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  • 7/26/2019 Evaluation de la dangerosit du malade mental psychotique / Dangerousness evaluation of psychotic patient

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    Communication

    valuation de la dangerosit du malade mental psychotiqueIntroduction

    Dangerousness evaluation of psychotic patientIntroduction

    F. Millaud a,*, J.-L. Dubreucq b

    a Psychiatre, Institut Phillippe-Pinel de Montral, professeur agrg de clinique, dpartement de psychiatrie, Universit de Montral, Canadab Psychiatre, Institut Philippe-Pinel de Montral, professeur adjoint de clinique, dpartement de psychiatrie, Universit de Montral, Canada

    Disponible sur internet le 25 octobre 2005

    Rsum

    Lvaluation de la dangerosit du malade mental est une proccupation clinique ancienne et complexe. Elle consiste, en accord avec lalittrature scientifique, en une analyse rigoureuse et systmatise des facteurs de risque de violence. Elle ncessite par ailleurs une grandehabilet relationnelle de la part du clinicien et lexercice dun jugement pondr au terme de lvaluation. Ajoutons que le processus dva-luation de la dangerosit est aussi la premire tape du processus thrapeutique et de ltablissement dun lien avec le patient. 2005 Elsevier SAS. Tous droits rservs.

    Abstract

    Assessing dangerousness among persons with a mental illness is an old and complex clinical issue. In accordance with scientific literature,it is based upon a rigorous and systematic analysis of risk factors for violence. It also requires good relational abilities from the clinician, aswell as a level-headed judgment at the term of the evaluation. Moreover, the practice of dangerousness estimation represents the first step ofthe therapeutic process and the establishment of a bond with the patient. 2005 Elsevier SAS. Tous droits rservs.

    Mots cls : Dangerosit ; valuation du risque ; Maladie mentale

    Keywords:Dangerousness; Mental disorder; Risk assessment

    La dangerosit psychiatrique est une question complexe,ancienne, qui est lorigine des fondements mme de la psy-chiatrie[33]et des premires mesures thrapeutiques pourles malades mentaux. La violence des malades mentaux pou-vant sexercer contre eux-mmes ou contre autrui, tous lespays occidentaux ont mis en place des mesures lgislativespour la protection des malades, dune part, et la protection dupublic, dautre part (mesures dinternement). Ce texte se limi-tera la violence envers autrui, lvaluation du risque suici-daire devant tre considre comme une question partentire.

    La dangerosit tant dfinie comme ltat dans lequel unepersonne est susceptible de commettre un acte violent, lescliniciens mais aussi les juristes, et de faon plus largelensemble de la socit sont proccups par lvaluation decette dangerosit, la prdictibilit de la violence, et les moyensde prvention possibles. Ces questions sont au cur de lacriminologie clinique qui touche la population dlinquanteen gnral, sans restriction aux malades mentaux.

    Il faut attendre le dbut des annes 1980 pour voir appa-ratre dans la littrature certaines tudes concernant spcifi-quement la violence des malades mentaux[15,24,25,32,40].Dans un premier temps, les publications ont port sur la ques-tion de la prdictivit de la violence [31]. Limpossibilit vi-

    * Auteur correspondant.Adresse e-mail :[email protected] (F. Millaud).

    Annales Mdico Psychologiques 163 (2005) 846851

    http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/

    0003-4487/$ - see front matter 2005 Elsevier SAS. Tous droits rservs.doi:10.1016/j.amp.2005.09.009

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    dente de mettre au point des outils de prdiction fiables 100 %[5,17,35],avec les consquences mdicolgales quecela peut reprsenter, en particulier en Amrique du Nord, aconduit les chercheurs se centrer non plus sur la prdicti-

    vit, mais sur lvaluation du risque de violence[19,22,24,26,36].Deux grands courants de recherche sopposent actuelle-

    ment : le premier sattache lvaluation de la dangerosit(ou valuation du risque de violence) par le biais dchellesdites actuarielles[9,30].Ces chelles visent documenter et quantifier tous les facteurs de risques et les gestes de vio-lence antrieurs du sujet. On sait que le meilleur prdicteurde violence est la violence antrieure dj commise. Ceschelles sont sous-tendues par une idologie positiviste etquantitative, et sont principalement utilises dans les milieuxpnitentiaires. Un autre courant tente lintgration plus com-

    plexe dlments actuariels et dlments cliniques ou, toutau moins, reconnat la ncessit de lapport clinique ladimension actuarielle [8,27,43,44]. Quoi quil en soit,lensemble de la littrature scientifique des 20 derniresannes a grandement contribu prciser les facteurs de ris-que de violence de faon gnrale, et de faon plus spcifi-que chez les malades mentaux.

    Lvaluation clinique de la dangerosit doit donc tenircompte de lensemble des facteurs identifis par la littraturescientifique, maisgalement des enseignements cliniques plusanciens fonds sur lobservation smiologique et lexp-rience clinique. En effet, dans la pratique clinique quoti-dienne, le sujet valu demeure unique, et le clinicien doit

    exercer un jugement pondr en tenant compte de la variabi-lit des facteurs de risque qui sont propres chaque individuet de leur intensit. Cette valuation implique en revancheune attitude clinique rigoureuse, systmatique, smiologiqueet non dogmatique. Elle implique, pour lvaluateur, de nepas tre enferm dans une idologie thorique unique mais,bien plus, dutiliser au service de lvaluation, et bien sr dupatient, des apports thoriques pertinents en fonction de lasituation et des aspects valus. Une approche pragmatiqueet clectique nous apparat la plus approprie.

    Soulignons galement que le processus dvaluation esten mme temps la premire tape, et doit tre considr

    comme partie intgrante du soin et de ltablissement dunerelation thrapeutique. La faon dont se droule lentrevueou les entrevues, lidentification des facteurs de risque et lefait dexprimer au patient notre opinion, ainsi que nos argu-ments quant sa dangerosit, sont lopportunit dune recon-naissance par le patient de son risque de violence. Cette tapeprimordiale est ncessaire toute volution positive.

    Ces principes dvaluation de mme que la majorit desfacteurs de risque identifis sont valides pour toutes les popu-lations, quil sagisse de malades mentaux, de dlinquants oude dlinquants sexuels. Il existe cependant certaines spcifi-cits propres ces sous-groupes, et ne seront retenues ici quecelles relies aux malades psychotiques.

    Afin dorganiser le texte de faon claire, voici lensembledes lments ncessaires une bonne valuation de la dan-

    gerosit, prsents de faon linaire. Bien sr, au cours duneentrevue clinique et en fonction des patients, le recueil de cesinformations peut se faire chronologiquement de diffrentesfaons ; cela ncessite toutefois de la part du clinicien davoir

    bien en tte lensemble de ces facteurs.

    1. Les facteurs dmographiques

    1.1. Lge

    Les tudes montrent que les adultes jeunes sont plus vio-lents que le reste de la population. En ce qui concerne lesmalades mentaux, le risque parat galement plus lev chezles patients de moins de 30 ou 40 ans[7,29].

    1.2. Le sexe

    La maladie mentale augmente de faon trs importante lerisque de violence exerce par les femmes[11].Une tudeaux tats-Unis[38]a montr que les femmes commettentautant dagressions physiques que les hommes dans le moisprcdant leur admission en psychiatrie. Les patterns de vio-lence semblent similaires ; toutefois, les tudes sont contra-dictoires en terme de svrit des blessures[41].

    Ainsi, bien que dans la socit en gnral les hommessoient de faon trs nette plus violents que les femmes (ilsralisent environ 90 % de la violence), lorsquil sagitde mala-des mentaux le sexe ne peut plus tre retenu comme un fac-

    teur discriminant[13,28].1.3. tat matrimonial

    Les clibataires reprsentent un risque plus lev que lesgens maris ou vivant en couple[14].

    1.4. Le statut socioconomique

    La faiblesse du statut socioconomique tait identifie ant-rieurement comme un facteur de risque[34,38].Cependant,lorsque certains facteurs sont pris en compte (exposition des groupes violents, utilisation de services cliniques), les

    lments sociodmographiques ne semblent plus significati-vement associs la violence[14,37].

    2. Les lments dhistoire personnelle

    Lexposition un environnement familial perturb, desmodles violents et des mauvais traitements dans len-fance[28].

    Tout antcdent dlictuel[14].Tout antcdent de violence. Rappelons que les antc-

    dents de violence sont considrs depuis toujours commele meilleur prdicteur de violence. Ces lments doiventdonc tre documents de la faon la plus prcise possibleen dcrivant les points suivants[23]:

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    Le type de manifestation violente observe : ide, fan-tasme, menace ou geste physique. Il peut sagir de vio-lence sexuelle ou non.

    La cible de la manifestation violente : une personne, un

    groupe de personnes et dans le cas de violences rptes,sagit-il toujours de la mme cible vise ? Il peut gale-ment sagir dobjets ou danimaux.

    Les consquences pour la victime ventuelle.Le lieu dexercicede la manifestation de violence. Lentou-

    rage tant la principale cible de violence des malades men-taux, le domicile est souvent le lieu dexercice de la vio-lence. Ce peut tre galement lunit dhospitalisationlorsque le patient esthospitalis ; dans ce contexte, lentou-rage du malade devient le personnel soignant. Ce peut tregalement, bien que de faon plus rare, dautres lieux quipeuvent avoir un caractre spcifique comme, par exem-ple, le lieu de travail ou un lieu symboliquement plus investipar tel ou tel patient.

    Le temps dlaboration de la manifestation de violence.Une manifestation de violence immdiate, impulsive, nousdonne demble des orientations dinvestigation trs dif-frentes dun geste de violence longuement mri sur plu-sieurs jours, semaines ou mois.

    Laccessibilit la victime et des armes. Ces lmentspeuvent faire, dans certains cas, lobjet de recommanda-tions spcifiques au moment de la prise en charge et dedcisions judiciaires ventuelles.Les lments dmographiques et dhistoire personnelle

    appartiennent ce quon appelle les facteurs statiques ou his-

    toriques et constituent la toile de fond, immuable, du tableauclinique[22].Ces lments peuvent parfois tre difficiles documenter. Lobtention dinformations collatrales aupatient estbien srncessaire, et lon doit tout mettre en uvrepourobtenir le plusdinformations extrieures possibles, quilsagisse de lentourage, de professionnels de la sant ou de la

    justice.

    3. Les facteurs dintoxication par lalcool et les drogues

    Ils doivent imprativement tre documents. La littrature

    scientifique indique clairement quil sagit du facteur de ris-que le plus important dans la population gnrale, et bien srcela est valide pour la population des malades mentaux[4,13,28,37,42].

    4. Les facteurs lis ltat mental

    4.1. La symptomatologie

    Les dlires jouent souvent un rle direct dans lapparitionde la violence. On retrouve principalement des thmesmystiques, grandioses et perscutoires. Les phnomnesdautomatisme mental, les dlires de contrle, identifispar la littrature anglo-saxonne sous labrviation TOC

    (Threat Override Control), sont ceux qui apparaissent leplus significatif au plan de la recherche[13,18].

    Les hallucinations imprieuses avec ordre de violenceapparaissent comme un facteur de risque statistiquement

    significatif[28].Rappelons au sujet de la symptomatolo-gie dlirante et hallucinatoire que les gestes qui sont posspar les patients sont secondaires aux aspects motifs etpsychologiques lis cette symptomatologie. Ainsi, unpatient paranode qui craint pour sa vie agit secondaire-ment la peur gnre par le dlire, un patient soumis des hallucinations imprieuses peut agir par peur de lartorsion son endroit, rtorsion quelquefois exprimedirectement dans les contenus hallucinatoires, ou par pui-sementmotif aprs avoir lutt pendant une longuepriodecontre les phnomnes hallucinatoires. Il existe donc unenchanement de ractions psychologiques normales,

    secondaires auxaltrationsperceptuelles,qui jouent un rleessentiel dans lapparition de la violence. Link et Stueve[18] parlent ce sujet du principe de rationalit dans lirra-tionalit.

    Les ides de violence[28].Les ides suicidaires et homicides. Lassociation suicide-

    homicide est une notion clinique ancienne qui demeuretoujours valide[21].

    La dsorganisation de la pense[19].Toute modification de la symptomatologie habituelle peut

    galement tre considre comme un signe dalerte quant une possible dangerosit[10].

    4.2. Laccs au contenu mental

    Il est bien sr essentiel une bonne valuation de la dan-gerosit. La rticence dun patient livrer son contenu men-tal, surtout lorsque nous avons des indices comportementauxsignificatifs, doit nous inciter la prudence. Ainsi, lobserva-tion par lentourage (famille, personnel soignant ou autre) decomportements ou de propos qui vont lencontre du dis-cours du patient doit nous inciter explorer de faon plusapprofondie les contradictions entre le discours du patient etses comportements. Cela peut reflter le clivage du fonction-nement psychique du patient ou des contenus dlirants, para-nodes par exemple.

    4.3. La technique dinvestigation dans les entrevues

    Cela est troitement li au point prcdent. Plusieurs entre-vues sont parfois ncessaires avant de pouvoir mettre uneopinion ; les entrevues doivent se drouler dans un contexteo lvaluateur se sent en scurit et peut poser, de faon libre,toutes les questions pertinentes. En particulier, les contenusviolents, htroagressifs peuvent tre questionns au mmetitre que des contenus suicidaires. Cela peut dailleurs per-mettre le soulagement de patients qui sont aux prises avecdes ides de violence qui leur psent, dont ils ont honte, ouquils craignent de partager pour des raisons dlirantes.

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    4.4. Le diagnostic

    La littrature scientifique indique quune maladie mentalemajeure, et en particulier la schizophrnie, augmente le ris-

    que de violence[4,42].La paranoa est peu reprsente dansles tudes, peut-tre du fait de sa faible incidence et de ladifficult obtenir la participation de ces patients des pro-

    jets de recherche. Elle doit cependant tre considre commeun risque de violence important[45],ncessitant une com-prhension fine et spcifique[48].

    Lassociation dun trouble de personnalit avec une patho-logie psychotique est relativement peu documente dans lalittrature scientifique. La dynamique de personnalit sous-

    jacente des processus psychotiques peut jouer cependantun rle significatif dans lapparition de la violence. Les per-sonnalits limites et antisociales y tiennent le premier rle

    [12,46].On doit cependant tre prudent quant la formulation dia-gnostique dun trouble de personnalit chez des patients quisont trs symptomatiques sur le plan de la psychose ou dunemaladie affective. Il estprudent dattendre la rmission symp-tomatique, psychotique en particulier, avant de se prononcersur les lments de personnalit sous-jacents. En effet, on nedoit pas confondre une personnalit antisociale avec un com-portement de type antisocial secondaire la pathologie psy-chiatrique.

    5. Les lments psychodynamiques

    Il est prudent, l encore, dattendre une rmission symp-tomatique, au moins partielle, avant dvaluer leur impor-tance et leur rle dans la violence du sujet.

    Il est utile tout dabord de reprer si le geste de violencepos est du ressort du passage lacte ou de lacting out[20].Le passage lacte violent sinscrit dans une dmarche dusujet qui veut se librer, seul, dune angoisse insupportable.Lacting outvise aussi la diminution des tensions internes,mais sadresse autrui, lentourage, et prend la forme dunedemande daide. Ce type de comportement peut sinscrire au

    long cours et fait partie, de faon structurelle, du fonctionne-ment de certaines personnalits.Les mcanismes de dfense doivent aussi tre reprs. Le

    dni, lidentification projective, le clivage, lidalisation pri-mitive, sont des mcanismes primaires souvent observs chezles patients violents.

    La capacit dlaboration psychique, de mentalisation [39],troitement lie ces mcanismes de dfense, joue un rleimportant. On doit cependant tre prudent quant la capacitde mentalisation de nos patients ; en effet, un tat mental trsperturb par une symptomatologie positive, et mme secon-dairement dans la priode post-critique, ne permet pas dva-luer la capacit relle de mentalisation du patient. Celle-cipeut en effet voluer de faon surprenante avec le temps etles traitements.

    6. Les facteurs neuropsychologiques

    Lorsquil existe des points dappel clinique, une valua-tion neuropsychologique complmentaire peut treutile. va-

    luerles capacits cognitives, la rigiditcognitive [16], limpul-sivit[2,3],les troubles de mmoire, la dsorganisation de lapense, prcisent non seulement la dangerosit, mais don-nent aussi des pistes dintervention thrapeutique et aident tenir compte des limites du patient.

    7. Lautocritique

    Le dni, total ou partiel, est prsent chez la totalit despatients violents au moment de lvaluation et au dbut destraitements. Il sagit dune tape normale lie aux processus

    psychologiques voqus plus haut. Cependant, en lui-mme,le dni reprsente un risque important quant la dangerosit.Il est donc ncessaire de voir lampleur de ce dni et son vo-lution. Lautocritique doit tre value la fois vis--vis dela violence antrieure, de lexistence dune maladie mentaleet en dernier lieu, de la dangerosit, cest--dire du risquepossible de violence ultrieure. Ce dernier aspect est gnra-lement li lacquisition des deux prcdents. Meilleure estlautocritique du patient, meilleure sera sa collaboration autraitement et la rduction des risques de violence.

    8. Lobservance pharmacologique

    Elle permet lacquisition puis le maintien de la stabilit deltat mental. Elle joue donc un rle essentiel dans la dimi-nution de la dangerosit. Les prescriptions pharmacologi-ques doivent donc tre bien comprises par le patient et bienexpliques ; certains patients cessent la mdication du faitdun dni de la maladie, ou de la disparition de la symptoma-tologie, dautres en raison des effets secondaires. Une mau-vaise observance pharmacologique est souvent minimisepardes patients qui sont violents rptition ; cela procde desmcanismes lis une faible autocritique, une difficultdaccepter la ralit dune maladie mentale, et dassumer les

    gestes poss antrieurement.

    9. Lalliance thrapeutiqueet la capacit de demande daide

    Il existe une corrlation positive entre alliance thrapeuti-que et rsultat thrapeutique[1].Ltablissement dune vri-table alliance thrapeutique est un lment qui contribue ladiminution de la dangerosit. On voit frquemment, avec lespatients violents, ltablissement de ce que lon peut appelerune pseudo-alliance thrapeutique . Ce sont des quipesde soins qui nosent pas prendre les mesures thrapeutiquesqui simposent avec un patient dangereux, sous couvert demaintenir la relation ou par minimisation des facteurs de ra-

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    lit. La capacit de demander de laide auprs dune quipede soins, lorsquil y a apparition ou rapparition dune symp-tomatologie pouvant conduire des gestes de violence ou,tout au moins, la capacit du patient de tolrer les interven-

    tions dune quipe de soins dans ces circonstances, contri-buentgrandement la rductionde la dangerosit.Cette capa-cit de demande daide est un bon rvlateur de lintgrationet de lacceptation de la maladie mentale et du risque de vio-lence. Elle est aussi un bon tmoin de la qualit de lalliancethrapeutique.

    10. Les valeurs du patient, le contexteet lenvironnement

    Les valeurs morales du patient peuvent jouer comme fac-

    teur de risque ou de protection. Ladhsion des valeurs cri-minelles, par exemple, augmente clairement le risque de vio-lence. Mais au-del des facteurs individuels,certains lmentsextrieurs au patient contribuent augmenter ou diminuer lerisque de violence : le milieu de vie dans lequel volue lepatient, lenvironnement familial, dventuelles mesures,dencadrement judiciaire ou lgal. Les ressources des qui-pes de soins, des milieux thrapeutiques, et plus globalementdu systme de sant, sont aussi des lments de ralit quientrent en jeu[6].

    11. Lutilisation des chelles de risque de violence

    Elles contribuent objectiver lvaluationdu risque, et doi-vent tre utilises en complment de lvaluation clinique.On citera principalement lchelle HCR-20[43],et celle quivient de lui succder, START[44].Cette dernire a le mritede considrer la fois les facteurs de risque et les facteurs deprotection pour le patient. On citera galement lchelle OAS[47].Elle permet une apprciation qualitative des manifesta-tions de violence exerces dans une unit de traitement.

    12. valuation de la dangerosit et contre-attitude

    La violence ou la crainte de la violence suscite chez leclinicien de langoisse, de la peur, de limpuissance, de lacolre, etc. Ces ractions motives peuvent conduire unesurestimation ou une sous-estimation de la dangerosit, etsecondairement des contre-attitudesantithrapeutiques.Afinde minimiser ces biais dans le processus dvaluation, insis-tons sur la ncessit que lvaluateur bnficie dun environ-nement scuritaire au moment de lvaluation, et quil prenneen compte lensemble des facteurs rapports ici. Lobjectiva-tion des faits, la prcision smiologique, la multiplicit dessources dinformation, la collaboration multidisciplinaire, etfinalement la conscience des motions que gnre chez lva-luateur le patient, sont autant de facteurs qui contribuent laqualit de lvaluation.

    13. Conclusion

    Lvaluation de la dangerosit implique un regard longi-tudinal et qualitatif sur le risque de violence. Elle rfre un

    processus complexe et, finalement, lvaluateur doit tenircompte de lensemble des lments qui sont documents. Ildoit alors exercer un jugement clinique pondr, dans lequelfacteurs de risque et facteurs de protection doivent tre consi-drs, en sachant quil sagit bien souvent des mmes fac-teurs qui peuvent jouer dans un sens ou dans lautre. Parailleurs, certains patients peuvent avoir plusieurs facteurs derisque mais dintensit minime, et leur dangerosit est assu-mable, en dehors de lhpital par exemple, alors que dautresne sont aux prises quavec un seul facteur de risque, maisdont lintensit est telle que leur dangerosit est trs leve etquils doivent demeurer hospitaliss. Lvaluation de la dan-

    gerosit peut tre lourde de consquences sur le plan clini-que, pour le patient, les quipes de soins, mais aussi sur leplan mdicolgal. Outre lintrt dune approche multidisci-plinaire, il ne faut pas hsiter, face une situation difficile, demander lopinion dun collgue.

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