fédération cgt des services publics - chasser la précarité · 2017-09-13 · le mouvement...

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En supplément, un 4 pages Laurence, Assistante sociale N o 55 NOUVELLE FORMULE Mars-Avril 2004 Edité par la Fédération CGT des Services Publics Prix : 1 euro p.2 Carnet de luttes p.3 Edito : Remobilisés ! p.4-5-6 REPORTAGE Les précaires p.7 à 12 DOSSIER Décentralisation Acte II p.13 SOCIETÉ Projet de loi de prévention de la délinquance p.14-15 PORTRAIT Laurence, assistante sociale p.16 Pub. Macif Chasser la précarité , elle revient au galop !

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Page 1: Fédération CGT des services publics - Chasser la précarité · 2017-09-13 · Le mouvement syndical aura aussi ses propres conclusions à tirer à l’issue de ces élections

En supplément, un 4 pages

Laurence,Assistantesociale

No 55NOUVELLE FORMULEMars-Avril 2004

Edité par la Fédération CGT des Services Publics Prix : 1 euro

➔ p.2Carnet de luttes

➔ p.3Edito :Remobilisés !

➔ p.4-5-6REPORTAGE Les précaires

➔ p.7 à 12DOSSIERDécentralisationActe II

➔ p.13SOCIETÉ Projet de loi deprévention de ladélinquance

➔ p.14-15PORTRAIT Laurence, assistante sociale

➔ p.16Pub. Macif

Chasser la

précarité, elle revient au galop !

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P.2 Service public no 55

ACTUALITÉ

Les luttes au fil des (derniers) mois…

janvier 2004 à l’OPAC des Hautes-Pyrénées. Pour le Comité d’Entre-prise, dans le collège 1 (Ouvriers-Employés), la CGT remporte 3sièges sur 4 pour titulaires et sup-pléants, l’autre revenant à la CFDT.Dans le collège 2 (Cadres et agentsde maîtrise), c’est cette dernière quiremporte le siège à pourvoir.Scénario identique pour les délé-gués du personnel. 3 sièges sur 4pour les titulaires et suppléants encollège 1 et 1 siège pour la CFDT encollège 2.

POLICIERS MUNICIPAUX L’intersyndicale face à Sarkozy

Le 12 février, le Ministre de l’Inté-rieur a fait une visite éclair àMontpellier, dans l’Hérault, pourinaugurer un commissariat. Les représentants de l’intersyndicaledes policiers municipaux, gardes-champêtres et ASVP, ont saisi l’occa-sion pour exprimer leur méconten-tement. Hormis la création d’un gradeunique en catégorie A ouvert pardétachement à la Police nationale, lacréation d’un troisième grade pourles gardes-champêtres, les flash-balls ou la couleur des tenues, leMinistre refuse toute négociationsur la revalorisation indiciaire, l’inté-gration d’une ISF augmentée, labonification 1/5, la catégorie B pourles gardes-champêtres, l’avancementpour les ASVP, etc…Face à cette situation, l’intersyndica-le appelait le 16 février à une grèvedes timbres-amendes, le blocage desrégies d’amendes et à des manifesta-tions décentralisées le 10 mars.

payer. Ce que dément DanielGromat, secrétaire général de laCGTM, qui estime “qu’aujourd’hui lamairie va bien et est en mesure de nouspayer cette prime” et demande lacréation d’une commission pourrégler cette question.Pour le COS, les syndicalistes sou-haitent obtenir une participationmunicipale proportionnelle à lamasse salariale, ainsi que la mise enplace d’un “Village Vacance” pour lepersonnel, de chèques-déjeuners etde chèques-vacances.

“Il est inadmissible que les salariés duplus gros employeur de l’île ne dispo-sent pas de ces avantages”, dit le res-ponsable syndical.

PORNICHET (44) Le suicide va devant la justiceEn septembre 2003, une employéede la mairie de Pornichet, en Loire-Atlantique, était retrouvée penduesur son lieu de travail. L’affaire avaitprovoqué une grande émotion dansla ville et parmi ses collègues, carcette femme au caractère généreuxétait, semble-t-il, victime de harcèle-ment professionnel et moral. Lafamille a déposé une plainte auprèsdu doyen des juges d’instruction duTribunal de Grande Instance deSaint-Nazaire le 9 février 2004.Lesterritoriaux CGT de Pornichet esti-ment que “ces faits gravissimes ne

Mars 2004

COMMUNAUTÉ DE COMMUNESRHÔNE-SUD 100 % au CTPLa CC Rhône-Sud a élu son CTPmi-janvier 2004. Cette élection étaitrendue obligatoire suite au transfertdu ramassage des ordures ména-gères, de la voirie, des espaces vertset des services culturels des collecti-vités de Givors et de Grigny. Au pas-sage, Givors, qui était en gestionlocale, passe en affiliation obligatoi-re au Centre de Gestion du Rhône(moins de 350 agents).Le résultat de l’élection est impres-sionnant : 100 % des exprimés pourla CGT, soit 96 voix sur 105 votantset 176 inscrits. Un beau succès pourles Territoriaux CGT, dont le syndi-cat regroupe Givors, Grigny et la CCRhône-Sud.

FORT-DE-FRANCE (97)

Quatre sections de la CGTM en assemblée généraleLes cégétistes martiniquais dévelop-pent les actions et leurs collèguesfoyalais ne sont pas en reste. À preu-ve l’assemblée générale tenue débutfévrier 2004 par quatre sections dela CGTM : Régie des eaux, cadres,animateurs, municipaux). Deuxpoints à l’ordre du jour : l’indemni-sation d’exercice de mission et leComité des Œuvres Sociales.

Créée en 1997, l’IEM est une primeque réclament les 3 600 agents deFort-de-France (dont 1000 pré-caires). La municipalité allègue unmanque d’argent pour ne pas la

Janvier 2004

DUNKERQUE (59)Les égouts malsainsLe collectif Eau/Assainissement dela Fdsp s’est adressé le 6 janvier2004 au président de la Commu-nauté Urbaine de DunkerqueGrand Littoral, à la suite de gravesproblèmes de santé rencontrés pardes agents travaillant en réseauxsouterrains des égouts.

Février 2004

CHAMPFLEUR (72) Le maire excède la maison de retraiteChampfleur est une petite ville de laSarthe de 1154 habitants. Elle a unemaison de retraite gérée par leCCAS municipal et le maire en estprésident de droit. Début janvier,les 24 employés de la maison deretraite des Lys, ainsi que la majori-té des territoriaux, ont fait grève àl’appel de la CGT. La goutte d’eaude trop a été la modification de laprime de fin d’année, dont l’obten-tion, auparavant subordonnée à uneabsence annuelle de moins de troismois, a été réduite à une durée de15 jours, et ce sans aucune concer-tation. Les territoriaux ne sont pasles seuls à être fatigués de ce despo-tisme mal éclairé. En avril 2003, sixdes 19 élus avaient démissionné,reprochant au maire, PierreLanglais, sa “gestion autocratique”.

OPAC (65) Élections aux CE et DPDes élections ont eu lieu mardi 13

Ce qui suit n’a pas pour prétention de retracer les centaines de luttes quise développent chaque mois dans les collectivités locales, les OPHLM, lessapeurs-pompiers, etc. Il s’agit simplement de montrer par touches brèvesla variété et les résultats des actions revendicatives en France. Et c’estpas fini…

CHAMBÉRY (73)Une plaquette d’information sur le harcèlement moralIntéressante initiative à Cham-béry, en Savoie, où le CHS a pro-posé la mise en place d’un groupede réflexion sur le thème du har-cèlement moral, composé de l’ad-joint délégué aux ressourceshumaines, des organisations syn-dicales et de membres de l’admi-nistration. Ce travail a permis laparution d’une plaquette d’infor-mation.

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Remobilisés !Contrairement aux pronostics, la participation auxélections du 21 mars est en rupture avec la tendanceprécédemment observée. C’est une bonne nouvelle pour la démocratie. Malheureusement, le Front National consolide soninfluence.De plus, les faibles scores obtenus par les ministrescandidats sont symptomatiques du refus de la poli-tique réactionnaire du gouvernement Raffarin. Lessalariés viennent, à leur manière, de le prévenir que,sur les domaines en chantier ou programmés, il yavait des bornes à ne pas franchir.Cela paraît évident s’agissant de l’avenir de laSécurité Sociale, du Code du Travail, des servicespublics, du sort fait aux chômeurs… et aux cher-cheurs !Celui-ci doit revoir l’orientation de sa politique éco-nomique et sociale.C’est la conviction de la CGT, c’est l’objectif quevisent les actions syndicales qui se multiplient au fildes mois. Et, ce n’est certainement pas en s’adossantsans cesse au cahier revendicatif du MEDEF que lesréponses du gouvernement seront adaptées à lasituation. Le mouvement syndical aura aussi ses propresconclusions à tirer à l’issue de ces élections. Il doitentendre l’aspiration à plus de justice sociale et dedémocratie dans les décisions à prendre.Il doit favoriser le rassemblement des salariés, laprise en compte des revendications dans les négo-ciations avec le patronat, les pouvoirs publics.C’est la démarche que nous devons développer danschaque action menée, qu’elles soient locales ounationales, professionnelles ou interprofession-nelles. Toutes les luttes qui sont engagées aujour-d’hui participent activement à la mobilisation dessalariés de plus en plus déterminés à ne pas subirsans agir.

Nadine BricoutSecrétaire fédérale

peuvent rester impunis. Il appartientmaintenant à la justice de déterminerles responsabilités de chacun, et de fairetoute la lumière sur cette tragédie”.

LATTES (34) Djamel victime de discrimination racialeSyndiqué CGT, Djamel était policiermunicipal à Lattes (Hérault) jus-qu’au 15 décembre 2003. Il a étéradié de la Fpt. Motif officiel : refuspar le maire de sa titularisation pourincompétence professionnelle. Cemême maire lui avait donné unenote de 15,50 (évidemment sur 20)et lui avait adressé deux lettres defélicitation pour actes de courage. Le CNFPT lui avait égalementaccordé deux notes élogieuses lorsde son stage. Alors, quelles sont lesvraies raisons ? Djamel a osé dénon-cer les graves dysfonctionnementsde son service. Dans cette commu-ne, le Front National recueille 33 %des suffrages, ce qui explique assu-rément le silence du maire, visé parla plainte déposée pour complicitédans la discrimination raciale dontest victime Djamel.

SAINTRY-SUR-SEINE (91)Les ATSEM parlent aux parents d’élèvesLe 1er mars 2004, les ATSEM deSaintry-sur-Seine, petite communerésidentielle de l’Essonne, ont déci-dé, avec leur syndicat CGT, des’adresser aux parents d’élèves pourexpliquer leur ras-le-bol devant l’at-titude de la municipalité et les rai-sons qui les amenaient à faire unegrève de 24 heures ce 1er mars. Lemouvement pourrait d’ailleursprendre un aspect reconductible sile maire persiste dans sa surdité auxrevendications des ATSEM. Celles-ciavaient déposé un préavis de grèvele 11 février dernier pour déclen-cher des négociations, sans résultatactuel.

FALAISE (14)Les sapeurs-pompiersvolontairescréent leur syndicatC’est une première en France. Dessapeurs-pompiers volontaires, ceuxde falaise, dans le Calvados, vien-nent de créer leur syndicat CGT,

alors que jusqu’à présent, les profes-sionnels étaient dans ce cas. C’estsans doute une confirmation dumalaise qui règne chez les SP.. “Nousvoulons être entendus, reconnus, res-pectés, défendus…Nous voulons égale-ment améliorer le service public”, estun discours que ne renieraient pasleurs collègues pros, avec lesquelsest demandée la réunification.

MARTINIQUE (97)Les agents des réfectoires craignent d’être mangéspar le privéL’Espace-Sud est une collectivité quiregroupe neuf communes du Sudde la Martinique. Le président de lastructure intercommunale a engagédes négociations avec des entre-prises privées de restauration collec-tive pour privatiser cette activité.Que deviendraient dans cette hypo-thèse les personnels municipauxconcernés, non-titulaires comme laplupart de leurs collègues antillais ?Les employés des réfectoires ontreçu le soutien de la CGTM-SOEMet de son secrétaire général DanielGromat. Ils ont montré leur déter-mination en bloquant, début mars,les carrefours à l’entrée du Diamantet de Trois-Ilets (deux communesimportantes de l’île, NDLR), ainsi queplusieurs réfectoires concernés. Unpremier résultat a été une rencontreentre plusieurs maires et les gré-vistes, avec promesse d’une ren-contre entre Espace-Sud et les repré-sentants des personnels. Quid dessommes versées par les non-titu-laires aux caisses publiques et ris-quant de repartir à zéro dans leprivé ?

Directeur de publication : Nadine BRICOUT -Photocompo-maquette :Suzanne Mulleman

Tirage, routage : imprimerie RIVET - 27 , rue Claude-Henri-Gorceix - BP 1577 - 87280 Limoges cedexCommission Paritaire n° 3 653 D 73SI.S.S.N. n° 1148-2370 e-mail : [email protected] Site Internet : www.spterritoriaux.cgt.fr

Éditorial

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P.4 Service public no 55

REPORTAGE

Ces auxiliairesdamnés de lafonction publiqueVue de loin, la fonction publique territoriale offre la stabilité de l’emploiqu’on ne retrouve que rarement dans le secteur privé. Beaucoup de gensy entrent dans l’espoir de décrocher un emploi stable. Et pourtant, on estloin, vraiment loin, de cette image idyllique d’autrefois.

Si dans les deux fonctionspubliques (d’Etat et hospitaliè-re), la précarité est égalementprésente, elle prend unedimension inquiétante dans lafonction publique territoriale.En juillet 2000, il y avait enFrance environ 5 millions desalariés de la fonction publi-que, dont 633 000 de non-titulaires. La fonction publiqueterritoriale comptait à elleseule plus de 385 000 agentsnon-titulaires, soit un peu plusque la moitié des “précaires”des trois fonctions publiquesréunies.

Deux raisons essentielles sem-blent expliquer ce phénomè-ne. La première correspond augel de l’emploi public pendantplusieurs années, au momentmême où l’Etat et les collectivi-tés territoriales devaient faireface à une demande pressantedes citoyens, devenus de plusen plus exigeants en matièrede la qualité de service public.La seconde s’explique par leretard pris pendant longtempsdans la modernisation desemplois, notamment dans lafonction publique territoriale.Pour faire face à ces besoins et

qui obtiennent un arrêté demission d’un mois ou de troismois. Mais pour obtenir ce“sésame”, cela relève d’unegageure. Les auxiliaires viventen majorité leur précarité auquotidien, occupent des pos-tes partiels imposés et gagnentmoins que le SMIC. A cetteprécarité statutaire et salariales’ajoutent l’absence de déroule-ment de carrière et la nonapplication du régime indem-nitaire.

Nantes, un exempleparmi d’autresLa ville de Nantes (Loire-Atlantique), emploie 4 668agents, dont ceux du CCAS,pour une population totaled’environ 270 000 habitants.Le personnel non-titulairereprésente en période normale10 % de l’effectif global voirejusqu’à 13 ou 14 % en période

que la situation de ces tra-vailleurs précaires du publicest parfois plus dramatique surbien des aspects que leurs col-lègues du privé. Il n’existe, eneffet, aucune limite au renou-vellement de leurs CDD(contrats à durée déterminée).C’est ainsi que certains agentspeuvent travailler pendant desannées en accumulant des“arrêtés de missions”. Cesdocuments, véritables CDDcomme ceux que délivrent lesboîtes d’intérim dans le privé,peuvent être établis pourquelques jours, voire quelquesheures seulement, de travailpar semaine. Les plus chan-ceux des auxiliaires sont ceux

rattraper le retard, les admi-nistrations étaient ainsi auto-risées à recruter des agentsappelés “auxiliaires” à l’occa-sion de travaux temporaires,exceptionnels ou urgents.Dans les textes, le recours auxagents non-titulaires est pour-tant présenté comme “déroga-toire” au statut général dufonctionnaire. Il ne doit, enl’occurrence, se justifier quesur des besoins occasionnelset saisonniers.

Pire que le privéDans les faits, plusieurs mis-sions sont aujourd’hui assu-rées par ce personnel non-titulaire. Le plus étonnant est

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d’été. Les employés de catégo-rie C forment le gros lot de ceseffectifs (3516 agents à la fin2002). Ces derniers, on lesretrouve essentiellement dansdes secteurs féminins commeles écoles, la restauration sco-laire, les crèches, les servicesadministratifs et l’aide aux per-sonnes âgées. Le recours àl’emploi contractuel et précairese fait essentiellement au seinde cette catégorie pour pour-voir aux remplacements dusaux maladies et aux congésannuels ou pour renforcerponctuellement certains ser-vices. Jean-Paul Rica, secrétairegénéral du syndicat CGT, asuivi longtemps le dossier desprécaires à la ville de Nantes.“Au secteur de l’éducation, nousavons un taux élevé d’absentéis-me, à cause des problèmes de dosdont se plaignent souvent lesATSEM (agent territorial spécia-lisé en école maternelle), femmespour la plupart. Elles font 39,45heures par semaine et ne peuventprendre des vacances pendant lapériode scolaire. Beaucoupd’entre-elles sont complètementusées par la fatigue physique etmorale. Le même phénomène, onle retrouve parmi les agents quitravaillent auprès des personnesâgées du fait qu’ils sont confron-tés en permanence à la souffran-ce et à la maladie. A ces pro-blèmes spécifiques, s’ajoute lasurcharge de travail notammentdepuis la réorganisation des ser-vices en 2001. Dans certains sec-teurs, le pourcentage des pré-caires atteint parfois 50 % deseffectifs. Ils sont serviables et cor-véables à merci, mal payés etsubissent parfois la pression deleur hiérarchie. Certains ont même atteint lestade de dépression” explique cesyndicaliste.

Arezki Semmache

Service Public : En quoi consistevotre travail de prise en chargedes précaires à la ville de Nantes ?

Anita Averty : J’ai moi-même étéauxiliaire pendant quatre ans et demiau CCAS de la ville de Nantes. C’estlà où j’ai rencontré une syndicalistede la CGT qui m’a expliqué le tra-

vail engagé par ce syndicat dans cedomaine. J’ai compris que pourrésoudre un problème particulier, enl’occurrence le mien, il fallait agirdans un cadre collectif. Le secteurdes personnes âgées est l’un des plustouchés par la précarité pour des rai-sons d’absentéisme. Ce n’est pas dif-ficile à comprendre, lorsque l’on saitque les agents qui y travaillent sontconfrontés à une surcharge de travaildu fait du vieillissement de cettepopulation et de manque demoyens. Nous avons commencé pardes réunions avec les auxiliaires

Service Public : Pourquoi alorscette gestion n’a pas évité d’éra-diquer la précarité, puisqu’un unnouvel accord du même type aété signé récemment ?

Anita Averty : Les agents auxi-liaires qui sont arrivés entre 2000 et2004 n’étaient pas concernés par lepremier protocole d’accord signé endécembre 2000. Depuis cette date,la ville a laissé se développer uneprécarité qui oscille entre 13 et 14%des effectifs. Grâce aux nombreuxrassemblements devant la mairie,toujours avec le soutien de la CGT,un nouvel accord a donc été signéle 4 février dernier. Il permettra derégler la situation d’environ 250personnes, c’est-à-dire tous lesagents auxiliaires qui étaient enposte à la mairie de Nantes jusqu’àfin 2002, d’une manière permanen-te. La municipalité s’est engagée àles titulariser avant fin 2006.Dorénavant, les recrutements desauxiliaires se feront sur une périodede six mois ou d’une année scolaireau maximum. Ce nouveau mode derecrutement aura l’avantage d’éviterla reconstitution d’une nouvelleprécarité de longue durée et surtoutaidera à mettre fin à leur exploita-tion.

Propos recueillis par A.S.

concernés par ce problème. L’infor-mation a fait boule de neige etbeaucoup d’auxiliaires nous ontrejoints par la suite. Un premiercollectif a ainsi vu le jour. Grâce àcette mobilisation qui s’est traduitepar diverses manifestations devantla mairie, avec le soutien de la CGT,nous avons obtenu une premièrebataille en signant, en décembre2000, un protocole d’accord sur larésorption de la précarité.

Service Public : Quel était lecontenu de ce protocole ?

Anita Averty : Ce documentconcernait les agents auxiliaires enposte de façon régulière et perma-nente entre janvier 1995 et décem-bre 1999. Il a ainsi permis la titula-risation de 194 d’entre eux. Lesagents auxiliaires concernés sontdésormais rémunérés mensuelle-ment et non à l’heure comme c’étaitpar le passé. Ils ont également droitau complément familial et auxcongés annuels et exceptionnels. Ilsbénéficient aussi de toutes les pres-tations du COS (comité des ouvressociales) et de tickets-restaurant,comme tous les autres fonction-naires titulaires. La ville s’est, parailleurs, engagée à remettre à cha-que agent auxiliaire un livret d’ac-cueil précisant clairement ses droitset ses devoirs. Ce protocole devaitpermettre également une gestionprévisionnelle des effectifs.

Chassez la précarité,elle revient au galop !Sous la pression des syndicats, notamment la CGT, la ville de Nantes s’estengagée pour la résorption de la précarité parmi ses agents. Un premierprotocole d’accord, signé en décembre 2000, a permis la titularisation desagents précaires en poste d’une manière régulière entre 1995 etdécembre 1999. Mais depuis, le phénomène s’est à nouveau reconstitué.Cela nous rappelle la légende grecque où Sisyphe, roi de Corinthe, étaitcondamné aux enfers à pousser éternellement sur la pente d’une mon-tagne un énorme rocher qui toujours retombait avant d’atteindre le som-met. Pour comprendre ce cercle vicieux, nous avons rencontré Anita Averty,aide à domicile au CCAS et membre du bureau CGT à la mairie de Nantes.Elle s’occupe de près du dossier des précaires dans cette ville.

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P.6 Service public no 55

REPORTAGE

Farid, Isabelle et les autres...Comme des âmes en peine, tourmentés en permanence, ils sont des mil-liers d’auxiliaires de la fonction publique à errer à la recherche d’un tra-vail ponctuel. Réduits à la misère absolue, leur indépendance envolée,leur dignité bafouée, ils attendent chez eux un hypothétique coup de filqui vient leur délivrer un espoir : celui de pouvoir travailler pour quelquesheures ou quelques jours par semaine. Nous avons rencontré deux d’entreeux à la ville de Nantes. Ils nous parlent ici de leurs souffrances et deleurs difficultés à exister, mais aussi de leur espoir et de leur engagementavec la CGT. C’est un véritable cri d’alarme en direction de ceux qui lesont abandonnés : les politiques. Messieurs, les hommes politiques, êtesvous à ce point étrangers et indifférents à l’existence ordinaires de vosconcitoyens

Farid Bastin, 43 ans, célibataire.

“Après avoir exercé plusieursmétiers dans le privé, je suis entréà la mairie de Nantes en juillet2000 comme magasinier. Le destina voulu que je passe 30 mois auservice logistique de la ville. J’avaisà chaque fois des arrêtés de missiond’un mois, mais pas plus. J’ai euensuite du boulot entre juin et août2003 pour installer et désinstallerles podiums dans les écoles pen-dant et après les fêtes de fin d’an-née. Ma galère a commencé en sep-tembre dernier, car depuis je n’aieu que des missions de quelquesjours ou quelques heures seulementpar semaine. La plus longue mis-sion que j’ai eue, c’était pour une

semaine, en novembre dernier,comme agent d’entretien aux ate-liers municipaux. Je dois cumuleren tout plus d’une soixantaine d’ar-rêtés, de quoi orner tout un mur(rires). Le plus choquant dans toutcela, c’est que j’étais au départ surun poste vacant au service logis-tique. En février 2001, il y a eu unappel à candidatures et mon chefde service m’avait demandé d’ypostuler. J’ai suivi son conseil etpendant un an et demi, j’espéraissincèrement pouvoir intégrer ceposte. Quelle fut ma surprise enapprenant, en mars 2003, qu’il aété finalement supprimé.Aujourd’hui, je suis au chômagedepuis le 3 février dernier. Pourune fois encore, et ce depuis 18mois, il m’a fallu franchir la portedes Assedic. C’est une démarche difficile, car jesuis un homme qui tient à sa digni-té. Mon dernier salaire s’élevait à674 euros, dont 445 euros de loyer.Il ne me restait pour tout le mois defévrier que 229 euros, dont l’élec-tricité et le téléphone. Qu’ai-je faitpour mériter ce sort ?Pourtant, j’ai toujours entenduautour de moi avoir donné satis-

c’est à dire payée par mois.J’occupais un poste vacant et celaavait duré trois ans. Mon salaireatteignait à cette époque 984 eurospar mois. En janvier dernier, je suisredevenue auxiliaire horaire, c’està dire à la case départ et aveccomme salaire 475 euros. Peut-onvivre avec une telle somme quandon a deux enfants à charge ? C’esttrès pénible de se sentir rabaissée etdévalorisée à ce point. Et commeun malheur ne vient jamais seul,j’ai vécu aussi une souffrance autravail provoquée par une person-ne titulaire. C’est une autre blessu-re qui vient se rajouter à la préca-rité. J’ai parfois l’impression d’êtredans une spirale qui ne se terminejamais. Avant d’entrer dans lafonction publique territoriale, jecroyais que la précarité n’allaitdurer qu’un temps. C’est uneerreur, car j’ai maintenant laconviction que c’est pire que dans leprivé. Je dois cumuler, chez moi, unnombre illimité d’arrêtés de mis-sion au point que ma situation estdevenue ingérable pour les Assedic.C’est très difficile aussi de quitterles personnes âgées avec lesquelless’établissent des liens d’attache-ment réciproques. Franchement, tout cela est dur àvivre. Heureusement que la CGTme soutient et me réconforte. Dansles réunions avec ce syndicat, jeretrouve d’autres personnes quipartagent les mêmes problèmesque moi. C’est important de ne passe sentir seule. Cela me donne unpeu de force et de courage”.

Propos recueillis par A.S

faction dans mon boulot. C’est durde vivre la précarité au quotidien.Heureusement que mes camaradesde la CGT me soutiennent morale-ment. C’est la seule raison qui medonne du courage pour me battreet m’accrocher ”.

Isabelle Patarin, la quarantai-ne, deux enfants à charge.

“J’ai commencé à la ville de Nantescomme auxiliaire horaire à la cui-sine centrale en avril 1999. Jusqu’àjanvier 2001, j’étais rémunéréeselon le nombre d’heures effectuées.J’étais affectée au portage des repasà domicile. En février 2001, j’étaispassée comme auxiliaire indiciaire,

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Service public no 55 P.7

Une République décentralisée

La loi du 28 mars 2003 n’est pasun texte parmi d’autres. Ellemodifie la Constitution etapporte au moins un change-ment fondamental : la France estdésormais organisée en Répu-blique décentralisée. Les consé-quences sont multiples. Le principe de subsidiaritédevient constitutionnel. C’est unvieux concept qui se traduit parle choix d’intervention ou deréglementation à l’échelon leplus efficace.

En 1995, le projet de loi d’orien-tation pour l’aménagement duterritoire avait proposé de for-maliser la notion de collectivité“chef de file”. Ce projet avait étécensuré par le Conseil constitu-tionnel. C’est aujourd’hui laconstitution qui consacre cettenotion. Toutefois, il ne peut pasy avoir de tutelle d’une collecti-vité sur une autre.

(suite p. 8)

DÉCENTRALISATION ACTE IIDe la mise en scène

à la réalité

DOSSIER

Le projet de loi se dit “relatif aux responsabilitéslocales”, ce qui est pour le moins vague.L’exposé des motifs s’appuie sur la loi constitu-tionnelle du 28 mars 2003 et donne d’entréedans la grandiloquence : “Faire émerger uneRépublique des proximités constitue une exi-gence pour rétablir la légitimité même de l’ac-tion publique qui est si souvent si contestéeaujourd’hui”. Par qui ? Des noms ! Silence. Ils’agit de “traduire dans les faits l’organisationdécentralisée” qu’annonçait la loi de mars 2003.Avant d’entamer la litanie des neuf titres qui font

du texte un pavé de la taille d’un parpaing, lepréambule multiplie les bonnes paroles : lesgaranties démocratiques et financières abon-dent, les compétences sont clarifiées, la proxi-mité triomphe, et l’État se fait d’une discrétionde violette en avouant que “dans les domainestransférés, il ne sera plus acteur, les collectivitésterritoriales se substituant à lui et disposant desmoyens financiers et des ressources humainesque l’État consacrait à l’exercice des missionstransférées”. Parole de Premier Ministre ! Et sion regardait de plus près ?

Bernard Soubaigné,membre de la direc-tion de la Fdsp, est unspécialiste des ques-tions de décentralisa-tion. “Service Public”l’a interrogé sur lesconséquences de la loisur les personnels etles usagers, ainsi quesur les propositions dela CGT.

Service Public. Avant d’ana-

lyser l’acte II, quelle est l’opi-nion de la FDSP sur l’acte I ?

Bernard Soubaigné. Le bilande l’acte I de la décentralisationn’a pas été réalisé. Ce que serale résultat positif ou négatif del’acte II, je ne m’aventurerai pasdans cette analyse. C’est detoute façon une question derapport des forces. Et il est évi-dent que le projet libéral deRaffarin nécessitera de nom-breuses luttes.

S.P. Le texte fait référence à

la synthèse des Assises deslibertés locales faite parRaffarin à Rouen en février2003. Ces Assises auraientrassemblé 55 000 partici-pants. Que pensez-vous de lavaleur démocratique de cette“consultation” ?

B.S. Les Assises des libertéslocales ont été des parodies dedémocratie. Avec ces Assises, legouvernement a voulu se don-ner une légitimité. Elles sont àl’image de la capacité de ce gou-vernement en matière de dia-

Bernard Soubaigné :un statut pour lafonction publique et pour l’élu

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DOSSIER

logue social. Alors qu’unevolonté politique de décentrali-sation devrait se traduire parplus de démocratie, le compor-tement du gouvernement estinverse.Le projet de loi de décentralisa-tion a été rejeté par les ConseilsSupérieurs de la FonctionPublique de l’Etat et de laTerritoriale. Ce refus signifiaitaussi le rejet de la méthode deconcertation et du manque deréel dialogue social.

S.P. Comment peut-on résu-mer les axes principaux de cet“acte II” et les conséquencesqu’il peut engendrer sur la vieet la carrière des personnelsde la Fonction publique ?

B.S. Les dangers ne sont pas dufait même d’une logique dedécentralisation, mais du faitque cette logique est construitedans une conception libérale.Les risques sont donc grandspour les citoyens. Les person-nels de la fonction publique quiagissent contre cette décentrali-sation libérale traduisent bienles dangers dont elle est porteu-se : transfert de charges sur lescollectivités locales, privatisa-tion des services publics, remiseen cause de l’unicité nationale,aggravation des inégalitéssociales et territoriales.Pour les personnels de la fonc-

tion publique, les risques sontaussi très grands : remise encause du caractère national dustatut, en particulier dans la ter-ritoriale, développement de laprécarité, suppression d’em-plois publics, privatisation, etc.La question du transfert desroutes aux collectivités localesest édifiante. Le mode de finan-cement de ce transfert proposédans la loi, c’est la mise en placede péages. En même temps rienn’est joué d’avance, on le voitavec ce même exemple puisquecette disposition de mise enplace des péages a été repousséeà l’Assemblée.Les Français sont lucides. Uneenquête de septembre 2003indique qu’une très grandemajorité se déclare favorable à ladécentralisation. Et indiqueaussi leurs craintes concernantle développement des inégalitésentre les régions, l’augmenta-tion de la fiscalité.

S.P. Quel type de société, avecquels rôles pour quels éche-lons territoriaux, ce projet deloi préfigure-t-il, à votre avis ?Pour les personnels, leur sortne risque-t-il pas de dépendreuniquement de la volonté desroitelets locaux, avec un statutsur mesure ou à la tête duclient ?

B.S. Je crois que, parlant desélus locaux, qui sont élus ausuffrage universel, on ne peutpas les caricaturer comme desroitelets locaux. Je pense mêmeque l’acte de décentralisationdoit s’accompagner de l’élabora-tion d’un statut de l’élu. Ce sta-tut de l’élu devant permettre àchaque citoyen de devenir unélu et d’avoir les moyens d’assu-mer son mandat ce qui est loind’être le cas actuellement.Si on devait faire dans la carica-ture, je préfère un Etat décen-tralisé avec des roitelets locaux à

un Etat centralisé où le prési-dent de la République serait leRoi de France, échappant auxrègles de la République.C’est bien parce que nous avonsune conception d’un État uni-taire et décentralisé que nousavons une conception deServices publics nationaux deproximité. La seule façon degarantir cela, c’est de construirel’emploi public, construire desgaranties statutaires permettantaux citoyens qui accèdent à cetemploi d’être au service desautres citoyens, pour répondreà leurs besoins. Des garantiesd’indépendance fortes vis-à-visdes politiques et du capital sontnécessaires. À ce moment-là, lespersonnels ne risqueront pas dedépendre uniquement desvolontés des élus locaux.Une administration faite de per-sonnels indépendants, qualifiés,c’est la garantie de la libre admi-nistration des collectivités terri-toriales, les élus locaux bénéfi-ciant de fonctionnaires capablesde mettre en œuvre les compé-tences attribuées. C’est justement la probléma-tique essentielle actuellementdans la fonction publique terri-toriale. Avec les modes de recru-tement actuels, les régimesindemnitaires, la remise encause de la reconnaissance desqualifications, du déroulementde carrière, de la formation, ledéveloppement de la précarité,les personnels des collectivitésterritoriales sont de plus en plusdépendants des élus locaux.La décentralisation faite danscette situation sans amener decorrectif est effectivement trèsdangereuse. Les personnels desadministrations de l’État devantêtre transférés sont inquiets àjuste titre. Nous revendiquonsun statut unique rénové de lafonction publique.

(suite de la p.7)

Un principe innovant prévoit le référendum local décisionnel.Sur un plan concret, l’élu nedevrait plus agir seulement surle fondement de son mandatélectif. Même si c’est à son ini-tiative (un recul par rapport auprojet initial), un élu peutconsulter ses administrés.Les électeurs (pas les habitants)pourront aussi exercer un droitde pétition pour obtenir la miseà l’ordre du jour d’une assem-blée délibérante d’une questionrelevant de sa compétence. Làencore, il n’y aura pas une obli-gation pour l’élu de répondrefavorablement à la pétition.

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Péréquation constitutionnelle

Si la loi constitutionnelle nedétermine pas les compétencesqui seront transférées (ce n’estpas son rôle), elle prévoit quetout transfert de compétencess’accompagne de l’attribution deressources équivalentes à cellesqui étaient consacrées à leurexercice. Un transfert sans lesmoyens est donc anticonstitu-tionnel. La péréquation entre lescollectivités devient égalementune règle constitutionnelle.

La loi constitutionnelle prévoitla possibilité d’expérimentation

pour les Collectivités Territo-riales, c'est-à-dire la possibilitéde déroger à titre expérimentalpour un objet et une durée limi-tés, aux dispositions législativeset réglementaires.Le principe de l’autonomiefinancière et fiscale des collecti-vités territoriales est constitu-tionnel.

On voit au regard de ces dispo-sitions nouvelles, constitution-nelles que de nouveaux enjeuxsont posés, en matière de démo-cratie, de finances publiques, deconcurrence entre territoires,etc

FINANCEMENTLa CGT doitintervenir

Complétée par trois lois organiques, dont unerelative aux questions financières, la loi consti-tutionnelle du 28 mars 2003 se dit apporter“aux collectivités de nouvelles et importantesgaranties financières : libre disposition des res-sources ; faculté d’autoriser la fixation de l’as-siette et du taux de l’impôt reçu ; compensationdes transferts de compétences ; dispositifs depéréquation favorisant l’égalité entre collectivi-tés”. C’est vrai, tout ça ?

commune mesure avec lasituation actuelle.• L’autonomie financière etfiscale des collectivités terri-toriales doit être assurée. Iln’y a pas d’autonomie si lesbudgets des collectivités dé-pendent essentiellement dedotations ou de compensa-tions de l’Etat. Aujourd’huipar la pratique des compen-sations, l’État est le premiercontribuable des CollectivitésTerritoriales.• L’autonomie financière nedoit pas conduire à uneaggravation des inégalités ter-ritoriales. L’État doit garantirla réduction de ces inégalités.

“Nous avons besoin que les orga-nisations CGT s’emparent de cesquestions de finances publiques”,ajoute Bernard Soubaigné,“pour intervenir dans la gestiondes collectivités et EPCI, pourcontrôler l’utilisation des aidespubliques accordées aux entre-prises … et surtout pour fairevivre les propositions CGT. Del’argent, il y en a dans le pays,faire autrement, c’est possible,même réussir la décentralisationd’ailleurs”.

“La réforme souvent annoncéen’a jamais été réalisée”, répondtout net Bernard Soubaigné. .“Elle est pourtant absolumentnécessaire. La crainte du désen-gagement de l’Etat n’est pas unepeur à avoir, c’est une réalitéd’aujourd’hui, et depuis un petitmoment déjà. La décentralisationtransformera les finances locales,en particulier les dépenses quinécessiteront de nouvelles re-cettes. La fiscalité locale est laplus injuste et inégalitaire actuel-lement. La CGT fait des proposi-tions sur les questions de finance-ment et de fiscalité”.

La loi constitutionnelle donc laconstitution prévoit :

• lors de transfert de compé-tences, l’attribution de res-sources équivalentes à cellesqui étaient consacrées à leurexercice. Ces ressourcesétaient déjà insuffisantes(manque de personnel no-toire) ; de plus, les lieux dedécisions et de mise enœuvre des réponses étantplus proche de l’expressiondes besoins, les moyens àmettre en œuvre seront sans

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DOSSIER

ÉQUIPEMENT ET TERRITORIALEThierry Tripodi : “La crainte d’une grande disparité entre départements…”Secrétaire départemental CGT de l’Équipement dans les Alpes-Maritimes, ThierryTripodi est membre du Bureau Fédéral. Depuis 13 ans dans la Fonction publique,il explique les sentiments, les craintes et la mobilisation de ses collègues mutésdans la territoriale sans qu’on leur ait demandé leur avis.

Service Public. Les premièresmesures de la décentralisationRaffarin ont transféré auxConseils généraux les compé-tences et les personnels desDDE. Quel est l’avis des per-sonnels et de leurs respon-sables CGT sur ce transfert“forcé ” ?

Thierry Tripodi. Notre sensa-

tion est la casse d’un outil deproximité au service de tous. Oncraint aussi la création degrandes disparités entre départe-ments, contrairement à une ges-tion nationale. Les Alpes-Maritimes ont un budget d’unmilliard d’euros, et la Creuse ?Ceux qui auront les moyenspourront, les autres non. En 15ans, nous avons perdu 17 000

emplois. Pour des agents qui ont30 ans de service au Ministère del’Équipement, c’est une rupturemorale de contrat.

S.P. Les conséquences sur lestraitements, les conditions etl’organisation du travail, ont-elles déjà été analysées ? Si oui,quelles conclusions provisoiresou non ?

T.T. Il y a un choc des culturesentre Territoriale et État, avecune hiérarchie différente et desincompréhensions profession-nelles. Depuis un an, il y a desgars déboussolés, par exemplepour les heures supplémentairesdans la Fpt. Et puis, quand lesélus décident seuls, on peut arri-ver à des projets aberrants sur lesplans technique et financier, eton trouvera toujours quelqu’unpour signer. Le ministère restepeu bavard. Je pense qu’il estconscient des problèmes mais ilveut gagner du temps.

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plus cinq ans pour avoir dumatériel…

S.P. Les relations entre lessyndicats CGT de l’Équipe-ment et ceux des ServicesPublics (Fédé, CSD, syndi-cats communaux ou inter-communaux) vont-ils con-naître des formes différentesdu fait de ce rapprochementgéographique et statutaire ?Si oui, lesquelles en termes derevendications et d’actionscommunes ?

T.T. Pratiquement tout est àconstruire. On a dû s’adapter.Aujourd’hui, je syndique descamarades de la Fpt. On s’estpenché sur les statuts de cha-cun et on a une grande adapta-bilité à la CGT. Il faut aussiavoir de la réactivité et lesconsciences ont évolué. Je n’aipas rencontré d’adversaire dustatut unique et on rencontredes mecs qui déneigent avec

UN EXEMPLE DE PROPOSITION CGT :LA TAXE POUR LE DÉVELOPPEMENTLOCAL

La TP (Taxe Professionnelle) et la TPU (pour l’inter-communalité) représentent des ressources impor-tantes pour les collectivités territoriales : 21,5 mil-liards d’euros en 2002, 22,2 en 2001, soit un quartdes impôts locaux collectés par les communes, 45% pour les départements et 64 % pour les régions.En janvier 2004, Jacques Chirac, applaudi par leMedef, a déclaré “qu’il faudrait revoir la fiscalité desentreprises”. On se doute que ce n’est pas à lahausse. Pour la CGT, “réformer la TP est indispensable,amorcer sa suppression est critiquable”. La réformepeut consister à transformer la TP(U) en “taxe pourle développement local”. Celle-ci, présentée dans uncadre pluriannuel, doit harmoniser ses taux pouréviter la concurrence entre communes (ou groupe-ments). Il faut élargir la base actuelle de la TP auxproduits financiers des entreprises. L’élargissementde la base taxable peut être accompagné d’unemodulation du taux d’imposition en fonction du bilande l’entreprise en matière d’emploi, des salaires etdes investissements productifs. Les entreprises quiles augmenteraient verraient leurs taux diminuer.Cette proposition se rapproche d’une autre émisepar la CGT pour la réforme des cotisations patro-nales. Elle donne cohérence à l’ensemble des reven-dications concernant les prélèvements obligatoires.

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S.P Le passage de la fonctionpublique d’État à la “territo-riale“ est-il considéré par lamajorité des personnels con-cernés comme une atteinte àson image de marque profes-sionnelle ou comme un rap-prochement utile des collecti-vités territoriales pour unmeilleur service public deproximité ?

T.T.Nous n’avons aucun dog-matisme envers les territoriaux,mais je crois que nous avonsune perte de proximité avec uneffet inverse de ce qu’on atten-dait en “rapprochant” les per-sonnels de l’Équipement. On sesent considérés un peu commedes boat people. La plupart sedemandent : “Est-ce que je vaispouvoir faire mon boulot commeavant ?” et je crois qu’il y a aussides répercussions chez nos col-lègues territoriaux. Le seulavantage, c’est qu’on n’attend

Bac+2 et branchés sur Internet.On commence à trouver despistes revendicatives sur despoints ponctuels, en essayantde s’aligner ensemble sur lemeilleur.

Dans les Alpes-Maritimes, à l’É-quipement, on fait 82 % CGTaux élections professionnelles.Tout le monde n’est pas habi-

tué à gérer ça mais à la CSD 06,on est content. Le Conseil géné-ral vient d’embaucher 50 per-sonnes sur les subdivisions, çapeut créer des synergies sur labase s’une exigence de justice.C’est un chantier énorme quis’ouvre à nous tous.

(Dossier réalisé parGilbert Dubant)

EXTRAIT DE LA DÉCLARATION COMMUNE DE LA FD CGT DES SERVICES PUBLICS ET DE LA FD DE L'ÉQUIPEMENT.

… “ Le ministère de l'Equipement avec son réseau et ses implantations territoriales de proximité dont ses 1 300 subdivisions et 4 000 centres d'exploi-tation, est aujourd'hui menacé d'éclatement. ... Confrontées au désengagement de l'Etat, les collectivités territoriales seraient conduites à augmenter lapression fiscale locale, à faire payer toujours plus l'usager, à rechercher la privatisation ..., à renoncer à des dépenses et investissements pourtant néces-saires à la satisfaction des besoins sociaux…… la Fédération des Services Publics et la Fédération de l'Équipement et de l'Environnement confirment leur opposition à la réforme en cours ... elles seprononcent pour une décentralisation s'inscrivant dans le cadre de solidarités renforcées et de coopérations développées, de droits égaux d'accès descitoyens aux services publics sur l'ensemble du territoire…La satisfaction des besoins, la reconquête du service public, le refus de toute privatisation ; le développement de l'emploi public statutaire tant dans lescollectivités territoriales que dans les services de PÈ quipement ; le renforcement des garanties statutaires et leur harmonisation vers le haut ; une mise àdisposition globale des services de l'Equipement auprès de toutes les collectivités territoriales dans le cadre d'une gestion démocratisée avec des droitsd'intervention des élus, des usagers, des personnels, tant dans la définition des missions de service public que du suivi de leur exécution ; une réformede la fiscalité permettant aux collectivités territoriales de disposer de ressources suffisantes au plein exercice de leurs compétences”.

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RÉGIONS ET FONCTIONPUBLIQUE CGT

En passant par la Lorraine…

Libertés Locales” avec la FSU, lesTOSS, l’Archéologie préventiveet la DDE. En 2003, on a conti-nué les batailles unitaires.

S.P . Quelle est votre opinionsur les orientations de l’acte IIet vers quels types de revendi-cations et d’actions cela peut-ilentraîner la CSR ?

Y.M. Pour nous, c’est mettre enœuvre la vie syndicale définie au47e Congrès. On a été invitéspar la FERC, l’État, le SGEPEN,on travaille avec les ATSEM sur

de nouveaux systèmes éducatifs.À terme, notre proposition est“une seule Fédé, une seule Fonctionpublique”.

Le stage de février 2004 est lerésultat d’un an et demi de tra-vail, mais ça a déjà tissé des liensde confrontation d’idées et eudes retombées départementales.Nos syndicats comprennent peuà peu qu’ils ne peuvent plus tra-vailler tout seuls dans leur coin,par exemple sur une formationprofessionnelle de haut niveau.Comment travailler avec leCNFPT ? Je siège dans deuxCRO, l’un Alsace-Moselle,l’autre Lorraine.

Comment travailler avec tous lespersonnels concernés par l’inter-communalité, les transferts decompétences, la décentralisa-tion, y compris avec ceux quirestent dans leurs collectivitésd’origine ? On bosse comme desfous mais ça commence à payerdans les syndicats.

S.P. La CSR Lorraine a uneactivité importante en interna-tional. Cette nouvelle organi-sation territoriale et étatiqueaura-t-elle d’après vous desconséquences sur le syndicalis-me européen dans les servicespublics, et si oui, lesquelles ?

Y.M. Les 24 et 25 juin pro-chains, en Belgique, on se réunitavec 45 responsables de laFGTB, de l’OGBL (Luxembourg)et de VerDi (Rhénanie-Palatinat).Thème : comment avoir desactions communes sur des ser-vices publics de qualité avec desjumelages entre syndicats ? Pourfaire passer ce genre de mes-sages, pas de mystère.

J’écris régulièrement à nos 85syndicats, je me déplace, noussommes 19 à la CSR, il faut quele maximum soit à dispositionpermanente des camarades quiveulent travailler ensemble.

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DOSSIER

Service Public. Comment lesterritoriaux de Lorraine ont-ils vécu et analysé les retom-bées locales de la décentrali-sation ?

Yves Magrinelli. La CSR a étécréée le 10 février 2002 par 70syndiqués en AG. Notre pre-mière action a été le 24 févrierdevant le Conseil régional pourdire “Non à cette décentralisation-là !”. Notre refus portait sur lefait que ni la population ni lessyndicats de fonctionnaires n’yétaient associés, sur les trans-ferts de charges financières, surl’emploi et les 30 % de précairesencore aujourd’hui, etc. Maisnotre première volonté a étéaussi de travailler avec toutes lesprofessions et organisationsconcernées, la FSU au toutdébut. On a toujours vu leschoses au travers de l’interpro.En liaison avec l’adhésion à laCES, on a tenu le 5 mai 2002une manif sur le “Forum des

Du 25 au 27 février 2004 s’est tenue une ses-sion de formation syndicale à Nancy organiséepar la Coordination Syndicale Régional CGT. Ellerassemblait, sous le titre “Europe, décentralisa-tion, intercommunalité et transfert des person-nels” des représentants lorrains des DDE, duSGEPEN et des CSD. Au-delà de l’intérêt de formation des dirigeants,il y a un symbole et une vision d’avenir. Lesrégions sont le fer de lance territorial de l’acte

II de la décentralisation et pour bon nombred’entre elles, la dimension européenne est quo-tidienne. C’est le cas en Lorraine.Comment organiser des politiques et desactions revendicatives CGT dans un cadre quidépasse en les intégrant les territoires clas-siques et les tout aussi habituels prés carréssyndicaux ? Questions à l’un des animateurs dela CSR Lorraine, Yves Magrinelli.

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projet il est , par exemple, fait réfé-rence a des gamins passant auconseil de discipline de leur collègeet subissant une peine d’exclusion.Dans les communes où tout lemonde se connaît imagine-t-on unepersonne oser aller voir l’assistantesociale dès lors que celle-ci va infor-mer le maire du fait qu’elle a ren-contré tel commerçant en difficultéou telle personne victime de vio-lences conjugales ? Les personnesqui rencontrent des difficultéssociales ont souvent des difficultés àfaire des démarches vers les servicessociaux car elles ont dans leur gran-de majorité honte d’exposer leursituation. Elles tiennent à ce que cesinformations demeurent confiden-tielles. D’autres savent aller voir lemaire ou les élus seuls dès lorsqu’elles ont décidé de le faire.

À l’usager d’en décider.Au niveau des professionnels, ceux

du social sont en première ligne carc’est la relation à l’autre qui est l’ob-jet même de leur travail. Mais il n’ya pas qu’eux. Dans les collectivitésterritoriales l’ensemble des agentsest concerné. Cela passe, parexemple, par l’ATSEM qui accueillel’enfant a l’école à l’animateur spor-tif qui réalise une activité ou l’agentdu patrimoine dans l’exercice de sesfonctions… Nous deviendrions tousdes auxiliaires de police. En cas deméconnaissance de cette obligation,nous serions passibles de sanctionsdisciplinaires Nous serons confron-tés à un problème majeur, c’est l’uti-lisation de l’information que nousaurons transmise au maire. Nousn’aurons plus aucun contrôle sur lesconséquences de cette transmissiond’éléments de la vie des usagers,intervention des forces de police,démarrage d’une procédure judiciai-re… Cela peut nous ramener auxheures sombres de notre histoire.

Le Conseil Supérieur du TravailSocial dans sa séance du 6 février2004 s’est adressé au ministre, M.Fillon, pour lui signifier ses interro-gations face à un tel projet Il n’estpas courant qu’une telle instance sepositionne de cette manière.

Les professionnels dusocial ont commencé à réagir. Une première journée nationaled’action intersyndicale a eu lieu le 4février 2004, une seconde le 17mars2004. Il nous faut élargir lamobilisation car les enseignants, lesmédecins et d’autres professionsseraient intégrées dans ce dispositif.La revendication de l’UGICT, débat-tue lors de son 14°congrès àClermont-Ferrand du 15 au 18mars, prend là toute sa valeur.Conquérir l’exercice d’un droit derefus, dès lors que l’objectif fixé nerespecte pas l’éthique professionnel-le, devient une urgence au regard denotre responsabilité professionnelleet sociale Il s’agit aussi, pour l’en-semble de la population, de sauve-garder les libertés individuelles et ledroit à la vie privée.

La CGT s’est inscrite dans cettedémarche et a réalisé une déclara-tion confédérale sur ce projet dès le11 février. Il nous faut impérative-ment développer l’informationauprès de nos collègues de travail,en direction de la population Desinitiatives auprès des parlemen-taires, des élus seront sans doutenécessaire au niveau national maisaussi au niveau local.

C’est à partir de cela que nousserons en capacité de développer lalutte pour obtenir le retrait de cetexte.

Roland Jeaningros

SOCIETE

Projet de loi de préventionde la délinquance, ou la délation organisée ?Les professionnels du social refusent d’être des délateurs. C’est le sensde leur mobilisation depuis plusieurs mois.À l’appel de la CGT, de syndicats de la FSU, de Sud, de la magistrature,des médecins de PMI, ou collectifs de prévention spécialisés, de coordi-nations des étudiants du travail social…, ils étaient plus de 10 000 àParis, le 17 mars, et des milliers dans des actions régionales, pour exigerle retrait du projet de loi et exprimer leur refus de devenir des auxiliairesde police.

Sarkozy, ministre de tutelle ?Le ministère de l’intérieur sembleêtre devenu le nouveau ministèrede tutelle des affaires sociales et dela solidarité. En effet, il prépare unnouveau projet de loi qui remet encause les fondements du travailsocial sans que cela ne pose aucunproblème. Dans son chapitre VI,article 11, il est stipulé :“Tout professionnel qui intervient aubénéfice d’une personne présentantdes difficultés sociales, éducatives oumatérielles est tenu d’en informer lemaire de la commune de résiden-ce…”. Le maire est ici entendu dansle cadre de ses pouvoirs de police.(chapitre II article 3 et 4).

Le champs des personnes concer-nées est énorme :Au niveau des usagers, qui n’a pasrencontré le moindre petit accidentde parcours dans sa vie ? Dans ce

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PORTRAIT

Laurence,assistante socialeDans un contexte de réduction des budgets sociaux, lesemployeurs ont tendance à réfléchir uniquement en terme decoûts. L’explosion des besoins générés par le chômage, la pré-carité, interroge les travailleurs sociaux sur leur rôle et leur inter-vention dans les politiques sociales. Témoignage et expériences.

LA CGT ET LE TRAVAILSOCIALLe travail social a besoin detemps pour comprendre, éta-blir une relation de confian-ce, écouter, prévenir ; il aégalement besoin d’autono-mie, de prises d’initiativespour être en phase, agir,créer des partenariats avecles usagers, les collègues,les intervenants… Le qualita-tif demande un haut niveaude formation des personnels,condition indispensable à laréussite du travail social,pour agir sur les causes etnon uniquement sur lesconséquences visibles desproblématiques.La fédération et l’UFICT-CGTdes services publics propo-sent notamment la recon-naissance des qualificationset le reclassement des assis-tants sociaux en catégorieA, la suppression des quotasd’avancement de grade. Le travail des assistantssociaux doit être recentrésur leurs missions : il faut enfinir avec l’empilement dedispositifs et l’accroissementde tâches administratives.Les projets de loi liberticidesdoivent être retirés.

Son bac en poche, Laurence Margerit passeen 1983 le concours d’entrée à l’école de ser-vice social. Après trois ans d’études, dontquatorze mois de stage, elle obtient le diplô-me d’assistante de service social. Elle réussitdans la foulée le concours de la fonctionpublique territoriale. Une première nomina-tion dans l’Yonne, puis elle obtient un posteau conseil général du Rhône où elle travailletoujours.

Neuf ans durant, elle sera assistante socialepolyvalente de secteur à Vaulx-en-Velin. Deson expérience dans une banlieue dite “sen-sible”, Laurence retient “la solidarité entrehabitants, mais aussi l’importance des servicespublics et du travail partenarial”. Le plusgrand apport de ces années fut sans contestesa rencontre avec “une population au potentielhumain exceptionnel”, où se côtoient quaran-te-quatre nationalités. Mais, revers de lamédaille, “une grande détresse économique etsociale”. A l’époque, Laurence n’était pas syn-diquée, mais raconte-t-elle, “c’est à travers ceque j’ai vécu à Vaulx que j’ai commencé à m’in-vestir au plan associatif. Je suis entrée au conseil

d’administration d’un centre social, j’ai militédans une association de quartier et aux parentsd’élèves”.Laurence se syndique en 1997. Très vite, elleest élue à la commission exécutive de sonsyndicat et au bureau, au comité d’actionsociale du conseil général, dont elle assume-ra la vice-présidence, puis au sein de lacoordination syndicale départementale desservices publics.

Elue au congrès de La Rochelle à la commis-sion exécutive fédérale, membre de la com-mission exécutive de l’Union départementa-le CGT du Rhône, élue CTP, elle participe aucollectif fédéral “médico-social”, au collectifnational de l’UGICT “assistants sociaux” etsiège à la commission professionnelleconsultative du travail social, un organismequi émet des avis sur la création et l’évolu-tion des diplômes. Toutes ses responsabilitésne l’empêchent pas d’exercer son métierd’assistante sociale, deux jours par semaine.

La déontologie mise à malLa dégradation de la situation sociale

conduit Laurence à s’interroger sur l’évolu-tion des politiques sociales et le fondementde sa profession. “Une AS doit-elle unique-ment appliquer des dispositifs de cache-misèreou faire remonter les besoins et faire évoluer lespolitiques sociales ?” se demande-t-elle. Et deciter quelques chiffres : 3 % de chômeurssupplémentaires en 2003, des dossiers de

Laurence Margerit

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surendettement en augmentation de 13,8 %.“Dans le Rhône, ajoute-t-elle, au 1er janvier2004, 7 000 personnes ont basculé des ASSE-DIC sur le RMI. Les dispositifs en vigueur, qu’ils’agisse du fonds solidarité logement, de l’APAou du RMI, ont montré leurs limites”, affirme-t-elle. “Ce qui pose problème, c’est le non emploi,le sacrifice de catégories entières de la popula-tion, non rentables, non solvables”. Elle voitdans les propositions de la CGT de nouveaustatut du travail salarié et de sécurité socialeprofessionnelle une réponse appropriée.“Nos usagers ne demandent pas à être assistés,mais le droit à une existence digne, à un tra-vail”. Laurence se fait accusatrice : “On a chif-fré les coûts sociaux des plans de licenciement,mais jamais les coûts humains, le nombre dedépressions, les gâchis, la souffrance”. Le malaise s’est amplifié ces dernières annéestandis que les travailleurs sociaux étaientcontraints de mettre en œuvre des dispositifssécuritaires et répressifs. Puis deux projetsde loi sont venus percuter leur éthique etleur déontologie en mettant en cause lesecret professionnel. “Perben 2” oblige lestravailleurs sociaux à remettre à la justicetous les documents qu’elle leur demande. Leprojet de loi Sarkozy, dit de “ prévention dela délinquance”, instaure un devoir de signa-lement.. Tout professionnel (assistant social,médecin, enseignant…) qui intervient aubénéfice d’une personne présentant des dif-ficultés sociales, éducatives ou matérielles,serait tenu d’en informer le maire de la com-mune de résidence. Pour Laurence, “il s’agitlà d’un fichage en règle de la population. Unemobilisation nationale se construit pour leretrait de ce projet. C’est comme une lame defond qui s’étend en réseaux à tout le champsocial”.

Une souffrance intériorisée

Les moyens ne suivent pas l’évolution desbesoins. “Le conseil général a multiplié lesconventions avec des associations pour le suividu RMI, raconte Laurence. Chacune touchait550 euros par bénéficiaire, puis cette somme estdescendue à 450 euros. L’insertion santé etsociale n’est que facultative. Tout est censé por-ter sur l’emploi, mais de quelle insertion profes-sionnelle parle-t-on ? Du RMA ? Avec le revenuminimum d’activité, les patrons vont pouvoirembaucher des bénéficiaires du RMI en CDD.Cela ne leur coûtera que 183 euros par mois etpratiquement pas de cotisations sociales pourvingt heures de travail hebdomadaire”.

Laurence dénonce également les dérives despolitiques locales : “Le conseil général duRhône réalise des équipements de prestige extrê-mement coûteux. Dans le même temps, il n’ap-

porte pas de réponses aux besoins sociaux de lapopulation”. Le conseil général du Rhône, comme beau-coup d’autres, souffre d’un déficit d’assis-tants sociaux. Les difficultés de recrutementvont s’accentuer dans les années à venir, dufait d’un nombre important de départs enretraite. “Il n’y a pas assez de gens formés”.Des quotas subsistent dans les centres deformation. Le diplôme, de niveau 3 (bac +2), ne reconnaît pas le bac + 3, car le minis-tère refuse de prendre en compte lespériodes de stage. “La profession attire pour-tant, remarque Laurence, une école peut rece-voir 800 candidatures pour 60 places”.La montée de la précarité entraîne unedégradation des conditions de travail. “Nousrentrons chez nous le soir avec une partie de lasouffrance des gens”. Il faudrait aussi évoquerl’usure professionnelle, le stress, les troublesde santé…“Notre salaire n’est pas à la hauteurde nos qualifications, de nos responsabilités, desdifficultés de notre travail, constate Laurence.Les accords Durafour et la création du graded’assistant socio-éducatif (qui regroupe assis-tants sociaux, éducateurs spécialisés etconseillers en éducation sociale et familiale,NDLR) ont été catastrophiques pour nos car-rières. A 39 ans, je suis à l’échelon terminal. Jegagne 2 193 euros de traitement brut mensuelet 248 euros de prime. Pour évoluer, il faudraitque je sois nommée assistante sociale principa-le, mais du fait des quotas, au conseil généraldu Rhône, il y avait seulement deux postes dis-ponibles l’an dernier alors qu’environ 200 per-sonnes pouvaient y prétendre”.

Yves TALLEC

Page 16: Fédération CGT des services publics - Chasser la précarité · 2017-09-13 · Le mouvement syndical aura aussi ses propres conclusions à tirer à l’issue de ces élections

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