epistemologia teoriei conspiratiei

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1 / 16 Cogmaster M2 Pierre Bonnier ENS – EHESS – Paris V [email protected] Ministage bibliographique Sous la direction de Gloria Origgi (IJN) Épistémologie des théories du complot À chaque catastrophe naturelle, à chaque décès d'une personnalité, à chaque attentat, circulent sur la toile des rumeurs, qui, preuves à l'appui, prétendent expliquer ces événements à la lumière d'une "théorie du complot". Que ce soit la NSA, la CIA, les Juifs ou les Illuminati, à chaque fois c'est un petit groupe d'individus bien identifié qui serait secrètement à l'oeuvre derrière les événements. Un des aspects les plus frappants de ces théories est sans doute le contraste entre la bonne volonté épistémique de leurs partisans et leur caractère pour le moins douteux ou fantaisiste. Pour tenter de rendre compte de ce phénomène, diverses approches disciplinaires sont possibles : historiques, sociologiques, anthropologiques, psychologiques, etc. Nous proposons de nous arrêter sur la question de leur épistémologie. Etudier les caractéristiques formelles des théories du complot peut en effet nous informer sur leur validité intrinsèque, mais c'est également un travail préparatoire indispensable pour comprendre la dynamique des biais cognitifs qui les accompagnent : ceux-ci sont très certainement à mettre en lien avec les caractéristiques épistémiques de ces théories. Aussi nous a t-il semblé pertinent d'étudier la littérature philosophique qui depuis la fin des années 1990 s'est proposée de prendre comme objet d'études les théories du complot en se demandant si celles-ci pouvaient être à rejeter prima facie – comme le voudrait la sagesse populaire 1 . Dans cette perspective, nous nous attacherons dans un premier temps à tenter de donner une définition à ces théories. Nous étudierons les arguments que les philosophes ont avancés pour tenter de les disqualifier, à la fois sur un plan logique et sur un plan plus 1 L'étiquette "théorie du complot" est même devenue une manière rhétorique de décrédibiliser une thèse adverse. Par exemple Tony Blair, alors qu'il était mis en difficulté par la commission Chilcot qui enquête sur les conditions du déclenchement de la guerre en Irak, a déclaré que les critiques à l'encontre de cette guerre relevaient d'une obsession pour les théories du complot (Groves, 2010).

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Page 1: Epistemologia teoriei conspiratiei

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Cogmaster M2 Pierre Bonnier ENS – EHESS – Paris V [email protected] Ministage bibliographique Sous la direction de Gloria Origgi (IJN)

Épistémologie des théories du complot À chaque catastrophe naturelle, à chaque décès d'une personnalité, à chaque attentat,

circulent sur la toile des rumeurs, qui, preuves à l'appui, prétendent expliquer ces événements

à la lumière d'une "théorie du complot". Que ce soit la NSA, la CIA, les Juifs ou les

Illuminati, à chaque fois c'est un petit groupe d'individus bien identifié qui serait secrètement

à l'oeuvre derrière les événements. Un des aspects les plus frappants de ces théories est sans

doute le contraste entre la bonne volonté épistémique de leurs partisans et leur caractère pour

le moins douteux ou fantaisiste. Pour tenter de rendre compte de ce phénomène, diverses

approches disciplinaires sont possibles : historiques, sociologiques, anthropologiques,

psychologiques, etc. Nous proposons de nous arrêter sur la question de leur épistémologie.

Etudier les caractéristiques formelles des théories du complot peut en effet nous informer sur

leur validité intrinsèque, mais c'est également un travail préparatoire indispensable pour

comprendre la dynamique des biais cognitifs qui les accompagnent : ceux-ci sont très

certainement à mettre en lien avec les caractéristiques épistémiques de ces théories. Aussi

nous a t-il semblé pertinent d'étudier la littérature philosophique qui depuis la fin des années

1990 s'est proposée de prendre comme objet d'études les théories du complot en se

demandant si celles-ci pouvaient être à rejeter prima facie – comme le voudrait la sagesse

populaire1.

Dans cette perspective, nous nous attacherons dans un premier temps à tenter de

donner une définition à ces théories. Nous étudierons les arguments que les philosophes ont

avancés pour tenter de les disqualifier, à la fois sur un plan logique et sur un plan plus

                                                        

1 L'étiquette "théorie du complot" est même devenue une manière rhétorique de décrédibiliser une thèse

adverse. Par exemple Tony Blair, alors qu'il était mis en difficulté par la commission Chilcot qui enquête sur les

conditions du déclenchement de la guerre en Irak, a déclaré que les critiques à l'encontre de cette guerre

relevaient d'une obsession pour les théories du complot (Groves, 2010). 

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pragmatique. Nous terminerons en examinant comment certains auteurs ont ensuite essayé de

mettre en lien ces arguments avec la psychologie cognitive.

1. Définition

Un des premiers philosophes à avoir tenté de définir ce qu'est une théorie du complot

est Brian Keeley en 1999 :

« [A conspiracy theory is] proposed explanation of some historical event (or

events) in terms of the significant causal agency of a relatively small group of

persons – the conspirators – acting in secret »

De nombreux autres auteurs ont commenté cette définition et/ou ont proposé la leur

(Bashman, 2001, 2003 ; Clark, 2002, 2007 ; Coady, 2003 ; Dentith, 2012 ; Levy, 2007 ;

Mandik, 2006 ; Pigden, 1995). Quatre caractéristiques fondamentales des théories du complot

font notamment consensus :

(1) Ce sont des « théories » : elles proposent une explication, autrement dit elles exposent

des causes permettant de rendre compte de phénomènes.

(2) Ces théories portent sur des évènements historiques, c’est-à-dire passés et particuliers.

Mandik (2007) écrit ainsi que ce sont des tokens et non des types.

(3) Ces théories se réfèrent à des états mentaux d’agents afin de rendre compte de ces

évènements. Ceux-ci sont donc présentés comme la conséquence d’actions

intentionnellement menées par un groupe de personnes.

(4) Ce groupe doit avoir la volonté de garder secrets ses intentions et ses agissements. Il a

donc la volonté explicite de tromper ceux qui ne font pas partie du complot, autrement

dit de "faire croire quelque chose qui n’est pas vrai".

Si ces quatre points permettent déjà de cerner de manière relativement précise la nature des

théories du complot, certains auteurs ont proposé d'ajouter d'autres aspects, mais qui restent

controversés :

(5) Le groupe désigné comme complotiste est constitué d’un nombre restreint de

personnes. Cette caractéristique introduite par Keeley (1999) est contestée par Coady

(2003) qui avance qu'une théorie du complot paranoïaque, c'est-à-dire qui implique

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quasiment l'ensemble de la population, est une théorie du complot "par excellence". Il

est vrai que rien n'interdit en soi cette possibilité. Tout ce que l'on peut dire c'est que

la probabilité qu'une théorie du complot soit vraie est inversement proportionnelle

avec le nombre de personnes impliquées qu'elle postule. De fait (et non de jure), la

plupart des théorie du complot postulent un groupe restreint de complotistes à

l'œuvre.

(6) Certains auteurs (Bashman, 2003 ; Coady, 2003 ; Levy, 2007) avancent que les

théories du complot se présentent comme des alternatives concurrentes à des

"versions officielles" ou des thèses communément admises (received views). Il est

vrai qu'il semble impropre de qualifier de théories du complot les complots dont

l'existence fait consensus aujourd'hui, comme l'Holocauste2 (Coady, 2003). Cette

restriction n'est peut-être qu'une question d'échelle temporelle. En effet, si l'on

suppose l'existence d'un complot au moins en partie réussi, alors on peut en déduire

que ce dernier a réussi, au moins dans un premier temps, à cacher le résultat de ses

actions. Autrement dit : les complotistes ont réussi pendant un certain temps à

tromper la version communément admise des faits. Ainsi, il est raisonnable de penser

que toute théorie d'un complot au moins en partie réussi doit dans un premier temps

affronter une version officielle avant de finir par s'imposer (ou non).

(7) D'autres auteurs (Pigden, 1995 ; Bashman, 2003) affirment par ailleurs que les

théories du complot font toujours l'hypothèse d'intentions malveillantes. De jure

pourtant, rien n'empêcherait que des complots bien intentionnés puissent exister. Mais

de facto, il n'existe pas à notre connaissance de théorie du complot qui postulerait un

groupe d'individus oeuvrant secrètement pour le bien de la population. Deux raisons

sans doute à cela. D'une part nous ne cherchons pas activement à démasquer ce type

de complot : il semble en effet que nous soyons plus enclins à chercher des causes aux

événements malheureux qui nous arrivent qu'à ceux qui sont heureux3. D'autre part,

les complots bienveillants doivent être très rares : garder secret ses actions est

                                                        2 Hannah Arendt (2000) raconte par exemple ne pas avoir entendu parler des camps avant 1943, et de n’avoir

commencé à y accorder crédit que six mois plus tard. 3 Voir à ce sujet la discussion ouverte par Dan Sperber à l'occasion d'un billet intitulé Why are human beings so

interested in explaining misfortune?! (http://www.cognitionandculture.net/home/blog/35-pascals-blog/821-why-

are-human-beings-so-interested-in-explaining-misfortune, consulté le 23 décembre 2013)

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coûteux, pourquoi dès lors se donner cette peine sinon parce que l'on sait que notre

action peut déplaire ?

Il serait sans doute trop téméraire de prétendre que ces quatre ou même sept caractéristiques

constituent les conditions nécessaires et suffisantes pour définir ce qu'est une théorie du

complot. Néanmoins ils ont l'avantage de cerner de manière relativement précise le

phénomène, et de fournir une base opératoire pour en discuter les enjeux.

2. Les théories du complot sont-elles épistémiquement valides ?

Les philosophes qui ont travaillé sur les théories du complot ont voulu examiner leur

nature épistémique afin de déterminer si celle-ci contiendrait des erreurs qui permettraient de

rejeter l'ensemble de ces théories de manière a priori. Cette idée tire directement son

inspiration d'une démonstration de Hume (1748) qui s'attache à prouver que les explications

faisant appel à des miracles sont par définition à écarter. Le philosophe britannique a montré

en effet que la véracité des miracles dépend crucialement de témoignages, or ceux-ci ne sont

fiables qu'en vertu de la loi de l'expérience et ne sont donc jamais tout à fait certains. Il en

déduit que les témoignages ne peuvent jamais faire le poids face à une loi de la nature. Or,

comme par définition les miracles violent des lois de la nature, Hume en conclut qu'ils sont à

rejeter, du fait de leur nature même. Ainsi les philosophes contemporains se sont demandé si

un raisonnement analogue ne pourrait pas être tenu à propos théories du complot.

Il est vrai que le modèle humien semble bien fonctionner pour une certaine classe de

théories du complot : ceux qui sont si parfaitement réussies qu'elles sont indétectables

(Keeley, 2003). Ces théorie du complot sont donc atteignables uniquement par pur hasard :

aussi il est évident qu'elles ne doivent pas être crues. Mais la plupart des théories du complot

qui circulent actuellement prétendent posséder des preuves tangibles du complot, sous-

entendant ainsi que ce dernier a nécessairement failli en quelque endroit. Qui plus est, une

simple observation de l'histoire nous apprend que des théories du complot se sont déjà

révélées vraies par le passé. Or, jusqu'à ce jour aucun miracle n'a pu être prouvé : l'argument

de Hume semble ne pas pouvoir s'appliquer aux théories du complot, du moins en l'état.

Une stratégie possible pour contourner cet argument (Keeley, 1999 ; Coady, 2003 ;

Levy, 2007) a consisté à dire que les théories du complot auxquelles nous sommes confrontés

aujourd'hui sont d'une nature différente de celles qui se sont révélées vraies par le passé –

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comme nous l'avons vu pour la caractéristique (6). Mais ce n'est faire que déplacer le

problème : si la définition des théories du complot ne s'applique plus à l'affaire du Watergate

telle qu'elle est aujourd'hui, elle s'applique néanmoins à la thèse que soutenaient Bernstein et

Woordward à leur début en 1974.

Comme le souligne Keeley (2003), il faut donc composer avec ce fait : les théories du

complot sont logiquement possibles – sur un plan métaphysique rien ne s'oppose à leur

validité. Si l'on veut tenter des les discréditer prima facie, il va donc falloir s'aventurer sur le

terrain de leur épistémologie : examiner leur structure argumentative et vérifier qu'il n'y a pas

quelque chose de fondamentalement bancal. Trois hypothèses ont été avancées en ce sens.

(1) les théories du complot sont infalsifiables

Une première idée consiste à dire que les théories du complot sont infalsifiables : elles

semblent en effet pouvoir parer à toutes les critiques car elles ont toujours la possibilité de

dire que les reproches qui leur sont adressés émanent d'individus qui sont sous l'influence du

complot. Si tel est le cas, il semble alors qu'elles ne répondent pas aux critères de scientificité

de Popper, et donc que nous pouvons les écarter prima facie. C'est une thèse soutenue par

exemple par le sociologue Pierre-André Taguieff (2005). Keeley (1999) montre néanmoins

que cette accusation ne tient pas. En effet, d'une part nous ne pouvons pas considérer comme

ad hoc les réponses des théories du complot face aux attaques : bien au contraire, elles

prédisent exactement que les complotistes vont chercher à les discréditer pour tenter de

continuer à masquer leurs actions. D'autre part, et de manière plus décisive, le critère de

falsifiabilité ne peut s'appliquer qu'aux sciences naturelles et non à des théories ayant trait à

des phénomènes sociaux : contrairement aux neutrons, les complotistes cherchent activement

à masquer leur véritable nature. Keeley démontre ainsi que l'argument de l'infalsifiabilité ne

peut jouer pour les théories du complot.

(2) les théories du complot sont des programmes de recherche ayant dégénérés

Une autre tentative d'écarter les théories du complot en vertu de leur épistémologie a

été proposée par Clark (2002). Il s'appuie pour cela sur la théorie des programmes de

recherche développée par Lakatos (1975) à la suite des travaux de Kuhn (1963). Selon celle-

ci, un programme de recherche consiste en un jeu de propositions formant un noyau autour

duquel gravitent d'autres propositions moins centrales. Si le paradigme est valide, il doit

pouvoir faire des prédictions et rétrodictions correctes. Mais s'il dégénère, ces dernières ne

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peuvent plus être produites, et des données entrant en contradiction avec le noyau du

programme de recherche sont évacuées via des hypothèses auxiliaires ad hoc afin de le

protéger. Clark reconnait que dans le domaine des sciences sociales, il n'est souvent pas

attendu des théories qu'elles puissent avoir un aspect prédictif et rétrodictif, mais il affirme

qu'il est néanmoins possible de s'attendre à certaines conséquences qu'implique la théorie. Or,

pour ce qui concerne les théories du complot, il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'elles

impliquent que de fuites adviennent parmi les personnes impliquées dans le complot. La

probabilité qu'une indiscrétion finisse par advenir devrait même très fortement augmenter

dans les années qui suivent le complot. Mais bien que ces fuites n'arrivent toujours pas, les

partisans des thèses complotistes persistent dans leur croyance. Aussi Clark en conclut que

les théories du complot sont des programmes de recherche ayant dégénéré et qu'il faut

abandonner les hypothèses qu'elles soutiennent.

Ce raisonnement est néanmoins critiquable à deux titres. D'une part, il fait le postulat

contestable qu'un complot doit nécessairement fuiter un jour (Bashman, 2003). D'autre part, il

ne permet d'exclure qu'une certaine classe de théories du complot – celles qui auraient

dégénéré. D'autres sont donc valides ou en attente de validation. En outre, l'absence de

critères précis pour distinguer les théories ayant dégénéré des autres (à partir de quand

l'absence de fuite devient invraisemblable ?) rend d'autant plus difficile une application

pratique de la thèse de Clark.

(3) les théories du complot sont nihilistes

Certains auteurs avancent que les théories du complot nous engageraient sur une pente

glissante : y souscrire reviendrait in fine à souscrire à un scepticisme généralisé. Pour le

montrer Keeley (1999) met en avant la nature profondément sociale de notre savoir : la très

grande majorité de ce que nous savons, nous le tenons d'autrui – nous l'avons appris via les

institutions publiques, les médias, ou divers acteurs rencontrés. Or, souscrire à une théorie du

complot implique de s'opposer à la version officielle des faits, et donc de remettre en cause

une partie des institutions desquelles nous tirons ordinairement notre savoir. Si cette remise

en cause est localisée, nous pourrions la tolérer. Mais selon Keeley, à mesure qu'une théorie

du complot progresse dans le temps sans parvenir à s'imposer, elle est obligée de postuler

l'implication d'un nombre grandissant de personnes et d'institutions dans le complot, jusqu'à

remettre en question l'ensemble de notre savoir. Les théories du complot finiraient donc par

nous faire douter que « l'ornithorynque est un mamifère et l'or un élément atomique » (p.16).

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Dans la même perspective, Levy (2007) insiste sur le fait que non seulement le témoignage

joue un rôle central dans la justification de nos connaissances, mais les techniques mêmes de

justification qui sont les nôtres nous viennent d'autrui. Aussi, en vertu d'une nécessaire

humilité épistémique il faudrait selon lui rejeter les théories du complot car y souscrire

impliquerait de se couper de nos outils de connaissance, et donc la ruine de tout notre savoir :

« cutting ourselves off from the networks and means of knowledge production is not

merely cutting ourselves off from testimony, and it does not merely breed scepticism

and distrust. It is, far more radically, cutting ourselves off from our own best

epistemic techniques and resources »

Ainsi il vaudrait toujours mieux selon lui se fier aux "autorités épistémiques pertinentes",

même s'il leur arrive parfois de se tromper, le risque étant sinon d'être obligé de devenir

nihiliste.

Bashman (2003) montre cependant que les arguments de Keeley et de Levy ne sont

pas décisifs pour réfuter les théories du complot : qui sait si nos institutions sont si fiables que

cela ? – elles ont aussi leurs propres intérêts à défendre. Quand bien même une théorie du

complot impliquerait de remettre en cause l'ensemble des institutions officielles, cela ne

constitue pas une raison suffisante pour l'écarter – rien ne l'interdit d'un point de vue

métaphysique. Mais le fait même que les théories du complot impliqueraient une forme de

scepticisme est déjà une idée fausse : le but des théories du complot n'est pas de jeter le doute

sur nos connaissances, mais de proposer une véritable explication alternative du monde

(Coady, 2003). Autrement dit, si les théories du complot peuvent détruire certains de nos

systèmes de croyance, c'est pour mieux les remplacer : cela ne saurait aboutir à une

quelconque forme de nihilisme. Plus fondamentalement encore, il est également possible de

remettre en question l'idée que les théories du complot auraient une tendance intrinsèque à

jeter le discrédit sur des pans toujours plus vastes de notre connaissance. Si de fait un certain

nombre d'entre elles le font, rien dans la nature de ce qu'est une théorie du complot ne

l'implique de droit (Clark, 2002). Pour expliquer par exemple pourquoi la presse ne dénonce

pas un complot, il y a en effet toujours au moins deux hypothèses possibles : c'est parce

qu'elle fait partie du complot... ou bien parce qu'elle se fait involontairement leurrer encore

par ce dernier. Qui plus est, il est dans l'intérêt des complotistes de tromper minimalement

l'opinion publique (Clark, 2002) : ils limitent de cette manière les coûts ainsi que les risques

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d'être découverts. Au contraire, ils ont tout intérêt à ce que la vérité soit le plus possible

préservée afin de mieux dissimuler leurs intentions et leurs actions.

3. Les théories du complot sont-elles invraisemblables ?

Ces trois arguments pour rejeter les théories du complot sur la seule base de leur

épistémologie ne semblent donc pas être concluants. Un autre angle d'approche qui a souvent

été pris par les philosophes est de montrer, étant donné la manière dont le monde fonctionne,

que la probabilité qu'un complot réussisse est très faible, et qu'il ne soit pas rapidement

découvert encore plus plus faible. Nous avons recensé deux arguments de ce type.

(1) Nos volontés sont faites... toujours approximativement

Karl Popper écrit en 1965 :

« [..] it is one of the striking things about social life that nothing ever comes off

exactly as intended. Things always turn out a little bit differently. We hardly ever

produce in social life precisely the effect that we wish to produce, and we usually get

things that we do not want into the bargain »

Le résultat de nos volontés n'étant jamais tout à fait identique à celui escompté, il en

découlerait que les théories du complot feraient des hypothèses peu réalistes. Pigden (1995)

montre cependant que même si aucun complot ne parvient exactement à ses fins, cela ne les

empêche pas de pouvoir exister, et même d'influencer significativement le cours de l'histoire.

Qui plus est, il n'est pas contradictoire pour une théorie du complot d'accorder une place à

l'imprévu dans ses explications. Sans doute que certaines théories du complot surestiment les

capacités de planification des agents, mais il ne semble pas que cet argument soit décisif

contre les théories du complot.

(2) Les fuites sont inévitables

Keeley (1999) affirme que les théories du complot supposent des capacités de

contrôle des agents peu vraisemblables. En particulier, la probabilité que le secret finisse par

être dévoilé est très élevé, et il s'accroît même rapidement d'année en année jusqu'à rendre

l'hypothèse du complot quasiment impossible si rien de tangible ne fuite. Il ajoute que si

certes une absence de preuve ne constitue généralement pas une preuve en soi, lorsque cette

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preuve est activement cherchée mais qu'elle demeure introuvable alors il est légitime de

considérer cet état de fait comme une preuve à part entière contre les théories du complot. Le

problème avec cette thèse est le même que pour celle du programme de recherche dégénéré

de Clark : il est difficile de déterminer à partir de quel lapse de temps il est légitime de

considérer que l'absence de fuite n'est plus suffisamment réaliste par rapport à l'hypothèse

complotiste.

Plus généralement, la critique qui peut être adressée à ces deux arguments est qu'il est

toujours difficile d'évaluer concrètement les probabilités qu'ils avancent. Aussi il est aisé pour

Bashman (2003) d'avancer que nous ne savons en réalité pas quel est le degré de transparence

(openness) de nos sociétés. Au contraire pour lui, il y a de sérieuses raisons de penser que la

probabilité a priori qu'il existe des complots dans notre société est très élevée. En témoigne

par exemple d'après lui l'existence des institutions aux activités ouvertement secrètes (type

NSA). Le fait qu'il existe des cas d'infidélités conjugales où plusieurs personnes sont au

courant mais se taisent, les nombreux cas d'espionnage industriel, de fausses rumeurs

délibérément répandues, les trucages de votes... sont tout autant de faits qui devraient, selon

Bashman, nous incliner à croire que les complots sont beaucoup plus courants que nous

pourrions le penser. Certes, ces arguments sont contestables ; par exemple, comme le

souligne Keeley (2003) il y a un hiatus évident entre une infidélité conjugale et organiser une

fausse mission lunaire. Mais Bashman a le mérite de montrer qu'il est difficile, en l'absence

de données plus précises, de se prononcer sur la vraisemblence ou non des complots supposés

par les théories. Tout juste pouvons-nous spéculer sur des probabilités, mais ce n'est sans

doute pas suffisant pour discréditer l'ensemble des théories du complot.

4. Se tourner vers les partisans des théories du complot : perspectives psychologiques

C'est face au peu de succès des arguments pour rejeter de manière a priori les théories

du complot que certains philosophes se sont intéressés à la psychologie des partisans des

théories du complot pour rendre compte de ce qui nous semble suspect chez ces dernières.

(1) L'erreur fondamentale d'attribution

Clark (2002) est le premier à s'être aventuré dans cette voie, en se réfèrant à une série

de travaux effectués à partir de la fin des années 60 (Jones & Harris, 1967 ; Darley & Batson,

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1973 ; Nisbett & Ross, 1980, 1991; Ross & Anderson, 1982 ; Gilbert & Malone, 1995) sur un

biais cognitif nommé "erreur fondamentale d'attribution". D'après celui-ci, un individu serait

davantage enclin à expliquer un comportement par des facteurs dispositionnels (liés aux états

mentaux de l'individu) plutôt que situationnels (liés à des facteurs externes). Plus grave, il

semblerait que même lorsque les individus sont conscients de ce biais, il ne parviennent pas

pour autant à corriger leur raisonnement (Pietromonaco & Nisbett, 1982). Or, Clark remarque

que les théories du complot font toujours référence à des explications dispositionnelles tandis

que les versions officielles sont très souvent de type situationnelles. Il en conclut que les

théoriciens du complot doivent constituer un groupe de la population particulièrement enclin

à ce biais cognitif. En conséquence, les théories du complot ne pourraient se révéler vraies

que par simple chance, car le processus épistémique qui conduit à les formuler ne serait pas

rationnel.

Plusieurs critiques ont été adressées à cette thèse. D'une part, les expériences de

psychologie sur lesquelles elle s'appuie ne sont pas exemptes de critiques, comme le montre

Coady (2003) et comme le reconnaît Clark lui-même (2006). D'autre part, Coady (2003)

avance qu'il est paradoxal de faire appel à l'erreur fondamentale d'attribution pour expliquer

les théories du complot car c'est alors soi-même tomber dans ce biais. Mais il commet ici un

sophisme : un biais cognitif ne peut pas s'appliquer à une proposition comme on applique un

théorème. Cela a néanmoins le mérite de pointer du doigt certaines ambiguïtés du

raisonnement de Clark, qui peut notamment être perçu comme une pétition de principe : les

théories du complot seraient nécessairement fausses... parce qu'elles font de mauvaises

attributions de causalité. Un biais cognitif est toujours statistique : il ne signifie pas que

systématiquement les individus tombent sous son coup. Aussi est-il très certainement

possible que des individus puissent formuler des théories du complot de manière tout à fait

rationnelle – sans être sujets à ce biais. En outre, affirmer qu'une frange de la population

serait davantage sujette à celui-ci relève de la pure spéculation. Bien au contraire, le fait que

les théories du complot soient soutenues par de nombreux individus issus de milieux très

variés incite plutôt à écarter les hypothèses qui les pathologisent (Jolley, 2013).

L'échec de Clark tient sans doute à sa méconnaissance de la psychologie cognitive. Il

montre néanmoins que la stratégie consistant à reléguer entièrement le problème des théories

du complot à cette discipline conduit à une impasse. Les travaux de Boudry et Braeckman

(2012) vont prouver que l'emploi de la psychologie cognitive doit en réalité se nourrir de

l'épistémologie des théories du complot pour être pertinente.

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(2) Bâtir un pont entre épistémologie et psychologie cognitive

Boudry et Braeckman (2012) ont en effet proposé un modèle articulant des éléments

de psychologie cognitive, d'épidémiologie des croyances et d'épistémologie pour rendre

compte de la propagation de croyances "déviantes" comme la parapsychologie ou la

pseudoscience. Leur argument général peut être résumé comme suit : certaines croyances,

notamment parce qu'elles ont pour caractéristique épistémique de s'auto-valider (self-

validating), ont une plus grande chance d'être adoptées et de se diffuser (succès

épidémiologique) du fait d'un certain nombre de biais cognitifs auxquels les individus sont

sujets. Leur entreprise consiste dès lors à repérer les interactions qui existent entre les

caractéristiques épistémiques d'une théorie et des biais cognitifs. Les propos de Boudry et

Braeckman ne portent pas spécifiquement sur les théories du complot, même si celles-ci sont

parfois prises en exemple, mais nous allons tenter de voir comment leur modèle peut s'y

appliquer.

Les deux auteurs relèvent par exemple tout au long de leur article un certain nombre

de biais cognitifs qui ont pour effet de nous faire persévérer dans notre croyance. Il y a certes

le biais de confirmation : cette tendance que nous avons à éviter de nous retrouver confrontés

à des arguments ou des preuves entrant en contradiction avec nos croyances (Nickerson,

1998), voire à ne pas vouloir remarquer qu'il y a contradiction (Benassi, Singer & Reynolds,

1980). Mais plus spécifiquement, Boudry et Braeckman évoquent la tendance que nous avons

à vouloir préserver nos croyances tout en restant rationnels (Kunda, 1990 ; Tavris &

Aronson, 2008 ; Von Hippel & Trivers, 2011). Nous essayons en effet de réduire au

maximum la dissonance cognitive qu'exercent les preuves ou arguments contre nos croyances

en faisant appel à des hypothèses ad hoc – plusieurs études montrent que nous sommes

particulièrement doués pour en produire (Ross, Lepper, Strack & Steinmetz, 1977 ; Gilovich,

1991 ; Tumminia, 1998). Cette volonté de préserver une illusion d'objectivité pourrait

s'expliquer d'ailleurs par la volonté de garder une bonne image de soi : nous aimerions à

penser que nous sommes cohérents et impartiaux (Aronson, 1992).

Le problème des théories du complot proviendrait dès lors de leur tendance à s'auto-

valider qui rendrait le processus de rationalisation face aux critiques très facile pour leurs

partisans. Boudry et Braeckman remarquent en effet que toute preuve avancée contre une

théorie du complot peut en effet être retournée à son avantage, car elle prédit justement que

les complotistes tentent de maquiller les preuves de leurs actions. Qui plus est, lorsqu'elles

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sont confrontées à un certain scepticisme les théories du complot peuvent toujours balayer les

arguments de leurs adversaires en les accusant de faire précisément partie du complot. Ces

mécanismes de défense épistémique permettent donc de parer très facilement à toute critique,

et incitent fortement les partisans des théories du complot à persévérer dans leur croyance, en

dépit même du bon sens parfois. Non pas que ces derniers utiliseraient délibérément ces

outils rhétoriques, précisent les deux auteurs, mais ce serait plutôt la logique épistémique

même des théories du complot qui conduit à leur emploi. Ainsi s'expliquerait le relatif succès

culturel qu'elles connaissent.

L'article de Boudry et Braeckman suggère également qu'il existe un autre type de biais

cognitifs qui sont susceptibles d'interagir avec des caractéristiques des théories du complot et

de rendre ces dernières particulièrement attractives. Il s'agit de la tendance de certains de nos

modules de détection à produire des faux-positifs (la présence de leur objet est une

connaissance si utile qu'il est plus avantageux de la surestimer que de risquer de la manquer).

Par exemple, notre mécanisme de détection d'agent nous incline à voir des causes

intentionnelles là où il n'y en a pas (Guthrie, 1993 ; Barrett, 2000 ; Atran, 2002 ; Barrett,

2004). Or, les théories du complot ont justement cette propriété d'attribuer la cause d'un

événement aux intentions d'un groupe d'individus : aussi sommes-nous susceptibles d'y

souscrire davantage que de raison (ceci rejoint l'argument Clark, mais avec une formulation

plus rigoureuse). De la même manière, notre système de prévention contre le danger (hazard-

precaution system) a tendance à produire des faux-positifs pour reconnaître des situations à

risque (Lienard & Boyer, 2006). Cela s'applique aux théories du complot : détecter le

complot qu'elles postulent nous préserve d'un danger car elles sont généralement

malveillantes. Enfin, notre capacité à reconnaitre des schémas récurrents (pattern detection)

qui nous permet notamment d'inférer des causes (Gilovich, 1991) explique sans doute notre

difficulté à accepter la part de contingence due au hasard. Or, les théories du complot ont

justement cette tendance à chercher des causes là où il faudrait accepter qu'il s'agit seulement

de l'oeuvre du hasard ("Shit happens" pour reprendre le titre de l'article de Mandik). En

activant ces trois modules de détection les théories du complot sont donc plus attractives à

notre esprit que ne le seraient d'autres, ce qui accroît leurs chances de succès, mais le risque

qu'il s'agisse de faux-positifs est non négligeable.

Le modèle de Boudry et Braeckman permet donc de penser les théories du complot

dans leur interaction avec nos biais cognitifs et ainsi d'expliquer à la fois leur succès relatif et

pourquoi leurs partisans persistent dans leur croyance en dépit du bon sens. Il reste sans doute

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à compléter. L'aspect "thèse unificatrice" (explanatory completeness) des théories du complot

(elles proposent une cause unique pour expliquer une pluralité de faits) évoquée par Keeley

(1999) et Bashman (2001) est sans doute une première piste.

En passant en revu la littérature philosophique de ces quinze dernières années sur les

théories du complot, il semble manifeste qu'il n'y ait rien à redire quant à leur épistémologie :

aucun élément ne semble pouvoir les disqualifier prima facie. C'est déjà un résultat

intéressant en soi, mais ces travaux ouvrent également d'autres perspectives. Comme le

montrent Boudry et Braeckman, l'étude des caractéristiques épistémiques des théories du

complot peut également être utilisée pour montrer comment celles-ci intéragissent avec

certains de nos biais cognitifs. Les deux auteurs proposent en effet de mettre en rapport des

résultats connus de psychologie cognitive avec certains traits des théories du complot. Si leur

modèle semble prometteur, il reste néanmoins à réaliser des expériences qui porteraient

spécifiquement sur les théories du complot. Est-ce que faire varier le nombre de complotistes

impliqués modifie l'effet du module de détection d'agent ? Tel est par exemple le type de

questions auxquelles nous pourrions ainsi répondre.

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