franois villon 100 bern u of t

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    FRANOIS VILLON

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    TOUS DROITS DE REPRODUCTION,DE TRADUCTION, d'adAPTATION ET d'eXCUTION

    RSERVS POUR TOUS PAYS.

    COPYRIGHT I918, BY THE LIBRAIRIE LAROUSSE, PARIS

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    i-**^^'-'-''-

    JEUNES GENS ET CLERCS DU TEMPS DE VILLONH1H1.10TI1QUE NATIONALE. MANUSCRIT FKANAI?

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    iF F rang OISVILLON(1431-1463)Sa Vie Son uvre

    Par Jean-Marc BERNARDLaurat de l'Acadmie franaiseMort pour la France

    CINQ_ GRAVURESDONT UNE HORS TEXTE

    Bibliothque Laroussei^-ijy rue Montparnasse PARIS

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    legrantttflattientbiHon/etlc pctfton coDicillcJe targon i fee balaDee

    TITRE DE L'iDllON ORIGINALE DES POEIKS DE VllJXWrUBLIE A PARIS, PAR PIERRE LEVKI , EN I489

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    Mr-f.^-

    Tttr-*^.r'

    FRANOIS VILLON (.14J1-146J)

    ALORS qu'en attendant ie courant rnovateur de la Re-naissance, la posie franaise s'puisait entre les mainsdes derniers rhtoriqueurs, habiles mais vains orfvres

    de rythmes et de rimes, un colier de l'Universit de Paris, dansle silence de sa chambre ou le tumulte des tavernes, improvisait,au gr de sa fantaisie, des pomes cyniques, tendres et doulou-reux. Certes il ne s'imaginait pas que les vers ainsi composs etbientt aprs oublis par lui, allaient, rpts de bouche enbouche d'abord, puis calligraphis avec respect par des copistes,devenir l'objet d'un culte pieux pour une longue suite de dvotset de potes. En efEet, ses peines et ses joies, c'tait pour sapropre satisfaction qu'il se plaisait les fixer ainsi en strophesbien cadences et rimes; il n'avait point la prtention d'int-resser les lettrs de son temps; il se contentait de noter, en quel-ques mots, de menus incidents quotidiens et de dessiner, grands traits, des silhouettes familires. Aussi devons- nousaujourd'hui, pour goter plus compltement la saveur de sesuvres, connaitre tout d'abord le plus compltement possibleles dtails de sa vie.Avant d'tre pote, Villon fut un homme; il fut pote dansla mesure mme o il fut homme. Chez lui l'crivain et l'colierne se peuvent sparer. Vouloir tudier l'un indpendamment de

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    6 FRANOIS VILLONl'autre, quelle absurdit Analyser l'uvre sans approfondirla biographie, c'est volontairement se rsigner ne point com-prendre la moiti des pomes. De mme ne s'attacher qu' laseule biographie, c'est invitablement se condamner mettreFranois Villon au niveau d'un vulgaire malandrin. Au contraire,comme il grandit nos yeux, ce vagabond, ce coureur de grandschemins, quand nous le voyons se pencher sur son cur et, dehonte, tordre ses poings douloureux Comme il nous pas-sionne ce dhcat pote qui se lamente sur la mort des belles filles,lorsque nous apprenons qi 'il fut pipeur, larron, crocheteur, sacri-lge et meurtrier 1Aussi nous bornerons-nous ici conter minutieusement la vie

    de l'crivain, en transcrivant les fragments les plus beaux et lesplus significatifs de son uvre, au fur et mesure des dates oils ont t composs. En plaant de la sorte, dans leur ordrechronologique, vnements et pomes, nous esprons pouvoirprsenter aux lecteurs la physionomie relle de matre Fran-ois Villon.

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    SA JEUNESSEET SON ADOLESCENCE (14J1-1435)FRANOIS de Moutcorbier, dit de Villon, est n Parisl'an 1431. De trs bonne heure il perdit son pre et fut

    recueilli par Guillaume de Villon, chapelain de l'gliseSaint-Benoit le Btourn. Ce religieux, g de prs de quarante.ms, possdait, au clotre mme, plusieurs maisons. C'est l quegiandit le pote. (Sa mre habitait dans le quartier des Cles-tins.) Aprs avoir pris quelques leons avec le bon chapelain,Villon dut obtenir une bourse et entra l'Universit.Bien qu'il ait t trop jeune pour en souffrir lui-mme, il nemanqua pas de subir les malheureuses consquences des trou-

    bles profonds au milieu desquels Paris venait de se dbattre.Jusqu'en 1436 l'Anglais rgnait dans la capitale, et son arro-gance de vainqueur indignait les Parisiens. Puis, l'envahisseurloign, c'taient les continuelles discordes, les incessantes que-relles et bagarres entre Armagnacs et Bourguignons. Aprsl'tranger et la guerre civile, voici, en 1438, l'atroce faminependant laquelle toute nuit et tout jour criaient petits enfantset femmes et hommes : Je meurs I hlas doux Dieu, je meurs defaim et de froid M et les loups eux-mmes d'entrer dans la citl Ils taient si enrags de manger chair d'hommes, de femmeset d'enfants que, en la dernire semaine de septembre, trangl-rent et mangrent quatorze personnes que grandes que petites,entre la porte Montmartre et la porte Saint-Antoine *, Avec les

    I et 2. Journal d'un Bourgeois $ Paris sous Charles VII.

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    s FRANOIS VILLONloups et derrire eux surgissent de temps autre, jusqu'en 14+4,les bandes des corcheurs 1

    Villon avait treize ans et depuis peu il tudiait, lorsque desdiffrends s'levrent entre l'Universit et le pouvoir royal. Pen-dant environ six mois tous les cours furent suspendus. Profi-tant de ces vacances obliges, Franois Villon se rendit peut-tre chez un de ses oncles, ecclsiastique Angers. De cette villeil dut aller assister, en 1446, au fameux tournoi de Saumur,organis par Ren, roi de Sicile. Il y connut sans doute Robertd'Estouteville, prvt de Paris, qui dans cette joute conquit l'peson pciise Ambroise de Lor. Pour louer le prvt, Villoncomposa, plus tard, une ballade fort mdiocre et assez plate.Grce son pre adoptif, Guillaume de Villon, l'colier pntra

    dans divers milieux bourgeois et religieux : il connut MichaultCuldou, prvt de la grande confrrie des bourgeois de Paris ;Andry Couraud, procureur du roi de Sicile ; Nicolas de Lou-viers, receveur des aides de la ville ; Saint-Amand, clerc dutrsor; les chanoines Guillaume Cotin, Thibault de Vitry... ettant d'autres Grce au prvt Robert d'Estouteville, il put faireune premire connaissance toute amicale celle-l avecles gens de justice, de robe et d'armes. C'tait le bon et beautmps : celui du travail; en 1449, c'est--dire dix-huit ans,il tait bachelier. De cette poque date probablement la Bal-lade de Bon Conseil, qui sent l'cole et le sermon.

    HOMMES failliz, despourveuz de raison,Desnaturez et hors de congnoissance,Desmis de sens, comblez de desraison;Fols abusez, plains de descongnoissance.Qui procurez contre vostre naissance.Vous soubzmettant dtestable mortPar laschet, las que ne vous remortL'orriblet qui honte vous maine?Voyez comment maint jeune homs en est mortPar offencer et prendre autruy demaine

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    I. Cause des remords. 3. Domaine.

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    SA JEUNESSE - 9Chascun en soy voye sa mesprison '

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    Ne nous vengeons, prenons en pacience ;Nous congnoissons que ce monde est prison.Aux vertueux franchis d'impacienceBatre, rouiller-, pour ce n'est pas science,Tolir3, ravir, piller, meurtrir tort.De Dieu ne chault, de vrit se tortQui en telz faiz sa jeunesse demaine,Dont la fin ses poingz doloreux tort,Par ofencer et prendre autruy demaine.Que vault piper s , flater en trahyson,Quesfcer^ , mentir, affermer sans fiance 7

    ,

    Farcer, tromper, artifier^ poyson,Vivre en pechi, dormir en deffianceDe son prochain, sans avoir confiance ?Pour ce conclus : de bien faisons effort.Reprenons cuer, ayons en Dieu confort.Nous n'avons jour certain en la sepraaino ;De nos maulx ont noz parens le ressortPar offencer et prendre autruy demaine.

    Envoi.'Z otons ces pointz ; ne laissons le vray portPar ofencer et prendre autruy demaine.

    I. Erreur. 2. Frapper. 3. Enlever. 4. Se dtowrne. 5. Voterau jeu. 6. Mendier. 7. Foi. 8u Fabriquer. ^ De ramener.rappeler (?) [Longnon]. 10. Attitude, ici probablement : mtier.

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    10 - FRANOIS VILLONA ces nobles prceptes, le jeune tudiant ne devait pas long-

    temps conformer sa vie. Une seconde fois des troubles se pro-duisirent dans l'Universit, et pendant trois ans le dsordrergna sur la montagne Sainte-Genevive.Un soir d'automne de l'anne 1451, les coliers descendirent Saint-Jean en Grve pour draciner la borne du Pet-au-Diable,qui faisait depuis plus de cent ans l'ornement de l'htel demademoiselle de Bruyres. En grande pompe et grand bruit,ils la transportrent au mont Saint-Hilaire. Sur l'ordre du Par-lement et par les soins des gens d'armes du lieutenant-criminelJehan Bezon, la pierre fut reprise et place dans la cour mmedu Palais. Mais, ttus, les coliers dvalrent de nouveau ]a mon-tagne pour reprendre leur conqute et, cette fois, la scellrent l'emplacement qu'ils lui avaient choisi et, triomphalement, lacouronnrent d'ung chapeau de romarin . Ce n'tait pas sanstroubles violents que ces sorties nocturnes avaient lieu. Lafolle bande des suppts de l'Universit parcourait les rues,dcrochant les enseignes et hurlant, pleins poumons : Tuez Tuez A Sainte-Genevive on enlevait les crochets aux tauxdes bouchers ; Saint-Germain des Prs on volait des poules Et, une nuit, Vanves, les tudiants s'emparrent par forced'une jeune femme, qu'en charrette ils firent entrer dans Paris.Ce fut le temps des repues franches La renomme de Fran-

    ois Villon s'tendit bien au del des coles :C'estoit la mre nourricireDe ceux qui n'avoient point d'argent ;A tromper devant et derrire,Estoit ung homme diligent '

    .

    Comme on se les contait avec admiration, ses joyeuses fripon-neries I On les prisait certes davantage que ses ballades et ron-deaux. Personne n'ignorait la manire dont il avait eu le poisson la poissonnerie, des tripes chez la tripire du Petit-Pont, dupain chez le boulanger, du vin de Beaune la Pomme de Pin

    I. La Repeue de Villon et de ses compaignons (Recueil des Repuesfranches).

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    SA JEUNESSE Het des volailles chez le rtisseur De ses uvres potiques,seules les fantaisies taient connues et clbres. A la Ballade desDames du temps jadis les coliers prfraient le rondel sur leurcamarade Jenin l'Avenu :

    JENIN l'Avenu,Va-t-en aux estuvesEt toy l venu,Jenin l'Avenu,Si te lave nudEt te baigne es cuves,Jenin l'Avenu

    Tours d'cole et repues franches, certes 1 Mais ces innocenteset plaisantes piperies conduisent lentement au gibet de Mont-faucon. On peut pardonner les larcins de volailles, le soir, aurevers des fosss, avec l'aide de Jean le Loup, voiturier pareau, et du tonnelier Casin Cholet. Canards drobs ne sont pascrimes ; seulement le proverbe est ancien : t Qui vole u^ ufvole un buf Ces expditions nocturnes, il les faisait peut-tre en compagnie

    de camarades honorables, comme les frres Jacques et JehanRaguier, Franois et Jehan Perdrier, ou d'autres. Mais euxse mlaient des fillettes, oh I la joyeuse bande aux nomsvulgaires et sonores : Jehanneton de Minires, l'amie d'un richeclergeon du Parlement; Jacqueline; la gente Perrette; la belleJehanne; Isabeau, qui ne jurait qn'Enn/; Marion la Dentue,dite l'Idole; Marion la Peautarde; Bitrix; Bellet et la grand'Jehanne de Bretagne I et ces fillettes toujours amenaientavec elles de gais lurons, coliers aussi, mais malandrins av-rs : Guy Tabary, partout qualifi de larron et crocheteur;Colin de Cayeux, fils d'un serrurier du quartier Saint-Benott,dj deux fois emprisonn pour vol et deux fois remis par leprvt entre les mains de l'vque de Paris; enfin Rgnier deMontigny, issu d'une des plus nobles familles de Bourges, mais

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    n FRANOIS VILLONirrmdiablement tomb in profundmn malorum. C'est avecces trois derniers coliers, qui faisaient partie d'une orga-Hisation de voleurs, la Coquille, que Franois Villon se mit frquenter, au clotre Notre-Dame, la taverne de la grosseMargot. Ce bouge semble avoir t le lieu de rendez-vousdes coquillards, la maihe, comme ils disaient en leur jargon-jobelin.Aux premiers jours de l't de cette anne 1452, Villon avaitt nomm maistre es arts. Il crut pouvoir se reposer quelquepeu, quitte se mettre ensuite srieusement au travail, pourregagner le temps perdu. D'ailleurs, comme nous l'avons vu,l'Universit tait dsorganise et les coliers discouraient plusdans les tavernes et sur les places que dans les cours du procu-rateur Jehan de Conflans. Seulement ne rien faire, les deniersne s'amassaient point en poche Le bon Guillaume de Villonn'tait gure riche, ni la triste mre du pote. Matre Franoisemprunta donc de petites sommes chacun de ses amis, rendant l'un ce qu'il demandait l'autre. A la taverne de la grosseMargot, il avait compte ouvert, buvait crdit et ne rglait quelorsqu'il se trouvait avoir argent. Souvent, pour payer son cot,il laissa, dans d'autres bouges, sa longue dague d'acier, voire sesbraies Bientt il passa ses journes, puis ses nuits, la tavernedu clotre Notre-Dame, devint sans doute l'amant de la pa-tronne et, insensiblement, patron lui-mme du cabaret. Ilapprit, de ses amis les coquillards, manier les ds plombs et tricher aux cartes. Sans cesse, alors, il se trouva en procs,p>our piperies, fraudes et diffamations; mais deux de ses amis,l'avocat Fournier et Jehan Cotart, procureur en cour d'glise,le tirrent de ces mauvais pas. Lentement Franois Villons'engageait dans la route o dj, devant lui, trottaient les gensde la Coquille. L'insouciance l'avait d'abord entran, puis lacuriosit, surtout la paresse.Quant aux coliers, ils continuaient troubler le quartier. En

    eet, lasse d'attendre de la prvt la restitution du Pet-au-Diable, mademoiselle de Bruyres venait de faire placer unenouvelle borne au coin de son htel. Cette pierre n'y demeuragure. Les tudiants l'arrachrent, comme l'autre, la cimen-trent au mont Sainte - Genevive et, aprs l'avoir baptise

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    SA JEUNESSE - 13la Vss, toutes les nuits, ils firent autour d'elle danses ileutes et bedons i .Une nuit mme ils rsolurent de parcourir la ville pjour dcro-cher les enseignes et les marier ensemble. On enleva l'Ours,la PapegauH, le Serf et la Truie qui file.' Cette fois la prvtse mit en mouvement. Le 9 mai 1453, Robert d'Estouteville etses sergents occuprent la montagne Sainte-Genevive, arr-trent quarante coliers que l'on enferma immdiatement auChtelet. Dans l'aprs-midi du mme jour, le recteur de l'Uni-versit, suivi de huit cents tudiants, se rendit auprs du prvtpour se faire remettre les prisonniers ; mais au retour l'immensecortge fut attaqu par les archers qui turent un colier et enblessrent un grand nombre. L'Universit alors ferma ses porteset suspendit ses cours jusqu'en fvrier 1454, poque laquelleelle obtint satisfaction.

    Villon retourna probablement au clotre Saint-Benot prsde sa mre et de son pre adoptif. La taverne de la grosse Mar-got venait d'tre ferme, Rgnier de Montigny ayant, unenuit d'aot 1452, ross, la porte du bouge, deux sergents duguet. Le coquillard, condamn pour ce fait au bannissement,s'tait aussitt dirig vers la Normandie. Ses camarades, main-tenant que leur lieu de rendez-vous avait t vent, s'em-pressrent de dguerpir et allrent s'installer, Dijon, dans lamaison des Fillettes, tenue par un certain Jacquot de la Mer.Matre Franois, durant la suspension des cours de l'Univer-

    sit, afin de gagner quelque argent, dut, suivant Marcel Schwob,excuter quelques copies pour des clercs du trsor. Entre tempsil dictait Guy Tabary le Roman du Pet-an-Diable , sorted'pope burlesque que l'on n'a pu retrouver. On fixe gnrale-ment cette poque les leons et les conseils qu'il nous dit avoirdonns si paternellement trois pauvres petits orphelins. Hlas il ne faut voir l rien qu'une plaisanterie; car on a dcouvert,aujourd'hui, que ces trois orphelins , Colin Laurens, Girard'Gossoyn et Jehan Marceau, taient, tout simplement, troisvieux usuriers de Paris N'importe, Franois Villon maintenantspar de ses funestes camarades pouvait reprendre l'honnte

    . Danses fltes et bedons. Le bedon est un petit tambovnrin.

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    i'i - FRANOIS VILLONet bon chemin d'autrefois. Malheureusement un vnement ter-rible en allait dcider de toute autre faon et pour jamais aucontraire le pousser dans la voie criminelle.Le 5 juin 1455, jour de la Fte-Dieu, aprs avoir soupe, vers

    les neuf heures du soir, matre Franois vient s'installer sur unbanc, plac sous le cadran de l'horloge Saint-Benot, en lagrand'rue Saint- Jacques. Avec lui se trouvaient une femme,nbmme Isabeau, et un prtre du nom de Gilles. Passe alorsun autre prtre, Philippe Sermoise, accompagn de Jehan leMerdi. Par bravade sans doute, ayant eu quelque sujet dequerelle autrefois avec ce religieux, Villon se lve et inviteles deux passants s'asseoir prs de lui. Philippe Sermoises'crie avec colre : Matre Franois, je vous retrouve; croyezbien que je m'en vais vous corriger Goguenard, le pote luirpond : Matre Philippe, de quoi vous fchez-vous ? Vousai-je fait tort ? Que me voulez-vous ? Je ne crois pas vous avoiroffens Sans un mot, Sermoise se rapproche de lui, tire unedague, d'un coup lui fend la lvre infrieure. Comme unevole de moineaux, les tmoins du drame disparaissent dans lesruelles proches, tandis que le bless chancelle, tourdi par labrusquerie de l'assaut. Mais Villon se ressaisit bientt; se dbar-rassant alors du petit manteau qu'il avait revtu cause du serein , le voil qui tire son tour sa dague et la plante pro-fondment dans l'aine de son adversaire. Jehan le Merdi, qui, deloin, avait observ la bagarre, se prcipite au secours de sonami; tous deux se mettent la poursuite du pote qui s'en-fuyait. Affol, Villon se baisse, empoigne un pav et le lance la face de Philippe Sermoise, qui s'abat comme une masse...En hte matre Franois se rendit chez le barbier i Fouquetpour faire visiter sa blessure; comme le chirurgien lui deman-dait son nom, il dclara se nommer Michel Mouton. Une foispans, il s'loigna rapidement de Paris, peu soucieux d'attendrel'enqute du Chtelet.Pendant ce temps, Philippe Sermoise tait amen l'htel de

    la prison Saint-Benot, et l, comme on l'interrogeait sur sonI. Les barbiers taient alors chirurgiens. Le Figaro de Beaumarchais

    remplit aussi ces deux emplois.

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    SA JEUNESSE 15meurtrier, il supplia la prvt de ne point poursuivre Villon,ajoutant qu'il lui pardonnait pour certaines causes qui ce lemouvaient . Transport, quelques jours aprs, l'Htel-Dieu,le prtre y trpassait.

    Certes la dclaration du mourant dut aider normment Guil-laume de Villon et ses amis dans leurs dmarches' auprs dupouvoir royal pour obtenir la grce du coupable. En effet, dsjanvier 1456, des lettres de rmission furent accordes, et l'onse mit la recherche du pote pour l'inviter rentrer dansParis. Mais Franois Villon, comme s'il avait eu ses troussestoute la marchausse de Robert d'Estouteville, depuis long-temps avait gagn la plaine.

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    r . . . I . ' ' ' ' ^-rr^

    SON EXIL (1433-1437)

    IL n'alla pas loin hors des portes de Paris. On peut supposerque sa blessure, sommairement panse par Fouquet, s'tantrouverte, la souffrance l'empcha de poursuivre sa route;car il s'arrta une semaine entire Bourg-la-Reine, chez Per-ret Girard, barbier jur. Il s'y rtablit promptement grce aux_soins du chirurgien... et ceux de l'abbesse de Port-Royal Cen'tait pas une abbesse ordinaire que cette Huguette du Hamclqui alloitaux testes et nopc?s et se dgoisoit avec les galans L'abbesse et l'colier firent bombance et, au bout de huit jours,s'chapprent de chez le barbier, en oubliant seulement derglej-ce qu'ils lui devaient.Franois Villon, cette poque, tait petit, hl, sec et

    maigre, sec et noir comme couvillon . A part sa blessure,maintenant ferme, il se sentait vigoureux et bien portant.Seule sa bourse se trouvait dgarnie ; aussi ne dut-il pas hsiterlongtemps sur le parti prendre. Il se souvint fort propos queses amis de la Coquille avaient lu domicile en la bonne villede Dijon, et simplement il se mit en chemin ^

    .

    Depuis 1453, en effet, nous l'avons vu, la suite de la ferme-ture de leur malhe Paris, les coquillards taient venus s'ins-taller Dijon dans la maison des Fillettes. Le tenancier de cebouge se trouvait tre en mme temps sergent la mairie LaCoquille alors formait une vritable corporation, admirablement

    I. M. Marcel Schwob suppose en effet que Villon dut se rendre Dijon.Selon M. Pierre Champion, le pote ne quitta pas les environs de Paris. Il estcertain qu'aucun document n'est venu confirmer ce voyage, pourtant assezvraisemblable.

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    SON EXIL - Morganise et dirige par Colin de Cayeux, duc de la Coquille i

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    Ces compagnons vagabonds et oisifs troublaient la paisible ville ;on les voyait fainanter par les mes ou, dans les tavernes,dpenser leur argent au jeu. Quand les uns ou les autres n'avaientplus un sou, ils disparaissaient de Dijon pendant un mois ou sixsemaines, puis revenaient alors, frusques de neuf, chevauchantjument ou mule et faisant tinter cus en paume Entre eux,pour se comprendre, ils parlaient un certain jargon-jobelin danslequel Villon a crit six ballades. Chaque coquillard avait saspcialit : il y avait des crocheteurs, des faux monnayeurs, despipeurs aux ds ou aux cartes, et des larrons. La bonne ville deDijon, toute la nuit, retentissait d'appels au meurtre ou t auvoleur et, le jour durant, s'emplissait du bruit des querelles descoquillards ivres et colres.Le maire de Dijon se dcida svir. En novembre 1455 lacompagnie fut disperse ; plusieurs voleurs furent arrts, jugs

    et condamns, les uns la corde, les autres la roue; certainemme furent chauds.Franois Villon n'arriva donc Dijon que pour assister ladsorganisation phmre d'ailleurs de la Coquille .

    Avec quelques fuyards il gagna probablement les villes de Dleet de Salins, dans le Jura. Las de courir ainsi l'aventure, ris-quant le gibet chacun de ses gestes, il se dcida bientt reprendre le chemin de Paris ; il se disait, avec raison, que lebon Guillaume, sa mre et ses amis avaient d intercder pourlui auprs de l'ofiicialit. Il ne se trompait pas : des lettres dermission avaient t accordes ; aussi Villon retrouva-t-il avecplaisir sa grand'rue Saint-Jacques et son cher quartier Saint-Benot. Les premiers mois de cette anne 1456, il les passa dansle plus grand calme ; Rgnier de Montigny, toujours exil, com-mettait des vols en Normandie ; Colin de Cayeux, lui, venaitd'tre arrt par le guet du Chtelet. Quant au voiturier Jehanle Loup, condamn l'amende pour fraudes et piperies, il setenait tranquille en sa maison. Villon ne rencontrait plus, parmiles rues, que Guy Tabary et Casin Cholet.Mais si la paresse, une premire fois, avait ainsi dvoy leI. Suivant M. Pierre d'Alheim.

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    18 FRANOIS VILLONpote, l'amour maintenant allait lui faire oublier les bonnesrsolutions qu'il pouvait avoir prises. L'histoire de cette passionest assez obscure ; nul document de l'poque ne nous renseigne ce sujet. Villon lui-mme dans ses uvres ne se permet quede discrtes allusions. Toujours est-il que sa matresse, Cathe-rine de Vausselles (?), aprs l'avoir encourag, puis bafou, le fitvertement fustiger, devant un certain Nol Jolis ; si bien que lepote s'entendit partout surnommer l'amant remys et regny Cette grotesque aventure lui fut certes plus douloureuse mora-lement que physiquement ; car cinq ans encore aprs sa correc-tion il ne pourra songer sans angoisse celle qu'il souloit tantameri. Sur le moment il se dcida quitter Paris, ne voulantpas devenir la rise de la ville ; mais l'argent lui manquait, etil ne savait uvrer de ses dix doigts.En compagnie de Tabary et de quelques nouveaux camaradesil avait bien cherch dvaliser l'glise Saint-Mathurin, mais les chiens les'avoient accusez, et il dut s'enfuir. Ridiculementalors, Guy Tabary, la suite d'une querelle avec Cholet, s'taitfait prendre et mettre en la prison piscopale. Matre Franoisn'avait plus comme compagnons qu'un orfvre nomm Thibault,fabricant de crochets et receleur, et matre Jehan, un petithomme bien habile, de 28 30 ans, vtu de court et barbenoire. Heureusement pour les coquillards dsempars que, fraiset dispos, rose et engraiss. Colin de Cayeux s'vadait de prison.Avec eux il prpara un vol des plus audacieux. Il s'agissait dedbourser, en plein jour, un religieux augustin, frre GuillaumeCoifier, riche de cinq six cents cus 2 . Un matin donc, Fran-ois Villon, assez honorablement connu parmi les ecclsiastiquesgrce au bon chapelain, alla trouver le religieux dans sa maisonet le pria de bien vouloir clbrer et dire une messe son inten-tion en l'glise Saint-Mathurin. A peine frre Coifier eut-ilquitt sa chambre pour l'accompagner que les coquillards, auxaguets, crochetrent sa porte, prirent un petit coffret contenantles cus et s'emparrent de la vaisselle d'argent. Immdiatementl'orfvre Thibault se rendit la prison piscopale o,moyennant

    I. Qu'il avait coutume de tant aimer. a. L'cu d'or valait cette po-que de 50 52 francs.

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    SOa\ exil - 19huit cus, il obtint du gelier la libert de Guy Tabary; puis ilse hta, rentr chez lui, de fondre les pices d'or et la vaisselled'argent, afin de faire disparatre toutes traces du vol ^

    .

    A quelque temps de l, probablement le jour de Nol, matreFranois et Colin de Cayeux ordonnrent Tabary de leur faireprparer un bon repas, pour le soir, la taverne de la Mule,situe juste en face de l'glise Saint-Mathurin, rue Saint-Jacques.Jusqu' neuf heures, Villon, Colin, Tabary, Petit -Thibault,Petit-Jehan et un religieux picard, dom Nicolas, festoyrentbruyamment. Puis, quand le salut sonna l'horloge de la Sor-bonne, tous les six, ils quittrent la taverne, et, rasant les mu-railles, s'approchrent de la demeure de matre Robert de Saint-Simon, dont ils franchirent le mur. Se dbarrassant alors deleurs gippons*, qui pouvaient gner leurs mouvements, lescoquillards prirent Tabary de faire le guet et de garder leursnippes, cependant qu'ils allaient, eux cinq, pntrer dans lecollge de Navarre. Il tait dix heures du soir; Tabary attenditses compagnons jusqu' minuit. L'argent se trouvait au fondde plusieurs coffres qu'il avait fallu crocheter l'un aprs l'autre.Colin remit Guy dix cus sur les cent qu'il disait avoir em-ports. En ralit chacun des autres camarades avait eu centcus d'or pour sa part.

    Villon, trouvant facile et plaisante cette faon de s'enrichirsans trop peiner, se souvint alors de son oncle, l'ecclsiastiqued'Angers. Cet oncle avait, comme confrre, certain moine, richeau moins de six cents cus. Matre Franois s'engagea tudierle terrain et promit aux coquillards de leur faire signe quand letemps de a vendanger > serait venu. Sa combinaison soudainelui souriait; elle prsentait d'ailleurs un triple avantage : ilprfrait se trouver loin de Paris le jour o serait dcouvert levol du collge de Navarre; en mme temps il prparait Angers une excellente affaire ; enfin il s'loignait ainsi desa matresse 1 A la rflexion, il voulut mme se persuaderqu'il ne quittait Paris qu' cause de ses amours malheureuses.

    I. Le document relatif ce vol ne nomme pas Franois Villon. Mais cen'est pas sans vraisemblance que nous pouvons attribuer au pote le rleque nous lui faisons jouer ici. 2. Gippon : vtement de dessus, sorte detunique sans manches (Longnon).

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    :0 FRANOIS VILLONSi bien qu'un soir, avant de dlaisser le vieux quartier Saint-Benot, tranquillement install dans sa petite chambre, les piedsaux tisons, la bougie allume, il composa cTun seul jet un amu-sant adieu sa matresse et ses amis. Certes ces strophes vives,bien construites, mais trop pleines d'allusions familires etpersonnelles, ne dpassaient pas la moyenne des bons pomesde l'poque. Difficilement dans ces Legs, presque aussitt bap-tiss le Petit Testament, on aurait pu trouver les germes d'untalent suprieur. D'ailleurs matre Franois ne songeait pas laisser son nom la postrit, il ne voyait l qu'une manirespirituelle d'abandonner Paris i

    .

    Le Petit TestamentI (I)

    L'AN quatre cens cinquante six,Je, Franoys Villon, escoUier,Considrant, de sens rassis,Le frain aux dens, franc au collier,Qu'on doit ses uvres conseiller *,Comme Vegece le raconte.Sage rommain, grant conseiller.Ou autrement on se mesconte.

    2 (II)En ce temps que j'ay dit devant,Sur le Nol, morte saison,Que les loups se vivent de vent.Et qu'on se tient en sa maison,

    I. Nous ne citons seulement que quelques extraits de cette uvre dejeunesse. Tous les legs d'ailleurs sont composs sur un patron identique.Presque toutes les plaisanteries demanderaient un commentaire assez long,et il serait ncessaire de donner la biographie des lgataires. Pour le texte,nous suivons presque toujours celui qui a t tabli par Auguste Longnonet publi chez Lemerre en 1892. 2. Conduire ses affaires.

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    SON EXIL - 21Pour le frimas, prs du tison :Me vint ung vouloir de brisierLa trs amoureuse prisonQui souloit mon cuer debrisier '

    .

    3 (ni)Je le feis en telle faon,Voyant Celle devant mes yeulxConsentant ma desfaon ^Sans ce que ja^ luy en fust mieulx ;Dont je me deuil et plains aux cieulx,En requrant d'elle vengenceA tous les dieux venerieux+,Et du grief d'amours allegence.

    4 (IV)Et se j'ay prins en ma faveur,Ces doulx regards et beaux semblansDe trs dcevante saveur,Me trespersans jusques aux flans,Bien ilz ont vers moy les piez blansEt me faillent au grant besoing 5

    .

    Planter me fault autres complans ^Et frapper en ung autre coing.

    5 (V)Le regart de Celle m'a prins.Qui m'a est flonne et dure ;Sans ce qu'en riens aye mesprins,Veult et ordonne que j'endure

    I. Briser. 2. Destruction, mort. 3. Ja, maintenant. Suivi d'unengation, ja a le sens de jamais (A. Longnon). 4. D'amour, qui a rapport Vnus. 5. Expression proverbiale, drive de ce qu'un cheval avecquatre balzanes blanches ne payait pas de droits de page (M. Schwob). 6. Complaintes ou plants.

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    22 FRANOIS VILLONLa mort, et que plus je ne dure.Si n'y voy secours que fouir ^

    .

    Rompre veult la vive souldureSans mes piteux regretz or

    6 (VI)Pour obvier ces dangiers,Mon mieulx est, ce croy, de partir.Adieu Je m'en vois Angiers,Puisqu'eir ne me veult impartir*Sa grce, ne me dpartir 3

    .

    Par elle meurs, les membres sains ;Au fort, je suis amant martir,Du nombre des amoureux saints 7 (VII)

    Combien que le dpart me soitDur, si fault-il que je l'eslongne.Comme mon povre sens conoit.Autre que moy est en quelongne

    ,

    Dont oncques soret de BoulongnesNe fut plus altr d'umeur.C'est pour moy piteuse besongne :Dieu en veuille or ma clameur

    8 (VIII)Et puisque dpartir me fault,Et du retour ne suis certain :Je ne suis homme sans default,Ne qu'autre d'assier ne d'estain ;

    I. Fuir. 2. Accorder. 3. Donner une part. 4. Expression prover-biale; tre en quenouille veut dire : tre en faveur. 5. Hareng saur deBoulogne-sur-Mer (A. Longnon).

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    SON EXIL 23Vivre aux humains est incertain,Et aprs mort n'y a relaiz :Je m'en vois en pays loingtain;Si establis ces prsent laiz '

    .

    9{IX)Premirement, ou nom du Pre,Du Filz et du Saint Esperit,Et de sa glorieuse MrePar qui grce riens ne prit,Je laisse, de par Dieu mon bruit *A maistre Guillaume Villon,Qui en l'onneur de son nom bruit,Mes tentes et mon pavillon.

    10 (X)Item, celle que j'ay dit.Qui si durement m'a chass.Que je suis de joye interditEt de tout plaisir dechass,Je laisse mon cuer enchss,Palle, piteux, mort et transy :Elle m'a ce mal pourchass,Mais Dieu luy en face mercy

    II (XVI)Item, laisse et donne en pur donMes gans et ma hucque de soyeA mon amy Jaquet Cardon ;Le gian aussi d'une saulsoye 3

    ,

    I. Legs. 2. Renomme. 3. Lieu o croissent des saules. Le gland ,c'est--dire la glcinde d'une saulsoye 1, est donc bel et bien un mythf(A. Longnon).

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    24 FRANOIS VILLONEt tous les jours une grasse 03^6Et ung chappon de haulte gresse,Dix muys de vin blanc comme croye.Et deux procs, que trop n'engresse.

    12 (XXX)Item, je laisse aux hospitauxMes chassiz tissuz d'arigne ;Et aux gisans soubs les estaux^,Chascun sur l'euil une grongne ^

    ,

    Trembler chiere renfrongne,Mesgres, veluz et morfonduz ;Chausses courtes, robe rongne,Gelez, murdriz et enfonduz.

    13 (XXXV)Finablement, en escripvant,Ce soir, seulet, estant en bonnes,Dictant ces laiz et descripvant,J'os la cloche de Sorbonne,Qui tousjours neuf heures sonneLe Salut que l'Ange prdit;Si suspendis et mis cy bonne ^

    ,

    Pour prier comme le cuer dit.14 (XXXIX)

    Puis que mon sens fut reposEt l'entendement demesl,Je cuid finer s mon propos ;Mais mon ancre s'estoit gel,

    S

    I. Etalages. 2. Coup de poing sur le groin . 3. En verve. 4. Borne. 5. Finir.

    j

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    SON EXIL 23Et mon cierge trouv souffl.De feu je n'eusse peu finer '

    .

    Si m'endormis, tout enmouffl,Et ne peuz autrement finer.

    15 (XL)Fait au temps de ladite datePar le bien renomm Villon,Qui ne mengue figue ne date.Sec et noir comme escouvillon ' ;Il n'a tente ni pavillonQu'il n'ait laiss ses amis,Et n'a mais qu'ung peu de billonQui sera tantost fin mis 3

    .

    I. Trouver. 2. couvillon, balai de four dont se servent les boulangers.- 3. Qui sera bientt dpens.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS(14^7-1461)

    BIEN qu' Angers de nombreux vols aient t commisvers cette poque, il serait tmraire de les vouloir attri-buer au pote ou ses amis les coquillards, car F.anois

    Villon ne sjourna gure auprs de son oncle. Avec l'argentqui lui restait, il acheta de la mercerie i et, remontant versRennes, il se mit la crier par les hameaux et par les bourgs 2

    .

    Se corrigeait-il enfin ? Hlas non Il se dirigeait vers Rennes,esprant rencontrer sur les marches de Bretagne ou de Norman-die quelques dbris de la Coquille. En effet, cette mme anne,Rgnier de Montigny et Colin de Cayeux se trouvrent dansles prisons de l'archevch de Rouen, tous deux accuss de volssacrilges. Colin, lui, s'chappa en crochetant les portes de saprison: mais Rgnier fut condamn mort, puis pendu.

    Franois Villon, sans doute prvenu, jugea pnident de des-cendre vers le Poitou. Il passa Saint-Julien-des-Vouventes,puis Ancenis probablement; il demeura quelques jours Saint-Gnroux, prs Parthenay. C'est l qu'il fit la connaissancede deux gentes dames poitevines dont il garda longtempsl'aimable souvenir. Enfin de Saint-Maixent il remonta versTours, longea les rives de la Loi.'-e et vint chouer, on ne saitpour quelle raison, au fond de la prison de Blois

    Il n'y demeura gure.Le 19 dcembre 1457 naquit Marie, fille de Charles d'Orlans,I. Le mot mercerie avait alors la signification gnrale de : marchandises, 2. Supposition qui explique le vers dans lequel Villon se qualifie de

    povre mercerot de Rennes .

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 27et, parmi les prisonniers librs cette occasion, se trouva matreFranois . Or le pote, considrant qu'on doit dire du bien, lebien, s'empressa de ddier sa libratrice un dit enthousiasteet une double ballade, pour lui tmoigner sa reconnaissance.Charles d'Orlans, flatt, voulut bien accueillir le pote parmises familiers et le pensionner. Le duc Charles avait alors 63 ans;il tait pieux, grave et triste. Lorsqu'il pouvait slarracher d'entreles bras de ses amis trop chers, Mlancolie et Nonchaloir, il seplaisait aux checs, la musique et au jeu des rythmes. Cettenonchalance, ce dgot de l'action, ce penchant se laisser vi-vre, que le duc avait rapports de sa longue captivit en Angle-terre, on les retrouve chez Villon, qui fut toujours un faible et unimpulsif. Mais ces deux potes ne s'entendirent pas longtemps.

    Villon d'ailleurs ne put se plier aux exigences de la politesseservile et courtisanesque. L'obsquiosit des Faret, des Fraigneet des Fredet2 rvoltait l'colier. Aussi bientt se t-il sup-primer ses gages. Mais

    Ncessit fait gens mesprendreEt faim saillir le loup des boys

    Villon, feuilletant quelque jour un manuscrit o les potescrivaient leurs ballades et rondeaux, dcouvrit que l'anneprcdente un tournoi potique avait eu lieu, et que Charlesd'Orlans avait donn en concours un pome, dont le premiervers le fit longtemps mditer :

    Je meurs de soif auprs de la fontaine.Il composa son tour, sur ce sujet, la ballade suivante, qui

    le fit rentrer en grce auprs de son seigneur :JE meurs de seuf auprs de la fontaine,Chault comme feu, et tremble dent dent;

    I. Ici j'ai suivi Marcel Schwob. Mais des recherches patientes et uneintelligence subtile ont permis M. Pierre Chaunpion d'apporter sur cettepartie de la vie du pote des clarts nouvelles. Tous les villonistes,d'ailleurs, doivent consulter le remarquable ouvrage de M. Pierre Cham-pion : Franois Villon, sa vie et son temps. Paris, Honor Champion, 1913,2 vol. in-S . 2. Trois des potes familiers que Charles d'Orlans pensioonait.

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    28 FRANOIS VILLONEn mon pas suis en terre loingtaine ;Lez ung brasier frissonne tout ardent ;Nu comme ung ver, vestu en prsident ;Je riz en pleurs, et attens sans espoir ;Confort reprens en triste desespoir ;Je m'esjouys et n'ay plaisir aucun;Puissant je suis sans force et sans pouvoir;Bien recueully, dbout ^ de chascun.

    Rien ne m'est seurs que la chose incertaine;Obscur, fors ce qui est tout vident ;Doubte ne fais, fors en chose certaine ;Science tiens soudain accident ;Je gaigne tout et demeure perdent ;Au point du jour, diz : Dieu vous doint bon soir Gisant envers, j'ay grant paour de cheoir;J'ay bien de quoy, et si* n'en ay pas ung 5 ;Eschoicte^ attens, et d'homme ne suis hoir;Bien recueully, dbout de chacun.

    De rien n'ay soing, si mectz toute ma peineD'acqurir biens, et n'y suis prtendent ;Qui mieulx me dit, c'est cil qui plus m'attaine'.Et qui plus vray, lors plus me va bourdent^ ;Mon amy est, qui me fait entendentD'ung cigne blanc que c'est un corbeau noir ;Et qui me nuyst, croy qu'il m'ayde povoir;Vrit, bourde aujourd'huy m'est tout un;Je retiens tout : rien ne say concepvoir ;Bien recueully, dbout de chascun.

    I. Prs de. 2. Renvoy. 3. Sr. 4. Si a le sens ici de : pour-tant. 5. Et pourtant je n'ai rien. 6. Hritage. 7. Afflige. 8. Bernant.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 29Envoi

    Prince clment, or vous plaise savoirQue j'entens moult, et n'ay sens ne savoir;Parcial suis, toutes loys commun ;Que fais-je plus? Quoy ? Les gaiges ravoir;Bien recueuUy, dbout de chascun.

    Les gages que lui donnait le duc Charles, il ne les touchapas longtemps. Tandis qu'il paradait ainsi la cour de Blois,s'apprenant ployer l'chin devant les princes et tourner unmadrigal pour les dames de compagnie, Paris, son anciencondisciple Guy Tabary tait apprhend, mis la question etoblig de rvler le vol du collge de Navarre.Aussi ds le commencement de l'anne 1458, l'Official lan-

    ait un mandat d'arrt contre le pote. Charles d'Orlans,que sa captivit en Angleterre avait d rendre indulgent etbonhomme, conseilla matre Franois de s'loigner au plustt et de se rendre Moulins auprs de son cousin Jean IIde Bourbon.

    Voici donc Franois Villon quittant la livre princire pourendosser de nouveau les habits du plerin.A Bourges, il rencontra par hasard ua ancien camaradede l'Universit, Franois Perdrier. Mais ce dernier, devenucuyer, se souciait peu de renouveler connaissance avec unmalandrin; il dnona mme Villon auprs de l'officialit dela ville.Cependant le pote ne dut pas tre inquit longtemps, car

    il reprit sa marche sur Moulins ^ . Jean II de Bourbon luidonna six cus et l'engagea vivement aller passer quelquesmois dans sa terre de Roussillon en Dauphin, hors du royaumede France. La route est longue de Moulins Roussillon et lessix cus furent tt dpenss Une fois dans la petite ville

    I. Il est remarquer que les villes d'Angers, de Blois et de Moulinstaient alors le sjour de trois princes-potes, le roi Ren, le duc d'Or-lans et Jean II de Bourbon, qui se plaisaient accueillir chez eux tousles lettrs de France.

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    30 FRANOIS VILLONdauphinoise, Villon profita du premier courrier pour faire tenir monseigneur de Bourbon la requte suivante :

    LE mien seigneur et prince redoubl,Fleuron de Lys, royalle geniture,Franois Villon, que travail a- domptA coups orbes ^ , par force de bature.Vous supplie, par ceste humble escripture,Que lui faciez quelque gracieux prest.De s'obliger en toutes cours est prest ;Si ^ ne doubtez que bien ne vous contente :Sans y avoir dommaige n'interest.Vous n'y perdrez seulement que l'attente.A prince n'a ung denier emprunt.Fors vous seul, vostre humble crature.De six escus que luy avez preste,Cela piea3 il meist en nourriture.Tout se paiera ensemble, c'est droiture.Mais ce sera legierement et prest :Car, si du gland rencontre en la forestD'entour Patay, et chastaignes ont vente,Paie serez sans delay ny arrest :Vous n'y perdrez seulement que l'attente.Si je peusse vendre de ma santA ung Lombart4 , usurier par nature,Faulte d'argent m'a si fort enchant.Que j'en prendrois, ce cuides, l'adventure.Argent ne pens gippon^^ n'a sainture;Beau sire Dieux je m'esbaz que c'est,

    I. Coup orbe : qui meurtrit sans faire de plaie. 2. Suivant le contexte,si peut signifier : si, ainsi, pourtant, certes et tellement. 3. Depuis long-temps. 4. Usurier italien. 5. Pense. 6. Voir page 19, note 2.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - 31Que devant moy croix' ne se comparoist,Si non de bois ou pierre, que ne mente;Mais s'une fois la vroye' m'apparoist,Vous n'y perdrez seulement que l'attente.

    EnvoiPrince du Lys, qui tout bien complaist,Que cuidez-vous comment il me desplaistQuand je ne puis venir mon entente?Bien entendez; aidez moy s'il vous plaist;Vous n'y perdrez seulement que l'attente.

    Suscription de la dicte requeste.Allez, lettres, faictes ung sault;Combien que n'ayez pi ne langue,Remonstrez, en vostre harangue,Que faulte d'argent si m'assault.

    Ne recevant point de rponse, s'ennuyant mourir dans cepays loign, le pote imprudent retourna Moulins, d'o cettefois il dut tre conduit. Il dcida de remonter sur Paris, enpassant par Orlans ; mais se souvenant de son aventure Bourges, il se dirigea vers Nevers et Sancerre. En 1461 il setrouvait donc Orlans; l, il fit la connaissance d'une fillettenomme Mace qui, drision lui vola sa ceinture et sabourse 3 Dgot d'une ville semblable o les pipeurs taientpips, matre Franois quittait le pays, lorsque dix-huit kilo-mtres de Meung-sur-Loire, Montpipeau, il rencontra l'amiCohn et plusieurs Coquillards. CoHn de Cayeux, l't prcdent,avait t arrt, dans l'glise de Saint-Leu-d'Esserent, par leprvt de Senlis. Transport la Conciergerie de Paris, il futrclam parl'vque de Beauvais, dans le diocse duquel il avait

    I et 2. Villon quivoque ici sur la croix qui se trouvait sur le ct droitdes monnaies. Seule cette croix pour lui est la vraie. 3. Selon M. Cham-pion, il s'agirait ici d'un certain juge provincial, nomm Mac d'Orlans.

    V11.LON 3

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    32 FRANOIS VILLONcommis son vol. Mais Colin n'tait pas de ces oiseaux que l'onpeut tenir longtemps en cage. Il s'chappa; puis, rassemblantses hommes disperss, il se mit en devoir de piller l'Orlanais.Franois Villon, heureux de retrouver de vieux amis, prit

    part quelques vols, qui lui permirent de vivre encore un temps.Mais un jour la bande entire tomba entre les mains des gensd'armes. Colin, cette fois, sommairement jug, fut pendu Montpipeau mme. Quant Villon, l'vque d'Orlans Thibaultd'Aussigny l'envoya mditer Meung et composer ballades aufond d'un cul de basse-fosse. Tout l't le pote demeura pri-sonnier. Le rgime, exclusivement compos de pain et d'eau,auquel il tait astreint n'tait pas fait pour l'engraisser. L'humi-dit de la prison lui donnait le frisson et pour jamais lui retiraitcette sant qu'il voulait vendre aux usuriers Rgulirement legelier lui venait raser le crne, la barbe et les moustaches.Villon s'apercevait bien que l'heure approchait o il lui faudraitrejoindre Colin de Cayeux et Rgnier de Montigny. Et desregrets lui torturaient le cur et le cerveau lorsqu'il songeaitaux amis d'autrefois. Piteusement il leur adressait cette ptreen forme de ballade, mi-raiileuse, mi-dsespre :

    AIEZ piti, aiez piti de moyA tout le moins, si vous plaist, mes amis En fosse giz, non pas sous houx ne may ^

    ,

    En cest exil ouquel je suis transmisPar Fortune, comme Dieu l'a permis.Filles, amans, jeunes gens et nouveaulx;Danceurs, saulteurs, faisans les pies de veaulx*.Vifz comme dars, aguz comme aguillon ;Gousiers tintans cler comme cascaveaux 3;Le lesserez l, le povre Villon ?Chantres chantans plaisance, sans loy;Galans, rians, plaisans en faiz et diz;

    I. Arbre que l'on plantait, au premier mai, devant la maison de celuiqu'on voulait honorer. 2. Danse (?). 3. Grelots.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS '.JCourens alans, francs de faulx or, d'aloy ;Gens d'esperit, ung petit estourdiz;Trop dcmourez, car il meurt entandiz

    .

    Faiseurs de laiz, de motcs et rondeaux,Quant mort sera vous luy ferez chaudeaux 3

    .

    O gist, il n'entre escler ne tourbillon ;De murs espoix on luy a fait bandeaux :Le lesserez l, le pauvre Villon ?Venez le veoir en ce piteux arroy,Nobles hommes, francs * de quart et de dix,Qui ne tenez d'empereur ne de roy,Mais seulement de Dieu de Paradiz.Jener lui fault dimenches et merdiz,Dont les dens a plus longues que ratteaux.Aprs pain sec non pas aprs gasteaux En ses boyaulx verse eau gros bouillon;Bas en terre, table n'a, ne tresteaulx :Le lesserez l, le povre Villon ?

    EnvoiPrinces nommez, anciens et jouvenceaux,Impetrez5 moy grces et royaulx seaux.Et me montez en quelque corbillon.Ainsi le font, l'un l'autre, pourceaux,Car, o l'ung brait, ilz fuyent monceaux.Le lesserez l, le povre Villon?

    D'autres jours il mditait srieusement sur sa vie et se pro-mettait, si Dieu le voulait bien secourir, de s'amender et deracheter enfin ses fautes passes. Puis le dgot s'emparait delui; il se surprenait souhaiter avec ardeur le matin, o, en

    I. Expression populaire dont le sens est pareil celle d'aujourd'hui : ilvaut son pesant d'or. 2. Pendant ce temps. 3. Boisson faite avec del'eau chaude, des ufs et du sucre, 4. Exempts de. 5. Accordez-moi.

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    34 FRANOIS VILLONplein soleil, il s'irait balancer au bout d'une corde. Deuxhommes en lui ne cessaient de se gourmer, au milieu de l'obscu-rit et du silence.

    IQU'EST-CE que j'oy? Ce suis-je. -Qui?Ton cuerQui ne tient mais ' qu' ung petit filet.Force n'ay plus, substance ne liqueur,Quand je te voy retraict ainsi seulet,Cora povre chien tappy en reculet *

    .

    Pour quoy est-ce ? Pour ta folle plaisance. Que t'en chault-il? J'en ay la dplaisance. Laisse m'en paix Pour quoy ? J'y penseray. Quand sera-ce? Quand seray hors d'enfance. Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray.

    II Que penses tu ? Estre homme de valeur. Tu as trente ans. C'est l'aage d'un mulet. Est-ce enfance ? Nennil. C'est donc folleurI. Plus. 2. Lieu cart.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 3>Qui te saisit Par o ? Par le collet;Rien ne congnois. Si fais ; mouches en let ' :L'ung est blanc, l'autre est noir, c'est la distance. Est-ce donc tout ? Que veux tu que je tance?Se n'est assez, je recommenceray. Tu es perdu J'y mettray rsistance. Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray.

    III J'en ay le deul; toy, le mal et douleur.Feusses ung povre ydiot et folet,Encore eusses de t'excuser couleur :Se n'as tu soing, tout t'est ung 2, bel ou let.Ou la teste as plus dure qu'un galet.Ou mieulx te plaist qu'onneur ceste meschanceQue respondras cette consquence ? J'en seray hors quand je trespasseray. Dieu, quel confort Quelle sage loquence Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray.

    IV D'ont vient ce mal ? Il vient de mon maleur.Quand Saturne me feist mon fardelet 3

    ,

    I. Connatre mouches en lait, expression populaire signifiant : connatrece qui est bien vident. 2. Tout t'est de mme. 3. Petit fardeau, ici:destine.

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    36 - FRANOIS VILLONCes maulx y meist, je le cro5^ C'est foleur :Son seigneur es, et te tiens son varlet.Voy que Salmon escript en son rolet ^ : Homme sage, ce dit-il, a puissanceSur plantes et sur leur influence. Je n'en croy rien ; tel qu'ilz m'ont fait seray. Que dis-tu ? DeaM Certes c'est ma crance.Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray.

    Envoi< eulx tu vivre? Dieu m'en doint la puissance t-H 1 te fault... Quoy? Remors de conscience;f* ire sans fin. En quoy lire ? En science ;t * aisser les folz Bien j'y adviseray.O r le retien J'en ay bien souvenance.z; 'atens pas tant que viengne desplaisance;Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray.

    Mais la Muse veillait sur son pote bien-aim. Le 22 juillet1461, Charles VII mourait et Louis XI tait, Reims, sacrroi de France. Suivant la coutume. le nouveau souverain par-

    I. Rouleau, ouvrage. 2. Exclamation : Bah

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - 37courut son royaume, accordant, dans chacune des villes qu'iltraversait, de nombreuses lettres de rmission aux prison-niers. Le 2 octobre, il entrait Meung-sur-Loirc. Villon futgraci.Le misrable colier, malgr sa faiblesse, regagna Paris imm-diatement. Il sentait que l, prs de sa pauvre mre et de l'ex-

    cellent Guillaume de Villon, il pourrait reprendre got la vie.Toujours sous le coup du mandat d'arrt de 1458, il n'osa semontrer dans le quartier; d'ailleurs il tait bien faible pourcourir les ruelles et hanter les tavernes , il lui fallait auparavantse refaire un nouveau corps. Enferm dans sa chambre, dorlotpar les siens, au milieu de ses chers livres dlaisss, ce fut pourlui une double convalescence. Mais son me demandait plusde soins que le corps.Ds l'hiver de 1461, il se mit crire les premires pages deson Grand Testament. Ah il connaissait la vie maintenantQu'il tait loin le jeime tourdi, vivant l'aventure, et jetant,au hasard des vents, ses strophes malicieuses ou mchantes Grave aujourd'hui, il savait se juger svrement et n'avaitplus pour lui de vaines complaisances. Les remords et les re-grets savaient lui arracher du fond du cur des cris sincres etmouvants. Autrefois c'tait un jeu pour lui que d'aligner desvers. Il en avait tant crit que sa prosodie s'tait assouplie.Mais aujourd'hui le versificateur cde la place au pote. Dansdes strophes parfaites, au rythme musical, aux rimes sonores,il offre au monde merveill sa chair, son sang, son intelligenceet son cur.

    Le Grand TestamentI (I)

    EN l'an trentiesme de mon aage,Que toutes mes hontes j'euz beues,Ne du tout fol, ne du tout sage;Non obstant maintes peines eues,

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    38 - FRANOIS VILLONLesquelles j'ay toutes receuesSoubz la main Thibault d'Aussigny ^

    .

    S'evesque il est, seignant^ les rues,Qu'il soit le mien je le regny

    2(11)Mon seigneur n'est, ne mon evesque ;Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche 3 ;Foy ne luy doy, n'hommage avecque :Je ne suis son serf ne sa biche.Peu m'a d'une petite micheEt de froide eau, tout ung est.Large ou estroit, moult me fut chiche.Tel luy soit Dieu qu'il m'a est.

    3 (ni)Et s'aucun me vouloit reprendreEt dire que je le mauldis,Non fais, se bien le scet comprendre,En riens de luy je ne mesdis.Vecy tout le mal que j'en dis :S'il m'a est misericors,Jhesus, le roy de Paradis,Tel luy soit l'me et au corps

    4 (IV)Et s'este m'a dur et cruelTrop plus que cy ne le raconte,Je vueil que le Dieu ternelLuy soit donc semblable ce compte , .

    .

    I. Evque d'Orlans. Villon se plaint ici de n'avoir pas t remis entreles mains de l'vque de Paris dont il dpendait. 2. Bnissant. 3. Jene possde de lui aucune terre qui ne soit en friche. 4. Repu.

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    MMIHMHH

    leron6eauquefd(l(eSUSiffot)quantiffutiu0ie

    ^fitiefroncoieSoneccmepoifsPcScMcieempscepcntoifcII2tti9i4nccoi8c$imc(oif$;^itMmoo orf(|tt(monad po^

    GRAVURE TIR^E Dl L'DITIONriBRRE LBVET, PARIS, I489

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 39Et l'Eg-lise notas dit et compteQue prions pour noz ennemis;Je vous diray : J'ay tort et honte,Quoy qu'il m'ait fait, Dieu remis

    5 (V)Si priray pour luy de bon cuer,.Par l'm.e du bon feu Cotart Mais quoy ce sera donc par cuer.Car de lire je suis fctart '

    .

    Prire en fera}' de Pcart ^ ;S'il ne la scet, voise3 l'aprendre,S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart,A Douai ou l'Isle en Flandre

    6 (VI)Combien que s'il veult que l'on priePour luy, foy que doy mon baptesme Obstant qu' chascun ne le crye,Je ne fauldray pas son esme *

    .

    Ou Psaultier prens, quant suis mesme, Oui n'est de beuf ne cordoen 5 Le verselet escript septiesmeDu psaulme de Deus, laudem ^

    .

    7 (VII)Si prie au benoist fils de Dieu,Qu' tous mes besoings je reclame.Que ma povre prire ait lieuVers luy, de qui tiens corps et ame,

    I. Paresseux. 2. Les Picards taient des hrtiques hongrois qui nefaisaient aucune prire pour les morts. 3. Qu'il aille. 4. But, dsir,souhait. 5. Cuir de Cordoue. 6. Fiant dies ejus paum, et episcopatumejus accipiat aller. Ps. i8, verset 7 (en ralit verset 8).

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    40 - FRANOIS VILLONQui m'a prserv de maint blasijieEt franchy de ville puissance.Lou soit-il, et Nostre Dame,Et Loys, le bon roi de France

    8 (VIII)Auquel doint Dieu l'eur de Jacob,Et de Salmon l'onneur et gloire;Quant de proesse, il en a trop;De force aussi, par m'ame, voire En ce monde cy transitoire,Tant qu'il a de long et de l S Affin que de luy soit mmoire Vivre autant que Mathusal

    9 (IX)Et douze beaux enfans, tous masles,Voir, de son trs cher sang royal,Aussi preux que fut le grant Charles,Conceuz en ventre nupcial.Bons comme fut sainct Marcial.Ainsi en preigne ^ au feu Dauphin Je ne luy souhaite autre mal.Et puis Paradis la fin.

    10 (X)Pour ce que foible je me sens,Trop plus de biens que de sant,Tant que je suis en mon plain sens,Si peu que Dieu m'en a preste.Car d'autre ne l'ay emprunt,J'ay ce Testament trs estable ^

    I. Large. 2. Arrive. 3. Stable, durable.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 41Faict, de dernire voulont,Seul pour tout et irrvocable.

    11 (XI)Escript l'ay l'an soixante et ung,Que le bon roy me dlivraDe la dure prison de Mehun,Et que vie me recouvra,Dont suis, tant que mon cuer vivra,Tenu vers luy m'humilier,Ce que feray tant ' qu'il mourra :Bienfait ne se doit oublier.

    12 (XII)Or est vray qu'aprs plainz et pleursEt angoisseux gemissemens,Aprs tristesses et douleurs,Labeurs et griefz cheminemens.Travail* mes lubress sentemens,Esguisez comme une pelote,M'ouvrist plus que tous les CommensD'Averroas sur Aristote.

    13 (XIII)Combien qu'au plus fort de mes maulx,En cheminant sans croix- ne pilles,Dieu, qui les plerins d'EsmausConforta, ce dit l'Evangile,Me monstra une bonne villeEt pourveut du don d'esprance;Combien que le pcheur soit ville,Riens ne hayt que persvrance.

    I. Aussi longtemps qu'il vi\Ta. 2. Malheur, souffrance. 3. Fugitifs,glissants (Longnon). 4. La face d'une pice de monnaie. 5. L'envers.

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    42 FRANOIS VILLON14 (XIV)

    Je suys pcheur, je le say bien ;Pourtant ne veult pas Dieu ma mort.Mais convertisse et vive en bien ;Mieulx tout autre que pch mort,Combien qu'en pch soye mort ^

    ,

    Dieu voit, et sa misricorde Se conscience me remort Par sa grce pardon m'accorde.

    15 (XV)Et, comme le noble RommantDe la Rose dit et confesseEn son premier commencement,Qu'on doit jeune cuer en jeunesse.Quand on le voit viel en viellesse,Excuser; hlas il dit voir.Ceulx donc qui me font telle oppresseEn meurt ^ ne me vouldroient veoir ?

    16 (XVI)Se, pour ma mort, le bien publiqueD'aucune chose vaulsist mieulx,A mourir comme un homme iniqueJe me jujasse, ainsi m'ait DieuxGrief 3 ne faiz jeune ne vieulx.Soie sur pied ou soie en bire :Les mons ne bougent de leurs heux.Pour un povre, n'avant, n'arrire.

    17 (XVII)Du temps qu'Ahxandre rgna,Ung homs, nomm Diomeds,I. Mordu. 2. Maturit, ge mr. 3. Dommage.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 43Devant lui on lui amena,Engrillonn poulces et ds ^Comme ung larron ; car il fut desEscumeurs que voions courir.Si fut mis devant ce cads,Pour estre jugi mourir.

    i8 (XVIII)L'empereur si l'araisonna : Pourquoi es tu larron de mer ? L'autre, responce lui donna : Pourquoi larron me faiz nommer ?Pour ce qu'on me voit escumerEn une petiote fuste - ?Se comme toy me peusse armer,Comme toy empereur je fusse.

    19 (XIX) Mais que veux-tu De ma fortune,Contre qui ne puis bonnement,Qui si faulcement me fortune,Me vient tout ce gouvernement.Excuse moy aucunement.Et saiche qu'en grant povret Ce mot dit on communment Ne gist pas trop grant loyaut.

    20 (XX)Quant l'empereur ot remir 3De Diomeds tout le dit : Ta fortune je te mueray.Mauvaise en bonne si luy dit.

    I. Doigts. 2. Flotte, petit bateau. 3. Admir, considr.

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    44 FRANOIS VILLONSi fist-il. One puis ne mesfitA personne, mais fut vray homme ;Valere, pour vray le nous dit,Qui fut nomm le Grant, Romme.

    21 (XXI)Se Dieu m'eust donn rencontrerUng autre piteux Alixandre,Qui m'eust fait en bon eur entrer,Et lors qui m'eust veu condescendreA mal, estre ars ^ et mis en cendreJug me feusse de ma voix.Ncessit fait gens mesprendre.Et faim saillir le loup du bois.

    22 (XXII)Je plaings le temps de ma jeunesse,Ouquel j'ay plus qu'autre galle ^,Jusqu' l'entre de viellesse,Qui son partement m'a cel.Il ne s'en est pi all.N'a cheval ; helas comment don ?Soudainement s'en est voil.Et ne m'a laissi quelque don.

    23 (XXIII)All s'en est, et je demeurePovre de sens et de savoir,Triste, failly, plus noir que meure 3

    ,

    Qui n'ay n'escus, rente, n'avoir;Des miens le mendre*, je dis voir s,De me dsavouer s'avance.I. Brl. 2. Galler : s'amuser, faire la noce. 3. Mre. 4. Lemoindre de mes parents. 5. Vrai.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS WtOubliant naturel devoir,Par faulte d'ung peu de chevance.

    24 (XXIV)Si ne crains avoir despendu

    ,

    Par friander et par leschier ;Par trop amer n'ay riens vendu,Qu'amis me puissent reprouchier,Au moins qui leur couste moult chier.Je le dis, et ne crois mesdire.De ce ne me puis revenchier :Qui n'a mesfait ne le doit dire.

    25 (XXV)Bien est vrit qu'ay amEt ameroie voulentiers ;Mais triste cuer, ventre affam.Qui n'est rassasi au tiers,M'oste des amoureux sentiers.Au fort, quelqu'ung s'en recompence^.Qui est remply sur les chantiers ;Car la dance vient de la pance.

    26 (XXVI)H Dieu se j'eusse estudiOu temps de ma jeunesse folleEt bonnes meurs ddi,J'eusse maison et couche molle Mais quoy ? Je fuyoie l'escolle.Comme fait le mauvais enfant...En escripvant ceste parolle,A peu que le cuer ne me fent.

    I, Dpens. 2. Quelqu'un s'amuse en compensation..VILLON

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    46 - FRANOIS VILLON27 (XXVII)

    Le dict du Saige trop le feizFavorable, bien n'en puis mais,Qui dit : Esjoys toy, mon filz,En ton adolescence; maisAilleurs sert bien d'ung autre mez,Car ajeunesse et adolescence C'est son parler, ne moins ne mais -JSle sont qu'abuz et ignorance ' .

    28 (XXVIII)Mes jours s'en sont allez errant.Comme, dit Job, d'une touaille*Font les filetz, quant tisserantEn son poing tient ardente paille 3

    .

    Lors, s'il y a nul bout qui saille,Soudainement il le ravit.Si ne crains plus que riens m'assaille,Car la mort tout s'assouvit.

    29 (XXIX)O sont les gracieux gallansQue je suivoye ou temps jadis,Si bien chantans, si bien parlans,Si plaisans en faiz et en diz ?Les aucuns sont mors et roidiz ;D'eulx n'est-il plus riens maintenant 1Repos aient en paradis.Et Dieu saulve le remenant*

    . Ltare ergo, juvenis, in adolescentia tua et Adolescentia enim et W'luptas vana sunt (Eccl.). 2. Morceau de toile. 3. Dies mei velociustransierunt quam a texente tela succiditur, et consumpti sunt absque alla spe,(Job, ch. VII, V. 6). 4. Le restant, ceux qui demeurent.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS M30 (XXX)

    Et les aucuns sont devenus,Dieu mercy grans seigneurs et maistres,Les autres mendient tous nusEt pain ne voient qu'aux fenestres ' ;Les autres sont entrs en cloistresDe Celestins et de Chartreux,Botez, housez, com pescheurs d'oistres*.Voyez Testt divers d'entre eux.

    31 (XXXI)Aux grans maistres Dieu doint bien faire,Vivans en paix et en requoy 3

    .

    En eulx il n'y a que refaire ;Si s'en fait bon taire tout quoy.Mais aux povres qui n'ont de quoy,Comme moy. Dieu doint patience;Aux autres ne fault qui ne quoy.Car assez ont pain et pitance.

    32 (XXXII)Bons vins ont souvent embrochez

    ,

    Saulces, brouetz et gros poissons;Tartes, flaons, cefz fritz et pochez,Perdus et en toutes faons.Pas ne ressemblent les maonsQue servir fault si grant peine ;Ils ne veulent nulz eschanons :De soy verser chascun se peine.

    33 (XXXIII)En cest incident me suis mis.Qui de riens ne sert mon fait.

    I. Vitrines, talages. 2. Pcheurs d'hutres. 3. TidnquilJit. 4. Souvent mis en perce.

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    /iS - FRANOIS VILLONJe ne suis juge, ni commisPour pugnir n'absoudre mesfait.De tous suis le plus imparfait.Lou soit le doulx Jhesucrist Que par moy leur soit satisfait Ce que j'ay escript est escript.

    34 (XXXIV)Laissons le moustier ^ o il est ;Parlons de chose plus plaisante.Ceste matire tous ne plaist :Ennuyeuse est et desplaisante.Povret chagrine et dolente,Tousjours despiteuse et rebelle,Dit quelque parolle cuisante ;S'elle n'ose, si la pense elle.

    35 (XXXV)Povre je suis de ma jeunesse.De povre et de petite extrace

    .

    Mon pre n'ot oncq grant richesse,Ne son ayeul, nomm Orace.Povret tous nous suit et trace.Sur les tombeaulx de mes ancestres,Les mes desquelz Dieu embrasse.On n'y voit couronnes ne ceptres.

    36 (XXXVI)De povret me garmentant 3

    ,

    Souventesfois me dit le cuer : Homme, ne te doulouse tantEt ne demaine tel douleur.

    I. Le couvent, mis ici pour : les questions religieuses. 2. Extraction.- 3. Me lamentant.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - 40Se tu n'as tant que Jacques Cuer.Mieux vault vivre soubz gros bureau 'Povre, qu'avoir est seigneurEt pourrir soubz riche tombeau

    37 (XXXVII)Qu'avoir est seigneur ... Que dis?Seigneur, lasse ne l'est-il mais Selon les davidiques diz,Son lieu ne congnoistras jamais ^

    ,

    Quant du surplus, je m'en desmets,Il n'appartient moy, pcheur;Aux thologiens le remets.Car c'est office de prescheur.

    38 (XXXVIII)Si ne suis, bien le considre,Filz d'ange, portant dyademeD'estoille ne d'autre sidre 3

    .

    Mon pre est mort. Dieu en ait l'me ;Quant est du corps, il gist souz lame...J'entens que ma mre mourra, Et le scet bien, la povre femme Et le filz pas ne demourra.

    39 (XXXIX)Je congnois que povres et riches,Sages et folz, prestres et laiz,Nobles, villains, larges et chiches,Petiz et grans, et beaulx et laiz,Dames rebrassez 4 collez,De quelconque condicion.

    I. Bure, toffe grossire. 2. Qusivi ettm, et non est inventus locusejus (Ps. 36). 3. Astre. 4- Retrousss, replis (Longnon).

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    50 - FRANOIS VILLONPortans atours et bourrelez,Mort saisit sans excepcion.

    40 (XL)Et meure Paris et Helaine,Quiconques meurt, meurt douleurTelle qu'il pert vent et alaine ;Son fiel se crev sur son cuer,Puis sue, Dieu scet quel sueur Et n'est qui de ses maulx l'aiege :Car enfant n'a, frre ne seur.Qui lors voulsist estre son plege ^

    .

    41 (XLI)La mort le fait frmir, pallir.Le nez courber, les vaines tendre.Le col enfler, la chair mollir,Joinctes^ et nerfs croistre et estendre.Corps femenin, qui tant es tendre,Poly, souef3, si prcieux,Te faudra il ces maulx attendre ?Oy, ou tout vif aller es cieulx.

    Ballade des Dames du temps jadisDICTES moy o, n'en quel pays,Est Flora, la belle Rommaine ;Archipiades, ne Thas,Qui fut sa cousine germaine ;

    I. Otage, garant. 2. Jointures. 3. Suave.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 51Echo, parlant quant bruyt on maineDessus rivire ou sus estan,Qui beaut ot trop plus qu'humaine.Mais o sont les neiges d'antan ' O est la trs sage Hellos,Pour qui fut chastr et puis moynePierre Esbaillart Saint-Denis ?Pour son amour ot cest essoyne ^

    .

    Semblablement o est la royneQui commanda que BuridanFust get en ung sac en Saine ?Mais o sont les neiges d'antan La royne Blanche comme lis,Qui chantoit voix de seraine 3 ;Berte au grant pi, Bietris, Allis;Haremburgis qui tint le Maine,Et Jehanne, la bonne Lorraine,Qu'Englois brlrent Rouan;O sont elles, Vierge souvraine?...Mais o sont les neiges d'antan

    EnvoiPrince, n'enquerez de sepmaineO elles sont, ne de cest an.Que ce reffrain ne vous remaine.Mais o sont les neiges d'antan

    I. Antaa, de l'anne passe. 2. Peine, douleur. 3. Sirns

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    52 FRANOIS VILLONBallade des Seigneurs du temps Jadis

    Suyvant le propos prcdent.QUI plus? O est le tiers Calixte,Dernier deced de ce nom,Qui quatre ans tint le papaliste ^ ?Alphonce, le roy d'Arragon,Le gracieux duc de Bourbon,Et Artus, le duc de Bretaigne,Et Charles septime, le Bon?...Mais o est le preux Charlemaigne Semblablement, le roy Scotist,Qui demy face ot, ce dit on,Vermeille comme une amatiste ^Depuis le front jusqu'au menton ?Le roy de Chippre, de renom ;Hlas et le bon roy d'EspaigneDuquel je ne sa}^ pas le nom?...Mais o est le preux Charlemaigne D'en plus parler je me dsiste.Ce monde n'est qu'abusion.Il n'est qui contre mort rsiste,Ne qu'y treuve provision.Encor fais une question :Lancelot, le roy de Behaigne 3

    ,

    O est-il? O est son tayon4?...Mais o est le preux Charlemaigne

    I. La papaut. 2. Amthj'ste. 3. Bohme. 4. Aeul.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - 53Envoi

    O est Claquin ' , le bon Breton ?O le conte Daulphin d'AuvergneEt le bon feu duc d'Alenon ?Mais o est le preux Charleraaigne

    42 (XLII)Puis que papes, roys, filz de roys,Et conceuz en ventres de roynes,Sont enseveliz, mors et frois,En autruy mains passent leurs resne?,Moy, povre mercerot* de Rens,Mourray je pas? Oy, se Dieu plaist;Mais que j'aye fait mes estrenes.Honneste mort ne me desplait.

    43 (XLIII)Ce monde n'est perptuel,Quoy que pense riche pillart;Tous sommes soubz mortel coutel.Ce confort prent povre vieillart,Lequel d'estre plaisant raillartOt le bruit, lorsque jeune estoit,Qu'on tiendroit fol et paillart,Se viel, railler se mettoit.

    44 (XLIV)Or luy convient il mendier.Car ce force le contraint.Regrete huy sa mort, et hier ;Tristesse son cuer si estraint,

    I. Du Guesclin. 2. Marchand ambulant.

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    m - FRANOIS VILLONQue souvent n'estoit Dieu qu'il crainct Il ferait ung horrible fait.Et advient qu'en ce Dieu enfraint,Et que luy mesmes se desfait ^

    .

    ^

    45 (XLV) ICar, s'en jeunesse il fut plaisant,Ores plus riens ne dit qui plaise.Toujours vieil cinge est desplaisant :Moue ne faict qui ne desplaise.S'il se taist, afn qu'il complaise,Il est tenu pour fol recreu ^ ;S'il parle, on luy dit qu'il se taise.Et qu'en son prunier n'a pas creu3.

    46 (XLVI)Aussi, ces povres fameletes.Qui vielles sont et n'ont de quoy,Quant ilz voient ces pucelettesEmprunter elles requoy,Hz demandent : H, Dieu pourquoySi tost nasquirent, n'a quel droit ? Nostre Seigneur se taist tout quoy.Car, au tancer 4 , il le perdroit.

    Les Regrets de la belle HeaulmiereADVIS m'est que j'oy regreterLa belle qui fut heaulmiere,Soy jeune fille soushaicterEt parler en telle manire :

    I. Se tue. 2. Constat, assur. 3. Expression populaire, signifiantsot. 4, Discuter.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 55 Ha viellesse flonne et fiere,Pourquoy m'as si tost abatue ?Qui me tient ? qui ? que ne me fiere ' ?Et qu' ce coup je ne me tue ? Tollu 2 m'a la haulte franchiseQue beault m'avait ordonnSur clers, marchans et gens d'Eglise :Car lors, il n'estoit homme nQui tout le sien ne m'eust donn,Ouoy qu'il en fust des repentailles,Mais que luy eusse habandonnCe que reffusent truandailles 3

    .

    A maint homme l'ay reffus.Qui n'estoit moy grant sagesse,Pour l'amour d'ung garson rus,Auquel j'en faisoie largesse.A qui que je feisse finesse,Par m'ame, je l'amoye bien Or ne me faisoit que rudesseEt ne m'amoit que pour le mien. Si ne me sceut tant detrayner,Fouler au piez, que ne l'amasse.Et m'eust il fait les rains trayner,Si m'eust dit que je le baisasse,Que tous mes maulx je n'oubliasse.Le glouton, de mal entechi*,M'embrassoit... J'en suis bien plus grasseQue m'en reste il ? Honte et pechi

    I. Que je ne me frappe ? de ferir, assner un coup. 2. Enlev, sup-prim. 3. Diminutif mprisant de iruands. 4. Entach.

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    m - FRANOIS VILLON Or est il mort, pass trente ans.Et je remains vielle, chenue.Quant je pense, lasse au bon temps.Quelle fus, quelle devenue;Quant me regarde toute nue,Et je me voy si trs change,Povre, seiche, mesgre, menue.Je suis presque toute enrage. Qu'est devenu ce front poly,Ces cheveulx blons, sourcilz voultiz ^

    ,

    Grant entril, le regart joly,Dont prenoie les plus soubtilz ;Ce beau nez droit, grant ne petiz ;Ces petites joinctes oreilles.Menton fourchu, cler vis 3 traictiz,Et ces belles lvres vermeilles ? Ces gentes espauUes menues;Ces bras longs et ces mains traictisses + jPetiz tetins, hanches charnues,Esleves, propres, faictissesjA tenir amoureuses lisses ;Ces larges rains, ce sadinet,Assis sur grosses fermes cuisses,Dedens son petit jardinet ? Le front rid, les cheveux gris.Les sourcilz cheuz, les yeulx estains,Qui faisoient regars et risDont mains marchans furent attains :Nez courbes, de beault loingtains;Oreilles pendans et moussues;

    I. Demeure, de remanoir. 2. Arqus. 3. Visage. 4. Bien dessi-nes, de tirer : dessiner; au participe : traict. 5. Faites pour...

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - '61Le vis pally, mort et destains;Menton fronc, lvres peaussues ' : C'est d'umaine beault l'yssue Les bras cours et les mains contraites.Les espaulles toutes bossues;Mamelles, quoy toutes retraites;Telles les hanches que les ttes.Du sadinet, fy Quant des cuisses,Cuisses ne sont plus, mais cuissetesGriveles ^ comme saulcisses. Ainsi le bon temps regretonsEntre nous, povres vielles sotes,Assises bas, crouppetons.Tout en un tas comme pelotes,A petit feu de chenevotessTost allumes, tost estaintes;Et jadis fusmes si mignotes ...Ainsi en prent* mains et maintes.

    47 (LIV)Or ont les folz amans le bont.Et les dames prins la voile;C'est le droit loyer qu'amours ont :Toute foy y est vioUe,Quelque doulx baisers n'acolle s

    .

    De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours, Chascun le dit la voile Pour ung plaisir mille doulours.

    I. Quioatde la peau, qui pendent. 2. Tachetes. 3. Brins de chan-vre dpouills de l'corce (Longnon). 4. Arriver, advenir. 5. Malgrles doux baisers ou les accolades que l'on se donne.

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    bS FRANOIS VILLONDouble Ballade sur le mesme propos

    POUR ce, aimez tant que vouldrez,Suyvez assembles et festes,En la fin ja mieulx n'en vauldrezEt si n'y romprez que vos testes ;Folles amours font les gens bestes :Salmon en ydolatria;Samson en perdit ses lunetes.Bien est eureux qui riens n'y a Orphes, le doulx menestrier.Jouant de fleustes et musetes,En fut en dangier de murtrier ^Chien Cerberus quatre testes ;Et Narcisus, le bel honnestes,En ung parfont puis se noya.Pour l'amour de ses amouretes...Bien est eureux qui riens n'y a Sardana, le preux chevalierOui conquist le rgne de Crtes,En voulut devenir mouiller Et filler entre pucelettes;Dayid le roy, sage prophtes,Crainte de Dieu en oubha.Voyant laver cuisses bien faites...Bien est eureux qui riens n'y a Amon en voulst deshonnourer,Faignant de menger tarteletes,Sa seur Thamar, et desflourer,Oui fut inceste deshonnestes ;

    I. De tuer. 2. Femme.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 59Herodes pas ne sont sornetes Saint Jehan Baptiste en decolaPour dances, saulx et chansonnctes...Bien est eureux qui riens n'y a De moy, povre, je vucil parler;J'en fuz batu, comme ru toiles '

    ,

    Tout nu, ja ne le quiers^ celer.Qui me feist mascher ces grosellos,Fors Katherine de Vausselles?Nol le tiers ot, qui fut l,Mitaines ces nopces telles 3 Bien est eureux qui riens n'y a Mais que ce jeune bachelerLaissast ces jeunes bacheletes.Non et, le deust on vif bruslerComme ung chevaucheur d'escouvetes + ,Plus doulces luy sont que civetes.Mais toutesfoys fol s'y fa :Soient blanches, soient brunetes,Bien est eureux qui riens n'y a

    48 (LIX)Ainsi m'ont amours abusEt pourmen de l'uys au peslc s

    .

    Je croy qu'homme n'est si rus,Fust fin comme argent de crepelle ^

    ,

    I. Comme toiles au ruisseau. 2. Je ne cherclie pas le caclier. 3. Sur cet usage, voir Rabelais, livre IV, ch. xn. 4. Sorcier, chevaucheurde balais. 5. Pne. 6. Argent de crepelle (?). Un manuscrit porte:coepellc. Argent de coupelle signifierait alors : argent pur, dbarrass detout alliage.

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    60 - FRANOIS VILLONQui n'y laissas linge, drap, paelle ^

    ,

    Mais qu'il fust ainsi maniComme moy, qui partout m'appelleL'amant remys et regny.

    49 (LX)Je regny amours et despite;Je deffy feu et sang.Mort par elles me prcipite,Et ne leur en chault pas d'ung blanc

    .

    Ma vielle ay mys soubz le banc 3

    .

    Amans je ne suyvray jamais :Se jadis je fuz de leur ranc,Je desclare que n'en suis mais.

    50 (LXI)Car j'ay mys le plumail au vent :Or le suyve qui a attente.De ce me tais doresnavant,Car poursuivre vueil mon entente.Et, s'aucun m'interroge ou tenteComment d'amours j'ose mesdire,Ceste parolle le contente : Qui meurt ses loix de tout dire.

    51 (LXII)Je congnois approcher ma seuf ;Je crache, blanc comme coton,Jacoppins gros comme ung esteuf 4 :Qu'est ce dire ? que Jehanneton

    I. Une pole. 2. Petite pice de monnaie. 3. Expression populaire;se retirer du monde joyeux (Longnon). 4. Balle du jeu de paume.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 6Plus ne me tient pour valeton,Mais pour ung viel us roquart':De viel porte voix et le ton,Et ne suys qu'ung jeune coquart -

    .

    52 (LXVIII)Somme, plus ne diray qu'ung mot,Car commencer veuil tester :Devant mon clerc Fremin, qui m'ot3S'il ne dort, je vueil protesterQue n'entens homme dtester,En ceste prsente ordonnance;Et ne la vueil magnifesterSinon ou royaume de France.

    53 (LXIX)Je sens mon cuer qui s'affoiblist,Et plus je ne puis papier^

    .

    Fremin, si toy prs de mon lict.Que l'on ne me viengne espier Pren ancre tost, plume et papier.Ce que nomme escrips vistement,Puys fay le partout coppier ;Et vecy le commencement.

    54 (LXX)Ou nom de Dieu, Pre ternel,Et du Filz que Vierge parit '>

    ,

    Dieu au Pre coetemel.Ensemble le Saint Esperit,j. Invalide, litt. : vieux soldat en retraite (Longnon). 2. Jeune coq,

    sot. -^ 3. M'entend, de o^tlr 4. Balbutier. 5. Enfanta.

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    i)2 FRANOIS VILLONQui sauva ce qu'Adam prit ^

    ,

    Et du pery2 pare les Cieulx...Qui bien ce croit, peu ne merit^ :Gens mors estre faiz petiz Dieux * .

    55 (LXXI)Mors estoient, et corps et mes,En dapmne perdicion ;Corps pourriz et mes en flammes.De quelconque condicion.Toutesfois, fais excepcionDes patriarches et prophtes ;Car, selon ma concepcion,Oncques n'eurent grant chault aux fesses s,

    56 (LXXIV)Ou nom de Dieu, comme j'ay dit,Et de sa glorieuse Mre,Sans pechi soit parfait^ ce ditPar moy, plus mesgre que chimre.Si je n'ay eu fivre eufumere 7,Ce m'a fait divine clmence ;Mais d'autre dueil et perte amereJe me tais, et ainsi commence :

    57 (LXXV)Premier, je donne ma povre ameA la benoiste Trinit,Et la commande Nostre Dame,Chambre de la Divinit;

    I. Perdit. 2. Et de l'homme perdu... 3. Mrite, de merir. 4. Saiats. 5. Entendez : parce qu'ils ne durent gure sjourner en pur-gatoire. 6. Parfaire, achever. 7. Ephmre.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 63Priant toute la charitDes dignes neuf Ordres des cieulx,Que par eulx soit ce don portDevant le Trosne prcieux.

    58 (LXXVI)Item, mon corps je donne et laisseA nostre grant mre la terre;Les vers n'y trouveront grant gresse :Trop lui a fait fain dure guerre.Or luy soit dlivr grant erre ' :De terre vint, en terre tourne.Toute chose, se par trop n'erre,\'oulentiers en son lieu retourne.

    59 (LXXVII)Item, et mon plus que preMaistre Guillaume de Villon,Oui est m'a plus doux que mre;Enfant eslev de maillon -

    ,

    Deget m'a de maint boullon 3

    ,

    Et de cestuy pas ne s'esjoye.Si luy requiers genouillonQu'il m'ep laisse toute la joye;

    60 (LXVIII)Je luy donne ma librairie

    ,

    Et le Rommant du Pet au Deahle,Lequel maistre Guy TabarieGrossa 5 , qui est homs vritable.

    I. Litt. : grand train, ici : proniplement (Longnon). 2. Maillot, langes.- 3. Bouillon, mauvais pas. 4. Bibliothque. 5. Cipia, transcrivit.

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    bh FRANOIS VILLONPar cayers est soubz une table.Combien qu'il soit rudement fait,La matire est si trs notableQu'elle amende tout le mesfait ^

    .

    6i (LXXIX)Item, donne ma povre mrePour saluer nostre Maistresse,Qui pour moy ot douleur amere,Dieu le scet, et mainte tristesse ;Autre chastel n'ay, ne fortresseO me retraye corps et ame.Quand sur moy court malle destresse.Ne ma mre, la povre femme

    Balladeque Villon feit la requeste de sa mre

    pour prier Nostre-DameDAME des cieulx, rgente terrienne,Emperiere des infernaux paluz^,Recevez moy, vostre humble chrestienne.Que comprinse soye entre vos esleuz,Ce non obstant qu'oncques riens ne valuz.Les biens de vous, ma dame et ma maistresse.Sont trop plus grans que ne suis pcheresse,Sans lesquelz biens ame ne peut merir 3

    ,

    N'avoir les cieulx, je n'en suis jungleresse 4

    .

    En ceste foy je vueil vivre et mourir.I. La mauvaise excution, les dfauts de forme. 2. Marais. 3. M-

    diter. 4. Trompeuse, menteuse.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS ~ ffiiA votre Filz dictes que je suis sienne ;De luy soyent mes pchiez aboluz ' :Pardonne moy comme l'Egipcienne,Ou comme il feist au clerc Theophilus,Lequel par vous fut quitte et absoluz,Combien qu'il eust au deable fait promesse.Prservez moy, que ne face jamais ce,Vierge portant, sans rompure encourir,Le sacrement qu'on clbre la messe.En ceste foy je vueil vivre et mourir.Femme je suis povrette et ancienne,^ui rien ne scay ; oncques lettre ne leuz ;Au moustier voy, dont suis paroissienne,Paradis paint o sont harpes et luz 3

    ,

    Et ung enfer o dampnez sont boulluz * :La joye avoir me fay, haulte Desse,A qui pcheurs doivent tous recourir,Comblez de foy, sans fainte ne paresse.En ceste foy je vueil vivre et mourir.

    Envoi< ous portastes, digne Vierge, princesse,HH esus rgnant, qui n'a ne fin ne cesse.t- e Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,f aissa les cieulx et nous vint secourir,O ffrit mort sa trs chiere jeunesse.z ostre Seigneur tel est, tel le confesse.En ceste foy je vueil vivre et mourir.

    I. Abolis. 2. Sans perdre votre virginit. 3. Luths. 4. Bouillis.

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    06 - FRANOIS VILLON62 (LXXXVIII)

    Item, donne sire DenysHesselin, esleu de Paris,Quatorze muys de vin d'Aulnis,Prins sur Turgis, mes perilz.S'il en beuvoit tant que periz ^En fust son sens et sa raison,Qu'on mette de l'eau es barilz :Vin pert mainte bonne maison.

    63 (XC)Item, mon procureur FournierAura, pour toutes ses corves Simple seroit de l'espargnier En ma bource quatre haves - ;Car maintes causes m'a sauves,Justes, ainsi Jhesu Crist m'aide Comme elles ont est trouves ;Mais bon droit a bon mestier d'aide.

    64 (XCI)Item, je donne maistre JaquesRaguier le Grani Godet, de Grve,Pourveu qu'il paiera quatre plaques 3

    ,

    Deust il vendre, quoy qu'il luy griefve4.Ce dont on cueuvre mol et grve s ;Aller sans chausse, en eschappin^.Tous les matins quant il se lieveAu trou de la Pomme de Pin.

    I. Perdus. 2. Poignes. 3. Monnaie de cuivre. 4. Ennuie, cha-grine. 5. Mollet et devant de la jambe. 6. Escarpin.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS - 6765 (XCIII)

    Item, viengne Robin TurgisA moy, je luy pairay son vin,Combien, s'il treuve mon logis,Plus fort sera que le devin.Le droit luy donne d'eschevin,Que j'ai comme enfant de Paris...Si je parle ung peu poictevin,Ice m'ont deux dames appris.

    66 (XCIV)Elles sont trs belles et gentes,Demourans Saint-GenerouPrs Saint-Julien de Voventes,Marche de Bretaigne ou Poictou.Mais i ne di proprement oIquelles passent tous les jours.M'arme i ne seu mie si fou Car i vueil celer mes amours ^

    .

    67 (XCV)Item, Jehan Raguier je donne Qui est sergent, voire des Douze Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne,Tous les jours une tallemouse-

    ,

    Pour bouter et fourrer sa mouse 3

    ,

    Prinse la table de Bailly;A Maubu * sa gorge arrouse,Car au mengier n'a pas failly.

    1. Ces quatre derniers vers sont une imitation du parler poitevin. 2. Pice de ptisserie sucre, dans laquelle il entre de la crme, du fromageet des ufs (Longnon). 3. Museau. 4. Fontaine Maubue.

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    68 FRANOIS VILLON68 (XCVIII)

    De rechief, je donne Pernet, J'entens le bastart de la Barre Pour ce qu'il est beau filz et net,En son escu, en lieu de barre,Trois dez plombez, de bonne carre ^

    ,

    Ou ung beau joly jeu de cartes...Mais quoy s'on l'oyt vecir ne poirre En oultre aura les fivres quartes.

    69 (XCIX)Item, ne vueil plus que CholetDolle, trenche, douve ne boise,Relie broc ne tonnelet.Mais tous ses houstilz changer voisc-A une espe lyonnoise.Et retiegne le hutinet 3 :Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise.Si luy plaist il ung tantinet.

    70 (C)Item, je donne Jehan Le Lou,Homme de bien et bon marchant,Pour ce qu'il est linget et flou 4,Et que Cholet est mal serchant,Ung beau petit chiennet couchantQui ne lairra poullaille en voye,Un long tabart s et bien cachantPour les musser, qu'on ne les voye.

    I. Dimension. 2. Pter. 3. Diminutif de huHn, bagarre, rixe, que-relle. D'aprs Longnon, le hutinet est un instrument de tonnelier quiconsiste en une sorte de maillet. Il est certain nanmoins que Villon joueici sur la signification des mots. 4. Mince et fluet. 5. Manteau:

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 0971 (CV)

    Item, donne Perrot Girart,Barbier jur du Bourg la Royne,Deux bacins et ungcoquemart,Puis qu' gaigner met telle paine.Des ans y a demi douzaine.Qu'en son hostel, de cochons grasM'apatella une sepmaine :Tesmoing l'abesse de Pourras '

    .

    72 (CVI)Item, aux Frres mendians,Aux Dvotes et aux BguinesTant de Paris que d'Orlans,Tant Turlupins que Turlupines,De grasses souppes jacoppinesEt flaons leur fais oblacion ;Et puis aprs, soubz les courtines.Parler de contemplacion.

    73 (CVII)Si ne suis je pas qui leur donne,Mais de touz enfans sont les mres :Et puys Dieu, ainsi les guerdonne.Pour qui seuffrent paines ameres.Il faut qu'ilz vivent, les beaulx pres,Et mesmement ceux de Paris.S'ilz font plaisir nos commres,Hz ayment ainsi leurs maris.

    74 (CXII)Quant des auditeurs messeigneurs.Leur granche- ilz auront lambroisse;

    I. L'abbesse de Port-Royal, Huguette du Hamel. 2. Grange.

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    10 FRANOIS VILLONEt ceulx qui ont les culz rongneux,Chascun une chaise perce ;Mais qu' la petite MaceD'Orlans, qui ot ma sainture.L'amende soit bien hault tauxe :Elle est une mauvaise ordure.

    75(CXIV)Item, maistre Jehan Laurens,Qui a les povres yeulx si rouges,Pour le pechi de ses parensQui burent en barilz et courges,Je donne l'envers de mes bouges ^Pour tous les matins les torchier...S'il fut arcevesque de Bourges,Du sendail * eust, mais il est chier.

    76 (CXV)Item maistre Jehan Cotart,Mon procureur en court d'Eglise,Devoye environ ung patart 3, Car prsent bien m'en advise Quant chicaner me feist Denise,Disant que l'avoye mauldite ^ ;Pour son ame, qu'es cieulx soit mise Geste oraison j'ay cy escripte.

    I. Poches. 2. Sorte d'toffe de soie (Longnon). 3. Monnaie flamande.4. Injurie, diSame.

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    SES VOYAGES ET SES PRISONS 71Ballade et Oraison

    PERE No, qui plantastes la vigne.Vous aussi, Loth, qui beustes ou rochicr *Par tel party qu'Amours, qui gens engigne.De vos filles si vous feist approuchier, Pas ne le dy pour vous le reprouchier ; Archetriclin, qui bien seustes cest art;Tous trois vous pry qu'o vous vueillez perchierL'ame du bon feu maistre Jehan CotartJadis extraict il fut de vostre ligne,Luy qui beuvoit du meilleur et plus chier,Et ne deust il avoir vaillant ung pigne

    .

    Certes, sur tous, c'estoit ung bon archier,On ne luy sceut pot des mains arrachier ;De bien boire ne fut oncques fetart.Nobles seigneurs, ne souffrez empeschiorL'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.Comme homme beu qui chancelle et trpigneL'ay veu souvent, quand il s'alloit couchier;Et une fois il se feist une bigne - ,Bien m'en souvient, Testai d'ung bouchier.Brief, on n'eust sceu en ce monde serchierMeilleur pion 3 pour boire tost et tart.Faictes entrer, quand vous orrez huchicr*,L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

    EnvoiPrince, il n'eust sceu jusqu' terre crachicr;Tousjours crioit : Haro, la gorge m'art ^

    I. Peigne. 2. Bosse. 3. Buveur. 4. Appcb