femmes et pouvoir - | cdÉacfbv.cdeacf.ca/cf_pdf/156716.pdf · marie pelchat. n mai 2011, grâceà...

20
 Volume 5 u Numéro 3 u Février 2012 L’ AUTONOME La revue de la Fédération autonome de l’enseignement

Upload: buiminh

Post on 10-Sep-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:43Page1

    Volume5 u Numro3 u Fvrier 2012

    LAUTONOME La revue de la Fdration autonome de lenseignement

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page2

    TABLEDESMATIRES3

    4

    5

    6-10

    11

    12

    13-14

    15

    16

    17

    18-19

    5

    13-14

    18-19

    1615

    6-10

    16

    4

    COLLABORATION SPCIALE Nicole Frascadore JacquesGoldstyn Nathalie Morel lise Prioleau

    PHOTOS GuyDesmaraiset Martine Doyon

    RVISION LINGUISTIQUE Sylvie Pelletier

    GRAPHISME Mardigrafe inc.

    IMPRESSION Imprimerie Philippe Lvesque inc.

    Lareproduction de cette revue, en tout ou en partie, est autorise condition de mentionner lasource.

    100 %PC

    Cette revue est imprime sur un papier certifi coLogo, blanchi sans chlore, contenant 100 % de fibres recycles postconsommation, sans acide et fabriqu partir de biogaz rcuprs.

    DPT LGAL Bibliothque et Archivesnationalesdu Qubec, 2012 Bibliothque et ArchivesCanada, 2012 ISSN: 19235488

    RDACTEUR EN CHEF GuyDesmarais

    RDACTION PierreAndr Champoux Yves Cloutier Wilfried Cordeau GuyDesmarais Armand Dubois Sophie Fabris NancyHnault NatachaLecompte Marie Pelchat Pierre StGermain Elyse Turcotte

    MOT DU PRSIDENT Un pour toutes, tous pour une

    wEB 2.0 Toute vrit nest pas bonne dire ou partager !

    DOSSIER Femmes et pouvoir

    DOSSIER Femmes et pouvoir: une association qui ne va pas de soi

    DOSSIER Parce que nous pouvons toutes contribuer

    DOSSIER Tout est dans la manire

    DOSSIER Le pouvoir dinfluencer

    DOSSIER Un outil essentiel pour poursuivre la lutte

    Un vrai programme de franais, cest essentiel

    JUSTE POUR LIRE Souffrir pour tre prof ?

    BRVES

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page3

    l o

    3

    PIERREST-gERMAIn

    MOTDUPRSIDENT

    Unpourtoutes,touspourune

    Chaque anne, le 8 mars, nous clbrons la Journe internationale des femmes. Outre la clbration quelle reprsente, cette fte est gnralement loccasion de faire le point sur la situation des femmes aux plans social, conomique et politique. La FAE ny chappe pas, comme en fait foi ce numro de LAutonome.

    Tout le monde est en mesure de constater que la situation globale des femmes dans notre socit a nettement volu au cours des cinquante dernires annes et que dimportantes avances ont t ralises. Pensons, notamment, aux congs de maternit, aux retraits prventifs et mme lquit salariale qui, bien quil reste encore beaucoup faire, a amen dimportants correctifs.

    Malgr ces progrs, beaucoup de chemin reste parcourir en matire dgalit des sexes. De plus, il y a encore place pour sindigner du sort rserv aux femmes dans notre socit et mme si certains, voire certaines, considrent le fminisme comme un mouvement dpass, sa pertinence et sa ncessit demeurent une vidence. Faut-il rappeler qu comptences gales, le salaire des femmes demeure globalement infrieur celui des hommes ? Quune femme doit souvent tre plus performante quun homme, faire davantage ses preuves afin daccder un mme poste ? Que les emplois prdominance fminine sont encore moins bien rmunrs que leur quivalent masculin ? Que la place des femmes sur le march du travail ou dans diverses organisations de la sphre sociale, politique ou du monde syndical, nest pas reprsentative de leur poids dmographique. Quainsi, leur point de vue nest pas entendu comme il le devrait, et cest encore, en majorit, des hommes qui dcident pour elles ?

    Si nous pouvons et devons continuer de revendiquer des mesures particulires, des modifications lgales ou rglementaires pour faire reconnatre pleinement les droits des femmes, nous ne pouvons ngliger la sphre personnelle o la difficile conciliation famille-travail empche trop souvent les femmes daspirer certaines fonctions ou les exercer. Certes, nos revendications peuvent contribuer amliorer la situation. Mais la vritable rponse se trouve dans la rpartition des tches au sein du couple, et cela, aucune lgislation ny pourra quoi que ce soit.

    Il nest pas rare dentendre, travers les questionnements et les dbats que cette rflexion amne, lexpression de ce que nous pourrions appeler le malaise masculin . Un malaise engendr par lattention particulire la cause des femmes qui, aux yeux de certains, banaliserait les problmes des hommes. Il est vrai quil existe des problmes propres aux hommes (taux de suicide lev, taux de dcrochage suprieur, pour ne nommer que ceux-l), mais il est possible de travailler rsoudre et

    amliorer le sort de toutes et tous, sans opposer les hommes et les femmes.

    Sur certaines tribunes, il nest pas non plus inhabituel dentendre des commentateurs considrer les revendications des groupes de femmes comme une menace lintgrit masculine. Cette opposition est souvent le fait de ceux qui dtiennent le pouvoir et qui voient dans ces revendications la perte de leur propre pouvoir ou une atteinte leur masculinit. Donner plus de pouvoir aux femmes peut tre interprt comme le retrait de certains pouvoirs ceux qui le dtiennent actuellement, tout comme il peut aussi tre vu comme un juste partage de celui-ci.

    Il est aussi important, pour les hommes, de raliser que les gains et les avances ralises par nos mres, nos surs, nos conjointes et nos filles font avancer les droits sociaux en gnral et mnent une socit plus juste et quitable. Ceci est dautant plus vrai dans le monde de lducation o notre profession est soumise aux valuations et mesures propres un emploi fminin. En ce sens, notre sort, comme enseignant masculin, est intimement li celui de nos collgues fminines et consquemment celui de toutes les femmes. On pourrait dire que leur intrt est donc le ntre, mais la justice et lquit sont dans lintrt de toutes et de tous.

    UNISSONSNOSFORCESETNOSEFFORTS. BON8 MARSTOUTESETTOUS.

    Autonome vol. 5 n 3 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page4

    l o

    ToUTfInITPARSESAvoIR

    UnAccIDEnTESTSIvITEARRIv!

    MAIS cESTMAvIEPRIvE?

    QUEnEST-ILDUDRoITLALIBERTDExPRESSIon?

    LUTILISATIonDESRSEAUxSocIAUx:AvEcMoDRATIon?

    TOUTEVRIT NEST PAS BONNE DIRE OU PARTAGER!

    NatachaLecompte

    Lengouement pour les mdias sociaux, que ce soit Facebook, Twitter ou encore les blogues, est venu bouleverser notre faon de communiquer et de sinformer. Les mdias sociaux permettent au commun des mortels dexprimer ses opinions, de partager de linformation et mme de renouer des amitis. Pour les employeurs cependant, ils peuvent constituer de vrais outils de filature 1. Que ce soit pour connatre les personnes quils souhaitent embaucher, ou tout simplement pour vrifier le comportement de personnes dj leurs services, le Web est une vritable mine dinformations, peu de frais, et facile daccs pour les employeurs.

    Malgr les paramtres de scurit qui peuvent tre mis en place, personne nest labri du risque que linformation partage se propage. Vos amis, sont-ils rellement vos amis ? Peut-tre nont-ils pas de mauvaises intentions, mais il peut arriver quune information se glisse dans une conversation avec lemployeur et vous mettra dans lembarras. Vos amis resteront-ils vos amis toute la vie? Une querelle pourrait tre lorigine de la divulgation dune information votre sujet qui aura de lourdes consquences sur votre parcours professionnel. tes-vous amis avec votre employeur ou encore avec vos lves? vous de juger si le jeu en vaut vraiment la chandelle

    Avant de livrer ses tats dme et de publier des photos via les rseaux sociaux, il est impratif de rflchir aux rpercussions que cela pourrait engendrer sur votre travail. Vos propos nuisent-ils lemployeur, vos collgues ou vos lves ? Vos photos vous dvoilent-elles rayonnant de sant alors que vous tes en cong dinvalidit ? Sachez que dans le cadre dun litige, ce que vous dvoilez sur les rseaux sociaux pourrait tre admis en preuve et utilis contre vous.

    oUI, ,

    Il est difficile de parler datteinte la vie prive, lorsque le profil dun utilisateur est public. Ce dernier a fait le choix de partager informations et photographies toutes et tous. Mme dans les cas o le profil de lutilisateur est priv, tout porte croire que la vie prive de lindividu sera mise de ct et le profil pourrait tre admis en preuve, sil semble pertinent au litige.

    Bien que le droit la libert dexpression soit reconnu larticle 3 de la Charte des droits et

    liberts de la personne, les salaris ont, en vertu de larticle 2088 du Code civil du Qubec, une obligation de loyaut vis--vis de leur employeur. Malgr quelle ne rduise pas nant le droit dexprimer des critiques lendroit de lemployeur, lobligation de loyaut commande quune personne employe vite dpouser une conduite qui puisse tre prjudiciable aux intrts et la rputation de son employeur2.

    Ces dernires annes, les tribunaux ont t de plus en plus interpells sur des questions de mesures disciplinaires, de congdiement, de refus de reconnatre une lsion pro fes -sionnelle, datteinte la rputation ou de diffamation, et ce, en raison dune mauvaise utilisation des mdias sociaux. Bien que la venue des mdias sociaux constitue une impressionnante avance technologique et un vritable phnomne sociologique, une utilisation prudente et rflchie de ces derniers simpose.

    1. LEWANDOWSKI, Ren, Le monde du travail lre Facebook, LaPresse, [En ligne], 30 novembre 2011, [http://lapresse affaires.cyberpresse.ca/portfolio/droitdesaffaires/201111/30/014473115lemondedutravailalerefacebook.php], consult le 24 janvier 2012.

    2. BRUNELLE, C. et M. SAMSON, La libert dexpression au travail et lobligation de loyaut du salari : plaidoyer pour un espace critique accru, Les Cahiersde droit, vol. 46, n 4, 2005, p. 852.

    Autonome vol. 5 n 3 4 Fvrier 2012

    http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/portfolio/droit-des-affaires/201111/30/01-4473115-le-monde-du-travail-a-lere-facebook.php]http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/portfolio/droit-des-affaires/201111/30/01-4473115-le-monde-du-travail-a-lere-facebook.php]http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/portfolio/droit-des-affaires/201111/30/01-4473115-le-monde-du-travail-a-lere-facebook.php]http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/portfolio/droit-des-affaires/201111/30/01-4473115-le-monde-du-travail-a-lere-facebook.php]http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/portfolio/droit-des-affaires/201111/30/01-4473115-le-monde-du-travail-a-lere-facebook.php]

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page5

    e

    r F

    F

    l o

    DOSSIER

    MariePelchat

    n mai 2011, grce la collaboration

    de elais-femmes, la dration autonome

    de lenseignement organisait une activit de formation et de rflexion

    sur le thme emmes et pouvoir.

    Une soixantaine de femmes issues des diffrents syndicats affilis la FAE (le rseau des femmes 2011) ont identifi bon nombre de difficults, souvent systmiques, qui font obstacles leur implication dans des postes de pouvoir. Le constat rvle un implacable cercle vicieux:

    Plus les femmes sont accapares par les responsabilits familiales, moins elles pensent simpliquer. Et moins elles simpliquent ; moins elles sentent la ncessit

    de le faire ; moins elles sont informes ;

    moins on leur accorde de crdibilit ;

    moins elles ont confiance en elles ;

    moins elles se sentent aptes

    intervenir ; moins elles dveloppent les rseaux

    ncessaires pour penser soumettre leur candidature des postes dcisionnels ;

    moins elles se prsentent ;

    moins elles sont lues ; moins leur nombre justifie la mise

    en place de mesures de soutien ; moins il y a de modles fminins

    auxquels elles peuvent sidentifier. La prcarit au travail, labsence de

    mesures concrtes pour concilier travail et famille, la surcharge de travail et les retraits temporaires pour les grossesses accentuent la tendance des femmes, et dans ce cas-ci des enseignantes, ne pas trop sapprocher des postes de pouvoir.

    Ce dossier thmatique sur les femmes et le pouvoir traduit notre volont dlargir la rflexion dans vos milieux afin damorcer le changement qui simpose. Bien sr, les membres du comit de la condition des femmes souhaitent poursuivre la rflexion et proposer des solutions concrtes qui permettront de briser ce cercle vicieux.

    TOUTUNDOSSIER.

    Autonome vol. 5 n 3 5 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page6

    RALISTESfAcELEURScAPAcITS

    l o

    e P

    r l G

    MariePelchatetlisePrioleau(Collaborationspciale)

    FEMMESET POUVOIR: UNE ASSOCIATION QUI NE VAPASDE SOI

    EnTrEVUE

    n 2012, les femmes sont encore peu nombreuses accder aux plus hautes fonctions. ourtant, lgalit entre les femmes et les hommes est considre comme un acquis de

    la socit qubcoise. Comment expliquer le phnomne? Selon la coordonnatrice de elais-femmes, ise ervais, les habilets et les aptitudes que lon associe aux

    femmes ne concident pas toujours avec lide que lon se fait du pouvoir.

    nombreuses tudes dmontrent De que les filles et les garons ne sont pas socialiss de la mme faon. Ds la naissance, nous apprenons adopter des comportements associs notre sexe. Individuellement, notre personnalit, nos gots, nos aptitudes et nos ractions sont influencs par notre identit sexuelle. Collectivement, nos attentes diffrent si notre regard se porte sur un homme ou sur une femme. notre socialisation nous amne percevoir notre rle social diffremment que lon soit homme ou femme, et cela oriente nos choix. Cest bien connu: la majorit des garons est plus dispose aux jeux de comptition, alors quun grand nombre de filles russit mieux sur les bancs dcole. Il faut remonter ce fondement culturel trs ancien pour comprendre pourquoi, invariablement, le nombre de femmes qui

    occupent des postes dinfluence dcline lorsque nous ny portons plus attention , explique Lise Gervais.

    Trs tt durant lenfance, les jeux extrieurs, physiques et comptitifs prdisposent les garons aborder le dfi de manire plus active alors que les filles jouent des jeux dintrieur dans un esprit coopratif qui tient compte des limites des joueurs. Plus tard, lorsquelles font face un dfi, les femmes peroivent dabord o sont leurs limites. Elles pensent spontanment ce quelles devraient acqurir pour mieux russir. Au contraire, plus enclins entrer dans la comptition, les hommes sont plus conscients de leurs forces et plongent tte premire dans la mle.

    Ce regard diffrent port par les femmes sur leurs capacits et leurs limites influence, par exemple, leur manire denvisager la prise de parole dans une assemble.

    Lorsque lon va dans une assemble publique, voque Lise Gervais, on constate que les hommes se prsentent, dentre de jeu, au micro pour prendre la parole, tandis que les femmes attendent de formuler leurs ides avant dy aller. Les femmes ont davantage besoin de sassurer de lintrt de leur point de vue, avant de se lancer dans la joute, ce qui fait quelles risquent dtre moins entendues que les hommes lorsque le dbat est limit dans le temps.

    Cette aptitude respecter ses propres limites nuit aux femmes quand vient le temps daccder un poste plus important. Ainsi, elles sappliquent remplir leurs

    Autonome vol. 5 n 3 6 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page7

    l o

    LEPoUvoIRInfoRMELSEJoUEDAnSLIMAgInAIRE

    LASSocIATIonfEMME-MAISon

    fonctions avec brio plutt que de chercher grimper rapidement les chelons. Les entreprises et organisations prfrent les maintenir aux postes quelles occupent, o elles sont apprcies pour leurs comptences, plutt que de risquer un changement rendant plus incertain la qualit de leur rendement. Cette ralit, que lon nomme paroi de verre, tend confiner les femmes dans des fonctions de moindre importance, moins stratgiques et moins visibles.

    Ce ralisme des femmes influence aussi leur choix de vie, explique Lise Gervais. Elles souhaitent concilier diffrentes dimensions: le travail, lengagement, la vie prive, les loisirs, la culture. Beaucoup de femmes conoivent la vie idale comme plurielle, et non seulement axe sur la russite professionnelle. Or, il y a une inadquation entre cet objectif et les conditions dans lesquelles sexercent les plus hautes fonctions, ce qui les pousse parfois renoncer des postes-cls. Bien que les femmes soient nombreuses vouloir simpliquer dans les instances, celles-ci ne leur permettent pas toujours de poursuivre leurs objectifs et de mettre de lavant les aptitudes qui les distinguent des hommes.

    Exercer le pouvoir diffremment nest pas un mince dfi. Les ides prconues et les strotypes sont tenaces, mme sils sont souvent invisibles et inconscients. Limage est bien rpandue: un gestionnaire est un homme, directif, comptent, efficace, logique et responsable. Les femmes, plus souvent reconnues pour leur sensibilit, leur empathie, leur coute et leur minutie, narrivent pas toujours incarner le rle du leader, ou inversement, tre reconnues par les autres comme de potentiels chefs.

    Les strotypes masculins et fminins agissent dans tous les domaines de la socit, prvient Lise Gervais. Je me souviens dune

    Lise Gervais

    anecdote ce sujet, dit-elle. Au cours dune recherche sur les jeunes dlinquants, les chercheurs ont constat que les intervenants taient choqus par le langage vulgaire des jeunes filles. Les garons, qui ne parlaient pas mieux que les filles, ne drangeaient pas autant. On sest donc aperu que lattitude des jeunes dlinquantes heurtait une ide prconue: pour tre "acceptable", une jeune fille devait tre polie, douce, jolie et calme. Le garon peut plus facilement tre dbraill, turbulent, ou transgresser certains codes du langage.

    Du garon au politicien, les modles se maintiennent. On tolre collectivement mieux quun politicien clame de gros mots, parfois hargneux. Lorsquune politicienne se permet une critique acerbe, on soffusque plus rapidement. Il est courant dentendre dire: Les femmes sont hargneuses entre elles. En ralit, je ne crois pas quelles le soient plus que les hommes, mais lorsquelles le sont, elles drangent. Imaginons un instant une femme qui adopterait le comportement de Michel Chartrand, le fameux syndicaliste qui a dnonc haut et fort certaines ralits sociales, de manire parfois trs crue. Cette femme serait contre-courant du modle fminin: on lui reprocherait sans doute sa "masculinit". En revanche, il est plus

    frquent dentendre des commentaires sur la tenue vestimentaire dune politicienne que celle dun politicien, car lapparence agrable est un atout que lon sattend retrouver chez une femme et non spcialement chez un homme.

    Limage et lattitude que lon associe un dcideur peuvent nuire aux femmes qui ne correspondent pas ces attentes, mais qui souhaitent accder des fonctions traditionnellement masculines. Cest ce que lon appelle le plafond de verre, cest--dire ce sont des prjugs relis au genre qui ont pour consquence dcarter les femmes des responsabilits lies au pouvoir. Cela commence par les lieux de pouvoir informels. Les terrains de golf et les clubs de chasse, par exemple, sont souvent le thtre de dcisions stratgiques et de partage dinformations informelles. non seulement les femmes ne sidentifient pas facilement ce type de loisir, mais elles ne seront pas spontanment invites y participer. Dautant plus quau mitan de leur carrire, celles qui ont de jeunes familles prfreront sy consacrer durant leurs temps libres.

    Cas de figure: un poste est pourvoir au conseil de direction. Qui a du temps ? Qui a moins de responsabilits familiales? elles seules, ces deux questions peuvent liminer un grand nombre de femmes qualifies, car bien souvent elles sont responsables des tches lies aux soins des enfants et des parents vieillissants. Or, occuper un poste dcisionnel ncessite dtre disponible de 6 h 19 h, les soirs et les fins de semaine. Il nest pas rare que les runions ausommet durent toute la nuit, ou quelles ncessitent un dplacement de plusieurs jours, parfois dcid la dernire minute. Les ngociations syndicales-patronales ou les runions daffaires sont structures de sorte que les participants doivent imprativement avoir derrire eux

    Autonome vol. 5 n 3 7 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:44Page8

    LAcARRIREoULAfAMILLE?

    IMPoSERDESQUoTAS?

    l o

    quelquun qui soccupe de payer les comptes, de faire manger les enfants et de faire le mnage.

    Ce rle-l est encore "spontanment" jou par les femmes. Pour nombre dentre elles, choisir de fonder une famille est synonyme dengagement familial, alors que pour les hommes ce rapprochement nest pas automatique. Il nest pas rare quune femme renonce une carrire exigeante ou cesse temporairement de hautes tudes pour se consacrer au soin de la famille. Les statistiques le dmontrent : avant 40 ans, peu de femmes occupent des postes dadministratrices. Elles y accdent lorsque les enfants sont grands.

    Comment concilier une brillante carrire et une vie familiale saine ? Souvent, cest aux femmes quincombe la responsabilit de rpondre ce dilemme. Dailleurs, les femmes se sentent encore aujourdhui plus responsables que les hommes de la russite familiale. Certes, il y a eu dnormes changements, reconnat Lise Gervais.

    Aujourdhui, les hommes veulent soccuper de leurs enfants et prennent du temps et du plaisir tre avec eux, ce qui ntait pas le cas il y a trente ans. Cependant, la majorit des tches quotidiennes sont encore assumes par les femmes, juges plus comptentes en la matire. Or, la conciliation travail-famille est un dfi collectif, qui doit tre pris en charge par les institutions et les organisations.

    Certains milieux permettent aux parents de concilier les exigences familiales avec celles du travail en adoptant des modalits telles que le tltravail ou le travail domicile, lassouplissement des horaires de bureau, les services daide au mnage ou aux courses, les subventions pour le paiement des services de garde, ou encore lembauche dadjoint. Le Casino de Montral, par exemple, a mis au service de ses employes et employs, une garderie ouverte 24 heures sur 24. Ces mesures, cependant, demeurent marginales et le fait dentreprises avant-gardistes.

    Il est vrai que ces stratgies rendent techniquement service aux femmes, mais elles permettent surtout de porter un

    Autonome vol. 5 n 3 8 Fvrier 2012

    message : la difficile conciliation travail-famille est une question qui doit tre rsolue collectivement et non seulement par chacune des femmes, dans lombre du foyer. L est le vritable dfi !

    Pour atteindre la parit au sein des conseils dadministration, une autre solution a t mise de lavant: limposition dun nombre minimal de siges fminins. Est-ce une solution viable? Oui, dit Lise Gervais, car lorsquon tient pour acquis que les femmes y seront intgres, trop souvent, on se rend compte que les conseils se masculinisent et pour certains deviennent exclusivement masculins.

    Mais attention, dit-elle: les quotas peuvent crer des effets pervers. Cela peut donner limpression que les femmes sont slectionnes, non pas pour leurs comptences, leurs connaissances et leur apport, mais parce que lon doit atteindre les quotas. Autre dsagrment: il sagit de mesures mcaniques et rigides qui peuvent entrer en conflit avec les autres critres lembauche. Pour tre reprsentatives de la population relle, les instances devraient techniquement lire, par exemple: 50% de femmes, 25% dimmigrants, 10% dhomosexuels, etc. Ce type de normes peut vite devenir complexe atteindre dans la ralit.

    Le dfi est de taille: entre la surveillance rigide et le laisser-aller, il convient de veiller ce que les femmes ne soient pas vacues 100% des lieux dcisionnels. Car labsence totale des femmes est plus rpandue quon ne le pense dans les lieux du pouvoir: 50% des entreprises canadiennes cotes en bourse nont aucun membre fminin sigeant au conseil dadministration. Lorsquelles y sont, elles reprsentent seulement 15% des membres.

    Pour contrer le phnomne de dsaffec-tion des femmes pour les hautes instances, le gouvernement du Qubec a ragi. En 2011, la Loi sur la gouvernance des socits dtat,

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page9

    LEPoUvoIRAUfMInIn:DAUTRESPRoccUPATIonS?

    l o

    loi qui assure la parit hommes-femmes aux conseils dadministration des socits dtat, a permis datteindre un taux de 48% de femmes au sein de ces instances. De mme en France, en Espagne, en Islande et en norvge, on a adopt officiellement un quota de 40% de femmes sigeant aux conseils dadministration des compagnies. loppos, le gouvernement canadien a prfr ne pas adopter officiellement la parit aux conseils dadministration des socits canadiennes, prvue dans le projet de loi S-206. Celui-ci a t rejet par les conservateurs en avril 2011.

    Outre limposition de quotas, le jumelage des femmes exprimentes celles qui le sont moins permet de favoriser laccs dun plus grand nombre de femmes aux postes dcisionnels. Souvent, elles ont du mal se visualiser elles-mmes dans ce type de position "autoritaire", relate Lise Gervais. Cest pourquoi, bnficier dexemples de parcours et de conseils, permet de motiver certaines femmes se lancer dans des carrires plus influentes que ce quelles prvoyaient au

    dpart. De mme, lorganisation de groupes de formation permet aux femmes dapprendre reconnatre leurs comptences spcifiques et de se rendre compte que celles-ci peuvent tre utiles dans des rles dcisionnels.

    Limage de la femme qui exerce son pouvoir de manire outrancire, pour dmontrer sa capacit assumer une tche traditionnelle-ment masculine, pensons ici Madame Thatcher, est bien connue. Cependant, nombre de femmes ont dvelopp des manires diffrentes daborder le pouvoir, a constat Lise Gervais partir de son exprience dans diffrents organismes. videmment, prvient-elle, toutes les femmes en situa-tion de pouvoir nont pas les mmes comportements. nous observons que les femmes en position de pouvoir nont pas les mmes motivations que leurs confrres.

    Bien quil faille se mfier des gnralits, certaines tendances sont identifies: les

    femmes simpliquent au sein des conseils dadministration pour participer au dvelop -pement dune cause, dune ide ou dun organisme auquel elles croient. Leur propre ralisation passe souvent par une cause collective. Elles sont guides par le sens des responsabilits. En dautres mots, les femmes se disent: Il faut que a se fasse, donc je vais y aller. Les hommes quant eux seraient plus souvent motivs par le fait de relever un dfi personnel, de dmontrer leurs capacits et dacqurir du prestige.

    Lorsquelles atteignent les fonctions les plus hautes, les femmes se distinguent galement des hommes par le type de proccupations qui sont les leurs, observe LiseGervais. Elles sont plus sensibles certaines problmatiques sociales. Fait marquant: dans les annes 1970, on a vu des femmes de tous les caucus se mobiliser pour la dcriminalisation du droit lavortement. cette poque, il y a eu des alliances trs surprenantes entre des dputes conservatrices, no-dmocrates et librales. En revanche, on ne voit pas dalliances autour

    Autonome vol. 5 n 3 9 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page10

    QUELBILAnPoURLADcEnnIE2000?

    denjeux sociaux aussi prcis dans la dputation masculine.

    Les femmes sont galement portes vers le travail collaboratif, remarque LiseGervais, ce qui signifie quelles envisagent la hirarchie autrement que les hommes. Certaines femmes en position de pouvoir vont, par exemple, mettre de lavant des modes dorganisation du travail qui tiennent moins directement compte de la hirarchie des membres. Les groupes de concertation, les tables rondes et la mise en commun des expriences sont des mthodes detravail avec lesquelles les femmes se sentent gnralement plus laise.

    Au cours des dernires annes, les Qubcois ont cru que lgalit entre les sexes tait enfin atteinte. La majorit des citoyens voit dun

    bon il la parit hommes-femmes, elle est un idal atteindre. nous nous identifions collectivement cette galit des sexes. Dautant plus que la russite scolaire plus leve chez les jeunes femmes peut laisser prsager une socit de demain o les femmes auront rejoint les hommes l o les carts existent. Mais attention, prvient Lise Gervais: quand on tient cette ralit pour acquise, il nest pas rare de constater que la tendance sinverse. nous constatons que la prsence des femmes rgresse au sein des conseils dadministration et dans les postes stratgiques.

    Lidal dmocratique qui suppose la reprsentativit de tous les membres de la socit dans les lieux de pouvoir doit sans cesse tre repens et ractiv au sein de nos institutions pour perdurer. Car les modles de socialisation agissent eux aussi et favorisent la reproduction de lexercice traditionnel du pouvoir. son tour, celui-ci concourt

    repousser les changements incarns par les femmes en priphrie des lieux dcisionnels, cest--dire dans le domaine priv.

    nous avons intrt, collectivement, assurer la participation dune pluralit de citoyens dans nos organisations publiques et prives. Cela permet lclosion dune plus grande varit de points de vue, de perceptions et dides nouvelles. La croissance dune organisation, tout comme celle dune socit dpend de sa capacit intgrer de nouvelles ides et de reconnatre les forces dont elle peut bnficier. Les talents dvelopps par les femmes ont le potentiel de faire voluer nos organisations caractre social, politique et conomique. Il en va de mme des acquis des autres groupes moins influents comme lesautochtoneset les immigrants,peuentendus dans la sphre publique et dont pourrait bnficier le Qubec. A-t-on comme socit les moyens de se passer de tant de richesses?

    LAUTONOMEVOL.5NO 3 10 FVRIER2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page11

    l o

    PARCE QUE NOUSPOUVONS TOUTESCONTRIBUER

    militante de longue date,

    nathalie morel a t la

    vice-prsidence de lAlliance des professeures et professeurs de

    montral (APPm) de 2001 2006.

    vice-prsidente la vie professionnelle

    de la FAe, elle a par la suite assum la

    prsidence de lAPPm de 2007

    2009.

    Lorsque la FAE ma contacte pour partager avec vous mon exprience, je nai pas hsit accepter dans lespoir dinspirer et dinciter dautres femmes simpliquer.

    Dentre de jeu, je dois avouer navoir jamais milit pour la cause des femmes en particulier. En effet, je pensais et pense toujours que la meilleure faon pour les femmes de simpliquer est de sinscrire dans toutes les sphres et tous les dossiers qui les intressent et pour lesquels elles pensent apporter une contribution. Jai toujours eu la conviction que nos mres et nos grands-mres nous ont enseign que notre place est celle o nous choisirons daller et le mrite obtenu comme pour les hommes, nos allis, sera la mesure des efforts et du travail fournis. Il ny a jamais eu un moment, dans ma carrire profession-nelle, o je me suis sentie exclue en raison de mon genre et je dois avouer avoir t encourage mimpliquer davantage par

    Nathalie Morel

    plusieurs hommes, avoir vu mon travail et ma valeur reconnue, au premier plan par mon conjoint et mon dfunt papa.

    Pour me raliser et occuper ces fonctions pendant neuf ans, je reconnais, toutefois, avoir d faire un certain nombre de sacrifices. Ma vie familiale et ma vie sociale ont t ngliges. Les journes nayant toujours que 24 heures, le boulot en grugeait souvent la moiti. En contrepartie, dans les moments les plus difficiles, je me disais que joffrais mes enfants particulirement ma fille, un modle dimplication et de prise de conscience sociales. mes yeux, cest un prcieux legs.

    Limplication dans la vie syndicale, dans une profession prdominance fminine comme la ntre, est une voie acceptable et mme enviable. nous devons surmonter nos peurs et nos apprhensions et faire le saut, chacune sa faon, la mesure de nos capacits physiques et psychologiques. Il faut avoir confiance en soi et tre capable de dissocier dbats et chicanes. La vie syndicale nest ni ngative ni ennuyante. On y fait de multiples dcouvertes et apprentissages, autant sur soi que sur les autres. Cest un engagement hautement valorisant, car on sent que lon contribue faire avancer la cause, le sort de la profession et celui de lducation publique.

    Selon moi, lapport fminin rside dans notre prdisposition naturelle aux rapports humains, la place du cur et des sentiments. Dans tous les cas, ce sont les atouts par lesquels jespre avoir fait une diffrence auprs des personnes avec qui jai travaill ainsi quauprs de celles et ceux que jai toujours firement reprsents.

    NathalieMorel

    Autonome vol. 5 n 3 11 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page12

    D n F

    o m eom F e

    l o

    TOUT EST DANSLAMANIRE abord dlgue de son cole, puis membre du conseil dadministration du syndicat

    et responsable syndicale, icole rascadore a assum la prsidence du Syndicat de l uest de ontral (S ) avant de devenir la premire prsidente de la A .

    la suite de linvitation de collgues, je dcidais de plonger dans la vie syndicale active. Lanne suivante, loin daspirer ce poste, joccupe la prsidence intrimaire aprs avoir t sollicite par tous les membres du conseil dadministration. Javais peu dexprience, mais lide de rallier les forces militantes qui se dchiraient entre elles lemporta. Aprs tout, ce ntait que pour un an

    Toute personne occupant la prsidence dun syndicat se voit rapidement confronte dfinir son rapport aux membres, aux patrons et aux collgues linterne comme lexterne. Hommes et femmes ont des conceptions et des approches fondes sur des valeurs, des convictions, des aspirations qui souvent se ressemblent. La diffrence tient dans la manire dy arriver et les modles font souvent dfaut.

    remplir le mandat, avec comptence et efficacit, suppose un bon nombre de

    Nicole Frascadore

    qualits qui sont globalement les mmes pour les femmes et les hommes. On entend souvent dire que lexercice dune fonction haut niveau de responsabilit est moins attrayant ou comporte plus de difficults pour une femme que pour un homme; quil faut gravir les chelons un un afin de russir son plan de carrire. On dit que les femmes naiment pas le pouvoir; quelles prfrent exercer des mandats en soutien plutt qutre la direction; quelles privilgient davantage la vie de famille et quelles refusent dy renoncer, etc.

    Personnellement, je naime pas le pouvoir, mais jai aim avoir les moyens de changer la ralit du quotidien professionnel, damliorer nos conditions de travail et de vie, de soutenir des enseignantes ou enseignants en difficult ou en dtresse en dployant toutes sortes de solutions. Le pouvoir peut corrompre, par contre, il fournit galement des outils extraordinaires pour influencer le cours des choses. Tout est dans la manire de le concevoir et de lexercer.

    Certes, jen ai vu qui suivaient un plan de carrire. Cette ralit sera toujours prsente et nest pas exclusive au milieu syndical. Pour ma part, mme si jai occup la fonction plusieurs annes, je me suis pos la mme question chaque printemps: ai-je encore le got de continuer et suis-je encore utile ? La rponse fut oui 24 reprises.

    Bien sr, la militance demande une bonne dose dabngation et de disponibilit. En priode de ngociation et de mobilisation, il faut tre l, cest incontournable. Savoir sentourer dune bonne quipe o se partagent les responsabilits soulage la prsidence et permet de concilier travail

    et vie personnelle. Encore l, tout est dans la manire.

    Quant aux difficults, elles sont nombreuses. Je noserais jamais prtendre que cest une fonction facile et accessible toutes et tous. Mais est-ce vraiment plus difficile pour une femme ?

    La rponse varie selon le milieu professionnel. Heureusement, en ducation, les mentalits ont volu. Exception faite dune situation douloureuse, je nai jamais vraiment vcu dobstacles importants dans mes rapports professionnels avec les membres, les patrons, les employes ou les collgues. Les dsaccords reposaient sur les ides et non sur la base du sexe. Pourtant, je peux tmoigner que le machisme et la misogynie sont une ralit encore bien prsente dans notre socit et le milieu syndical ny chappe pas. Dans de telles situations, il est toujours bon de se rappeler que lon finit par sen sortir ou en sortir alors que ceux aux comportements sexistes senlisent dans leur problme.

    Le syndicalisme enseignant a besoin que des femmes et des hommes simpliquent tous les niveaux de la structure syndicale dans un rapport de complmentarit. Sans les unes et les autres, on se prive de cette richesse qui permet davancer, de demeurer pertinent et influent.

    On a trop longtemps subi un type de syndicalisme particulirement masculin. La prsence des femmes tous les niveaux de lorganisation a su faire avancer le syndicalisme, car tout est dans la manire.

    NicoleFrascadore

    Autonome vol. 5 n 3 12 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page13

    UnEfEMMEAUPoUvoIRSoUSLEJoUgDELIncAPAcITJURIDIQUE

    K J

    l

    Q l

    l o

    LE POUVOIRDINFLUENCER

    lyseTurcotte

    Claire irkland-Casgrain est lue dpute de la circonscription de acques-Cartier lors dune lection partielle dclenche la suite du dcs de son pre.

    e 14 dcembre 1961, elle devient la premire femme siger lAssemble lgislative du ubec. es portes

    du pouvoir, chasse garde de la gent masculine, souvraient-elles enfin aux femmes?

    En ralit, cest peine si elles sentrebillaient. Llection de Claire Kirkland-Casgrain reprsente un grand pas dans une marche qui pro-mettait dtre longue.

    On a peine y croire, mais au moment o Marie-Claire Kirkland-Casgrain est lue dpute, le Code civil lui interdisait de signer elle-mme un bail de location. Elle devra donc se rsigner demander son mari de signer le bail du logement de fonction quelle

    allait occuper Qubec. Il faut dire quau dbut des annes 60, la femme marie est encore soumise lautorit de son mari. Ainsi, au mme titre quune

    personne mineure, un interdit ou un alin, la femme marie

    ne peut ouvrir un compte bancaire, ni signer un contrat.

    Dans les faits, les femmes maries

    Autonome vol. 5 n 3 Fvrier 201213

    sont frappes dincapacit juridique. Sous le rgime matrimonial lgal en vigueur lpoque, la communaut de biens, le mari, administre seul les biens du mnage comme les biens propres de sa femme. En vertu du Code civil, la femme doit obissance son mari. Celui-ci peut mme lui interdire dexercer une activit professionnelle. Dailleurs, une institutrice devait dmissionner ou tait congdie lorsquelle se mariait !

    Accdant au cabinet en 1962, Claire Kirkland-Casgrain entreprend la lutte pour faire voluer le Code civil. Ladoption du projet de loi no 16, en 1964, permet dsormais la femme marie de jouir de la pleine capacit juridique et lui donne le droit dexercer une profession diffrente de celle de son mari. De grands chan-gements soprent galement au sein des mnages, puisque le Code civil affirme dsormais que lpouse concoure assumer la direction morale et matrielle de la famille avec le mari.

    Toutefois, la notion de puissance paternelle , symbole de la primaut masculine, ne disparatra du Code civil quen 1977. Dans les faits, ce nest quen 1980 que le Code civil reconnatra que les poux ont,

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page14

    LARvoLUTIonDESfEMMES LEnTEMEnTMAISS REMEnT

    en mariage, les mmes droits et les mmes obligations, que les poux conservent leur propre nom de famille, assurent ensemble la direction matrielle et morale de la famille, exercent lautorit parentale et choisissent, de concert, la rsidence familiale. Cest cette mme anne que les enfants dits illgitimes cesseront de ltre, levant ainsi le voile de la honte trop souvent port par les mres denfants discrimins, parce que ns hors du mariage.

    ,

    Ce nest quen 1940 que les femmes obtiennent enfin le droit de vote au Qubec. Il faudra tout de mme attendre vingt ans pour quune premire dentre elles soit lue. Jusquen 1973, Claire Kirkland-Casgrain demeurera la seule femme siger lAssemble nationale du Qubec.

    La notion dincapacit juridique dsigne ltat dune catgorie de personnes qui ne peuvent conclure de contrats ou encore grer leurs biens. Jusquen 1964, en se mariant, les femmes taient frappes dincapacit juridique. De nos jours, paradoxalement, le mariage permet une mineure de smanciper pleinement et dobtenir la capacit juridique.

    Cinq femmes sont lues lors de llection gnrale de 1976 qui marque la prise du pouvoir par le Parti Qubcois. Parmi elles, Lise Payette mne la barre dun nouveau ministre, celui de la condition fminine. Elle sera la premire se faire appeler madame la ministre et non madame le ministre.

    Ds lors, si lon commence se faire lide de la prsence fminine au sein du gouvernement, lacceptation ne va pas jusqu leur permettre de porter le pantalon ! Jusquen 2003, la progression du nombre de femmes au sein de la dputation est constante. En 2007, pour la premire fois dans lhistoire, la parit hommes-femmes au Conseil des ministres est atteinte. Ce nest toutefois que de bien courte dure. On y compte actuellement douze femmes pour dix-sept hommes.

    Malgr la conscration expresse dans la Charte des droits et liberts de la personne du Qubec, garantissant les mmes droits et liberts pour toutes et tous, la marche vers la pleine galit nest pas termine.

    Claire Kirkland-Casgrain

    LAUTONOMEVOL.5NO 3 14 FVRIER2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page15

    l

    l

    l o

    UN OUTIL ESSENTIEL POURPOURSUIVRE LALUTTE

    NancyHnault

    arrive massive des femmes sur le march du travail a forc de nombreuses organisations syndicales sadapter et revoir leurs structures. Sous limpulsion du mouvement fministe, les syndiques revendiquent leur place dans un monde syndical o la gent masculine domine les structures du pouvoir. a cration de comits de condition fminine vient, en partie du moins, rpondre aux besoins.

    Les comits de condition fminine ou les comits de femmes constituent les premiers comits identitaires tre mis sur pied dans les organisations syndicales au Qubec. Souvent peu prsentes, voire carrment absentes des comits excutifs ou des bureaux de direction syndicaux, les militantes trouveront dans ces nouvelles structures un lieu de rassemblement qui permettra de porter leurs revendications.

    Mona-Jose Gagnon, sociologue du travail, a t lune des premires tudier les comits syndicaux de condition fminine. Selon son analyse, le fonctionnement de ces comits oscille constamment entre lautonomie et la dpendance. Ainsi, lautonomie se traduit par une marge de manuvre et un pouvoir rel des militantes dans la dfinition de leurs objectifs, de leurs revendications ou encore de leur agenda. cette auto-nomie soppose toutefois la dpendance du comit aux dcisions des bureaux de direction qui parfois restreignent limpact des orientations dgages par les militantes ou recadrent leurs revendications. Malgr cette limitation, le portrait trac de l impact et de la pertinence des comits de condi-tion fminine demeure positif. Une

    recherche1 ralise par la revue Recherches fministes en 2006 confirmait dailleurs le constat.

    Une tude plus rcente, conduite dans quatre pays, dont le Canada, rvle que les intrts des femmes ont eu tendance se superposer lagenda syndical. Ces dernires auraient t encourages sajuster aux structures et pratiques syndicales existantes plutt que de voir les syndicats transformer leur organisation 2. Si le rapport des femmes au travail est distinct de celui des hommes, comme le soutiennent les auteures de cette tude, pour favoriser davantage la participation des femmes la vie

    syndicale, il faudrait largir les champs dintrts des syndicats au-del du travail et du milieu de travail.

    Cest par laction des comits de condition fminine que les organisations syndicales se sont intresses des revendications comme les congs de maternit et les droits parentaux, la conciliation travail-famille, lquit en emploi, lquit salariale ou la mise en place de mesures daccs lgalit. Les gains dcoulant des luttes menes dabord par des militantes sajoutent aux nombreuses batailles menes cte cte avec les mouvements de femmes pour le droit lavortement, la lutte contre la violence conjugale ou celle contre le harclement. Les militantes qui ont mis sur pied les comits de condition fminine ont trac la voie. Cest nous toutes, aujourdhui, de poursuivre ensemble la route pour mener terme les luttes inacheves.

    1. ADIB, Sherazad. Et elles, quen pensentelles ? Table ronde sur les comits de condition fminine, Revue Recherches fministes, Volume 19, no 1, 2006, p. 129146.

    2. YATES, Charlotte A.B. Organizing Women in the Spaces between Home, Work and Community [Rsum], Revue Relations industrielles,Volume 66 no 4, 2011, p. 602.

    Autonome vol. 5 n 3 15 Fvrier 2012

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page16

    e n

    l o

    Elles allaient vite dcouvrir que deux 15 secondes produire, cest une bonne journe de travail ! Les incontournables: le maquillage, la coiffure, le choix des vtements sans oublier le nettoyage des chaussures !

    Subir la chaleur grandissante des projecteurs, soutenir longuement bout de bras des cartons, reprendre adnauseam la mme squence, savoir patienter de longues

    minutes pour que la technique sajuste entre chaque prise de vue, harmoniser son petit bout de chorgraphie avec les autres, et surtout, ne pas mler son alphabet, voil toute une corve !

    Mais elles ont gard le cap sur lessentiel et toujours avec le sourire !

    MISSIONACCOMPLIE !

    BRAVOETMERCI VOUSTOUTES!

    UN VRAI PROGRAMME DE FRANAIS, CEST ESSENTIEL

    lles sont arrives en studio avec une certaine anxit et la fois avec un grand enthousiasme. e sachant trop quoi sattendre, en tant leur premire tl-ralit, elles avaient dans leur bagage un lment essentiel: la volont de bien faire et la conviction de participer la livraison dun important message.

    Dans lordre habituel: Christiane Lalande (SESMI), Christine Fhndrich (SEOM), Marie-France Levac (FAE), Claudine Fournier (SESMI), Kateri Corbeil (SERL), Armand Dubois (FAE) et Annie Primeau (APPM). Devant le groupe, lauteur Yves Beauchemin.

    ArmandDubois

    Autonome vol. 5 n 3 Fvrier 201216

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page17

    LASoUffRAncEDESPRofS:MALADIEoUSyMPTME?

    SoIgnERLcoLEPUBLIQUE

    l o

    Souffrirpourtreprof ? WilfriedCordeau

    Dans les milieux, on le voit, on le vit, on le sent. Mais pour lopinion publique, cest encore un fait divers. Et puis, tous nacceptent pas ncessairement den parler. Cest difficile. Et mal vu. Pourtant, malgr leur passion et leurs comptences, trop denseignantes et denseignants souffrent en silence.

    Peu de donnes sont disponibles pour en rendre compte. On sait depuis le dbut des annes 2000 quune part importante des enseignantes et enseignants en dbut de carrire abandonne la profession dans les cinq premires annes de pratique (environ 20% au Qubec). En 2010, une tude de lcole nationale dadministration publique (EnAP), ralise pour le compte de la FAE, rvlait que 19% des profs valuent leur sant mentale comme moyenne ou mdiocre (contrairement 8,1% au sein la population en gnral), et que 60% dentre eux prsentent des symptmes dpuisement professionnel au moins une fois par mois. Ultimement, cette dtresse psychologique se traduit en absentisme ou en dpart ; la moiti des congs de maladie dans le rseau scolaire rsultent de problmes de sant mentale (puisement professionnel, anxit, etc.), et prs du quart des enseignants pensent quitter la profession dans les cinq prochaines annes

    Malgr leur ampleur, la dtresse psychologique et le dcrochage des profs ne deviennent que lentement objet dtudes ou de proccupations de la part des chercheurs ou des autorits. Dans Lcole en souffrance, Maranda et Viviers y vont dune contribution modeste, mais pertinente. Leur constat: les exigences actuelles de lducation crent bel et bien une pression quotidienne importante sur les membres du personnel scolaire.

    Malgr elle, lcole est devenue le lieu o se dchargent toutes les exigences sociales, particulirement en matire de socialisation,

    de transmission des valeurs morales, thiques et comportementales lies au vivre-ensemble. Ds lors, le rle des acteurs au sein de lcole a chang. Les enseignantes et enseignants consacrent de plus en plus de temps et dnergie la discipline, au maintien de lordre, au climat dapprentissage, la gestion des relations et conflits interpersonnels, et de moins en moins directement leur spcialit: lenseignement et lencadrement des apprentissages. En fait, dans plusieurs milieux, la cration, lencadrement et le maintien du lien social avec les lves constituent un pralable incontournable sur lequel asseoir lenseignement. Dans son ensemble, ce travail simpose comme une ncessit fonctionnelle. Pourtant, il sexerce dans un contexte difficile et sous une pression insoutenable: charge de travail croissante, manque de soutien de la part des directions dtablissement, insertion professionnelle dfaillante, classes bondes, intgration des lves handicaps ou en difficult dadaptation ou dapprentissage (EHDAA) sans services adquats, etc. Ce quoi il faut ajouter le climat au sein de lcole, alors que 85% des profs ont dj t victimes de violence psychologique ou verbale.

    Dj dvalorise, la profession ensei-gnante est soumise un stress constant. Pour sen protger, les profs adoptent, consciemment ou non, divers comportements envers leur travail ou leur milieu. Ces stratgies dfen-sives peuvent varier considrablement, dun individu lautre, selon la nature et lampleur du stress psychologique subi. Le dsen ga -gement, le repli sur soi ou la rvolte, par exemple, peuvent constituer des moyens pour tenir le coup. Ultimement, la dtresse mne labsentisme, au dcrochage, la dsertion professionnelle, voire au suicide.

    La dtresse psychologique des profs est elle-mme le symptme dune institution publique malade. Bien plus quun problme

    dorganisation du travail, elle dcoule dun conflit de vision sociale. Manifestement, les attentes institutionnelles et politiques envers lducation et le modle actuel de lcole sont en train dpuiser les profs, car elles ne correspondent pas la ralit et aux besoins du milieu. Implicitement, et par dfaut dorganisation viable du travail ducatif, on attend des enseignantes et enseignants un surinvestissement permanent qui ne peut que mettre en pril leur sant.

    Dans ce contexte, il est bien difficile de dfendre la ncessit dexiger davantage de performance, dinvestissement personnel et de reddition de comptes de la part du personnel enseignant. Encore moins den faire la pierre angulaire de la persvrance scolaire. La solution nest pas tant dans laugmentation des exigences, mais dans laugmentation des moyens mis la disposition du personnel scolaire, et dans un meilleur partage des responsabilits. Et avant quil ne soit trop tard, il serait urgent que les autorits se penchent srieusement sur le lien direct entre le dcrochage des profs et celui des lves, et comprennent que lutter contre le premier, cest lutter contre le second.

    MARANDA, MarieFrance et SimonVIVIERS, sous la dir. de. Lcole en souffrance. Psychodynamique du travail en milieu scolaire, Qubec, PUL, 2011, 177 p.

    JUSTEPOURLIRE

    Autonome vol. 5 n 3 Fvrier 201217

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:45Page18

    conSULTATIonSURLAUTonoMIEPRofESSIonnELLE

    DfIPRvEnTIonJEUnESSEETScURITPREMIEREMPLoI

    LEfMInISME?PLUSAcTUELQUEJAMAIS!

    BRVES

    Vous avez t nombreuses et nombreux soumettre des projets dans le cadre des programmes Dfi prvention jeunesse et Scurit premier emploi de la Commission de la sant et de la scurit du travail (CSST). Cest la fin du mois de fvrier que la CSST remettra une aide financire aux

    projets retenus. La FAE tient vous rappeler que les projets ayant intgr des pratiques environnementales et rpondant un critre d coconditionnalit se mriteront une certification hros. Pour plus de dtails, nous vous invitons consulter le site hros au www.hrosmouvement.ca.

    Le Collectif 8 mars,

    Huguette Latulippe/Promotion inc.

    Illustration : Julie

    Rocheleau

    Le chemin parcouru est impressionnant, mais il reste beaucoup faire pour amliorer les conditions de vie des femmes ; lgalit est loin dtre atteinte. En 2012, les acquis sont encore fragiliss et il y a encore tout lieu de sindigner devant les ingalits qui subsistent.

    Plus que jamais, il faut redoubler deffort pour contrer les reculs ventuels se rpercutant directement sur les droits et les conditions de vie des femmes. Plus que jamais, la solidarit des fministes et des forces progressistes est essentielle pour continuer, ensemble, avancer.

    Certains voudraient bien faire croire que lgalit est dsormais atteinte et que le fminisme est dpass. Au contraire, les faits dmontrent quil est plus actuel que jamais !

    La FAE place lautonomie professionnelle au centre de ses proccupations. nous croyons que le personnel enseignant nest pas en mesure de lexercer pleinement au sein des structures scolaires actuelles. Pour asseoir les positions de la FAE ce sujet, vous tes invits participer la consultation lectronique qui se droulera du 19 au 30 mars prochain. Votre opinion est importante!

    LAUTONOMEVOL.5NO 3 FVRIER2012 18

    http://www.hros-mouvement.ca

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:46Page19

    UnREnDEz-voUSRUSSI

    Le 24 janvier dernier sest tenu le premier rseau environnement de la FAE. cette occasion, vingt-six enseignantes et enseignants assistaient une journe de formation leur permettant de devenir, dans leur milieu, les ambassadrices et ambassadeurs du mouvement hros.

    La journe a permis aux membres du comit environnement de la Fdration de prsenter les nouveaux outils de formation et de promotion hros. Un guide de prsentation ainsi quun document lectronique de formation ont t remis aux ambassadrices et ambassadeurs afin de faciliter leur rle de personne-ressource dans leur cole.

    Le lancement officiel du nouveau site (www.heros-mouvement.ca) a t ralis lors de la rencontre. Ce nouvel outil rassemble toutes les informations sur le mouvement et constitue une vitrine pour tous les projets certifis hros. Le nouveau site est dailleurs le moyen le plus rapide pour enregistrer vos projets.

    nhsitez pas ! Allez y jeter un coup doeil, vous y trouverez plusieurs ides pour veiller les hros de votre classe !

    www.herosmouvement.ca

    LE rSEAU EnVIrOnnEMEnT

    BRVES

    O N

    LAUTONOMEVOL.5NO 3 19 FVRIER2012

    http://www.heros-mouvement.cahttp://www.heros-mouvement.ca

  • 18889_Autonome_vol5no3_Layout312021614:46Page20

    Page couvertureTable des matiresMot du prsident - Un pour toutes, tous pour uneWeb 2.0 - Toute vrit n'est pas bonne dire... ou partager!Femmes et pouvoirFemmes et pouvoir : une association qui ne va pas de soiParce que nous pouvons toutes... contribuerTout est dans la manireLe pouvoir d'influencerUn outil essentiel pour poursuivre la lutteUn vrai programme de franais, c'est essentielJuste pour lire - Souffrir pour tre prof?Brves