Malika Sorel"La France s'aulodelruilsans rendre service aux immiures"

Ancien ingenieur d'affaires et de recrutementde cadres de PME, aujourd'hui membredu Haut Conseil a I'integration, Malika Sorela passe ses dix premieres annees en France,avant de suivre ses parents en Algerie ouelle suit sa scolarite. Apres avoir termine I'ecolepoly technique d'Alger, elle reyient en France,ou elle suit Ie troisieme cycle de Sciences po. 'En 2007, elle publie Ie Puzzle de I'integration -les Pieces qui vous manquent (Milleet une nuits). Elle y explique que la questionde I'immigration-integration doit etre traiteeglobalement et non plus de fayon sectorielle,qu'il faut cesser d'octroyer /a nationa/ite franyaisea des personnes qui ne sont pas pretes,psych%giquement et moralement, a I'assumer,et s'appliquer, en revanche, a faire respecter/a loi franyaise par tous, sans exception.

PROPOS RECUEILLISPAR CHARLOTTE D'ORNELLAS

Pourquoi avez-vous ecrit ce livre?• Les emeutes de 2005 m' ont poussee a.ecrire ce livreparce que je me sentais responsable de n' avoir, alors,rien dit. Moralement, mais aussi sur Ie plan affectif,je ne supportais plus cette injustice vis-a.-vis du peuplefran<;:ais : Ies Fran<;:ais sont baillonnes ; et quand ilsosent s'exprimer, on leur fait un proces en racisme ouen xenophobie alors qu'ils veulent simplement preser-ver leur identite. Mes origines me permettaient, peut-etre, de dire que la veritable victime de I'immigrationest Ie peuple fran<;:ais.

Vous parlez beaucoup du role deleterede la « repentance ". Non seulement pourles Franc;:ais, mais pour les immigres eux-memes ...• Le role des elites fran<;:aisesa toujours ete determi-nant dans I'instrumentalisation de I'histoire. La deco-lonisation a traumatise tout Ie monde, soit ! Mais il

devrait tout de meme etre possible, cinquante ansapres des drames partages, de traiter sereinement dupasse, avec ses ombres et ses lurnieres, au lieu de renierson histoire en se laissant enfermer dans la dialectiqueculpabilisation-victimisation. Or, c'est malheureuse-ment ce qui se passe. Le discours dominant ne parleque des « horreurs " de Ia colonisation, et plus per-sonne n' ecoute Ie peuple fran<;:ais,qui est pourtant Ieplus legitime pour parler objectivement des problemesengendres par l'immigration ...

De surcrolt, transformer Ies Fran<;:aisde souche en

Un langage de vtiriteD'origine algerienne,Malika Sorels'estime d'autantplus Iibre de sespropos. cc C'est lacohesion nationalequi est desormais .en jeu !, avertit-elle.Tout accepter l7Je'la France pC!r!;':!!Jfl »'-.~~ ~~[!r--:

bourreaux n'a fait qu'injecter Ie poison de la hainedans Ie coeur des enfants issus de 1'immigration. LaFrance s'autodetruit sans rendre service aux immi-gres, puisqu' on attribue leurs erreurs, ou encore leurmanque d'investissement, a la societe. Dne excusefacilequ'ils reprennent pour ne pas assumer leurs res-ponsabilites. A partir du moment OU l'on enfermedes gens dans Ie role de victimes, on leur envoie Iesignal que tout leur est duoOr, celan'est pas vrai. La France fait beau-coup pour les immigres et leursdescendants, et ceux-ci ont encoreenormement a faire pour se rap-procher des Fran<;:aisde soucheeuropeenne, en particulier lesMaghrebins et les Mricains dontla culture reste tres eloignee decelIe de leur pays d' accueil. II fal-lait d' emblee etre ferme et affirmerque nos valeurs fondamentales nechangeraient pas. On a fait l'in-verse. Dans ces conditions, il estnaturel qu'ils developpent de moins en moins d'ef-forts pour respecter les normes collectives fran<;:aises.IIs sont convaincus que celles-ci vont changer pours'adapter a eux.

II faut aussi dire aux populations d' origine etran-gere tout ce que 1'Etat fait pour elles, l'argent qui estinjecte dans tous lesdomaines : c'est ainsi qu'on aiderales enfants de 1'immigration a se construire Ie soclede reconnaissance sans lequel rien d'harmonieux nesera jamais possible. Ce n' est pas en se flagellantqu' on fera aimer la France aux enfants et aux adoles-cents des banlieues. Bien au contraire. Notre com-portement reIeve parfois de la psychiatrie !

Pourquoi I'idee de « discrimination positive»est-elle dangereuse it vos yeux ?• Parce que c'est une escroquerie. I..:integration n'estpas un ascenseur automatique, mais un parcours semed'obstacles! I..:ideeque l'on puisse progresser dans lasociete de maniere passiveest absurde. C' est un enga-gement sur plusieurs generations, la famille entieredoit s'engager autour du projet educatif Aujourd'hui,beaucoup d'elevesne font plus rien. Ii faut arreter de

((Ce n' est pasen se flagellant

qu'on fera aimer la Franceaux enfants des banlieues ))

les bercer de mensonges : pour reussir, il faut seprendre en main. Et puis la « discrimination posi-tive » est injurieuse pour les immigres eux-memes :on part du principe que les gens issus de 1'immigra-tion n'y arriveront pas seuls parce que les Fran<;:aislesdetesteraient. C' est zero pointe sur toute la ligne.Quand vous travaillez dans une equipe, il faut acque-rir sa legitimite aupres des autres. Si vous n'avez pas

respecte Ie meme processus de selection, c'estimpossible. Pour devenir legitimes, lespersonnesissues de l'immigration doivent se plier auxmemes exigences que les autres.

Vous etes egalement tres severe avec la Halde...• Elle joue un role d' exasperation et de crispa-tion entre les groupes. Elle passe Ie plus clair deson temps a exacerber les tensions en disant queles gens issus de 1'immigration sont victimes denotre societe, alors que c'est 1'ignorancedes codessociaux et culturels qui empeche lesjeunes d'etrerecrutes. Cela avait ete parfaitement mis en evi-dence par l'analysed'entretiens d'embauche aux-

quels la sociologue Jacqueline Costa-Lascoux avaitassiste. Le fait qu'on accepte d'eux ce qu'on n'accep-terait jamais des autres ne fait que les enfermer dansleurs propres codes culturels. J'ajoute que je prendscomme une bonne nouvelle la mise sous tutelle de laHalde. Mais il faut, a terme, qu'elle disparaisse. Lesysteme judiciaire fran<;:aisest la pour traiter des vraiesaffaires de discrimination. On n'a nul besoin d'uneinstitution qui participe, vraisemblablemem sans Ievouloir, a dresser les gens les uns contre les autres.

Qu'opposer, alors, aux doctrines que vousdenoncez?• Rien d'autre que Ie modele d'integration republi-cain qui fonctionnait tres bien! On doit accueillirles gens dans la communaute fran<;:aiseet non 1'in-verse. lis doivent respecter Ie systeme fran<;:ais.Si onavait fait <;:a,on aurait suscite Ie desir d'integration.Mais comment y parvenir quand on injecte200 000 nouveaux entrants par an dans une societedeja en proie a des difficultes majeures ? C' est irres-ponsable, grave et fondamentalement dangereux. Iiest evident que la reside Ie defi des prochainesannees : si l'on continue comme aujourd'hui, nousirons vers des troubles majeurs. Trop de gens arri-ves recemment n'eprouvent plus Ie besoin de res-pecter la loi de la Republique, et reconstituent leurssocietes d'origine sur Ie territoire fran<;:ais... Si rienn'est fait pour y mettre un terme, la pression va deve-nir rapidement intenable.

Quelle pression, justement, exercent ces societesreconstituees?• Dans les cultures maghrebines et africaines, Iegroupe prend possession de 1'individu. Or, plus lasociete est destructuree et permet des accommode-

mems, plus les membres des groupes mieux structu-res som temes de bafouer les regles fran<raises, qu' onpeut defier a moindre risque. La culture de l' ecole dela Republique que les enfams ramenem a la maisonest aussitot rejetee parce qu' elle ne correspond pas auxnormes culturelles d' origine. Le racisme antiblanc estune realite. Linsulte supreme utilisee, c'est « cefranc ».

Les professeurs nous Ie disem : etre serieux en cours,c'est deja, pour certains, vouloir devenir fran<rais : unehome, car assimile a une traitrise. Les bons eleves som,de ce fait, de plus en plus soumis a des pressions parles enfants issus de la meme origine culturelle.

Le fait que les institutions fran<;:aises-la police etl'ecole - soiem attaquees n' est evidemmem pas ano-din. Or, on continue a excuser les auteurs de cesattaques, ales deresponsabiliser en invoquant leursconditions sociales. Or, ces memes populations, avecdes conditions sociales nettement inferieures, ne secomportent pas ainsi dans leur pays d' origine. C' estbien la preuve que l'attitude de notre societe a joueun role determi~ant dans l' apparition des problemesque nous connalssons.

Vous accusez Ie droit du sol. Pourquoi ?• Devenir fran<;:aisest un processus qui doit etre per-sonnel, car il faut etre pret a assumer d'inscrire sespropres descendants dans un nouvel arbre genealo-gique qui n' est pas celui de ses ascendants biologiqueset culturels. II y a la une veritable rupture, tresdifficile a assumer. C' est pourquoi, aujourd'hui,pour une multitude de raisons, peu de gens ontIe desir de devenir fran<;:ais. Ils prennent lespapiers parce qu'ils savent que c'est Ie sesame aveclequel ils n' auront plus jamais faim. IIs sont hon-netes et l'avouent : je ne suis pas fran<;:ais,j'ai justeles papiers. C' est la classe politique, dans sonensemble, qui ment et occulte ce que signifie1'identite fran<;:aise. La communaute fran<;:aisereste pour 1'instant silencieuse car elle est baillon-nee mais, comme dans tous les pays du monde,elle n' est pas prete a accepter comme fran<;:aisesdes populations etrangeres a son identite. II y aaujourd'hui, en France, une negation fondamentaledu droit des Fran<rais a etre fran<;:ais.

QueUe distinction faites-vous entre insertionet integration?• Lintegration, c' est Ie fait d' assurner 1'heritage dupeuple fran<;:ais,de porter soi-meme les valeurs et lesprincipes des Fran<rais, de les transmettre a ses propresenfants. II y a une forte dimension affective et morale.On ne peut pas exiger cette etape, elle est trop per-sonneIle, trop intime. En revanche, l'insertion estabsolurnent non negociable, c' est Ie respect des regleset lois de la societe. Nombre de ces regles sont tacites.EIles ne sont pas necessairement ins crites dans deslois. Linsertion dans la societe fran<;:aise constitueune etape indispensable avant 1'integration dans la

communaute nationale fran<raise. C' est ce que ne res-pecte pas Ie droit du sol.

l:une des plus grandes erreurs a ete,selon vous, de degrader I'apprentissagede la langue et de la culture fran9aise. Pourquoi ?• Lecole de la Republique a un savoir a transmettre,qui cree un referentiel commun a tous les enfants. Lalangue est un passeport culturel pour naviguer dansla societe fran<;:aise. On les a empeches de pouvoirIe faire en revoyant nos exigences sans cesse a labaisse. Pis, l' ecole s'est mise a verser dans Ie relati-visme culturel, et meme a leur transmettre des ele-ments de leur referentiel culturel alors que c'est bienla seule chose que leurs familles leur transmettent.

Aimer une langue est un tremplin pour aimer unpeuple. Au travers de la langue, des textes de littera-ture et aussi des contes et des chansons enfantines,c' est bien la culture qui est transmise. Aujourd'hui,dans les rues, dans les cours d' ecole, on ne parle plusfran<;:ais.C' est un signe sans equivoque du reel refusd'integration. Sans compter qu'un enfant qui ne peuts'exprimer et se faire comprendre du fait de la pau-vrete de son langage a une plus grande propension adevenir violent. Commen<;:ons donc par accentuerl'effort sur la marernelle et sur les premieres classes del' ecole primaire, en reduisant les effectifs par classe eten mettant l'accent sur la transmission de la langue.

Revoyons aussi Ie circuit desallocations. II faut imperativementque cet argent aiIle en priorite auprojet educati£ ce qui n' est pas Iecas aujourd'hui. A chaque rentreescolaire, au lieu de remettre auxparents un cheque qui, souvent,sera envoye dans Ie pays d' origine,donnons un cartable, des cahierset des livres directement a l'enfant.

Que pensez-vous de ladecheance de nationalite ?• II faut la mettre en place. Et il faut

cesser de donner la nationalite a tout Ie monde. Lesgens qui risquent aujourd'hui la decheance de natio-nalite n' auraient jamais dO.l'obtenir. II faut vraimentque les politiques s'occupent de toutes ces questionstres rapidement. Beaucoup, parmi eux, sont habitespar la peur car les populations de 1'immigration leurapparaissent comme ayant facilement recours a la vio-lence. II va pourtant falloir avoir Ie courage de traitertoutes les dimensions de ce sujet. C' est dans l'interetde tous. Notre societe est chaque jour plus destabili-see. C' est la cohesion nationale qui est desormais enjeu ! Tout accepter met la France par terre. _

A lire Le Puzzle de I'integration ; les Piecesqui vous manquent de Malika Sorel, Mille et une nuits(2007), 272 pages, 14 €.