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Entrez !
Waii Waii
Une présence artistique au Centre Hospitalier d’Aire-sur-la-LysOctobre - décembre 2018
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Une longue route droite me mène à l’hôpital d’Aire-sur-la-Lys. Chemin faisant je découvre le paysage qui m’accueille
depuis peu. Champs, prairies, tracteurs, quelques villages, de
beaux ciels d’automne. Le soleil en face à l’aller et la lune au
retour. Me voilà bien entourée.
***
Ici, il y a des ascenseurs, des salles polyvalentes, des
patios, des salles de réunion, des bureaux, des cuisines, des
salles de soin, de dialyse, des jardins, des bibliothèques,
des cantines, des salles de bain, des terrasses, des salons de
coiffure, des halls, des secrétariats, des salles de pause, des
chambres, des couloirs, des travaux. Je me perds au début dans
le dédale des quatre bâtiments que forment l’hôpital, je m’amuse
ensuite à découvrir les itinéraires bis, les raccourcis, les
recoins et replis qui relient les gens d’ici.
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• Nicole •Avec mon mari qui travaillait à
l’usine d’Isbergues, on avait des prix pour partir en vacances.
Moi, j’étais surveillante à Saint-Venant.
Chanter, danser, voyager.J’ai rencontré mon mari à la
ducasse de Berguette.
C’était bien la plus sageDes filles de son âgeMais son joli jupon Était le plus fripon De tout le village...
(Line Renaud, Le Jupon de Lison)
Ça me fait bien plaisir de te voir, ma poule. T’es belle !
J’ai voyagé dans quatorze pays.Je suis montée sur un éléphant, un dromadaire et même dans un
hélicoptère.
Mon mari était casanier, alors on partait entre copines.
Souvenirs de la Thailande
Ma maison : trois chambres, une cuisine, un couloir, un potager.
Des fleurs roses.
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Les résidents, les patients, les soignants, les animateurs, les employés, les aides-soignants, les cadres, les médecins, les
infirmiers, les responsables, la psychologue, le directeur, les
techniciens, les visiteurs, la coiffeuse, les cuisiniers, ce
sont les gens d’ici.
Je suis là pour les rencontrer, taper à leur porte, demander
un peu de leur temps, me faire accepter - ou pas - poser des
questions, collecter, écouter, noter, croquer, et laisser les
choses prendre forme naturellement.
Au fur et à mesure de nos rendez-vous, j’accumule une
matière ( mots, croquis ), sans savoir encore très bien ce qu’elle
deviendra. La forme déprendra du fond. Les gens m’emmènent là où
ils ont envie d’aller, je prends simplement ce qu’on me donne,
rien de plus.
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• Marie-Madeleine •L’école, j’aimais pas.
Moi ce que j’aimais faire, c’était les trucs de garçons, les tournevis, les marteaux.
On m’a mise à la couture.Des poches, des poches
et toujours des poches !
Je me suis mariée au mois de juillet. Puis, on a cherché une
maison. C’était un baraquement dans les champs.
J’allais en vacances chez ma soeur, toujours chez ma soeur.
“La soeur , la soeur, la soeur”
Maman faisait cuire la rhubarbe dans une grande marmite.
Encore tiède tartinée sur du pain.
On était copines de pâtisserie,En douce, je prenais des oeufs du
sucre, de la farine. On mettait tout dans le four.C’était à Jacques de goûter.
Les merveilleux de Saint-Omer. Ma fille m’en ramène parfois.
Le chocolat, la meringue.Je le vois devant moi,
T’es vilaine Marion, tu me fais saliver !
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Ce n’est jamais simple la première fois.
Il m’arrive de rester plusieurs minutes immobile devant une porte
avant de frapper. Je scrute le nom de la personne qui se trouve
derrière. Un nom, un prénom, une infinité d’histoires.
« Entrez ! », c’est le premier mot que l’on m’adresse. Je
ne connais pas encore la voix à travers la porte, elle semble
pleine d’interrogations et à la fois très habituée aux allées et
venues. Nous sommes dans un hôpital, l’intimité d’une chambre ou
d’un bureau est ici bien différente. Beaucoup de gens circulent,
entrent, sortent, il y a les soins, la toilette, les visites,
les repas, les réunions, les réclamations, les entretiens, les
rendez-vous. Mes rencontres sont souvent en pointillés.
***
J’ai parfois du mal à constituer un vrai espace intime,
mais nous devons faire avec. M’adapter au lieu et non l’inverse.
Les mots que je collecte sont des bribes, mes dessins sont
entrecoupés d’attentes.
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• Jean-Yves •le mont d’Hiver, le jardin,
les pigeons, et mon père-Rien d’autre-
Ce qui manque ici, c’est les frites.
Le bonheur ? Un bon whisky, avec du Coca sans sucres
et des cigarillos Paradise.
Je ne fume plus,ils sont rangés là,
j’aime juste sentir l’odeur.
Des hirondelles, les moineaux gris, on n’en voit plus.
Des hannetons attachés à une ficelle.
Le samedi c’était les minimes, le dimanche c’était les cadets.
Quand je regarde le foot,je ne regarde pas les joueurs.
je regarde l’arbitre !
Le billard, c’est la classe.
Je me souviens,un lendemain de ducasse...
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Transformer les mots en images.
Pour cela, je dois écouter très attentivement. Écouter et
dessiner, je ne peux jamais faire les deux en même temps. Il
faut être totalement avec la personne qui parle pour qu’après
avoir digéré les mots, les images viennent. C’est comme ça que
je travaille. Ce temps que je passe en tête à tête se prolonge à
l’atelier. Le moment où la parole devient image est mystérieux.
J’ai besoin de silence et de longues heures pour que cela naisse.
Après de nombreux essais, croquis et ratures il me semble toucher
du doigt quelque chose de très fragile et puissant : une minuscule
vérité, une chambre d’échos.
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• Geneviève •On économisait beaucoup.
Et puis un jour, je me suis rendue compte que je pouvais m’offrir ce
que je voulais. Ça m’a fait peur et je suis partie.
Le bonheur est ailleurs.
Je pense souvent à Gertrude.
Ça faisait un an que je n’avais pas vu ma famille. Tout le monde était là. Maman avait fait un bouquet de
dalhia.
La montagne avec Papa en 67 un petit chalet à Châlons. Maman
avait dû partir plus tôt.
Ma photo préférée : Papa et Maman dans le jardin.
Un beau duffle coat bleu acheté à Paris. Je l’ai gardé longtemps.
Montmartre,il fallait grimper ! Au retour, je courrais d’en haut
jusqu’à la Gare du Nord !
La messe tous les jours, on pouvait se promener.
C’était joli, fleuri.La lecture, l’horizon...
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Re-garder
Dans l’atelier, je dois faire revenir les gens devant
moi, entendre leurs voix - à nouveau -. Repenser nos échanges,
donner corps, redessiner les contours, re-voir, re-présenter.
Le silence et la nuit m’aident à être au plus près d’eux, il
m’arrive parfois de les sentir juste à côté de moi.
Mais comme lorsqu’on regarde quelque chose de trop prêt, la mise
au point est difficile, l’image est floue, il faut prendre de la
distance. Être loin tout en étant proche.
Mise au point - proche et loin - flou et net - aveuglette.
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• Françoise •Attacher, démêler, séparer,
masser, s’occuper, raccompagner, remercier, aider, laisser reposer, sécher, attendre, friser, dégrader, peigner, couper, coiffer, boire le
café, jouer, dessiner, peindre, dribbler, passer, lancer, sauter, colorer, raviver, écouter, parler, discuter, soigner, rincer, étaler,
shampooiner, brosser, raconter, accueillir, feuilleter, chercher,
vaporiser, enrouler, dérouler, permanenter, accompagner…
Quand j’allais chez ma grand mère, on jouait à la coiffeuse.
Messieurs et dames, ici c’est tout le monde à la même enseigne.
Le volley ball depuis toute jeune.On avait gagné la coupe du Pas-de-
Calais, Aire contre Isbergues.
J’aime peindre des portraits et des paysages, mais d’après modèle.
Le petit déjeuner c’est sacré, j’ai ma petite demi-heure à moi.
-Tranquille-
Se réunir en famille le week-end.Ma grand mère a eu dix enfants.Elle préparait la langue sauce
rouge avec des carottes.
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Avec les travaux à l’hôpital, Marie-Madeleine a déménagé. Je lui rends visite dans sa nouvelle chambre. Elle est heureuse
de cet endroit et la vue depuis la fenêtre la réjouit. Ce n’est
pas anodin. Marie-Madeleine n’a pas quitté son lit depuis bien
longtemps, ce qui lui reste du monde est concentré dans ce
rectangle dont on aimerait étirer pour elle les côtés. Je pense
aux longues heures passées à regarder au dehors, au soleil qui par
intermitence lui rend visite, au temps qui s’étire et se dilate,
à ses yeux pétillants lorsqu’elle me parle des gourmandises de
son enfance, qui tout à coup, par la force de son imagination
font irruption au beau milieu de la pièce. Là sous nos yeux, une
marmite de rhubarbe encore fumante bientôt tartinée sur un bout
de pain. Marie-Madeleine soupire de bonheur (et moi avec) : que
c’est bon !
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• Odile •
Le fauteuil du salon,on s’assoit dedans avec mes enfants.
on en a lu des livres ensemble !
Balades en famille en forêt, au bord de la mer, la nature,
le grand air...
Je suis née ici,je n’ai jamais eu envie de partir.tous les gens que j’aime sont là,
Il suffit de traverser la rue.
Un coeur sur sa main, dessiné avant d’aller à l’école. Parfois le
stylo ne marche pas bien alors je gribouille d’abord une petite trace
sur ma paume pour l’amorcer. C’est notre façon d’être reliés.
À ce soir !
Ramasser du bois flotté sur la plage et décorer la maison avec.
L’harmonie des couleurs, c’est important. Le marron, le bois,
c’est chaleureux.
Une seule cigarette, le soir sur la terrasse. Mon petit moment à moi.
(sans bile)
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« Au final, ce qui me questionne, c’est le temps qu’il me reste à vivre ici », me dit un jour Geneviève au détour
d’une conversation semblable à celles que nous avons l’habitude
d’avoir. Elle marque un petit temps d’arrêt juste après. Pendant
ces quelques secondes suspendues, je note la phrase sur un coin
de mon carnet. Depuis, elle m’accompagne.
Il y a différentes façons de donner corps au temps qui passe,
Geneviève brode patiemment de magnifiques fleurs multicolores
et moi je tente de dessiner les choses insaisissables. Chaque
personne prend la mesure de cette interrogation comme il peut,
avec sa sensibilité et les moyens qui sont les siens. Nous en
sommes tous là.
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• Nathalie •La première fois que je suis
partie, j’avais devant moi ces images qu’on trouve dans les livres de géographie, la savane avec les
baobabs.
Aider les gens, ça te recentre un peu sur les priorités de la vie.
Tu reviens à l’essentiel.
Parfois, tu ne peux rien faire d’autre qu’écouter.
Je me souviens de ce petit garçon qui s’était réfugié sous la table.
Les enfants m’ont offert une guitare. J’aime bien les chansons
de Neil Young et la voix de Fatoumata Diawara.
De temps en temps, je prends ma voiture jusqu’aux caps,
et je reste là un moment.
J’ai tendance à penser que les hommes sont naturellement bons. Il y a toujours des excuses à la méchanceté. Quand Je n’en trouve
pas, la deception est rude.
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Il y a ceux avec qui je prends rendez-vous, une heure une date. Et ceux que je peux venir voir n’importe quand, frapper
à la porte et attendre. Parfois j’entends la télé à travers. À
chaque fois me retient la même hésitation : vais-je déranger ? Il
arrive que la porte soit fermée à clef, la personne est sortie,
je repasserai la semaine prochaine.
***
Je marche, je tourne, je traverse, je longe, je franchis,
je monte, j’ouvre, je ferme, je rentre, je sors, je demande,
je débarrasse, je discute, je cherche, je contourne, je sonne,
j’attends, je m’installe. Les personnes que je rencontre ici sont
reliées par un grand nombre de pas.
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• Serge •Moi je suis comme on dit “un homme
de toutes mains”.Je répare, je fais tout à la maison.
Électricité, mécanique, peinture, électronique, carrelage, moquette,
plâtre, ciment...
Je partais pas travailler sans avoir fait la vaisselle !
Un petit jardinet pour faire la soupe. Je mets tout dedans, un
morceau de lard, du poulet.On attrape des forces !
Je suis un brocanteux, je l’ai eu pour 50 cents à la brocante,
j’ai tout refait dessus.
Les fleurs ça met l’ambiance,
J’ai eu la bague au doigt, mais c’était pas mon truc.
Je suis fait pour la liberté, je me débrouille
La mer c’est les vacances, je bronze bien. Et puis au moins,
on respire.
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On pense souvent qu’un illustrateur est capable de tout dessiner, comme ça, « de mémoire ». La joie de mon métier,
c’est d’apprendre à coucher sur le papier de nouvelles choses
chaque jour. Elles rentrent ensuite dans « ma base de données
des observations scrupuleuses des choses diverses du monde »
qui s’enrichit depuis l’enfance.
Quand je ne sais pas, j’ouvre un livre, je cherche,
je regarde l’objet (si toutefois j’en ai un à proximité) et
je commence à dessiner, les yeux rivés sur mon modèle. Le
crayon suit le regard comme il arpenterait un chemin inconnu.
Lorsqu’on a fait le trajet une première fois, on s’en rappelle
toujours un peu. Parfois il y a des décalages, des raccourcis,
des fausses routes, mais l’important est d’arriver à bon port.
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• Séverine •Didier, Jean-Marc, Tonton Ré, Bruno, Hervé, Guy, Angélique ,
Dragana...
Je suis allée faire les magasins, j’ai acheté des jeans modernes.
La nuit, c’est terrible pour moi,et les fenêtres grandes ouvertes.
J’ai dansé sur Fame l’autre jour.J’ai fait des tours sur moi-même.
Dans l’escalade, il faut du courage. Je le sens une fois que je
suis en haut du mur.
J’exilerai mes peursJ’irai plus haut
Que ces montagnes de douleur.(En Rouge et Noir, Jeanne Mas)
Le fantastique, les décorations, les licornes,
l’Histoire Sans Fin...
On est allés à Saint-Tropez avec mon père quand il était encore là.J’ai beaucoup aimé le paysage, les
palmiers, la plage.
On n’est jamais sûr de rien.La mer, ça calme.
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Il m’a fallu faire des choix, retenir des passages, en omettre d’autres, apposer le filtre de mon expérience.
Les relations humaines se traduisent par un nombre
incalculable d’échanges indicibles, j’en ai été plus que témoin
pendant ces trois mois de résidence. Il faut être à l’affût
des bruissements de fond. Le dessin élargit l’expérience mais
il reste beaucoup de moments partagés que je suis incapable de
saisir. Ce qui n’a pu franchir le seuil de la porte joue à cache
cache avec le blanc de la page. Mes dessins sont des fragments ne
révèlant qu’à demi la teneur de ces moments qui n’appartiennent
qu’à nous.
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• Philippe •Je me suis souvenu de toi, Marion.
Une bonne hygiène c’est important.
Le jeudi c’est le jour de ma douche. Je lave aussi mes cheveux.
Café au lait et jus d’orange le matin. Le samedi, un peu de repos et
le dimanche, un tour à la messe.
On peut se voir, Marion ?
Ce soir c’est tarte au chevre.
Jeudi c’est demain.Samedi, je vois mon frère.
Un beau rêve, c’est de belles images. je repense à ma soeur.
Je me souviens des vacances à Gérardmer. Le grand lac, la route.
Les virages qui font peur.
J’ai payé mes vacances sur mon budget.
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“ Allez, je vous raccompagne jusqu’à la porte ”.
Avec Serge nous discutons avec joie de sa vie, de ses
passions, de tout et de rien en grignottant des biscuits au
chocolat. Lorsque nous avons terminé, il me raccompagne à la
sortie où il me fait de grands signes jusqu’à ce que je disparaisse
dans la rue, les poches remplies de bonbons qu’il m’a offert.
Séverine range sa petite table et me prépare une tasse de Ricoré
que je sirote en l’écoutant fredonner des chansons des années 80.
Je rencontre toujours Philippe par hasard au détour d’un couloir,
il me guide ensuite vers sa chambre. Geneviève m’attend dans son
fauteuil près de la fenêtre, je m’assoie près d’elle sur son lit.
Ainsi sont nos petits rituels.
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• Jean-Pierre •On ne choisit pas,
le destin est déjà tout tracé.
Un jour, je suis tombé sur un manuel de secourisme et ça a tout changé.
La folie, c’est juste une perte de repères.
Je fais beaucoup de rêves très réels. Tout est toujours très grand.
Blanchette, elle nous en a mangé du courier. Mes aminaux c’est
important. Il y a des choses qui passent sans les mots.
L’essentiel c’est d’être en famille, Maman est partie il y a deux ans.
Ça laisse un grand vide.
Les souvenirs, ce n’est pas assez.Avoir une bonne mémoire, ce n’est
peut-être pas si bon.
Il y a des images qui me touchent.Vous voyez, le dessin sur la
boîte de vache qui rit. C’est le renouveau, la perpetuité...
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Liste des choses que l’on m’a offertes :
Un gâteau, une poignée de bonbons, un papillon en papier
découpé, un cadre en carton, un nécessaire à repriser en plastique
jaune, quatre cafés (et tous ceux que je n’ai pas compté), une
photo, un goûter, une plume jaune, quatre chamallows, deux
bonbons à la menthe, une bague, un bracelet, des biscuits à
la fraise, quatre tasses de Ricoré (et toutes celles que je
n’ai pas compté), trois dessins, des papillotes de Noël, des
Fingers au chocolat, une part de tarte au citron, deux paquets
de gâteaux, une veste rose.
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• Christian •Le BTS Bureautique,
c’était là où on allait.
Ce que je fais de mes week-ends ? Le père Noël.
C’est une belle musculation de porter 400 gamins par jour !
Un bon costume de père Noël, c’est 250€.
Can’t Take My Eyes Off You, un morceau comme ça,
ça vous relève une salle !
Pour l’ambiance, on démarre 60 et on finit 2018.
Le mois de décembre, c’est le plus rempli.
J’ai installé une patinoire à Mouscron. En été je fais aussi
les chateaux gonflables.
Le rugby c’est une religion.
Les ruines, l’histoire, les peplums, ça me fascine.Transmettre, connaÎtre ses origines, c’est important.
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J’apprends au mois de décembre que mes grands parents âgés ont été admis à l’hôpital, je ne peux m’empêcher de relier ce qui
leur arrive avec mon expérience ici. En relisant mes notes, il
y a tant de choses qui me submergent. Je vais leur rendre visite
pendant les fêtes, l’hôpital où ils résident bien que plus petit,
ressemble beaucoup à celui-ci. Les couloirs sont aussi longs,
les employés tout aussi affairés. Il y a des couleurs pastel sur
les murs, des personnes en déambulateur qui se promènent, le son
des télés à travers les cloisons. Je pense “c’est bien ça, un
hôpital”, mais c’est aussi tellement plus.
Je me surprend à imaginer les histoires qui se cachent
derrière chaque porte, dans chaque regard croisé. Je souris aux
gens comme si on se connaissait. C’est un peu ça, mais pas tout
à fait.
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• Andréa •Je me souviens de la première
semaine, on est allés au bowling avec les résidents. J’ai su très vite que j’avais trouvé ma voie.
Aider les gens, c’est ça que je veux faire.
J’ai trouvé Flocon dans une flaque d’eau.
Quand je faisais mes devoirs, il s’installait sur mon épaule. Il a vécu quinze ans avec moi.
J’aime bien les choses anciennes, l’archéologie. Savoir que les
dinosaures étaient là avant nous, ça fait relativiser.
Le vélociraptor, c’est mon préféré.
Le gilet orange, quand j’accompagne mon père à la chasse.
La poule au riz sauce blanche de Mamie Lili. Ma grand mère c’est
quelqu’un !
Les anciens sont un peu comme des éléphants : des monuments de mémoire que l’on doit respecter et
dont on a tant à apprendre.
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Séverine n’aime pas les fenêtres ouvertes. Jean-Pierre va à la chocolaterie de Bourbourg le mardi. Nicole danse à la
ducasse de Berguette. Odile ramasse du bois flotté sur la plage.
Jean-Yves chasse les oiseaux à la fronde. Achille aime dessiner
seul en regardant la télé. Serge répare les objets qu’il trouve
à la brocante. Andréa accompagne son père à la chasse. Christian
ne prend pas souvent de vacances. Françoise peint d’après modèle.
Marie-Madeleine préfère le bricolage à la couture. Geneviève se
régale avec des crevettes. Nathalie se souvient d’un petit garçon
caché sous une table. Philippe attend le jeudi avec impatience.
Pendant trois mois, ils sont devenus les héros de ce livre.
Je les remercie d’avoir accepté de partager ces moments de leurs
vies et inspiré si intensément mes dessins. J’espère avoir été
fidèle à nos conversations et que chacun trouve un écho à travers
ces pages.
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• Achille •J’aime bien les chansons.
C.Jérôme, Céline Dion, Johnny.Franck Michael, c’est mon chouchou.
On aurait des étoiles plein la têteÇa porterait bonheur
À bien des coeursÇa ferait dans chaque maisonÇa ferait chanter les violons
(La Saint Amour, Franck Michael)
Je passe mon temps à tout ranger.
Les bateaux, je les trouve dans les brocantes. Je fais de bonnes
affaires.
Moi j’aime bien dessiner tout seul dans mon coin. Être tranquille, en
regardant la télé, les enquêtes policières, inspecteur Barnaby.
Quand je vais faire mes courses à Carrefour, pour moi c’est toujours
des CD.
Un jour, j’ai vu une exposition de dessins d’enfants. Ça m’a donné envie.
Parfois au crayon de couleur, parfois au feutre...
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Cette édition est le fruit d’une présence artistique de
l’artiste Waii-Waii au sein du Centre Hospitalier d’Aire-sur-la-
Lys d’octobre à décembre 2018.
Réalisé avec l’aide du Ministère de la Culture - DRAC et
de l’Agence Régionale de Santé Hauts-de-France dans le cadre du
programme Culture-Santé. Je remercie le Centre Hospitalier d’Aire-
sur-la-Lys, le service animation pour m’avoir guidée au sein de
l’établissement, Benoît Hanon qui a initié ce projet et répondu
à mes nombreuses interrogations, le personnel pour son accueil
chaleureux, enfin Andréa, Françoise, Jean-Yves, Nicole, Marie-
Madeleine, Achille, Séverine, Philippe, Jean-Pierre, Nathalie,
Geneviève, Serge, Christian et Odile pour leur enthousiasme et
leur générosité.
Ce livre est édité à 250 exemplaires.
Textes et illustrations © Waii-Waii- Marion Pédebernade 2019.