fracture de l’odontoïde : hémorragie sous-arachnoïdienne à distance d’un vissage...

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Neurochirurgie 58 (2012) 364–368 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Cas clinique Fracture de l’odontoïde : hémorragie sous-arachnoïdienne à distance d’un vissage odontoïdien. À propos d’un cas et revue de la littérature Odontoid fracture: Long-term subarachnoid hemorrhage after anterior screw fixation. Case report and literature review M. Le Corre , N. Suleiman , N. Lonjon Département de neurochirurgie, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34091 Montpellier cedex 05, France info article Historique de l’article : Rec ¸ u le 20 juin 2011 Accepté le 25 avril 2012 Keywords: Odontoid fracture Anterieur screw fixation Long-term complication Subarachnoid hemorrhage Pseudarthrosis abstract Odontoid fractures have been classified by Anderson and D’Alonzo into three main categories. The most unstable injuries, type II fractures involve the base of the odontoid peg at the junction with the C2 body. Due to the proximity of vital neural structures, fracture of the odontoid process may result in instability and fatal neurological damage. Treatment aims to re-establish stability of the atlanto-axial complex by restoring the odontoid process. This may be achieved by conservative or surgical treatment. Anterior screw fixation of the odontoid peg is an interresting alternative surgical option but this technique has a significant complication rate. However, vascular injury is very rare with three case reported in the literature: one case of an intracranial vertebral artery (VA) injury, one case of a cervical internal carotid artery (ICA) injury and one case of anterior pseudoaneurysm of the spinal artery branch. We report a new case of long term vascular injury after screw fixation revealed by a subarachnoid hemorrhage. We discuss the incidence, the mechanisms of injury and the conditions necessary for the occurrence of this complication. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Fracture de l’odontoïde Vissage antérieur Complication à long terme Hémorragie sous-arachnoïdienne Pseudarthrose résumé Les fractures de l’odontoïde sont divisées en trois catégories selon la classification d’Anderson et D’Alonzo. Les fractures de type II qui intéressent la base de l’odontoïde à sa jonction avec le corps de C2 sont consi- dérées comme très instables. En rapport avec la proximité de la moelle allongée, une hypermobilité peut conduire à une issue fatale. L’objectif du traitement est ainsi de rétablir la stabilité du complexe atloïdo-axoïdien par consolidation du processus odontoïdien. Un traitement orthopédique ou chirurgi- cal peut se concevoir. Pour certaines lésions, le vissage odontoïdien par voie cervicale antérieure est le traitement de référence mais cette technique a un taux de complications non négligeables. Les complica- tions vasculaires restent cependant rares avec trois cas décrits dans la littérature : une lésion de l’artère vertébrale dans sa portion intracrânienne, une lésion de la carotide interne et un faux anévrisme d’une branche de l’artère spinale antérieure. Nous rapportons un cas de complication vasculaire révélé par une hémorragie méningée à distance de la fixation de l’odontoïde. Nous discuterons l’incidence de ces évé- nements, les mécanismes physiopathologiques en jeu et les conditions nécessaires à la survenue de ces accidents. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction Les fractures de l’odontoïde représentent entre 10 et 20 % des atteintes traumatiques osseuses du rachis cervical (Aebi et al., Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Lonjon). 1989 ; Rao et Apfelbaum, 2005). Ces fractures sont classées selon la classification d’Anderson et D’Alonzo en trois types (Anderson et D’Alonzo, 1974). En l’absence d’instabilité atlando-axoïdienne authentifiée sur les radiographies standard dynamiques, le type 1 (fracture de la pointe de l’odontoïde) et le type 3 (fracture du corps de C2) sont traitées très souvent par contention externe. Les fractures de type 2 qui intéressent la jonction entre l’odontoïde et le corps de C2 sont les plus fréquentes avec une incidence éle- 0028-3770/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neuchi.2012.04.004

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Neurochirurgie 58 (2012) 364–368

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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racture de l’odontoïde : hémorragie sous-arachnoïdienne à distance’un vissage odontoïdien. À propos d’un cas et revue de la littérature

dontoid fracture: Long-term subarachnoid hemorrhage after anterior screw fixation.ase report and literature review

. Le Corre , N. Suleiman , N. Lonjon ∗

épartement de neurochirurgie, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34091 Montpellier cedex 05, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ecu le 20 juin 2011ccepté le 25 avril 2012

eywords:dontoid fracturenterieur screw fixationong-term complicationubarachnoid hemorrhageseudarthrosis

a b s t r a c t

Odontoid fractures have been classified by Anderson and D’Alonzo into three main categories. The mostunstable injuries, type II fractures involve the base of the odontoid peg at the junction with the C2 body.Due to the proximity of vital neural structures, fracture of the odontoid process may result in instabilityand fatal neurological damage. Treatment aims to re-establish stability of the atlanto-axial complex byrestoring the odontoid process. This may be achieved by conservative or surgical treatment. Anteriorscrew fixation of the odontoid peg is an interresting alternative surgical option but this technique hasa significant complication rate. However, vascular injury is very rare with three case reported in theliterature: one case of an intracranial vertebral artery (VA) injury, one case of a cervical internal carotidartery (ICA) injury and one case of anterior pseudoaneurysm of the spinal artery branch. We report anew case of long term vascular injury after screw fixation revealed by a subarachnoid hemorrhage. Wediscuss the incidence, the mechanisms of injury and the conditions necessary for the occurrence of thiscomplication.

© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ots clés :racture de l’odontoïdeissage antérieuromplication à long termeémorragie sous-arachnoïdienneseudarthrose

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Les fractures de l’odontoïde sont divisées en trois catégories selon la classification d’Anderson et D’Alonzo.Les fractures de type II qui intéressent la base de l’odontoïde à sa jonction avec le corps de C2 sont consi-dérées comme très instables. En rapport avec la proximité de la moelle allongée, une hypermobilitépeut conduire à une issue fatale. L’objectif du traitement est ainsi de rétablir la stabilité du complexeatloïdo-axoïdien par consolidation du processus odontoïdien. Un traitement orthopédique ou chirurgi-cal peut se concevoir. Pour certaines lésions, le vissage odontoïdien par voie cervicale antérieure est letraitement de référence mais cette technique a un taux de complications non négligeables. Les complica-

tions vasculaires restent cependant rares avec trois cas décrits dans la littérature : une lésion de l’artèrevertébrale dans sa portion intracrânienne, une lésion de la carotide interne et un faux anévrisme d’unebranche de l’artère spinale antérieure. Nous rapportons un cas de complication vasculaire révélé par unehémorragie méningée à distance de la fixation de l’odontoïde. Nous discuterons l’incidence de ces évé-nements, les mécanismes physiopathologiques en jeu et les conditions nécessaires à la survenue de cesaccidents.

. Introduction

Les fractures de l’odontoïde représentent entre 10 et 20 % destteintes traumatiques osseuses du rachis cervical (Aebi et al.,

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Lonjon).

028-3770/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.neuchi.2012.04.004

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1989 ; Rao et Apfelbaum, 2005). Ces fractures sont classées selonla classification d’Anderson et D’Alonzo en trois types (Andersonet D’Alonzo, 1974). En l’absence d’instabilité atlando-axoïdienneauthentifiée sur les radiographies standard dynamiques, le type

1 (fracture de la pointe de l’odontoïde) et le type 3 (fracture ducorps de C2) sont traitées très souvent par contention externe. Lesfractures de type 2 qui intéressent la jonction entre l’odontoïde etle corps de C2 sont les plus fréquentes avec une incidence éle-
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ée de non consolidation après contention externe. Les taux deon fusion retrouvés dans la littérature oscillent entre 5 et 60 %Anderson et D’Alonzo, 1974 ; Bohlman, 1979 ; Southwick, 1980 ;ickman et al., 1995 ; Chiba et al., 1996). L’importance du dépla-ement et/ou du diastasis ainsi que l’âge du patient semblentirectement corrélés avec le risque de non consolidation si bienu’au delà de 6 mm de déplacement et après 65 ans, le managementhirurgical de ces fractures est conseillé (Aebi et al., 1989 ; Hadleyt al., 1989 ; Apfelbaum et al., 2000). La stabilisation chirurgicale duomplexe atlando-axoïdien peut s’entreprendre par voie posté-ieure ou antérieure. Dans le passé, la voie postérieure avec laechnique de la cale osseuse en compression décrite par Brookst Jenkins, simple et peu risquée était le traitement de référenceBrooks et Jenkins, 1978). Plus récemment ont été décrits d’uneart, la fixation trans-articulaire C1-C2 avec un taux de fusionstimé entre 90 et 100 % (Brooks et Jenkins, 1978 ; Griswold et al.,978 ; Grob et al., 1991 ; Jeanneret et Magerl, 1992) et d’autre part,

a fixation postérieure des masses latérales de C1 et de l’isthme de2 par des vis polyaxiales. Dans cette dernière technique, l’auteurapporte sur sa série initiale de 37 malades un taux de fusion de00 % (Harms et Melcher, 2001). Cependant, le taux de morbi-ité non négligeable de ces procédures, notamment par lésiones artères vertébrales et la perte complète de la rotation ontonduit à faire naître une alternative qui se veut plus physiolo-ique : le vissage odontoïdien par voie cervicale antérieure dontes premières descriptions remontent aux années 1980 (Bohler,982 ; Borne et al., 1987). Les complications rapportées sont lelus souvent des complications générales en rapports avec lesomorbidités des patients (insuffisance cardiaque, respiratoire,vènements thromboemboliques, infection pulmonaire) ou alorses malpositions d’implant et/ou des défauts de réduction. Lesomplications vasculaires suite à cette procédure sont rares et prin-ipalement représentées par des lésions des artères carotides ouertébrales. Nous rapportons un cas de complication vasculaire

évélée par une hémorragie sous-arachnoïdienne. Cet évènementst survenu à distance du traitement chirurgical par vissage de’odontoïde pour une fracture de l’odontoïde de type II.

ig. 1. A. Scanner rachidien cervical en coupe sagittale et fenêtrage osseux montrant la fr. Scanner de contrôle après trois mois de contention externe retrouvant la pseudarthrosear vissage odontoïdien. L’extrémité distale de la vis dépasse de 6 mm la dent.. Cervical spine CT showing the initial fracture of the odontoid type II. B. Cervical spine CT apine CT after odontoid screw fixation. The distal end of the screw exceeds 6 mm above the top

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2. Cas clinique

2.1. Histoire et examen

Nous rapportons le cas d’un homme de 54 ans, diabétique detype 2 non traité, horticulteur de profession, victime d’un accidentde la voie publique avec traumatisme crânio-rachidien et pertede connaissance initiale. Les explorations réalisées retrouvent unefracture de l’odontoïde de type II sans déplacement avec un traitoblique en bas et en avant et un écart inter fragmentaire inférieurà 2 mm (Fig. 1A). Un traitement conservateur par contention estpréconisé pendant trois mois. L’imagerie de contrôle retrouve undéfaut de fusion avec pseudarthrose locale sans déplacement maisavec une augmentation de l’écart inter fragmentaire mesurée à4 mm (Fig. 1B). Un traitement chirurgical de type vissage odon-toïdien est réalisé avec une vis de rappel cortical, de 36 mm de lon-gueur et de 3,5 mm de diamètre (Fig. 1C). Les suites immédiates sontsimples et l’évolution clinique et radiologique sans particularité.

Plus de deux ans après la procédure, le malade présente descéphalées ictales à deux reprises espacées d’une quinzaine de jours.Le dernier épisode survient alors qu’il taille des haies avec la tête enhyperextension. À l’admission les céphalées sont isolées, en casqueet résistantes au traitement antalgique. L’examen clinique neretrouve pas de syndrome méningé et aucun signe de focalisation.La douleur est cotée à 9/10 sur l’échelle visuelle analogique. Le scan-ner encéphalique montre une hémorragie sous-arachnoïdiennepré-bulbaire (Fig. 2A) avec épaississement des feuillets méningésen regard de l’extrémité de la vis et une contamination sanguineventriculaire (Fig. 2B). Les coupes sagittales cervicales retrouventla fracture de l’odontoïde non fusionnée avec une vis en place. Lapartie distale dépasse d’environ 6 mm l’extrémité de la dent et lapartie proximale est complètement engainée dans l’os (Fig. 1C).L’artériographie encéphalique ne retrouve aucune malformationvasculaire. Les acquisitions (face et profil) de l’artère vertébrale

gauche montrent une nette proximité entre l’extrémité de la visdépassant de l’odontoïde et les premières collatérales de l’ artèrevertébrale (Fig. 3A, B).

acture initiale de l’odontoïde de type II. Trait de fracture oblique en bas et en avant.de l’odontoïde avec augmentation du diastasis. C. Scanner de contrôle après fixation

fter 3 months of external immobilisation finding the non union of the dens. C. Cervicalof the dens.

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Fig. 2. A. Scanner encéphalique en coupe axiale montrant l’hémorragie sous-arachnoïdienne dans la région pré-bulbaire. B. Scanner encéphalique montrant la contaminationventriculaire hématique dans la corne temporale droite.A. Brain CT showing the subarachnoid hemorrhage in the pre-bulbar region. B. Brain CT showing hematic ventricle contamination in the right temporal horn.

Fig. 3. A. Artériographie de l’artère vertébrale gauche en vue de profil montrant les rapports de l’extrémité de la vis et l’artère vertébrale. B. Artériographie de l’artèrev s branA he lefto nd of

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ertébrale gauche en vue de face montrant les rapports de l’extrémité de la vis et le. Angiography (lateral projection) showing the relationship of the end of the screw and tf the end of the screw and the proximal branches of the vertebral artery. �: proximal e

.2. Prise en charge et évolution clinique

Une ré-intervention chirurgicale est réalisée pour retirer’implant. La voie d’abord est identique. La couverture osseuse mas-uant la tête de vis au niveau du corps de l’odontoïde est réséquée.a vis est retirée. Pour favoriser la fusion, les produits osseux issuse la prolifération osseuse exubérante sont impactés dans l’orificeu chenal de la vis. Une nouvelle vis de 32 mm de longueur et de,5 mm de diamètre est introduite (Fig. 4). Les symptômes se sontrogressivement amendés. Le retour à domicile à lieu à j7. En pré-ence d’une instabilité atlando-axoidienne avec non-fusion de laracture, le patient était averti de la nécessité de réaliser une fixationervicale postérieure. Des clichés dynamiques du rachis cervical’ont pas décelé à un mois et demi après la reprise chirurgicale’instabilité résiduelle. La non fusion des deux fragments odontoï-iens persistait sur le scanner cervical à trois mois. Le malade n’aas souhaité une nouvelle intervention. L’activité professionnelle

st reprise deux mois après la procédure. Avec un recul supérieurdeux ans de la reprise opératoire, le patient n’a pas présenté

’évènements indésirables et ne déclare aucun symptôme doulou-eux.

ches proximales de l’artère vertébrale. � : extrémité proximale de la vis.vertebral artery. B. Angiography (antero-posterior projection) showing the relationship

the screw.

3. Discussion

Les complications vasculaires dans la chirurgie rachidiennesont peu communes. Elles intéressent le plus souvent les artèresvertébrales ou carotides internes par des lésions peropératoires(Arand et al., 2001 ; Daentzer et al., 2003 ; Inamasu et Guiot,2006) et nécessitent un contrôle de l’hémorragie et éventuelle-ment une réparation anatomique. Dans les cas de lésions desartères vertébrales, une compression est souvent le seul geste pos-sible associée parfois à une procédure endovasculaire secondaire.Pour les atteintes carotidiennes ou jugulaires, une exposition pluslarge et une réparation chirurgicale sont préférées (Inamasu etGuiot, 2006). Les lésions vasculaires sont rares dans les fixationsantérieures de l’odontoïde. Daentzer et al. rapportent un cas decomplication vasculaire après fixation antérieure de l’odontoïdepour une fracture de type II. Il s’agissait d’un patient de 59 ans pourlequel les auteurs ont implanté deux vis dans l’odontoïde avec l’une

d’elles dépassant de 1 cm environ l’extrémité de la dent. Après laprocédure, l’évolution clinique était rapidement défavorable avec lasurvenue en quelques jours de violentes céphalées et de troubles dela conscience. Les explorations vasculaires authentifiaient un faux
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ig. 4. Scanner cervical en coupe sagittale et fenêtrage osseux après changemente la vis odontoïdienne.ervical spine CT after changing the odontoid screw.

névrisme de 1,5 cm de l’artère vertébrale gauche dans son seg-ent intracrânien (V4) avec une hémorragie sous-arachnoïdienneassive. Conséquente à la lésion artérielle, un infarctus du tronc

érébral a conduit à une issue fatale rapidement (Daentzer et al.,003). Wilson et al. rapportent, chez un patient de 86 ans traitéar vissage odontoïdien pour une fracture de type II, la survenue4 mois plus tard d’une hémorragie sous-arachnoïdienne symp-omatique. L’artériographie cérébrale révélait un faux anévrismeur une branche latérale de l’artère spinale antérieure. Le méca-isme le plus probable discuté dans l’article est la présence d’uneypermobilité chronique de l’odontoïde entretenue par la pseu-arthrose mobile de la dent malgré le vissage. Les mouvementse flexion-extension du rachis cervical seraient source d’une irri-ation chronique des vaisseaux adjacents à la vis dont l’extrémitéépassait de plusieurs millimètres la corticale postérieure de l’apexdontoïdien (Wilson et al., 2011).

Nous rapportons un cas de complication vasculaire avec hémor-agie sous-arachnoïdienne pré-bulbaire, survenant à distance d’unehirurgie de l’odontoïde par voie antérieure. Comme dans les casécrits par Daentzer et Wilson, la vis dépassait l’extrémité de la dentt terminait sa course juste au dessous du bulbe et de la bifurcationu segment V4 de l’artère vertébrale gauche. L’exploration angio-raphique n’a pas mis en évidence de lésion vasculaire importante.’explication physiopathologique retenue est l’atteinte de l’une desremières collatérales de l’artère vertébrale après la perforation et

a traversée durale : l’artère méningé postérieure qui se destine auxéninges et remonte en avant du tronc pour vasculariser la tente

u cervelet. La lésion de cette branche serait favorisée par les mou-ements répétés de flexion-extension du rachis cervical en rapportvec la profession du patient.

Ces trois cas de lésions vasculaires intracrâniennes soulignentes risques potentiels de la fixation odontoïdienne notammentar un environnement riche de structures vasculaires ou neurolo-iques. La procédure d’implantation avec deux vis dans l’odontoïde

emble augmenter très légèrement le taux de fusion (Jenkinst al., 1998). Cependant, cette technique augmente sensiblemente taux de complication notamment par mauvais positionnementes implants et blessures neurovasculaires potentiellement graves

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(Shears et Armitstead, 2008). Par ailleurs, le planning préopératoireavec calcul de la longueur cranio-caudale de C2 simulant la place del’implant est indispensable. La proéminence du thorax qui oblige untrajet plus horizontal par rapport à l’axe de la dent avec un risqued’effraction postérieure plus important doit être considéré au préa-lable. Enfin, les implantations se déroulant le plus souvent par voiedroite, il est impératif de contrôler sur le cliché peropératoire deface l’absence de déviation à gauche de l’extrémité distale de la vis.

Les complications procédurales et notamment vasculairesdoivent être donc considérées dans la prise en charge des fracturesde l’odontoïde. Une revue systématique récente a cherché à évaluer,en fonction des évènements neurologiques, de la fusion osseuse,des complications chirurgicales, des douleurs résiduelles et del’impact fonctionnel, les différentes alternatives thérapeutiques(traitement conservateur et traitements chirurgicaux). La conclu-sion générale des auteurs indique qu’il n’existe pas d’évidenceforte pour considérer le traitement chirurgical comme supérieur(Shears et Armitstead, 2008). Cependant, des nuances doiventêtre apportées, et notamment dans les types II. Le taux de fusionchez les patients traités par contention est 25 fois plus faiblechez les patients de plus de 50 ans comparés à ceux de moinsde 50 ans (Lennarson et al., 2000). En présence d’un déplacementsupérieur de 6 mm, le taux de non-fusion en cas de traitementconservateur est évalué par Greene et al. à 86 % contre 6 % si ledéplacement est inférieur à 6 mm (Greene et al., 1997). Ainsi, unâge supérieur à 50 ans, un déplacement supérieur à 5 mm, unecomminution du trait de fracture (type IIa) et une impossibilitéd’obtenir ou maintenir un alignement par une contention sont enfaveur d’un traitement chirurgical d’emblée (Hadley, 2002). Danstous les autres cas, le traitement conservateur doit être considéré.Enfin, dans les objectifs thérapeutiques prédéfinis, aucun traite-ment chirurgical n’est considéré comme supérieur à un autre.Chaque procédure présente des avantages et des inconvénientspropres en terme d’atteinte des objectifs (évènements neurolo-giques, fusion, douleur, séquelle fonctionnelle) et de leurs tauxrespectifs de morbi-mortalité (Shears et Armitstead, 2008). Le tauxde fusion après vissage est aujourd’hui estimé entre 80 et 100 %(Aebi et al., 1989 ; Chang et al., 1994 ; Julien et al., 2000 ; Platzeret al., 2007). Les taux de morbidité et de mortalité sont non négli-geables (White et al., 2010). Platzer et al. rapportent notamment untaux de 4 % de mortalité et jusqu’à 9 % dans la population gériatrique(Platzer et al., 2007). Au delà de 85 ans, Smith et Kerr retrouvent 15 %de mortalité à la phase précoce du traitement chirurgical contretout de même 12,5 % pour les traitements orthopédiques (Smithet Kerr, 2008). Notre patient à la prise en charge initiale, hormisl’âge (54 ans) ne présentait aucun autre facteur prédictif de non-fusion par traitement conservateur. L’échec de la fusion après troismois de contention a conduit la réalisation d’un vissage odon-toïdien par voie antérieure. Lors de la survenue de l’hémorragiesous-arachnoïdienne, le caractère idiopathique ne pouvait certespas être éliminé. Cependant, le doute sur la responsabilité de la visimposait de réviser l’implant. Bien que la fusion de l’odontoïde nesoit pas obtenue, il a été jugée préférable de replacer une vis pourconserver un « tuteur » dans l’odontoïde. Un second temps de fixa-tion postérieure dont le taux de non-fusion est proche de 0 %, contre8 % pour le vissage antérieur (Andersson et al., 2000 ; Kuntz et al.,2000 ; Smith et Vaccaro, 2008 ; Omeis et al., 2009) était proposéau patient. Aux regards des conséquences fonctionnelles attendueset de la perte de mobilité, notre patient a refusé le second tempspostérieur. Effectivement, Smith et Vaccaro rapportent chez unepopulation âgée que la gêne ressentie dans « toutes les activités dela vie quotidienne » est respectivement de 26 % après une chirurgie

de fixation postérieure contre 0 % après fixation antérieure. De lasorte, la gêne dans « certaines activités » est retrouvée dans les deuxalternatives chirurgicales (postérieure/antérieure) respectivementdans 74 % et 30 % (Smith et Kerr, 2008). Ainsi, chaque paramètre
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oit être pris en compte dans le planning thérapeutique et dans lehoix de la procédure.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

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