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État de l'art sur le dimensionnement des dispositifs de protection contre les chutes de blocs Jean-Louis Durville Pierre Guillemin Philippe Berthet-Rambaud Didier Subrin Janvier 2010 Laboratoire central des ponts et chaussées 58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

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État de l'art sur le dimensionnementdes dispositifs de protectioncontre les chutes de blocs

Jean-Louis DurvillePierre Guillemin

Philippe Berthet-RambaudDidier Subrin

Janvier 2010

Laboratoire central des ponts et chaussées58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

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Prix : 25 Euros HT

Ce document est propriété du Laboratoire central des ponts et chaussées et ne peut être reproduit, même partiellement, sans l'autorisation de son Directeur général

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© 2010 - LCPCISSN 1157-3910

ISBN 978-2-7208-2558-1DOI/Crossref 10.3829/erlpc.gt84-fr

Jean-Louis DurvilleIngénieur Général des Ponts et ChausséesCETE de Lyon lors de la rédaction du rapportActuellement : Conseil Général de l'Environnement et du Développement DurableMinistère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de la Mer

Pierre GuilleminLRPC de Lyon - Groupe de mécanique des rochesCentre d'études techniques de l'équipement de Lyon

Philippe Berthet-RambaudLRPC de Lyon - Groupe de mécanique des rochesCentre d'études techniques de l'équipement de LyonActuellement : MND Engineering

Didier SubrinLRPC de Lyon - Groupe de mécanique des rochesCentre d'études techniques de l'équipement de LyonActuellement : CETU

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 3

Sommaire

RÉSUMÉ – ABSTRACT 5 PRÉSENTATION, Pierre Pothérat 6

1. INTRODUCTION ............................................................................................ 7

1.1. Références techniques existantes............................................................ 7

1.2. Les dispositifs concernés ......................................................................... 8

2. LE DIMENSIONNEMENT DES OUVRAGES ............................................... 10

2.1. Les actions et les justifications ............................................................... 11 2.1.1. Protections de type « ouvrage passif »............................................ 11 2.1.2. Protections de type « ouvrage actif » ............................................. 12

2.2. Le rôle du géomécanicien ...................................................................... 12

3. MERLONS .................................................................................................... 14

3.1. Préambule .............................................................................................. 14

3.2. Problématique ........................................................................................ 15

3.3. Études expérimentales........................................................................... 16

3.4. Règles de dimensionnement actuelles................................................... 17

4. ÉCRANS DE FILETS.................................................................................... 21

4.1. Introduction............................................................................................. 21

4.2. Problématiques ...................................................................................... 22

4.3. Différentes approches de dimensionnement.......................................... 24

4.4. Le recours systématique aux essais en grandeur nature....................... 26

4.5. Le marquage CE .................................................................................... 27

4.6. Protocole expérimental du marquage CE : contenu et principes (EOTA)................................................................................................... 29 4.6.1. Site d’essai – pente de référence .................................................... 29 4.6.2. Équipement...................................................................................... 29 4.6.3. Conditions d’essai............................................................................ 30 4.6.4. Hauteurs nominale et résiduelle, élongation maximale ................... 30 4.6.5. Procédure d’essai ............................................................................ 31 4.6.6. Essai à l’énergie de service (SEL) ................................................... 31 4.6.7. Essai à énergie maximale (MEL) ..................................................... 33 4.6.8. Données d’essai .............................................................................. 33 4.6.9. Précisions et tolérances................................................................... 34 4.6.10. Marquage CE................................................................................... 35

5. GRILLAGES ET FILETS PENDUS............................................................... 37

5.1. Caractéristiques générales..................................................................... 37

5.2. Principe de fonctionnement.................................................................... 37

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 4

5.3. Capacité des ouvrages........................................................................... 37 5.3.1. Les grillages pendus........................................................................ 38 5.3.2. Les filets pendus.............................................................................. 40

5.4. Composition des ouvrages..................................................................... 43 5.4.1. Les grillages pendus........................................................................ 43 5.4.2. Les filets pendus.............................................................................. 45

5.5. Pathologies............................................................................................. 48

6. GALERIES ET CASQUETTES PARE-BLOCS............................................. 50

6.1. Introduction............................................................................................. 50

6.2. Problématique ........................................................................................ 50

6.3. Galerie avec couches amortissantes – Directive Suisse........................ 51

6.4. Galerie sans couche amortissante – Ouvrages PSD ............................. 54

7. CONTREFORTS........................................................................................... 61

7.1. Caractéristiques générales..................................................................... 61

7.2. Principe de fonctionnement.................................................................... 61

7.3. Capacité des ouvrages........................................................................... 62

7.4. Pathologies............................................................................................. 64

8. ANCRAGES PASSIFS.................................................................................. 65

8.1. Les études expérimentales..................................................................... 66

8.2. Méthodes de dimensionnement ............................................................. 68

9. FILETS ET GRILLAGES PLAQUÉS............................................................. 72

9.1. Caractéristiques générales..................................................................... 72

9.2. Principe de fonctionnement.................................................................... 72

9.3. Capacité des ouvrages........................................................................... 72 9.3.1. Les grillages plaqués ....................................................................... 72 9.3.2. Les filets plaqués ............................................................................. 73

9.4. Composition des ouvrages..................................................................... 74 9.4.1. Les grillages plaqués ....................................................................... 74 9.4.2. Les filets plaqués ............................................................................. 74

9.5. Pathologies............................................................................................. 76

10. CONCLUSION........................................................................................... 77

11. BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................... 79

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 5

Résumé ÉTAT DE L’ART SUR LE DIMENSIONNEMENT DES DISPOSITIFS DE PROTECTION CONTRE LES CHUTES DE BLOCS Jean-Louis Durville, Pierre Guillemin, Philippe Berthet-Rambaud, Didier Subrin Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, ERLPC GT84, 82 pages.

Ce rapport de recherche présente un état de l'art relatif à la conception et au dimensionnement de sept dispositifs de protection contre les chutes de pierres et de blocs, parmi les plus employés. On y trouvera les références bibliographiques nécessaires à la compréhension du fonctionnement de ces ouvrages particuliers ainsi qu’une synthèse sur la pratique du dimensionnement des ouvrages, mise en œuvre notamment par le LRPC de Lyon. Il apparaît très clairement que les connaissances actuelles sur le comportement de la plupart de ces dispositifs sont encore fragmentaires et des travaux de recherche sont nécessaires pour progresser. Les résultats tirés d’expérimentations, telles que celles qui seront menées sur la station d’essais sur ouvrages pare-blocs, permettront de valider les modélisations dynamiques et de mettre au point des méthodes simplifiées de dimensionnement. Les expérimentations effectuées sur les barres d'ancrage doivent permettre, à terme, de produire une synthèse à caractère opérationnel. L'observation in situ du comportement des ouvrages déflecteurs devrait également permettre de relier leur performance réelle aux essais sur éléments et ainsi de déboucher sur un dimensionnement raisonné. Abstract STATE OF THE ART OF THE DESIGN OF PROTECTION KITS AGAINST ROCK FALLS Jean-Louis Durville, Pierre Guillemin, Philippe Berthet-Rambaud, Didier Subrin Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, ERLPC GT84, 82 pages.

This report presents the state of the art for the design of seven protection kits against rock falls, among the most frequently used. It gives the main references for understanding the functioning of these particular structures and a synthesis of the design practice for the protection structures, as they are applied at the Lyon Regional Laboratory. It clearly appears that the present knowledge of the behaviour of most of these structures is still incomplete and research is still needed. Results from experiments, such as those which will be performed at the rock fall protection kits experiment station, will be used for validating dynamic models and developing simplified design methods. The experiments made on anchor bars will be used for improving their design practice. In situ observations on the behaviour of deflection structures will help to link their actual behaviour to the test results on their parts and to produce more rational design rules.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 6

Présentation Le travail publié dans ce document est la synthèse des pratiques et du savoir faire actuel dans le domaine de la conception des ouvrages de protection contre les instabilités rocheuses. Cette synthèse a été rédigée et publiée avec le soutien de la Direction Générale de la Prévention des Risques du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire, et a pu être développée dans le cadre d’une opération de recherche du LCPC intitulée « Risque Rocheux » (11M052). Le risque rocheux, qui a fait l’objet ces dernières années de la rédaction de deux guides techniques (« Études spécifiques d’aléas liés aux éboulements rocheux » et « Parades contre les instabilités rocheuses »), est actuellement traité par le biais de la caractérisation du phénomène et des mécanismes de déformation, de la détermination de la propagation des blocs et de la préconisation de dispositifs de protection. Les deux premiers volets s’appuient à la fois sur des observations naturalistes et sur des techniques d’analyse faisant appel à des outils de calculs tels que les logiciels de projections stéréographiques, de détermination des volumes élémentaires instables ou de propagation de chutes de blocs, en deux ou trois dimensions. Les préconisations de dispositifs de protection de chute de blocs reposent sur une panoplie de parades présentées dans différents ouvrages mais dont le dimensionnement s’est toujours fait de manière plus ou moins empirique en l’absence de normes ou de pseudo normes car aucun ouvrage de référence à l’usage des maîtres d’œuvre traitant de ce type de dimensionnement n’est aujourd’hui disponible. Si la station d’essais de chutes de blocs de Montagnole doit permettre d’ici quelques années de progresser dans le domaine du dimensionnement des dispositifs de protection passifs et actifs, faut-il pour autant en rester là en attendant et ne pas faire état des pratiques actuelles en la matière ? Ce document, que les professionnels en prise avec la problématique du risque rocheux attendent, devrait permettre de répondre partiellement à leurs besoins immédiats. Pierre POTHÉRAT

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 7

1. INTRODUCTION

Les dispositifs de protection contre les chutes de blocs font appel à différents principes et à des technologies très variées. Certains sont employés depuis fort longtemps, d'autres ont été développés plus récemment mais, la plupart du temps, la justification de ces dispositifs est très éloignée d’un « dimensionnement » au sens noble du terme. Parallèlement, les ingénieurs se trouvent face à une exigence de plus en plus grande de justification des protections, d'évaluation de leur fiabilité, d'estimation du risque résiduel. Aussi est-il apparu opportun de faire le point sur le dimensionnement de ces dispositifs, de donner l'état de l'art sur ce sujet, même si cet état de l'art est encore embryonnaire sur bien des points. Pour ces ouvrages, qui pourtant relèvent de la sécurité des citoyens, on constate qu'il existe très peu de normes ou de réglementations, mis à part les textes généraux relatifs à l'environnement, à l'eau et à la sécurité-prévention-santé pendant les chantiers de construction. De nombreux ouvrages ont été construits en se basant sur des règles empiriques et force est d’admettre qu’ils ne se comportent pas si mal. Mais ce qui ressort du retour d’expérience doit être utilisé avec précaution. Les seules validations possibles requièrent des essais in-situ, qui sont assez rares, d'où le projet de station d'essais développé par les Laboratoires des Ponts et Chaussées, pour tester certaines parades passives. Il faut aussi tirer le maximum d'enseignements des événements naturels atteignant des dispositifs opérationnels, bien que les évènements sollicitant fortement les ouvrages soient peu nombreux. Ce document doit être considéré comme une première contribution, un état de l’art sur les pratiques en matière de dimensionnement d’ouvrages de protection contre les chutes de blocs, qui met notamment en évidence les insuffisances actuelles. L’amélioration de ce texte et une édition sous forme d'un véritable « guide technique » devraient suivre dans quelques années. 1.1. Références techniques existantes On peut citer, parmi les "référentiels techniques" disponibles (aux statuts divers : normes, directives, recommandations, guides techniques), les documents suivants, même si certains n'abordent que marginalement le dimensionnement : Laboratoire central des Ponts et Chaussées (2001). Parades contre les

instabilités rocheuses. Guide technique. Collection Environnement, Risques naturels, 143 pages.

Dumont P. (2003). État de pratique de prescription et de dimensionnement des parades. Rapport LRPC de Lyon. 25 pages.

Laboratoire central des Ponts et Chaussées (2004). Les études spécifiques d'aléa lié aux éboulements rocheux. Guide technique. Collection Environnement, Risques naturels, 87 p.

Bundesamt für Strassen (1998). Richtlinie. Einwirkungen auf Steinschlagschutzgalerien. Bern, 18 pages.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 8

Gerber W. (2001). Direttiva per l'omologazione delle reti paramassi. UFAFP-WSL, Berne, 39 p.

Cemagref (2004). Les ancrages passifs en montagne. Conception, réalisation, contrôles. Guide pratique. 148 pages.

Guillemin P. (2005). Pathologie et maintenance des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux. Rapport CETE de Lyon.

Laboratoire central des Ponts et Chaussées (2010). Maintenance des ouvrages de protection contre les instabilités rocheuses – Pathologie et Maintenance. Guide technique. Collection Environnement, Risques naturels.

European Organisation for Technical Approvals (2008). Guideline for European Technical Approval of falling rocks protection kits. 53 pages.

1.2. Les dispositifs concernés Ce document traite des dispositifs suivants :

- Protections passives : • merlons, • écrans de filet, • grillages ou filets pendus, • galeries pare-blocs ;

- Protections actives : • ancrages scellés sur toute leur longueur, • filets et grillages plaqués, • contreforts.

Ne sont donc pas abordés des dispositifs tels que les barrières grillagées de faible capacité ou les tirants précontraints. Une image générale des capacités de différents types de protections passives avait été donnée par F. Descoeudres (1998), sous la forme de la figure 1.

Figure 1. Ouvrages de protection recommandés en fonction de l'énergie de choc en kilojoules (Descoeudres, 1998).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 9

L'expérience que nous avons aujourd'hui, pour limitée qu'elle soit, et les progrès technologiques récents conduisent à proposer des capacités sensiblement étendues :

• écrans pare-pierres � 200 kJ • écrans de filets pare-blocs (avec dissipateurs) � 5 000 kJ • galeries en béton � 10 000 kJ • galeries en béton (avec dissipateurs) � 15 000 kJ • merlons en sols renforcé � 150 000 kJ.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 10

2. LE DIMENSIONNEMENT DES OUVRAGES

C'est le dimensionnement interne du dispositif, lui permettant de résister aux efforts transmis par les instabilités rocheuses, qui est visé principalement dans ce document. Mais il ne faut pas négliger le dimensionnement du dispositif en tant que tel, et en particulier vérifier sa stabilité sur le versant, éventuellement sous séisme. Aujourd'hui, les eurocodes (EC) font partie du corpus normatif français. Le domaine d'application de ces textes est défini dans la norme NF EN 1990, section 1 (AFNOR, 2003) : (...) (1) L’EN 1990 définit des principes et des exigences en matière de sécurité, d'aptitude au service et de durabilité des structures, décrit les bases pour le dimensionnement et la vérification de celles-ci, et fournit des lignes directrices concernant les aspects de la fiabilité structurale qui s'y rattachent. (2) L’EN 1990 est destinée à être utilisée conjointement avec les EN 1991 à EN 1999 pour la conception structurale des bâtiments et ouvrages de génie civil, y compris les aspects géotechniques, la résistance à l'incendie, les situations sismiques, l'exécution et les structures provisoires. NOTE Pour le calcul d’ouvrages spéciaux (par exemple installations nucléaires, barrages, etc.), d'autres dispositions que celles des EN 1990 à EN 1999 peuvent être nécessaires. (3) L’EN 1990 est applicable pour le calcul de structures non traitées par les EN 1991 à EN 1999, dans lesquelles interviennent des matériaux ou des actions non couverts par celles-ci. (...) L’EN 1990 peut être utilisée, le cas échéant, comme document guide pour le dimensionnement de structures non couvertes par les eurocodes EN 1991 à EN 1999, en vue :

- d’évaluer d'autres actions et la manière de les combiner ; - de modéliser le comportement des matériaux et des structures ; - d’évaluer des valeurs numériques du format de fiabilité.

On peut conclure de cette rédaction que les ouvrages de protection contre les chutes de blocs ne sont pas couverts par un EC spécifique, et relèveraient plutôt des ouvrages dits spéciaux, d'autant plus que la fonction d'un dispositif de protection se matérialise non pas au niveau de celui-ci, mais à l'aval, au droit des ouvrages à protéger. Néanmoins, un certain nombre de principes énoncés dans les EC sont parfaitement transposables à ces ouvrages, et c'est le point de vue que nous adopterons. Suivant la « philosophie » des eurocodes, on effectue un dimensionnement aux états-limites (ELU : ultime, ELS : de service) dans les différentes situations que peut subir l'ouvrage. Trois principaux types de situations sont possibles, par rapport à « l'événement rocheux » : − les situations avant l'événement rocheux : le dispositif ne subit pas encore

d'action de la part de masse(s) rocheuse(s), il est soumis à des chargements

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 11

durables (poids propre, neige en montagne, etc.) et aux agressions physico-chimiques de l’environnement immédiat ; la période correspondante pouvant être assez longue, on considérera aussi une situation sismique, s'il y a lieu ;

− les situations de type accidentel, au moment de l'événement (mise en mouvement ou choc d'un bloc, voire de plusieurs blocs) coïncidant éventuellement avec un évènement sismique ;

− les situations durables post-événement : le dispositif est mis en charge suite à l'événement rocheux ; en zone sismique, une situation sismique doit de nouveau être envisagée.

En principe, dans chacune de ces situations, l'ouvrage fait l'objet d'une vérification ELU/ELS. On rappelle aussi que, dans le cas de protections permanentes, le dimensionnement prend en compte un certain vieillissement du dispositif, et qu'une maintenance correcte est une condition nécessaire pour que le niveau de performance se conserve (LCPC, 2010). Enfin, le degré de sécurité recherché, défini par le maître d'ouvrage, dépendra des enjeux menacés. La durée d'utilisation assignée au dispositif est également un élément à prendre en compte dans le dimensionnement. 2.1. Les actions et les justifications Suivant les eurocodes, les actions sont classées comme permanentes, variables ou accidentelles (auxquelles il faut ajouter l'action sismique).

2.1.1. Protections de type « ouvrage passif »

Rappelons que cette famille d'ouvrages recouvre tous les dispositifs qui ont pour but d'intercepter le(s) bloc(s) au cours de leur trajectoire, sans empêcher leur départ. L'action liée à l'événement rocheux (action accidentelle ou variable ?) est déterminée à partir du volume, de la vitesse, de la hauteur de passage du bloc (pour les écrans sur le versant). Bref, il faut répondre à la question : quel est le « bloc de projet » ? On se réfère bien entendu à l'étude structurale de la paroi rocheuse et à l'étude trajectographique (observations de terrain, données topographiques, calculs). Pour ce type de protection, le critère essentiel n'est pas sa stabilité intrinsèque, mais sa capacité à contrôler un bloc incident et sa capacité résiduelle après un premier choc (un éboulement peut comprendre plusieurs blocs !). On est donc amené à définir, en situation d'impact (« événement rocheux »), deux vérifications correspondant à deux types de sollicitations :

● une vérification de type ELU, correspondant au niveau maximal d'énergie (d'un bloc) accepté par l'ouvrage : elle consiste à vérifier que le bloc incident est contrôlé correctement, même si le dispositif est alors ruiné (et perd donc, totalement ou presque, son niveau de service) ;

● une vérification de type ELS, qui consiste à vérifier que le dispositif possède, après un premier impact maîtrisé, une capacité résiduelle

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 12

suffisante ; on tolère en effet que le niveau de service résiduel ne soit pas complètement équivalent à celui de l'état initial (par exemple : un deuxième choc équivalent ou presque au premier doit pouvoir être contrôlé, mais sans garantie pour un troisième).

Pour certains dispositifs standards, s'apparentant à des produits industriels (écrans de filets, par exemple), on est conduit à définir la capacité d'un modèle donné, à l'ELU et à l'ELS, en termes d'énergie cinétique du bloc incident, par exemple. Il reste que les conditions de mise en œuvre des différents composants (ancrages des écrans de filets, liaisons entre éléments, par exemple) jouent un rôle prépondérant dans la performance de l'ensemble.

2.1.2. Protections de type « ouvrage actif »

Outre les purges et reprofilages qui sont également classés comme parades actives, rappelons que ces protections reposent sur un blocage des masses rocheuses in-situ, dont le départ est ainsi empêché. L'action liée à l'événement rocheux (action variable ou permanente ?) est déterminée à partir du volume instable. Quels sont les efforts (statiques) à reprendre ? C'est l'étude structurale de la falaise qui permet d'apporter des réponses. Il faut noter que, sauf cas particulier, le dispositif n'est pas sollicité au moment de sa mise en place (situation pré-événement), mais seulement en cas d'amorce de mouvement. En situation post-événement, les états-limites sont ici définis plus classiquement :

● ELU : état-limite de ruine du dispositif, qui entraîne a priori le déclenchement ou le développement du mouvement rocheux,

● ELS : état-limite du dispositif pouvant être défini par des limitations de déformation du dispositif ou de déplacement du rocher.

En fait, le niveau des connaissances est très variable suivant le type d’ouvrage et, le plus souvent, embryonnaire ; par exemple, on a peu de recul sur les écrans de filet. Les approches actuelles sont donc encore largement empiriques. Sur le site de la station d’essai LCPC/CETE, qui entre en fonction en 2010 (site de Montagnole en Savoie, figure 2), il sera possible de réaliser des essais reproductibles en vraie grandeur, avec des impacts de blocs ayant une énergie cinétique jusqu'à 10 000 kJ, sensiblement supérieure aux capacités des installations existantes. Cette station permettra certainement, au cours des prochaines années, des progrès substantiels dans le dimensionnement des parades passives. 2.2. Le rôle du géomécanicien On a vu apparaître plus haut l'expression de « blocs de projet ».

L'étude géomécanique du site de départ des blocs a pour but de déterminer les potentialités de chutes, avec des informations concernant les volumes (volume global et volume des éléments), les échéances temporelles (court terme, moyen terme, etc.) et les "probabilités" correspondantes, en général sous forme

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 13

qualitative ou semi-quantitative. Dans le cas des protections de type passif, les études trajectographiques permettent de définir les trajectoires les plus défavorables et d'évaluer les énergies cinétiques correspondantes. On consultera sur ces sujets le guide technique mentionné dans l'introduction : "Les études spécifiques d'aléa lié aux instabilités rocheuses".

Figure 2. Station d'essais de Montagnole : vue schématique du dispositif de lâcher et situation en 2009.

Par analogie avec le domaine du risque sismique, deux niveaux d'action peuvent être définis, correspondant à deux types de "blocs de projet" :

● un niveau "normal", correspondant à des événements dont l'occurrence est probable au cours de la vie de l'ouvrage de protection,

● un niveau "exceptionnel", correspondant à un événement très peu probable mais non exclu au cours de la vie de l'ouvrage de protection.

Le dispositif de protection doit alors être dimensionné de façon à résister sans trop de dommage aux événements normaux et à rester encore efficace si un autre évènement survient, même s’il est endommagé. Son efficacité sera par contre fortement amoindrie vis-à-vis d'un événement de niveau exceptionnel.

Une approche de ce type est appliquée pour les écrans de filets (voir paragraphe 4). Elle pourrait être généralisée aux autres types de dispositifs. Dans un projet d'ouvrage de protection, le géomécanicien aurait alors la tâche de déterminer ces deux niveaux d'agression, sous forme de volume mobilisé ou d'énergie cinétique par exemple ; après acceptation par le maître d'ouvrage, ces deux niveaux constitueraient un élément de base du cahier des charges.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 14

3. MERLONS

3.1. Préambule Les merlons de protection sont des ouvrages géotechniques de type remblai en surélévation, implantés à l'amont des structures à protéger en tant que parade passive contre les chutes de blocs rocheux. L'implantation et la géométrie de ces ouvrages sont basées sur une étude trajectographique préalable, fondée sur des observations et des levés géologiques de terrain qui répertorient la fracturation du massif et les zones déstabilisées susceptibles de conduire au départ de blocs rocheux dont le volume est estimé. Des calculs numériques, généralement bidimensionnels le long de profils donnés, conduisent à l'enveloppe des trajectoires de blocs à intercepter, et sont utilisés pour implanter l'ouvrage dans le versant, définir sa hauteur, ainsi que l'énergie cinétique du bloc de projet. Si leur utilisation en remblai est possible, le corps du merlon est constitué de matériaux prélevés sur le site. De façon générale dans le cadre de travaux de terrassement, on cherche à mettre en œuvre des matériaux drainants insensibles à l'eau. Le cas échéant, des mesures de drainage appropriées doivent être prises pour assurer l'évacuation des eaux souterraines et de ruissellement issues du versant amont. Le principe de la protection passive consiste à interposer un ouvrage apte à absorber l'énergie incidente des blocs, le long des trajectoires définies entre la zone de départ et les structures ou populations à protéger à l'aval. L'interception effective des blocs rocheux nécessite de raidir le parement amont (de l'ordre de 3V/2H), afin de stopper les blocs perpendiculairement à leur course et éviter qu'ils ne franchissent le talus du fait de leur mouvement de rotation propre. Le raidissement du parement amont nécessite d'utiliser des techniques de renforcement de sol, les matériaux meubles généralement mis en œuvre par des techniques classiques de terrassement ne possédant pas de caractéristiques mécaniques suffisantes pour leur tenue subverticale. Dans cet esprit, les merlons de protection peuvent être réalisés grâce au procédé Pneusol (Long, 1985) consistant à élever un parement fait de pneus de poids lourds, usagés mais en bon état structurel, remplis de sol et liaisonnés entre eux, afin d'assurer la stabilité du parement amont, la stabilité interne du remblai étant assurée par des nappes de pneus de véhicules légers. Le parement aval, végétalisé pour des questions d’esthétique, présente généralement une pente douce qui permet de rejoindre le terrain naturel. Toutefois, en cas d'emprise limitée, il est possible de le raidir également grâce aux procédés précédents. Une variante consiste à assurer la stabilité interne par des nappes horizontales de géotextiles extensibles, auquel cas on parle de Pneutex (Mathieu et Marchal, 1989). La figure 3 montre des exemples d'ouvrages vus de l'amont, avec parement constitué de Pneusol et Pneutex. D'autres techniques avec enrochements, sacs cylindriques remplis de sable, ou gabions liaisonnés remplis de granulats (merlons dits « cellulaires », éventuellement ouvrages composites

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gabions/remblai), existent également (Bertrand, 2006), un des objectifs étant de faciliter la réparation après endommagement dû à un choc.

Figure 3. Merlons à parement amont renforcé (Aigueblanche et Pomblières sur la RN 90, Savoie)

3.2. Problématique Les études de dimensionnement des ouvrages de type merlon distinguent les situations possibles par rapport à l'évènement rocheux. En situation normale avant l'impact, il s'agit d'étudier la stabilité interne de l'ouvrage, la capacité portante du sol support ainsi que la stabilité d'ensemble du versant au droit de l'ouvrage. Ces vérifications doivent prendre en compte l'éventualité d'un séisme si besoin. La stabilité interne concerne la pente du parement aval compte tenu des caractéristiques mécaniques du matériau constitutif et la stabilité du parement amont compte tenu du renforcement. En cas de nappes de géotextiles, les logiciels de stabilité courants sont utilisés pour justifier le dimensionnement du merlon. La stabilité d'ensemble doit prendre en considération l'éventualité de mouvements de terrain anciens susceptibles d'être réactivés par l'élévation du remblai ou l'excavation du fossé de réception. En situation post-évènement, il s'agit de vérifier la stabilité, éventuellement sous séisme, sous le poids supplémentaire des éboulis ; la question de la capacité de la fosse amont se pose en cas de gros volumes. Au moment de l'impact, l'évaluation de la capacité d'arrêt des merlons de protection ne fait en France l'objet d'aucune justification réglementaire formelle et fait encore l’objet de recherche (projet ANR REMPARE). Les merlons agissent par inertie, l'énergie incidente étant dissipée par la mise en mouvement et la compressibilité du corps du merlon. Il y a donc un intérêt à élever des ouvrages suffisamment massifs et déformables pour absorber l'énergie des blocs rocheux. Dans la pratique, on admet que les merlons peuvent reprendre des énergies relativement élevées, les capacités d'arrêt (Figure 1) étant de l'ordre de plusieurs

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mégajoules (MJ), à l'instar des galeries de protection type casquette et des filets à haute absorption d'énergie ; les capacités d'arrêt peuvent atteindre plusieurs dizaines de mégajoules dans le cas d'ouvrages très volumineux et massifs, mais on manque encore d'observations quantifiées précises à ce sujet sur le terrain. Si la sollicitation dynamique n'est pas prise en compte explicitement dans le dimensionnement des merlons, les conséquences d'un choc sur le parement amont imposent des dispositions constructives particulières. En particulier, la résistance aux chocs du parement amont est satisfaisante avec la mise en place de pneus contigus et liaisonnés dans le cas du procédé Pneusol (Long, 1985). Toutefois, en cas de choc majeur avec déstructuration du parement, la réparation partielle peut être rendue difficile du fait de la présence de renforcement dans le corps du merlon. Par ailleurs, il peut être nécessaire de reprofiler le terrain en amont de l'ouvrage pour éviter que les éventuels replats naturels ne se comportent comme des tremplins vis-à-vis des blocs rocheux, et ne les conduisent à lober le merlon. Ce reprofilage peut constituer un gisement de matériaux s'ils sont réutilisables en remblai, mais des affleurements rocheux peuvent apparaître. Cette dernière éventualité doit être prise en compte car les caractéristiques utilisées pour évaluer les rebonds (par le biais des coefficients de restitution) des blocs rocheux lors de l'étude trajectographique sont alors totalement différentes. En effet, un affleurement rocheux a un comportement beaucoup moins amortissant que le sol naturel, conduisant ainsi à des rebonds plus marqués et donc à des trajectoires plus aériennes difficiles à intercepter. Les retours d'expérience à la suite d'un choc restent peu nombreux. À notre connaissance, il n'existe pas d'exemple in situ de merlon ayant subi de destruction majeure et ayant fait l'objet d'une analyse détaillée, ce qui laisse sous-entendre que les ouvrages actuels sont probablement largement surdimensionnés. Il existe par contre des exemples où l'inefficacité du merlon est due à un choc en partie haute de l'ouvrage, avec une inertie insuffisante pour stopper le bloc incident qui scalpe l'ouvrage au passage. Ces conditions sont liées à une mauvaise appréciation des trajectoires possibles ou une marge de sécurité insuffisante sur la hauteur de l'ouvrage, compte tenu de la dimension du bloc de projet, lors de l'implantation. En l'absence de retour d'expérience exploitable, la réalisation d'essais en conditions maîtrisées est donc essentielle pour appréhender les phénomènes. 3.3. Études expérimentales Les essais d'impact en vraie grandeur restent rares (Peila et al., 1998). Des essais ont été réalisés sur la centrifugeuse du LCPC pour étudier l'impact de blocs rocheux sur un merlon dans le cadre de la protection de la RN90 à Aigueblanche en Savoie (Lepert et Corté, 1988). Le merlon d'Aigueblanche constitue l'ouvrage de référence à la fin des années 1980 avec un corps en Pneutex, une hauteur de 7 m, une largeur de 5 m en tête, un parement amont

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penté à 60 degrés. Ces essais ont permis de montrer que le merlon pouvait résister à l'impact d'un bloc présentant une énergie incidente de 170 MJ. Les travaux réalisés à l'EPFL (Labiouse et al., 1994) ont cherché à étudier la sollicitation dynamique du matériau de couverture des galeries de protection pare-blocs type casquette. Les expérimentations menées dans une halle d'essais ont principalement consisté à étudier la chute verticale de blocs de béton sur une dalle souple reposant sur 4 appuis, recouverte d'une épaisseur de sol jouant le rôle de matériau amortissant. Des essais avec chute inclinée ont également été réalisés. Même si l'objectif initial n'est pas appliqué directement aux merlons, cet ensemble exhaustif de résultats expérimentaux constitue une base de données intéressante pour l'étude de l'impact sur des remblais en terre. La démarche a notamment permis de caractériser un effort statique équivalent au choc dynamique lié à l'impact sur le matériau amortissant (voir chapitre 6). À l'Université Technique de Vienne, Brandl et Blovsky (2004) ont étudié des modèles réduits sous gravité terrestre de merlons à petite échelle, qui ont été testés pour évaluer qualitativement le comportement de ces ouvrages géotechniques renforcés ou non renforcés sous impact dynamique avec plusieurs impacts successifs sans réparation. Ces différentes expériences apportent des résultats dans le cas d'un impact incliné sur un modèle réduit de merlon de protection, contrairement à Montani-Stoffel et al. (1998) de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), qui ont considéré la chute verticale d'une masse sur une épaisseur de sol. À titre plus anecdotique, on peut évoquer les résultats expérimentaux, combinés à des modélisations par éléments finis réalisées par l'Institut Américain d'Aéronautique et d'Astronautique sur la pénétration d'un objet dans un massif de sol semi-infini, réalisé pour évaluer les paramètres d'atterrissage d'un engin spatial. 3.4. Règles de dimensionnement actuelles Les capacités d’arrêt restent difficiles à appréhender en l’absence de modèles validés par l’expérience. Une première idée pour conduire à un mode de dimensionnement simplifié utile au concepteur peut consister en le développement d'une méthode de calcul de type pseudo-statique à la rupture, avec des paramètres aisément accessibles par les méthodes de reconnaissance usuelles. Une première phase consiste à évaluer un effort statique équivalent à l'action dynamique ; en seconde phase, la stabilité de l'ouvrage soumis à cet effort supplémentaire doit être vérifiée. Tissières (1999) propose une méthode très simplifiée de calcul de l'effort pseudo-statique et expose, moyennant des hypothèses sur l’état de contraintes au sein du merlon, une méthode d’équilibre limite tridimensionnelle dont la géométrie de rupture est imposée arbitrairement : l’impact est supposé éjecter une tranche verticale de sol, dont la base est une surface de rupture horizontale.

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Dans un cadre mécanique plus rigoureux, la théorie de l’analyse limite et du calcul à la rupture permet de conduire à des estimations par défaut ou par excès de la marge de sécurité par rapport à la rupture. L’approche cinématique en calcul à la rupture peut être conduite (Subrin, 2006) en considérant un mécanisme de rupture simplifié bidimensionnel construit sur la base d’un champ de vitesse cinématiquement admissible. Le matériau constitutif du merlon est supposé homogène, cohérent-frottant obéissant au critère de résistance de Coulomb. Cette approche conduit à une estimation par l’extérieur de la sollicitation incidente critique, correspondant à l’impact d’un bloc rocheux simulé par un effort statique équivalent. La figure 4 présente l'ouvrage typique étudié, ainsi que le mécanisme de rupture bidimensionnel (rupture plane). À titre d'exemple, l'abaque de la figure 5 permet d'estimer l'effort statique équivalent à la rupture, conduisant à une estimation des capacités d'arrêt maximales (merlon : α = 60 degrés, β = 30 degrés, T = 4 m). L'effort F est supposé appliqué au milieu de la zone d'impact, de largeur égale à D, diamètre du bloc ; l'abaque correspond au cas S = D. Les figures 6 et 7 fournissent la position des plans de rupture pour quelques valeurs des paramètres.

T - largeur en tête du merlon α - pente du talus amont β - pente du talus aval D -diamètre du bloc F - effort lié à l’impact du bloc de diamètre D

η - angle d’impact du bloc par rapport à la normale au talus

γ- poids volumique du bloc c - cohésion du matériau constituant

le merlon

φ- angle de frottement interne du matériau constituant le merlon

Figure 4. Mécanisme de rupture plane 2D

(degrés)

degré degrés

,

,

Figure 5. Exemple d'abaque de prédimensionnement : effort statique équivalent limite (à la rupture) en fonction des caractéristiques mécaniques du matériau

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 19

,

,

(degrés)

deg

(deg

rés)

deg

Figure 6. Exemple d'abaque de prédimensionnement : inclinaison du plan de rupture en fonction des caractéristiques mécaniques du matériau

η =0 degré φ =30 degrés

φ =45 degrés

η =30 degrés φ =30 degrés

φ =45 degrés

Figure 7. Exemples de plans de rupture les plus défavorables

Adoptant la même démarche pseudo-statique, des simulations numériques en déplacement menées à l’aide du logiciel CESAR-LCPC, fondé sur la méthode des éléments finis, ont été conduites (Subrin, 2006). La configuration étudiée correspond à un merlon de protection implanté tout juste à l’amont d’une galerie maçonnée, dont la préservation mécanique vis-à-vis des efforts incidents conduit à envisager un merlon dont le corps est constitué de Pneusol léger reposant sur une couche de base fusible. Les mécanismes de rupture obtenus par ce type d'approche résultent de la résolution numérique du problème, leur géométrie n'étant pas imposée a priori comme dans les calculs analytiques. Ce type de raisonnement présente bien entendu un certain nombre de limites. Le cadre théorique ne permet pas d'appréhender l'ensemble des phénomènes mis en jeu lors de l'impact d'un bloc rigide par rapport au terrain encaissant, la dissipation d'énergie étant fonction de l'inertie du volume de sol mis en mouvement par l'impact. Le schéma rigide-plastique suppose que l'énergie de déformation à la rupture est prépondérante par rapport à l'énergie dissipée par la déformation du sol avant la rupture. Par ailleurs, on ne tient pas compte de

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l'énergie dissipée par l'émission d'ondes élastiques lors de l'impact, dont les simulations en centrifugeuse ont montré qu'elle n'était pas négligeable. On fait abstraction de la présence des éléments de renforcement qui peuvent être pris en compte en première approche par une amélioration isotrope des caractéristiques de résistance du massif, même si le matériau présente in fine une anisotropie mécanique. Les pneus ont a priori un comportement amortissant important qui mérite d'être examiné. Les nappes de géotextiles mises en œuvre dans le procédé Pneutex apportent une résistance à la traction utile du point de vue du dimensionnement interne statique. Toutefois, il convient de remarquer que le contact sol-géosynthétique est moins frottant que le sol lui-même. Si l'effort à la rupture doit a priori être plus faible que pour un massif homogène, la direction privilégiée du renforcement impose la géométrie de la rupture, ce qui augmente l'effort à la rupture par rapport au cas idéal isotrope. Cette disposition constructive mérite donc un approfondissement. L'amélioration des mécanismes sous-jacents (prise en compte des phénomènes dynamiques) passe par l'observation des modes de rupture sur ouvrages réels (retour d'expérience) et sur modèles centrifugés (essais de 1990). Dans le cadre de la station d'essai LCPC/CETE en cours de montage, des campagnes d'essais multi-impacts devront être réalisées (avec et sans réparation du merlon) pour conduire à l'optimisation de la conception de l'ouvrage. L'influence du renforcement sur le mode de fonctionnement doit également être examinée. Par ailleurs, les essais devront aussi permettre de préciser le passage de l'effort dynamique d'impact à l'effort statique équivalent.

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4. ÉCRANS DE FILETS

4.1. Introduction Implantés à partir du diagnostic géologique (aléa de rupture) et des études trajectographiques (aléa de propagation), les écrans de filets constituent une parade passive largement employée pour lutter contre les risques de chutes de pierres ou de blocs. Le principe fonctionnel de ces ouvrages repose sur l’interception de la trajectoire probable du ou des blocs par un filet. Pour cela, ce dernier doit être correctement positionné et maintenu à l’aide d’une structure porteuse, notamment composée de poteaux et de haubans (Figure 8). Au moment de l’impact, il s’agit non seulement d’intercepter le bloc incident, mais surtout de résister à sa perforation en dissipant l’énergie correspondante. Pour cela, ces écrans incluent le plus souvent, en plus de la structure porteuse, des dispositifs dissipateurs spécifiques également appelés freins. Le filet lui-même est donc l’organe principal de l’écran (Figure 9), les autres composants n’étant là que pour le maintenir et l’amortir.

Figure 8. Schéma général d’un écran de filets

De nombreux types d’écrans ont été développés, notamment en France, pays précurseur, et en Europe, en recyclant initialement les stocks militaires de filets anti-sous-marin (ASM). Sur les bases générales précédentes, les particularités concernent principalement : − la position des poteaux par rapport au filet (à l’amont ou à l’aval pour être

protégés) − la répartition et le fonctionnement du haubanage et l’articulation ou non des

pieds de poteaux − le principe de dissipation d’énergie dans les freins : cheminement de câbles

dans un réseau plus ou moins complexe de réas (poulies), frottement entre flasques, déformations plastiques, déchirements de tubes…

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− le type de filets (mailles carrées, mailles tricotées, anneaux circulaires, etc.), éventuellement doublé d’un grillage plus fin pour filtrer les plus petites pierres.

Figure 9. Exemple d’écran à base de filets à anneaux à « six contacts »

Plusieurs kilomètres d’écrans de différentes capacités énergétiques sont ainsi mis en place chaque année en Europe pour des coûts atteignant 1500 € par mètre de longueur installé. 4.2. Problématiques La justification essentielle est celle correspondant à la situation du choc (il faut aussi que le versant sur lequel est installé le filet soit à peu près stable...). Comme évoqué précédemment, ces ouvrages sont complexes principalement en raison de l’assemblage des éléments qui ont eux-mêmes des comportements spécifiques. Le filet à anneaux fait intervenir, par exemple, le contact multiple d’anneaux entre eux, nécessitant la prise en compte de grandes déformations à l’échelle de l’ouvrage tout en plaçant de fait le problème en dynamique des structures souples. Ensuite au moment de l’impact, l’énergie incidente va se diffuser sous forme d’une onde d’effort au sein même du filet jusqu’à ses points de maintien pour ensuite se propager dans le haubanage et solliciter la structure porteuse. Si l’effort correspondant est suffisant, les systèmes freins doivent alors se déclencher pour consommer ce trop plein d’énergie et finalement atténuer les

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efforts répercutés aux ancrages qui constituent les points de fixation du système au sol (On pourra utilement se référer à la norme NF 95-301 (AFNOR, 1994)). La justification de la capacité énergétique de l’écran comme réserve de dissipation d‘énergie disponible, tel que cela est souvent présenté par les industriels dans leur note de calcul, ne répond que très partiellement à la question de la tenue de l’écran. Certes, on peut admettre qu’au maximum la surface unitaire du filet est capable de dissiper x kilojoules et que chaque mètre de course des freins correspond à autant de kilojoules avec un total qui atteint le niveau souhaité. Or, il ne s’agit dans ce cas que d’une réserve théorique et rien ne garantit qu’elle pourra être exploitée jusqu’au niveau souhaité. En premier lieu, l'expérience montre que, lors d'un impact, seul un petit nombre d'anneaux sont plastifiés, et un petit nombre de freins sont mobilisés. D'autre part, il s’agit d’appréhender effectivement la succession des événements mécaniques se produisant lors de l’impact du bloc jusqu’à solliciter les ancrages, pour s’assurer que l’ensemble fonctionne effectivement et ne présentera pas de rupture ponctuelle, par exemple avant d’avoir fait jouer les freins. La difficulté est alors ici de raisonner en dynamique, ce qui change profondément par rapport à une approche simplement statique du problème telle qu’elle est trop souvent présentée. Tout d’abord, il n’est plus possible d’écrire l’équilibre général classique de la structure à un instant donné t sans prendre en compte les forces d’inertie ici prépondérantes : au moment de l’initiation de la sollicitation du filet après le contact avec le bloc, les ancrages, et même le haubanage, ne « voient » pas encore l’effort correspondant. Il s’agit donc plutôt d’imaginer la diffusion successive de l’effort d’impact et sa transmission progressive jusqu’aux ancrages via les différents composants de l’écran, qui vont donc voir passer l’onde correspondante et devoir y résister. En ce sens, chaque composant doit aussi être capable de fonctionner « en dynamique » aussi bien du point de vue de sa résistance que de son comportement. Si, dans les gammes de vitesse de déformation en jeu, les matériaux se comportent quasiment comme en statique (faible augmentation de la résistance apparente), il n’en est pas de même pour les propriétés de contact par exemple : le passage d’un câble dans un diabolo, qui fonctionnera normalement en coulissant en statique, peut très bien se bloquer en dynamique du fait de l’inertie du câble à se déformer, ce qui va contrer le mouvement nécessaire au passage. Ainsi, plutôt que la transmission de l’effort, certaines conditions peuvent au contraire amener à la réflexion de cet effort dont l’onde correspondante se retrouve finalement doublée pour peut-être alors dépasser la capacité résistante du câble au niveau d’une telle condition limite et générer sa rupture (Figure 10). Cela pose d’ailleurs la question du fonctionnement des systèmes freins qui, s’ils sont souvent testés en statique sur banc, ne le sont que trop peu en dynamique (des essais ont cependant eu lieu au LRPC de Lyon en 1978), seule façon de

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s’assurer de leur fonctionnement réel : dans le cas où le principe repose sur le passage d’un câble dans un cheminement ou même entre deux plaques serrées pour exploiter le frottement, il y a fort à parier que le fait de solliciter le système en dynamique va, dans de nombreux cas, empêcher le système de se déclencher pour plutôt le verrouiller et donc empêcher l’exploitation de la réserve de consommation d’énergie correspondante. Par exemple, le simple fait que le bout libre du câble à la sortie du frein ne soit pas correctement aligné ou soit légèrement corrodé, peut bloquer l’ensemble. Au final, la problématique principale est celle de l’assemblage des différents éléments de l’écran. En effet, il existe des moyens pour choisir les bons composants (filets, poteaux, freins) et les (sur-)dimensionner correctement pour s’assurer d’une part qu’ils permettront de dissiper globalement le bon niveau d’énergie et, d’autre part, qu’ils résisteront aux efforts en jeu dans l’hypothèse d’un « bon fonctionnement de l’ensemble ». En revanche, encore faut-il assurer ce « bon fonctionnement » en dynamique et la vraie difficulté est d’assembler le tout de manière à ce que l’ensemble fonctionne proprement, sans générer le moindre point dur (point de blocage, point de concentration de contrainte, conditions limites), source possible de rupture d’abord puis potentiellement de ruine globale de l’ouvrage.

Figure 10. Exemple de rupture de câble au niveau d’un assemblage

4.3. Différentes approches de dimensionnement Sous réserve de l’hypothèse de « bon fonctionnement », évoquée précédemment et sans revenir sur le calcul de la réserve de dissipation d’énergie disponible, qui n’est finalement que théorique, il existe différentes approches du dimensionnement des éléments d’un écran de filet.

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À l’origine, il s’agit déjà de convertir l’impact du bloc (masse + vitesse) en effort équivalent à partir de la relation fondamentale de la dynamique. Une première difficulté est donc de disposer ou de postuler un niveau de décélération de la masse du bloc, décélération qui dépend aussi de la réaction de la structure et donc de son comportement. Comme on peut le voir, il est délicat de ne pas avoir une approche intégrée de l’impact : il convient de ne pas traiter séparément le bloc et l’écran, et de bien appréhender l’interaction des deux et son évolution. Différents travaux ont été menés sur ce thème de l’impact, à commencer par ceux de Hertz, mais ils s’appliquent mal dans le cas de structures très flexibles. Dans ce cas, le rapport du Geotechnical Engineering Office de Hong-Kong (2000) récapitule différentes sources dont celle consistant plutôt à estimer la force maximale via le travail dissipé par la structure au cours de sa déformation en faisant intervenir un « facteur de rigidité » de l’écran Kb. Pour autant, ces approches ne font que déplacer la difficulté puisqu’il s’agit ensuite d’évaluer un tel facteur puis d’être capable de diffuser correctement la force maximale obtenue en tenant compte de la cinématique et de la dynamique du problème. Les tentatives en ce sens, qui sont à la base de la plupart des notes de calculs présentées par les fabricants, ne démontrent en fait pas grand chose, justement par une mauvaise appréhension de la séquence d’événements menant à l’arrêt du bloc et un raisonnement erroné quant à la répartition et à la diffusion de l’impact. Finalement, la voie la plus intéressante repose sur les approches numériques qui permettent de considérer l’ensemble du problème autour de l’interaction du bloc incident avec le comportement mécanique de la structure. Les travaux les plus aboutis sont notamment issus de modélisations en éléments discrets (Volkwein A., 2004), Nicot et al., 2001). Dans ces travaux, le bloc est souvent assimilé à une boule rigide alors que les différents composants de l’écran sont intégrés via des propriétés d’interaction (éléments du filet) et de comportement (haubanage, poteaux) (Figure 11).

Figure 11. Exemple de calcul (Nicot et al., 2001)

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Les puissances de calcul désormais disponibles associées à des codes non linéaires conçus pour la dynamique et l’impact doivent aussi permettre des approches en éléments finis, notamment en assimilant le filet à une membrane (Yamada et al., 1991), comme le montre la figure 12.

Figure 12. Impact calculé en éléments finis sur une membrane représentant le filet d’un écran pare-blocs (vue de dessus) (Yamada et al., 1991) (a) avant

l’impact (b) après l’impact

Pour autant, ces approches nécessitent un gros travail de calage des paramètres par recours quasi-systématique aux essais en grandeur nature. En effet, toute modélisation, aussi exhaustive soit-elle, repose sur des hypothèses et donc des limitations. Par exemple, les phénomènes d’échauffement ne sont pas directement pris en compte mais participent pourtant à la dissipation globale : le recalage consiste donc à les intégrer indirectement, par exemple en modifiant les caractéristiques locales de l’interaction bloc-filet. De même et comme déjà évoqué, ces modèles ont des difficultés à prendre en compte certaines spécificités de fonctionnement liées aux assemblages, nécessitant de se placer par hypothèse dans un contexte prétendu de « bon fonctionnement ». 4.4. Le recours systématique aux essais en grandeur nature Dans l’état actuel des connaissances, la seule véritable voie est donc celle de l’expérimentation en grandeur nature du système envisagé. D’une part, cette approche assure que, dans les conditions de l’essai, l’écran a résisté ou non. D’autre part, c’est le seul véritable moyen pour disposer de données fiables. La question intéressante de l’utilisation de modèles réduits ramène à la difficulté récurrente des lois de similitude, d’autant plus délicate que les phénomènes en jeu sont dynamiques sur une structure déformée de manière irréversible. S’il est possible de respecter partiellement certaines lois d’échelle, le problème reste malgré tout très difficile pour ne pas retomber dans les travers dénoncés précédemment. À la limite, l’intérêt est de pouvoir tester un type de conception et un fonctionnement général à moindre coût mais pas de pouvoir définir complètement la résistance effective d’un écran donné.

(b)

(a)

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 27

Ainsi, les campagnes d’essai les plus intéressantes ont été menées à échelle réelle : Peila et al., (1998), Smith et Duffy (1990), etc. L’avantage est de pouvoir, d’une part, vérifier de manière binaire (arrêt ou non du bloc) le fonctionnement du système et, d'autre part, de mesurer des paramètres importants : élongation maximale, décélération, efforts induits au niveau des ancrages pour leur propre dimensionnement, tout en évaluant les dégâts occasionnés pour affiner la conception de l’ensemble. 4.5. Le marquage CE C’est bien l’approche expérimentale qui sert de base aux procédures de certification actuelles, notamment en Suisse (OFEFP, 2001) et pour le marquage CE Européen. La norme française P95-308 (AFNOR, 1996) se contente pour sa part de spécifier quelques bases géométriques par rapport à neuf classes d’énergie cinétique suivant la « capacité nominale » de l'écran, de 12,5 kJ pour la classe 1 à 5000 kJ pour la classe 9. En ce sens, il ne s’agit pas d’un texte de certification, les performances de l’écran étant simplement garanties par l’industriel fabricant (ce qui a d’ailleurs pu amener quelques dérives que le test expérimental systématique élimine de fait !). Cette approche nécessite également de disposer de l’infrastructure expérimentale adéquate, c’est à dire permettant d’accélérer et guider le bloc jusqu’à son point d’impact à la vitesse souhaitée. À ce jour, plusieurs sites d’essai existent en Europe, dont le plus important est situé à Walenstadt en Suisse. Cette installation utilise la pesanteur comme moteur de l’accélération du bloc selon une chute libre verticale. La performance maximale de ce site dépasse 5000 kJ à l’impact. Une autre approche consiste à convoyer le bloc sous un câble, comme une tyrolienne, pour le larguer avant l’impact avec une partie balistique plus ou moins importante. C’est notamment le cas des sites italien (Trento, figure 13) et autrichien (Leoben). Si les approches inclinées de type autrichien sont a priori plus représentatives de la réalité du terrain, elles sont plus difficilement maîtrisables, avec des niveaux de performance légèrement moindres que ceux des sites à chute verticale. Le tout prochain marquage CE des écrans de filets se positionne comme la future « norme » de définition et de caractérisation de ces ouvrages au niveau européen et vraisemblablement mondial. En septembre 2000, un groupe a été mis en place par l’EOTA (European Organisation for Technical Approvals), dirigé par l’Italie et dont le secrétariat était assuré par la France. Ce groupe comprenait les principaux pays européens confrontés au problème des chutes de blocs avec une implication plus particulière de l’Autriche, de l’Allemagne, de l'Italie et de la France. La Suisse était présente en position d’observatrice et pour son expérience dans ce domaine.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 28

(a) (b)

Figure 13. Stations de chutes de blocs (a) verticale de Walenstadt (Suisse) et (b) inclinée de Trento (Italie)

La première version de l’ETAG (Guideline for European Technical Approval) a pu être émise en mars 2005 après une quinzaine de réunions, dont les thèmes de réflexions et de discussions parfois animées ont principalement porté sur l’opportunité de tests au droit des poteaux (finalement non retenue, bien qu'il s'agisse d'éléments faibles du système, en particulier si les poteaux sont placés à l'amont du filet), la manière de mesurer les hauteurs nominale et résiduelle de l’écran en fonction du type d’essai (incliné ou vertical) ou encore les tolérances autorisées sur la géométrie. Par rapport à « l’homologation » suisse, qui représentait jusque-là le processus le plus abouti, le marquage CE introduit en particulier la notion d’énergie de service pour laquelle l’écran doit être capable de stopper deux blocs successifs ayant la même énergie, la notion d'énergie ultime (proportionnelle à l'énergie de service) étant réservée à un seul impact plus énergétique. Au final, l’ensemble apportera une contribution importante pour effectivement connaître la capacité de protection de tels produits et grandement améliorer cette connaissance, aussi bien à des fins de recherche (future base de données expérimentale unique) qu’opérationnelles. Pour autant, il faut garder à l’esprit que le protocole apporte ses propres limites pour ne donner des résultats que dans les « conditions de l’essai ». En ce sens, il est donc important et primordial d’accompagner cette démarche par des travaux de recherche, notamment basés sur la modélisation du problème, pour, d’une part, mieux comprendre les phénomènes en jeu (la modélisation permettant d’accéder à d’autres données que celles de capteurs forcément limités en nombre) et, d’autre part, pouvoir

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 29

procéder à des études paramétriques permettant de dépasser les conditions de l’essai et d’appréhender d’autres situations difficilement abordables expérimentalement pour des raisons de moyens et coûts (positions de l’impact, scénario de sollicitation…). 4.6. Protocole expérimental du marquage CE : contenu et principes (EOTA) Ces règles sont celles du document ETAG 27 (« Guideline for European technical approval of falling rock protection kits »), publié en février 2008 (disponible en français sur le site : http://www.eota.eu/pdf/ETAG-027-fr.pdf).

4.6.1. Site d’essai – pente de référence Le site d’essai est un dispositif capable d’accélérer un bloc de géométrie et de masse volumique définies, à la vitesse d’essai et de le guider pour qu’il impacte l’écran de filet avec la précision nécessaire. La pente à l’aval de l’écran testé doit être parallèle (avec tolérance donnée) à la trajectoire du bloc dans le dernier mètre avant l’impact. Cette pente constitue la pente de référence servant aux différentes mesures (élongation, hauteurs…).

Câble longitudinal supérieur

Vue en coupe

hN – hauteur nominale de l’écran

Pente de référence

Câble longitudinal inférieur

Connexion entre la base des deux poteaux

Trajectoire du bloc

Figure 14. Configuration générale – vue de côté

4.6.2. Équipement - installation de l’écran Un écran de trois modules fonctionnels (soit quatre poteaux) doit être utilisé pour les tests. Le fabricant doit préciser la géométrie d’installation en accord avec la trajectoire prévue pour le bloc et son manuel d’installation et procéder à cette installation sous la supervision de l’autorité de certification, elle-même en charge des mesures et autres enregistrements. Les ancrages (qui ne font pas partie des éléments à tester) doivent être dimensionnés en conséquence et approuvés par le fabricant.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 30

- bloc Le bloc est réalisé en béton plein et/ou renforcé selon une forme polyédrique donnée sur la figure 15. La masse volumique du bloc doit être comprise entre 2500 kg/m3 et 3000 kg/m3. Dans le cas où le bloc contient des aciers, il convient de veiller à les équilibrer pour assurer la correspondance entre le centre de gravité et le centre géométrique. La taille maximale du bloc est du tiers de la hauteur nominale de l’écran testé.

Figure 15. Forme du bloc

4.6.3. Conditions d’essai La trajectoire du bloc est inscrite dans un plan vertical orthogonal à la ligne de base des poteaux. Cette trajectoire peut être inclinée ou verticale. La vitesse moyenne du bloc dans le dernier mètre avant le contact avec le filet doit être au moins de 25 m/s. L’énergie d’impact est déterminée à partir de la mesure de cette vitesse et est égale à l’énergie cinétique Ec (en J) du bloc donnée par :

Ec=1

2mV

imp

2

où : • Vimp est la vitesse du bloc évaluée dans le dernier mètre avant l’impact (en

m/s),

• m est la masse du bloc (en kg).

4.6.4. Hauteurs nominale et résiduelle, élongation maximale

La hauteur nominale hN (en m) (Figure 14) est mesurée orthogonalement à la pente de référence et est la distance minimum entre le câble de rive supérieur du filet et la ligne de base des poteaux. Le résultat de la mesure est donné au centimètre le plus proche.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 31

La hauteur résiduelle hR (en m) est mesurée orthogonalement à la pente de référence après un test sans enlever le bloc et correspond à la distance minimum entre les câbles de rive inférieur et supérieur du filet. Le résultat de la mesure est donné au centimètre le plus proche. L’élongation maximale est mesurée parallèlement à la pente de référence, en prenant en compte la déflexion maximale du filet pendant l’essai à partir d’un enregistrement vidéo. Le résultat de la mesure est donné au centimètre le plus proche.

4.6.5. Procédure d’essai La procédure d’essai est basée sur des essais successifs à deux niveaux d’énergie différents : l’énergie de Service ou Service Energy Level (SEL) et l’énergie maximum ou Maximum Energy Level (MEL). La valeur de MEL doit être supérieure ou égale à 3 fois la valeur de SEL. La classe de l'ouvrage à tester doit être choisie préalablement par le fabricant en fonction des énergies de référence figurant dans le tableau 1. Les classes de ce tableau sont appelées à remplacer celles de la norme française NF P 95-308 (AFNOR, 1996, [4]) : Équipements de protection contre les éboulements rocheux – Écrans de filets.

Tableau 1. Classes d’énergie des écrans de filet et valeurs d’énergie maximale correspondantes à l’énergie de service (SEL) et à l’énergie maximale (MEL)

selon EOTA :

Classes d’énergie

0 1 2 3 4 5 6 7 8

SEL (kJ) - 85 170 330 500 660 1000 1500 >1500

MEL (kJ) e 100 250 500 1000 1500 2000 3000 4500 >4500

Pour la classe 0, le test à la valeur SEL d’énergie n’est pas requis.

4.6.6. Essai à l’énergie de service (SEL) L’essai SEL est réalisé avec deux impacts successifs du bloc dans l’écran à la même énergie SEL. L’objectif de ce test est d’évaluer la capacité de l’écran à accepter des impacts successifs, avec une réduction de la hauteur utile limitée à une certaine valeur. L’essai SEL est réussi si les conditions suivantes sont remplies : - lors du premier impact SEL (Figure 16) :

• le bloc est arrêté par l’écran ;

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 32

• aucune rupture (séparation complète de deux parties) ne se produit dans la structure. L’ouverture du maillage du filet lui-même est tolérée jusqu’à deux fois la taille initiale de mailles. Sont exclus de l’examen les éléments tels que les fusibles mécaniques prévus pour rompre en cas d’impact : le cas échéant, ils doivent être spécifiquement listés dans les documents d’installation ;

• la hauteur résiduelle de l’écran après l’essai (sans enlever le bloc) est supérieure ou égale à 70% de la hauteur nominale ;

• le bloc n’a pas touché le sol avant que l’écran n’ait atteint l’élongation maximale durant l’essai (contrainte qui s'applique plus à la configuration de la station de l'essai qu'à l'ouvrage de protection !) ;

Entraxe des poteaux = i

i/2

hN hN /2

Figure 16. Position du premier impact SEL, au milieu du module central (vue de dessus), le point rouge indique la cible du bloc

- lors du deuxième impact SEL (Figure 17), réalisé après enlèvement du bloc du premier essai :

• le bloc est arrêté par l’écran ;

• le bloc n’a pas touché le sol avant que l’écran ait atteint l’élongation maximale durant l’essai.

Aucune maintenance n’est autorisée entre ces deux lâchers à l’énergie SEL.

Entraxe des poteaux = i

i/2

hR

Figure 17. Position du second impact SEL (vue du dessus) : au milieu du module central de hauteur résiduelle hR, le point rouge figurant la cible du bloc.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 33

4.6.7. Essai à énergie maximale (MEL) L’essai est réalisé avec un unique impact de bloc. L’objectif est de caractériser la capacité de l’écran en fonctionnement maximal. L’essai MEL va aussi donner la hauteur résiduelle et l’élongation maximale de l’écran par rapport aux enjeux à protéger pour pouvoir le positionner correctement et en sécurité. L’essai MEL peut être réalisé avec le même écran que pour les impacts SEL, après réparation ou avec un écran neuf. C’est au fabricant de choisir entre ces deux possibilités avant l’essai MEL. L’essai MEL est réussi s’il remplit les conditions suivantes: − le bloc est arrêté par l’écran ;

− le bloc n’a pas touché le sol avant que l’écran ait atteint l’élongation maximale durant l’essai.

Une classification à partir de la hauteur résiduelle après l’essai MEL est également prévue :

Catégorie A : hauteur résiduelle ≥ 50 % hauteur nominale Catégorie B : 30% hauteur nominale < hauteur résiduelle < 50 % hauteur nominale Catégorie C: hauteur résiduelle ≤ 30 % hauteur nominale

La position de l’impact du bloc pour l’essai MEL doit se situer au milieu du module central, comme indiqué sur la figure 18.

Entraxe des poteaux = i

i/2

hN hN /2

Figure 18. Position de l’impact MEL. Le point rouge représente la cible du bloc

4.6.8. Données d’essai

L’ensemble des données fait l’objet d’un rapport d’essai où figurent, pour chaque impact SEL et pour l’impact MEL, les informations suivantes : − avant l’essai :

• masse du bloc, • hauteur nominale, • photographies de la position et de la construction de l’écran,

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 34

• géométrie de l’écran, • caractéristiques physiques et mécaniques des composants (tests d’identification réalisés par ailleurs – voir ETAG 27 pour les détails) ;

− pendant l’essai : • vitesse du bloc évaluée dans le dernier mètre avant l’impact, • trajectoire du bloc, • élongation maximale, • enregistrements photographiques permettant de donner une vue complète du comportement de l’écran, incluant déformation, déplacements, durée d’arrêt et preuve du non-contact du bloc avec le sol avant l’élongation maximale,

• efforts appliqués sur les ancrages ; − après l’essai :

• hauteur résiduelle, • description et images des dommages subis par l’écran.

La mesure de la vitesse du bloc doit être faite au moyen d’une caméra rapide à une vitesse d’au moins 100 images par seconde, ou tout autre moyen équivalent, et avec une référence géométrique adéquate. Les photographies et enregistrements vidéo doivent être suffisants pour décrire clairement le comportement de l’écran et le déplacement du bloc avant et pendant l’impact. A minima, il est conseillé d’utiliser au moins une camera rapide. La nécessité de moyens complémentaires doit être considérée pour couvrir des zones d’intérêt particulier. Les mesures sur ancrages et câbles doivent être adaptées à l’écran testé. Au moins trois mesures doivent être réalisées sur les principaux câbles reliés au module central. Le choix doit être réalisé au cas par cas par l’autorité de certification. Les efforts doivent être mesurés pendant tout le test. L’effort de pic doit être déclaré et les diagrammes effort-temps fournis. La vitesse du système d’acquisition doit être d’au moins 1 kHz. Les mesures de hauteur doivent utiliser des moyens de topographie (moyens optique sans contact) ou autres. L’élongation maximale est évaluée à partir de la vidéo. La masse et la taille du bloc doivent être mesurées avant chaque test en utilisant notamment un dynamomètre adapté. Une photo du bloc doit être prise avant l’essai.

4.6.9. Précisions et tolérances La précision de l’impact en référence au point géométrique du centre de gravité du bloc est un cercle d’un mètre de diamètre autour du point d’impact prévu pour le premier lancé SEL et l’essai MEL (Figure 19).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 35

Entraxe des poteaux = i

i/2

hN

hN/2

Point d’impact optimal

Tolérance

(1 mètre de diamètre)

Figure 19. Tolérance autour du point d’impact

La précision minimale de la mesure de la masse doit être de ± 3%. La précision globale de la mesure de la vitesse doit être de ± 5%. La procédure d’essai doit permettre de donner une valeur d’énergie mesurée avec une précision de ± 7 %. Note : la précision ainsi exigée est impossible à tenir si la précision sur la vitesse est elle-même de 5 % ! Les mesures d’effort doivent être réalisées avec des moyens calibrés au moins une fois par an. Toutes les distances doivent être mesurées avec une précision de ±1% pour les mesures statiques et ± 5 % pour les mesures dynamiques. Une tolérance de ± 5 degrés est autorisée pour l’angle d’impact entre la trajectoire prévue et la trajectoire finalement obtenue pour le bloc.

4.6.10. Marquage CE Le marquage CE des écrans de protection pare-blocs doit être accompagné des informations suivantes :

● nom et adresse du fabricant, ● deux derniers chiffres de l’année correspondant au marquage CE, ● numéro du certificat EC de conformité du produit, ● numéro de l’agrément technique européen, ● classe d’énergie et catégorie de hauteur résiduelle pour l’essai MEL.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 36

Exemple 1

nnnn XXXX

AA nnnn-CPD-zzzz

ETA-AA/CCCC

ETAG No XXX

YYY Classification du niveau d’énergie: 3 Catégorie de hauteur résiduelle pour le niveau d’énergie maximal : A

Exemple 2

nnnn-CPD-zzzz

ETA-AA/CCCC

Le marquage de l’exemple 1 doit être fixé sur chaque poteau de l’écran. Il doit être réalisé en métal ou frappé directement sur le poteau. Le marquage de l’exemple 2 est utilisé pour l’emballage de l’écran avant installation et pour les autres composants. Rappelons pour terminer que le marquage CE, après une période de transition (2008-2010), sera une condition incontournable pour la mise sur le marché d'un produit.

Lettres “CE”

- nnnn : numéro d’identification de l’organisme habilité à délivrer

l’attestation de conformité (organisme certificateur)

- XXXX : nom et adresse du producteur (organisme légalement

responsable du produit)

- AA : deux derniers chiffres de l’année de délivrance du marquage CE

- nnn-CPD-zzzz : numéro du certificat EC de conformité du produit,

comprenant le numéro de l’organisme certificateur (''nnnn“), CPD et le

numéro du certificat de conformité (''zzzz“)

- ETA-AA/CCCC - numéro de l’agrément technique européen (European

Technical Approval), comprenant les lettres ETA, les deux chiffres AA

de l’année et un numéro d’ordre CCCC

- ETAG No XXX - numéro ETAG

- YYY - définition ou nom du produit (le nom de la gamme du produit est

autorisé)

- classe d’énergie couverte, selon la classification définie au § 2.4.3.2 de l’

ETAG

- catégorie de hauteur résiduelle de l’essai MEL selon le § 2.4.3.2 de

l’ETAG

Lettres “CE”

- n° du certificat EC de conformité du produit, comprenant le n° de

l’organisme certificateur (''nnnn“) – CPD – n° du certificat de conformité

(''zzzz“)

- numéro de l’agrément technique européen (voir ci-dessus)

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 37

5. GRILLAGES ET FILETS PENDUS

5.1. Caractéristiques générales Les grillages et les filets pendus sont des ouvrages constitués d'une nappe souple, généralement métallique, de treillis de fils ou de câbles, amarrée en tête de la zone à contrôler, et qui couvre l'intégralité des parois productrices d'instabilités. Ce sont des dispositifs de protection passive dans la mesure où ils n'empêchent pas le déclenchement des éboulements, mais se contentent de canaliser les éboulis jusque dans une zone de réception située au débouché de la nappe : replat, fosse de réception, autre ouvrage d'arrêt, etc. Dans certaines configurations géométriques, les grillages ou filets pendus peuvent empêcher le déclenchement des instabilités grâce au placage assuré par leur poids propre, mais cette particularité accessoire, limitée en capacité et généralement localisée, ne suffit pas pour les classer dans la catégorie des parades actives. Afin de capter des éboulis qui proviendraient des versants situés en contre-haut de la ligne d'amarrage et de les rabattre à l'intérieur de l'ouvrage, il est possible de suspendre les nappes sur des poteaux haubanés, composant ainsi un avaloir. On parle alors de grillages ou de filets pendus sur poteaux. 5.2. Principe de fonctionnement Qu'il s'agisse de grillages ou de filets pendus, le principe de fonctionnement reste le même. La nappe métallique, qui a un rôle de canalisation (et, à un moindre degré, de plaquage), confine les blocs en mouvement entre la paroi et l'ouvrage. La dissipation de l'énergie se fait alors par frottement simultané sur le treillis et sur la paroi. La géométrie de la paroi (présence ou non de zones en surplomb), le poids propre de la nappe, la souplesse du treillis, son élasticité, sa résistance mécanique, sa maille (donc sa capacité « frottante ») et la qualité du contact treillis/paroi (placage par gravité ou par accessoires) sont autant de critères qui vont influer sur la capacité globale et sur l'efficacité de l'ouvrage. Les divers types de maillages (textures) induisent des modes différents de transmission/diffusion des efforts dans la nappe. 5.3. Capacité des ouvrages Le dimensionnement de ces ouvrages tient compte des actions suivantes : − poids propre (masse allant jusqu'à 15 kg par mètre carré pour certains filets), − effort statique exercé par un bloc qui se détache d'un point quelconque de la

paroi, − effort dynamique dû à un bloc en cours de chute. C'est évidemment la dernière situation qui est la plus pénalisante.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 38

5.3.1. Les grillages pendus Les grillages pendus sont des ouvrages communément utilisés pour la protection contre les chutes de pierres, le terme de pierres étant entendu au sens d'éléments rocheux inférieurs à quelques décimètres cubes. L'expérience montre que des éléments individuels de 0,1 m3 sont canalisés sans occasionner de dégâts particuliers aux nappes grillagées. Selon la configuration géométrique de la paroi, donc selon la vitesse de propagation et l'angle d'incidence entre l'axe de propagation et le plan de la nappe de grillage, des éléments plus volumineux peuvent être contrôlés, mais le risque de déchirement du treillis par poinçonnement local va rapidement croître avec la masse du bloc en mouvement. La présence d'aspérités sur la pierre en mouvement, mise en relation avec la taille de la maille du treillis, sera également un critère déterminant pour les phénomènes de poinçonnement et de déchirement. Lorsqu'il s'agit de masses foisonnées comportant des éléments de faible granulométrie (nettement inférieure à 0,1 m3), les charges ponctuelles sur l'ouvrage se trouvent fortement réduites, la dissipation énergétique est optimisée par l'écoulement granulaire et l'on peut voir alors des volumes de plusieurs mètres cubes être contrôlés sans désordres majeurs. Aucune règle générale ne peut être tirée sur la capacité exacte de l'ouvrage puisque de trop nombreux paramètres entrent en ligne de compte. Bien que dépendant des matériaux utilisés, du type et de la maille de tressage, les caractéristiques mécaniques intrinsèques des grillages sont des données qui sont par contre bien connues puisque facilement mesurables et répondant à des normes européennes très restrictives, notamment : − charge de rupture et d'allongement : NF EN 10016 (AFNOR, 1996) et NF EN

10223-3 (AFNOR, 1998), − tolérances dimensionnelles du fil : NF EN 10218-2 (AFNOR, 1996), − revêtement anti-corrosion : NF EN 10244-2 (AFNOR, 2009), − tolérances sur les mailles hexagonales : NF EN 10223-3 (AFNOR, 1998). Certains grillages sont certifiés NF en tant que produit fini et chaque fabricant est en mesure de présenter et de garantir les performances de ses produits. Il existe deux types de tissage du fil : le tissage double torsion et le tissage simple torsion. Le principal avantage des grillages double torsion, à maille hexagonale, est l'absence de risque de démaillage, même en cas de rupture des fils. Les grillages à maille losange, dits à « simple torsion », présentent un risque de démaillage lors d'une rupture de fil, voire même lors des poinçonnements. Les réparations sont alors très difficiles ou impossibles. Ces grillages, qui sont parfois utilisés en raison de leur moindre coût et de leur facilité de pose (nappes très souples), sont plutôt à réserver aux barrières pare-pierres en raison de leur meilleure performance dynamique, justement procurée par la souplesse des nappes. Des tests de traction dans le plan selon la norme américaine ASTM A975, ainsi que des tests d'enfoncement, ont été menés par des fabricants avec

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 39

des résultats intéressants (tableaux 2 et 3). Ils montrent parfaitement la différence de comportement des deux types de tressage des grillages.

Tableau 2. Exemples de valeurs de résistance en traction sur des grillages à simple et double torsion

Grillage à double torsion Grillage à simple torsion ESSAIS DE TRACTION dans le

plan Charge de rupture

(daN/m) Allongement

(%) Charge de

rupture (daN/m) Allongement

(%)

Échantillon de grillage intact

4950 10 2300 16

Échantillon de grillage avec fil central

sectionné

4900 12 1500 11

Tableau 3. Exemples de valeur d’enfoncement sur des grillages à simple et double torsion, dans différentes configurations

Grillage à double torsion Grillage à simple torsion ESSAIS D’ENFONCEMENT

normal au plan Charge de rupture

(daN/m) Abaissement du vérin (%)

Charge de rupture (daN/m)

Abaissement du vérin (%)

Bordure de lés ligaturés

3100 170 1750 220

Grillage intact 2600 150 3850 235

Fil central sectionné 2300 135 1000 190

2 fils adjacents sectionnés

1750 140 900 130

2 fils adjacents sectionnés sur la

torsion

2050 165 850 150

Certaines approches statiques des efforts appliqués aux nappes de grillage par des blocs coincés entre l'ouvrage et une paroi verticale montrent que la charge maximale se situe entre 10 et 50 % du poids du bloc. Ces chiffres, qui résultent d'hypothèses ne prenant pas en compte les effets dynamiques (pourtant largement prépondérants lors de l'écoulement des éboulis), ne sont pas significatifs.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 40

5.3.2. Les filets pendus

L'utilisation de filets pendus destinés à contrôler la chute de blocs rocheux de plusieurs mètres cubes est beaucoup plus récente que l'utilisation des grillages. Les premières installations remontent à 1990 pour des filets pendus et à 1995 pour des filets pendus sur poteaux, toutes deux sur l'île de la Réunion. En une vingtaine d'années, près de 1 000 000 m2 ont été posés, dont 800 000 m2 pour les seules falaises de la Réunion. À l'origine, ce type d'ouvrage composé de filets de type ASM (filets anti-sous-marins de récupération) a été dimensionné, dans le cadre d'un concours par entreprises, pour contrôler la chute de blocs unitaires de 50 tonnes. Des calculs effectués en 2001 pour estimer les différences de capacité à la rupture conventionnelle entre des filets à anneaux à 6 contacts et leurs homologues à 4 contacts (L. Rochet, note interne, CETE de Lyon, 2001) donnent un écart de 20 % en faveur des anneaux à 6 contacts :

− Rtc (filets à anneaux à 6 contacts) ~ 365 kN/mètre de largeur, − Rtc (filets à anneaux à 4 contacts) ~ 290 kN/mètre de largeur.

Des éboulements survenus dans la dernière décennie ont prouvé que le dispositif, dans son fonctionnement global, était largement plus performant qu'escompté puisque des volumes foisonnés de 400 et de 700 m3 ont pu être contrôlés sans dégradation majeure de l'ouvrage. Tout comme pour les grillages, la capacité de guidage va dépendre de la configuration géométrique de la paroi et, par voie de conséquence, des énergies de transfert des matériaux. Le risque de déchirement des nappes par poinçonnement reste limité en raison de la résistance intrinsèque des filets. Par contre, le risque majeur pour ce type d'ouvrage reste la formation de poches par accumulation d'éboulis, phénomène qui peut, à l'extrême, conduire à une surcharge des amarrages de tête puis à leur rupture. Pour limiter ce risque, des dispositifs de suspension intermédiaires (Figure 20) sont mis en place afin de limiter l'élasticité importante de la nappe qui apparaît sur les grandes hauteurs et sous forte charge.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 41

Figure 20. RN90 - Le Siboulet : dispositifs de limitation de l'élasticité des nappes

de filets pendus en cours de pose.

Depuis l'épuisement du stock de filets ASM de récupération, des produits nouveaux, innovants ou non, sont apparus sur le marché. Des essais menés dans le cadre d'un marché de fournitures pour l'île de la Réunion (Berthet-Rambaud et Guillemin, 2006) ont permis de mettre en évidence le comportement de ces différents produits, notamment le caractère anisotrope de certains d'entre eux ainsi que leur élasticité sous charge (Figure 21). Ces essais, effectués sur des échantillons de 4 m × 4 m, confinés latéralement et chargés jusqu'à concurrence de 500 kN dans le plan du filet, montrent une grande variabilité des produits (Figure 22), avec : − une raideur extrême des filets à maille losange (Figure 21, zone 1), − un comportement intermédiaire des filets à anneaux de type 6 contacts

(Figure 21. zone 2), − un comportement plus déformable des filets à anneaux de type 4 contacts

(Figure 21, zone 3).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 42

Test 2 confiné

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Déplacement vertical (cm)

Ch

arg

e v

ert

ica

le (

kN

)

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

12

3

Test 2 confiné

0

50

100

150

200

250

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400

450

500

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Déplacement vertical (cm)

Ch

arg

e v

ert

ica

le (

kN

)

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

12

3

J B E C G H F D K A I

R R+5%

R+50%

Figure 21. Courbes déplacement / effort de différents filets métalliques référencés

de A à K. 1- zone des résultats obtenus sur des filets à maille losange

2- zone des résultats obtenus sur des filets à anneaux à 6 contacts 3- zone des résultats obtenus sur des filets à anneaux à 4 contacts

R – courbe de référence (moyenne du comportement des filets anciens testés) R+5% - courbe correspondant à 1,05 fois la déformation de référence R+50% - courbe correspondant à 1,5 fois la déformation de référence.

1

2

3

Figure 22. Essais de résistance sur différents types de filets : a- filet à maille losange ; b- filet à anneaux à 6 contacts ; c- filet à anneaux à 4 contacts

Les dispositifs d'amarrage, de limitation du débattement sous charge et éventuellement de placage restent donc à adapter aux caractéristiques mécaniques du type de filet utilisé.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 43

5.4. Composition des ouvrages

5.4.1. Les grillages pendus

Une nappe de grillage pendue sera composée de sa ligne d'amarrage de tête, de la nappe de grillage elle-même et, le cas échéant, de la ligne de placage de pied. Dans le cas des nappes pendues sur poteaux, la ligne d'amarrage de tête sera décollée du sol à l'aide de poteaux haubanés dont le dimensionnement dépendra essentiellement de la hauteur d'interception souhaitée. La ligne d'amarrage de tête, placée entre 2 et 3m en retrait par rapport à la crête du talus à traiter, comporte : − des ancrages Ø 25 mm FeE500 ou Ø 22 mm S670 en profondeur de 2 m

(scellement au rocher) avec plaque de répartition de dimension minimale 100 × 100 mm et écrou à rotule. L'espacement entre ancrages, en projection horizontale, est généralement fixé à 2 m quand la hauteur de nappe est ≥ 6m et à 3m pour les hauteurs inférieures ;

− un câble porteur Ø 16 mm AM (Âme Métallique pour limiter la corrosion interne et pérenniser le serrage des serre-câbles) avec ligature des extrémités par serre-câbles DIN1142 ou Green-Pin serrés à la clé dynamométrique. Cette prescription reste valable pour tous les serre-câbles du dispositif. Le câble est interrompu tous les 10 à 12 m pour faciliter la maintenance. En cas de nécessité, pour des reliefs accidentés par exemple, le câble Ø 16 mm peut être ponté à l'aide d'une câblette Ø 12 mm au passage des ancrages pour éviter de sortir de l'appui de la plaque. La nappe de grillage est repliée de 0,5m sur le câble porteur puis agrafée maille à maille ;

− le cas échéant, des câbles de placage verticaux en Ø 12 mm AM sont fixés sur les ancrages de tête avant de descendre verticalement dans les parois ;

− pour la réalisation de nappes pendues sur poteaux, les entreprises spécialisées proposent généralement des supports standards utilisés pour les écrans pare-pierres ou pare-blocs et qui sont pré-équipés de platines de fixation et de points d'amarrage des haubans.

La nappe de grillage peut être composée de différents types de fils tissés en différents types et différentes tailles de mailles. Les combinaisons maille / fils les plus courantes, pour les grillages à maille hexagonale dits à « double torsion », figurent dans le tableau 4. Le choix de la maille sera guidé par le diamètre de filtrage souhaité, en sachant que le type 60, malgré un fil de structure plus fin, est plus résistant globalement que le type 100 en raison d'une section moyenne d'acier supérieure. En contrepartie, le type 60 sera moins souple que le type 100 et sera donc plus difficile à plaquer dans des reliefs tourmentés.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 44

Tableau 4. Combinaison maille/fils les plus courantes pour les grillages à maille hexagonale à double torsion

Combinaison maille / fils standard

Maille (mm×mm) Type D (NF EN 10233-3)

Diamètre du fil (mm)

60×80 60 2,20 – 2,70

80×100 80 2,70

100×120 100 3,00

Le grillage, livré en rouleaux, est déroulé lé par lé sur la paroi. Le raccord entre lés se fait au niveau des fils de bordure par liaison maille à maille à l'aide de fils de même nature que le grillage ou à l'aide d'agrafes spéciales posées au pistolet pneumatique. Lorsque que cela est nécessaire, des câbles de placage verticaux Ø 12 mm AM, fixés aux ancrages de tête et maintenus à espace régulier par des ancrages de rappel intermédiaires, peuvent permettre d'améliorer le positionnement de la nappe grillagée au plus proche de la paroi et ainsi limiter la prise de vitesse par les éboulis en transit. Des lignes de placage obliques ou horizontales intermédiaires restent toujours possibles, sous certaines conditions, mais en veillant à ne pas risquer de former des poches d'accumulation de matériaux qui pourraient être complexes à vidanger ou qui pourraient conduire à la ruine de l'ouvrage en cas de surcharge (Figure 23). Concernant la protection anticorrosion du grillage, le choix se porte généralement vers une galvanisation alumino-zinguée (95% zinc + 5% aluminium + Mischmetal) qui assure une durabilité non mise en défaut depuis près de 20 ans, en condition atmosphérique courante. Des aciers inox sont également disponibles en fabrication spéciale, mais la raideur des nappes est accentuée et le coût est nettement augmenté. La ligne de placage de pied est disposée en bas de talus, à une hauteur qui tient compte des contraintes d'exploitation (gabarit des chasse-neige, par exemple). Dans le cas où le pied de paroi dispose d'une aire de réception suffisante, il est possible de faire abstraction de cette ligne de placage et de lester seulement le pied de la nappe grillagée pour éviter son décollement lors de la canalisation des éboulis. La ligne de placage de pied comporte :

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 45

− des ancrages Ø 25 mm FeE500 ou Ø 22 mm S670 sur une profondeur de 1 m, 1,50 m ou 2 m (profondeur de scellement au rocher à adapter en fonction de l'état du massif) avec plaque de répartition de dimensions minimales 100×100 mm et écrou à rotule. L'espacement moyen entre ancrages, en projection horizontale, est généralement fixé à 3 m. L'implantation des ancrages sera privilégiée dans les reliefs en creux afin de fermer au mieux le pied de nappe ;

− un câble de placage Ø 12 mm AM interrompu tous les 12 m environ pour faciliter la maintenance. En cas de nécessité, le câble peut être ponté à l'aide d'un câble de même section au passage des ancrages pour éviter de sortir de l'appui de la plaque. La nappe de grillage est repliée de 0,3 à 0,5 m sur le câble de placage puis agrafée régulièrement ;

− le cas échéant, les extrémités des câbles de placage verticaux en Ø 12 mm AM sont également fixées sur les ancrages de pied.

Figure 23. Petite chute de pierres formant poche en pied de grillage.

5.4.2. Les filets pendus

La composition d'une nappe de filets pendue est sensiblement plus complexe que celle des grillages, notamment en raison du poids propre du matériel et de la déformation des filets sous charge. Comme on l'a vu précédemment, chaque type de filet ayant des caractéristiques de déformation sous charge différentes, des adaptations spécifiques sont souvent nécessaires. Globalement, une nappe de filets pendue sera composée de sa ligne d'amarrage de tête avec renforts

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 46

éventuels, de la nappe de filets elle-même, du dispositif de limitation de l'élasticité et du dispositif de contrôle de sortie en pied de nappe. Dans le cas des nappes pendues sur poteaux, la ligne d'amarrage de tête sera décollée du sol à l'aide de poteaux haubanés dont le dimensionnement dépendra de la hauteur d'interception souhaitée et de la charge verticale attendue dans les filets. La ligne d'amarrage de tête, sera positionnée en fonction du front potentiel de rupture, mais au moins à 5 m en retrait par rapport à la crête du talus à traiter. Elle comporte :

− des ancrages Ø 40 ou 50 mm FeE500 ou Ø 35 ou 43 mm pour S670, sur une profondeur de 2,5 à 4 m (scellement au rocher) avec plaque de répartition minimum 200×200 mm et écrou à rotule. L'espacement entre ancrages et leur diamètre reste spécifique à chaque projet, en fonction de la géométrie du talus, du type de filet utilisé et des charges dimensionnantes prises en compte. Les ancrages ont trois fonctions différentes : amarrage du câble porteur, amarrage du soutien intermédiaire du câble porteur et amarrage du dispositif de limitation de l'élasticité ;

− les câbles porteurs doivent également être adaptés au projet. Des diamètres allant jusqu'à 36 mm sont courants. Le filet est suspendu maille à maille, sur le câble porteur, par des manilles droites ou lyres de haute résistance adaptées à la résistance individuelle de chaque maille ;

− en général, des câbles de soutien intermédiaire, destinés à soulager la portée du câble porteur principal et à assurer une deuxième ligne de sécurité, plus reculée par rapport au front, sont installés en quinconce. Les ancrages et les câbles sont identiques à ceux du système porteur principal.

La nappe peut être composée de différents types de filets, avec différents types de torons, différents types de fils en différentes nuances d'acier, différents types de tissage ou d'assemblage, etc. Les principaux types de produits que proposent les industriels pour l'application protection contre les éboulements sont : − les filets à anneaux à 6 contacts (produits analogues aux anciens ASM) avec

des mailles de 350 à 420 mm pour des torons qui peuvent atteindre le diamètre de 16 mm avec des sections de fils très variables selon le fabricant ;

− les filets à anneaux à 4 contacts qui comportent le même type d'anneaux que les filets à 6 contacts ;

− les filets à câble en maille losange, souvent de 200×200 mm et en diamètre de 7 à 12 mm. Différents types de liaisons spécifiques permettent la tenue des câbles aux jonctions. Les modules sont produits avec des câbles de ceinture pour permettre à la fois la tenue du tissage et les liaisons inter-modules ;

− les filets tricotés à maille en 8, qui sont actuellement la spécificité d'un fabricant français, avec des câbles dont les diamètres courants sont de 12 et 16 mm. Sur fabrication spéciale, des diamètres inférieurs (Ø 7 et 9 mm) ou supérieurs (Ø 20 mm) sont possibles.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 47

L'assemblage des modules, découpés à une dimension qui permet le transport et le levage, destiné à reconstituer une nappe continue et de dimension adaptée au site, se fait maille à maille à l'aide de manilles dont la résistance est adaptée à la résistance individuelle de chaque maille. Afin de filtrer les éléments de petite taille qui pourraient passer au travers des mailles des filets, une nappe de grillage est mise en place. En général, une première couche de grillage est disposée sur la paroi, après réalisation d'une purge, pour permettre aux équipes de travailler en sécurité et pour faciliter la mise en place des filets (rôle de " lubrifiant " du grillage). Intervient ensuite la pose des filets, puis, à nouveau, la pose d'une seconde nappe de grillage qui, elle, jouera le rôle de filtre lors d'un événement majeur, alors que la première nappe, au contact de la paroi, aura certainement été arrachée par les gros éboulis. En plus du critère technique qui reste prépondérant, le choix du filet à poser se fait, bien souvent, en fonction de critères économiques. Il y a en effet une forte variabilité des prix de fourniture, et indirectement de pose, selon le produit considéré. Par exemple, un critère tel que la masse par unité de surface a une influence directe sur la dimension des modules transportables par hélicoptère, donc sur le nombre de liaisons nécessaires pour reconstituer des nappes de grande taille, donc sur le nombre de manilles à mettre en place, donc sur le temps passé par les équipes en paroi, etc. Concernant la protection anti-corrosion des filets, des matériaux galvanisés sont maintenant proposés par les différents fabricants, ce qui n'était pas le cas lors de l'utilisation des filets ASM de récupération. Le dispositif de limitation de l'élasticité de la nappe consiste à rependre une partie de la charge de la nappe, à différents niveaux, par un câble de suspension muni de câblettes rayonnantes. La nappe principale est reprise et soulagée ainsi environ tous les 30 m. Le câble principal, de 22 mm de diamètre en général, est amarré sur son ancrage spécifique en tête de paroi. Les câblettes rayonnantes, qui permettent d'équilibrer les points de suspension, sont fixées sur le filet. Toutes les liaisons se font par des manilles. Le dispositif de contrôle de sortie en pied de nappe a pour objectif de maintenir le filet au plus près de la paroi en cas d'éboulement, tout en le laissant librement coulisser dans le plan vertical sous l'effet de l'allongement dû à l'élasticité. Cette disposition permet d'éviter la formation de poches et de libérer les éléments rocheux sans surcharge excessive de l'ouvrage. Le contrôle de nappe est assuré par un câble vertical, généralement Ø16 mm ou Ø12 mm si l'on veut le rendre fusible, sur lequel coulisse un anneau du pied de nappe, dont la longueur est adaptée à l'élongation attendue du filet sous charge et qui est fixé de part et d'autre sur des ancrages. L'espacement horizontal entre chaque dispositif peut être fixé à 5 m ou adapté en fonction des configurations locales. Par exemple, pour un chantier à la Réunion, avec des hauteurs de falaises qui atteignent 200 m et des blocs dimensionnants de 50 tonnes, le matériel utilisé était le suivant :

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 48

− câble porteur principal de la nappe :

• diamètre de 34 mm,

• portée de 15 m,

• amarrage sur ancrages Ø40 mm (tous les ancrages sont de nuance FeE500) ;

− câbles de soutien intermédiaires (brin simple) :

• diamètre de 26 mm,

• longueur de 4 m (en retrait arrière),

• espacement horizontal de 3 m,

• amarrage sur ancrages Ø32 mm ; − dispositif de limitation de l'élasticité :

• câble primaire de diamètre 22 mm,

• une longueur de 30 m, 60 m, 90, 120, 150 et 180 pour chaque profil (jusqu'à concurrence de la hauteur totale de la falaise moins 30 m au maximum),

• amarrage de chaque suspente sur un ancrage Ø32 mm individuel,

• espacement entre profils : 2 m,

• câbles rayonnants (« pieuvre ») au nombre de 5 et en câble Ø16 mm ; − dispositif de contrôle de sortie en pied de nappe :

• câble de guidage de diamètre 16 mm,

• longueur de guidage : de 4 à 10 m en fonction de la hauteur totale de la nappe pendue (donc filet arrêté entre 4 et 10 m du sol au moins),

• amarrage sur ancrages hauts et bas Ø32 mm,

• espacement horizontal du guidage : 10 m (adapté localement). 5.5. Pathologies Depuis l'apparition des galvanisations riches (galvanisation alumino-zinguée avec mischmetal), soit environ depuis une vingtaine d'années, il n'y a pas eu de corrosion observée sur les grillages de ce type posés en milieu naturel. Il n'en va pas de même pour certaines générations de grillages galvanisés « classiques » pour lesquels des corrosions accélérées ont pu être observées sur des durées de quelques années, notamment dans des zones exposées à de fortes projections de saumure de dégivrage hivernal ou d'embruns marins, où des éléments de nappes ont été complètement oxydés en l'espace de 5 ou 6 ans. Concernant les filets pendus, les plus anciens sont constitués de filets ASM de récupération qui, livrés sur le chantier, comportaient déjà des points d'attaque ponctuels par la rouille du fait de leur séjour antérieur en zone portuaire ou côtière. Depuis leur pose (une dizaine d'années), il n'y a pas eu d'évolution notable de la corrosion. Le plus souvent, une protection par graisse consistante

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 49

avait été appliquée sur ces filets pour les préserver de la rouille. Une fois posés en paroi, même après dégraissage partiel, ces éléments ne montrent pas d'évolution. Pour les filets de fabrication récente, tels que ceux posés à l'île de La Réunion en 2006 et 2007, la protection des câbles et des fils constituant les anneaux est assurée par une galvanisation à chaud. Le recul est actuellement insuffisant pour connaître le comportement de ces matériaux exposés à des conditions tropicales et en milieu littoral. Qu'il s'agisse de grillages pendus ou de filets pendus, les pathologies fonctionnelles principales qui peuvent apparaître sont : − le déchirement local de la nappe, − la rupture de l'amarrage de tête. La rupture des dispositifs de placage, de suspension intermédiaire ou de placage / contrôle de sortie en pied de nappe, peut être considérée comme normale puisqu'il est préférable que ces éléments soient fusibles plutôt que de risquer de ruiner l'ensemble de l'ouvrage en cas de dépassement de la capacité. En fait, dans tous les cas observés, grillages et filets confondus, la rupture des amarrages de tête ne s'est jamais produite. Pour les grillages pendus, ce qui est observé le plus fréquemment reste le déchirement partiel de la nappe dû à une surcharge concentrée ou à la présence de blocs dépassant la capacité de l'ouvrage. La réparation de l'ouvrage est aisée pour les grillages pendus de type maille hexagonale double torsion. Après découpe éventuelle des surfaces trop atteintes, une pièce est positionnée puis ligaturée maille à maille. Pour les grillages pendus sur poteaux, le phénomène le plus courant est la perforation de la nappe lors de l'impact par une pierre trop fortement énergétique ou dont la trajectoire est trop frontale (normale) par rapport au plan moyen du grillage. Dans ce dernier cas, le grillage joue alors un rôle de barrière auquel il n'est pas destiné. Dans les filets pendus, aucune pathologie majeure n'est à déplorer sur les ouvrages en fonctionnement, même lorsqu'il y a eu dépassement notoire de la capacité escomptée (voir exemples précédemment cités), hormis la rupture d'ancrages de pied ou d'autres pièces fusibles.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 50

6. GALERIES ET CASQUETTES PARE-BLOCS

6.1. Introduction Comme pour toutes les défenses passives, les galeries pare-blocs sont dimensionnées à partir de l’évaluation de l’énergie (cinétique) d’un ou plusieurs blocs de projet selon leur masse et leur vitesse. La particularité de ces ouvrages de génie civil est qu’ils sont placés au plus près de l’enjeu à protéger en étant du coup moins tributaire de la géométrie de la trajectoire, cruciale par exemple pour les écrans de filets. En contrepartie, la galerie est de fait le dernier recours de l’infrastructure linéaire à protéger : route ou rail principalement. Les situations de calcul sont les suivantes : − avant : stabilité de la structure et de sa fondation, éventuellement sous séisme

(il s'agit de structures lourdes en site souvent difficile), − pendant : stabilité et résistance sous le choc, − après : stabilité avec le poids mort des éboulis qui s'accumulent. Différentes conceptions de galeries existent (Figure 24), mais toutes intègrent globalement une structure réceptrice (en général le toit de la galerie) et une structure porteuse qui peut être ouverte à l’aval (casquette) ou non (galerie). La principale différence concerne en fait surtout la structure réceptrice, selon qu’elle comprend ou non une couche amortissante, qui peut elle-même être composée de différents matériaux. Ensuite, ces ouvrages peuvent aussi jouer sur l’inclinaison notamment pour exploiter au maximum l’effet d’éjection du bloc (restitution d’énergie) ou au contraire pour le limiter (présence d’enjeux à l’aval).

Figure 24. Galerie (Val d’Arly - Savoie) et casquette (Champagny – Savoie)

6.2. Problématique La problématique principale est donc celle de l’impact d’un bloc rigide sur une structure éventuellement amortie mais globalement rigide. Ce thème général a fait l’objet de nombreux travaux de recherche, notamment pour des applications militaires avec des projectiles qui vont impacter des structures, certes en béton,

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 51

mais simples, et à des vitesses très élevées (jusqu’à plusieurs centaines de mètres par seconde (Shirai et al., 1997). Enfin, les structures sont souvent idéalisées ou dans une gamme d’échelle différente avec des dalles de petites dimensions (Ohno et al., 1992 ; Sawan et Abdel-Rohman, 1986), des blocs (Luo et al., 2000) ou des poutres (Ishikawa et al., 2002) pour des études spécifiques, concernant des phénomènes particuliers et à l’échelle de la zone d’impact. Pour autant, les phénomènes en jeu sont souvent très proches puisque, même dans la gamme de vitesse et d’énergie qui nous intéresse, l’impact du bloc reste initialement dynamique et ces travaux sont autant de sources connexes d’inspiration. En fait, le problème est totalement différent entre un cas où la galerie intègre une couche amortissante et un cas sans couche amortissante. Dans la première situation, l’objectif de cette couche amortissante est justement d’absorber la dynamique de l’impact pour ne retransmettre à la structure porteuse qu’un effort statique résultant (en plus du poids propre de cette couche) pour en permettre le dimensionnement réglementaire (Labiouse, 2001). Au contraire, dans le cas où la galerie n’intègre pas de couche amortissante, l’impact a lieu directement sur la structure, qui est sollicitée en dynamique et doit donc encaisser cette énergie. De la même manière que pour les écrans de filets, les expérimentations constituent ici aussi une base cruciale de compréhension des phénomènes en jeu. 6.3. Galerie avec couches amortissantes – Directive Suisse Cette catégorie « historique » (Figure 25) a sûrement fait l’objet des plus nombreux travaux et dispose d’un grand retour d’expérience. Ainsi, plusieurs approches existent pour obtenir de manière analytique l’effort agissant sur l’ouvrage de protection. Elles diffèrent essentiellement par la manière de prendre en compte le comportement du sol ou de la couche et de traiter l’aspect dynamique ou quasi-statique de l’impact. Au final, on obtient une dispersion relativement importante (Montani-Stoffel, 1998) quant à la force d’impact à prendre en compte suivant la formulation utilisée. En fait, il semblerait surtout que chacun utilise son propre modèle en fonction de ses habitudes et de son expérience. En parallèle, des études numériques ont été tentées, qui utilisent principalement la méthode des « éléments distincts » pour modéliser la couche amortissante et essayer de mieux évaluer la force d’impact (Masuya et Kajikawa, 1991). La modélisation par « éléments distincts » de la couverture est même parfois couplée à la modélisation par « éléments finis » de la structure elle-même (Nakata et al., 1997).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 52

Figure 25. Galerie avec couche amortissante en remblai

À ce jour, la démarche la plus complète et aboutie dans ce domaine est sûrement celle qui a été menée en Suisse et qui a débouché sur la Directive actuelle (OFROU, 1998) sur la base de travaux scientifiques menés à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Montani-Stoffel, 1998). Le sujet de l'étude était l'élaboration de projets de galeries de protection contre les chutes de pierres, remblayées par des matériaux amortissants. Le programme de recherche expérimentale a permis de mesurer la dissipation d'énergie cinétique dans les matériaux de remblai et les efforts dans la structure porteuse, d'interpréter les résultats de mesure et d'établir une justification théorique. Environ 80 séries d'essais (350 chutes) ont été réalisées dans une halle équipée d'un puits au fond duquel était placée une dalle recouverte d'un remblai, instrumentée pour mesurer les sollicitations dynamiques et les déformations du système bloc-remblai-dalle. Les paramètres variés étaient la masse du bloc d'impact (jusqu’à 1 tonne), sa hauteur de chute (jusqu’à 10 m), la nature du remblai et son épaisseur (Figure 26). Des séries d'essais complémentaires ont été réalisées directement sur le fond du puits pour contrôler l'influence de la rigidité du système, l'effet du compactage du remblai, ainsi que l'effet de l'inclinaison de l'angle d'impact. Pour ces essais, un dispositif permettant la rotation du bloc a également été mis en place. À partir de cet important travail expérimental, une formulation fondée sur la théorie des contacts de Hertz a été développée permettant d'exprimer la force de contact maximale lors de l'impact d'une sphère sur un milieu semi-infini. Étant donné que le remblai est d'une épaisseur finie et que le comportement du sol n'est pas purement élastique, des corrections tenant compte de ces phénomènes ont été apportées. À l'aide des essais inclinés, il a été possible de mettre en évidence l'influence de l'angle d'impact sur l'effort agissant sur la dalle de la galerie. Une formulation tenant compte des caractéristiques d'une chute de bloc et exprimant l'effort agissant sur la dalle a ainsi été obtenue.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 53

Figure 26. Dispositif expérimental de l’EPFL

La directive suisse actuelle (OFROU, 1998) a été élaborée sur cette base et selon le schéma général suivant :

Action dynamique : diamètre, masse, vitesse du bloc

Ouvrage : géométrie, épaisseur et nature de la couverture

Effort statique équivalent en surface : Fa

Enfoncement maximal : d

Effort statique équivalent sur la structure : Fi

Dimensionnement de la structure

À partir des caractéristiques du bloc incident et de la couche réceptrice, il s’agit donc d’évaluer l’effort statique équivalent (ainsi que sa répartition) tel qu’il s’applique à la structure rigide elle-même, qui peut ensuite être dimensionnée de manière réglementaire à partir des textes en vigueur. Deux vérifications sont imposées : chute de bloc « normale » (type ELS), et chute de bloc « accidentelle » d'énergie supérieure (type ELU). Remarquons que, suivant cette directive, l'épaisseur e de couverture doit vérifier :

e ≥ max {50 cm ; d + 3 Dmax ; 2d}

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 54

où : - e l’épaisseur de couverture (en cm), - d est l'enfoncement maximum du bloc (en cm), - Dmax est la dimension maximale des particules du sol de la couverture (en cm).

Par ailleurs, l'enfoncement d est donné par la formule (bloc de masse m et de vitesse v) :

d Fa = m v²

où : - d est l'enfoncement maximum du bloc (en cm), - Fa est la force d’impact du bloc (en N), - m est la masse du bloc (en kg), - v est la vitesse d’impact du bloc (en m/s).

Cette formule correspond au cas d'une raideur du sol proportionnelle à l'enfoncement. Pour un impact donné, la force pseudo-statique en surface Fa est fonction de l'épaisseur et des propriétés du sol (module élastique et angle de frottement), avec l'hypothèse que la structure en béton reste parfaitement immobile. Bien entendu, le remblai de sol (non compacté !) n’est pas le seul moyen amortissant possible et on peut également citer l’utilisation de composites (« Pneusol », « Pneurésil », etc.). Par exemple, pour la protection du toit de la station d’épuration du Cap Sicié à la Seyne-sur-Mer, avec comme spécification un bloc de 7 t à 35 m/s, la couverture comporte jusqu'à sept couches de pneus sous 0,5 m de sol de granulométrie de type 0/100 mm. 6.4. Galerie sans couche amortissante – Ouvrages PSD Si son avantage est de s’affranchir au maximum des délicats aspects dynamiques, l’approche classique précédente présente aussi un certain nombre d’inconvénients, dont le principal est le poids propre très élevé de la structure alors que celle-ci est souvent fondée dans des zones délicates (les zones propices aux chutes de blocs sont rarement propices à la construction de structures…). Par ailleurs, l’évacuation des blocs tombés, la remise en place de la couche amortissante (pour maintenir ses caractéristiques) et d’éventuelles réparations présentent des difficultés importantes. Dans le même temps, la demande d’une sécurité accrue sur les routes pour assurer le maintien d’axes de transit nécessite de réaliser de nombreux ouvrages de protection qui doivent être conçus pour assurer cette fonction au meilleur coût. Depuis quelques années, le bureau d’études Tonello Ingénieur Conseil a ainsi proposé un nouveau type de galeries pare-blocs dont l’objectif est d’optimiser l’utilisation des matériaux pour concevoir effectivement un ouvrage en dynamique. Ce nouveau type de galeries dites « Pare-blocs Structurellement

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 55

Dissipants » (PSD) s’inscrit dans une démarche « moderne » semi-probabiliste de « l’endommagement tolérable » (Tonello, 2001). Le principe général de ces ouvrages repose sur l’élimination de la couche amortissante et la sollicitation directe de la dalle souple. L’énergie transmise par le bloc est ainsi dissipée par la mise en mouvement de la dalle, la déformation des matériaux et la fissuration du béton. Dans le cas d’un choc en rive (dont l'éventualité n’est pas toujours correctement prise en compte pour les ouvrages classiques), des dispositifs fusibles permettent d’isoler la dalle de sa structure porteuse et de ses fondations pour les ménager. L’intérêt de ce type d’ouvrages est d’optimiser le compromis entre la probabilité de l’aléa et le niveau de protection. En cas d’endommagement, des réparations sont envisageables : remplacement de fusibles ou même réparation de la dalle. Pour les chocs ayant un niveau d’énergie dit « courant » (impact de plus forte occurrence), la dalle se déforme uniquement dans son domaine « élastique » et ne subit aucun endommagement significatif (légère fissuration du béton mais pas de plastification des armatures). Aucune intervention de maintenance n’est donc nécessaire après cette catégorie d’impact. Sur les ouvrages construits, une couche de béton d'impact d'une douzaine de centimètres permet de conserver l'intégrité de la structure pour les petits chocs. Le premier ouvrage de ce type a ainsi été construit à la fin des années 1990 sous l’impulsion de la DDE de Savoie au lieu-dit les Essariaux dans les Gorges de l’Arly entre Albertville et Megève (Figure 27). Le concept a également été décliné de différentes manières, par exemple pour prendre en compte des énergies plus élevées ou des risques d’éboulement en masse (avec la nécessité de jouer un rôle d’exutoire pour évacuer le matériau au fur et à mesure) avec une dalle inclinée ou pour dégager l’horizon avec une structure porteuse en console. La gamme d’énergie envisagée pour ce type d’ouvrage peut atteindre 17 mégajoules (étude initiale de la galerie de Poniente dans les gorges de l'Arly).

Figure 27. Galerie PSD des Essariaux – Val d’Arly, Savoie.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 56

Les fusibles métalliques (Figure 28) sont les éléments les plus caractéristiques de ces ouvrages proposés par Tonello Ingénieur Conseil : toujours dans l’optique d’optimiser la conception, ils sont simplement constitués d’un tube métallique soudé entre deux platines et fixé à la dalle. Sous forte compression, ces fusibles vont flamber et dissiper une partie de l’énergie du choc par flambement.

(a) (b)

Figure 28. (a) Fusibles PSD de la Galerie des Essariaux et (b) essai de compression sur un fusible

Les dimensionnements sont effectués conformément au BAEL, qui est la réglementation actuellement en vigueur. Le modèle utilisé par le bureau d’études Tonello IC représente l’impact du bloc sur la structure par système masse-ressort à un degré de liberté (Figure 29).

kd

M*

m vb

M* = masse équivalente de la dalle

m = masse du bloc vb = vitesse d’impact du bloc kd = raideur de la dalle suivant une loi

de comportement élasto-plastique

Figure 29. Modèle simplifié « masse-ressort »

Le choc est considéré comme parfaitement mou. Le bloc et la masse équivalente de la dalle ont donc même vitesse après choc et ne forment plus qu’un seul élément. En appliquant le théorème de la conservation de la quantité de mouvement et en calculant l’énergie cinétique avant et après le choc, on obtient l’équation suivante qui donne l’énergie cinétique Ecd de la dalle ; lors de la flexion de la dalle, cette énergie se transforme en énergie de déformation :

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 57

m

M1

1EE blocccd

*,

+

=

avec : ● Ecd = énergie cinétique de la dalle, ● Ec,bloc = énergie cinétique d’impact du bloc,

● m

M1

*+ = coefficient de réduction de l’énergie incidente par participation

massique de l’ouvrage (valeur limitée à une valeur de 10 par sécurité).

Lors d’un choc, la vitesse de la dalle est plus élevée au niveau du point d’impact que dans le reste de la structure. La masse équivalente de la dalle M* correspond à une masse ayant une énergie cinétique identique à la dalle et une vitesse égale en tout point à celle du point d’impact Vimp. Les déplacements de la dalle sont calculés en prenant comme hypothèse que les déformées statique et dynamique ont même allure :

( )dxdy

dt

yxdu

dt

duME

dalle

s

imp

cd

22

,

2

1*

2

1∫∫

=

= ρ

d’où ( )

∫∫=

dalle imp

s dxdyu

yxuM

2

2

,* ρ

avec : ● Ecd = énergie cinétique de la dalle, ● uimp = déplacement de la dalle au point d’impact, ● u(x,y) = déplacement de la dalle au point de coordonnées (x,y), ● ρs = masse surfacique de la dalle.

Les calculs de la déformée de la dalle en statique et de la période fondamentale sont effectués avec des outils classiques. Le poinçonnement de la dalle est pris en compte en comparant l’effort de contact Fc avec la résistance au poinçonnement donnée par le BAEL qui ne prend pas en compte les armatures d’effort tranchant. Fc est calculé en considérant un contact parfaitement plastique et un temps de contact égal au quart de la période fondamentale de la dalle. Durant l’impact, la variation de quantité de mouvement du bloc étant égale à l’impulsion, l’équation suivante est obtenue.

( )

4

T

vvmF

bbbc

'−=

avec : ● Fc = résistance au poinçonnement, ● vb = vitesse du bloc avant le choc, ● v’b = vitesse du bloc après le choc en considérant un choc mou (= vdalle), ● T = période fondamentale de la dalle.

L’application de cette méthode de calcul nécessite un savoir-faire et une expérience importante de l’ingénieur. La démarche de conception est itérative et

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 58

utilise un dimensionnement initial. De plus, le traitement de points particuliers tels que l’espacement et le soulèvement des appuis et la reprise de l’effort tangentiel lorsque la dalle est inclinée, requièrent une très bonne connaissance du fonctionnement de ce type d’ouvrage. Comme souvent en pareil cas, l’expérimentation et la modélisation se sont avérées nécessaires pour valider complètement ce nouveau principe. Les campagnes d’essais réalisées étaient directement liées à la construction de pare-blocs réels et répondaient chacune à des attentes spécifiques. Au total trois campagnes ont été effectuées de mai 2000 à mars 2003 sur un modèle à l’échelle 1/3 (dalle de 12 m×4,80 m×0,28 m) de la dalle du pare-blocs des Essariaux en Savoie (Figure 30). Ces essais ont constitué une base de données unique (Perrotin et al., 2002) sur le comportement de ces ouvrages, aussi bien du point de vue opérationnel (validation du principe) que du point de vue de la recherche pour la compréhension des phénomènes en jeu (Berthet-Rambaud, 2004 ; Delhomme, 2005). L’impact courant T1 à 67 kJ sur la structure a par exemple confirmé qu’aucune intervention de réparation n’était nécessaire à ce niveau, puisqu’il n’y avait aucune plastification des armatures et seulement une faible fissuration du béton en sous-face de dalle. En parallèle aux expérimentations menées et à leur interprétation, la modélisation numérique de ce type de situation présente plusieurs intérêts : pour elle-même, il s'agit déjà de mettre au point un modèle ambitieux capable de prendre en compte les différents aspects de ce problème complexe et notamment la dynamique de la sollicitation. Ensuite, une fois ce modèle jugé satisfaisant, il doit constituer un moyen pour compléter les mesures expérimentales en fournissant de nouvelles données. À ce titre, il doit notamment contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes en jeu et servir de base supplémentaire au développement de méthodes de dimensionnement. Une des premières difficultés avant d'aborder la simulation de tels problèmes est de choisir correctement les outils utilisés. Pour apporter une réponse dans un contexte d'ingénierie opérationnelle, le choix le plus évident est celui des « éléments finis » selon un schéma d'intégration en temps explicite pour traiter spécifiquement des aspects dynamiques transitoires de modèles non linéaires à nombreux degrés de liberté (Berthet-Rambaud, 2004). Une prévision numérique réaliste de la réponse structurelle d'une telle structure nécessite également un modèle géométrique tridimensionnel rigoureux des différents composants du système. Un autre intérêt est de pouvoir gérer effectivement plusieurs entités en interaction (le bloc et la dalle dans notre cas). L'analyse peut ainsi introduire la sollicitation de la même manière que dans la réalité avec un bloc qui vient impacter la dalle et pour lequel il suffit de gérer les conditions de contact (Figure 31).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 59

Bloc Essai statique

Essai Énergie (kJ) Masse

(kg) Hauteur

(m)

Point d’impact

Surface d’impact Avant test

Après test

T1 67 450 15 En travée centrée x = 6 m ; y = 2,40 m

Neuve - -

T5 134 455 30 En travée centrée x = 6 m ; y = 2,60 m

Endommagée après T1 (67 kJ)

S3 S5

Figure 30. Vue de la maquette et exemples d’essais

Figure 31. Bloc numérique impactant la dalle (vue de dessous)

Ensuite, pour une simulation optimale, il est nécessaire d'utiliser une représentation réaliste du comportement des matériaux sous chargements cycliques et dynamiques. En particulier pour le béton, ses propriétés doivent inclure certains phénomènes importants comme la diminution de la rigidité due à la fissuration, les effets de la refermeture de ces fissures et des déformations permanentes associées à l'endommagement. Sur cette base, des résultats tout à fait intéressants ont pu être obtenus (Berthet-Rambaud, 2004) : en particulier, les flèches maximales aux différents points de mesure peuvent être prédites de manière très satisfaisante à mieux que 1 mm

x y 4,80 m

12 m

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 60

près. L’intérêt est également de pouvoir suivre l’évolution du système dans le temps après l’impact, comme on peut le voir sur la figure 32 : comparaison au niveau de 2 capteurs LVDT, un proche de la zone d’impact (E) et un éloigné (I). LVDT E

-18

-12

-6

0

6

12

18

0.15 0.35 0.55 0.75

temps en s.

Dépla

cem

ent vertic

al en m

m

Exp

Num

-6

0

6

12

0.15 0.35 0.55 0.75

temps en s.

Dépla

cem

ent vertic

al en m

m

Exp

Num

Figure 32. Comparaison de l’évolution du déplacement vertical des points E (à gauche) et I (à droite), issue des mesures et du calcul

Bien sûr, ces outils permettent d’aller beaucoup plus loin qu’une approche simplement linéaire élastique. À titre anecdotique, un calcul uniquement élastique sous-évalue la flèche maximale de plus de 60 %, erreur qui "justifie" aussi l’emploi de ces moyens non-linéaires à vocation déterministe. Un travail spécifique de modélisation a été réalisé au LCPC (Zhang, 2006 ; Zhang et al., 2007) avec le développement d’un module du logiciel CESAR-LCPC calibré sur les expérimentations de dalles à échelle réduite conduites par Tonello IC et l’ESIGEC. Cette étude a mis en évidence la nécessité d’une analyse dynamique complète de l’interaction entre le bloc et la dalle. Le dimensionnement de la dalle au cisaillement est lié à la valeur maximale de la force de contact, qui dépend indépendamment de la vitesse du bloc et de sa masse. L’augmentation de la section des épingles a aussi été recommandée, pour diminuer le risque de rupture par poinçonnement. À partir de là, il s'agit donc d'exploiter ces différents moyens de manière coordonnée pour avancer efficacement sur ce problème des impacts sur dalle PSD. En particulier, le modèle numérique doit permettre d'affiner l'analyse de la percussion et d’apporter des informations intéressantes au plan énergétique. Cette base expérimentale et numérique doit servir à mettre au point des règles de conception et de dimensionnement performantes pour finalement contribuer à améliorer la protection vis-à-vis des chutes de blocs. Un groupe de l’AFGC (Association Française de Génie Civil ) est constitué pour formaliser et diffuser une doctrine sur le sujet.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 61

7. CONTREFORTS

7.1. Caractéristiques générales Les contreforts sont des ouvrages actifs généralement constitués de béton armé (Figure 33). Lorsque les efforts appliqués sur l'ouvrage comportent des composantes tangentielles (composantes autres que de compression simple), des ancrages passifs viennent renforcer la tenue de la structure. 7.2. Principe de fonctionnement Le rôle principal d'un contrefort est d'assurer une butée de pied pour la masse potentiellement instable qui présente en général un important déchaussement. L'ouvrage vient en sorte remplacer la masse minérale manquante qui a pu disparaître par érosion (dans le cas d’une alternance de bancs durs et de bancs tendres, par exemple), par effondrement ou même parfois par terrassement. La géométrie du front rocheux et de la zone d'assise, tout comme le mécanisme d'évolution de la masse instable, sont déterminants pour le positionnement et le dimensionnement de l'ouvrage. Les forces de compression, normales à l'axe principal du contrefort, susceptibles d'être développées lors de la mise en mouvement de la masse instable, vont être transmises directement aux fondations par l'intermédiaire de la structure bétonnée. Les autres forces, tangentielles, qui pourront avoir tendance à générer un moment induit dans l'ouvrage, seront contrôlées, pour l'essentiel, par des ancrages qui s'opposeront aux couples de renversement.

Figure 33. Contrefort dans des molasses.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 62

7.3. Capacité des ouvrages La capacité des contreforts en béton est étroitement liée à la géométrie de l'ouvrage et au contexte géomécanique global. Dans les cas simples où l'assise de fondation est réputée parfaitement stable et où le mécanisme d'évolution de la masse instable conduit à une compression simple de l'ouvrage, les performances en matière de résistance à la compression des bétons modernes n'imposent pas de véritables limites, tant que l'espace disponible permet de mettre en œuvre la quantité de matière nécessaire. On parle souvent, dans ce cas simple, de butons. Dans les cas plus complexes où les défaillances de fondation et le contrôle des moments induits sont confiés à des ancrages, le dimensionnement de ces armatures va alors devenir prépondérant. Dans les cas extrêmes, la masse de béton pourra avoir le rôle minime de liaison et de répartiteur d'efforts entre les différents ancrages. Toutes les situations intermédiaires sont bien entendu possibles.

Il est à signaler que, bien souvent et notamment en paroi, la géométrie du contrefort est fortement conditionnée par l'espace disponible sur site et par la qualité de l'assise. Tous les efforts qui ne peuvent pas être contrôlés par la structure en béton le sont par les structures métalliques. Le calcul de confortement, tel qu'appliqué pour le confortement par ancrage, peut alors devenir prépondérant.

Dans la littérature, il n'existe pas de réelles « recettes » de dimensionnement pour les contreforts soumis à des forces quelconques. La méthode décrite ci-après est utilisée au CETE de Lyon (L. Rochet, note interne CETE Lyon, 1990). La première étape est de déterminer l'effort F (point d'application, intensité, direction) transmis par la masse rocheuse déstabilisée (Figure 34).

Dans la mesure où la masse instable frotte sur une discontinuité ou un ensemble de discontinuités, la force F est évaluée en faisant le bilan des efforts exercés sur la masse et en déterminant une « demande » d'effort résistant supplémentaire, de manière analogue au dimensionnement d'un confortement par ancrage. Dans l'exemple simple d'un glissement plan (figure 34), la force Ra appliquée au contrefort correspond à la force motrice moins la force résistante ; elle a la direction du plan de glissement. Si W est le poids du bloc et α le pendage du plan de glissement :

Ra = W sinα – W cosα tanϕ

en supposant la discontinuité uniquement frottante (angle ϕ).

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 63

Figure 34. Détermination graphique des efforts s’appliquant à un bloc reposant sur une discontinuité d’angle α (pour le cas d’un glissement plan)

Donc, à l'équilibre-limite, moyennant la prise en compte d'un coefficient de sécurité Fs pris sur le mécanisme de glissement, l'ouvrage devra être en mesure d'opposer une réaction F donnée par la formule suivante :

F = W(Fs sinα – cosα tanϕ).

Le dimensionnement d'un contrefort ancré par ancrages passifs peut alors être effectué comme dans l'exemple suivant (Figure 35). À l'équilibre-limite, le contrefort est soumis à son poids P, à l'effort F et à deux réactions R1 et R2. Il faut noter que la seconde peut être dirigée vers l'extérieur ou vers l'intérieur du massif suivant les cas, et mobiliser ou non le frottement béton/rocher.

R2

R2t

R2n

R1 R1z

R1x

Figure 35. Dimensionnement d’un contrefort et de ses ancrages passifs par identification des efforts

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 64

Hypothèse Le dimensionnement des ancrages doit permettre de supprimer le moment de renversement sur la base (effort R1 appliqué en O) : pas d'encastrement de la fondation. Mise en équation Trois équations d'équilibre (calcul dans un plan vertical) : Σ forces = 0 Σ moments/O = 0 Inconnues : les réactions R1n, R1t, R2n, R2t, ainsi que la position de l'ancrage (point A). On choisit l'implantation (point A) et le dimensionnement (qui contrôle R2) des ancrages de sorte que les conditions de non-glissement sur le sol de fondation et de non-poinçonnement soient vérifiées (justification suivant l'eurocode 7).

Le ferraillage du béton pourra, dans les ouvrages d'importance, être optimisé sur la base des eurocodes. Dans les ouvrages plus modestes, la grande majorité des cas, un ferraillage-type est généralement appliqué. Pour les ouvrages coffrés dans lesquels le béton est coulé par gravité ou pompage, des cages métalliques composées d'armatures HA Ø12 mm en treillis soudé de 100×100 mm renforcent toute la périphérie du contrefort. Pour les ouvrages construits par projection du béton, les mêmes armatures sont disposées parallèlement au fond de l'ouvrage, en couches successives, liaisonnées entre elles et positionnées à l'avancement en fonction des couches de projection.

Le drainage de l'ouvrage peut être indifféremment réalisé avant la mise en place du béton ou après, au travers de réservations.

7.4. Pathologies Les pathologies observées sur les contreforts béton sont rares si l'ouvrage a été dimensionné et réalisé correctement. Les éclatements de béton ou les mises à nu des armatures résultent souvent de défauts de mise en œuvre. Les réparations à entreprendre, hors défaut de dimensionnement, sont alors identiques à ce qui se fait classiquement sur tout ouvrage en béton.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 65

8. ANCRAGES PASSIFS

Un ancrage passif est une barre métallique insérée dans un forage traversant la surface de rupture potentielle, et rendue solidaire du rocher sur toute sa longueur (le plus souvent au moyen d'un coulis de ciment). Son objectif est de renforcer la résistance au cisaillement d'une discontinuité rocheuse, plus rarement de créer une résistance à la traction normale à la discontinuité (cas fréquent en travaux souterrains). L'implantation et le dimensionnement d'un ancrage passif utilisent les éléments de départ fournis par l'étude géologique et structurale de la paroi et du massif rocheux : détermination des principales discontinuités, du volume rocheux instable et du mécanisme de rupture (glissement plan, glissement de dièdre sur deux plans, basculement, etc.). Les situations de calcul : − avant déstabilisation : sans objet, puisque la barre n'est pas sollicitée tant qu'il

n'y a pas déplacement de la masse rocheuse ; en paroi naturelle, a priori stable au moment de la mise en place de l'ancrage, cette situation peut évidemment durer longtemps ;

− après amorce de mouvement de la masse rocheuse : c'est ce mouvement (qui peut être quasi-immédiat dans le cas d'un déblai, à la différence de la paroi naturelle) qui permet de mobiliser la barre et d'atteindre en principe un nouvel état d'équilibre ; on a donc à vérifier le degré de stabilité de la masse rocheuse armée, éventuellement avec séisme.

Classiquement, on évalue la résistance au cisaillement de la discontinuité renforcée sous la forme suivante :

( ) ( ) bCUNcAT +δ+ϕ−+= tanmax

avec : Tmax : effort tangentiel maximal, N : effort normal, U : résultante des pressions d'eau dans la discontinuité, c : cohésion de la discontinuité naturelle, ϕ : angle de frottement de la discontinuité naturelle, δ : angle de dilatance de la discontinuité naturelle, A : aire de la discontinuité, Cb : contribution de l'ancrage passif. Remarque : Il est souvent moins onéreux de supprimer les forces hydrauliques U par un drainage adapté que de surdimensionner les ancrages pour reprendre ces charges, par ailleurs difficiles à quantifier. Bien que la stabilisation des parois rocheuses fasse couramment appel au renforcement par barres passives, le comportement de ces barres sous l’effet du cisaillement des discontinuités est encore imparfaitement connu et le

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 66

dimensionnement des ancrages repose sur différentes schématisations dont aucune ne fait l’objet d’un consensus véritable. Les pathologies observées sont diverses : rupture de la barre (due à une erreur de dimensionnement ou d'implantation), insuffisance de scellement (due à un défaut de mise en œuvre) et glissement de la barre dans le trou de forage, corrosion de la barre. 8.1. Les études expérimentales Les études expérimentales sur modèles réduits et les développements de modèles théoriques ont été nombreux depuis une vingtaine d’années, mais les essais en vraie grandeur sont assez rares. C'est pourquoi une boîte de cisaillement permettant d’effectuer des essais en vraie grandeur a été conçue et réalisée au Laboratoire des Ponts et Chaussées de Lyon (Figure 36).

Figure 36. Boîte de cisaillement du Laboratoire des Ponts et Chaussées de Lyon

Ces études expérimentales révèlent la complexité du comportement des barres selon leur orientation par rapport à la discontinuité, l'ouverture et la dilatance de celle-ci, la résistance de la roche, la raideur de la barre, etc. (Bidaut et al., 2006). La barre est sollicitée en traction, en flexion et en effort tranchant. La figure 37 montre à titre d'exemple deux modes de rupture dans le cas d'une barre disposée orthogonalement à une discontinuité non dilatante : − rocher raide et résistant, barre de petit diamètre : la rupture se fait par

cisaillement de la barre au droit de la discontinuité ; − rocher déformable (craie, par exemple), barre de gros diamètre : deux rotules

plastiques se forment de part et d'autre de la discontinuité, puis la rupture se fait en traction au droit de celle-ci, au milieu de la « manivelle » formée.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 67

La figure 38 présente plusieurs courbes effort / déplacement obtenues sur la machine du LRPC de Lyon, pour des barres inclinées d'un angle α sur le plan de discontinuité (α = 90 degrés pour une barre orthogonale ; α < 90 degrés pour une barre inclinée dans le sens du mouvement ; α > 90 degrés pour une barre inclinée à contre sens).

T N

rotules

plastiques

α = 90°

position initiale positions déformées

Figure 37. Deux schémas de déformation et de rupture d'un ancrage passif

Figure 38. Exemple de courbes effort-déformation d'une discontinuité renforcée - Limite élastique de la barre en traction : Re ~ 25 000 daN

Un des résultats importants apportés par ces essais est la variabilité des déplacements correspondant à la contribution maximale. Si celle-ci subit une décroissance relativement modeste lorsque l'on passe d'une inclinaison « favorable » de 45 degrés à une barre verticale, voire à une barre à contre-sens,

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 68

les déplacements à la rupture augmentent quant à eux considérablement. Il en résulte une non-additivité des contributions : les courbes de la figure 38 montrent par exemple que, à déplacement tangentiel donné, les efforts mobilisés sont très différents suivant l'inclinaison de la barre et il n'est donc pas licite d'additionner leurs contributions maximales. La figure 39 montre même que, au début du déplacement, la contribution d'une barre à contre-sens peut être négative (tendance au décollement).

0 20 40 60 80 100

-200

-100

0

100

200

300

Diamètre 25 mm - Inclinaison 120°

Cb (kN)

U (mm)

Cb

(kN

)

degrés

Figure 39. Courbe complète effort-déplacement dans le cas d'une barre à contre-sens

8.2. Méthodes de dimensionnement Rappelons que l’armature a un double rôle :

● effet direct de la résistance de la barre, qui s’oppose au mouvement tangentiel,

● effet indirect de surcroît de résistance au cisaillement ∆N tan ϕ du joint rocheux dû à l’augmentation d’effort normal ∆N.

Le Laboratoire des Ponts et Chaussées de Lyon utilise couramment une méthode de calcul simplifiée pour déterminer la contribution d’une barre passive (y compris coefficient de sécurité sur l’acier), dans le cas d’une discontinuité non dilatante ou peu dilatante :

− si l’angle α est inférieur à 75 degrés environ, c’est-à-dire si l’inclinaison par rapport à la normale au plan de glissement potentiel est supérieure à 15 degrés, dans le sens du glissement, la contribution prise en compte est égale aux deux-tiers de la limite élastique en traction Re de la barre d’ancrage ;

− si l’inclinaison est moins favorable, la contribution de la barre est prise égale à la moitié de la limite élastique Re de la barre.

− dans la seconde configuration, si la discontinuité est fortement dilatante, ou si la roche est peu résistante, la valeur 2/3 Re peut être utilisée.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 69

On remarquera, au vu des résultats expérimentaux de la figure 38, que ce dimensionnement autorise dans certains cas une plastification de la barre. Si les conditions permettent d’affiner le dimensionnement (cas d’un talus de déblai, de discontinuités planes et régulières, etc.), on peut tenter un calcul plus précis, tenant compte en particulier de l’angle de frottement du joint rocheux. La méthode proposée par Panet (1987), applicable pour une inclinaison α au plus égale à 90 degrés, est fondée sur un calcul du seuil de plasticité de la barre soumise à une traction axiale et à un effort tranchant au niveau de la discontinuité. La méthode fournit une valeur de contribution Cb qui prend en compte les paramètres α, δ, Re et ϕ. Les essais effectués au LRPC de Lyon ont montré que l’emploi de cette méthode conduit à des coefficients de sécurité par rapport à la résistance ultime qui sont variables, un peu supérieurs à 2 pour des barres verticales, mais plus faibles lorsque la barre est inclinée (1,2 pour α = 45 degrés), ceci en raison de la ductilité très variable du système, comme on le voit sur la figure 38). En fait, pour des angles α élevés (et a fortiori pour les barres à contre-sens), la réorientation de la barre lors du cisaillement vient modifier localement l’inclinaison de celle-ci et le calcul est alors pris en défaut. Dans la méthode de Panet, on considère que la réaction R des actions s’exerçant sur la barre au niveau de la discontinuité fait un angle β avec la direction de la barre (Figure 40). La contribution de la barre Cb à la résistance au cisaillement (au moment de la plastification de la barre au droit de la discontinuité) est donnée par la formule de la figure 40.

( ) ( )[ ]β+θ+ϕβ+θ

+

+

= sintancos

4

m1

16

m1

RC2

2

eb

avec : Re : limite élastique de la barre en

traction ; m = 4 tan β = cotan (θ + δ) δ : angle de dilatance ; θ = π/2 - α : inclinaison de l’ancrage par

rapport à la normale au plan de glissement.

Figure 40. Méthode graphique pour le calcul des ancrages (Panet, 1987)

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 70

On observe que :

► si θ est faible (barre proche de la normale au plan de discontinuité), alors Cb / Re est compris entre 0,5 et 0,8 ;

► si θ ≥ 45 degrés (barre inclinée dans le bon sens), alors Cb / Re est supérieur à 0,9.

Remarque : Dans le cas d'une rupture « en manivelle » (Figure 37), la plastification initiale ne se fait pas au droit du plan de cisaillement, mais à une distance lo de part et d'autre de ce plan ; la contribution Cb calculée par les formules ci-dessus correspond à la plastification ultérieure en traction au droit du plan (mais, dans ce cas, l'angle α a changé !). La méthode de Panet (1987) permet un dimensionnement assez fin, mais le choix d’un angle de dilatance δ reste délicat ; il est suggéré d'utiliser une valeur raisonnablement basse. Certains auteurs comme Spang and Egger (1990) ont proposé des formules empiriques fournissant la contribution ultime et prenant en compte, outre les paramètres α, δ et ϕ la résistance en traction Ru de la barre et la résistance en compression uniaxiale σc de la roche. Les ancrages passifs ne sont pas utilisés lorsque l’on veut éviter tout déplacement, car la mobilisation de l’effort résistant suppose un certain glissement le long de la discontinuité renforcée. Lorsqu’un déplacement avant rupture est acceptable, celui-ci doit tout de même rester d’amplitude raisonnable, dans une perspective d’état-limite de service (ELS) par exemple. De plus, un glissement excessif le long de la discontinuité armée risque de détruire le coulis d’injection, donc de favoriser la pénétration de l’eau et la corrosion des armatures. C’est pourquoi on ne peut en général tolérer un déplacement trop important. Considérons, à titre d’exemple, la contribution mobilisée pour un déplacement tangentiel de 10 mm (Figure 38) : hormis les cas d’inclinaison dans le sens du mouvement, cette contribution est sensiblement inférieure à la contribution ultime ; elle est même négligeable pour une inclinaison à contre-sens. Il faut insister sur la grande variabilité des valeurs du déplacement tangentiel à la rupture, allant de 10 à 100 mm suivant les essais réalisés. Ceci a plusieurs conséquences :

● si l’on veut limiter les déplacements, il faut utiliser des barres inclinées dans le sens du mouvement ;

● si l’on ne peut éviter la coexistence de barres d’inclinaisons différentes pour renforcer une même masse rocheuse, il faut être très prudent pour ce qui concerne l’additivité des contributions ultimes individuelles ; par exemple, de deux barres dont l’inclinaison diffère de 10 degrés, l’une peut être mobilisée à 100 % de sa capacité maximale alors que l’autre ne l’est qu’à 60 % ;

● si l’on veut que la contribution de la barre s’ajoute effectivement à celle du frottement sur la discontinuité, il faut là aussi que l’addition soit possible, et

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il faut donc prendre en compte une valeur de frottement ϕ et une contribution Cb compatibles, c’est-à-dire correspondant à une même valeur de déplacement ut (un déplacement mobilisant significativement la barre suppose un déplacement relatif des épontes et donc entraîne une suppression de la cohésion éventuelle du joint).

Ces considérations relativisent le problème de l’évaluation précise de la contribution, la dispersion des estimations apportées par les diverses méthodes de calcul étant occultée par l’importance du paramètre « déplacement à la rupture ». Deux autres éléments sont à prendre en compte dans le dimensionnement : − la corrosion de l'acier, par le biais d'une épaisseur sacrifiée ; − la longueur d'ancrage dans le massif sain, au minimum 50 à 70 fois le

diamètre de la barre (norme XP 94-444, AFNOR, 2002). Pour une vérification sous séisme, on ne dispose guère de méthode autre que pseudo-statique : l'effort sismique « équivalent » s'ajoute au poids dans l'équilibre du bloc et conduit à une rotation apparente de la pesanteur. Au LRPC de Lyon, la pratique est de limiter le travail des barres à la limite élastique ; s'agissant d'une sollicitation de courte durée, on fait abstraction du coefficient de sécurité qui est pris sur les aciers dans le cadre d'une charge permanente. Les calculs sont menés par une approche pseudo-statique conforme aux règles de construction parasismique de la norme NF P 06-013 (AFNOR, 1995).

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9. FILETS ET GRILLAGES PLAQUÉS

9.1. Caractéristiques générales

Les grillages et les filets plaqués, tout comme leurs homologues pendus, sont des ouvrages constitués d'une nappe souple, généralement métallique, de treillis de fils ou de câbles, positionnés sur les masses ou sur les zones à contrôler et maintenus fermement plaqués, généralement à l'aide d'ancrages et de liaisons par câbles. Ce sont des dispositifs de protection active puisqu'ils empêchent le déclenchement des éboulements ou, en fonction de l'élasticité résiduelle du dispositif, en limitent fortement l'ampleur. La première phase de l'étude de la parade est donc la détermination des dimensions et des masses des blocs instables. 9.2. Principe de fonctionnement

Qu'il s'agisse de grillages ou de filets plaqués, le principe de fonctionnement reste le même. La nappe métallique confine les blocs instables et les maintient en place. Il n'y a pas (ou peu) d'effet dynamique dans ce type d'ouvrage et les charges restent statiques ou quasi-statiques. La résistance mécanique globale de l'ouvrage va être conditionnée autant par la résistance intrinsèque du treillis que par la qualité du placage.

La mise en œuvre d'un grillage plaqué consiste généralement à disposer une nappe de grande dimensions (jusqu'à plusieurs milliers de mètres carrés), fixée en périphérie au moyen d'ancrages et de câbles, au travers de laquelle vont être réalisés des ancrages de confortement dont la maille sera adaptée à l'effet de confinement recherché et la résistance aux efforts à reprendre.

Les filets plaqués sont généralement des ouvrages de plus petites dimensions. Sauf cas exceptionnel, ils excèdent rarement une vingtaine de mètres carrés. Dans les tailles supérieures, l'effet de confinement est difficile à obtenir en raison de l'élasticité des modules. Des dispositifs complémentaires de placage et de verrouillage sont alors nécessaires. Les efforts auxquels sont soumis les filets sont, le plus souvent, reportés latéralement sur les ancrages périphériques, des ancrages ponctuels de blocs individualisés pouvant compléter le dispositif. 9.3. Capacité des ouvrages

9.3.1. Les grillages plaqués

Les grillages plaqués sont des ouvrages communément utilisés pour la stabilisation superficielle de parois rocheuses productrices d'éléments rocheux inférieurs à quelques décimètres cubes. L'objectif du placage étant d'éviter le départ des éléments instables ainsi que l'évolution régressive qui y est liée, on arrive, dans bien des cas, à réduire de manière significative le risque de désordres importants qui pourraient s'ensuivre.

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Bien que fondamental pour le contrôle de l'évolution de la paroi, le grillage a un rôle mécanique mineur puisqu'il se limite à maintenir en place les éléments de taille réduite alors que le confortement est assuré majoritairement par les ancrages réalisés dans la masse. Pour ce qui concerne les caractéristiques des grillages et les normes appliquées en matière de fabrication, il sera fait référence au chapitre « Filets et grillages pendus » car, quelle que soit l'application, les produits et les matériels sont les mêmes. En matière de grillage plaqué, il existe sur le marché, depuis quelques années seulement, des produits à haute capacité [grillage HPN1 (High Performance Netting) ou grillage Tecco2] qui se présentent sous la forme d'un maillage en forme de losange de 50 x 50 mm. Le grillage HPN, par exemple, est tissé avec un fil galvanisé de 4,6 mm de diamètre (résistance à la traction : 550 à 600 N/mm²). Sur demande, il est possible de tisser le grillage avec un fil revêtu d'une galvanisation alumino-zinguée. Ces produits sont le plus souvent utilisés pour le confinement superficiel de couvertures meubles, de type sols, mais ont été appliqués avec succès sur certains chantiers pour la stabilisation de massifs rocheux fortement fragmentés. Les grillages à haute capacité peuvent se positionner en intermédiaires entre les grillages et les filets plaqués, mais avec un coût qui est proche de celui des filets. L'avantage reste une discrétion, donc une intégration paysagère meilleure que celle des filets ainsi qu'une pose rendue plus aisée par le poids unitaire moindre. Comme les grillages classiques, ils permettent de couvrir de très grandes surfaces.

9.3.2. Les filets plaqués L'utilisation de filets plaqués pour la stabilisation de masses rocheuses de plusieurs mètres cubes est classique dans le domaine des protections contre les éboulements. Les matériaux et matériels utilisés sont les mêmes que ceux utilisés pour le guidage des éboulis (parades passives). Il sera donc fait référence au chapitre 5 « Filets et grillages pendus » pour tout ce qui concerne leurs caractéristiques. Comme pour les grillages, la capacité d'un filet plaqué va dépendre autant de la résistance intrinsèque des matériels et matériaux mis en place que de la qualité du placage, qui aura un rôle déterminant dans l'immobilisation des matériaux. La configuration géométrique de la paroi et le choix de la position des amarres périphériques du filet participent grandement à l'efficacité du dispositif. À partir des essais quasi-statiques de traction dans le plan menés sur les filets (Berthet-Rambaud et Guillemin, 2006) et qui ont permis de mettre en évidence le comportement de ces différents produits, notamment leur élasticité sous charge (Figure 21), il est aisé de choisir le produit qui apportera la meilleure réponse à l'effet souhaité :

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- la raideur extrême des filets à maille losangique (zone 1 de la figure 21) convient parfaitement pour un confinement maximal obtenu avec peu de déformation sous charge ;

- de par leur comportement intermédiaire, les filets à anneaux de type 6 contacts (zone 2 de la figure 21) vont nécessiter une mise en tension soignée pour obtenir le confinement des masses emmaillotées. En contrepartie, la géométrie spécifique de ce type de filets facilite l'enrobage des masses très irrégulières et permet aussi la multiplication des points d'amarrage potentiels, chaque groupe d'anneaux pouvant servir de support de fixation ;

- le comportement plus élastique des filets à anneaux de type 4 contacts (zone 3 de la figure 21) est beaucoup moins favorable à une utilisation en tant que filet de confinement, sauf si une mise en tension préalable du filet est possible.

Les dispositifs d'amarrage et de placage restent donc à adapter aux caractéristiques mécaniques du type de filet utilisé et à la configuration géométrique de la masse à stabiliser. 9.4. Composition des ouvrages

9.4.1. Les grillages plaqués Une nappe de grillage à plaquer sera préalablement pendue. Le grillage utilisé, la ligne d'amarrage de tête, le déroulage et la ligature des lés sont analogues à ce qui se fait pour une nappe pendue. Il sera donc fait référence au chapitre 5 « Filets et grillages pendus » pour tout ce qui concerne ces caractéristiques. La différence fondamentale entre une nappe pendue et une nappe plaquée va être le dispositif de placage. Outre les câbles intermédiaires qui pourront participer ponctuellement au maintien du grillage, ce sont les ancrages qui vont assurer ce rôle majeur. Lorsqu'il s'agit de limiter l'érosion de la surface rocheuse, sous l'effet de la gélifraction par exemple, une maille maximale de 2m×2m composée d'ancrages Ø 25 mm donne souvent de bons résultats. Avec une maille plus lâche, hors relief favorable, les éléments rocheux ne sont pas suffisamment maintenus en place et l'érosion se poursuit. Pour le dimensionnement des ancrages, il sera fait référence au paragraphe correspondant. La ligne de placage de pied, lorsqu'elle est nécessaire, est analogue à ce qui se fait pour une nappe pendue. Il sera également fait référence au chapitre 5 « Filets et grillages pendus » pour tout ce qui concerne ses caractéristiques.

9.4.2. Les filets plaqués Comme cela a été vu précédemment, chaque type de filet ayant des caractéristiques de déformation sous charge différentes, des adaptations

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spécifiques sont souvent nécessaires. Globalement, un filet à plaquer sera composé d'un ou plusieurs modules assemblés à l'aide de manilles ou de serre-câbles et d'un câble de rive (ou câble périphérique) sur lequel seront fixés les câbles assurant la liaison entre le filet et les ancrages périphériques. Le câble de rive est l'homologue de la ligne d'amarrage de tête d'une nappe pendu. La ligne d'amarrage périphérique sera positionnée en fonction du front potentiel de rupture et également en fonction de la morphologie locale en vue d'optimiser le placage de l'ouvrage. Elle comporte :

- des ancrages Ø 25, 28 ou 32 mm FeE500 sur une profondeur de 2 à 3 m (scellement au rocher) avec plaque de répartition de dimensions minimales 200×200 mm et écrou à rotule. Le positionnement des ancrages et leur diamètre reste spécifique à chaque projet, en fonction de la géométrie locale, du type de filet utilisé et des charges dimensionnantes prises en compte ;

- un câble de rive, qui devra également être adaptés au projet. Des diamètres de 16 à 32 mm sont courants. Le filet est généralement maintenu sur le câble porteur par surfilage au niveau de chaque maille. Il est possible également de liaisonner le filet maille à maille sur le câble de rive au moyen de manilles droites ou lyres de haute résistance adaptées à la résistance individuelle de chaque maille ;

- des liaisons entre le câble de rive et les ancrages. La liaison peut être assurée par une fixation directe du câble de rive sur l'ancrage avec, le cas échéant, adjonction d'un câble de pontage. Lorsque le point d'ancrage est éloigné du filet, une boucle de câble assure alors la liaison.

Le filet sera préalablement positionné sur la masse à conforter à l'aide de chevilles expansives et de ligatures provisoires. Cette procédure par étapes permet de réaliser les ancrages périphériques définitifs aux endroits les mieux adaptés. Le filet sera ensuite fixé puis mis en tension sur les points d'ancrages définitifs réalisés à sa périphérie. On réalisera enfin, le cas échéant, les ancrages de placage du filet qui auront également un rôle de confortement puis les ancrages de confortement de la masse elle-même.

La nature des filets utilisés en placage est identique à celle des filets pendus. Il sera donc fait référence au chapitre 5 pour tout ce qui concerne ses caractéristiques.

Afin de filtrer les éléments de petite taille qui pourraient passer au travers des mailles des filets, une nappe de grillage peut parfois être mise en place.

Tout comme pour les ouvrages pendus, en plus du critère technique qui reste prépondérant, le choix du filet à plaquer se fait également en fonction de critères économiques.

Concernant la protection anti-corrosion des filets, des matériaux galvanisés sont maintenant proposés par les différents fabricants, ce qui n'était pas le cas lors de l'utilisation des filets ASM de récupération.

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9.5. Pathologies En théorie, les pathologies fonctionnelles principales qui pourraient apparaître au niveau des grillages et filets plaqués sont les mêmes que celles qui peuvent apparaître sur les grillages ou filets pendus : − le déchirement local de la nappe − la rupture de l'amarrage périphérique.

En fait, aucun cas de rupture ou de déchirement n'a été observé sur des ouvrages de placage… Les pathologies liées à la corrosion et qui pourraient apparaître sur les grillages et les filets plaqués sont bien entendu les mêmes que celles qui peuvent affecter leurs homologues pendus. Il sera donc fait référence au chapitre 5 pour tout ce qui concerne ces caractéristiques.

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10. CONCLUSION

À partir de l'expérience des Laboratoires des Ponts et Chaussées et des publications nationales et internationales, les paragraphes précédents ont présenté un état de l'art relatif à la conception et au dimensionnement de sept dispositifs de protection contre les chutes de pierres et de blocs, parmi les plus employés. Il apparaît très clairement que les connaissances actuelles sur le comportement de la plupart de ces dispositifs sont encore fragmentaires. Pour les protections de type passif, le caractère dynamique de l'interaction entre bloc incident et ouvrage rend très délicate la modélisation et l'ingénieur ne dispose pas à l'heure actuelle de méthode simple de dimensionnement. Le cas des dispositifs de type actif est plus favorable, mais les diverses pratiques actuelles ne sont certainement pas optimales. Il y a donc encore du chemin à faire pour arriver à la mise au point d'un référentiel technique incluant aussi bien la détermination des « blocs de projet » que le dimensionnement de parades, avec prise en compte de coefficients de sécurité, dans une approche compatible avec les règles générales des eurocodes. Un certain nombre de travaux de recherche sont nécessaires pour progresser dans cette direction. S'agissant des dispositifs passifs, on peut citer en particulier :

- l'étude du comportement des écrans de filets et de leurs accessoires ; - l'étude du choc d'un bloc sur un merlon de terre, renforcée ou non ; - la dynamique d'un ouvrage rigide soumis à un impact.

La station d'essais de dispositifs de protection contre les chutes de blocs, située à Montagnole en Savoie, dont le projet a été porté par les Laboratoires des Ponts et Chaussées, est un outil majeur de recherche qui bénéficiera aussi des données recueillies lors des essais d'agrément des écrans de filets. Les résultats tirés de ces expérimentations permettront de valider les modélisations dynamiques et de mettre au point des méthodes simplifiées de dimensionnement. Les barres d'ancrage scellées au rocher ont fait l'objet de plusieurs travaux expérimentaux et théoriques ces dernières années. Il doit être possible de produire une synthèse à caractère opérationnel, notamment en complétant les études expérimentales de façon à tenir compte de l'ensemble des paramètres en présence. L'observation in situ du comportement des filets pendus devrait permettre de relier leur performance réelle aux essais sur éléments et ainsi de déboucher sur un dimensionnement raisonné.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 78

Il sera opportun que la communauté des praticiens, sans doute à l'invitation du Réseau Scientifique et Technique, se réunisse pour exploiter les résultats de ces recherches afin d'établir, à l'échelle nationale dans un premier temps, des documents techniques de référence traitant des parades contre les chutes de pierres et de blocs, domaine où leur absence se révèle de plus en plus gênante, pour des raisons techniques, économiques et juridiques.

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Dimensionnement des ouvrages de protection contre les éboulements rocheux 79

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Dépôt légal 1er trimestre 2010