femmes et histoire - numilog

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f E M M E S

E T

H I S T O I R E

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GEORGES DUBY⋅MICHELLE PERROT

F E M M E S ET

H I S T O I R E

COLLOQUE ORGANISÉ PAR GEORGES DUBY, MICHELLE PERROT ET LES DIRECTRICES DE L'HISTOIRE DES FEMMES EN OCCIDENT

Publié avec le concours du secrétariat d'État aux Droits des femmes

LA SORBONNE

13-14 NOVEMBRE 1992

PLON 76, rue Bonaparte

Paris

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F E M M E S ET H I S T O I R E Colloque organisé par GEORGES DUBY, MICHELLE PERROT

et les directrices de l' Histoire des femmes en Occident

Lecture critique de l'Histoire des femmes en Occident

Intervenants

CLAUDE MOSSÉ Professeur à l'université Paris VIII (Antiquité) GIANNA POMATA Professeur aux universités de Bologne et de Minneapolis (Moyen Age / Renaissance) ROGER CHARTIER Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Époque moderne)

JACQUES RANCIÈRE Professeur de philosophie à l'université Paris VIII (XIX siècle)

Grand témoin

PIERRE BOURDIEU Professeur au collège de France

Présidence

MADELEINE REBÉRIOUX Professeur émérite, Paris VIII

F e m m e s e t P o u v o i r s

Intervenants

PIERRE ROSANVALLON Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

JANINE MOSSUZ-LAVAU Directrice de recherche au CNRS-CEVIPOF

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MAURICE GODELIER Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Grand t émoin

FRANÇOISE HÉRITIER-AUGÉ Professeur au Collège de France

Prés idence

MICHÈLE GENDREAU-MASSALOUX Recteur de l'université de Paris

Femmes d'Europe aujourd'hui : Emploi et Éducation Intervenants

FRANÇOIS DE SINGLY Professeur de sociologie à l'université Paris V - Sorbonne

LINDA HANTRAIS Professeur à l'université de Loughborough MARIE DURU-BELIAT Professeur à l'université de Bourgogne

Grand témoin NICOLE NOTAT Secrétaire générale de la CFDT

Présidence HÉLÈNE AHRWEILLER Recteur, présidente de l'université de l'Europe

Clôture du colloque

VÉRONIQUE NEIERTZ Secrétaire d'État aux Droits des femmes et à la Consommation

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© librairie Plon, 1993. ISBN : 2-259-02738-5

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INTRODUCTION

M I C H E L L E P E R R O T

Professeur à l'université Paris VII - Jussieu

N é e d'une initiative italienne, celle de Giuseppe Laterza, Histoire des femmes en Occident a été réalisée de 1988 à 1992 par une équipe de direction majoritairement française et soixante-douze auteurs de différentes nationalités. Ces cinq volumes de quelque trois mille pages sont en cours de traduction dans de nombreux pays (Allemagne, Espagne, États-Unis, Japon, Pays-Bas, Portugal) 1 Cet objet a maintenant sa vie propre qui souvent nous dépasse.

Cristallisation d'un travail invisible, mené par des chemins divers, cette Histoire s'inscrit elle-même dans un terrain plus vaste encore : celui des recherche sur les femmes et la différence des sexes, question qui concerne aujourd'hui, peu ou prou, toutes les disciplines, conduites à s'interroger sur leur notion de l'universel. Telle qu'elle est, avec ses choix (celui de la longue durée par exemple), ses limites (celle de l'Occident), ses carences, ses béances mêmes, cette Histoire (qui se veut une histoire et non pas l'histoire des femmes) a rencontré un accueil inattendu, en lui-même intriguant. Pourquoi cet écho suscité, comme si l'histoire avait constitué pour de nombreuses femmes un mode de prise de conscience de leur identité de sujet ? Et pourquoi,

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justement, ce rôle sans doute conjoncturel et provisoire, de l'histoire dans le champ des savoirs sur la différence des sexes ?

D'où l'idée d'un colloque, acte symbolique de clôture et d'ouverture. De clôture et, à certains égards, de légitimation. De ce point de vue, le choix de la Sorbonne, haut lieu du savoir, si longtemps interdit à la parole des femmes, vouées à n'y être que des figurantes muettes, n'est pas indifférent. Les murs de la Sorbonne sont saturés d'images de femmes, comme celles qui, dans la fresque de Puvis de Chavannes ornant le Grand Amphithéâtre, représentent l'Éloquence, la Science, la Poésie, l'Histoire. « Une femme debout décrit les ruines de Rome étendues au loin à ses pieds », lit-on sous l'œuvre d'Ernest Laurent qui décore la salle - voisine - des Autorités ; « un jeune homme prend des notes, tandis que trois hommes écoutent la leçon d'histoire ». La plupart de ces fresques furent peintes à l'occasion du premier centenaire de la Révolution française en 1889. Or, en 1895 encore, un chahut d'étudiants protestait contre la timide présence de jeunes filles dans un cours. Admises comme auditrices déférentes - « la Sorbonne, le Collège de France : mes sanctuaires », écrivait à la même époque une institutrice avide de science -, les femmes ne l'étaient pas comme étudiantes normales. Un siècle plus tard, les choses ont changé. Mais il y avait comme un étonnement de voir un tel public - dont tant de femmes, et venues de si loin - réuni dans le Grand Amphi pour un colloque sur « Femmes et Histoire ».

Mais ce colloque se voulait surtout geste d'ouverture : à la critique, au débat, à la prospective. Si le débat fut, par la force des choses, réduit et la prospective modeste, la critique fut, elle, ardente. On pourra nous accuser de masochisme. Mais sans critique, il n'est pas d'existence. Or, le grand risque d'une Histoire des femmes serait qu'elle n'en suscite pas et que s'installe à son endroit un silence complaisant, embarrassé, prudent ou indifférent. Au vrai, ce n'est pas tout à fait le cas et on pourra lire, en annexe, les objections que, à la demande du Monde des Débats, nous avions rassemblées. Pour ces « lectures critiques », nous avons sollicité parmi nos collègues quelques-uns de ceux qui avaient manifesté leur intérêt pour cette entreprise, ce qui est sans doute déjà une manière de sélection. Venues d'historiens plus éloignés, les critiques eussent été sans doute plus radicales. On verra cependant que ces textes posent de rudes et vraies questions, qui traversent du reste l'ensemble du champ historiographique. Quelle place faire à l'histoire sociale, considérée ici comme trop négligée ? A celle des représentations, estimées trop envahissantes ? Quel est le poids véritable du discours ? Comment confronter discours et pratiques ? « Cette avalanche de discours sur les femmes a ( -t -elle) jamais eu des conséquences pratiques sur leur vie ? » s'inquiète Gianna Pomata qui préconise une histoire

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des femmes affranchie du « gender ». Et Pierre Bourdieu de s'interroger : « La vision féminine est une vision dominée qui ne se voit pas elle-même (...). Je me demande si l' Histoire des femmes pose la question de la vision des femmes, si elle livre vraiment une vision de femmes. » Jacques Rancière déplore l'effacement des singularités, des petits gestes par lesquels s'effectue l'avènement d'une femme-sujet au profit d'une « analyse des représentations (qui) tient alors lieu d'une pensée de la subjectivation ». Plus convaincu du pouvoir organisateur du discours et de la puissance symbolique qui gouverne les rapports de sexes, Roger Chartier souligne « le risque de rapporter à une identité féminine tenue pour spécifique des écarts ou des oppositions qui relèvent, en fait, d'autres principes de différenciation ». Il convie à faire une analyse plus fine des formes de consentement et des procédures d'intériorisation à l'œuvre dans la violence symbolique imposée aux femmes. N'est-ce pas autour du pouvoir et de ses partages que pourrait se construire une autre chronologie de l'histoire des femmes, présentement coulée dans les périodisations canoniques ?

Ces questions, et quelques autres, responsables et auteurs de ces volumes se les étaient souvent posées. Ils auraient souhaité répondre à certaines critiques, débattre, ce que le temps ne permit pas, mais qui se fera éventuellement ailleurs et plus tard Au début des années 1980, les chercheuses féministes parlaient volontiers de « rupture épistémologique ». C'était une grande ambition qu'il est sans doute sage de modérer pour éviter le risque de prétention et d'isolement. Telle n'est pas, du moins, la voie française de l'histoire des femmes, plus soucieuse de confrontation et de pénétration que d'affrontement et de sécession.

La deuxième demi-journée du colloque fut, justement, consacrée à une réflexion sur « Femmes et Pouvoirs », dans une perspective pluridisciplinaire. Anthropologues (Françoise Héritier-Augé, Maurice Godelier), spécialistes de science et d'histoire politique (Janine Mossuz-Lavau, Pierre Rosanvallon) étaient cette fois invités à nous communiquer leur expérience.

La troisième s'attacha, avec des sociologues experts des problèmes d'éducation et d'emploi, à dégager les grandes tendances à l'œuvre parmi les « Femmes d'Europe aujourd'hui ». Nous répondions ainsi à un vœu du secrétariat d'État aux Droits des femmes et de diverses associations. Et à notre désir propre de montrer la solidarité de notre démarche avec le temps présent.

Ce colloque a été réalisé grâce au soutien du secrétariat d'État aux Droits des femmes et à sa titulaire, Véronique Neiertz, qui nous a constamment manifesté un intérêt chaleureux. Qu'elle en soit ici remerciée.

Nos remerciements s'adressent à nos collègues, professeurs et chercheurs

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prestigieux - et surchargés - qui ont accepté de communiquer et de débattre. Ils vont aux « grands témoins », investis d'un rôle de réflexion plus générale par rapport aux thèmes proposés : Pierre Bourdieu et Françoise Héritier-Augé, professeurs au Collège de France, et Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, première femme à accéder en France à la direction d'une confédération syndicale. Ils vont aux présidentes de séances, Madeleine Rebérioux, historienne, première femme à présider la Ligue des Droits de l'Homme, Michèle Gendreau-Massaloux, rectrice de l'université de Paris, et Hélène Ahrweiller, qui l'a précédée, première femme aussi à exercer une telle fonction. Par leur personnalité et leur itinéraire, toutes représentent un aspect des conquêtes féminines les plus récentes, dont il nous importe par ailleurs de saisir la portée dans une plus longue durée.

Que l'équipe de préparation du colloque reçoive l'expression de notre gratitude. Celle-ci, enfin et surtout, va au public, féminin et masculin, qui deux jours durant a envahi le Grand Amphi et l'amphi Richelieu, manifestant ainsi son intérêt, jusque dans le désaccord interprétatif pour notre entreprise.

A une encablure de la fin du siècle, à l'aube du troisième millénaire, on peut s'interroger. L'histoire des femmes a-t-elle un avenir ? Dans son déroulement, au sens premier de story? Dans son récit (history)? Quels seraient alors ses objets, son questionnement, sa démarche, ses alliances disciplinaires, ses espaces ? Depuis 1988, date initiale de notre travail, l'Europe a changé de visage et nous ne définirions plus l'Occident de la même façon, y englobant davantage les pays de l'Est, réfléchissant plus profondément à la place de l'Islam, « partie intégrante de l'Occident », selon le professeur Arkoun. Le monde bouge et, dans ses convulsions, les femmes apparaissent souvent comme une zone fragile et menacée. Dans les récents événements qui ont affecté l'ex-Yougoslavie, elles furent pour la « purification ethnique » la cible privilégiée d'une violence bien réelle. Tout cela rend circonspect sur la notion de progrès des rapports entre les sexes. Actuellement, c'est en Russie, au Japon et en Inde, au Brésil, en Afrique du Nord que se manifeste le plus vivement un désir des femmes de faire leur histoire. Comme si cette écriture, forme de constitution du sujet, accompagnait le difficile cheminement vers la démocratie.

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LECTURE

CRITIQUE DE L'HISTOIRE DES FEMMES

EN OCCIDENT

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L'ANTIQUITÉ LECTURE CRITIQUE DU TOME 1

DE L'HISTOIRE DES FEMMES

C L A U D E M O S S É

Professeur à l'université Paris VIII

L e premier tome de l'Histoire des femmes, consacré à l'Antiquité, illustre de façon particulièrement éloquente l'un des buts que s'étaient fixés les responsables du projet : analyser le discours sur les femmes et les mutations à l'œuvre dans ce discours. De fait, et si l'on met à part l'article de Claudine Leduc, sur lequel je reviendrai plus longuement, les études qui sont proposées dans ce volume abordent essentiellement, même si elles comportent des indications concrètes sur tel ou tel aspect de la place des femmes dans les sociétés anciennes, les représentations du féminin. Il va de soi que ces représentations, pour ce qui est de l'Antiquité, et plus précisément du monde gréco-romain, proviennent du regard masculin, étant donné la nature des sources dont nous disposons. Et c'est ce regard masculin qu'il faut d'abord déconstruire, et cela

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justifie la place privilégiée donnée aux représentations. Il importe cependant, je crois, de ne pas s'enfermer dans de telles limites, et l'article de Claudine Leduc est la preuve qu'il est possible de réintroduire les réalités concrètes dans l'analyse 1 Cet article est l'un des plus denses, et il se distingue de tous les autres par une double caractéristique. D'une part, on y trouve un effort de théorisation, et en cela il répond par avance aux objectifs assignés par Pauline Schmitt-Pantel aux études futures, à savoir, donner aux recherches sur les femmes « une armature conceptuelle ». D'autre part, en liant l'évolution des cités grecques et l'émergence du politique aux diverses manipulations du système matrimonial, Claudine Leduc propose une interprétation cohérente - je dirais peut-être un peu trop cohérente - qui a le mérite d'insérer les femmes athéniennes dans l'histoire, et de réintroduire dans cette Histoire des femmes dans l'Antiquité la dimension diachronique, souvent absente de l'étude des représentations.

Si je dis un peu trop cohérente, c'est peut-être que, dans son souci de lire l'évolution des sociétés grecques à travers les structu- res de parenté - et cela se traduit par l'usage un peu trop répétitif d'un vocabulaire emprunté à l'anthropologie qui rend la lecture de son article parfois rébarbative Claudine Leduc perd de vue, me semble-t-il, une certaine complexité du réel qui n'est pas aussi opaque qu'on a tendance à le supposer du fait de la nature de nos sources. Car, finalement, ce souci d'une théorisation globalisante aboutit paradoxalement à revenir à l'opposition traditionnelle entre la femme éternelle mineure dans la cité « moderne » ou « chaude »

qu'est Athènes et la Spartiate libre, la relation ou l'absence de relation à la terre étant ce qui fait la liberté de l'une et la mise en tutelle de l'autre

Or, il me semble que c'est là faire un peu abstraction de cette « histoire globale » dans laquelle l'Histoire des femmes doit s'insérer. A-t-on par exemple le droit d'attribuer à Solon la responsabilité d'un tournant essentiel dans les pratiques matrimoniales d'Athènes, en se fondant sur des exemples empruntés aux orateurs du IV siè- cle ? N'est-ce pas à son tour entrer dans le mirage des représenta- tions que le IV siècle a voulu donner de Solon, en en faisant le père

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fondateur de la démocratie ? Peut-on, à propos de la relation à la terre, faire abstraction de sa mobilité dans l'Athènes du IV siècle ? Ce sont là questions que je me pose à la lecture d'un article dont je veux redire combien il est important par les questions mêmes qu'il suscite.

Ceci m'amène à formuler, puisqu'il est question d'une lecture critique, quelques remarques plus générales concernant le livre dans son ensemble. Dans son Introduction, Pauline Schmitt-Pantel justifie les choix qui ont présidé à l'orientation générale du livre par le souci de ne pas reprendre bien des thèmes traités dans des ouvrages récents, en particulier « le rôle économique des femmes dans les cités grecques ». Outre le fait que je ne pense pas que le sujet ait été véritablement traité, sinon de manière purement descriptive, il me semble qu'il y a là, dans un volume qui se veut une histoire des femmes, une dimension curieusement absente. Et je ne pense pas ici seulement à la nécessité, bien soulignée par Pauline Schmitt-Pantel dans son article, de situer les rôles attribués à chaque sexe dans l'ensemble des rapports sociaux propres à la cité antique, mais au fait qu'à trop parler du féminin on risque de perdre de vue les femmes dans leur réalité concrète, et qu'entre elles existaient, comme entre les hommes, des différences de statut, de fortune, d'activités qui n'étaient pas absolument occultées par leur com- mune condition de femmes. Je ne prétends pas apporter ici une contribution nouvelle à l'Histoire des femmes dans l'Antiquité. Je voudrais seulement évoquer quelques problèmes concrets qui me paraissent devoir nous conduire à des appréciations plus nuancées sur la place qu'occupaient les femmes dans les sociétés grecques et plus précisément dans la société athénienne à l'époque classique.

J'ai parlé de statut. Or, il est une réalité des sociétés antiques que l'ouvrage ignore complètement, alors qu'il s'agit d'un fait social de première importance, je veux dire l'esclavage Ce n'est pas parce qu'on en a peut-être trop parlé dans les années soixante qu'il faut passer sous silence le fait qu'il y avait des femmes esclaves et des femmes libres, et qu'il peut être intéressant de se demander si une femme esclave était d'abord une femme ou d'abord une esclave et, parmi les femmes esclaves ce qu'il y avait de commun - ou de

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différent - entre la captive de l'épopée et l'ouvrière habile dans les travaux de broderie qui appartenait à Timarque, l'ami de Démos- thène, et qui vendait sur l'agora les produits de son travail Nous sommes ici dans le domaine de ces rapports sociaux propres à la cité antique et avec lesquels interfèrent les « rapports sociaux de sexe », pour emprunter encore une formule de Pauline Schmitt- Pantel. Un texte de Xénophon, tiré des Mémorables, est à cet égard particulièrement éclairant Il est question d'un certain Aristarque qui se plaint à Socrate de ce que, Athènes étant alors déchirée par une guerre civile, et la terre de l'Attique aux mains des ennemis - on est en 404, sous le gouvernement des Trente -, il a vu affluer chez lui sœurs, nièces et cousines, en tout quatorze femmes libres et athéniennes qu'il lui faut entretenir. Socrate lui conseille alors de les mettre aux travail et de vendre le produit de ce travail, et il lui cite l'exemple d'hommes tirant leurs revenus de la vente de farine et de pain, ou de la vente de pièces de vêtements, tous ces produits relevant des activités traditionnelles des femmes. A cela, Aristarque objecte qu'il s'agit dans les exemples cités par Socrate de tirer parti du travail d'esclaves, alors que lui doit entretenir des femmes libres. Il finit néanmoins par être convaincu par les arguments de Socrate. Il emprunte dont de l'argent pour acheter de la laine et met au travail les femmes de sa maison, lesquelles se réjouissent de n'être plus des bouches inutiles, tout en accusant Aristarque d'être nourri sans travailler. Lorsque Aristarque lui rapporte cette accusation, Socrate répond en lui contant la fable du chien et des brebis : Aristarque, comme le chien de la fable, a le droit d'être nourri sans rien faire, puisqu'il veille sur ses parentes, et que grâce à lui elles sont tirées de la misère. Si j'insiste un peu longuement sur ce qui pourrait n'être qu'une anecdote moralisatrice, c'est parce qu'elle contient en fait des thèmes de réflexion particulièrement impor- tants pour une histoire des femmes, mais aussi pour une histoire globale de la société athénienne : le rapport femmes/esclaves, le rapport travail domestique/production marchande, les rapports de sexes fondés sur une réciprocité inégale, puisqu'ils assurent la trophè et la protection aux femmes de la maison en échange d'un travail producteur de richesse pour Aristarque