fernando poo et le cameroun

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ETUDES CAMEROUNAISES fi!et, Ie kg. . ................ . rognons, Ie kg. . ............ . langue, Ie kg. . .............. . creur, pieee ................. . tripes, Ie kg. . ............... . pieds, piece ................. . cervelle, piece . ............. . foie, Ie kg .................. . 70 fr. 30 fr. 45 fr. 3,5 fr. 35 fr. 30 fr. 45 fr. 40 fr. - 6ö- FERNANDO POO ET LE CAMEROUN SeuJe voisine, a l'ouest de Douala, d'oü eile est bien visible par temps clair, et atteignable en pirogue par les habiles pecheurs de Ia. cöte, l'ile de Fernando-Poo a joue un röle important pour le Cameroun, au s.iecle de.mier. C'est vais.eßlJblablement au tout debut de 1472 que le navigateur portugais Fernan.do Poo decouvrit cette ile, a lai{UCill" il donna le nom d' « Ilha Formosa ». Elle perdit ce nom, en faveur de I'actuel, peu apres la mort, dans ces memes parages, du hardi voyageur. Jusque vers la fin du xvm• siecle -- c'est-it-dire pendant toute la periode portug.aise - on ne sait a peu pres rien de l'histoire de cette ile et de ses habitants. C'est par Ie traite, ratifie a Madrid le 24 mars 1778 (apres une cession faite, en prive, le r• octobre 1777, par Joseph II, roi de Por- tugal), que Fernando-Poo fut cedee a l'Espagne, ainsi que la petite ile d' Annobon, en echange de l"ile de Tri·nftdad, s:ur la cöte du Vt'me- zuela. Le comte de Floridablanca, premier ministre de Charles 111 d'Espagne, am.,ait reconnu que Fernando-Poo avait ete desi'l'ee dans le but d'en tirer les esclaves necessaires aux colanies espagnoles d'Amerique du Sud, et qu'il fallait jusqu'alors acheter fort cber aux ou aux Portugals. Peu apres la ratification de ce traite, une e,:x:pt\dition espagnole partit de Montevideo sur Ia fregate « Catalina » et deux autres bateaux, ayant a bord 150 soldats, matelots et colons, sous Ia direc- tion du comte d' Arjelejos, avec Don Joaquim Primo de Rivera comme second. lls arriverent a Fernando-Poo a fin octobre 1778, puis; de la, a Annobon. Pendant ce dernier trajet mdurut le c<>mte d'Arjejelos. A Annobon, Ies residents portngais resisterent (ils y avaient un fort et de l'artillerie) et repousserent les Espagnols, refu- -57-

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Brutsch, Jean Rene, ‘Fernando Poo Et Le Cameroun.’, Etudes Camerounaises, Yaoundé, 43/44 (1954), 67–78

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Page 1: Fernando Poo et le Cameroun

ETUDES CAMEROUNAISES

fi!et, Ie kg. . ................ . rognons, Ie kg. . ............ . langue, Ie kg. . .............. . creur, pieee ................. . tripes, Ie kg. . ............... . pieds, piece ................. . cervelle, piece . ~ ............. . foie, Ie kg .................. .

70 fr. 30 fr. 45 fr. 3,5 fr. 35 fr. 30 fr. 45 fr. 40 fr.

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FERNANDO POO ET LE CAMEROUN

SeuJe voisine, a l'ouest de Douala, d'oü eile est bien visible par temps clair, et atteignable en pirogue par les habiles pecheurs de Ia. cöte, l'ile de Fernando-Poo a joue un röle important pour le Cameroun, au s.iecle de.mier.

C'est vais.eßlJblablement au tout debut de 1472 que le navigateur portugais Fernan.do Poo decouvrit cette ile, a lai{UCill" il donna le nom d' « Ilha Formosa ». Elle perdit ce nom, en faveur de I'actuel, peu apres la mort, dans ces memes parages, du hardi voyageur.

Jusque vers la fin du xvm• siecle -- c'est-it-dire pendant toute la periode portug.aise - on ne sait a peu pres rien de l'histoire de cette ile et de ses habitants.

C'est par Ie traite, ratifie a Madrid le 24 mars 1778 (apres une cession faite, en prive, le r• octobre 1777, par Joseph II, roi de Por­tugal), que Fernando-Poo fut cedee a l'Espagne, ainsi que la petite ile d' Annobon, en echange de l"ile de Tri·nftdad, s:ur la cöte du Vt'me­zuela. Le comte de Floridablanca, premier ministre de Charles 111 d'Espagne, am.,ait reconnu que Fernando-Poo avait ete desi'l'ee dans le but d'en tirer les esclaves necessaires aux colanies espagnoles d'Amerique du Sud, et qu'il fallait jusqu'alors acheter fort cber aux Fran~ais ou aux Portugals.

Peu apres la ratification de ce traite, une e,:x:pt\dition espagnole partit de Montevideo sur Ia fregate « Catalina » et deux autres bateaux, ayant a bord 150 soldats, matelots et colons, sous Ia direc­tion du comte d' Arjelejos, avec Don Joaquim Primo de Rivera comme second. lls arriverent a Fernando-Poo a fin octobre 1778, puis; de la, a Annobon. Pendant ce dernier trajet mdurut le c<>mte d'Arjejelos. A Annobon, Ies residents portngais resisterent (ils y avaient un fort et de l'artillerie) et repousserent les Espagnols, refu-

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ETUDES CAMEROUNAISES

sant de cooer l'ile qu'ils Qccupaient depuis 70 ans. Primo de Rivera, avec 22 survivants seulement, regagn.a Montevideo, d'ou il rentra cn Espagne. Ce fut Ia seule expedlition espagnole a Fernando-Poo j usqu'en 1843. Des 1782, I'ile est consideree COmme aba•ndonm\e.

En 1827, Ies Anglais, Süus la conduite du capitatne Owens, venus sur I' « -Eden ~. s'installerent sur l'ile, y etablissant une base de ravitaillement pQur Ieurs navires Iuttant contre l'esci.avage ; ils y fonderent aussi une colonie pour esclaves ltiberes. Une concession fut delimitee avec de·ux. chefs indig;ßnes, et acquise a fort bon compte ; eile rec;ut Ie nom de « Clarence-TQwn ~. Le jou.r de Noel IR27, on prit formellement possession de ce te·rrain au nom de Sa Majieste Geor.ge IV, roi d'AJngleterre, en presence et avec l'accord des deux chefs, surnommes « Chameleon » et « Cut Throat 1> par les gens du capitaine Owens. Quant a ce dernier, ii exe·rc;a les fonc­tions de super-inteindant de Ja colonioe, seconde par le ·capitaine Har­rison ·comme « chief civil appointment ». Des lors, !es bateaux anglais y firent frequemment escale, y deposant les esclaves cap­tures dans le golfe.

Fetr>nando-Poo servlit ainsi de base d'operations a I' Angleterra pour l'exploratiol!l et la surveillance des territoires bordant le Golfe de Guinee. Ses officiers d·e marine, puis ses consuls conclurent des d.izaines de trai.tes avec !es pri•ncipales tribus cöt~eres, imerdisant peu a peu Ie commerce des esclave·s· et les sacrifices humains, met­tant un frein aux abus de pouvoir des chefs, indigenes, contrölant meme leur nomination, protegeant le commerce, et cTean·t, dans Ies centres importants, des tribunaux mixtes dans lesquels siegeaient c<lte a cöte colons. et com,tmert;ants europeens et notables africains, instauraut ainsi un climat de comprehension interraciale et exer­~ant une irnfluence humanitaire et padficatrice. Nous esperons pou­voir bientot puhlier dans cette revue !es textes des principaux traites conC'ernant Ie Cameroun, et qui, donnarnt une ba:se Ie·gale aux chef­feries africaines, aussi bien que des directives d'ordre economique et sccial, sont, en quelque sorte, a l'origine de tout Ie developpement utlerieur du Territoire. '

II semble que l'Espagne protesta en Angleterre e~a apprenant I'occupation de son He. En 1829, le capitaine Owens fut cependant remplace par Je lieutenant-colonel Nicholls, avec un autre Anglais nomme John Beecroft, comme supeT-i•ntendant. En 1833, y passa l'amiral Warren sur I' « Irisr ~ ; il declara que 1es Anglais ne s'y

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FERNANDO POO ET LE CAMEROUN

maintiendront pas. Cette meme annee, enr eilet, l'ile etait abandon­m}e par Ia colonie anglaise, en raison d'une tres forte mor'talite, mais Beecroft continua d'y resider. Clarence passa aux mains de « Dillon,

· . Tenant et Gomp.any ~, jusqu'a leur banqueroute en 1837. Puis cc fut Ia « West African Company », jusqu'en JR41, date oü eUe ven­dit Clarentc;e pour 1.500 :E a la Baptist Missionary Society de Lon­dres, qui venait de s'installer sur l'He.

En 1843, vint enfin de Madrid, une expectition conduite par Don Juan Jose de Lerena, oommandant Je brick « Nervion :~>, envoye avec pieins pouvoirs pour replanter Je drapeau espagnol. Fernando­Poo s'appela pendant quelque temps « Puerto de Isabel ». Lors de ceUe expedition, l'ile de Goricsco et ses cliefs se placerent sous !'auto­rite espagnole. John Beecroft se vit alors nomme gouveTneur de Fernando-Poo, ainsi que de ses dependances : Annobon et Corisco.

Devant le succes de cette expedition, les autorites de Madrid en envoyerent un;e autre, fin 1845, avec le capitaine Don Niebolas de Manterola, sur la corvette « Venus » accompagne du chevalier Guillemard d' Aragon, oonsul general es·pagn.ol a Sierra Leone. On lai·ssa :i Fernando-Poo deux pretres et quelques soldals : ces der­niers y moururent tous tres rapidement. Quant aux pretres, le pre­mier rentra :i Madrid apres 80 jours de sejour (via Liverpool, sur le « palm-oil ship Magistrate· » ), et le second l'infita peu apres, sur un bateau de guerre franc;ais. Jusqu'a l'arrivee d'une equipe de pretres espagnols, sous la super-intendance du Sirgnor Don Miguel Martinez y Sanz, Ie 14 mai 1856, H n'y eut pas un seul res·ildent es.pagnol a Fernando-IPoo.

C'est le 1•r janV'ier 1841 qu'arriverent a Fernando-Poo !es pre­mi.ers mi•ssio11111aiTes protestants de la Mission bapbiste de L.andres. (Cf. notre artircle : « Les debuts du Christianisme au Cameroun »,

Etudes Camerounaises, n·" 33-34, sept.-dec. 1951, qui est ains•i com­p!ete et corrli,ge sur plusieurs points). Repondant au desir des Eglises noires de la Jamai:que, Ie Comite de Londres avait designe le reve­rend John Clarke, de l'Eglise de Jericho (Jam~ique) et un de ses amis, le docteur G. K. Prince, pour acoomplir un voyage d'enquete a Fernando-Poo, en vue de l'etablissemenrt d'une Mission dans cette re.gion de la cöte africadne. Ces deux enqu~teurs avaient pour ins­tructirons, une fois arrives dans l'ile, de traverser sur le continent, d'examiner la region montagneuse du Cameroun, et, si possible, d'at­teindre le cours superieur du Niger.

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Page 3: Fernando Poo et le Cameroun

ETUDES CAMEROUNAISES

Pendant SOU absence, J. Clarke etait remplace dans son Eglise de Jericho par !es reverends Robert et Joseph Merrick, pere et fils, qui venaient d'etre consacres au saint ministere Je 16 fevrier 1839, a Jericho meme, connne !es deux premiers pasteurs noirs (esclaves liberes) de Ja Jamaique. Les pasteurs consacrants etaient Jes reve­rends PhHippo, Knibb, Reid et Clarke. Gonune on Je sait, J oseph Merrick vint ensuite au Cameroun, ou i1 travailla de 1843 a 1849.

Partaut d'Angleterre, ou ils etaient en conge, Je 16 octobre 1840, Clarke et Prince voyagerent a bord du « Golden Spring », capitaine Irwine, de I'African Company. La destination du bateau etait Fer­nando-Poo, via .Cape Palmas et Cape Coast Castle. Se trouvaient egalement a bord 8 noirs, de Cape Palmas, Cape Coast et Fernando­Poo. Nos voyageurs avaient re~tu. en vue de leur expedition, de pre­cieux conseils du lieutenant-colonel Nicholls, ancien gouverneur de Fernando-Poo, retire en Angleterre, et ami de Ia Mission de Londres. II leur avait meme remis plusieurs Jettres d'introduction, parmi lesquelles il s'en trouvait pour Mr. John Scott, « chief constable », et Je capitaine John Beecroft, a Fernando-Poo, « King Acqua, of Cameroons », « King William, of Bimbia », et « King Bell, Qf Cameroons ».

Debarquant donc a Fernando-Poo, Je 1"' janvier 1841, Clarke et Prince furent re~tus quelques jours par un Mr. Thompson, agent de Ia « West African Company » ; puis, Je 4 janvier, ils s'installc­rent dans une maison qu'ils avaient pu louer. Des le premier diman­che, ils precherent regulierement l'Evangile aux habitants de la region.

Au debut de fevrier {le l" vraisemblablement), ils reussirent a traverser sur Je continent, a Douala. Dans une lettre ecrite de « King Bell's Town », le 2 fevrier, Clarke ecrit a Landres qu'a Ieur arrivee a « Cameroons » ( « Cameroons » pour I es Anglais, puis « Kamerun » pour !es Allemands, fut jusqu'au 1"' janvier 1901, date de Ia loi lui donnant son nom actuel pour la distinguer de celui de l'ensemble du territoire, Je nom de Ia ville de Douala), ils ont ete introduits aupres des chefs par un capitaine Lilly, « a resident trader », - Je meme, certainement, que le John Li!ley, « resident at Cameroons », qui contresigna plusieurs documents de l'epoque, par exemple le premier traite conclu entre l'Angleterre et !es rois Acqua et Bell, le 10 juin 1840, et l'important accord du 14 janvier 1856, donnant en vingt articles le reglement du tribunal connu sous Je nom de « Court of Equity ».

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FERNANDO POO ET LE CAMEROUN

Les miss~onnaires furent bien re~us, taut chez le roi Bell (= Lobe, fils de Bebe, qui mourut en 1858), « vivant dans un luxe rarerneut vu en Afrique », note ülarke, que chez le roi Aqua (= Ngando, fils de Kwa, qui mourut en juillet 1845, un mois apres l'etablissement .a Douala du missionnail·e Alfred Saker). Dans une lettre du 5 fe­vrier 1841, le docteur Prince raconte une de ses vis.ites au roi Aqua, avec lequel ii a ete mis en rapport par le capitaine Wild, du « Renewal », commer~ant de Liverpool :

« Le roi, les reins ,ceints d'un riche pagne ecarlate, faisant un saisissant oontraste avec son visage noir brillant, etait assis devant sa porte. A sa gauehe se tenaient un fort groupe de ses notables et ses nombreux enfants. A une petite distance, a droite, se trouvaient quelqnes-unes de ses cinquante epouses, joliment parees de graudes perles de differentes couleurs disposees autour de leurs tetes et de leurs personnes·. En outre, sur chaque eminence, et formant un vaste cercle autour de moi, se tenaient des groupes d'hommes atten­dant impatiemment mon discours, les jeunes, tels Zachee, montes sur les arbres. Nous etions a une bonne hauteur, dominant le majes­tueux courant (du Wouri), oii se trouvaient ancres plusieurs bateaux marchands. Le soleil etait descendu rapidement derriere la rive opposee ; avant de conclure, apres que les assistants aient unani­mement souhaite Ia venue du missionnaire promis et d'un institu­teur pour leurs enfants, je me tournai vers la lune qui, magnifique, s'Clevait devant nous tous, et je leur dis que Dieu, qui avait crec cet astre pour agrementer Ia nuit, avait entendu leurs vreux et vou­lait s'en souvenir. II y avait la pas moins de 500 personnes, rassem­bte~s en 3(} ou 40 minutes a l'appel de leur tambour indigene. Beaucoup d'entre eux comprenaient l'anglais. ( ..... ) Ils qualifiE~rent (mon discours) de "good palaver ", disant qu'ils voulaient proteger le missionnaire qui viendrait, me remerciant tres chaleureusement et declarant leur intention de construire une maison et une ecole, et de ne jamais abandonner l'homme blaue. »

Le 6 fevrier, Clarke et Prince quittereut Douala pour Bimbia, ou ils annoncereut l'Evangile, le lendemain dimanche, a 300 personnes rennies en plein air. De la, ils regagnerent Fernando-Poo. A l'ex­ception d'une seconde et tres breve visite du docteur Prince a Bim­bia, le 6 juin 1841, il ne semble pas que nos missionnaires eurent l'occasion de quitter leur ile pour d'autres expeditions sur le conti­nent.

C'est donc au debut de fevrier 1841 que l'Evangile fut annonce pour Ia premiere fois aux habitants de Douala.

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ETUDES CAMEROUNAISES

Clarke et Prince restereut a Fernando-Poo pendant un peu plus d'un an, visitant. une bonne partie de l'ile, evangeiisant ses divers habitants, etudiant leurs langues et leurs coutumes, particuliere­ment avec l'aide de quelques jeunes eleves de l'ecole du dimanche. Dans une lettre dah\e du 24 juin 1841, Clarke signale qu'il a parmi ses eleves, « faisant de constants progres, un homme de Cameroons, originaire de Ia ville dans laquelle le docteur Prince et moi nous sommes vus offrir un terrain pour l'usage de notre Societe. Cet homme est souvent avec moi une demi-heure avant les reunions de prieres ou Ies lel,(ons, restaut ensuite aussi Iongtemps que je peux Ie garder. C'est de lui que j'ai obtenu Ia plus grande partie de mon vocabulaire camerounais, et son assistance a Ia predication de la Parole est encourageante et fait plaisir. Le docteur Prince a commence d'enseigne1· eet homme et quelques autres, mais per­sonne ne Ie depasse ou ue fait des progres comme lui ». Un peu plus Ioin, Clarke .note ce detail pittoresque : « Sur Ie chemin, ,i'ai depasse une maison dans laquelle plusieurs Camerounais dansaient et faisaient grand tapage ! •

II ressort de cette lettre que Clarke fut Ie premier a etudier syste­matiquement Ies Iangue&,. de la region, dont Je douala, qui fut, avec son dialecte isubu (bimbia), Ia premiere Iangue ecrite et imprimee du Cameroun. Dans une autre lettre, le 13· juiHet, Clarke donne des indications sur le vocabulaire de 97 dialectes differents ! II publia plus tard une c Fernandian Grammar »,des « Specimens of African Tongues •· l'Evangile de Mattbien en fernandian, et laissa a sa mort, le 28 septerobre 1879, de nombreux manuscrits.

La population de Fernaudo-Poo etait en etfet tres varil\e. Dans une lettre du 25 juin 1841, le docteur Priuce l'estime a 12.500 habi­tants. Plus tard, le consul Hutehinsan mentionne une autre estima­tion, allant jusqu'a 30.000 habitants, mais trouve qu'il est difficile de preciser.

Dans le petit journal de Ia Mission est donne un recensement complet de Ia popul~tion de Clarence, au 23 avril 1841. C'est une mine de renseignements, grace a laquelle on apprend qu'il y avait alors dans cette petite Babylone des representants de 36 tribus ou pays dift'erents ; mentionnons tout particulierement Ia presence de 53 Douala et de 8 Haoussa ! Voici (d'apres le Missionarg Herald. Londres, septerobre 1841, p. 132'-133) ce tableau :

2 Atta or Iddah, 5 Appa, 18 Aku or Eyeo, 3 British Accra, 25 Bim­bia, 1 Bidjie, 1 Brass, 115 Boubies, 53 Cameroons, 46 Calabar, 26

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FERNANDO POO ET LE CAMEROUN

Congo, 8 Cape Coast, 6 Cape Luhon, 5 England, 93 -Eboe, 1 Gouru, 1 Germany, 18 Gaboon, 8 Houssa, 2 Jaloffe, 192 Kraus, 4 Cape Pahnas (Liberia), 1 Mandingo, 29 Moco, 1 Nyffe, 158 natives (not Boubies), 5 Otano, 1 Popo, 9 Princes' lsle, 6 River Danger or Mooney, 2 Rio Pongo, 1 Scotland, 18 Sierra Leone, 2 St Thomas' Isle, 6 United

States, 1 Vy = 873 .. Toout ce monde etait reparti dans 178 cases. On precise encore

qu'il y avait 4&0 hommes adultes + 149 gar~ons demoins de 15 ans,

et 15•5 femmes adultes + 109 filles. Le nom de « Boobees » ou « Boubies », qui avait ete donne aux

indigenes de Fernando-Poo par le capitaine Kelly, en 1822, signi­fierait simplement « hommes ».Quanta celui d' « Adeeyahs », qu,i leur fut donne en 1841 par le docteur Thomson, de l'expedition du Niger, il designerait seulement le « village » (Town). D'apres Ieurs tatouages, semblables a ceux des Okoos originaires de la region yoruba, Hutchinson emit l'idee qu'ils pourraient provenir d'un melange d'Okoos et des Portugais qui visitereut Lagos au xv• siecle et decouvrirent et coloniserent ensuite Fernando-Poo.

Grace au consul Hutchinson, qui nous donne le recensement de Ia population de Clarence au 31 mars 1856, on peut faire d'interes­santes oomparaisons avec cette premiere Iiste :

Natives of

\

'England ........... . Sierre Leone ........ . British Akra ........ . Cape Coast ......... .

British residents

\

Lagos .............. . Liberated by Brit. ish men" ':Aboh .............. .

of-war from slavers captu- 01d Kalabar ........ . red in the Bights, etc.... Kameroons .......... . under the impression that Habenda ........... . they are becoming British Congo .............. . subjects . . . . . . . . . . . . . . . . Popoh ............. .

. ,Akw ................ .

Orphans of old settlers, the ' majority of whom call,le Clarence, Fdo Po .... whith Capt. Owens m 1827 ................... .

Offspring of living parents l who believes themselves to \\ Ditto ditto be British subjects ..... .

..........

Male

6 47 20

6

12 36 22 14

6 16

1 . 2

22

89

A repol1ter

~ 73 ~

Fe male Total

21 ~105

29 24 28 ~ 15 238 13 18

1 1 :

21 43

91 180

566

Page 5: Fernando Poo et le Cameroun

ETUDES CAMEROUNAISES

Report ..... . 566

I Bonn. y . . . . . . . . . . . . . . 14 5 Portuguese from Prin-

ces a.nd Saint Tho-mas Islands . . . . . . . . 33 8

Dutch Akra . . . . . . . . . . 7 1

I Bimbia . . . . . . . . . . . . . . 55 13

Non-British and non-libera- Old Kalabar . . . . . . . . . 4 21 ted residents, working as Kamerauns . . . . . . . . . . 44 13 artisans et servants . . . . . . Aborigines . . . . . . . . . . . 27 9

Benin . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 America . . . . . . . . . . . . 0 1 Jamaica . . . . . . . . . . . . . 1 0 Krumen . . . . . . . . . . . . . 158 ,o

416

Total ........ · · 982

Petit detail, en passant, Hutehinsou signale egalerneut que des Americains out essaye de chasser les baleines, qui sont assez nom­breuses au !arge de l'ile en juillet, aout et septembre, mais les requins ernpechereut toute recuperation.

Mentionnons aussi que ce sont Clarke et Prince qui introduisi­rent a Fernando-Poo, comme leurs successeurs le firent plus tard au Carneroun, differents arbres fruitiers et plantes comestibles.

Avant Ia fin de l'annee, le 21 novembre 1841, nos deux mission:­naires eurent la joie de pouvoir haptiser les premiers convertis de Clarence : John William Christian et sa femme Phoebe, Joseph Wilson, Peter Nieolle et Mary Ann Duroo.

Laissaut cette petite communaute a Ia garde d'instituteurs indi­gimes, les deux missionnaires quittereut Fernando-Poo le 3 fevrier 1842 pour rentrer rendre cornpte en Angleterre. lls ignoraient alors que leurs Jettres avaient deja suscite un interet tel que Ia decision de poursuivre cette Mission avait ete prise, et que le premier mis­sionnaire titulaire anglais etail: en route, et meme tout pres du but ! C'est en effet quatre jours seulement apres Ie depart de C!arke et Prince qu'arriverent a Fernando-Poo le reverend et Mme Sturgeon, partis d'Angleterre le 16 decembre 1841, sur Ie « Palmyra :$. Le travail allait donc se poursuivre sans interrupHon.

C!arke et Prince eurent une traversee tres mouvementee. Leur bateau fut demäte et desempare par une tempete et c'est sur un autre na~ire qu'ils debarquerent finalement, non pas en Angleterre, mais a Falmouth, en Jamaique, le 27 mai senlement. Les Eglises baptistes de l'ile virent dans ces evenements un acte providentiel, et le rapport des deux voyageurs suscita pour la nouvelle Mission un

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FERNANDO POO ET LE CAMEROUN

tel enthousiasme que le 9 juillet 1842, deja, arrivait a Londres Alexandre Fuller, de Spanish Town (Jamaique), venant presenter sa candidature au Cornite de la Mission. C'etait le pere de J. J. Fuller, qui travailla plus. de quaraute ans au Came_roun. Joseph Merrick s'annonc;a aussi pour la Mission, et gagna 1' Angleterre avec Clarke et Prince ; ils arriverent a Landres le 8 septembre 1842.

Peu apres, le 13 octobre, a Exeter Hall, au cours du « London Jubilee Meetings ~ (Ia Mission baptiste celebrait son cinquante­naire), le revereilid Clarke fit son rapport sur son voyage d'enquete avec le docteur Prince, et J'.on presenta J. Merrick comme candidat missionnaire. Au cours de cette memorable seance, le colonel Nicholls, ancien gouverneur de Fernando-Poo, fit une chaleureuse intervention en faveur de cette Mission, et proposa l'affectation d'un bateau missi'ÜnnaiJ·e a Fernando-Poo. Le doctem· Cox, qui pre­sidait l'assembh~e. ouvrit immediatement, s'inscrivant lui-meme comme premier donateur, une sonscription speciale dans ce but ! Ce navire, le « Dove ~. fut construit a Birkenhead et lance le 11 novembre 1843.

Deux equipes de missionnaires furent envoyees a Fernando-Poo. La premiere, comprenant le docteur et Mme Prince, M. et Mme Merrick, etAlexandre Fuller, arriva a Clarence le 6 septerobre 1843. Le 11 eut Iien la ceremunie de prise de possession du terrain, achete par la Mission a une Societe de commerce, comme signaie plus haut. Dans une lettre Oll il raconte cette journee, MeiTick mentionne l'existence a Clarence d'un petit tribunal ( « Court for the adjudi­cation of offenses ~ ), dont l'un des membres, originaire de Fernando­Poo, etait Thomas Houghton (ou Horton) Johnson, catechumene de la Mission. C'est lu.i qui, on le sait, accompagna Merrick a Douala en novembre et decembre 1843, et devint le bras droit d' Alfred Saker. Ce dernier Ie consacra an saint ministere comme premier pasteur noir de l'Eglise de Douala, en 1855, avant de partir pour son deuxibne conge en Angleterre. Apres dix annees. de fidele tra­vail, T. H. Johnson mourut a Victoria, Oll il se trouvait pour une periode de convalescence, le 27 mars 1866.

La seconde equipe, recrutee par le reverend. Clarke en Angleterre et en Jamaique, quitta Falrnouth le 1"' decembre 1843, sur le « Chilmark ». Elle comprenait 42 personnes, adultes et enfants, an nombre desquels : M. et Mme Clarke, M. et Mme Saker et un enfant, et plusieurs instituteurs et colons noirs, ainsi que Samuel et Joseph Fuller, allant rejoindre leur pere. Ils arriverent a Fernando-Poo Ie

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ETUDES CAMEROUNAISES

16 fevrier 1844. Nous retrouvons ainsi I'histoire de Ia Mission a un point deja connu des lecteurs de cette revue.

Revenons-en maintenant a John Beecroft, que nous avions ahan­donne apres sa nomination comme gouverneur espagnol de l'ile.

Le 30 juin 1849, il fut encore nomme en qualite de premier consul de Sa Majeste Britannique pour proleger le commerce anglais dans les haies de Benin et de Biafra. Il faut donc croire que, malgre l'eva­cuation de 1833, une assez forte colanie anglaise s'etait maintenue ou reconstituee.

John Beecroft occupa ses deux postes avec distinction jusqu'a sa mort, a Fernando-Poo, Je 10 juin 1854. Sa tomhe porte l'inscription suivante:

« John Beecroft, Spanish Governor of the Island of Fernaudo Po, and Her Britannic Majesty's Consul for the Bight of Biafra, who died June lOth 1854, aged 64 years. This memorial was erected by the inhabitants of the Colony of Clarence as a testimonial of their gratitude for his many years'fatherly attention to theh comforts and interests, as weil as for his unwearying exercitions to promote the happines and welfare of the whole Afrkan race. »

En 1840, Beecroft avait fait vraisemblablement Ia premiere ascen­sion du Pie de Fernando-Poo. II faisait si froid a son sommet que deux porteurs noirs en moururent a Ieur retour a Clarence. La meme annee, il avait aussi explore Je Niger, sur I' « Ethiope ». 11 devait y commander une nouvelle expedition, en 1854, quand il mourut. Le Dr Baikie, doyen des officiers du Gouvernement, Je rem­pla(_;a. L'expedition quitta Fernando-Poo Je 8 juillet et y rentra le 7 novembre, sans avoir subi de pertes, contrairement aux preceden­tes expt\ditions, tres meurtrieres, et ceci gräce a l'emploi preventif de quinine.

A 4()0 metres de la tombe de J. Beecroft se trouve Je monument eleve a Ia memoire des hommes morts Iors de I'expooition anglaise au Niger (1841-1842). Parmi d'autres tombes de I'Ue,_ citons celles de l'explorateur Richard Lauder (t en 1834), du capitaine Bird Allen, de l'expedition au Niger, et du hotaniste D• Vogel.

Signalans encore qu'une baie au N.-W. de Clarence avait ete nom­mee « George's Bay », en I'honneur de George IV d'Angleterre. Le capitaine Kelly, qui passa a Fernando en 182·2, rapparte y avoir vu un roi de Moloko (village de I'ile), qui s'appelait King George. C'est vraisemblablement ce meme nom qui s'implanta a Douala sous

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FERNANDO POO'ET LE CAMEROUN

l'acception deformee de « Joss » (dans divers noms d'habitants de Ia ville, comme dans celui de « plateau de Joss » ).

John Beecroft eut pour successeur temporaire un nomme Lynsla­ger, descendant d'un celebre mareband d' Amsterdam, Maurice Lyns­lager.

Puis en decembre 1856, fut nomme le consul Hutchinson, auquel nous sommes rede-vables d'une banne partie de ces renseignements.

Moins de deux ans apres, l'activite de Ia Mission protestante fut hrusquement interrompue a Fernando-Poo. Le 22 mai 1858 y arri· vait, en effet, un gouverneur espagnol, Don Carlos Chacon, accom­pagne de six Jesuites. Le 27 par.aissait Ia proclamation suivante :

« 1. La religion de cette colanie est celle de l'Eglise catholique romaine, unique Eglise du royaume d'Espagne a l'exclusion de taute autre ; la profession d'aucune autre religion ne sera toleree ou permise, si ce n'est celle faite par les missionnaires de la susdite religion catholique.

« 2. Ceux qui professent une autre religion que Ia catholique borneront leur culte a leurs maisans et familles privees, et Ia limi­teraut a leurs propres membres.

« 3. M. Lynslager est nomme lieutenant-gouverneur dans cette colanie jusqu'a (autre) decision de Sa Majeste la Reine d'Espagne.

« 4. Toutes les autres lois ou reglements pour le hon gouverne­ment et !'ordre de cette colonie, qui ne sont pas contraires a celle de ce jour, resteront en pleine vigueur jusqu'a nouvel ordre.

« A bord du "Balboa", 27 mai 1858. »

Cette proclamation fut suivie d'un ordre d'expulsion pour les missionnaires anglais. Toutes !es protestations derneuraut vaines, Ia quasi-totalite de la population protestante de l'ile, sous Ia direction du reverend Alfred Saker, et avec l'aide du bateau mis a sa disposHion par Je consul anglais, alla s'etablir sur le continent : ce fut Ia fonda­tion de Victoria. Apres de lanorieuses negociations des Services diplo­matiques anglais, le Gouvernement espagnol versa une somme de 1.500 f: pour indemniser la Mission baptiste.

Detail curieux, Victoria resta anglaise apres l'annexion du Came­roun par les Allemands, en 1884, et ne devint territoire allemand que le 7 mai 1886, date de SOll echange contre Forkados, dans les bouches du Niger, et St-Lucia, en Afrique du sud.

Quant a .Fernando-Poo, elle devint, en septembre 1858, une cola­nie penitentiaire !

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Page 7: Fernando Poo et le Cameroun

ETUDES CAMEROUNAISES

Le consulat anglais s'y maintint jusqu'au 16 juin 1881, date de son transfert au Vieux Calabar. Peut-etre cet eloignement contribua­t-Ü :i l'affaiblissement de l'influence anglaise au Cameroun, favori­sant ainsi la realisation des aspirations coloniales allemandes.

C'est donc par l'intermediaire de Fernando-Poo que le Cameroun, d'une part, connut l'abolition de l'esclavage et l'instauration d'une administration Iegale (nous donnerans bient(Jt ici-meme les textes des traites concernant ces deux evenements), et, d'autre part, rec;ut le message vivifiant de l'Eva:Ii.gile du Christ.

Il valait Ia peine de le rappeler brievement. Juin 1954.

Pasteur J.-R. BRUTSCH.

BmLIOGRAPHIE SOMMAinE

1. BOUCHAUD (P.-J.). - La cote du Cameroun. Memoire !FAN, n• 5, 1952. 2. HuTCHINSON (T. J.). - lmpressions of Western Africa, London, 1858. 3. The Missionarg Herold, London. 4. WILSON (J. L.). - Western Africa, London, 1856. 5. ZÖLLEn (H.). - Forschungsreisen in der deutschen Colanie Kamerun, 3 vol.,

Berlin et Stuttgart, 1885-1886. 6. Public Record Olftce, Foreign Office, London,

et les indications bibliographiques donnees dans !es ouvrages cites sous n • 1, 2, 4 et 5.

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PUBLI(ßTIONS UU (lNTRl lf~N (~MlROUN

Bulletin d'Etudes Camerounaises :

N" 1 a 10 : epuise.

N• 11 a 37-38 : 150 fr. C.F.A. le numero, soit 3(}0 fr. Metro.

MEMORANDA I. Petite etude sur Ia main-d'amure d Douala, par J.

GUIJ..BOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 fr. C.F.A.

li. Gontribution d l'etude de l'lslam noir, par le Capi-taine CARDAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2(}(} fr. C.F.A.

III. Les Institutions politiques et sociales des populo.tions dites Bamileke, par E. DELAROZiimE . . . . . . . . . . . . 200 fr. C.F.A.

MEMOIRES serie : Seiences Naturelles :

N" 1, Resultats de Ia Mission zoologique suisse au Came-roun, par MoNARD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 900 fr. C.F.A.

N" 2, Birds of French Cameroon:, par le Dr A. I. Goon . . 900 fr. C.F.A.

Serie : Populations :

N" 1, Jnventaire ethnique du Sud-Cameroun, par I. DuGAST 350 fr. C.F.A.

N• 3, Kirdi, les populations pa"iennes du Nord-Came­roun, par B. LEMBEZAT •.•.•.••.•......••..••..

N" 4, L'ecriture des Bamun, par I. DuGAST et M. D. W. JEFFREYS •.••••......••.•••••••••••••••..••.••

N• 5, La Cöte du Cameroun, dans l'Histoire et Ia Carto-

400 fr. C.F.A.

3ä0 fr. C.F.A.

graphie, par le R. P. BoucHAUD . . . . . . . . . . . . . . . . 750 fr. C.F.A.

N· 6, His(Qire et Coutumes des Barnun redigees SOUS Ia directioJI. du Sultan Njoya. Traduction du pasteur Henri MARTIN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 800 fr. C.F.A.

, A l'impres-sion, pour paraltre prochainemen:t : La tonetique des lan­gues Bantu et Semi-Bantu du Cameroun, par le R. P. SlrOLL, Jormat i!ll!-8° raisin, 172 pages.

Cahors, Imp. A. Coueslant. - 86.267. - Depöt Iegi.ll IV, 1954