaloum sur la classification stellaire, parudans le numéro de février de l’Astronomie(no 80) ; on y trouvera en particulier undiagramme de Hertzsprung-Russell sim-ple qui explique les grandes lignes de laclassification des étoiles en fonction deleur luminosité et de leur température.

GRAINS PROVENANT D'ÉTOILES AGB

Les grains de SiC du groupe principalou de type Y ou Z (voir tableau II) ontpour origine des étoiles AGB de faiblemasse (1,5 à 3 masses solaires), de mé-tallicité2 solaire (groupe principal), oumoindre (types Y et Z). On parle alorsde « grains AGB », dont l’identificationest basée d'une part sur les rapports iso-topiques du C, du N et du Si (figures 3 et4), mais aussi, de manière plus convain-cante par les abondances isotopiquesd’éléments lourds comme Kr, Sr, Mo, Ru,Xe, Ba, Nd, et Sm, produits par le « pro-cessus s ». Les étoiles AGB sont connuespour être des sources d’éléments pro-

duits par le « processus s » et les abon-dances isotopiques de ces éléments dansces grains de SiC répondent particuliè-rement bien aux prédictions théoriquesde la nucléosynthèse AGB. Ces élé-ments3 sont produits par capture de neu-trons sur les éléments abondants (pic dufer), ces neutrons étant eux-mêmes pro-duits par les réactions 13C(α,n)16O ou22Ne(α,n)25Mg dans la couche où les pro-tons de l'enveloppe viennent se mélangerà la couche d'hélium. Ces nouveaux élé-ments lourds sont amenés à la surface del’étoile par des dragages qui ont lieu pé-riodiquement et au cours desquels le 12Cest aussi amené à la surface, transfor-mant une étoile auparavant riche en oxy-gène en une étoile carbonée (où C > O),d’où le carbure de silicium peut conden-ser dans le vent stellaire ou dans leséjecta qui constitueront une nébuleuseplanétaire.

Les grains de graphite de densité éle-vée ont aussi une origine AGB. Leursrapports isotopiques 12C/13C sont plusélevés que dans les grains de SiC dugroupe principal, comme prédit pourles étoiles AGB de faible métallicité. Cesétoiles ont moins de carbone au départet le dredge-up (voir encadré p. 29) de

12C conduit non seulement à des rap-ports 12C/13C plus élevés, mais aussi àdes rapports C/O plus élevés, ce qui fa-vorise la condensation du graphite parrapport à celle du carbure de silicium.L’évidence d’une origine AGB pour legraphite de haute densité vient aussid’une grande surabondance d’élémentsobtenus par le « processus s » comme leMo et le Ru dans des inclusions de TiCobservés en MET dans les grains degraphite (fig. 2c) : les rapports Mo/Ti etRu/Ti sont plus élevés de deux ordresde grandeur par rapport à ce qui est ob-servé dans le Système solaire. D’impor-tantes surabondances d’élémentsobtenus par le « processus s » sont ob-servées dans les étoiles AGB.

GRAINS PROVENANTDE SUPERNOVAE (SN)

Les grains de SiC de types X et C ontpour origine les supernovae à effondre-ment de cœur. Leurs rapports isoto-piques sont les signatures de différentesétapes de nucléosynthèse dans les SN.Les grains de type X ont de larges excèsde 28Si (fig. 4), produit uniquement parcombustion de l’oxygène dans les étoilesmassives, dans la zone appelée zone Si/S(fig. 6). Certains grains montrent desévidences de la présence initiale du ra-dioélément 44Ti, à vie courte, par la pré-sence de son isotope fils, le 44Ca. 44Ti aune période de 60 jours et n’est produitque dans les supernovae. Une autre si-gnature caractéristique des grains X estla présence de rapports 26Al/27Al élevés,déduits des excès mesurés de l'isotopefils 26Mg. Bien que les grains de type Caient des excès de 29Si et 30Si, ils ontaussi une origine SN. Les isotopeslourds du Si sont produits par captureneutronique avec les neutrons produitsdans la réaction 22Ne(α,n)25Mg. Cesgrains ont aussi de larges excès de 32S,qui doit provenir de la décroissance du32Si, de courte période (153 ans). La

production de 32Si nécessite des densitésde neutrons bien plus élevées que pourles « processus s ». Les modèles de su-pernovae peuvent produire de tellesdensités, pendant des explosionscourtes dans des couches de tempéra-ture élevée, suite au passage d’une ondede choc pendant l’explosion (on parlealors de nucléosynthèse explosive).

Les grains de graphite de faible den-sité et quelques grains de haute densitéont aussi une origine SN. Les princi-pales signatures des grains de faibledensité sont les excès de 15N et 18O,deux signatures trouvées dans la zoneHe/C (figure 5). 15N est produit parcapture de neutrinos pendant une nu-cléosynthèse explosive tandis que 18Oest produit par capture de particules

C’est uniquement à partir de leurcomposition isotopique que l’on peutconnaître l’origine stellaire des grainsprésolaires, pas connue a priori.

Mars 2015 — L’Astronomie 25vol.129 | 81 | 25

Page 5: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

26 L’Astronomie – Mars 2015 vol.129 | 81 | 26

Techniques analytiquesUne large gamme de techniques a été utiliséepour l'analyse des grains de poussière d'étoiles(Zinner et al., 2011), afin d’étudier leurmorphologie, leur structure interne, ou encoreleurs compositions élémentaires et isotopiques.Les mesures de rapports isotopiques sont lesplus critiques, parce que ce sont elles quipermettent d'obtenir des informations sur lessources stellaires de ces grains et les réactionsde nucléosynthèse qui y sont inhérentes ; degrands efforts y ont donc été consacrés dansdeux techniques de base, soit l'analyse intégréed'un grand nombre de grains (analyse diteglobale ou “bulk”), soit l'analyse de grainsindividuels.Malgré les faibles abondances du diamant, ducarbure de Si et du graphite dans lesmétéorites, des échantillons relativement pursde ces phases peuvent être obtenus parséparations physique et chimique, permettantune analyse globale. La spectrométrie de masse est la techniquephysique de choix pour la détection et lacaractérisation des atomes et en particulier desisotopes par mesure de leur masse ; sonprincipe réside dans la séparation d’ions enfonction de leur rapport masse/charge. Lesisotopes de C, N et des gaz rares ont étéétudiés en analyse globale par spectrométrie demasse à source gazeuse et la spectrométrie demasse par ionisation thermique (TIMS) a étéutilisée pour l'analyse globale des élémentslourds comme Sr, Ba, Nd, Sm et Dy. Parce quel'on moyenne les mesures faites sur plusieursgrains, on peut obtenir les rapports isotopiquesd'éléments en trace impossibles à déterminerpour des grains individuels. Les mesures sonteffectuées sur différentes fractions en taille ouen densité et, dans le cas de la spectrométriede masse à source gazeuse, il est égalementpossible de réaliser des pyrolyses par paliers detempérature ou des combustions enatmosphère oxydante. Quand c'est possible,les analyses de grains individuels sontpréférables, puisqu'on a alors accès à del'information sur une seule étoile. La connaissance des corrélations des rapportsisotopiques pour plusieurs éléments peut aiderà connaître l'origine stellaire d'un grain donné.La technique privilégiée pour les mesuresisotopiques est la spectrométrie de masse parémission d'ions secondaires ou analyse parmicrosonde ionique (SIMS, pour Secondary IonMass Spectrometry), procédé consistant àbombarder la surface de l’échantillon avec unfaisceau d’ions ; l’échantillon est pulvérisé etune partie de la matière pulvérisée est ionisée.Ce sont ces ions secondaires qui sont analysés. L'analyse de grains individuels a montré unegrande variété de rapports isotopiques (voirfig. 3 et 4), elle a aussi permis l'identification denouveaux types de grains présolaires comme le

corindon (Al2O3), le spinelle (MgAl2O4) et lenitrure de silicium (Si3N4), ou encore de raressous-types de SiC. Alors que jusque dans lesannées 2000, les mesures étaient faites surdes grains de plus de 1μm, la NanoSIMSpermet des mesures sur des grains de 100 nm.C'est cette technique qui a permis ladécouverte de silicates présolaires dans lespoussières interplanétaires et les météoritesprimitives, grains très petits (typiquement entre250 et 300 nm de diamètre) qui doivent êtredétectés en présence d'un nombre incalculablede silicates avec des rapports isotopiquesnormaux, parce que d'origine solaire. Cesmesures ont été faites en balayant un finfaisceau d'ions Cs+ sur des surfaces de 10 par10 µm, recouvertes de nombreux petits grains,et en obtenant des images secondaires desisotopes de l'oxygène. Les grains anormauxpeuvent être repérés sur ces images. Lafigure 5montre un grain présentant un excèsde 17O et un déficit de 18O.Les rapports isotopiques sur plus de 17000grains de SiC, 2 200 grains de graphite et 1 750oxydes et silicates ont été mesurés. Il estpossible de faire de telles analyses, nonseulement sur les éléments majeurs, maisaussi sur des éléments mineurs ou en traces,comme N, Mg, K, Ca, Ti, Fe et Ni (sur lesfigures 3 et 4, mesures des rapportsisotopiques de C, N et Si dans des grains deSiC). Le classement de ces grains se fait en se

basant sur leurs rapports isotopiques,utilisés pour en déduire leur originestellaire.

Des techniques d’ablation laser suivie despectrométrie de masse par ionisationrésonante (RIMS pour Resonant IonizationMass Spectrometry) ont essentiellementété utilisées pour les analyses isotopiquesd’éléments lourds comme Sr, Zr, Mo, Ru,

et Ba dans des grains de SiC et de graphite ;pour cela, un faisceau laser d’une longueurd'onde bien définie est utilisé pour ioniser demanière très sélective des atomes d’unélément donné, arrachés de l’échantillon par

3. rapports isotopiques de l’azote et ducarbone de grains présolaires individuels desiC. Parce que les types de grains rares ontété identifiés par des recherches enimagerie, automatiques et dédiées, lenombre de grains des différents types necorrespond pas à leur abondance relativedans les météorites. Les lignes en pointillésindiquent les rapports solaires (et/outerrestres).

4. Les rapports isotopiques du silicium dansles grains de siC présolaires, présentés ennotation δ qui donnent des déviationsrelatives par rapport aux valeurs terrestres enparties par millier (permil, 0). Par convention,le dénominateur est l'isotope le plusabondant, ainsi le δ29si (δ30si) correspond aurapport 29si/28si (30si/28si).

ZOOM | GRAINS PRÉSOLAIRES : DES ÉTOILES... AU LABORATOIRE

Page 6: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

α sur l’azote 14N, qui est le résultatde la combustion de l’hydrogène Hau cours d’un cycle CNO précé-dent. Les grains de faible densitéont aussi des excès de 28Si et desrapports 26Al/27Al élevés, commedans les grains SiC de type X.Enfin, certains grains de graphitede faible et haute densité montrentaussi des évidences de 44Ti initial,preuve d’une origine SN.

LES ÉTOILES RGBLa plupart des oxydes et des silicates

proviennent d’étoiles RGB et d'étoilesAGB riches en oxygène. Ils présententde larges excès de 17O et des faibles ap-pauvrissements en 18O, signatures de lacombustion de H dans le cycle CNO,dans des régions intermédiaires aucours de la phase hydrostatique del’étoile. Elles ont été apportées à la sur-

face de l’étoile après épuisement de l’Hdu cœur  par un processus de mélangeappelé « le premier dragage ». Un faiblenombre d’oxydes et de silicates ont d’im-portants appauvrissements en 18O quine peuvent pas être expliqués par ceprocessus. Il est proposé qu’un proces-sus de mélange supplémentaire (« coolbottom  processing » en anglais) fassecirculer du matériau depuis l’enveloppejusqu’aux régions proches de la couchede combustion de l’hydrogène dans lesétoiles RGB et AGB. Un petit nombred’autres grains présentant des excès de18O pourrait provenir d’une SN. Bienque cette signature provienne de la zoneHe/C, on s’attend à ce que les silicates etles oxydes d’origine SN aient de largesexcès de 16O, signatures de 3 zones im-portantes riches en O. Toutefois, à cejour, seulement 2 grains d’oxydes ont ététrouvés qui présentent cette signature, etce mystère n’est pas résolu.

AUTRES Quelques grains présentent des si-

gnatures isotopiques attendues pourdes novae : les SiC avec des rapports12C/13C et 14N/15N faibles et de largesexcès de 30Si (figure 4) et les oxydesavec des excès en 17O bien supérieursà ceux prévus par le premier dragage.Deux sources stellaires ont par ailleursété proposées pour les grains SiC detype AB  : l’une d’elles concerne lesétoiles à carbone de type J, pour les-quels la nucléosynthèse n’est pas biencomprise, bien que l’on y observe lesrapports isotopiques du carbone et del’azote mesurés dans les grains AB. Laseconde source est le groupe desétoiles AGB, que l’on dit « être nées ànouveau  », étoiles où se produit un« pulse » thermique très tardif et dontun des représentants est l’objet de Sa-kurai. Les modèles de telles étoilesprédisent que l’hydrogène de l'enve-

Mars 2015 — L’Astronomie 27vol.129 | 81 | 27

désorption laser ou par pulvérisation ionique.Cette technique a l’avantage d’ioniseruniquement un élément donné à l’exclusion detoute interférence isobarique. Un résultatimportant obtenu par cette technique estl’identification de 99Tc (période de 2,1 105 ans)dans des grains de SiC présolaires. Tc n’a pasd’isotopes stables et sa détection dans lesétoiles a joué un rôle important en confirmantdans les années 1950 la nucléosynthèsestellaire.Une autre technique d’analyse isotopique est lechauffage par laser de grains individuels, suivi despectrométrie de masse gazeuse des gaz raresprésents. Ainsi, He et Ne ont été mesurés surdes carbures de silicium et des graphitesprésolaires, permettant, par exemple, de

déterminer des temps de résidence dans lemilieu interstellaire de grains de SiC par mesuredu 21Ne produit par le rayonnement cosmiquegalactique.En plus de mesures de rapports isotopiques, lescompositions élémentaires et structures desgrains ont été obtenues par différentestechniques, sur lesquelles nous ne nousétendrons pas, puisque ce sont les donnéesisotopiques qui permettent un classement desorigines stellaires possibles pour les grainsprésolaires. On peut citer la microsonde ionique,la microscopie électronique à balayage (MEB) oupar transmission (MET) ou encore l’analyse EDX.La nanosonde Auger apporte des informationschimiques sur les grains déjà identifiés commeprésolaires et la fluorescence X permet de

mesurer les éléments lourds qui sont présents.La morphologie de surface des grains estcaractérisée par MEB et leur structure internepar MET, qui permet aussi la détection de grainspiégés dans le graphite ou le carbure de silicium.On assiste à un essor important de l’utilisationde techniques par faisceaux d’ions focalisés(plus connues sous le nom du sigle anglais FIBpour Focused Ion Beam) pour la préparation delames minces de grains à analyser au MET.Enfin, la diffraction électronique, l’imagerie hauterésolution en microscopie électronique partransmission ou encore la spectroscopie Ramanapportent des informations précieuses sur laminéralogie des grains analysés. �

5. Cartographie isotopique de l’oxygène, obtenue à la nanosims, pour un assemblage de grains d’une météorite primitive (à gauche). Lesrapports isotopiques sont présentés en valeurs δ (déviations données en parties par millier par rapport aux rapports 17o/16o et 18o/16o des océansterrestres). Un grain présente des rapports anormaux pour l’oxygène, avec un excès en 17o et un déficit en 18o par rapport aux valeurs solaires. Lesimages de droite montrent les images pour mgo et si, qui permettent de montrer que le grain anormal est le silicate riche en mg, vu sur lafigure 2f. Figure provenant de la référence par Nguyen et Zinner (2004).

Page 7: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

loppe résiduelle4 est absorbé par lacouche intermédaire d’hélium, richeen carbone, où il va réagir, produisantainsi les faibles rapports 12C/13C desgrains AB. Le 13C et l’hélium produi-sent des densités élevées de neutrons,qui peuvent expliquer les excès de 32Sde quelques grains AB et les largesanomalies en Ca et Ti de quelquesgrains de graphite de haute densité.

Bien que la plupart des données desgrains présolaires soient en accord avecles prédictions théoriques des modèlesstellaires, surtout pour les étoiles AGB, ily a toutefois des désaccords. Ainsi, cer-tains grains SiC de type X et certainsgrains de graphite de faible densité pré-sentent des rapports 26Al/27Al plus élevésque ce qui est prévu par la théorie pourles modèles de SN. Ces derniers prédi-sent des excès importants de 54Fe dans lazone Si/S qui ne sont pas observés dansles grains X ayant de larges excès de 28Si,qui doivent pourtant provenir de cettezone. De même, pour les rapports isoto-piques du Si des grains X (fig. 4)  : lacourbe expérimentale diffère de la droitede pente 1 prédite théoriquement (pas-sant par le point de 28Si pur, pourδ29Si = δ30Si = –1 000)5. Les grains pré-sentent un excès de 29Si trop important.Plusieurs autres exemples existent. Lesdonnées sur les grains peuvent ainsi êtreutilisées pour contraindre les modèlesthéoriques de SN.

CONCLUSION L’étude des grains de poussière stel-

laire au laboratoire est maintenant unenouvelle branche de l’astronomie. Cesgrains fournissent des informations surles rapports isotopiques dans les étoilesque les observations astronomiques nepermettent pas d’obtenir. Sont particu-lièrement intéressants les résultats quine sont pas en accord avec les modèlesen cours et qui ainsi déclenchent lamise en place de nouveaux modèles,des mesures de sections efficaces ou en-core la recherche de nouveaux proces-sus qui n’avaient pas encore étéconsidérés. Ce champ de recherches esten pleine expansion et on attend denouvelles surprises avec le développe-ment des progrès techniques. �

RemerciementsJérôme Aléon, Nicole Mein et FrançoisSpite m'ont aidée dans ce travail de tra-duction. Qu'ils en soient ici remerciés.

NOTES

1 - On appelle « météorites primitives » lesmétéorites pierreuses de type chondrite, quiproviennent de la surface de petits astéroïdes quine se sont pas différenciés depuis leur formationil y a 4,56 milliards d'années, en même tempsque le Système solaire.

2 - La « métallicité » désigne la proportion, enquantité ou en masse, d'atomes plus lourds quel'hélium dans l’étoile.

3 - Les réactions 13C(α,n)16O et 22Ne(α,n)25Mgd’interaction entre le 13C d’une part et le 22Ned’autre part avec l’hélium présent en grandesquantités sont des sources de production deneutrons et d’ions plus lourds (16O pour le 13C et25Mg pour le 22Ne).

4 - L’essentiel de l’enveloppe a déjà été perducomme une nébuleuse planétaire.

5 - La notation delta est utilisée pour exprimerdes petites déviations par rapport aux valeursterrestres. Les déviations notées δ29Si ou δ30Sipour les rapports 29Si/28Si et 30Si/28Si sontdonnées en parties par millier (pour mille), ellesvalent 0 pour la valeur de référence terrestre et –1000 lorsque le réservoir de Si ne contient pasde 29Si ou de 30Si (c.-à-d. 28Si pur).

RéFéRENCES

Quelques références particulièrement importantesont été sélectionnées, celles concernant enparticulier la découverte expérimentaledes  grains présolaires ; l’ensemble des référencessur le sujet peuvent être trouvées dans Zinner,2014.

� AMARI S., LEwIS R. S., and ANDERS E. (1994)« Interstellar grains in meteorites: I. Isolation ofSiC, graphite, and diamond; size distributions ofSiC and graphite. » Geochim. Cosmochim. Acta58, 459-470.

� ANDERS et ZINNER, 1993. « Interstellar grains inprimitive meteorites : diamond, silicon carbideand graphite. » Meteoritics, 28, 490–514.

� ZINNER E., MINg T. and ANDERS E. (1987) Largeisotopic anomalies of Si, C, N and noble gases ininterstellar silicon carbide from the Murraymeteorite, Nature 330, 730–732.

� BERNATOwICZ et al., 1987, « Evidence forinterstellar SiC in the Murray carbonaceaousmeteorite. » Nature, 330, 728–730.

� NgUyEN and ZINNER, 2004. « Discovery ofancient silicate stardust in a meteorite » Science303, 1493–1499.

� ZINNER, 2014 « Presolar grains. » In Treatiseon Geochemistry 2nd edition. Vol. 1.4, (eds. H. D.Holland, K. K. Turekian and A. M. ; vol. ed. Davis),Elsevier Ltd., Oxford, 181–213.

PETIT LEXIQUE

Ne : néon Xe : xénonCa : calcium Al : aluminiumSi : silicium C : carboneTe : tellure N : azoteFe : fer Ni : nickelO : oxygène Mg : magnésiumSr : strontium Ba : bariumNd : néodyme Sm : samariumDy : dysprosium K : potassiumTi : titane Zr : zirconiumMo : molybdène Ru : ruthéniumTc : technetium He : héliumKr : krypton S : soufreH : hydrogène

I. Différents types de grains présolaires trouvés dans les météorites primitivesnature du grain Abondance (en ppm)* taille (μm) source stellaire

Diamant 1400 0,002 sn, système solaire

silicate 200 ≤0,5 rGB, AGB, sn

oxyde 50 0,1-2 rGB, AGB, sne, novae

Carbure de silicium (siC) 30 0,2-50 Voir tableau ii

Graphite 2 1-20 sn, AGB, AGB « née à nouveau »

nitrure de silicium 0,03 <≤1 sn

Carbure de titane (tiC) ~0,001 0,01-0,5 sn, AGB

* Les abondances (en parties par million – ppm) varient avec le type de météorite ; ce sont les valeursmaximales qui sont indiquées ici.

II. Différentes fractions de SiCFraction (en %) origine stellaire

Groupe principal 90 AGB

type AB 4-5 etoiles J ? AGB « nées à nouveau » ?

type X 1 sn

types Y et Z Jusqu’à 6 AGB de faible métallicité

type C 0,1 sn

nova 0,1 novae

28 L’Astronomie – Mars 2015 vol.129 | 81 | 28

ZOOM | GRAINS PRÉSOLAIRES : DES ÉTOILES... AU LABORATOIRE

Page 8: GRAINS PRÉSOLAIRES - Washington University in St. Louispresolar.wustl.edu/Laboratory_for_Space_Sciences/Publications_2015_files/Zinner15.pdftoute analyse individuelle (fig. 2d). Le

Les étoiles AGB sont des géantes rouges en fin d'évolution,elles ont brûlé précédemment leur hydrogène et leur héliumcentral, par fusion nucléaire. Dans la phase intéressante (TP-AGB, pour thermal pulse AGB), les réactions nucléaires seproduisent dans une fine couche entre le noyau de carbone-oxygène et l’enveloppe d'hydrogène. L’hélium s'épuise,l'énergie diminue, la structure change, l’hydrogène del'enveloppe entre en fusion ; il forme de l’hélium, qui entreviolemment en fusion (helium shell flash) et produit uneexpansion (thermal pulse) donc un refroidissement qui arrêtela fusion de l'hydrogène et un nouveau cycle d'alternance(fusion de l'hélium suivie de fusion d'hydrogène)recommence.Dans le diagramme couleur-luminosité, les étoiles AGBévoluent en montant une deuxième fois le long de la branchedes géantes qu'elles ont quittée précédemment (parépuisement de H et He au centre). Cette nouvelle branchen'est pas rigoureusement identique à l'ancienne mais trèsvoisine, d’où le nom Asymptotic Giant Branch, AGB en abrégé.

On distingue différents types d’étoiles AGBLa surface des étoiles AGB peut apparaître riche en carboneou riche en oxygène : les pulsations de ces étoiles amènentdes refroidissements et des expulsions de poussières. Suivantla composition de l'étoile, les atmosphères riches en oxygèneéjecteront des poussières riches en oxydes (on parle alorsd’étoiles AGB riches en oxygène), alors que le type le pluscourant est celui d'AGB riches en carbone (éjectant despoussières riches en carbone).Suivant les détails de formation des éjections, il y auraexpulsion préférentielle d'oxydes (appauvrissement enoxygène) ou de carbures (appauvrissement en carbone) et,dans le deuxième cas, l'étoile apparaîtra riche en oxygène,alors que le type d'AGB le plus courant est le type « AGBriches en carbone ».� Les étoiles AGB, que l’on dit « être nées à nouveau » sontdes AGB en fin de vie. La source d'énergie diminue, ellescommencent leur chute vers le stade de naines blanches, maisil se produit un dernier « pulse » thermique, qui relance lasource d'énergie et ramène l'étoile une dernière fois sur labranche des géantes ; un exemple de ce phénomène est l’objetde Sakurai, une étoile dans la constellation du Sagittairenommée en l’honneur de Yukio Sakurai, un astronome amateurjaponais qui a découvert en 1966 la forte augmentation deluminosité de l’étoile.

Différents phénomènes, par exemple une convectionthermique, peuvent faire monter des couches inférieures versle haut et les couches hautes vers le bas. Un tel dragage(dredge-up) peut par exemple faire monter en surface leséléments formés dans les couches plus profondes.

� Le « processus s », à l’œuvre dans les étoiles, consiste en laformation d'éléments lourds rares à partir d'élémentsabondants plus légers en fournissant des neutrons aux noyauxdes éléments légers. Pour passer d'un élément abondantcomme le fer à un élément très lourd, il faudra un grandnombre de captures successives de neutrons par le noyau del'élément léger. Mais un noyau ne pourra effectuer une nouvellecapture qu'après que ce noyau perturbé aura repris sonéquilibre (par exemple par une émission βS). Une productiond'éléments lourds ne pourra donc se faire que si l'émission deneutrons se produit sur une durée très longue : c'est le caspour les étoiles AGB, l'essentiel de la « production s » deséléments lourds s'y fait pendant les longs « interpulses ».

Les supernovae à effondrement de cœur (SN) – Alors quedans les étoiles de faible masse, la nucléosynthèse dans le noyaus’arrête avec la formation d’un noyau C–O, dans les étoiles massives(plus de 10 masses solaires), des réactions entre particules chargées sepoursuivent dans les différentes couches jusqu’à la synthèse du Nidans le noyau. L’étoile a alors une structure en oignon, avec différentescouches, résultat de différentes étapes de combustion nucléaire à destempératures de plus en plus élevées (fig. 6). Comme la synthèsed'éléments plus lourds que Ni ne fournit pas d'énergie (au contraire !),il n'est plus possible de compenser la pression gravitationnelle par uneaugmentation de la température alimentée par l'énergie nucléaire ; lenoyau ne peut pas résister à la pression gravitationnelle, il s’effondre enune étoile à neutrons d’environ 1 masse solaire, alors que le reste del’étoile est éjecté en une gigantesque explosion, formant unesupernova (SN) avec des éléments lourds formés par violentescollisions en une fraction de seconde (« processus r »).

Les étoiles RGB – Les RGB sont des étoiles de la branche desgéantes rouges : très nombreuses, courantes dans le champ et dansles amas; leur énergie est fournie par la fusion de l'hydrogène enhélium.

On parle de novae quand il y aune brusque augmentation d'éclatd'une étoile binaire comprenant une naine blanche. Le compagnondéverse sur la naine blanche une petite partie de sa matière (hydrogèneet hélium) qui s'accumule en surface et la matière dégénérée de lanaine blanche augmente sa température jusqu'à atteindre latempérature de fusion nucléaire (cycle hot CNO, transformation de Hen He) provoquant une explosion superficielle.

Les étoiles à carbone de type J – Les types J sont des étoilesenrichies en carbone, montrant de fortes bandes des molécules C2 etCN, contenant les isotopes 12C et 13C (forte proportion de 13C). �

6. représentationschématique d’une étoilemassive avant qu’ellen’explose en une supernova àeffondrement de cœur. L’étoile estconstituée de couches concentriquesoù se produisent différentes étapes denucléosynthèse, repérées par les élémentsles plus abondants. sont indiquées les réactions nucléaires les plusimportantes dans quelques zones où des isotopes trouvés dans des grainsprésolaires de sn sont synthétisés.

Rappels sur les étoiles dont il est question dans cet article

Mars 2015 — L’Astronomie 29vol.129 | 81 | 29