etude sur les inondations à rufisque
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LES INONDATIONS A L'ECHELLE DES COMMUNES DE LA VILLE
DE RUFISQUE
vers une description des facteurs déclencheurs et aggravants
Par Augustin Marone
Doctorant
Laboratoire LETG-Caen Géophen-UMR LETG 6554 CNRS,
Université de Caen Basse-Normandie (France)
Par définition, une inondation constitue un phénomène naturel se matérialisant par la submersion temporaire de
surfaces non habituellement submergées. Il existe deux types d'inondation, selon qu'elles impliquent des eaux
douces ou des eaux marines. Les premières, qu’on peut qualifier de terrestres, se produisent à l’intérieur des terres,
tandis que les inondations marines concernent le littoral. Ainsi, deux phénomènes peuvent être à l'origine : les
précipitations continues, orageuses ou torrentielles, et l'invasion marine lors de marées de vives eaux ou marées
d'équinoxes.
1. Présentation du secteur d'étude
1.2 Localisation
Rufisque est une ville côtière située à 25km au sud-est de la région de Dakar. Elle se situe entre
14°43’0" et 14°44’0" de latitude nord et 17°16’0" et 17°15’0" de longitude ouest. C’est une zone
côtière qui fait partie de la presqu’ile du Cap-Vert (pointe occidentale du Sénégal). Elle est limitée
au nord par la communauté rurale de Sangalkam, au sud par l’océan atlantique, à l’est par la
commune de Bargny, et à l’ouest par la commune de grand Mbao. Elle recouvre trois communes
(Rufisque ouest, Rufisque nord, et Rufisque est) pour une superficie totale de 9,76km². Sa
population est estimée à 192.426 habitants en 2015 (DPS, 2014).
Figure 1: Localisation des communes de la ville de Rufisque
1.3 Quelques éléments physiques
Rufisque se trouve dans une dépression ondulée avec des altitudes variant de 0 à 30m (Michel et
Sall, 1983).
Il existe beaucoup de cuvettes d’altitudes inférieures à celle du niveau de la mer (IGN,1968), mais
aussi des remblais par endroit qui modifient la topographie générale du milieu. L’existence jadis
de cours d’eau et de ruisseaux fait place aujourd’hui à des canaux à ciel ouvert.
Le sol est essentiellement constitué d’argile de type marno-calcaire (Maignien, 1959). Sa faible
perméabilité est liée à la présence de technosols1; d’obstruction des voies de passage des eaux par
une extension souvent anarchique de l’urbanisation.
Figure 2 : Topographie de la zone d'étude (Source : données SRTM, réalisation Marone, 2015)
1 Sols développés sur toutes sortes de matériaux fabriqués ou exposés par l'activité humaine. Ils se produisent
principalement dans les zones urbaines et industrielles, généralement dans de petites zones et peuvent être associés à
d'autres groupes de sols dans un schéma complexe.
Vu la configuration du profil en long des talwegs2, les eaux pluviales sont piégées dans les points
bas.
Ainsi, la plupart d’anciennes cuvettes et dépressions sont transformées en flaques d’eau et
d’écoulements devenus endoréiques3 car l’occupation des lits par des maisons et la construction
d’infrastructures routières sans ouvrages appropriés empêchent leur évacuation vers la mer.
Le réseau hydrographique a un caractère souvent « artificialisé » et les bassins versants sont de
faibles dimensions.
La dégradation du réseau hydrographique a entrainé la formation de zone de stagnation d’eau.
Des quartiers comme Keury kao, Keury-souf, Mérina, Thiawlène, Santhiaba, Diamaguène,
Guendel, Dangou, Champ de course, Castor, situés en zone dépressionnaire connaissent une
stagnation longue des eaux faute de pouvoir s'écouler normalement ver l'exutoire naturel qu'est la
mer (Sy, 2006). La forte imperméabilisation des sols en zone urbaine a modifié en quantité le
ruissellement (diminution des pertes à l’écoulement, accélération du mouvement de l’eau).
2. Des facteurs déclencheurs de risques d'inondation
Des orages intenses (plusieurs dizaines de mm de pluie par heure) peuvent occasionner un
très fort ruissellement qui va saturer les capacités du réseau d’évacuation des eaux pluviales et
conduire à des inondations concernant tout ou partie d’une agglomération et pouvant être
localisées aux points bas de la ville.
Les stagnations d'eau sont observées dans les secteurs dépressionnaires, ou à topographie
basse ou l'état et la capacité du réseau d'évacuation pluviale sont souvent défaillant. Il en est
de même pour les zones à pente très faible (cas des quartiers centres et littoraux de Rufisque)
ou l'évacuation ne peut se faire que très lentement. Lors de fortes pluies, le réseau
d'évacuation des eaux pluviales peut rapidement être saturé par les ruissellements intenses.
L’imperméabilisation du sol dû aux aménagements (bâtiments, routes, parking, etc.) limite
l’infiltration de l’eau dans le sol et accentue le ruissellement.
Ceci occasionne la saturation du réseau d’assainissement des eaux pluviales par endroit. Il en
résulte des écoulements plus ou moins importants et souvent rapides dans les rues.
2 correspond à la ligne qui rejoint les points les plus bas d'une vallée, ou la ligne qui rejoint les points les plus bas du
lit d'un cours d'eau
3 caractérise des zones où l'écoulement des eaux n'atteint pas la mer et se perd dans les dépressions fermées.
Le temps de concentration est très rapide (de l’ordre de quelques dizaines de minutes parfois
en cas de forte intensité). Ce risque est croissant dans de nombreux quartiers de Rufisque où
les réseaux d’évacuation des eaux pluviales n’ont pas suivi la croissance du bâti et où la
faiblesse des pentes accentue les temps d’évacuation des eaux.
Ce type d'inondation n'est en général pas dangereux pour la vie humaine, mais peut engendrer
des dégâts matériels parfois lourds au niveau de la ville de Rufisque.
Les 13-14 août 2012, une mousson active avait entraîné des précipitations orageuses pendant
plusieurs heures. L'action de ce flux venant du sud-ouest du pays a occasionné une forte
inondation.
Figure 3 : Formation nuageuse occasionnée par le flux de mousson en direction
de Dakar le 14 août 2012 (Source : ACMAD4, 2012)
Le cumul des deux jours de pluies consécutifs a été de 156 mm. Une stagnation des eaux dans
plusieurs quartiers a été constatée.
4 ACMAD African Centre of Meteorological Applications for Development
Figure 4 : Précipitations journalières du mois d'août 2012 à Rufisque (Source : données pluviométriques de la
station de Dakar-Yoff, 2012)
Figure 5 : Des quartiers inondés pendant plusieurs jours
Mais aussi...,
Les marées hautes de vives eaux exceptionnelles : à l'équinoxe, lorsque les conditions
astronomiques sont favorables, le coefficient de marée peut être élevé. C'est alors que se
produisent les marées les plus importantes qui parfois, inondent les quartiers littoraux de
Rufisque.
Figure 6 : description de la pression atmosphérique (hpa) au moment de la
submersion marine du 30 mai 2014 à Rufisque (ECMWF Analysis©, 2014)
Figure 7 : Conditions météo marines du 30 mai 2014 à Rufisque (Source: données SHOM, données de la station de Dakar-Yoff, mesures in situ, 2014)
Les phénomènes de surcote, peuvent provoquer une élévation supplémentaire du niveau de la
marée haute. Les ondes de houle, les vagues, les dépressions atmosphériques peuvent créer une
élévation locale du niveau des eaux sur le littoral. Ces phénomènes rendent alors possible une
pénétration des eaux marines à l’intérieur des terres.
Le franchissement par paquet de mer peut submerger les quartiers situés après la digue. Dans
ce cas de figure, la submersion occasionnée peut être importante.
La rupture d’un ouvrage de protection sur le littoral est possible. Dans ce cas, la submersion
qui s'en suit peut engendrer beaucoup de dégâts, car elle est rapide et peut inonder de vastes
zones.
L’élévation du niveau de la mer suite au réchauffement climatique peut aussi avoir un effet.
La montée des eaux à long terme menace les quartiers littoraux de Rufisque et les fragilisent, c'est
le cas de Thiawlène, Mérina, et Diokoul.
L’ensemble de ces mécanismes peut se combiner et créer les conditions d’une inondation
d’ampleur très importante aux conséquences très souvent dévastatrices.
Figure 8 : le quartier de Thiawlène submergé par les eaux marines (30 mai-01juin 2014)
3. Des facteurs aggravants
3.1 L'occupation du sol
L'occupation du sol des communes de la ville de Rufisque est un facteur déterminant des
inondations. Les terres sont occupées en dépit de leur nature. En effet après avoir occupé toutes
les terres fermes, les populations de Rufisque se sont mises à conquérir les zones non
aedificandi5. Les espaces d'anciens marigots où cours d'eau habités sont évalués à 128 hectares
soit 11,12% des occupations totales du sol.
3.2 Les ouvrages de drainage et de protection contre la mer
Il s'agit de :
- de la mauvaise conception ou du mauvais choix de certains ouvrages existants et de l'absence de
mise à jour des plans de réseau existant qui entrainent une accumulation de l'eau au niveau des
points obstrués par l'urbanisation.
- du sous dimensionnement des ouvrages compte tenu de l'intensité des pluies durant les saisons
pluvieuses à Rufisque, ces ouvrages devraient être plus grands.
- du mauvais entretien du réseau d'évacuation existant qui déjà ne couvrait qu'une partie de la
ville.
Figure 7 : Etat des ouvrages de drainage devant être révisés
-des digues construites sur le littoral, qui par endroit cèdent à l'action répétée des houles.
5 n'est pas constructible du fait de contraintes qui peuvent être structurelles, architecturales etc.
Figure 8 : Les ouvrages de protection contre la mer (littoral de Rufisque)
4. Des conséquences
Les dommages engendrés par les inondations peuvent être classés sous trois catégories :
- les dégâts humains,
- les dégâts matériels
- et les dégâts environnementaux.
A Rufisque, les conséquences des inondations peuvent prendre des proportions importantes.
Certaines maisons peuvent devenir inhabitables.
Les inondations touchent également les infrastructures de transport et de logement. Les routes
deviennent impraticables (exemple de la route nationale1 et des routes secondaires).