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INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ETUDES ECONOMIQUES

DEPARTEMENT DES RELATIONS INTERNATIONALES ET DE LA COOPERATION

Division des Etudes et Méthodes Statistiques pour le Développement

STATECO n° 81-82 - Mars-Juin 1995

ISSN : 0224 - 098 - X

Pages - Éditorial 3

- Michel SÉRUZIER 5 Le tableau entrées-sorties, élément central de l'élaboration des comptes nationaux

- Philippe BRION et Michel SÉRUZIER 17 Le projet ERE-TES

- Samuel GBAZA, Hubert GBOSSA, Eric METREAU, Roger MBAITOLOUM, 27 Issen MUSTAPHA et Roger YELE La comptabilité nationale en République Centrafricaine et l'utilisation du module ERE-TES

- Lamine DIOP 39 Afristat, un outil d'intégration régionale au service du renforcement des capacités statistiques en Afrique subsaharienne

- Christophe LEFRANC 47 Note de lecture "Intégrer population et développement" (chaire Quetelet 1990)

- Bertrand SAVOYE 55 Note de lecture L'assistance technique en question

- Philippe DOMERGUE 63 Présentation du numéro d'"Economie et Statistique" sur la qualité de l'information statistique

- ON SIGNALE ... 69

STATECO : Bulletin de liaison non officiel des statisticiens et économistes exerçant leur activité dans les pays du Tiers-Monde

Rédacteur en chef Assistant de rédaction Secrétaire de fabrication Secrétariat de la revue

Philippe BRION Allaoui MIRGHANE Françoise RETY LN.S.E.E. Division des Etudes et Méthodes Statistiques pour le Développement - Timbre D 340 18 Boulevard Adolphe Pinard 75675 PARIS CEDEX 14 Téléphone : 41.1753.13 - Télécopie : 41.17.66.52 Tirage : 1 400 exemplaires

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EDITORIAL

par Philippe BRION

Trois articles de ce numéro de STATECO portent sur l'élaboration des comptes nationaux. Le premier, de Miche! SÉRUZIER, présente le tableau entrées-sorties (TES) comme un élément fondamental de cette élaboration : il permet d'assurer la cohérence d'ensemble, et fournit une aide dans l'évaluation de certains domaines mal couverts par l'appareil statistique. Un projet, ERE-TES, a été lancé conjointement il y a plusieurs années par la coopération française et la commission européenne, afin de réaliser un module microinformatique destiné à faciliter la fabrication des comptes. Ce module a en particulier pour vocation de structurer la démarche de travail des comptables nationaux et aboutit à la production du TES.

Le premier des deux articles suivants décrit la manière dont le projet ERE-TES s'est déroulé ; il faut noter que les "utilisateurs" ont été associés, dès le départ, au développement du produit. En particulier, un pays a été choisi comme pays partenaire, la République de Centrafrique, afin d'aboutir à une version "prototype" du logiciel qui a été utilisée pour l'élaboration des comptes de l'année 1990. Les collègues de la Division de la Statistique et des Etudes Economiques de Centrafrique nous présentent dans ce numéro la manière dont le projet s'est inséré dans un travail de relance de la comptabilité nationale qui avait déjà démarré. L'implantation du module dans d'autres pays a commencé, et devrait produire une avancée dans le processus de production des comptes. Elle devrait également favoriser les échanges entre les collègues de ces différents pays.

Lamine DIOP nous présente ensuite Afristat, organisme supranational destiné à appuyer les services statistiques d'Afrique subsaharienne, et qui résulte d'un traité signé actuellement par les pays de la Zone Franc. La rédaction de STATECO formule ses meilleurs voeux de réussite à Afristat dans le cadre de ses activités futures ; on voit également comment un organisme comme Afristat et des projets comme ERE-TES peuvent s'appuyer mutuellement, pour aboutir à une relance de la production statistique.

Enfin, trois "notes de lecture" complètent ce numéro de STATECO.

LE TABLEAU ENTREES-SORTIES, ELEMENT CENTRAL DE L'ELABORATION

DES COMPTES NATIONAUX

par Michel SÉRUZIER 1

La représentation de l'économie d'un pays à travers la comptabilité nationale nécessite la mise en place d'un appareil de mesure complexe. Evaluer le PIB et sa distribution doit faire appel à toutes les sources statistiques disponibles et suppose leur parfaite articulation. Dans ce contexte l'élaboration des comptes détaillés proposés par la comptabilité nationale constitue un outil privilégié de cette évaluation, outil d'autant plus nécessaire que l'information statistique est défaillante.

C'est à ce titre que la construction du TES (tableau entrées-sorties) au sein des comptes nationaux, pour l'année de base comme en années courantes, assure une bien meilleure qualité à la mesure des agrégats macro économiques, à commencer par le PIB.

Après un développement de cet argumentaire, la communication décrit la démarche générale d'élaboration qui peut être suivie, puis comment la méthode peut permettre une certaine évaluation de l'économie informelle dans les pays en développement.

Le contenu de cette communication est le fruit d'une expérimentation menée à bien dans plusieurs pays aux caractéristiques économiques les plus diverses.

I - ARGUMENTAIRE

I.1. Quand les comptes nationaux boudent le TES C'est en 1968, dans le cadre de sa troisième révision, que le SCN a retenu le principe

d'incorporer le TES dans un schéma complet de comptes nationaux, au prix d'ailleurs d'un gros effort d'adaptation du système lui-même, comme le note l'introduction du "livre bleu" : "L'essai d'intégration d'un tel tableau dans un système de comptabilité nationale a posé tout un ensemble de problèmes que l'on ne rencontrait pas dans l'ancien SCN"2.

Cependant, une telle intégration n'était abordée du seul point de vue conceptuel : il s'agissait d'établir le lien théorique entre matrices entrées-sorties et le reste du système, en particulier pour les deux approches suivantes :

- l'équilibre général des biens et services et sa décomposition par produits;

1 Michel SÉRUZIER est professeur d'économie à l'ENSAE ; il est associé à de nombreuses actions de coopération de l'INSEE et participe à des programmes de coopération en comptabilité nationale en Afrique, en Amérique Latine et en Europe. Cet article reprend une communication présentée à la 10ème conférence internationale de l'association sur les techniques Input-Output, Séville, 29 mars - 3 avril 1993. 2 ''Système de comptabilité nationale" - Nations Unies - 1968, § 1.6

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- le compte de production de l'économie nationale et sa décomposition par branches.

Selon cette perspective, le TES était surtout perçu comme un instrument permettant une présentation détaillée des grands agrégats de la Nation, ceux-ci étant calculés par ailleurs. Une telle manière de voir est d'ailleurs confirmée par le contenu du chapitre IX de l'ancien manuel livre bleu, ayant pour intitulé : "Adaptation du système général de comptes aux pays en voie de développement". On y lit en effet : "Les troisième et quatrième rangs de priorité ont été réservés aux parties dont l'élaboration n'a pas un caractère d'urgence ou se révèle particulièrement difficile... Bien que les TES du système complet aient un intérêt considérable pour la planification et la programmation économiques, ils figurent ici en raison des problèmes que pose leur élaboration" (§ 9.65).

Par rapport à une telle situation, la publication du nouveau SCN3 ouvre de nouveaux horizons. Le TES (qui prend le nom de Tableau des Ressources et des Emplois -TRE- quand il n'est pas symétrique) apparaît très clairement comme un élément essentiel du cadre central. Et son rôle dans la conduite des travaux d'élaboration des comptes nationaux y est explicitement mentionné (voir en particulier le paragraphe 15.3 du nouveau manuel entièrement consacré aux TRE).

Mais cette nouvelle manière de voir les choses est encore trop peu répandue. Et de nombreux pays restent encore dans la perspective ancienne pour élaborer leurs comptes nationaux : le PIB y est obtenu par sommation de comptes de production réalisés selon un nombre limité de branches, la demande finale est évaluée globalement, et les comptes à prix constants sont obtenus en appliquant un déflateur unique pour l'ensemble de l'économie. Dans de tels pays, quand la décision est prise de construire un TES, la tâche n'en est pas confiée aux comptables nationaux. Le travail est alors mené de manière indépendante, la cohérence avec les comptes nationaux est rarement assurée (qu'il s'agisse des valeurs, ou même seulement des concepts), et la mise au point du tableau se limite à une seule année, compte tenu de l'ampleur des travaux à réaliser. En revanche, le TES construit dans de telles conditions présente souvent un plus grand détail de branches et de produits.

Finalement, si le principe de l'intégration du TES aux comptes nationaux a bien été posé depuis maintenant plus de 20 ans, il faut bien reconnaître que son application tarde à passer dans les faits. Et sans doute peut-on en trouver une explication dans l'argumentaire développé ci-dessus : faire un TES est perçu comme un luxe, dont les comptables nationaux n'ont pas besoin pour leurs travaux, et dont on peut se dispenser, surtout quand les moyens sont insuffisants. En revanche, au cas où la décision est prise d'en construire un, c'est ponctuellement, en marge des comptes nationaux, et en lien à un besoin spécifique qui en assure le financement.

1.2. Les comptes nationaux ont besoin du TES La thèse que je défends dans cette communication est la suivante : il n'est pas

possible d'élaborer de manière satisfaisante les agrégats économiques, et en particulier le PIB, sans un traitement intégré de toutes les informations disponibles, ce que seuls permettent des TES construits chaque année.

Que le TES soit un instrument privilégié de planification et de programmation économiques n'est pas remis en cause, bien au contraire. Ce que j'affirme est complémentaire : le TES est également un instrument de première importance pour la bonne élaboration des comptes nationaux; et j'ajoute même : son élaboration est d'autant plus nécessaire que l'information statistique disponible dans le pays est défaillante !

Il n'est donc pas nécessaire de s'étendre sur l'intérêt que présente la matrice de Léontiev pour analyser la structure de l'appareil de production d'un pays ou en projeter l'évolution par

3 System of National Accounts, 1993, publié conjointement par les Nations Unies, le Fonds Monétaire International, l'OCDE, la Commission des Communautés Européennes et la Banque Mondiale. Une version française doit être publiée au début de 1996.

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inversion de la matrice des coefficients techniques. Plus généralement, le TES fait partie de l'outillage nécessaire à la prévision économique.

Mais les relations mises en jeu par le TES sont en fait beaucoup plus nombreuses; et elles sont utilisables non seulement pour la prévision, mais aussi comme moyen de mise en cohérence de toute l'information relative à la production du pays.

En effet, le TES propose une synthèse des trois approches possibles pour le calcul du PIB :

- l'approche par la distribution des revenus, - l'approche par la demande finale, - l'approche par les comptes de production des branches.

Pour chacune de ces approches, des informations existent, mais incomplètes. Or, à défaut de TES, on doit cheminer séparément selon chacune d'entre elles pour mesurer le PIB. Et il faut alors attendre l'achèvement des travaux pour constater les divergences qui séparent nécessairement les différentes valeurs ainsi obtenues4.

Dans les pays les moins développés, quand le PIB est calculé de cette manière, une seule des trois approches est en fait retenue. On se trouve alors contraint à des résultats encore moins satisfaisants, et cela pour deux raisons :

- seules peuvent être utilisées les sources (déjà peu nombreuses) se rapportant à la seule approche utilisée,

- la démarche linéaire suivie rend impossible tout contrôle de cohérence entre ces sources.

Introduire le TES dans la démarche de construction des comptes se révèle alors comme le seul moyen de surmonter ces deux difficultés :

- par la prise en compte de toutes les sources disponibles, - par la mise en cohérence progressive des grandeurs intermédiaires mesurées.

On peut alors profiter au mieux des apports que permet chacune des trois approches mentionnées ci-dessus.

Remplir le TES avec les matériaux en provenance de chacune de ces approches ne permet pas seulement de les rendre compatibles entre elles. Cela permet aussi d'explorer plus efficacement les zones que la statistique laisse nécessairement dans l'ombre. On dispose enfin d'un instrument permettant une synthèse générale de tous les flux associés au PIB.

Rappelons pour terminer quelques unes des relations que l'emploi du TES permet de mettre en oeuvre afin d'assurer de telles mises en cohérence :

- les équilibres de marché par produit, - l'enchaînement des filières industrielles, - la reconstitution des coûts associés aux hypothèses de production finalement

retenues pour satisfaire l'équilibre du marché, - la répartition des impôts indirects par branche ou par produit, - l'élaboration des marges de transport et de commerce, produit par produit, - une analyse croisée, par branche et par produit, de la FBCF et des stocks.

1.3. Inventaire des avantages Il est toujours possible d'élaborer une comptabilité nationale au moindre coût. Et bien

des pays se satisfont d'une évaluation sommaire de leur PIB, surtout si l'usage qui en est fait se limite aux exigences des organismes internationaux. Mais il est bien connu que de telles évaluations ne rendent pas compte de la situation effective des économies concernées. On constate en particulier

4 C'est la procédure proposée dans un document des Nations Unies : "Etudes méthodologiques - série F - n°39" 1987

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une méconnaissance de l'économie dite informelle, et plus généralement de tout ce qui échappe à la collecte statistique (voir ci-dessous la troisième partie).

Utiliser le TES, et toutes les possibilités qu'il offre, comme instrument de l'élaboration des comptes nationaux se révèle alors comme le meilleur moyen de surmonter de telles difficultés. Plus précisément, on peut faire l'inventaire suivant des avantages qui résultent d'une telle élaboration :

Permettre la prise en compte de l'information disponible à un grand niveau de détail : il n'est pas nécessaire d'envisager un TES très détaillé (une trentaine de branches peut déjà suffire pour une économie peu développée); en revanche, le travail analytique par branche et par produit peut descendre dans un beaucoup plus grand détail (plusieurs centaines). Faire apparaître le plus rapidement possible les incohérences entre sources statistiques et leur apporter des solutions : soit directement, soit par l'intermédiaire des relations que permet le TES, on se heurte fréquemment à des divergences entre les sources disponibles, sans qu'il soit possible de savoir a priori laquelle devrait être préférée. Grâce au TES, il est possible de les confronter, de les rendre compatibles et finalement de choisir la solution jugée la plus satisfaisante. On peut tirer ainsi le meilleur parti de toutes les informations disponibles, y compris en dehors du champ statistique proprement dit (en particulier pour tout ce qui concerne les données techniques fournies par les professionnels de chaque activité). Permettre une évaluation des "trous noirs" de la statistique : même dans les pays développés, a fortiori dans les autres, la statistique ne peut informer sur tous les aspects de la vie économique : défaillances de l'instrument statistique, champs non encore explorés, mais aussi domaines qui lui échappent nécessairement (et en particulier tout ce qui se développe en marge de la légalité : travail au noir, fraude fiscale, contrebande, drogue,...). Par des méthodes indirectes, et grâce aux relations comptables ou économiques dont le TES permet la mise en oeuvre, il est possible de faire reculer ces zones d'ombre. Un exemple en est donné dans la troisième partie, à propos de l'économie informelle. Articuler les données relatives aux branches et aux biens et services, avec celles en provenance des secteurs institutionnels : ce problème est un des plus complexes à résoudre pour les comptables nationaux, du moins quand ils élaborent des comptes complets. Cela porte plus spécialement sur les agrégats suivants : - production - valeur ajoutée - rémunération des salariés - impôts indirects nets - formation brute de capital fixe - stocks et leur variation. Permettre la construction de véritables comptes à prix constants (et pas seulement de comptes à pouvoir d'achat constant) : appliquer un déflateur unique aux grands agrégats permet seulement l'élaboration de comptes à pouvoir d'achat constant. L'élaboration de comptes à prix constants suppose que soient différenciés les prix de chaque produit, tant pour la production que pour ses différents inputs. Seul un TES élaboré chaque année permet la mise en oeuvre de cette double déflation pondérée. On peut alors établir des TES à prix courants et aux prix d'une année de référence. Une élaboration annuelle du TES permet également la mise en place d'une cohérence temporelle pour le traitement des données et la conduite des arbitrages. Une telle cohérence peut en particulier s'appuyer sur la stabilité des coefficients techniques au cours du temps, surtout si on compare les TES de deux années successives valorisés aux prix de l'une d'entre elles.

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II - UNE PROCEDURE DECENTRALISEE D'ELABORATION5

Construire un TES est une oeuvre de longue haleine. Au point que certains pourraient penser qu'un tel travail est incompatible avec l'élaboration de comptes nationaux, dont la publication ne peut être trop tardive, et dont la mise en oeuvre nécessite bien d'autres tâches. C'est au nom de l'expérience acquise que je peux affirmer la compatibilité des deux réalisations. Certes, les TES obtenus ne présentent peut-être pas tout le détail que certains utilisateurs souhaiteraient (mais dans le cas du Pérou, par exemple, un appui ponctuel du ministère de la planification a permis de combiner les deux exigences pour le TES relatif à l'année de base). Encore faut-il mettre en oeuvre des procédures d'élaboration adaptées. Celles qui sont présentées ici ont été progressivement mises au point à l'occasion des travaux que j'ai accompagnés dans différents pays6.

En raison de l'ampleur des travaux à réaliser, et pour permettre l'engagement du plus grand nombre de personnes (plus de 25 dans le cas du Pérou), de telles procédures doivent miser sur la décentralisation des tâches et des responsabilités, la circulation optimale de l'information et une gestion très formalisée des résultats partiels obtenus. Chaque fois que ces procédures ont pu être appliquées dans de bonnes conditions, la phase finale et centralisée de la synthèse s'est déroulée rapidement et sans difficulté particulière.

La présentation qui en est faite ici se limite au cas de l'année de base; on peut la transposer sans difficulté au cas des années courantes. Pour ces dernières, la durée des travaux est bien plus courte, car on dispose alors de toutes les options déjà retenues à l'occasion de la première année élaborée.

ILL Présentation de la démarche d'élaboration Cinq grandes étapes peuvent être distinguées dans le déroulement du travail à

réaliser ; l'achèvement de chacune d'entre elles est nécessaire pour passer à la suivante (à l'exception du passage de la 2° vers la 3°, à conduire de manière autonome pour chacune des sources analysées). La figure n°1 en visualise les caractéristiques.

1ère étape

Cette étape vise à définir les cadres conceptuels et méthodologiques du travail à réaliser. Elle ne prend normalement place que pour la première élaboration d'un TES.

Pour ce qui concerne les concepts et définitions, on fait l'hypothèse que le pays respecte les recommandations internationales. Il s'agit maintenant de la révision 4 du SCN (ce qui a d'ailleurs été déjà mis en oeuvre en Grèce) et des nomenclatures qui lui sont associées (CITI et CPC). Dans la suite du texte, nous nous référons aux concepts et à la terminologie de la 4° révision du SCN. Des spécifications locales doivent cependant être introduites; et on pourrait même envisager certaines modifications pour tenir compte de situations spécifiques au pays. Il ne faut pas oublier par ailleurs que la démarche repose sur un travail le plus analytique possible. Il est donc nécessaire de proposer une décomposition fine et adaptée des nomenclatures à mettre en oeuvre. En ce sens, la réalité locale prime sur les exigences internationales.

Quant aux références méthodologiques, elles concernent par exemple :

- l'inventaire des sources disponibles et les conditions de leur saisie ;

5 Une présentation détaillée de la méthode proposée peut être trouvée dans "Construire les comptes de la Nation" Michel Séruzier - La Documentation Française - Paris, 1988. Voir plus particulièrement les chapitres 7 à 10 pour le TES en année de base, le chapitre 11 pour les années courantes. Une nouvelle version de cet ouvrage sortira début 1996 chez Economica (Ndlr). 6 Dans l'ordre chronologique, les pays dans lesquels de tels TES ont été réalisés sont les suivants : Colombie, Equateur, Portugal, Pérou, Brésil, Colombie, République Centreafricaine, Grèce. Le point de départ de cette expérience professionnelle s'enracine dans la pratique française d'élaboration des comptes nationaux.

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- la liste des filières à prendre en compte, avec un inventaire de leurs caractéristiques techniques ;

- une traduction des nomenclatures dans la réalité locale, en particulier en ce qui concerne les unités institutionnelles, les branches marchandes et non marchandes, les impôts,... ;

- les modes de valorisation à utiliser.

2ème étape

Il s'agit d'une étape de collecte de toutes les données disponibles. Quant à la recherche de ces données, un comportement "frileux" n'est pas de mise. A la manière d'un détective, le comptable national se doit de rechercher tous les indices possibles et de les passer au crible d'une critique sans concession. Proposons quelques repères à la mise en oeuvre de cette méthode :

- on ne peut se satisfaire d'une seule source pour évaluer un poste dès lors que plusieurs peuvent être obtenues ;

- toute information rencontrée est bonne à prendre en considération ; - le doute méthodique est de rigueur à l'égard de toutes les données disponibles (même les plus crédibles) ;

- l'information n'est pas seulement disponible à l'Office de la statistique; il faut également la chercher chez de nombreux acteurs économiques ;

- l'information n'est pas seulement économique; elle est également légale et administrative, démographique, sociale, technique,...

Sème étape

Les sources disponibles prennent les formes les plus diverses. Chacune utilise des concepts et des nomenclatures spécifiques, le plus souvent liés aux caractéristiques du champ concerné. La 3° étape a pour finalité la transposition de cette information selon les concepts et définitions de la comptabilité nationale : nomenclatures d'une part, mode de valorisation d'autre part. Il peut s'agir de valeurs, de quantités physiques, de prix ou même indices et autres ratios. L'objectif est de mettre en place une base de données statistique directement utilisable selon les critères retenus par la comptabilité nationale.

Le diagramme fait l'inventaire de tous les tableaux au sein desquels cette information peut être classée. Cela suppose déjà un gros travail d'interprétation des sources. Mais ce travail reste cantonné à chaque source prise en elle-même : on se contente à ce stade de constater les divergences éventuelles, pour une case donnée, entre des sources différentes.

4ème étape

Celle-ci porte sur la synthèse analytique de toutes les données collectées. Deux instruments jouent ici un rôle fondamental :

- l'équilibre ressources - emplois des biens et services ; - les comptes de production et d'exploitation des branches (dans le cadre d'une analyse de leur fonction de production).

L'un et l'autre de ces instruments sont élaborés dans un grand détail (100 à 200 pour les branches, 200 à 600 pour les produits).

Les équilibres, quand cela est possible, sont d'abord réalisés en quantités physiques. Pour certains d'entre eux, un travail conjoint est réalisé dans la perspective des filières de production. Les comptes de branche sont construits en lien avec les facteurs de production mis en oeuvre (matières premières, travail, capital fixe). Une attention particulière doit donc être apportée aux données sur l'emploi. Les instruments de travail sont prévus de telle sorte que puissent être incorporées progressivement des hypothèses sur l'économie non enregistrée (cf les différentes

O Implantation locale - Nomenclatures

et dkrionnsires associés

- Filières

0 Collecte des données

- Données Dar branches

- Autres informations • Douane • Comptabilité publique • Comptes outres unités • Recensement population • Enquéte emploi • Enquite consommation • Economie informelle • etc...

0 Constitution des bases de données

Production

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Emplois

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• Coûts de transport

Fax

0 Elaboration analytique

Variation des Stocks

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Ces travaux analytiques utilisent des informations fractionnées (par produit ou par branche) sur les différentes opérations concernées. Il est donc nécessaire de conduire simultanément des tableaux de pré-synthèse, pour s'assurer de la cohérence des arbitrages rendus localement. Il s'agit en particulier :

- des données disponibles sur les échanges interindustriels (use matrix), - de la matrice des productions (make matrix), - de la FBCF par produit et par branche (et/ou par secteur institutionnel), - d'un tableau des impôts indirects, - de la variation des stocks par produit et par branche (et/ou par secteur institutionnel),

- de la mesure de la production du commerce, - de l'emploi par branche.

Sème étape

C'est l'étape de la synthèse finale. Une fois construits les équilibres ressources -emplois et les comptes de branche, les différentes données qui en sont issues sont rassemblées dans le cadre du TES et des autres tableaux de synthèse indiqués sur le diagramme.

Le travail porte alors dans quatre directions : - une analyse critique des grandeurs obtenues, dont le PIB et les éléments de la demande finale d'une part, la répartition primaire et les excédents bruts d'exploitation par branche d'autre part ;

- l'arbitrage sur le tableau des consommations intermédiaires, de telle sorte qu'il y ait coïncidence entre les données issues de l'offre d'une part (élaborée dans le cadre des équilibres), de la demande d'autre part (en provenance des comptes de production des branches) ;

- le report sur les tableaux intermédiaires de toutes les corrections apportées au cours de cette 5° étape ;

- la transposition par secteurs institutionnels des données qui figurent simultanément dans leurs comptes.

III - UN EXEMPLE : L'ECONOMIE INFORMELLE

Le développement de l'économie informelle dans les pays en développement est un véritable défi pour le comptable national, dans la mesure où cette activité échappe le plus souvent à la collecte statistique classique : quelle évaluation donner à ce phénomène, et comment la faire évoluer au cours du temps ? Mais à y regarder de plus près, le défi est encore plus vaste : il porte sur l'ensemble du non-enregistrement statistique, dont l'économie informelle n'est qu'un aspect. Or c'est bien l'ensemble de la vie économique que la comptabilité nationale doit mesurer (les textes de la révision 4 du SCN le soulignent encore plus explicitement).

Or, pour répondre à ce défi, l'utilisation du TES selon la méthode indiquée ci-dessus représente un apport décisif. L'exploration des zones d'ombre qu'elle permet porte en particulier sur toutes les activités qui se développent en marge de l'économie formelle. C'est pourquoi des techniques, adaptées à la nature de chaque branche, ont pu être progressivement mises au point pour mesurer ce que la statistique ne fournit pas7.

Mais la demande va encore plus loin : on souhaite isoler, au sein des redressements ainsi effectués, ce qui concerne plus spécifiquement ce qu'on appelle l'économie informelle. Or les techniques mentionnées plus haut ne permettent pas de faire la distinction requise. De nouvelles méthodes de mesure doivent par conséquent être envisagées, qui comprennent d'ailleurs la mise en oeuvre d'enquêtes spécifiques. Mais dans ce cas aussi, le TES occupe une place prépondérante. La

7 On peut trouver une description de ces méthodes dans SÉRUZIER M. : "Le TES au service de la mesure de l'économie non enregistrée. Propositions méthodologiques pour les pays en développement" - STATECO n° 58-59 , INSEE, Paris - Juin 1989.

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présentation de ces méthodes constitue donc un bon exemple du rôle irremplaçable que le TES est appelé à jouer dans la construction des comptes nationaux8.

III.!. Définir les concepts On aura noté dans l'introduction à cette troisième partie l'utilisation de deux notions

dont les contenus se recoupent : le non-enregistrement par la statistique et l'économie informelle. Certains auteurs ont même tendance à les confondre. Or il est important de bien les distinguer pour mieux les maîtriser, car elles relèvent de registres différents : l'une est de nature statistique, et l'autre de nature économique.

Il y a d'une part tout l'espace du non-être statistique que représente le non-enregistrement par celle-ci d'une partie des phénomènes économiques et sociaux, et ceci pour des raisons multiples qu'il est nécessaire de différencier ; nous parlons à ce propos de non-enregistrement statistique. Et il y a d'autre part un pan important de l'activité économique qui se développe en marge des contrôles et régulations édictés par les pouvoirs publics, de manière plus ou moins délictueuse et/ou selon des méthodes alternatives, et nous parlons alors d'activités informelles. La première approche (le non-être statistique) relève du point de vue du statisticien, la deuxième (un mode informel de production) appartient à celui de l'économiste.

L'expérience montre que le non-enregistrement statistique concerne l'ensemble des activités économiques et touche tous les secteurs institutionnels. Mais il est vrai aussi que le domaine des activités informelles est plus particulièrement concerné par cette carence statistique. C'est pourquoi les informations manquent pour en mesurer l'ampleur, les méthodes les plus diverses ayant été imaginées pour les évaluer. Mais il faut aussi reconnaître que cette difficulté de nature statistique n'est pas la seule explication au défaut de mesure de ce phénomène économique. Car il existe également des divergences pour en interpréter les causes ; si bien que le contenu même du phénomène "informel" est mal déterminé, et que les désaccords persistent pour en définir le contour.

Pour notre part, et dans un souci opérationnel, nous proposons la définition suivante pour un "secteur informel" : il s'agit de l'ensemble des établissements (encore appelés unités de production) qui se situent en marge de la régulation publique les concernant, quelles que soient leur taille ou l'activité qu'ils exercent. De tels établissements appartiennent nécessairement au secteur institutionnel des ménages. L'absence d'enregistrement fiscal (ou l'application d'une fiscalité forfaitaire) pourrait alors être le meilleur critère objectif permettant le "marquage" des unités jugées informelles.

Dans le cadre de telles définitions, on constate que la plupart des unités informelles sont absentes des enquêtes économiques classiques. Mais le phénomène n'est pas systématique ; et une meilleure couverture peut par exemple être obtenue à l'occasion d'un recensement économique. Reste que le taux de couverture demeure toujours une inconnue.

De son côté, le non-enregistrement statistique concerne bien d'autres phénomènes : - certains comptes spéciaux des administrations publiques ; - une partie de l'aide internationale reçue ; - des unités formelles (sociétés en particulier) absentes des statistiques pour

diverses raisons ; - la production des unités formelles non déclarée aux statisticiens (pour motif de

fraude fiscale ou pour tout autre motif) ; - la production des ménages réalisée pour compte propre ; - toutes les activités de nature illégale.

8 On trouvera une présentation détaillée de ces méthodes, ainsi qu'un essai de définition du secteur informel dans ROUBAUD F., SÉRUZIER M., "Economie non-enregistrée par la statistique et secteur informel dans les pays en développement" - STATECO n° 68, INSEE, Paris, décembre 1991. De telles propositions s'inscrivent dans les recommandations faites par la 15ème conférence internationale des statisticiens du travail (janvier 1993).

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111.2. Pour une information directe sur l'informalité Ce qui relève du non-enregistrement statistique est une notion négative, que le

comptable national ne peut aborder que globalement. Connaître spécifiquement l'économie informelle n'est donc pas accessible par le biais du non-enregistrement. En conséquence, une approche positive du phénomène est nécessaire. Elle ne peut être que statistique. Et puisque l'informalité n'est que très partiellement saisie par les enquêtes économiques classiques, des outils nouveaux doivent être imaginés.

Parmi les réponses apportées, on peut mentionner en premier lieu le couplage "recensement d'établissements / enquête sur le secteur informel". C'est la procédure la plus directe, puisqu'elle s'intéresse dès l'origine aux unités de production telles qu'elles sont rencontrées sur le terrain. Le recensement peut être conduit par sondage aréolaire, mais il suppose toujours un ratissage systématique des zones recensées, pour que toutes les formes d'activité soient détectées. Mais c'est alors à un véritable recensement des logements auquel il faudrait procéder pour atteindre les activités exercées à domicile. Et restent toujours exclues les activités non sédentaires.

C'est pourquoi une autre piste est actuellement explorée : la réalisation d'enquêtes mixtes sur la base des enquêtes emploi auprès des ménages9. Les enquêtes emploi constituent en effet le meilleur support pour servir de filtre à une enquête spécifique sur le secteur informel, dans la mesure où elles fournissent les informations nécessaires pour identifier toutes les personnes responsables (entrepreneurs individuels) d'une unité informelle, sédentaire ou non.

111.3. Méthode d'évaluation et rôle du TES Le travail s'inscrit dans la démarche présentée dans la deuxième partie, laquelle peut

permettre une exploration relativement poussée des domaines où manque l'information directe. On y parvient d'autant mieux qu'on met au point pour le pays concerné une typologie rigoureuse du non-enregistré statistique. Une partie de ces zones d'ombre doit faire l'objet d'investigations spécifiques : données manquantes de l'administration, aide internationale, unités formelles absentes, activités de nature illégale.

Pour le reste, c'est par la mise en oeuvre des relations fournies dans le cadre du TES qu'une évaluation globale du non-enregistré peut être obtenue au niveau de chaque branche. Il faut pour cela introduire une mise en perspective de chaque filière, en tenant compte des points forts disponibles :

- matières premières nationales ou importées, - facteurs de production (dont l'emploi), - niveau de la demande (intermédiaire, consommation finale, formation de capital, exportation).

Mais il est également nécessaire d'inscrire ces différentes évaluations dans des ensembles de référence. On utilise pour cela les informations relatives aux différentes populations économiques :

- les unités institutionnelles productives, - les établissements, - la population active occupée par branche (en précisant si possible le nombre des emplois pratiqués et le temps travaillé).

Cette information sur l'emploi est de toute première importance, et il est essentiel de la mettre sous forme d'une matrice, croisant activité économique et statut des travailleurs (salariés, patrons, pour compte propre, aides familiaux). On utilise pour cela l'information en provenance d'une part du plus proche recensement de la population, d'autre part des enquêtes emplois. Un tel cadre peut alors recevoir également l'information en provenance de l'enquête mixte sur l'informel, si elle est réalisée. On notera qu'une telle matrice permet en particulier d'attribuer un emploi à l'ensemble connu des personnes actives occupées.

9 Voir l'enquête 1-2-3 sur l'emploi et le secteur informel à Yaoundé", STATECO n° 78, INSEE, Paris, juin 1994.

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C'est au terme de ces différents travaux que prend place l'élaboration du tableau "compte de production par branche" figurant à la quatrième étape de la figure 1. Un tel tableau est élaboré pour chacune des branches considérées. Il comporte :

en ligne : les opérations des comptes de production, d'exploitation et du revenu d'entreprise, ainsi que la population employée, telle qu'elle résulte de la matrice précédente.

en colonne : une décomposition de ces données par famille d'établissements, selon la nomenclature suivante :

(1) établissements des SOS (2) établissements des El formelles (3) établissements des El informelles (4) sous déclaration associée aux cas (1) et (2) (5) production des ménages pour compte propre (6) établissements pratiquant des activités illégales.

Pour remplir ce tableau : - les colonnes (1) et (2) sont alimentées par les sources statistiques classiques, - la colonne (3) est alimentée par les données en provenance de l'enquête

spécifique mentionnée ci-dessus, - les colonnes (5) et (6) ne portent que sur un nombre limité d'activités. Il est en

revanche particulièrement difficile d'en estimer le contenu, - la colonne (4) s'obtient par différence, compte tenu de l'évaluation globale en provenance du TES ; cette sous-déclaration résulte le plus souvent de la fraude fiscale.

Par une démarche itérative, on met progressivement en place les fonctions de production propres à chacune de ces colonnes, et de telle sorte que le total proposé soit compatible avec le reste du système. Il est évident que cette méthode laisse encore quelques zones dans l'ombre, que seules des hypothèses complémentaires peuvent éclairer. Mais leur poids est déjà sensiblement plus faible. Elle permet donc de proposer des hypothèses fortes à la fois sur l'économie informelle et sur la fraude fiscale de l'économie formelle.

IV - QUELQUES COMMENTAIRES EN GUISE DE CONCLUSION 1/ Pour les comptables nationaux, construire des TES représente incontestablement

un travail beaucoup plus important. Mais c'est la qualité des comptes qui est en jeu. Si celle-ci est voulue, alors faut-il en mettre le prix. Et il serait difficile d'accroître cette qualité de manière significative en faisant l'impasse sur les TES. On doit donc en convaincre les autorités politiques.

2/ Mais il ne faut pas exagérer non plus le coût supplémentaire que cela représente par rapport à une élaboration épisodique réalisée par une équipe autonome des comptes nationaux. Les mêmes travaux statistiques doivent en effet être réalisés. Et au lieu d'avoir à constituer chaque fois une nouvelle équipe, celle-ci devient permanente. On assure ainsi la maintenance technologique et la continuité des méthodes utilisées.

3/ Par l'intégration des TES à la comptabilité nationale, on obtient à la fois un bon TES sur l'année de base (pour l'analyse structurelle), et des TES successifs au cours du temps, à prix courants comme à prix constants. Ceci permet donc également l'analyse temporelle.

Dans les pays que j'ai accompagnés, les TES aux prix de l'année de base ont été obtenus par enchaînement de TES élaborés aux prix de l'année précédente.

4/ Les TES ainsi obtenus sont généralement moins détaillés que ceux réalisés par une équipe autonome. Le temps presse en effet pour disposer de comptes nationaux à jour. On peut cependant mettre en place un plus grand détail pour la seule année de base (c'est ce qui a été fait au Pérou et au Brésil).

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En revanche, de tels TES offrent le grand avantage d'être articulés avec l'ensemble des autres transactions analysées par la comptabilité nationale, telles que :

fiscalité et subventions, flux de revenus, épargne des secteurs et position vis-à-vis du Reste du monde, éléments de patrimoine (capital fixe, stocks et instruments financiers).

5/ On sait qu'une demande croissante se manifeste pour mieux connaître le compte des ménages, et en détailler le contenu (dans le cadre par exemple de matrices de comptabilité sociale). Or une élaboration autonome de ces instruments ne peut mettre en oeuvre que la seule information directe les concernant. En revanche, l'élaboration préalable d'un TES leur assure une bien meilleure qualité, puisqu'elle permet la confrontation de telles sources avec celles en provenance des producteurs, du commerce extérieur ou des données comptables des secteurs institutionnels. De plus, elle permet la synthèse du compte des ménages par comparaison avec ceux des autres secteurs. On peut alors donner aux matrices de comptabilité sociale l'assise macroéconomique qui risquerait sinon de leur faire défaut.

6/ Quelques remarques à propos de méthodes : - Le SCN propose d'élaborer le TES en utilisant des branches d'établissements (ce qui suppose simultanément l'élaboration d'une "make matrix"). La Communauté Européenne propose jusqu'à présent la constitution de branches "pures". Les deux méthodes sont possibles. On notera cependant que la première assure une bien meilleure proximité avec les sources statistiques. Et la "make matrix" des pays peu développés est principalement diagonale. Pour l'arbitrage sur les équilibres ressources-emplois, on part de la production à prix de base, tandis que les emplois sont connus à prix d'acquisition (ceci résulte de la nature des informations fournies par les sources statistiques). Pour passer des uns aux autres, on doit donc évaluer impôts et marges associées. Ce matériau de base peut ensuite être utilisé pour construire des matrices selon différents types de valorisation. Quant à la révision 4 du SCN, elle propose que le TES soit habituellement présenté à prix d'acquisition. Il peut être très intéressant de réaliser des matrices rectangulaires (en associant plusieurs produits à une même branche). L'information relative aux marchés est en effet plus détaillée que celle relative aux coefficients techniques des branches. Pour ceux qui souhaitent inverser la matrice, il est toujours possible de ramener celle-ci à une forme carrée. On notera cependant que l'informatique permet la mise en oeuvre de procédures itératives, compatibles avec des matrices rectangulaires, et dont la souplesse d'utilisation est certainement supérieure à l'emploi de la matrice inverse.

LE PROJET ERE-TES

par Philippe BRION et Michel SÉRUZIER 1

I - LA SITUATION DE LA COMPTABILITE NATIONALE DANS LES PAYS D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Même si ce constat recouvre des situations diverses, on peut affirmer qu'il y a eu, au cours des dix ou quinze dernières années, une dégradation des comptes nationaux publiés dans les pays d'Afrique subsaharienne 2 : les programmes d'ajustement structurel ont orienté la demande d'information économique vers le court terme, auquel les opérations lourdes comme la comptabilité nationale répondent mal (mais en même temps, l'analyse du court terme a besoin de solides points de repères structurels), et la diminution des moyens affectés aux services statistiques a joué dans le même sens, pour aboutir à des situations où les comptes sont publiés avec beaucoup de retard, voire plus du tout ou au coup par coup en fonction d'opérations ponctuelles à l'initiative de demandes "immédiates", souvent des bailleurs de fonds. De plus, la qualité des comptes publiés s'est souvent dégradée, avec l'utilisation d'années de base de plus en plus anciennes.

On est donc loin d'une situation où existerait un vrai "régime de croisière", avec accumulation progressive de savoir-faire ; l'histoire des services de comptabilité nationale de nombreux pays d'Afrique subsaharienne est faite de ruptures :

- ruptures au niveau des cadres responsables de ces services qui ont souffert d'un manque de reconnaissance ou de motivation, en comparaison avec des services travaillant sur d'autres domaines de la statistique ; en conséquence, ruptures au niveau de la méthodologie car, bien souvent, il n'y a pas eu de "mémoire" des pratiques opérées ; ruptures au niveau de l'enchainement statistique, les séries étant souvent "hachées" et l'actualisation de l'année de base non réalisée.

II - LE MODULE ERE-TES

Hi. Le projet PIAF Le projet PIAF (Programme Intégré d'Applications Financières) a été lancé en 1987

par le Ministère français de la coopération, en collaboration avec le Ministère de l'économie et des finances ; il visait à mettre à la disposition des administrations financières des pays du champ de la coopération française des "progiciels administratifs" correspondant à un certain nombre de sous-projets : fiscalité, douanes, gestion de la dette, ... Chacun de ces sous-projets devrait aboutir à un

1 Philippe BRION est le chef de la division "études et méthodes statistiques pour le développement" de l'INSEE. Michel SÉRUZIER est expert en comptabilité nationale. 2 Voir par exemple PACCOUD T., La comptabilité nationale en Afrique subsaharienne : s'adapter pour survivre, STATECO n° 66, juin 1991.

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produit suffisamment standardisé pour être portable et adaptable aux besoins propres des pays, fonctionnant sur micro ordinateur et se conformant aux normes en vigueur.

L'idée était donc de mettre en commun des problématiques au niveau d'un certain nombre de pays, et de réaliser des économies en fabriquant un outil utilisable par l'ensemble ; par ailleurs cette mise en commun favorise des échanges d'expérience entre collègues des pays concernés, ainsi qu'une plus grande efficacité de l'assistance technique.

On trouvait également une volonté d'introduire un changement au niveau des pratiques de ces administrations en leur faisant prendre le "virage de la micro informatique", ce virage ayant des conséquences sur l'organisation générale des travaux.

Enfin, chaque sous-projet devait être développé en collaboration avec un pays partenaire, après une étude comportant des visites dans plusieurs pays et destinée à définir les spécifications du produit à réaliser.

11.2. Déroulement du projet concernant le module ERE-TES

2.2.1 Au sein du programme PIAF, l'INSEE a proposé un sous projet consacré à la comptabilité nationale :

Ce projet, ERE-TES (comme équilibres ressources-emplois, tableau entrées-sorties) est destiné à apporter une aide à l'élaboration des comptes nationaux par l'intermédiaire d'un système constitué d'une base de données rassemblant, de manière structurée, l'ensemble des informations nécessaires à la comptabilité nationale et d'outils destinés à différentes étapes d'une partie de la fabrication des comptes : élaboration des équilibres ressources-emplois par produit, comptes de production des branches et enfin élaboration du tableau entrées-sorties pour la synthèse finale3. Le module est actuellement limité à un champ partiel des comptes, à savoir le TES, mais est "ouvert" à des possibilités de développements ultérieurs vers le TEE et le TOF (voir encadré 1 pour la terminologie employée). Enfin, il a dès le départ été développé dans le cadre de la révision 4 du SCN, encore en cours d'élaboration au début du projet.

ENCADRE 1

A propos de la 4e révision du SCN et de la nouvelle terminologie

C'est en février 1993 que la 4e révision du SCN a été adoptée par la Commission de statistique des Nations Unies, après un long travail de préparation conduit par un groupe d'experts. Cette révision représente une mutation profonde du système de comptabilité nationale dans la continuité des principes régissant la précédente révision de 1968. Pour les pays qui décideront de l'adopter, le SCN 93 peut donc constituer l'occasion d'une amélioration significative des instruments de mesure de leur économie.

Cette révision est l'occasion d'un changement dans la terminologie utilisée. Mais celui-ci étant récent et pour l'instant peu répandu, nous utiliserons ici l'ancienne terminologie. La transposition aux nouveaux termes pourra se faire sans difficulté, les contenus conceptuels restent inchangés.

Pour mémoire :

Tableau Entrées-Sorties (TES) devient Tableau des Ressources et des Emplois (TRE).

Tableau Economique d'Ensemble (TEE) devient Tableau des comptes économiques intégrés.

Tableau des Opérations Financières (TOF) reste inchangé.

Une réédition de "Construire les comptes de la nation° de Michel SERUZIER sortira aux éditions Economica début 1996, intégrant entre autres la révision 4 du SCN. On trouvera dans cet ouvrage plus de détails sur les concepts employés.

3 Le module étant décrit de façon plus explicite dans d'autres articles de ce numéro de STATECO, on se reportera à ces articles pour plus de détails.

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2.2.2. Un déroulement du projet en quatre phases : En 1989, l'équipe de réalisation du projet a été constituée, associant un expert en

comptabilité nationale (Michel SERUZIER) et un laboratoire informatique de l'Université de Lyon-I (le CREPFI). Une première phase s'est achevée en 1990 et a consisté en une étude de la faisabilité du produit.

Elle a été suivie d'une deuxième phase pour l'élaboration du cahier des charges (spécifications du module) : il est à noter qu'au cours de cette deuxième phase des missions ont été réalisées dans cinq pays (Centrafrique, Niger, Cameroun, Gabon et Madagascar), afin d'étudier à la fois les pratiques locales de comptabilité nationale et "l'environnement informatique" dans lequel devrait évoluer le produit.

La troisième phase du projet a consisté en la réalisation d'un "prototype", avec la collaboration active de la Division de la Statistique et des Etudes Economiques de Centrafrique, choisie comme pays partenaire* Elle a abouti à la fin de l'année 1994, et le prototype a permis l'élaboration du TES de ce pays pour l'année 90. L'association active des collègues centrafricains à la mise au point du produit a permis de préciser, ou de valider, un certain nombre de choix relatifs à une application qui s'apparente plus à un système d'aide à la décision qu'à une chaîne informatique se déroulant de manière linéaire, la démarche d'élaboration de la comptabilité nationale supposant la réalisation d'un certain nombre d'itérations.

La phase actuelle de déroulement du projet est celle dite "d'industrialisation" : le prototype doit être maintenant transformé en une version ergonomique (plus rapide, disposant d'écrans d'aide en ligne, ...), il s'agit également de donner une architecture informatique rigoureuse à certains outils développés en prototype et, enfin, d'élaborer une documentation et un scénario de formation pour le module. La RCA, le Cameroun et la Côte d'Ivoire sont actuellement associés à cette phase.

2.2.3. Le comité de pilotage du projet : Ce comité, présidé par l'INSEE, rassemble des experts techniques de l'INSEE et des

représentants des bailleurs de fonds : Ministères français de l'économie et de la coopération, Commission Européenne (Eurostat, CESD-Communautaire). Il est à noter que le projet a été financé conjointement par la Commission Européenne et par la Coopération Française, celle-ci étant également intervenue au travers de l'assistance technique en comptabilité nationale et en informatique mise en place dans les pays partenaires.

Le comité de pilotage a pour rôle de valider les travaux réalisés ou les options retenues lors de chacune des phases de déroulement du projet, et est aussi chargé des décisions concernant les grandes orientations : choix d'implantation, développements additionnels.

2.2.4. Une vocation du projet à s'inscrire dans un ensemble plus large : Ceci peut s'entendre à plusieurs niveaux. L'idée de départ est d'unifier les pratiques de

comptabilité nationale des pays d'Afrique subsaharienne francophone, en s'appuyant sur l'expérience acquise dans ces pays depuis plusieurs dizaines d'années, en particulier au travers de l'assistance technique que l'INSEE y a mise en place, mais en s'appuyant également sur l'expérience acquise par l'INSEE dans le cadre d'actions de coopération sur d'autres zones géographiques (Amérique latine, en particulier). Ceci a conduit à la définition d'un produit adaptable à différents contextes.

Le module ERE-TES pourrait donc être proposé à un ensemble plus large de pays, d'autant plus que la Commission Européenne, partenaire du projet souhaite engager son adaptation à d'autres environnements linguistiques, afin de pouvoir l'implanter dans d'autres pays africains, et plus généralement dans les pays en développement.

D'autre part, le module étant consacré à l'établissement de TES de la comptabilité nationale se situe au coeur d'un ensemble d'informations économiques nécessaires à celle-ci et pour lesquelles des systèmes informatisés existent : traitement des données du commerce extérieur par le

4 Voir l'article consacré à ce partenariat dans ce même numéro de STATECO.

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module EUROTRACE (développé par Eurostat et le CESD-Communautaire), traitement des données comptables d'entreprises (déclarations statistiques et fiscales) par un certain nombre d'applications sur microordinateur. Le module ERE-TES a donc été développé de manière à ce que le passage entre ces différentes applications et lui-même soit possible ; un point important sur ce sujet est, bien entendu, l'utilisation de nomenclatures compatibles (pour lesquelles les standards internationaux sont à recommander).

11.3. L'apport du module Implanter le module ERE-TES dans un pays, c'est simultanément faire le choix d'une

modernisation de ses comptes nationaux. Avant toute décision en la matière, il est donc nécessaire de bien savoir à quoi on s'engage. Car le fait d'implanter le module ne change pas radicalement les conditions requises pour une telle modernisation, et plus largement pour le maintien dans le pays d'une comptabilité nationale opérationnelle. Certes, cette implantation devrait en permettre une gestion sensiblement allégée ; mais elle suppose simultanément un certain niveau d'exigence dans la qualité des comptes nationaux ; et l'objectif reste toujours le même : parvenir à une production régulière et sans retard des comptes relatifs aux années les plus récentes.

2.3.1 Un environnement nécessaire Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut déjà proposer la liste d'un certain nombre de

conditions requises pour la mise en oeuvre d'une comptabilité nationale intégrant des TES en précisant à chaque fois la contribution du module.

- Des données statistiques : Cette exigence est souvent mise en avant pour justifier l'impossibilité dans laquelle on

serait de construire un TES. L'expérience montrerait plutôt, au risque de passer pour paradoxal, que c'est l'inverse qu'il faut admettre. Evaluer le PIB d'un pays repose toujours sur la qualité de l'appareil statistique. Moins bonne est la qualité de celui-ci, plus il est nécessaire de procéder à des redressements et à des évaluations indirectes. Pour le faire de manière satisfaisante, il est alors nécessaire de disposer d'un outil méthodologique performant. Le TES est le seul qui réponde à cette exigence 5.

Mais en dernier ressort, il est évident que la qualité de la mesure fournie par la comptabilité nationale dépend de la qualité de l'outil statistique. C'est pourquoi il est souhaitable de disposer d'un minimum d'information dans le domaine des produits et des branches (dont la production des matières premières et le commerce extérieur) ; et on doit par ailleurs avoir accès aux données comptables des principaux acteurs économiques.

ERE-TES ne comporte donc aucune exigence statistique particulière. Il est en effet prévu pour s'adapter à la situation telle qu'elle se présente, sans imposer des conditions minimales spécifiques. Bien au contraire, il est organisé de telle sorte qu'il permettre l'intégration de tout ce que les comptables nationaux sont en mesure de collecter pour mener à bien leurs travaux. En revanche, le module n'apporte pas, comme tel, de solutions au traitement des statistiques disponibles.

- Des personnes compétentes : La réalisation de comptes nationaux, comme la gestion d'un appareil statistique,

suppose la présence permanente d'un personnel compétent et motivé. La détérioration de la production statistique dans un certain nombre de pays résulte bien souvent de l'absence d'un tel personnel en nombre suffisant. Mais alors, la question ne se pose même plus d'envisager la construction de comptes nationaux même rudimentaires. Et quand ceux-ci sont malgré tout réalisés, c'est grâce à l'intervention d'un expert international venu ponctuellement pallier la carence locale.

Le module ERE-TES n'est pas destiné à venir en appui à de tels experts de passage. Il vise bien au contraire à venir en aide à une équipe locale. Il reste que celle-ci doit exister, être motivée et faire preuve de compétence, en informatique comme en comptabilité nationale.

5 Voir l'article de Michel SÉRUZIER dans ce numéro de STATECO.

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- Moyens matériels : Construire des comptes nationaux ne nécessite pas des moyens matériels

considérables, à la différence de la collecte statistique. Mais il va pourtant de soi, dans le contexte actuel, que des moyens informatiques soient mis à leur disposition. Reste à préciser l'utilisation qui peut en être faite. Pour le moment, les logiciels d'accompagnement aux tâches du comptable national sont plutôt rudimentaires. Du coup, chaque pays s'efforce de mettre en place ses propres programmes d'élaboration. ERE-TES propose à la fois une démarche d'élaboration très complète et un cadre informatique susceptible d'accueillir tous les développements déjà réalisés localement.

- Expérience et transfert de technologie : La compétence du personnel affecté à la construction des comptes nationaux ne suffit

pas. La maîtrise des techniques à mettre en oeuvre est longue à acquérir, surtout quand elle est doit être reconstituée. Et il est bien connu que l'apprentissage des techniques d'élaboration de la comptabilité nationale ne s'acquiert pas sur les bancs de l'université. Un transfert important de technologie s'avère donc nécessaire. Transfert, et non mise en place ponctuelle. Répéter des méthodes introduites par un expert de passage conduit toujours à des dérives inacceptables. Il est donc nécessaire de prendre le temps du transfert, ce qui suppose un compagnonnage avec ceux qui apportent la technologie. Introduire le module ERE-TES ne pourra dispenser de cette démarche de transfert ; il devrait seulement la rendre plus rapide et plus complète.

- Du temps : Construire des comptes nationaux demande du temps. La durée est une condition

essentielle du succès. Avec ou sans l'assistance d'un module du type proposé, construire un TES, a fortiori l'ensemble du système, suppose de prendre le temps nécessaire, en particulier lors de l'implantation d'une nouvelle base. Et ceci est pratiquement toujours le cas quand on intègre pour la première fois un TES au système des comptes nationaux.

Il ne faut pas oublier par ailleurs que tout projet doit être mené jusqu'au bout pour qu'un résultat soit obtenu. Quand le départ est pris, il est donc nécessaire d'affronter toutes les difficultés qui peuvent se présenter. Bien gérer le projet est donc une tâche essentielle, qui suppose une certaine expérience. Or celle-ci ne peut être que partiellement apportée par le module ERE-TES.

2.3.2. Ce que le module apporte Ce que le module apporte fondamentalement, ce sont les quatre éléments suivants :

- une méthode d'élaboration des comptes déjà testée dans de nombreux pays ; - une assistance à la gestion des données, conduisant aux tableaux prévus par le système ;

- un accompagnement dans le déroulement des tâches ; - une utilisation rationnelle de la microinformatique au service d'un travail collectif.

En revanche, et cela constitue également un élément très important, le module n'appporte aucune procédure automatique de résolution des contradictions rencontrées entre les sources statistiques ; tout est fait au contraire pour obliger les comptables nationaux à trouver les causes de ces contradictions, afin de leur apporter les solutions les plus satisfaisantes, d'abord d'un point de vue statistique, puis selon une approche plus économique.

Plus précisément, on peut détailler les apports suivants : - la mise en place d'un TES conforme aux régies proposées par les Nations Unies dans sa dernière révision du SCN ;

- un enchaînement pré-déterminé mais non contraignant des tâches à réaliser ; - une aide à l'enchaînement de ces tâches et un suivi de leur réalisation ; - une aide systématique pour expliquer la manière de réaliser chacune d'entre elles (aide en ligne) ;

- un support pour stocker les données existantes et les "apporter" à chaque fois qu'elles sont utiles à la réalisation d'une étape du travail ;

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- un cadre pour mettre en forme ces données selon les caractéristiques requises par le système de comptabilité nationale ;

- des tableaux de travail permettant de favoriser tous les arbitrages nécessaires entre des sources qui se révéleraient contradictoires ;

- un bloc-notes pour enregistrer tous les commentaires associés aux travaux en cours de réalisation ;

- des suggestions pour mesurer les domaines dans lesquels il est courant que les statistiques soient insuffisantes (en particulier en ce qui concerne l'économie informelle) ;

- la réalisation de calculs habituellement pratiqués pour la construction d'un TES ; - une aide à l'implantation locale du module ; - la possibilité de lui associer des programmes informatiques développés localement (déjà existants, ou à développer par la suite), tant pour le traitement préalable des données statistiques que pour l'élaboration d'éléments des comptes nationaux.

Plus généralement, le module ERE-TES est prévu pour faciliter le plus possible le travail d'une équipe locale de comptables nationaux. Il peut certainement réduire le niveau de compétence requis tout en accroissant les chances de réussite. Mais il ne peut pas dispenser le pays d'y consacrer des moyens significatifs, en qualité statistique, en compétence et en temps de travail. Par ailleurs, la mise en place du module est certainement délicate, ce qui suppose une bonne formation de l'équipe à qui la gestion en sera confiée.

2.3.3 Pour une production régulière des comptes Les commentaires proposés maintenant ne sont pas spécifiquement liés à l'utilisation

du module ERE-TES ; il s'agit plutôt de rappeler ce qu'on est en droit d'attendre d'une équipe produisant les comptes nationaux d'un pays. L'utilisation du module doit en faciliter la réalisation ; mais avec ou sans module, il faut bien être conscient que la non réalisation de ces objectifs pourrait conduire les autorités du pays à en abandonner la réalisation, ou du moins à réduire sensiblement les moyens mis en oeuvre pour les produire.

Une année de comptabilité nationale ne vient jamais seule, du moins si on respecte l'esprit du système. Un des principaux intérêts de la comptabilité nationale consiste en effet en la possibilité qu'elle offre de permettre une analyse pluriannuelle. C'est pourquoi l'élaboration des comptes porte normalement sur une série d'années successives, de telle sorte que soit assurée la possibilité de les comparer entre elles. Cette cohérence temporelle des comptes est une exigence tout à fait fondamentale et qui requiert une attention spécifique : c'est en quelque sorte le même instrument de mesure qu'il s'agit d'appliquer au cours du temps. Chaque année nouvelle doit donc être élaborée en relation à celles qui la précèdent ou la suivent. Le système prévoit de plus la possibilité d'une comparaison à prix constants pour les opérations sur biens et services : on y parvient en les mesurant toutes aux prix d'une année prise en référence.

Le module s'inscrit dans cette exigence : son implantation se réalise dans le cadre de l'élaboration d'une année de base. Puis il permet la construction de comptes en années courantes, aux prix de l'année en cours comme aux prix de l'année antérieure, et ceci dans le respect des évolutions économiques révélées par les données statistiques. L'objectif est alors de parvenir à la construction des comptes de la dernière année écoulée dans un délai raisonnable (il est souhaitable d'y parvenir vers le milieu de l'année suivante). Mais sur un passé aussi récent, les données statistiques recueillies sont encore partielles (et souvent limitées à quelques mois). Les méthodes d'élaboration à mettre en oeuvre diffèrent donc de celles à utiliser pour des années plus lointaines ; on cherche alors des indicateurs d'évolution par rapport à l'année précédente et on fait beaucoup plus appel aux comportements économiques pour compléter les zones encore obscures. Le module doit pouvoir s'adapter à cette approche différente ; mais on pourrait aussi faire appel à des modèles tels que TABLO 6. Les comptes ainsi élaborés ne peuvent alors être que provisoires, et il est donc nécessaire

6 Voir LEENHARDT B., OLIVE G., TABLO, un exemple de modèle quasi-comptable pour pays en développement, STATECO n° 79-80, septembre-décembre 1994.

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de procéder ultérieurement à une nouvelle évaluation au moyen de ERE-TES, dès lors que l'essentiel des données statistiques est disponible ; cette deuxième évaluation revêt alors un caractère définitif.

Bien entendu, tous ces commentaires concernent la construction tant du TES que des comptes des secteurs institutionnels (dont la synthèse intervient dans le cadre du TEE). Pour sa part, le module ne porte pour le moment que sur le TES ; mais il s'agit sans doute de la partie la plus complexe du système (en particulier en raison de l'élaboration de comptes à prix constants qui lui est associée).

Atteindre un tel régime de croisière n'est cependant pas facile, d'autant plus que la pratique la plus répandue actuellement dans un certain nombre de pays, et pas seulement en Afrique, est de se contenter de produire des comptes définitifs, dont la publication intervient plusieurs années après coup.

2.3.4. Un langage commun pour les comptables nationaux L'élaboration des comptes nationaux repose sur la mise en oeuvre de procédures

nombreuses et complexes. En règle générale, chaque pays développe sa propre organisation, plus ou moins formalisée, et qui reste trop peu souvent accessible aux regards extérieurs. On peut même dire qu'une certaine anarchie règne en la matière, alors que la qualité des résultats dépend pour une bonne part des procédures mises en place. Or, dans ce domaine, la situation en Afrique subsaharienne est particulièrement défavorable : il est très rare que les procédures soient écrites, et la continuité n'est que rarement respectée lors du remplacement des personnes (y compris quand il s'agit d'experts étrangers).

De ce point de vue, l'implantation de ERE-TES devrait représenter un changement profond :

- les procédures sont clairement inscrites dans la structure informatique proposée par le module, et donc accessibles à travers la documentation qui l'accompagne ;

- le respect du module en assurera la stabilité temporelle ; - il y aura similitude des méthodes entre les différents pays l'ayant adopté ; - et donc, une comparabilité améliorée des résultats au niveau international.

Du coup, on peut en attendre des conséquences positives dans différentes directions : - transparence des méthodes pour les utilisateurs ; - possibilité d'un meilleur contrôle des procédures en cas d'audit extérieur sur la qualité

des travaux ; - création d'un espace technologique commun entre pays voisins, ce qui pourrait

favoriser les échanges, et rendre possible la "masse critique" nécessaire à une maîtrise locale des méthodes ;

- meilleure efficacité de l'assistance technique, surtout si elle se développe à travers des structures régionales 7.

11.4. Les différentes étapes de l'implantation Les propositions qui suivent ne peuvent être que des hypothèses, puisque le module

n'est pas encore disponible dans sa forme industrielle. On peut cependant tenir compte de l'expérience acquise dans le cadre des expérimentations en cours de réalisation ; et s'inspirer des situations rencontrées dans différents pays ayant bénéficié d'une assistance pour la modernisation de leurs comptes nationaux selon une approche similaire.

Adopter ERE-TES, c'est faire le choix d'élaborer des comptes nationaux de qualité, en privilégiant l'élaboration des comptes de biens et services, mais sans abandonner pour autant l'approche selon les secteurs institutionnels, domaine pour lequel le produit n'apporte pour le moment que le service de sa base de données.

7 Voir l'article de L. DIOP sur Afristat dans ce même numéro de STATECO.

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Dans la plupart des cas, un tel choix se traduira par l'élaboration d'une nouvelle année de base, point de départ d'une série de comptes annuels en rupture avec les travaux précédents. Dans les cinq à dix années qui viennent, ce sera simultanément pour les pays candidats l'occasion d'adopter la nouvelle révision du SCN. Ce changement de base serait donc de toutes façons une nécessité. Et il faut bien être conscient par ailleurs que pour la plupart des pays, l'adoption du module signifie un saut qualitatif dans l'utilisation de l'informatique au sein de l'institution en charge de la comptabilité nationale.

C'est dire que l'implantation du module dans un pays s'accompagne nécessairement d'autres modernisations dont il ne faut pas ignorer l'importance quand on prétend programmer le temps nécessaire et les moyens à mettre en oeuvre.

Par ailleurs, l'implantation du module ne peut se faire dans un pays sans une certaine assistance technique. Car il faut bien être conscient que le produit, même industrialisé, n'est pas comme tel directement utilisable dans un pays. Comme toute informatique professionnelle, sa mise en oeuvre doit être adaptée à l'environnement spécifique que présente chaque pays. De plus, son utilisation interfère nécessairement avec les habitudes locales, elle fait appel à d'autres modes d'organisation, elle suppose des connaissances que les professionnels locaux ne maîtrisent pas nécessairement. Par ailleurs, le module sera le plus souvent livré à des équipes qui sont loin de disposer du bagage technique requis pour en faire un bon usage, en particulier dans le domaine de la comptabilité nationale. Enfin, l'apport du module se limite à l'espace du TES ; or, son l'implantation sera le plus souvent une occasion de moderniser l'ensemble de la démarche d'élaboration des comptes nationaux, y compris dans la manière d'utiliser l'informatique.

Il faut insister sur les changements profonds que le module apporte. C'est toute une philosophie qu'il apporte avec lui, en particulier dans la manière d'organiser le travail. Accompagner le processus d'implantation est donc une nécessité, et cela requiert un investissement non négligeable, nécessairement différent d'un pays à l'autre.

On pourrait donc imaginer le scénario suivant :

- Mise en place institutionnelle : présentation du produit, constat qu'il répond à la demande locale, détermination des besoins nécessaires à son implantation (informatique comprise), mise au point des modalités de celle-ci et calendrier associé, évaluation de l'assistance technique à prévoir, ressources financières à trouver,... Cette phase initiale s'achève sur un accord de principe entre les différents partenaires concernés.

- Lancement des travaux et formation des personnes : pour que cette deuxième étape puisse commencer, il faut que l'essentiel de l'équipe soit déjà à pied d'oeuvre, et c'est le moment d'en préciser l'organisation ; on procède alors à la constitution de l'environnement informatique et à la formation des personnes en la matière ; on entreprend par ailleurs la mise au point des spécifications nécessaires à l'implantation locale du module (nomenclatures, filières, extension des résultats attendus,...) ; et on détermine les travaux à réaliser sur les sources statistiques disponibles. Les premiers travaux de traitement des données statistiques peuvent alors être entrepris, sachant qu'ils ne peuvent être conduits à leur terme qu'une fois déterminés tous les attributs laissés à l'initiative locale.

- Implantation du module et réalisation de l'année de base (y compris les travaux hors module, concernant l'élaboration du TEE).

- Réalisation des comptes d'une première année courante ; cette phase comporte encore l'appropriation de certaines fonctionnalités du module, avec les méthodes de comptabilité nationale qui leur sont associées.

- Prolongement de la série jusqu'au passé le plus récent ; la durée de cette étape dépend de l'éloignement de l'année prise comme base ; elle comporte également une adaptation des méthodes pour les années les plus récentes, dont toutes les statistiques ne sont pas disponibles. En période de croisière, il faudrait compter de 3 à 4 mois pour la réalisation des comptes d'une année ;

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moins pour les années les plus récentes, à l'aide de méthodes comme celles utilisant le modèle TABLO. Là encore, une assistance technique peut favoriser le respect d'un calendrier rigoureux.

*

*

L'ensemble de ces considérations devrait conduire à pérenniser les pratiques des équipes de comptabilité nationale, et par conséquence à assurer une production régulière de comptes. De plus, les moyens humains disponibles devraient être mieux utilisés, tant au niveau local qu'au niveau de l'assistance technique. Par ailleurs, un réseau d'utilisateurs pourrait permettre des échanges intéressants entre collègues des pays où le module est implanté, et des organismes supranationaux comme Afristat pourraient servir de support à un tel réseau. Enfin, l'utilisation d'un tel module par un nombre important de pays devrait faciliter les travaux de comparaison internationale.

LA COMPTABILITE NATIONALE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ET L'UTILISATION

DU MODULE ERE-TES

par Samuel GBAZA, Hubert GBOSSA, Eric METREAU, Roger MBAITOLOUM, Issen MUSTAPHA et Roger YELE 1

Une des tâches importantes dévolues aux directions nationales de statistique est l'élaboration des comptes nationaux. Même si l'utilisation qui devrait en être faite n'était pas, au départ, très bien perçue par tous les gouvernements des pays en développement, tout le monde était d'accord sur la nécessité de disposer d'estimations du PNB ou du PIB ; les organismes internationaux les utilisent comme un des moyens de comparaison des nations sur le plan économique. Ces indicateurs deviennent incontournables dans le cadre des programmes d'ajustement structurel en cours dans la plupart des pays. Ces programmes d'ajustement structurel se donnent des objectifs précis de croissance économique quantifiable, dont l'essentiel repose sur des variables macroéconomiques telles que les prix, l'investissement, le déficit budgétaire, les soldes extérieurs et surtout le PIB en terme réel et en terme nominal. Ces variables ont besoin d'être bien suivies, car la poursuite du programme dépend en général du respect des objectifs retenus. Il faut donc disposer de variables macroéconomiques significatives, ayant une mesure un tant soit peu fiable et le PIB, de ce point de vue, reste incontournable.

En République Centrafricaine (RCA) comme dans la plupart des états africains au sud du Sahara, on se contentait encore au début des années 80 d'une estimation plus ou moins fiable du PIB. Pendant longtemps, pour ne pas dire depuis toujours, ces travaux ont été réalisés pour la RCA par des expatriés, les cadres locaux formés en statistique et aptes à de tels travaux étant plutôt rares.

Souvent, pour pallier les incohérences dans les évolutions du PIB inhérentes aux méthodes utilisées, le FMI et la Banque mondiale se sont dotés d'un modèle qui leur donnait une estimation du PIB, et s'appuyant sur quelques données "clés" fournies par les gouvernements concernés. L'existence en RCA de deux évaluations différentes souvent contradictoires, l'une appartenant au FMI et l'autre aux mains des comptables locaux, rendait la négociation difficile. S'il existait une raison valable de douter des chiffres du PIB avancés par le gouvernement, les fonctionnaires du FMI se substituaient sans le vouloir aux cadres nationaux, orientant le débat selon leur propre vision de l'évolution des variables macroéconomiques. Si, au contraire, la méthode locale donnait des évolutions présentant quelque crédibilité, alors les débats étaient souvent nourris pour savoir si les objectifs étaient atteints ou pas, car même si le PIB donne une tendance acceptable, son niveau peut poser problème pour certains ratios.

Face à cette situation, l'ensemble des intervenants étaient d'accord pour mettre en place une méthode fiable et éprouvée d'élaboration des comptes nationaux, s'inscrivant dans le cadre d'une relance des activités de la Division des Statistiques et des Etudes Economiques (DSEE) de

1 Samuel GBAZA et Issen MUSTAPHA sont respectivement responsable de la synthèse économique et chef du service des comptes nationaux à la DSEE de République de Centrafrique (Division des Statistiques et des Etudes Economiques). Hubert GBOSSA, expert en comptabilité nationale, a travaillé pour le PNUD à la DSEE jusqu'en 1993. Eric METREAU travaille à la Direction de la Statistique de Bamako ; il était affecté par la coopération française à la DSEE de Bangui jusqu'en mars 1995. Roger MBAITOLOUM et Roger YELE font partie du service des comptes nationaux de la DSEE.

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Centrafrique. Avant de présenter la manière dont cette relance s'est opérée, nous présenterons rapidement les méthodes d'estimation du PIB utilisées à l'époque.

I - LES METHODES UTILISEES AVANT LA RELANCE DES COMPTES NATIONAUX

Deux méthodes ont été utilisées successivement.

I.1. Première méthode appliquée Une structure des valeurs ajoutées était disponible par branche pour l'année 1984. A

la structure de l'année n-1, on appliquait des taux de croissance réelle pour obtenir les comptes de l'année n au prix de l'année n-1. Pour passer aux comptes de l'année n aux prix courants, il fallait se donner un vecteur de taux de croissance des prix. Mais exhiber des taux de croissance réelle et, mieux, des taux de croissance des prix par branche dans un environnement où les statistiques étaient quasi inexistantes relevait d'un véritable défi. Les résultats issus de cette méthode étaient souvent sujets à quelques distorsions, aussi bien sur les volumes que sur les prix. Très souvent ces résultats faisaient l'objet de beaucoup de critiques et finissaient par être écartés des vrais débats.

1.2. L'utilisation d'une deuxième méthode Après avoir relevé les manquements de la première méthode, un rapprochement a été

fait avec la méthode mise au point par le FMI (partie PIB du modèle RMSM). Les moyens informatiques de la DSEE étaient très limités à l'époque pour recevoir tout le modèle RMSM ; pour pallier cela, il a été mis au point une version simplifiée de ce modèle. Un certain nombre de branches importantes était retenu, et on y "semait" des taux de croissance calculés à partir d'une série mise au point sur la production en quantité physique pour le secteur primaire. Pour le secteur secondaire, il était mis au point un indice de volume de la production industrielle. Cette méthode elle-même était confrontée à deux problèmes :

- les branches services (transport, commerce, services aux entreprises, etc...) présentaient des difficultés quant à la détermination de leur croissance en volume. Des raisonnements hors module étaient menés pour exhiber un taux de croissance qui s'inspire de la tendance constatée dans les secteurs de production des biens ;

- si de cette façon on parvenait à retenir un taux de croissance en volume acceptable, il fallait aussi exhiber un taux de croissance des prix, plus précisément un déflateur du PIB. La plupart des indicateurs de performance retenus par les bailleurs s'appuient en effet sur le niveau du PIB nominal. Il fallait pour cela "inflater" le PIB réel obtenu. Ce n'était donc que repousser plus avant les problèmes posés au niveau de la première méthode sur la distorsion des prix. Après plusieurs tentatives infructueuses, car toujours critiquables étant donné l'enjeu sur les indicateurs, on a fini par se contenter d'un déflateur dit normatif proposé par le FMI (il s'agissait en fait d'une moyenne pondérée et ajustée des prix des divers postes d'emplois du PIB). Mais globalement, ces travaux ne donnaient pas entière satisfaction et lorsqu'on arrive à des situations d'impasse, les méthodes utilisées sont incriminées. Progressivement, mais sûrement, s'est posé naturellement le besoin de disposer de comptes détaillés, fiables, hors de toutes critiques. Ces besoins réels ont alors donné du poids au programme de relance des activités statistiques de la DSEE, les comptes nationaux étant bien perçus comme le lieu de synthèse de tous ces travaux statistiques.

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II - LA RELANCE DES ACTIVITES STATISTIQUES ET DE LA COMPTABILITE NATIONALE

II.1. La relance globale de la statistique Le projet de relance des activités statistiques en Centrafrique par le Ministère français

de la Coopération s'est concrétisé en 1988 avec la mise à disposition d'un statisticien généraliste à la DSEE. De leur côté, les autorités centrafricaines montraient l'intérêt qu'elles portaient à cette entreprise en nommant à la tête de la statistique un nouveau directeur.

Assez rapidement, la DSEE allait retrouver un niveau d'activité satisfaisant avec notamment la publication régulière de bulletins trimestriels de la statistique et d'un premier annuaire couvrant les années 1986 et 1987. Dans le même temps, la comptabilité nationale prenait un nouvel essor avec la venue d'un Volontaire des Nations Unies béninois qui prenait en charge le délicat secteur agricole. Un an plus tard, un deuxième assistant technique français, plus spécifiquement chargé de la comptabilité nationale, était à son tour nommé.

A cette époque, un travail d'analyse des sources statistiques a été mené, afin de répertorier l'ensemble des enquêtes, ou autres gisements d'information, et de formuler un diagnostic sur leurs possibilités d'utilisation, en particulier pour la comptabilité nationale. D'autre part, des demandes de réalisation d'enquêtes nouvelles ont été formulées, comme celle concernant le "Recensement des unités économiques de Bangui" (étude appréhendant le secteur informel).

11.2. Le travail de comptabilité nationale Comme nous l'avons indiqué, ce travail a commencé par une analyse critique des

sources statistiques. Par ailleurs, les grandes filières ont été identifiées et étudiées.

2.2.1. Les sources utilisées Les principales sources d'information sont :

- le recensement agricole de 1985, - les enquêtes agricoles annuelles sur les superficies et les rendements, - les structures d'encadrement de certaines productions agricoles (coton, café,

tabac), - les structures de commercialisation des produits agricoles, - des études techniques, - les services techniques de certains ministères (eaux et forêts, mines,

transports ...), - le Recensement Général de la Population de 1988, - le Recensement des Unités Economiques de Bangui de 1989, - l'enquête sur le secteur informel de 1982, - l'enquête Budget-Consommation de 1975, - les Déclarations Statistiques et Fiscales annuelles des entreprises, - les enquêtes trimestrielles de production industrielle, - les statistiques de prix à la consommation des ménages, - les statistiques douanières, - la Banque Centrale (Balance des Paiements), - les administrations, - les fichiers des patentes, - etc.

L'analyse critique a par exemple consisté à confronter les résultats du recensement agricole de 1985 à des statistiques en provenance d'organismes spécialisés comme la SOCADA (Société centrafricaine de développement agricole) pour la culture du coton, la SCAT (Société centrafriciane de tabac), etc., et à utiliser également les données concernant le commerce extérieur et les données sur les prix. Des mesures furent prises pour pallier les lacunes constatées.

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Il est à noter que ces différentes sources permettent l'élaboration d'équilibres ressources-emplois, pour les produits locaux d'une part, pour les produits importés d'autre part, et de comptes de branches à partir des méthodes mises au point par les assistants techniques. Ceci suppose, outre l'utilisation des différentes sources d'information, un certain nombre d'hypothèses sur les différents circuits de commercialisation, les taux de marge, les taux apparents de taxation, la destination des produits ... Certaines des méthodes d'élaboration sont "transversales", elles concernent l'ensemble des branches (par exemple : utilisation des Déclarations Statistiques et Fiscales), d'autres sont spécifiques à un produit ou une branche donnée (méthode de calcul des importations non contrôlées d'huile de palme, par exemple).

2.2.2. Les différentes étapes du travail Il a été mis en place deux pôles de travail au départ, en fonction du retour de cadres

locaux des centres de formation, et de la présence des deux assistants techniques expatriés :

- un premier pôle comprenant les administrations et les branches d'activité primaire, ainsi que les filières associées (travaillant sur Lotus version 2) ;

- un deuxième pôle ayant en charge les branches "modernes" (essentiellement les DSF), les données sur le commerce extérieur et la balance des paiements (et utilisant Excel).

Elaboration des nomenclatures

Il a été mis au point l'ensemble des nomenclatures nécessaire aux travaux : une nomenclature des produits de niveau 1, 2 et 3 ; une nomenclature de branches de niveau 1 et 2 ainsi qu'une nomenclature des opérations et des secteurs institutionnels. Pour ce qui concerne ces nomenclatures, au départ les niveaux détaillés n'étaient pas très explicites.

Mise en oeuvre des ERE et comptes de branche

Les nomenclatures étant disponibles, le cadre des ERE et comptes de branche a été défini et son remplissage rendu possible par les travaux réalisés en amont sur les statistiques disponibles accompagnées des propositions d'arbitrage. Si au niveau des branches de niveau 1 la répartition des tâches semblait bien délimitée, au niveau 2 des branches, et surtout aux niveaux 2 et 3 des produits, des interférences étaient courantes. Très tôt ces contraintes ont conduit les deux pôles à des échanges fréquents d'information. C'est peut-être là un des aspects qui a contribué à la collégialité du travail et facilité plus tard l'adoption par l'équipe de la méthode de travail préconisée dans le cadre du module ERE-TES.

Les travaux de synthèse

Les comptables nationaux avaient conduit leurs travaux avec une relative liberté, sans se préoccuper des contraintes macroéconomiques. Ce n'est que lors de la phase de synthèse et les travaux sur le TES que l'on s'attachera à faire en sorte que ces contraintes soient respectées.

Ces contraintes concernent notamment :

- le niveau des importations et des exportations qui doit être rapproché des évaluations réalisées par la banque centrale ;

- les montants des différents impôts et subventions (droits et taxes à l'importation 2, autres impôts sur les produits, impôts liés à l'activité, subventions sur les produits, subventions sur la production) qui doivent être ajustés sur les données en provenance des différentes administrations ;

2 Pour 1989, le montant des droits et taxes à l'importation a été ajusté sur le chiffre des administrations avant que ne débute la réalisation des équilibres ressources-emplois par lissage des montants enregistrés par les statistiques douanières (hors fiscalité pétrolière).

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- le montant des cotisations sociales à la charge des employeurs dans les comptes d'exploitation qui doivent être compatibles avec les informations en provenance de l'organisme de sécurité sociale.

Le respect de ces contraintes, ainsi que les besoins d'ajustement du TEI (Tableau des Echanges Interindustriels), imposent des retours sur les équilibres ressources-emplois (toujours en distinguant les produits locaux des produits importés) et les comptes de branches qui sont modifiés jusqu'à ce que le TEI soit équilibré et que les différentes contraintes soient respectées.

Bien que l'on dispose d'ERE séparés pour les produits locaux et les produits importés, le travail de synthèse au niveau du TES se fait toutes origines confondues car le partage local/importé n'est pas disponible pour les consommations intermédiaires des branches (les cases du TEI).

Ce n'est qu'à partir du moment où l'on dispose d'un TES équilibré que l'on cherche à "éclater" les cases du TEI, en fonction d'abord de la connaissance du contenu des cases que l'on peut avoir, puis en utilisant un indice résiduel pour les autres consommations intermédiaires de la ligne, le total de cette ligne étant fixé, puisque déterminé par l'ERE.

Les ERE équilibrés (produits locaux et importés séparés) sont ensuite "déflatés" à partir d'indices de prix appropriés. Ces ERE sont reportés dans le TES "aux prix de l'année précédente". On procède alors à la déflation des différentes cases du TEI "éclaté". Là encore, ces déflations se font sur certaines cases par des indices spécifiques, compte tenu de la nature des produits concernés, les autres consommations intermédiaires étant déflatées par un indice résiduel, le total de la ligne étant fixé par l'ERE déflaté.

On dispose alors d'un TES "global" aux prix courants, d'un TES "éclaté" (avec contenu en import) aux prix courants, et d'un TES "éclaté" aux prix de l'année précédente. Les travaux de synthèse ont été réalisés avec une version d'Excel qui pouvait "ouvrir" des fichiers Lotus.

2.2.3. L'accumulation d'un savoir-faire La formation des cadres locaux revenus des centres de formation statistique s'est

effectuée autour de ces deux pôles de travail, ce qui leur a permis de voir directement la nécessité des échanges d'information. Au départ un ITS de retour de l'IAMSEA a été nommé chef de service des comptes nationaux ; un ISE, affecté au Plan pour des travaux de modélisation macroéconomique, a été associé aux travaux des comptes nationaux en vue d'une bonne utilisation par lui des résultats dans le cadre de ces travaux de modélisation. Progressivement, alors que le travail prenait forme, d'autres cadres ITS sont venus grossir le nombre. La façon même dont l'équipe a été constituée a beaucoup favorisé la collaboration entre les cadres. Parmi ces cadres locaux il n'existait pas une prééminence marquée des uns par rapport aux autres, tous étaient globalement sans expérience et désireux d'apprendre ; cela aussi a contribué à une bonne ambiance de travail.

L'ensemble des travaux a abouti finalement en 1992 à la publication de comptes nationaux pour l'année 1988, première année pour laquelle des données statistiques suffisamment fiables étaient disponibles. Dans le même temps, des notes méthodologiques détaillées, destinées aux comptables nationaux eux-mêmes, étaient mises au point par les assistants techniques.

L'établissement des comptes de 1989 fut l'occasion pour les comptables nationaux centrafricains, plus ou moins récemment arrivés, de modifier ces notes méthodologiques en fonction des difficultés de compréhension qu'ils avaient pu rencontrer, et, dans certains cas, de revoir les méthodes d'élaboration elles-mêmes.

Bien entendu, les méthodes concernant 1988, année de base, sont dans certains cas différentes de celles retenues en année courante. C'est notamment le cas de certaines productions du secteur informel pour lesquelles on travaille plutôt en évolution pour les années courantes (calcul de la production de l'année n à partir de celle de l'année n-1 et d'indices de volume et de prix n/n-1), ce qui n'était pas possible pour l'année de base.

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III - L'ASSOCIATION DE LA DSEE AU PROJET ERE-TES

III.1. L'émergence du projet ERE-TES dans l'élaboration des comptes nationaux de Centrafrique

Compte tenu de l'enjeu que représentent les comptes nationaux, la DSEE a souhaité un appui d'un comptable national expérimenté, afin de s'assurer que les pratiques mises en place allaient dans la bonne direction. Une mission de Michel SERUZIER a permis de consolider le travail existant, ce qui a donc donné à la DSEE une certaine audience vis-à-vis de ses autorités ou des bailleurs de fonds.

D'autre part, le projet ERE-TES (pour lequel Michel SERUZIER est l'expert comptable national) en était à l'époque à son stade de conception, et la perspective pour la DSEE d'être associée en tant que partenaire du projet allait dans le sens des travaux réalisés jusqu'à présent, puisque ceux-ci s'étaient inspirés de l'ouvrage de Michel SERUZIER "Construire les comptes de la nation" : un outil informatique élaboré pour la comptabilité nationale serait le bienvenu, et permettrait de structurer l'organisation des travaux.

Il fut alors décidé d'établir les comptes de 1990 selon les cadres d'analyse envisagés par ERE-TES, en même temps que seraient mis au point les modules informatiques par l'équipe du CREPFI de Lyon (en charge de la partie informatique du projet ERE-TES) ; ce travail informatique se ferait en partie à Lyon, en partie à Bangui sous la responsabilité d'un coopérant du service national spécialiste de l'informatique et formé au préalable à Lyon.

Dans un premier temps, les informaticiens du CREPFI ont observé de quelle manière travaillaient les comptables nationaux centrafricains. Il s'agissait moins de s'approprier les techniques d'élaboration des ERE ou des comptes de branche que d'appréhender la démarche générale d'élaboration des comptes et voir dans quelle mesure cette démarche pouvait être respectée par le produit informatique.

Chaque comptable, dans son domaine de compétence, a donc eu à expliquer de manière très précise quelle était sa manière de travailler. Cette phase du travail a exigé de chacun beaucoup d'efforts ; pour les informaticiens d'abord, qui, bien que possédant de solides connaissances en comptabilité nationale, n'étaient pas nécessairement familiers des techniques de mise en oeuvre des comptes, et pour les comptables nationaux ensuite, qui ont parfois dû formaliser de manière intelligible au non-spécialiste des raisonnements qu'ils n'avaient pas toujours explicités.

De plus, le produit ERE-TES devait être développé en tenant compte de la conformité au nouveau SCN (révision 4).

Après cette étape, les informaticiens et les comptables nationaux ont mis en place la codification. Elle permet l'identification des informations, et est spécifique au pays. Les travaux ont abouti à un total de 21 attributs de repérage et d'autres annotations techniques propres à l'informatique : c'était la phase de la mise en place d'un modèle conceptuel de données. Le modèle conceptuel de données permet de comprendre l'organisation et de construire concrètement la structure de la base de données.

Tous ces différents travaux ont abouti en 1994 à l'écriture du prototype qui a été testé lors de l'élaboration des comptes nationaux de 1990.

111.2. La démarche proposée par le module Cette démarche repose sur une organisation décentralisée du travail. Ainsi,

l'élaboration des comptes de branches et de produits est répartie entre des responsables de branches, trois actuellement à la DSEE. Chaque responsable de branches doit posséder une connaissance des

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différents aspects (marché, techniques de production, réglementation, etc .) de son domaine afin de pouvoir justifier ses estimations lors des discussions de synthèse. Le déroulement des travaux peut schématiquement se décomposer en trois phases :

- collecte de l'information de base, qu'elle soit statistique ou non, - élaboration des comptes de branches et des équilibres ressources-emplois, - équilibrage du tableau entrées-sorties (TES).

Lors des deux premières phases, chaque responsable de branche assure un premier travail de mise en cohérence des informations qu'il a pu collecter dans son domaine. Cette mise en cohérence est réalisée d'une part par les équilibres ressources-emplois, d'autre part par la confrontation des estimations de la production issues respectivement de l'équilibre ressources-emplois et du compte de branche correspondant.

La phase d'équilibrage du TES est la plus complexe, elle impose une concertation étroite de l'ensemble des responsables de branches. Les premières estimations réalisées lors de la phase d'élaboration des comptes de branches et des équilibres ressources-emplois laissent, en effet, apparaître des incohérences lorsqu'on les incorpore au TES. Une procédure itérative mettant en relation l'ensemble des responsables de branches s'engage alors. Elle vise à réduire progressivement les incohérences en confrontant la qualité des différentes données et en revenant sur les premières estimations. A l'issue de ce travail on parvient à un ensemble cohérent de données qui réalise la synthèse de l'ensemble des connaissances, statistiques ou non, que l'équipe de comptables nationaux a pu acquérir concernant la situation de l'économie nationale pendant l'année étudiée.

Le logiciel ERE-TES, globalement, doit être perçu comme un ensemble d'outils disponibles sur les données, et non comme un logiciel d'automatisation de la réalisation des comptes. Il est destiné à être utilisé par une équipe de comptables nationaux.

Les différents outils proposés sont accessibles à partir d'une fenêtre principale, munie de menus déroulants. Les outils peuvent être classés en plusieurs catégories :

- outils de guidage méthodologique ; - outils de chargement et d'extraction des données de la base ; - travail sur les tableaux de synthèse ; ERE, comptes de branches et TEI ; - administration du logiciel et gestion des décentralisations ; - outils d'édition et de publication.

3.2.1. Constitution de la base de données Les données primaires sont d'abord traitées sous des tableurs tels que Excel ou Lotus,

ou encore sur simple feuille de papier. Chaque grandeur économique est transcrite dans une table dite de transfert comprenant 21 attributs. Ces attributs retracent les caractéristiques techniques (relatives au module) et économiques de la variable économique à entrer dans la base. Ils permettent d'identifier la grandeur économique en conséquence et de la faire retrouver facilement (par exemple : s'il s'agit de production, de consommation finale, d'impôts, de salaire, d'un salarié, etc.). La base de données ne sera constituée que lorsque les variables économiques sont bien renseignées selon les 21 attributs, d'où la nécessité de leur parfaite maîtrise lors de la codification, et en particulier, de ne pas oublier les attributs suivants :

- le code produit et/ou le code branche ; - le code opération pour désigner l'appartenance économique d'une valeur (par exemple OP2 pour désigner les consommations intermédiaires) ;

- le mode de production pour préciser si l'information est du secteur moderne déclaré, moderne non déclaré, administration ou informel ;

- l'attribut méthodologique pour différencier les consommations intermédiaires du point de vue de l'offre et du point de vue de la demande ;

- le code principal secondaire pour distinguer les productions principales des secondaires (sinon la valeur de la production ne s'affichera pas) ;

- le code actif si une information est active ou non ; - la campagne : elle précise si les données sont celles de l'année précédente ou de l'année en cours ;

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- l'unité de valorisation qui permet d'identifier si une donnée économique est valorisée à prix de base, prix d'acquisition ou au prix de l'année précédente, en quelque sorte une référence de mesure pour chaque opération ;

- l'identité statistique pour préciser si l'information est du type source ou arbitrée.

3.2.2. Les ERE L'équilibrage des ERE se fait à l'aide d'un écran ERE conçu à cet effet. L'architecture

de cet écran est constituée des différents éléments composant les termes de l'équation macroéconomique :

P + M + Marges + DTI + Impôts indirects = Ci + CF + Var. Stock + FBCF + X

On consulte l'ERE en précisant le niveau des produits, 1 ou 3. Sur l'écran du produit sélectionné, on a trois ERE : valeur de l'année précédente (n - 1 à prix n - 1), valeur à prix constants (n à prix n - 1) et valeur de l'année courante (n à prix n). Chaque élément ou opération visualisé dans l'ERE est reconstitué après consultation de la base de données selon les critères techniques et économiques que constituent les 21 attributs.

Une valeur économique ne s'affichera au bon endroit que si ses attributs sont bien renseignés. Donc une bonne codification des variables économiques, des valorisations, des opérations, est nécessaire.

L'établissement d'un équilibre ressources-emplois se fait avec les notes méthodologiques conçues par le service de la comptabilité nationale. Pour un ERE, par exemple, il suffit d'avoir la production du produit concerné et quelques éléments de précision. On élabore facilement l'équilibre avec l'outil ERE-TES tout en respectant les contraintes comptables. L'outil permet également de vérifier si un ERE est équilibré en colonne.

Avec l'écran ERE on peut travailler sur un équilibre ressources-emplois, le valider dans la base sans qu'il soit équilibré et quitter cet écran ; ceci permet aux comptables nationaux de faire des simulations ou de réfléchir sur la méthode à utiliser pour équilibrer l'ERE en question. Le module ERE permet aussi de faire des modifications à l'écran. Ces modifications peuvent être répercutées dans la base lors de la validation ou de la sauvegarde de l'ERE dans la base.

Après avoir élaboré les équilibres ressources-emplois de tous les produits "comptabilité nationale", on peut lancer le test de validation des ERE. Ce test vérifie produit par produit si tous les ERE sont équilibrés et envoie les résultats dans deux fichiers qui servent à connaître l'état de validation des ERE par produit.

3.2.3. Les comptes de branche L'étude des fonctions de production se fait à l'aide d'un écran dit "compte de branche".

Il répertorie, en ligne, les éléments des comptes de production et d'exploitation et en colonne, les différents modes de production pratiqués par les unités de la branche :

- en ligne, production, Cl, VA, salaires, impôts à la production, subventions, cotisations sociales, EBE et effectifs ;

- en colonne : secteur moderne déclaré, secteur moderne non déclaré, administrations et IPSBL, secteur informel et ménages ...

Le module "compte de branche" est en quelque sorte le reflet des ERE, parce que la production d'une branche est la somme des productions des produits de cette branche. Une modification de la production dans un compte de branche se répercute automatiquement sur l'équilibre ressources-emplois du produit de la branche. Ce qui différencie le module CB du module ERE est au niveau de la classification de la production par mode (secteur moderne déclaré, moderne non déclaré, administrations et ménages).

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La distinction est faite également au niveau des consommations intermédiaires parce que pour produire, une branche consomme plusieurs produits. Le module CB nous présente à l'écran toutes les opérations concernant une branche au cours de l'année : productions, consommations intermédiaires, valeur ajoutée, salaires, population active occupée, ... et également des ratios par mode de production tels que valeur ajoutée par tête, coefficients techniques, etc.

3.2.4. L'équilibrage du TEl Le "calage" du TEI consiste en l'étude des coefficients techniques des branches. Il

s'agit de faire correspondre les Cl des branches avec le total des CI provenant des différents ERE.

Le TEI est le tableau de synthèse ; il fait appel aux informations provenant des comptes de branches et des équilibres ressources-emplois. En ligne, on a les produits de niveau 1 et en colonne les branches de niveau 1. Ce tableau permet de faire l'arbitrage entre les consommations intermédiaires venant des comptes de branches (demande) et celles des équilibres ressources-emplois (offre). Au préalable, l'équilibrage du TEI est conditionné par la réalisation des ERE et CB. A l'écran les consommations intermédiaires de compte de branche sont ventilées par branche et par produit. L'arbitrage consiste à égaler la partie offre et la partie demande.

111.3. Quelques commentaires sur l'utilisation du module à la DSEE

3.3.1. Les difficultés dues au fait que le module n'existait que sous forme de prototype

Le fait que le prototype a été construit en même temps que se faisaient les comptes constituait bien sûr une difficulté supplémentaire. Les premiers outils mis à la disposition des comptables nationaux étaient parfois assez frustes, par exemple ne prenaient pas toujours en considération l'ensemble des informations présentes dans la base de données ou les prenaient en double. Ces problèmes étaient dans certains cas purement informatiques et, dans d'autres, provenaient d'insuffisances dans la qualification des données (attributs non suffisamment renseignés ou renseignés de manière erronée). La multiplicité des cas de figure rendait les diagnostics et les corrections difficiles. D'autant plus que le dialogue entre un informaticien non comptable national et un comptable national non informaticien peut parfois prendre des allures surréalistes !

Par ailleurs, certains chargements sont, dans le prototype, très lents, ce qui pénalise le travail des comptables nationaux ; de plus, certains traitements ne sont pas disponibles. Par exemple, le prototype ne permet pas :

- un tableau ERE au niveau 2 des produits mais seulement aux niveaux 1 et 3 ; - un écran compte de branche donnant les valeurs de l'année précédente, ce qui permet d'en suivre l'évolution ;

- une modification de valeur dans une cellule de l'écran TEI, mais on peut visualiser le contenu d'une cellule. Pour modifier une valeur de l'écran TEI, il faut sortir de celui-ci, aller sous l'écrant ERE ou "compte de branche", compte tenu de la durée de chargement du TEI on perd largement du temps en faisant cette gymnastique ;

- un écran TES, mais il est possible d'exporter les données concernant celui-ci dans un fichier Excel qu'on peut visualiser et imprimer. Il serait nécessaire de pouvoir disposer d'un écran TES après l'équilibrage du TEI.

De plus l'aide méthodologique en ligne n'était pas disponible, ce qui a sans doute pénalisé le travail des comptables nationaux.

3.3.2. Sur les outils d'aide L'aide méthodologique doit permettre aux comptables nationaux de se renseigner sur

la méthode d'élaboration des comptes, telle qu'elle est appliquée dans le module. Dans l'immédiat, cette aide n'est pas disponible, et ne peut donc pas être utilisée efficacement.

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Le bloc-note est un système permettant à chaque comptable d'enregistrer des remarques sur les données ou les méthodes de calculs afin de garder une trace du travail effectué. Cet aspect du module est également peu utilisé en RCA, le réflexe consistant à faire des remarques sur le travail en cours étant difficile à acquérir. Cependant, on a pu constater une utilisation progressive de cet outil.

3.3.3. Sur les transferts de données Le chargement des données, on l'a vu, est réalisé par l'intermédiaire d'un module de

transfert. Les données sources sont d'abord saisies grâce à un tableur (Excel, Lotus ...). Un certain nombre d'attributs, caractérisant les valeurs économiques, doivent être définis. Puis, les données sont chargées directement dans la base.

De même, afin de réaliser des travaux spécifiques sur les données, il est possible d'extraire les données, afin de les recharger après modification. L'extraction des données est réalisée de la même manière, par l'intermédiaire des tableurs.

3.3.4. Sur le problème de raccord entre "ancienne" et "nouvelle" méthodes Le problème provient principalement des modifications de nomenclatures imposées

par les choix de normalisation liés à l'implantation de ERE-TES. Ces modifications sont nécessaires si on veut respecter la Nace et la Cpa, ainsi que la nomenclature d'opérations telle que définie par le SCN 93. Même sans être puriste (en Centrafrique, on n'est pas allé jusqu'à une conformité complète au SCN93 et aux nomenclatures associées, notamment dans le contenu de la branche "administration" ou la prise en compte des différentes notions de consommation finale), les modifications introduites nécessitent des calculs qui, sans être très complexes, doivent être conduits de manière très minutieuse si on veut éviter des erreurs (oublis ou doubles comptes). En Centrafrique, on a perdu beaucoup de temps sur ces aspects alors que les modifications étaient, somme toute, peu importantes. A la limite, l'implantation du module sera plus facile si on peut repartir de zéro.

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BIBLIOGRAPHIE

DSEE (1993) : Les comptes de la nation, année 1988. Bangui

DSEE (1995) : Les comptes de la nation, années 1989-1990. Bangui

DSEE (1990) : Recensement des unités économiques de Bangui, étude sur le secteur informel. Bangui

DSEE (1991) : Annuaire statistique 1990. Bangui

SERUZIER M. (1988) : Construire les comptes de la nation. Ministère de la coopération, Paris

AFRISTAT

Un outil d'intégration régionale au service du renforcement des capacités statistiques en Afrique subsaharienne

par Lamine DIOP1

Au cours des trois dernières années, la communauté internationale des statisticiens a suivi avec beaucoup d'intérêt l'instruction du projet de création de l'Observatoire Economique et Statistique d'Afrique Subsaharienne dénommé Afristat.

A quelques mois du démarrage de ses activités, cet article se propose de décrire la mission de cette nouvelle organisation internationale, ses tâches prioritaires, son mode d'organisation et de fonctionnement, son cadre général d'intervention, sa méthode de travail ainsi que son mode de financement.

Ce document reprend les idées développées dans des documents antérieurs n'ayant fait l'objet jusqu'ici que d'une diffusion limitée.

I - CONTEXTE HISTORIQUE

La création de l'Observatoire Economique et Statistique d'Afrique Subsaharienne (Afristat) est la résultante d'un double constat, d'un nouveau contexte politique et économique et d'une volonté affirmée d'intégration régionale.

En effet, l'examen critique de l'exercice de la fonction statistique dans les pays d'Afrique subsaharienne montre d'une part, l'absence d'un véritable décollage des services nationaux de statistique alors même que de nombreux statisticiens ont été formés dans des écoles de haut niveau et que des outils originaux ont été étudiés et testés et d'autre part, une inadaptation croissante des politiques classiques de coopération statistique sous la forme de mise à disposition d'assistants techniques permanents.

En outre, la petite taille de la plupart des pays de cette région ne leur permet pas de mettre en place, avant de très nombreuses années et avec leurs seules ressources nationales, des appareils statistiques complets et opérationnels.

Par ailleurs, le début de la décennie 1990 a vu la naissance d'un processus de démocratisation qui, à terme, devrait faire prendre conscience de la nécessité pour tous les acteurs de la vie économique et sociale de disposer d'une information statistique fiable et crédible. Dans le même temps, l'approfondissement de la crise économique et financière génère, par le biais des programmes d'ajustement structurel appuyés par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, une

1 Lamine DIOP est directeur général d'AFRISTAT.

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nouvelle demande de données statistiques à laquelle les services nationaux de statistique ont du mal à répondre.

Enfin le nouveau contexte politique et économique a mis en lumière la nécessité d'une intégration économique plus poussée des pays concernés.

II - PRINCIPALES ETAPES DE L'INSTRUCTION DU PROJET

Les quatre dernières années ont été marquées par une série d'initiatives des Etats africains membres de la Zone Franc en vue de poser les jalons d'une intégration économique renforcée et rénovée mettant à profit leur intégration monétaire.

Ces initiatives ont été encouragées par la France qui a fourni une assistance technique et financière en vue de leur concrétisation. Elles concernent des domaines aussi divers que les assurances, le droit des affaires, la prévoyance sociale, la formation des fonctionnaires des administrations économiques et financières, et les statistiques.

L'idée de créer un organisme régional destiné à renforcer les capacités des Etats d'Afrique subsaharienne dans le domaine des statistiques -notamment l'établissement des statistiques de base- et en études économiques, a été lancée officiellement par le Ministre français de la Coopération lors de la réunion des Ministres de l'Economie et des Finances des pays membres de la Zone Franc qui s'est tenue à Ouagadougou en avril 1991.

Lors de leur réunion du 3 octobre 1991 à Paris, les Ministres décidèrent de confier à l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) une mission d'études en vue de la création d'un tel organisme, en relation étroite avec les Services nationaux de statistique et les Banques centrales des Etats membres de la Zone.

L'instruction du projet commença immédiatement avec la mise sur pied d'un Groupe de travail présidé par Monsieur Jean-Louis BODIN, Chef du Département des Relations Internationales et de la Coopération de l'INSEE et comprenant des représentants de l'INSEE, du Ministère français de la Coopération, de la Direction du Trésor et de la Caisse française de Développement.

Après une mission à Yaoundé en décembre 1991 pour présenter le projet aux responsables de la Banque des Etats d'Afrique Centrale (BEAC) et des discussions à Paris avec le Directeur des Etudes et de la Prévision de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), deux réunions sous régionales de présentation du projet ont été organisées en février et mars 1992 respectivement à Yaoundé et Dakar en présence des Ministres chargés de la statistique, des Directeurs des Services nationaux de statistique et des représentants des Banques Centrales des Etats d'Afrique Centrale (plus les Comores) et des Etats d'Afrique de l'Ouest, membres de la Zone Franc.

Ces deux réunions ont permis de recueillir les attentes des Services nationaux de statistique et d'identifier les domaines prioritaires du programme de travail de l'organisme régional.

Le projet a également été présenté en 1992 aux organisations internationales (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, ONU, PNUD, Banque Africaine de Développement) ainsi qu'à la Conférence commune des planificateurs, statisticiens et démographes africains, organisme subsidiaire de la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA).

Lors de leur réunion d'avril 1992 à Yaoundé, les Ministres de l'Economie et des Finances des pays membres de la Zone Franc décidèrent, au vu du rapport d'étape présenté par le Groupe de travail, la mise en place d'un Observatoire Economique et Statistique dénommé " AFRISTAT ", répondant ainsi aux recommandations du Plan d'action d'Addis Abéba pour le développement de la statistique en Afrique.

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Un peu plus tard, le 27 juillet 1992, une réunion à Paris de l'ensemble des Directeurs des Services nationaux de statistique des pays membres de la Zone Franc examina en détail un avant projet de traité portant création d'Afristat .

Entre les mois de mars et juin 1993, des missions composées de membres du Groupe de travail se sont rendues dans la quasi-totalité des pays membres pour recueillir les observations des Ministres chargés des Finances et de la Statistique ainsi que des Directeurs des Services nationaux de statistique sur de nouvelles versions du projet de traité, des prévisions budgétaires et du schéma de financement.

Enfin, une réunion spéciale d'experts des pays membres s'est tenue à Abidjan les 6 et 7 septembre 1993 pour mettre au point le projet de traité, les prévisions budgétaires et le schéma de financement. Cette réunion a également examiné les dossiers des pays candidats pour abriter le siège d'Afristat et retenu une candidature au poste de Directeur Général d'Afristat.

Signalons par ailleurs qu'un rapport d'étape a été présenté à toutes les réunions biannuelles des experts et des Ministres de l'Economie et des Finances de la Zone Franc.

III - NATURE ET MISSIONS D'AFRISTAT

Afristat est une organisation internationale créée par u9 aité signé le 21 septembre 1993 à Abidjan par les 14 pays africains membres de la Zone Franc . Il a son siège à Bamako (Mali). Il prend sa place dans l'ensemble des outils d'intégration régionale qui se créent au sein de la Zone comme les projets d'harmonisation des codes des assurances, du droit des affaires, de la prévoyance sociale et de la formation économique et financière.

Afristat a pour objectif de contribuer au développement des statistiques économiques, sociales et de l'environnement dans les Etats membres et de renforcer leurs compétences dans ce domaine.

Plus précisément, Afristat a pour rôle : - d'apporter, à leur demande,son appui aux activités des services nationaux de

statistique des Etats membres ; - de proposer aux Etats membres une méthodologie de base pour la collecte, le traitement et la diffusion de l'information statistique ;

- d'harmoniser les concepts et nomenclatures utilisés afin de rendre les statistiques comparables ;

- d'améliorer la diffusion et l'utilisation de l'information statistique dans l'ensemble des Etats membres, notamment en organisant des banques de données accessibles aux différents agents économiques et sociaux de la région ;

- d'effectuer des travaux d'analyse et de synthèse pour l'ensemble des Etats membres ;

- de contribuer à l'organisation de la formation permanente en statistique et études économiques pour les Etats membres;

- de contribuer à l'instruction des projets financés par des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux, à l'échelle de la région, de plusieurs Etats membres ou d'un seul Etat.

Afristat ne se substitue pas aux services nationaux de statistique des Etats membres qui restent pleinement responsables de la collecte et de la diffusion de l'information dans leurs pays respectifs.

2 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Equcrtoriale, Mali, Uiger, Sénégal, Tchad et Togo.

Au terme de l'article 5 du Traité d'Abidjan, tout Etat d'Afrique subsaharienne ou de l'Océan Indien peut demander à être admis comme membre d'Afristat.

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Conformément au principe de subsidiarité, Afristat mettra en oeuvre des actions communes si les objectifs de ces actions ne peuvent pas être atteints de manière efficace par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de ces actions, être mieux atteints au niveau d'Afristat.

Enfin, organisme supranational, Afristat dispose de pouvoirs réglementaires dans le domaine de l'harmonisation des concepts, des normes et méthodes statistiques.

IV - TACHES PRIORITAIRES D'AFRISTAT

Au cours de ses premières années de fonctionnement, Afristat se consacrera aux tâches prioritaires suivantes :

- l'élaboration, le développement et la diffusion d'outils nécessaires à la mise en place d'une capacité de production durable : concepts et méthodes de la comptabilité nationale, nomenclatures, méthodes de collecte et de traitement des données ; par ailleurs, dans les Etats membres où cela s'avèrerait nécessaire, un appui sera donné pour l'élaboration d'un cadre institutionnel adéquat pour le développement et la planification des activités statistiques ;

- l'appui à la production et à la synthèse statistiques : prix à la consommation, comptes nationaux, enquêtes auprès des ménages... Le projet d'amélioration et d'harmonisation des statistiques de prix dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui a démarré en septembre 1994 avec l'appui technique et financier de la France et de l'Union Européenne et la participation d'Afristat constitue un bon exemple de coopération nord-sud et surtout sud-sud que l'Observatoire veut promouvoir ;

- La promotion d'une meilleure utilisation de cette production : éléments de synthèse pour le cadrage macroéconomique, indicateurs de court terme pour le suivi rapproché de l'économie, appui à la diffusion de l'information économique et sociale disponible.

V - ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT L'autorité suprême d'Afristat est le Conseil des Ministres.

La direction et la gestion sont assurées par un Directeur Général placé sous l'autorité du Comité de direction composé par :

- les Directeurs des services nationaux de statistique ; - les Directeurs des Etudes des banques centrales des Etats membres.

Le Comité de direction est assisté par un Conseil scientifique où siègent des représentants des utilisateurs, des organisations internationales, des universités...

Grâce à une équipe de 12 experts permanents, Afristat anime le réseau des services nationaux de statistique par des réunions de groupes d'experts des Etats membres et des missions d'appui dans les pays.

VI - CADRE GENERAL D'INTERVENTION ET METHODE DE TRAVAIL D'AFRISTAT

Afristat vise à restaurer la capacité de production à long terme de l'information économique et sociale dans les Etats membres.

C'est un outil d'appui à l'intégration régionale dans les domaines de la statistique et de l'analyse économique. Il intervient en appui des Services nationaux de statistique et intègre dans sa démarche un objectif de coordination et d'harmonisation des concepts, normes, méthodes et sources.

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Son action vise à renforcer, à leur demande, les capacités de réponses des Services nationaux de statistique en tenant compte de :

- la pénurie d'experts et de ressources matérielles, - la demande pressante des décideurs nationaux et internationaux pour avoir des informations rapides,

- la faiblesse du cadre institutionnel des Services nationaux de statistique.

En conséquence, la méthode de travail proposée pour chaque expert (et de façon générale pour Afristat) est la suivante :

1) faire l'inventaire des méthodes et sources utilisées par les Services nationaux de statistiques des Etats membres.

2) identifier et mobiliser l'expérience et le savoir faire (concepts, méthodes, outils) accumulés par les experts et organismes internationaux.

3) "auditer" les résultats, assurer les comparaisons, diffuser l'information, les sous-produits attendus de cette activité étant de sortir les statisticiens nationaux de leur isolement et d'assurer une plus grande cohérence et une meilleure fiabilité à l'information produite.

4) organiser des groupes de travail d'experts nationaux des Etats membres, permettant :

- d'harmoniser et de promouvoir concepts, normes, méthodes, sources et résultats, - de définir et d'élaborer des outils pertinents et cohérents. 5) aider à la mise en place des outils permettant notamment de répondre aux

besoins d'information des décideurs nationaux.

Cette démarche générale se mettra en place dans le cadre d'un programme définissant :

- les domaines prioritaires, - les modalités d'intervention (missions d'appui, réunions d'experts, etc...), - les échéances de travail, - les produits attendus.

VII - PROFILS DES EXPERTS

Compte tenu des missions confiées à Afristat, et des domajpes prioritaires identifiés ci-dessus, on peut dresser la liste des experts de l'Observatoire comme suit :

- Un Directeur Général, - Un Directeur Général Adjoint.

Sous l'autorité du Conseil des Ministres et la supervision du Comité de Direction, le Directeur Général, assisté par le Directeur Général Adjoint, est chargé de la gestion d'Afristat, de l'exécution des projets et des missions qui lui sont confiés, de la préparation et du suivi de l'exécution des décisions soumises à l'approbation du Conseil des Ministres et du Comité de direction.

Le Directeur Général Adjoint assume les fonctions d'un expert dans les domaines de l'organisation et du management des systèmes statistiques nationaux.

Il est chargé de coordonner les actions de formation permanente dans les domaines de compétence des autres experts d'Afristat.

- Deux comptables nationaux, l'un tourné vers les biens et services (Tableaux Entrées-Sorties), l'autre vers la synthèse et les aspects financiers (Tableaux Economiques d'Ensemble, Finances Publiques, Tableaux des Opérations Financières).

4 Les profils des experts seront adaptés aux besoins changeants des Services nationaux de statistique des Etats membres, ce qui implique que la durée de service des experts à Afristat sera nécessairement limitée (3x2 ans au maximum).

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- Un macroéconomiste ayant une bonne connaissance des travaux de conjoncture, de la modélisation, de l'élaboration et de la mise à jour des tableaux de bord.

Il travaillera en étroite collaboration avec les deux comptables nationaux dans le domaine des indicateurs macroéconomiques.

- Trois statisticiens d'enquêtes avec des compétences complémentaires dans les domaines suivants en relation avec l'élaboration des comptes nationaux et les études sur la pauvreté et la vulnérabilité des groupes sociaux :

- enquêtes sur les budgets et la consommation des ménages avec un accent particulier sur le traitement et l'analyse des données (1 expert) ;

- enquêtes dans le secteur agricole (1 expert) ; - enquêtes sur les prix (1 expert).

- Deux statisticiens informaticiens : ils devront être polyvalents. L'un sera plus particulièrement chargé d'une part, du développement, de la maintenance et de l'adaptation d'outils informatiques répondant aux besoins des services nationaux de statistique et, d'autre part, de la gestion de bases de données régionales.

L'autre aura en charge la documentation informatisée des sources statistiques et les travaux sur les nomenclatures.

- Un statisticien (économiste) spécialiste du secteur informel : il doit avoir une bonne connaissance des travaux de comptabilité nationale et une expérience des enquêtes sur le secteur informel.

Il sera chargé de l'appui méthodologique dans le domaine des statistiques du secteur informel et aidera les deux comptables nationaux à une meilleure intégration de ces statistiques dans les comptes.

- Un statisticien d'entreprises ayant une bonne connaissance des nomenclatures, des répertoires d'entreprises et des enquêtes industrielles.

Outre cette équipe permanente de 12 experts assistée par une dizaine de personnes recrutées localement, Afristat fera appel, ponctuellement et en tant que de besoin, aux compétences disponibles dans les Etats membres ainsi que dans d'autres institutions.

Les recrutements des experts et du personnel d'appui se feront progressivement, l'ensemble du personnel devant être en place au milieu de l'année 1997.

Au démarrage , la moitié des experts sera fournie par la coopération française et un plan d'africanisation progressive a été mis en place.

Bien qu'étant responsables chacun d'un domaine précis, les experts travailleront en équipe pour mettre à profit toutes les synergies possibles.

Enfin, les réunions techniques d'experts des Etats membres et de ceux d'Afristat permettront de riches échanges d'expériences et une bonne connaissance mutuelle.

VIII - FINANCEMENT

L'idée centrale du financement est que l'essentiel des ressources d'Afristat soit durablement assuré sans pour autant être tributaire de cotisations annuelles des Etats membres.

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Pour cela un Fonds sera mis en place avec pour objectif unique de contribuer aux ressources d'Afristat par l'utilisation des produits financiers dégagés par le placement judicieux de son capital.

Le capital initial sera constitué des souscriptions des fondateurs : - 1/3 les Etats membres, - 1/3 la France5, - 1/3 d'autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux.

Il devra garantir pendant une première phase de 10 ans le financement régulier des dépenses courantes (salaires du personnel, missions d'appui des experts dans les Etats membres, réunions des groupes d'experts, réunions statutaires, etc...).

Enfin le financement de projets de développement spécifiques (enquêtes harmonisées, test de méthodes nouvelles...) pourra faire l'objet de requêtes ad hoc soumises aux bailleurs de fonds.

IX - CONCLUSION L'ambition d'Afristat est de constituer un pôle de compétences, à la fois dans le

domaine de la collecte et du traitement de l'information statistique de base et dans celui des analyses et synthèses macroéconomiques.

Son mode d'organisation et de fonctionnement joint à un mode de financement original devrait lui permettre d'apporter une contribution significative au développement de l'information statistique au profit des différents partenaires économiques et sociaux.

Enfin, sa méthode de travail, sa proximité géographique et "intellectuelle" ainsi que ses relations étroites avec les Services nationaux de statistique lui permettront de jouer un rôle central dans la promotion et le renforcement d'une coopération sud-sud rénovée ainsi que dans la coordination des activités statistiques tant au sein des Etats membres qu'au niveau régional.

Telle est en effet l'une des voies d'avenir pour la coopération internationale.

5 L'assistance technique financée par la coopération française n'es pas prise en compte ici.

NOTE DE LECTURE

INTEGRER POPULATION ET DEVELOPPEMENT : CHAIRE QUETELET 1990

Editions Academia, l'Harmattan, Paris, 1993

par Christophe LEFRANC1

Organisée chaque année par l'Institut de Démographie de l'Université de Louvain, la chaire Quételet a été consacrée en 1990 au thème "intégrer population et développement". Les actes de ce colloque scientifique, publiés sous la direction d'Hubert GERARD, reprennent l'ensemble des contributions et constituent un ouvrage dense de plus de 800 pages, formé d'une quarantaine de travaux de chercheurs ayant trait aux relations entre population et développement.

La caractéristique première de cette importante synthèse sur un sujet devenu très porteur depuis une vingtaine d'années semble bien être son hétérogénéité. En effet, alors que certains auteurs procèdent à une ample réflexion sur ce qu'il faudrait entendre par le terme de "développement" et remettent assez sérieusement en cause les mécanismes économiques et géopolitiques sur lesquels s'appuie le monde contemporain, d'autres, beaucoup plus prosaïquement, évoquent les aspects concrets de la mise en oeuvre d'un projet de développement. Cette variété d'approches au sein d'un même ouvrage constitue sans nul doute une richesse précieuse, car elle permet une vue d'ensemble de l'intégration entre population et développement, envisagée à différents niveaux, et donc selon des problématiques très diverses.

Pourtant, on ne peut s'empêcher de regretter que les différents niveaux d'analyse ne soient jamais véritablement identifiés et considérés les uns par rapport aux autres. L'ouvrage y perd une partie de sa cohérence en donnant par moments l'impression de n'être qu'une juxtaposition de chapitres indépendants les uns des autres, où chaque auteur adopte le champ et le niveau d'analyse qui lui conviennent, parfois même sans clairement l'indiquer au lecteur. En fait, il est clair qu'"intégrer population et développement" constitue une notion très vaste, voire même vague. C'est pourquoi considérer la question de sa définition de façon approfondie aurait été fort utile pour rassembler et situer les divers éléments du puzzle que sont les contributions présentées. Certes quelques auteurs, et notamment Francis GENDREAU dans son discours de clôture, évoquent cette difficulté de définition, mais cela ne suffit pas à lever toute ambiguïté quant au sujet traité. Il est bien évident qu'"intégrer population et développement" ne peut s'entendre selon une signification unique, mais identifier et préciser quelques sens possibles aurait permis de mieux baliser le cadre général de l'ouvrage, et d'éviter que certaines contributions, par ailleurs fort intéressantes, ne donnent l'impression de se rattacher à l'intégration entre population et développement de façon seulement lointaine, l'utilisant comme un prétexte pour parler surtout d'autre chose. Une distinction importante aurait par exemple pu consister à séparer ce qu'intégrer population et développement peut signifier pour des chercheurs visant à acquérir une meilleure connaissance des multiples interrelations entre variables démographiques, économiques et sociales, pour des planificateurs cherchant à tenir compte d'aspects

1 Christophe LEFRANC, administrateur de l'INSEE, travaille au CEPED (Centre français sur la population et le développement). Au moment de la rédaction de cet article, il était affecté à la division "Etudes sociales" de l'INSEE. Les opinions exprimées par l'auteur dans cet article le sont à titre personnel.

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liés à la dynamique des populations pour lesquelles ils élaborent des stratégies de développement, ou pour des personnalités politiques dont le but est d'infléchir certaines tendances. En fait, c'est sur le sens qu'on donne à chacun des trois mots "intégrer", "population" et "développement" qu'il aurait été bon de s'interroger, en même temps que sur le sens de l'expression "intégrer population et développement". L'évocation rapide, dans les pages qui suivent, de quelques unes des contributions de l'ouvrage montrera d'ailleurs bien que ces concepts sont envisagés de différentes manières par les divers auteurs. C'est donc l'absence d'une partie introductive s'interrogeant sur les concepts et servant de cadrage à un ensemble disparate, qu'on regrettera dans cet ouvrage par ailleurs fort riche et ambitieux.

Quatre parties comprenant chacune une dizaine de contributions structurent l'ouvrage. La première traite de l'intégration entre population et développement de manière théorique. Puis sont considérées les méthodes et techniques permettant d'intégrer pratiquement population et développement. Enfin, les deux dernières parties présentent des études de cas, d'abord à travers des applications sectorielles puis à travers des expériences nationales d'intégration entre population et développement.

LES ASPECTS THEORIQUES

La première partie, intitulée "théorisation à propos de "intégrer population et développement"", s'intéresse aussi beaucoup au seul concept de développement, tant il paraît évident à de nombreux auteurs que le développement n'a pas de sens sans la population par laquelle et pour laquelle il existe. Ainsi, plusieurs contributions insistent sur le fait que le développement n'est pas un processus universel dont les pays aujourd'hui riches auraient donné le modèle.

Jean-Luc BRAKELAIRE, par exemple, dénonce la conception selon laquelle le développement, vu depuis les pays du Nord, ne serait qu'une période d'enfance à l'image de la leur : les autres peuples seraient des mineurs devant s'émanciper suivant le modèle qu'on leur propose. Au contraire, pour J.L. BRAKELAIRE, le développement fait référence à l'histoire des peuples, et l'intégration entre population et développement réside, pour un peuple, dans sa capacité à forger sa propre histoire en définissant ses objectifs politiques.

A travers l'exemple de l'histoire du développement de l'Inde, Jean-Philippe PEEMANS conteste quant à lui la théorie du take-off2 et son caractère universel. Selon lui, la révolution industrielle n'a pas été spontanée, mais a marqué l'aboutissement d'un processus long et complexe, qui a été interrompu avant son terme en Inde : après la phase de proto-industrialisation du XVllle siècle, l'Inde a connu au siècle suivant un blocage institutionnel lié au colonialisme. J. P. PEEMANS semble donc suggérer qu'un processus de développement ne peut être indépendant du contexte dans lequel il prend place.

Jean-Marc ELA énonce une opinion voisine à propos de l'Afrique noire, qui a besoin selon lui d'une stratégie de développement sur le long terme et tenant compte du contexte africain. Ainsi, il remet en cause l'ordre géopolitique et économique actuel, fondé sur "la dictature du marché", et plaide pour une seconde décolonisation qui permettrait de ne plus sacrifier les aspects politiques et sociaux à l'économie. Il critique notamment l'obsession dominante pour les équilibres monétaires et financiers, par exemple à propos du remboursement de la dette, et les programmes d'ajustement structurel, qui, selon lui, n'ont rien à voir avec la satisfaction des besoins et le bien-être quotidien des populations, ou avec l'exploitation des ressources naturelles pour produire des richesses. Face au désintérêt des pays riches quant à la situation actuelle et au développement de l'Afrique, J.M. ELA interprète donc leur volonté d'imposer au préalable une croissance démographique ralentie comme un mauvais prétexte pour ne pas se préoccuper de questions bien plus essentielles.

2 Rostow W.W., Comment tout a commencé : les origines de l'économie moderne. Traduit par C. Yelnick, Hachette, 1976.

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Joseph KI-ZERBO, dans l'article de conclusion de l'ouvrage, soutient une thèse analogue, affirmant que la dualité population-développement ne peut se résumer à l'idée que la planification familiale est une condition du développement. Selon lui, le développement vrai ne peut être qu'endogène, et il n'existe pas de modèle de développement standardisé à suivre pour le Sud, qui ignorerait l'histoire et la culture des peuples. Face aux contraintes extérieures imposées à l'Afrique au cours des siècles, lors de la Traite des Noirs - qui a encouragé des naissances plus nombreuses pour compenser les départs d'esclaves, réaction dont l'influence perdure peut-être dans la forte fécondité africaine d'aujourd'hui - ou lors du pacte colonial contre l'industrialisation de l'Afrique, J. KI-ZERBO plaide pour la participation des individus à la maîtrise de leur propre destin. Il préconise donc plus de démocratie à la fois à l'intérieur des sociétés, et dans l'exercice du pouvoir mondial, trop dominé par les pays riches.

Christian COMÉLIAU, dans un article curieusement placé dans la partie de l'ouvrage consacrée aux méthodes pour intégrer population et développement, met lui aussi l'accent sur le besoin d'un pouvoir de décision interne accru dans les pays du Sud, et sur la pluralité des voies de développement possibles. C'est pourquoi il dénonce le bien-fondé des politiques d'ajustement structurel, qui ne visent pas seulement à restaurer des équilibres financiers à court ou moyen terme, mais aussi à imposer une certaine forme de développement, qualifiée de développement marchand. Il préconise une conception large du développement, allant bien au-delà de la seule croissance économique et visant d'abord la satisfaction des besoins essentiels des populations. Le mal-développement ressenti dans les pays riches est bien la preuve, selon C. COMÉLIAU, qu'on a tort de vouloir imposer à tous un modèle qui a montré ses limites.

Cet ensemble de contributions s'interrogeant surtout sur la nature du développement fournit une discussion très stimulante des manières d'envisager les difficultés du tiers monde en remettant volontiers en cause l'ordre établi, démarche intéressante et utile même si elle ne débouche pas sur des plans d'action concrets. Au sein d'un ouvrage consacré au concept "intégrer population et développement", on peut toutefois se demander si ces articles ne contribuent pas à affaiblir ce concept. En effet, dans le sens large que lui donnent les auteurs précédents, "intégrer population et développement" paraît aller tellement de soi qu'on se demande pourquoi on a pu tant s'interroger sur un concept aussi trivial. C'est qu'en fait, depuis une vingtaine d'années qu'on met en avant l'expression, "intégrer population et développement" a signifié autre chose.

Jean-Claude CHASTELAND le rappelle fort opportunément dans son article sur la genèse de l'idée d'"intégrer population et développement", et sur son évolution depuis deux décennies. Ce concept est un produit du système des Nations Unies, apparu lors de la première conférence mondiale de la population à Bucarest en 1974. Il a résulté d'un compromis historique entre les représentants de deux courants d'idées puissants au début des années soixante-dix : les partisans de Malthus et du contrôle des naissances, pour qui la croissance démographique est un obstacle à l'amélioration du niveau de vie, et les tenants du "tout-développement", perçu comme une réponse globale à toutes les difficultés, y compris celles d'ordre démographique. Mais J.C. CHASTELAND montre bien qu'au début, ce compromis n'a débouché sur aucune définition opérationnelle de l'intégration entre population et développement. Ce n'est qu'à partir des années quatre-vingt qu'on lui a donné une signification précise : la prise en compte des facteurs démographiques dans la planification du développement. Dans ce contexte, les politiques de développement priment sur les politiques de population, qui n'en sont qu'un élément, mais un élément reconnu et légitimé par l'idée que population et développement doivent être intégrés.

Partant du caractère important de l'élaboration des politiques à propos d'intégrer population et développement, Jacques VÉRON s'intéresse quant à lui aux influences réciproques entre scientifiques et politiques. Selon lui, dans un domaine complexe comme celui des interrelations entre population et développement - les facteurs démographiques pouvant à la fois influencer et être influencés par les changements liés au développement - les scientifiques, notamment sous l'effet des questions que leur posent les politiques, tendent à ne considérer qu'une partie de la réalité et à développer des théories partielles. Celles-ci alimentent ensuite les théories partiales des politiques. Ainsi, J. VÉRON semble suggérer que scientifiques et politiques s'associent dans le refus de la complexité. Cette approche est néfaste et conduit à réduire le débat population-développement à

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l'opposition classique entre les théories de Malthus et de Boserup, dont certains auteurs, tel Ronald LEE3, ont pourtant montré qu'elles pouvaient être réconciliées. S'il est utile de rappeler que les théories simplifient toujours la réalité et de plaider pour la reconnaissance de la complexité des relations entre population et développement, il faut toutefois se garder d'un discours trop négatif pour la recherche, dont la démarche de connaissance consiste le plus souvent à cheminer progressivement du simple vers le compliqué.

QUELQUES CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES

En matière d'intégration entre population et développement, quelles sont donc les techniques d'analyse, et sont-elles suffisamment sophistiquées pour rendre compte d'une réalité complexe ? C'est le sujet de la deuxième partie de l'ouvrage, intitulée "méthodes et techniques au service d'"intégrer population et développement"". Dans cette partie sont en effet proposées et discutées des façons de rendre opérationnel le concept d'intégration entre population et développement en matière de planification.

Ainsi, la contribution de Miroslav MACURA propose un panorama des méthodes de projection sectorielle. Ces méthodes ne permettent guère mieux qu'une intégration sommaire entre population et développement où les variables démographiques restent des facteurs exogènes du développement : les résultats de projections démographiques sont utilisés pour projeter des variables utiles à la planification, par exemple la main-d'oeuvre disponible, les besoins d'enseignement ou les dépenses de santé. Ces techniques, de nature très mécanique, s'appuient sur quelques hypothèses se rapportant à l'évolution démographique et au lien entre la population et le secteur qu'elles considèrent. Pour les projections d'emploi, par exemple, ce lien peut être introduit sous forme d'une fonction de production. Deux avancées méthodologiques intéressantes dans le domaine des projections sont présentées par M. MACURA : le modèle HOMES pour les aspects démographiques, qui, à partir d'hypothèses sur la formation et la composition des ménages, affecte les individus dans des ménages en même temps qu'ils sont projetés, et le modèle DYNPLAN qui projette la population et planifie le secteur de la santé de façon simultanée, en tenant compte des effets démographiques des programmes de planification familiale et d'amélioration de la santé. Ces méthodes qui intègrent des hypothèses de comportement s'éloignent des techniques classiques de projection pour se rapprocher de celles de la modélisation.

Les modèles socio-démographiques sont précisément au centre de l'article de Scott MORELAND, qui évalue leur intérêt pour "intégrer population et développement", au regard de huit critères, quatre de nature technique et quatre de nature institutionnelle. Un tel exercice est nécessairement subjectif, mais il présente l'intérêt de passer en revue différents types de modèles : modèles de plaidoyer tels les analyses coûts-bénéfices de la planification familiale, utilisés, selon leurs résultats, par les partisans ou les adversaires des politiques de contrôle des naissances, modèles de planification sectorielle élargissant les techniques évoquées par M. MACURA, ou modèles macro-démo-économiques à grande échelle, tels la série des modèles Bachue développés à l'initiative du BIT4 et dont l'article de Mau-Thanh LUU présente un exemple. Un des intérêts majeurs de l'approche par la modélisation de l'intégration entre population et développement réside dans la possibilité d'endogénéiser les variables démographiques, dont on ne peut raisonnablement envisager que leur dynamique soit indépendante du processus de développement. On peut regretter à ce propos que S. MORELAND ne considère dans son analyse que les modèles à échelle macro et à visées directement planificatrices, et ne mentionne pas les modèles explicatifs de comportements, qui peuvent aussi aider de façon plus indirecte à l'élaboration de politiques de développement. Ainsi, les modèles explicatifs de la fécondité à partir de variables socio-économiques peuvent-ils permettre de mieux cibler la mise en place d'une politique de population considérée comme partie intégrante d'une politique de développement. Certes les approches de niveau micro nécessitent de disposer de données nombreuses et de qualité, mais leur intérêt semble indéniable pour intégrer population et

3 Lee R.D., Malthus and Boserup, a dynamic synthesis. In The State of Population Theory, p. 96-130. Basil Blackwell, 1986. 4 Wéry R., Les modèles démo-économiques Bachue, quelques traits de leur développement. In Approche systémique en science de la population. Chaire Quételet 78. Ordina Editions, 1978.

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développement, d'autant que la mise en oeuvre de techniques de micro-simulation peut permettre de pallier l'absence de certaines données.

Au total, même si l'on considère l'intégration entre population et développement sous le seul angle de la planification, conformément à la définition de J.C. CHASTELAND, les améliorations envisageables en matière de méthodologie restent importantes. D'une part, certains effets semblent avoir été trop négligés dans les modèles élaborés jusqu'alors, par exemple, comme suggéré par Philippe HUGON, l'influence des structures sociales et des rapports de parenté sur les choix des individus, ou plus généralement l'importance des facteurs culturels, différents d'une société à une autre, et que les modèles à vocation universaliste ignorent presque totalement. D'autre part, des progrès sont aussi nécessaires dans le domaine institutionnel. On peut s'interroger avec lan POOL sur l'organisation administrative la mieux adaptée à une intégration efficace, ou relever le fort besoin de sensibilisation et de formation aux techniques d'intégration entre population et développement dans les pays du tiers monde. Il y a aussi un important fossé à combler entre les chercheurs qui développent des modèles, et les planificateurs qui en exigent des résultats immédiatement utilisables. On peut aussi se demander avec Ph. HUGON à quel horizon de planification et à quel niveau géographique le concept "intégrer population et développement" est le plus pertinent.

La lecture des deux premières parties des actes de la chaire Quételet 1990 pourrait faire céder au découragement quant à la validité de l'idée d'intégrer population et développement". La tâche paraît tellement immense pour développer des méthodes efficaces à propos d'un concept qu'on a encore du mal à cerner précisément. Mais fort heureusement, la seconde moitié de l'ouvrage montre que le manque de cadres conceptuels et méthodologiques bien définis peut être dépassé. Les études de cas, dont l'hétérogénéité souligne bien les difficultés précédemment évoquées, fournissent des exemples concrets d'études se rapportant au vaste champ de l'intégration entre population et développement.

DES ETUDES DE CAS

La troisième partie de l'ouvrage concerne des études sectorielles consacrées aux interrelations entre les facteurs démographiques et un aspect particulier lié au développement. Sur les onze contributions de cette partie, trois portent sur les relations entre population et environnement, une sur l'exode rural, une sur l'enseignement et la formation, deux sur l'emploi, une sur le statut de la femme, une sur la santé, une sur la satisfaction des besoins en eau, et une sur la participation de la population à la vie politique. L'ensemble constitue donc un panorama assez complet des thèmes habituellement traités dans le cadre de la problématique population et développement, même si on peut regretter l'absence de contributions sur les problèmes liés à l'urbanisation et à la croissance urbaine.

Ce thème est en fait brièvement évoqué dans la synthèse de Paloma AGRASOT, Dominique TABUTIN et Evelyne THILTGÈS sur les relations complexes entre population, environnement et niveau technologique, qui interviennent à la fois au niveau local et au niveau planétaire. Sur un champ géographique beaucoup plus limité, Michel PICOUET présente quant à lui un projet d'étude conjointe des dynamiques de la population et des milieux naturels dans trois zones rurales de Tunisie. Un travail interdisciplinaire et associant chercheurs et décideurs paraît s'imposer pour identifier et infléchir les mécanismes à l'oeuvre entre pression démographique, migrations et dégradation du milieu naturel. Mais il se pose le délicat problème de l'élaboration de bons indicateurs de l'évolution du milieu naturel.

En matière d'emploi, les deux contributions présentées dans l'ouvrage portent sur le secteur informel. Ainsi, Jacques CHARMES retrace l'histoire du concept d'emploi informel, apparu dans les années soixante-dix dans les modèles de l'exode rural de TODARO et MAZUMDAR5. Mais alors que le secteur informel a été considéré à ses débuts comme un symptôme de mal-

5 Todaro M.P., A mode) of labor migration and urban unemployment in Iess developed countries. American Economic Review 59, mars, p. 138-148, 1969.

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développement à combattre, car synonyme de pauvreté, on lui reconnaît aujourd'hui la capacité d'assurer la subsistance de populations importantes, notamment dans le contexte des politiques d'ajustement structurel. L'emploi informel est donc maintenant reconnu comme un élément majeur de la problématique population-développement, même si, comme pour le milieu naturel, il reste beaucoup à faire en matière de méthodologie et de mesure. Au moins le BIT s'est-il mobilisé au cours de sa conférence de 1993 pour établir une définition opérationnelle de l'emploi informel.

Selon Odile FRANK et Thérèse LOCOH, qui s'intéressent au contexte africain, la condition féminine est un autre élément essentiel de l'intégration entre population et développement : celle-ci ne peut être réalisée sans se préoccuper des structures sociales, et notamment du statut social de la femme. Retraçant l'histoire de l'intérêt porté aux femmes par les promoteurs du développement, les auteurs déplorent que l'amélioration de la condition féminine n'ait longtemps été perçue que comme un moyen de susciter une baisse de la fécondité. Même si l'optique de la santé des mères et des enfants est désormais aussi considérée, les conditions de vie des femmes et leur participation à l'activité économique restent négligées. Pourtant, O. FRANCK et T. LOCOH montrent qu'en Afrique subsaharienne, les lignées jouent un rôle central dans l'accès aux moyens de production, et donc que les stratégies productives et reproductives des femmes sont étroitement associées. Bien que trop souvent ignoré, le statut de la femme apparaît ainsi au coeur de l'intégration entre population et développement.

Marja JANSSENS montre elle aussi, dans son étude d'un projet mis en oeuvre par une organisation non-gouvernementale pour assurer la satisfaction des besoins en eau dans une région sèche du Togo, combien les rapports de force internes à la société considérée sont une composante importante de la problématique population et développement. L'auteur insiste également sur la nécessaire participation de la population aux projets de développement la concernant, ce qui est aussi une façon d'intégrer population et développement. En fait, à travers la contribution de M. JANSSENS comme à travers celle d'O. FRANK et T. LOCOH, c'est le caractère primordial des facteurs culturels qui est souligné, pour mener à bien une démarche d'intégration entre population et développement.

Ulrike SCHUERKENS insiste quant à elle sur un autre aspect de l'organisation sociale : la participation à la vie politique, évoquée dans le cas du Togo. Après une longue évocation de l'évolution des modes de désignation des chefs locaux, elle plaide pour le passage par l'intermédiaire des chefs locaux pour susciter une évolution des mentalités favorable à la baisse de la fécondité. Selon elle, la médiation des chefs est plus efficace que l'éducation des femmes pour convaincre les familles que leurs intérêts et ceux de l'ensemble de la société s'accordent pour faire diminuer le nombre de naissances. Plus généralement, au-delà de la fécondité, on peut d'ailleurs penser que le rôle des autorités locales est essentiel pour promouvoir et expliquer les évolutions engendrées par le développement.

Un des enseignements de la lecture de la troisième partie de l'ouvrage sur des applications sectorielles du concept "intégrer population et développement" semble bien être qu'un troisième terme est inséparable des deux éléments à intégrer, la culture. Il n'est donc guère surprenant que la dernière partie du volume soit consacrée à l'intégration entre population et développement dans des cadres nationaux, qui permettent précisément une certaine unité culturelle. Cette approche ne doit toutefois pas faire oublier que certains aspects de la problématique population-développement dépassent les frontières, par exemple en matière d'environnement ou de migrations internationales, ce dernier point n'étant pas traité dans l'ouvrage. La plupart des contributions de la dernière partie portent sur l'Afrique subsaharienne, mais on relève aussi des textes sur l'Algérie, le Mexique et le Vietnam. Comme dans la partie précédente, les approches adoptées dans les différents articles sont très variées, preuve supplémentaire qu'"intégrer population et développement" est un vaste sujet.

Patrick GUBRY et Jean-Marie WAUTELET, en préambule de leur étude sur le Cameroun, insistent d'ailleurs fort opportunément sur le besoin de clarification des concepts, déjà évoqué. Leur approche consiste à se concentrer sur les influences réciproques entre les évolutions démographiques (croissance, répartition géographique) d'une part, et les décisions politiques (politiques agricoles et industrielles) et les évolutions économiques (absorption de la main-d'oeuvre, production alimentaire et modes d'approvisionnement) d'autre part. Rappelant que les populations

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doivent à la fois être acteurs et finalités du développement, ils concluent à la variabilité des aspirations des populations en fonction du contexte dans lequel elles vivent (environnement, politiques mises en place...). Le développement doit donc être modulé en fonction des besoins exprimés par les populations.

Cet argument plaidant pour une gestion locale du développement est repris par Maymouna SY, dont l'article traite de la décentralisation au Sénégal. Selon cet auteur, l'intégration de la population au développement, c'est la démocratie participative qui permet à chacun de se sentir responsable. Elle doit être promue par une meilleure éducation et une association plus forte des femmes et des jeunes à la prise de décisions, modifiant ainsi le fonctionnement traditionnel de la société. Le désengagement de l'Etat est ainsi jugé favorablement, et l'auteur note qu'une telle politique est compatible avec les plans d'ajustement structurel. On peut néanmoins s'interroger sur le financement du développement local sans participation de l'Etat.

Le Sénégal est encore l'objet de l'article de Moustapha THIAM, qui s'intéresse à l'intégration entre population et développement dans une acception différente : la prise en compte des facteurs démographiques dans l'élaboration de la politique de développement. M. THIAM note l'évolution de la position officielle au sujet de la croissance démographique, plutôt encouragée jusqu'au milieu des années soixante-dix, puis décriée, jusqu'à la mise en place d'une politique de population en 1988. Mais l'intégration entre population et développement pour la planification reste partielle. Sa mise en oeuvre se heurte à un appareil statistique défectueux, les évolutions démographiques restent le plus souvent perçues comme exogènes au développement, et les effets des variables démographiques ne sont considérés que dans des approches sectorielles : population et santé, population et formation, population et emploi... L'auteur est donc critique sur l'échec de l'intégration entre population et développement, mais on peut néanmoins juger satisfaisants certains progrès accomplis en ce domaine. La meilleure coordination entre ministères qui est préconisée serait aussi sans doute un facteur d'amélioration, bien que probablement insuffisant. Outre le cas du Sénégal, l'introduction des variables démographiques dans la planification du développement est considérée pour d'autres pays d'Afrique. Ainsi, Dieudonné OUEDRAOGO et Victor PICHÉ la jugent encourageante au Mali et au Burkina Faso.

Un autre exemple de mise en oeuvre concrète de l'intégration entre population et développement est présenté par Maria COSIO-ZAVALA, à propos du Mexique. Ce pays fait figure de pionnier pour la prise de conscience de l'importance des facteurs démographiques puisqu'il a adopté une politique de population avant la conférence de Bucarest, et que, depuis longtemps, cette politique est considérée comme une composante de la politique sociale du plan global de développement. Pourtant, l'intégration entre population et développement reste sommaire puisqu'elle consiste surtout à projeter la population pour estimer les besoins dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'emploi, et que les comportements démographiques ne sont pas censés réagir aux évolutions culturelles et sociales liées au développement. En outre, la connaissance démographique reste médiocre, comme l'ont montré les résultats surprenants du recensement de 1990. Les aspects migratoires sont aussi négligés, et la cohérence entre les plans régionaux de développement, dont l'intérêt est indéniable, et les plans sectoriels au niveau national n'est pas assurée. Une intégration plus complète entre population et développement devrait notamment prendre en compte la relation migration-emploi, ainsi que certains problèmes propres à Mexico.

Contrairement à celles qui viennent d'être évoquées, la contribution de Francis GENDREAU sur le Vietnam porte peu sur l'introduction des facteurs démographiques dans la planification. Elle consiste plutôt en une synthèse des évolutions socio-démographiques : baisse sensible de la fécondité en liaison avec une politique très volontariste, mortalité relativement faible entretenue par un système de santé efficace, rythme d'urbanisation modéré, en partie engendré par une politique de redistribution spatiale très ambitieuse mais partiellement réussie. F. GENDREAU considère aussi la relation entre croissance démographique et satisfaction des ressources alimentaires, et conclut à la nécessité du développement rural. Enfin, comme d'autres auteurs de l'ouvrage, il met l'accent sur le grand intérêt des approches régionales : c'est à cet échelon-là que la problématique population-développement prend toute sa pertinence.

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CONCLUSION

Par leurs perspectives variées, les études de cas de la seconde moitié de l'ouvrage accentuent l'impression de la première partie consacrée à des propos théoriques sur le concept "intégrer population et développement" : elles lui font écho pour confirmer que ce concept admet des définitions multiples, variables d'un auteur à l'autre. Une fois passé le sentiment désagréable de ne pas savoir précisément de quoi on parle, la juxtaposition des différentes approches apparaît finalement bénéfique à l'ouvrage. Plusieurs synthèses importantes ont été publiées au cours des dernières années sur la description et la compréhension des interrelations entre population et développement dans les pays pauvres. Il est donc bon que cet ouvrage s'en démarque, notamment en mettant un accent appuyé sur les aspects opérationnels et institutionnels de l'intégration. On pourrait peut-être même dire qu'alors que les synthèses précédentes étaient surtout constituées de travaux de chercheurs oeuvrant pour la connaissance, celle-ci a visé à "intégrer" recherche et mise en oeuvre du développement par l'intermédiaire d'une approche résolument tournée vers les applications pratiques et l'action.

NOTE DE LECTURE

L'ASSISTANCE TECHNIQUE EN QUESTION

par Bertrand SAVOYE1

Bureau régional pour l'Afrique, PNUD et Development Alternatives inc.

REPENSER LA COOPERATION TECHNIQUE REFORMES POUR RENFORCER LES CAPACITES EN AFRIQUE

Ed. Economica, Paris, 1994

L'ASSISTANCE TECHNIQUE FRANÇAISE (1960-2000)

Rapport d'étude

Ministère de la Coopération, La Documentation française, Paris, 1994

Sylvie BRUNEL

LE GASPILLAGE DE L'AIDE PUBLIQUE

Editions Seuil, Paris, 1993

François-Xavier Verschaeve, Anne-Sophie Boisgallais

L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

Ed. Syros Alternatives, Paris, 1994

L'ampleur des efforts en matière d'assistance technique menés par le Ministère de la Coopération depuis trente ans a rarement été présentée et analysée. C'est d'autant plus regrettable que ces actions font appel à une philosophie de la coopération et du développement différente de celle prônée par les organisations internationales, qui est quant à elle largement développée et commentée. Il faut donc se réjouir de la publication récente d'un rapport d'étude, à la fois rétrospective et prospective, sur "L'assistance technique française".

Le constat dressé dans le rapport du Ministère de la Coopération sur l'assistance technique dans les pays d'Afrique subsaharienne est beaucoup moins sévère que celui de l'étude

1 Bertrand SAVOYE travaille à la division "Etudes et méthodes statistiques pour le développement" de l'INSEE.

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commanditée par le PNUD "Repenser la coopération technique", publiée au même moment2. Les deux ouvrages se rejoignent toutefois dans leur diagnostic et dans certaines de leurs recommandations, qui annoncent sans doute les configurations futures de l'assistance technique.

LES CRITIQUES DU MODELE DE COOPERATION CONSTITUE PAR L'EXPERT EXPATRIE

L'étude réalisée par le bureau régional pour l'Afrique du PNUD s'attaque essentiellement au modèle de coopération constitué par l'expert expatrié engagé à long terme et chargé de former un homologue local. Les auteurs proposent plus ou moins de supprimer ce "modèle" de coopération technique, qui serait encore selon eux le plus pratiqué dans le monde3 : "il est certainement possible de rafistoler le modèle expert/homologue, de rectifier certains de ses défauts évidents en définissant mieux, par exemple, les rôles en matière de formation dans les mandats et en soulignant davantage l'importance de la fonction de formation et de renforcement des capacités. Mais le modèle expert résident/homologue révèle des défauts d'ordre tellement général et fondamental qu'ils font douter de toute possibilité de sauvetage. Aucune exhortation et aucun ravaudage des mandats ne semblent en mesure de transformer ce modèle de formation mal conçu en un outil efficace de renforcement des capacités. La proposition de réforme centrale consiste donc à réduire de façon drastique, peut-être même à abandonner, le modèle expert/homologue [...] (p. 117)".

La principale critique formulée par l'étude du PNUD à l'encontre de l'expert expatrié est contenue dans cette citation du Président du Comité d'Aide au Développement de l'OCDE : "C'est un gaspillage inadmissible que l'assistance technique prenne la place de ressortissants locaux capables de faire le même travail". Cette critique est également développée par certains pays bénéficiaires de l'assistance technique. Elle n'est pas sans fondements. Les dépenses de coopération technique sont en effet consacrées en moyenne aux trois-quarts aux frais de personnel4, et ces frais de personnel sont constitués essentiellement par les rémunérations des expatriés. Les parts respectives consacrées d'une part aux dépenses de formation et d'autre part aux dépenses d'équipement et aux dépenses de gestion ne sont ainsi que de 12% chacune. Or ces postes de conseillers se cantonnent le plus souvent à des tâches opérationnelles et n'exercent pas l'effet d'apprentissage attendu sur leurs homologues.

Cette critique n'en est pas moins ambigüe, voire paradoxale, lorsqu'elle est développée par des pays qui ont tendance à considérer cette main d'oeuvre hautement qualifiée, productive et finalement peu onéreuse comme un dû. D'ailleurs, sur cette question, les préoccupations de l'étude du Ministère de la Coopération sont plutôt de définir une stratégie de rationalisation voire de resserrement de l'assistance technique acceptable pour les pays bénéficiaires.

En outre, cette critique n'est pas non plus sans dangers ; le mode de raisonnement développé dans nos pays à l'encontre du travail immigré est relativement similaire. Ce type de raisonnement repose sur une vision statique d'une économie dotée d'un stock limité d'emplois à se partager, sans prendre en compte la dynamique impulsée par une transmission de savoir-faire, l'introduction de nouvelles technologies. Aussi l'ouvrage du PNUD aurait-il gagné à discuter cette critique plutôt qu'à s'en faire l'écho fidèle.

Le diagnostic de l'étude du Ministère de la Coopération sur le modèle de l'expert expatrié est plus nuancé : "Sans méconnaître une certaine spécificité historique des rapports que la France entretient avec les pays en développement - notamment africains et/ou francophones - il serait certainement illusoire et dangereux de croire que l'on peut s'inscrire durablement à contre-courant de toutes les tendances constatées par ailleurs en maintenant une trop large prédominance de

2 Officiellement, les contenus de ces études "ne reflètent pas nécessairement les vues" respectives du PNUD et du Ministère de la Coopération française... toutefois, ils s'en rapprochent très certainement. Dans le cas de l'ouvrage du Ministère de la Coopération, plusieurs responsables du Ministère ont en effet directement participé à la réalisation de l'ouvrage. 3 On notera toutefois que dans le cadre de l'assistance française, le rôle des expatriés ne consiste généralement pas à former un homologue. 4 Jusqu'à 85% en République centrafricaine, aux Comores et à Madagascar.

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l'assistance technique directe, cela pour des raisons de transparence économique et d'efficacité [...]" 37).

Selon l'étude du Ministère de la Coopération, l'assistance technique directe présenterait différents effets pervers. Le premier d'entre eux "est d'avoir masqué le coût réel de la main d'oeuvre. Ce biais a eu pour conséquence de favoriser le surdéveloppement de certains services publics dont les coûts de fonctionnement réels sont disproportionnés par rapport aux ressources effectives des pays et dont la rentabilité sociale reste à prouver".

Les services publics en question sont essentiellement l'éducation et plus particulièrement les filières à dominante littéraire du secteur éducatif. Le bilan dans ce domaine, malgré les montants investis depuis trente ans, n'est, il est vrai, guère réjouissants.

UNE CONCENTRATION DISCUTABLE DE L'ASSISTANCE TECHNIQUE

Si le surdéveloppement artificiel de certains services publics met en question l'organisation de l'assistance technique, il découle en premier lieu des choix d'affectation de cette forme d'aide publique. En 1991, plus des trois-quarts des fonctionnaires titulaires du personnel de l'assistance technique travaillaient dans les domaines de l'éducation. Cette prédominance du corps enseignant, justifiée dans les années qui ont fait suite aux indépendances, apparaît aujourd'hui excessive.

TABLEAU 1

La composition du personnel de l'assistance technique française en 1991 dans les pays du champ

Fonctionnaires titulaires 3901

Education, Université, Jeunesse et Sports 78%

Santé 11%

Economie et Finances 5%

Personnel technique (y compris PTT) 5%

Source : "L'assistance technique française"

Par ailleurs, à cette concentration sectorielle s'ajoute une concentration géographique tout aussi suspecte. Comme le note l'étude du PNUD, le volume des ressources de coopération technique consenties à un pays demeure lié, entre autres, au poids de l'héritage culturel et semble peu corrélé à son niveau de développement. L'assistance technique française apparaît en particulier très concentrée sur quelques pays d'Afrique subsaharienne.

5 Essentiellement destinée à l'enseignement supérieur et aux bourses, l'aide à l'éducation profite ainsi surtout aux enfants des élites, tandis que l'éducation de base, selon Verschaeve et Boisgallais, ne reçoit que 0,3% de l'aide française. Ainsi, six des douze pays africains dans lesquels le taux d'analphabétisme dépasse 70% sont situés en Afrique sahélienne, et comptent parmi les pays du "champ".

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DEVELOPPER DE NOUVELLES FORMULES D'ASSISTANCE TECHNIQUE L'étude du PNUD propose de substituer à l'expert expatrié plusieurs formules :

- l'utilisation de conseillers à court terme à partir de visites fréquentes ; ce recours à des collaborateurs épisodiques suppose l'adoption de nouvelles structures de gestion de la part des pays donateurs ;

- le recours accru à des consultants locaux, en soutenant le développement de ces derniers ;

- le jumelage institutionnel, c'est-à-dire le partenariat permanent entre deux institutions, à l'exemple du jumelage des universités, ou encore de celui de certaines directions régionales de l'INSEE avec des directions de la statistique de pays en développement ou en transition. "Le jumelage, note l'étude du PNUD, en dépit du manque d'expérience en la matière, a la solide réputation d'être une forme efficace de renforcement des capacités". Plusieurs raisons à cela : un environnement technologique commun, l'engagement de plusieurs personnes et non d'un nombre limité d'experts et d'homologues, l'adaptabilité des relations suite à des événements imprévisibles, une période de coopération plus longue.

L'étude du Ministère de la Coopération privilégie quant à elle l'émergence et l'utilisation de la sous-traitance, entendue au sens d'un contrat de l'autorité publique avec un opérateur autonome "qui fait son affaire pour un temps déterminé de la réalisation d'un projet ou d'un ensemble de projets de développement, selon un cahier des charges, et qui accepte par avance de se soumettre à une évaluation critique de ses performances, à des termes convenus et suivant des modalités prédéterminées". La sous-traitance peut en pratique recouvrir différents moyens d'action : missions d'expert, mises à disposition de courte durée, animation de comités de pilotage, détachement de personnel, mise en place de matériel, exploitations informatiques,...

Cette formule offre plusieurs intérêts : - elle permet au Ministère de la Coopération de se recentrer sur les tâches de programmation et de négociation ;

- elle donne une conscience claire des objectifs à atteindre ; - elle respecte la transparence économique, en recourant à des procédures de sélection concurrentielles.

RECONSIDERER DANS SON ENSEMBLE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

Ces efforts de transparence et d'efficacité dans la gestion de l'assistance technique seront-ils pour autant suffisants ? En France, affirment Sylvie Brunei dans "Le gaspillage de l'aide publique" et les auteurs de "L'aide publique au développement", les problèmes majeurs se situent au niveau plus global de la gestion de l'aide publique au développement. En son sein, la coopération technique et culturelle est décrite dans ce dernier ouvrage comme "l'une des parties les moins détournées de l'APD". Ses défauts majeurs évoqués précédemment "relèvent plus de l'adaptation progressive que du scandale. Et il faut au contraire souligner le courage et la persévérance d'une grande partie des personnels, qui maintiennent une relation humaine importante dans un contexte souvent déprimant6"(p. 43).

Ces deux ouvrages, brefs et incisifs, ont le mérite de se centrer sur les problèmes de fond de la coopération française, de nature éminemment politique, et que des études commanditées par des administrations ont évidemment plus de mal à aborder. Ces problèmes sont la structure de l'aide publique et les relations clientélistes avec les pays bénéficiaires de l'aide.

6 Ce jugement n'est pas partagé par Sylvie Brunei qui considère dans "Le gaspillage de l'aide publique que "la grande majorité des expatriés français, hélas, n'offre qu'une triste image de la coopération". Cette grande majorité ne serait-elle pas plutôt une minorité voyante ? On peut regretter à ce sujet de la part de l'auteur le recours à certains clichés éculés.

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Contrairement à l'Allemagne ou aux pays scandinaves, l'aide française est aux deux-tiers une aide bilatérale.

TABLEAU 2

L'aide publique de la France en 1992 en milliards de francs

Aide totale 40,6

Aide multilatérale 11,3

CEE 5,4

B.M.-FM1 4,9

ONU 0,9

Aide bilatérale 29,3

Pays du champ 12,9

Hors champ 16,3

Source : l'aide publique au développement".

La structure de cette aide bilatérale est extrêmement complexe et éclatée, et le Ministère de la Coopération n'exerce finalement qu'un rôle relativement subalterne en ne gérant que le quart des montants, la moitié des financements étant directement gérés par le Ministère de l'Economie et des Finances.

TABLEAU 3

Répartition de l'APD bilatérale française par ordonnateur

1988 1989 1990 1991 1992

Min. de la Coopération 26,5 27,2 25,3 25,6 24,7

Min. des Affaires Etrangères 11,9 11,9 11,5 10,8 14,3

Min. de l'Economie 44,8 44,5 48,3 50,0 N.D.

Autres Ministères 16,8 16,4 14,9 13,6 N.D.

Total (en %) 100,0 100,0 100,0 100,0 N.D.

en millions de F courants 21 421 22 448 25 322 28 486 29 307

Source : "L'aide publique au développement" N.D.: non disponible.

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La part de la coopération financière s'est d'ailleurs accrue ces dernières années, au détriment de la part consacrée à la coopération technique et culturelle ou à celle négigeable attribuée à l'aide alimentaire (tableau 4).

TABLEAU 4

Répartition de I'APD bilatérale française par grande fonction

1988 1990

Coopération financière 14,2 28,9

Aide aux investissements 37,4 32,2

Aide alimentaire 1,3 0,6

Coop. technique et culturelle 35,2 29,5

Divers 11,9 8,8

Total 100 100

Source : "L'aide publique au développement".

Ceci dit, la France demeurait en 1989 la pays le plus généreux en matière de dons de coopération technique aux pays d'Afrique subsaharienne (tableau 5).

TABLEAU 5

Evolution de la répartition des dons de coopération technique des principaux bailleurs de fonds aux pays d'Afrique subsaharienne

Bailleurs de fonds 1970 (c./0 ) 1980 (%) 1989 (%)

France 25,3 23,5 16,5

Allemagne 8,7 14,1 12,7

Etats-Unis 10,8 7,4 10,6

Total aide bilatérale 78,5 77,4 71,7

Aide multilatérale 21,5 22,6 28,3

Source : OCDE

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INSTITUER DES RELATIONS CONTRACTUELLES AVEC LES PAYS BENEFICIAIRES

Sur le sujet des multiples travers du clientélisme et de la gabegie, les faits rapportés dans ces ouvrages ont pour la plupart déjà été évoqués par des auteurs spécialisés dans ces domaines sulfureux. Venons-en plutôt aux solutions proposées.

Sylvie Brunei propose une réorganisation de l'aide aux pays du champ à partir de contrats-programmes dont les principes d'action seraient les suivants :

- n'accorder de l'aide que sous la condition de l'adoption par l'Etat africain d'engagements très précis, d'objectifs économiques et sociaux quantifiables ;

- mettre en place un contrôle très strict de l'utilisation de l'aide, et la débloquer par tranches, en fonction de la réalisation progressive des objectifs ;

- contractualiser l'aide et non pas "l'imposer" : les objectifs sont définis par le pays lui-même, en concertation et en accord avec le pays donateur.

Bien que ces principes d'action s'appliquent à un champ plus large que celui de l'assistance technique, ils sont en définitive très proches de ceux prônés aujourd'hui dans les rapports du PNUD et du Ministère de la Coopération. Ils rappellent également les principes appliqués depuis quelques années par la Banque Mondiale.

PRESENTATION DU NUMERO D'"ECONOMIE ET STATISTIQUE" SUR LA QUALITE DE L'INFORMATION ECONOMIQUE

par Philippe DOMERGUE1

La revue mensuelle de l'INSEE "Economie et Statistique" a consacré un de ses derniers numéros (n° 285-286) à un examen de la qualité de certaines productions statistiques ou informations économiques indices, comptes nationaux et prévisions. L'intérêt méthodologique des articles publiés dans ce numéro nous a incités à reproduire dans nos colonnes le texte de présentation générale de Philippe DOMERGUE.

Ce numéro spécial est exceptionnel à un double titre : les articles publiés par Économie et Statistique n'ont pas, en général, vocation méthodologique, même si les sources et méthodes y sont scrupuleusement indiquées ; ici, les analyses portent principalement sur les outils. Mais surtout, le fil conducteur de cette livraison est un examen critique de la qualité de plusieurs productions statistiques majeures. Si les statisticiens ne manquent pas, du fait même de la difficulté de leur métier, d'être attentifs à la qualité de l'information qu'ils produisent, il n'est pourtant pas usuel en France qu'ils examinent "publiquement" les risques d'erreurs ou de biais, ou évaluent l'imprécision et les révisions de leurs estimations. Le plus souvent, ces débats très techniques ne dépassent pas un cénacle de spécialistes. Mais il existe aujourd'hui une demande accrue de clarification sur la fiabilité des statistiques publiques et, par ailleurs, des enjeux importants du fait de leur utilisation désormais très répandue. Bien des malentendus peuvent être évités à condition de rechercher la transparence. L'Insee s'y efforce, ainsi que d'autres instances, comme le Conseil national de l'information statistique.

L'indice des prix n'est pas un prix moyen

Le dossier proposé par Alain Saglio représente le dernier volet d'un ensemble de travaux suscités par la rénovation de l'indice des prix à la consommation 2. Les précédents articles ont traité les thèmes de la précision de l'indice et des difficultés de la comparaison internationale. Leur nouveauté a peut-être été insuffisamment relevée par les observateurs. Pour la première fois, un intervalle de confiance a été estimé (inférieur à 0,1 % pour l'indice global) : l'Insee publie avec le glissement annuel de l'indice ce précieux guide de lecture. Autre première, réalisée en collaboration étroite avec nos collègues allemands, les conditions de comparabilité des indices officiels des deux pays ont été précisées et illustrées : il en ressort un impérieux besoin d'harmonisation de nos méthodes, qui est heureusement à l'oeuvre au niveau européen.

De quoi est-il question dans ce dernier dossier ? Celui-ci est pour l'essentiel constitué de variations sur un thème traditionnel pour les statisticiens, car très général, celui de l'agrégation de grandeurs qui se déforment au cours du temps. Précisément, il s'agit ici de calculer le prix de produits dont les caractéristiques changent dans la consommation alimentaire des ménages. Très concrètement, Marielle Prime et Alain Saglio examinent de façon approfondie le cas des tablettes de

1 Philippe DOMERGUE est chef du département des normes statistiques et comptables de l'INSEE. 2 Le lecteur se reportera aux articles publiés précédemment dans Economie et Statistique : « La précision de l'indice des prix : mesure et optimisation » par P. Ardilly et F. Guglielmetti (n° 267) et « Une comparaison des indices de prix à la consommation français et allemand » par W. Buchwald et A. Saglio (n° 275-276).

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chocolat qui avait suscité des interrogations parmi les professionnels. Ceux-ci ont constaté que, dans le fameux panier de la ménagère, on retrouve de plus en plus fréquemment les marques les moins chères et que ces produits sont achetés plus souvent dans les grandes surfaces, d'où une autre économie. Ces deux comportements économes ne sont pourtant pas retracés par l'indice des prix. De fait l'indice est un instrument qui n'enregistre que des variations "pures" des prix élémentaires. Au contraire, le prix moyen, habituellement suivi par les professionnels par commodité, est sensible non seulement aux variations de prix mais aussi aux déplacements des achats des consommateurs. Les deux notions peuvent être reliées rigoureusement en définissant un effet de « gamme » (report vers des marques de prix différents) et un effet "lieux d'achat" (déplacement vers d'autres types de points de vente). Le premier effet est relativement connu : l'économiste ne considère pas comme équivalents des biens de qualités différentes. L'effet "lieux d'achat" est moins intuitif. L'un des apports du dossier est de le chiffrer pour une trentaine de familles de produits alimentaires. A ce stade, on peut déjà retenir que l'écart qui en résulte entre indice et prix moyen est très variable selon les produits. Globalement, il reste limité.

Quel est donc le bon indicateur ? N'y a-t-il aucun risque de biais dans l'indice des prix à la consommation ? Soulignons d'abord que, pour des raisons pratiques, il est totalement exclu d'adopter d'autres conventions pour le suivi mensuel de l'indice des prix et que d'ailleurs tous les pays font de même : en effet, l'exercice réalisé ici a mobilisé tout un ensemble d'informations complémentaires qui ne peuvent être observées au mois le mois. Rappelons aussi que l'indice a clairement vocation à calculer des prix globaux et non ceux des variétés fines de produits, insuffisamment représentées dans l'échantillon d'ensemble. D'un point de vue théorique, quelle est la justification de l'absence de prise en compte de l'effet "lieux d'achat" ? Elle réside dans le fait que le prix payé par le consommateur inclut toujours une part de service : deux biens identiques (marque, gamme, conditionnement, etc.) achetés dans des points de vente distincts peuvent différer par ce service commercial, ce qui explique que des écarts de prix puissent subsister. On sent bien que l'on ne justifie pas ainsi la totalité des écarts de prix. D'ailleurs, il suffit d'observer que le consommateur s'est massivement reporté vers les grandes surfaces pendant la période étudiée, et ce d'autant plus que les niveaux de prix étaient plus attractifs 3. Il est vrai que cette vague de fond n'est pas seulement une réaction aux prix relatifs mais sans doute une évolution plus générale des modes de vie. Les auteurs ont donc raison de considérer que le "meilleur indicateur" est quelque part entre ce qui apparaît comme deux conventions extrêmes. Surtout, ils se sont efforcés de chiffrer le biais maximal qui pourrait affecter l'indice français. Sans être négligeable, celui-ci est heureusement très limité : 0,4 % par an sur la consommation alimentaire, environ 0,2 % par an sur l'ensemble des produits. Il devrait même décroître à l'avenir, du moins dans tous les secteurs où le grand commerce a conquis des parts de marché dominantes. C'est aussi ce que suggèrent les études nord-américaines.

Quelle est la précision du PIB ?

La question qui est au coeur de l'article d'Alain Gallais est bien celle de la précision des comptes nationaux : l'utilisateur se demande souvent quel intervalle de confiance pourrait être attaché aux grands agrégats comme le RIB. Il se doute que celui-ci n'est pas connu au million de francs près, mais l'est-il au milliard ou à la centaine de milliards ? Les comptables nationaux n'aiment guère être ainsi interrogés, non que la question manque de pertinence, mais elle est redoutablement difficile. L'auteur n'en a que plus de mérite à s'y risquer, même si l'on doit dire d'emblée qu'il n'apporte pas de réponse définitive.

La démarche de l'auteur consiste à analyser les gains de précision obtenus depuis le compte provisoire jusqu'au compte définitif, mais elle ne s'y limite pas : il souligne fort justement que l'on commettrait une erreur d'optique en se fixant pour seul objectif de minimiser ces révisions. Il suffirait de considérer comme définitif tout compte provisoire, aussi grossier fût-il I En réalité, les utilisateurs ont plusieurs souhaits : que les estimations précoces soient raisonnablement précises, et aussi qu'elles ne soient pas trop remises en question par la suite. L'appréciation de la qualité porte

3•Entre 1979 et 1991, les parts de marché de l'ensemble des grandes surfaces (hypermarchés et supermarchés) passent de 56 % à 87 % sur les pâtes alimentaires, de 23 % à 51 % sur les pommes de terre, de 66 % à 94 % sur les petits pots pour bébé (voir l'article de D. Dubeaux et A. Saglio : « Modification des circuits de distribution et évolution des prix alimentaires »).

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donc sur la séquence complète des comptes, sachant que nul ne s'attend à la perfection dès le premier compte 4.

Rétrospectivement, les comptes publiés depuis une dizaine d'années (ceux de la « base 1980 ») apparaissent plus précis que ceux de la base précédente : en effet le compte définitif a pu mobiliser davantage d'information. La confrontation des trois approches du PIB (par la demande, la production et les revenus), effectuée à un niveau fin de la nomenclature d'activités et de produits, assure par ailleurs au compte définitif en France une précision sans doute meilleure que dans nombre de pays étrangers. Enfin, cela n'est pas obtenu au prix de révisions trop fortes, puisque celles-ci sont dans la moyenne des pays comparables. Cela n'exclut pas certaines faiblesses concernant les estimations précoces de l'investissement ou du PIB non marchand. Au-delà des révisions quantitatives, l'article s'interroge aussi sur le diagnostic conjoncturel délivré par les comptes précoces. Il apparaît ainsi que si les tendances sont en général correctement retracées, le cycle économique est écrêté 5.

Complémentaire de cette investigation est l'article de Claude Wagner sur l'économie souterraine. La France et l'Italie redressent systématiquement leurs comptes pour inclure ce type d'activité dans leurs évaluations de PIB, mais le font très différemment. Confrontant ces méthodes, l'auteur nous délivre le message suivant : pour parvenir au même but (exhaustivité de la couverture statistique du PIB), la meilleure méthode dépend largement de l'information statistique existante (fichiers et répertoires d'entreprises notamment). On ne peut donc recommander de transposer les méthodes employées indépendamment de ce contexte. Il reste que l'on pourrait sans doute tirer de l'exemple transalpin des pistes pour une meilleure intégration de l'emploi dans les comptes nationaux français.

Comment utiliser les prévisions ?

Il existe quelque analogie entre la confection des comptes précoces et la prévision économique à court terme. Karine Bouthevillain et Alexandre Mathis rappellent, après d'autres auteurs, qu'un cheminement continu va de la prévision pure à l'observation statistique pure (le compte définitif). Mais c'est pour aussitôt s'en démarquer, puisqu'ils choisissent de comparer les prévisions au compte provisoire. À l'appui de leur démarche, j'ajouterai qu'il est en effet préférable de bien distinguer deux métiers, celui des comptables nationaux et celui des prévisionnistes. Les premiers ont pour mission de mobiliser dans un cadre cohérent toute l'information disponible. Ils mettent en oeuvre des moyens relativement importants en vue de construire une représentation, la plus exacte possible, des phénomènes économiques observés dans le passé, immédiat et lointain. Les seconds, en revanche, utilisent "l'ensemble d'information" mis à leur disposition, par les comptables notamment, afin d'élaborer le scénario d'évolution de l'économie le plus probable, en s'appuyant sur des outils aussi divers que le modèle économétrique et le "dire d'expert". On conçoit alors que, dans le premier cas, il ne puisse exister deux réalités statistiques concurrentes, et que, dans le second, la pluralité des analyses soit, au travers du débat qu'elle sous-entend, favorable à la qualité des prévisions macro-économiques. De plus, celles-ci, malgré les critiques qui leur sont adressées, sont de plus en plus sollicitées par les acteurs économiques, publics et privés.

Les auteurs ont déjà analysé en détail les prévisions de neuf organismes, publics ou privés, français ou non 6. Il ne s'agit pas d'établir un palmarès, mais plutôt de prendre un peu de recul, en comparant avec le plus de rigueur possible les performances sur longue période et aussi de

4 Car il est assez connu que la mobilisation de l'information la plus complète possible est coûteuse, à la fois en temps et en moyens. Même pour le compte définitif, personne ne serait disposé à allouer des moyens illimités à l'investigation statistique. Mieux vaut une bonne image qu'un long discours : dans un bref texte, intitulé « De la rigueur de la science », J.L. Borges évoque un pays dont la cartographie se développe avec un souci de précision si absurde que la carte finit par recouvrir la totalité du territoire... 5 Sans doute par un comportement trop « prudent » des comptables nationaux annuels, conduisant à préférer des chiffres observés dans le passé récent plutôt que des inflexions brutales. L'auteur explore des redressements possibles de ce type de biais, par des méthodes économétriques encore éloignées des méthodes de chiffrages actuelles. L'intégration plus forte des comptabilités annuelles et trimestrielles amènera peut-être des progrès dans ce domaine. 6 Voir Économie et Prévision n° 108.

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rappeler les résultats obtenus dans la littérature économique. On en retiendra tout d'abord que les prévisions élaborées surclassent, le plus souvent, la simple extrapolation statistique. On y trouvera aussi une justification pragmatique —a posteriori— de la multiplicité des organismes de prévision : la possibilité de calculer une moyenne de leurs prévisions, appelée le plus souvent "consensus". Lorsqu'on examine un échantillon de prévisions suffisamment grand, la moyenne s'avère en effet meilleure que les prévisions élémentaires. Mais elle ne les surpasse jamais toutes et, surtout, ne garantit pas contre des erreurs importantes. En particulier, celles qui correspondent à des retournements conjoncturels.

De ce point de vue, l'année 1993 est, hélas, exemplaire : à quelques nuances près dans leurs commentaires, les prévisionnistes ont commis la même erreur de diagnostic. La reprise annoncée au début de 1992 se transforme en récession un an plus tard. Dans un second article, Karine Bouthevillain et Alexandre Mathis reprennent la chronique des prévisions, entre le printemps 1992 et l'hiver 1993. Ils décrivent comment s'est opéré le renversement de tendance chez les observateurs : la connaissance des premières informations conjoncturelles a été déterminante pour la prise de conscience de la récession. Ils identifient ensuite deux erreurs majeures dans les diagnostics : la demande extérieure adressée à la France aura été trop longtemps surestimée ; l'évolution de la demande intérieure aura été mal prévue, les ménages ayant, au-delà des schémas passés, privilégié l'épargne de précaution au détriment de la consommation, et les entreprises ayant réduit leurs projets d'investissement du fait, notamment, d'un environnement financier défavorable (taux d'intérêt et taux de change).

Les comparaisons des erreurs de prévision permettent de nuancer les jugements portés quelquefois de manière hâtive. Par rapport aux précédents retournements conjoncturels (1975, 1982 et 1988), l'erreur statistique sur 1993 n'est pas exceptionnelle. Elle témoigne des limites et des difficultés des exercices de prévision et de la prudence nécessaire à leur utilisation.

Des indicateurs élaborés

Les données statistiques à l'état brut ne sont pas toujours interprétables. On peut même avancer qu'elles le sont rarement. C'est pourquoi il est indispensable de les travailler quelque peu. La correction des variations saisonnières fait partie désormais du paysage statistique le plus courant, même si elle recèle toujours quelque mystère pour le non spécialiste. Jean-Marie Fournier et Dominique Ladiray suggèrent qu'il faut aller plus loin pour porter un diagnostic conjoncturel précis. Les effets de calendrier, dus à l'irrégularité du nombre de jours ouvrables, sont susceptibles de perturber les évolutions trimestrielles. D'où un progrès possible pour les comptes trimestriels qui ne pratiquent pas la correction des jours ouvrables.

Stéfan Lollivier et Pascale Pollet, quant à eux, analysent des données traditionnellement suivies par les conjoncturistes : ce sont les réponses des entreprises industrielles interrogées par l'Insee dans son enquête trimestrielle. De telles statistiques sont riches d'information et doivent être interprétées avec quelques précautions, ne serait-ce que parce qu'elles sont qualitatives7. On a recours en général à des indicateurs agrégés, comme les "soldes d'opinion". L'originalité de cette étude des tensions sur les capacités de production provient d'un traitement sur données individuelles. Au total, une incitation à exploiter plus à fond cette mine d'informations que constituent les enquêtes de conjoncture.

7 À l'exception des marges de capacité (qui permettent de calculer un taux d'utilisation des capacités de production) la plupart des variables ont trois modalités ; par exemple, les carnets de commandes sont « bien garnis, normaux ou peu garnis ». Pour une analyse quantitative, voir l'article de J.-C. Fanouillet et B. Salanié (Économie et Statistique, n° 234).

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Les statistiques économiques ne sont pas fréquemment publiées avec des indications sur les incertitudes qui les entourent et ne sont pas toujours assorties de leur bon mode d'emploi. De ce fait, l'annonce ou la révision de chiffres sensibles sont quelquefois inutilement dramatisées par des présentations maladroites des statisticiens ou par des interprétations abusives des commentateurs. Aujourd'hui, l'usage de plus en plus général des principaux indicateurs macro-économiques et le besoin grandissant de comparaisons internationales devraient cependant entraîner un regain d'intérêt pour ces questions méthodologiques. Puisse le présent dossier, dont la lecture est certes parfois austère, contribuer à une telle clarification.

SOMMAIRE DU NUMERO

- Alain Saglio Changements du tissu commercial et mesure de l'évolution des prix

- Marielle Prime et Alain Saglio Indices de prix et prix moyens : une étude de cas

- Dominique Dubeaux et Alain Saglio Modification des circuits de distribution et évolution des prix alimentaires

- Alain Gallais Révisions et précision des comptes nationaux français

- Claude Wagner La prise en compte de l'économie au noir : l'exemple de la méthode italienne

-Karine Bouthevillain et Alexandre Mathis Prévisions : mesures, erreurs et principaux résultats

- Jean-Marie Fournier et Dominique Ladiray Les effets de calendrier dans l'analyse conjoncturelle de la production

- Stéphan Lollivier et Pascale Pollet Les taux d'utilisation des capacités dans l'industrie entre 1986 et 1993: le rôle des carnets de commande

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ON SIGNALE ...

Actes des journées de méthodologie statistique des 17 et 18 juin 1992

Utilisation des équipements et horaires de travail - Comparaison internationale

Recensement de la population 1990 - innovations méthodologiques

Clins d'oeil de démographes à l'Afrique et à Michel François

L'évaluation des politiques et programmes de population

Le temps et la démographie - Chaire Quetelet 1993

Atlas de la zone franc en Afrique subsaharienne - Monnaie, économie, société

Quel avenir pour l'économie africaine ?

Présentation de la revue "Région et développement"

Des données d'enquêtes sur la fécondité et la santé des enfants disponibles pour 35 pays au Ceped

Les journées scientifiques "Crises, pauvreté et changements démographiques dans les pays du Sud" (Ouagadougou, Burkina Faso, 13-15 novembre 1996)

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ACTES DES JOURNEES DE METHODOLOGIE STATISTIQUE DES 17 ET 18 JUIN 1992

INSEE-Méthodes n° 46-47-48, 1995, 525 p.

ISBN : 2-11-066262-X

Prix : 228 F

Ce volume rassemble les communications des "journées de méthodologie" qui se sont

tenues à Paris les 17 et 18 juin 1992.

Les thèmes abordés sont le traitement des séries chronologiques, la codification

automatique, l'usage des modèles LOGIT, l'analyse discriminante et ses applications, le contrôle de

qualité du recensement.

Les journées poursuivaient un double but :

- présenter les travaux actuels réalisés à l'INSEE à un large public ;

- bénéficier du regard critique d'experts venus de l'étranger qui, en retour, présentaient

leurs travaux. On appréciera donc spécialement les textes présentés par Sylvie Michaud, Claude

Plouffe, Sylvain Perron de Statistique Canada et Gad Nathan de l'Université hébraïque de Jérusalem.

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UTILISATION DES EQUIPEMENTS ET HORAIRES DE TRAVAIL Comparaison internationale

Sous la direction de Dominique ANXO, Gerhard BOSCH, Derek BOSWORTH, Gilbert CETTE,

Thomas STERNER et Dominique TADDEI

INSEE-Méthodes n° 49-50-51, 1995, 380 p.

ISBN : 2-11-066330-8

Prix : 228 F

"Cet ouvrage fournit une vue d'ensemble particulièrement bienvenue de ce que savent

les statisticiens et les économistes sur un aspect de la production, difficile à caractériser avec

précision, mais d'une grande importance, tant pour l'analyse économique que pour ses implications

sociales. Nul besoin d'insister sur l'actualité du sujet : celle-ci est bien soulignée dans l'introduction qui

montre combien les débats des dernières décennies ont mis l'accent sur l'intérêt de considérer la

durée d'utilisation du capital comme une variable économique dans de multiples domaines distincts

mais liés entre eux, depuis la théorie de la croissance jusqu'aux politiques d'emploi [...]

Quand on s'attaque à un nouveau sujet, il est courant qu'on le trouve plus riche qu'on

ne l'avait d'abord imaginé et qu'on souhaite qu'il soit mieux connu. De ce point de vue, Utilisation des

équipements et horaires de travail ne fait pas exception. Les lecteurs vont bientôt découvrir qu'ils ont

beaucoup à apprendre de ce livre et qu'il reste encore beaucoup à apprendre. Malheureusement pour

le sujet, la complexité des investigations statistiques et analytiques ultérieures semble telle que ce

n'est probablement pas de sitôt qu'un grand bon en avant se produira dans sa compréhension ; et ce

livre ne deviendra probablement pas démodé avant longtemps".

(extrait de la préface d'Edmond Malinvaud)

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RECENSEMENT DE LA POPULATION 1990 Innovations méthodologiques

INSEE-Méthodes n° 52-53, 1995, 360 p.

ISBN : 2-11-066-344-8

Prix : 149 F

Sous une apparence de forte continuité, le recensement de 1990 comme chacun de

ses prédécesseurs a en fait largement innové dans ses procédures. Cet "INSEE-Méthodes" décrit

quelques-unes des innovations en matière de collecte, un contrôle de qualité de la saisie et de la

codification en ligne sensiblement plus économe grâce à un recours important aux techniques

statistiques, la première utilisation censitaire de procédures automatiques de codification, des

procédures rénovées d'imputation de valeurs manquantes, et surtout, dans un plan d'exploitation

assez différent de celui du RP de 1982, l'avancée méthodologique importante qu'a constitué le tirage

équilibré de districts pour la constitution de l'échantillon au 1/20ème ; bonne illustration de ce

qu'apportent les allers-retours entre méthodologues et responsables techniques d'une opération

statistique de grande ampleur : la mise au point d'algorithmes efficaces puis leur utilisation a été

précédée d'une recherche plus fondamentale pour transformer une idée simple en y introduisant les

avantages de procédures probabilistes après en avoir vérifié la qualité.

Ce volume présente également des appréciations sur la qualité du recensement

(exhaustivité et qualité des déclarations). Par contre il néglige les avancées susbtantielles également

réalisées dans la mise à disposition des résultats.

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CLINS D'OEIL DE DEMOGRAPHES A L'AFRIQUE ET A MICHEL FRANCOIS

Documents et manuels du CEPED, n° 2, 1995, 244 p.

ISBN : 2-87762-074-3

Prix : 80 F

STATECO salue la parution de cet ouvrage qui rend hommage à Michel FRANCOIS,

administrateur de l'INSEE, chercheur au CEPED et auteur de plusieurs articles parus dans nos

colonnes, qui s'est retiré le 4 octobre 1994 sur ses terres de la Chrétiennerie, dans l'Eure-et-Loir, après

38 ans de bons et loyaux services à la République.

Au cours de sa passionnante carrière de statisticien-africaniste, Michel FRANCOIS a

séjourné près de seize années sur le continent africain. D'abord au Gabon de 1961 à 1971, comme

chef de la Division des enquêtes et de la démographie à la Direction de la statistique, puis à Bangui

comme coordinateur du projet régional d'études démographiques en UDEAC et au Tchad.

De nouveau à Bangui de 1976 à 1980, après un bref passage en France, il dirige le

Centre de recherches et d'études sur la population (CREP) et termine, en 1977, sa thèse de doctorat

sur "La population du Gabon".

Depuis 1986, il était affecté au CEPED dont il a été l'un des pionniers. C'est là que sa

carrière officielle s'est achevée ; c'est de là aussi qu'il a pris son envol vers une nouvelle vie, tout en

continuant à suivre de près les progrès de l'état civil africain.

Cet ouvrage est un "clin d'oeil" de ses plus proches collaborateurs de ces dernières

années, mais aussi plus anciens, qui rend hommage à son travail et lui rappelle que le flambeau a bien

été repris par ceux à qui il l'a transmis.

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SOMMAIRE DE L'OUVRAGE

Introduction - Jacques Vallin

1. Cinquante ans après - Gérard Théodore

2. L'état civil en Afrique, que peut-on en tirer ? - Michel Garenne

3. Recensement et démocratie - Patrick Gubry

4. Où donc sont passés les 30 millions de Nigérians manquants ? - Thérèse Locoh et Elisabeth

Omoluabi

5. Les Comores, oubliées des hommes (Is small so beautiful ?) - Louis Lolhé-Tart

6. Quarante ans d'enquêtes démographiques en Afrique - Pierre Cantrelle

7. Base de sondage : entre rigueur et bricolage - Philippe Brion

8. Le calendrier lignager, un outil pour la datation. Une expérience en milieu rural au Mali - Véronique

Hertrich

9. Parlons des E.D.S. : l'analyse statistique est-elle neutre ? - Thérèse Locoh

10. Le temps et l'analyse des biographies - Philippe Antoine et Philippe Bocquier

11. Est-il rationnel de faire des enfants ? Pourquoi les Gabonaises sont-elles moins fécondes que les

Ghanéennes ? - Nathalie Picard-Tortorici

12. La santé des enfants en Afrique subsaharienne : un futur menacé - Magali Barbieri

13. Le Niger, retour à la case départ - Dominique Waltisperger

14. Vos ménages m'intéressent - Marc Pilon

15. L'archivage informatique - René Cuerq

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L'EVALUATION DES POLITIQUES ET PROGRAMMES DE POPULATION

sous la direction de Francis GENDREAU et de Denis NZITA KIKHELA, avec la collaboration de Valérie GUERIN

Coédition AUPELF-UREF/John Libbey Eurotext, 1995, 288 p.

ISBN : 2-7420-0073-9

Les problèmes de population font partie des préoccupations de nombreux

gouvernements ; depuis les années cinquante, et plus récemment en Afrique francophone, des

politiques de population ont été élaborées dans de nombreux pays, des programmes ont été mis sur

pied et réalisés, des financements importants ont été mobilisés. L'évaluation de ces politiques et de

ces programmes soulève des questions scientifiques que les démographes se doivent d'examiner.

Les premières Journées Scientifiques du Réseau Démographie de l'UREF ont été

organisées sur ce thème à Bangui en juin 1993. Le présent ouvrage qui en est tiré constitue une

contribution à la réflexion collective et à la sensibilisation de la communauté scientifique, des

responsables politiques et des bailleurs de fonds sur cette question de l'évaluation.

Les différents chapitres de cet ouvrage sont de deux types : exposés méthodologiques

sans référence géographique particulière, ou études de cas présentant un large éventail de situations

et de problèmes - notamment du point de vue géographique même si le champ couvert est africain. En

outre, alors que l'on réduit trop souvent les politiques et programmes de population à la seule

planification familiale, d'autres aspects sont abordés ici : les politiques et programmes de santé, les

migrations et l'urbanisation, l'information-éducation-communication et la planification de la population et

du développement.

Les approches sont variées et les éclairages complémentaires, les auteurs étant eux-

mêmes de professions très diverses : chercheurs, enseignants, démographes travaillant dans des

structures ministérielles ou dans des organismes d'intervention.

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LE TEMPS ET LA DEMOGRAPHIE Chaire Quetelet 1993

Edition Academia, L'Harmattan, 1994, 404 p.

ISBN : 2-7384-3088-0

Les démographes manipulent quotidiennement, dans leurs observations, leurs

analyses, leurs modèles et leurs prévisions, des variables qui relèvent, d'une manière ou d'une autre,

du concept de temps : dates, âges, durées, intervalles, etc. Ils se sont donc naturellement fait une

spécialité de diverses méthodologies d'approche et d'analyse du temps : analyses longitudinales et

transversales, analyses de biographies, problèmes relatifs à la mémoire...

Bien d'autres disciplines, en sciences humaines ou naturelles, travaillent sur le temps,

chacune avec ses propres définitions et ses propres méthodes. La Chaire Quetelet 93 a été l'occasion

de confronter ces différentes méthodologies disciplinaires pour enrichir le regard que chaque science,

et en premier lieu la démographie, porte sur les concepts et variables de temps. Le temps est par

excellence un thème de rencontre interdisciplinaire.

Un physicien, un paléontologue et un philosophe balisent le vaste domaine des

dimensions temporelles de l'homme et du monde, puis anthropologues, sociologues, historiens,

économistes et démographes détaillent les spécificités de la notion du temps et de son analyse dans

leurs disciplines respectives, en se regroupant autour de trois sous-thèmes : "le Temps et les

Sociétés", "le Temps et les Individus", "les Démographes et le Temps".

Les conférences d'ouverture et de clôture sont dues à Hubert Reeves et Albert

Jacquard.

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ATLAS DE LA ZONE FRANC EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Monnaie, économie, société

La Documentation Française, Ministère de la coopération, 1995, 112 p.

ISBN : 2-11-003442-4

Prix : 120 F

L'Atlas de la Zone Franc en Afrique subsaharienne illustre en cinquante planches

accompagnées de textes, tableaux et graphiques les caractéristiques essentielles d'un espace

géographique dont la composante monétaire n'est pas la moindre originalité. Réalisé un an après la

dévaluation du franc CFA, il en intègre les premières conséquences observables, tout en gardant ses

distances envers des interprétations qui seraient prématurées. Il se présente donc comme un bilan le

plus souvent arrêté aux données de 1993 (dernière année avant la dévaluation) évitant les chemins

hasardeux de la prospective. Les faits de structure ont été privilégiés pour construire une image de la

Zone Franc montrant à la fois ses fondations, inscrites dans la durée, et ses évolutions, témoins de sa

vitalité.

Le pouvoir d'évocation des cartes réside dans la représentation simplifiée du réel :

l'Atlas suggère avant de démontrer, il ne clôt pas la réflexion mais l'ouvre en invitant à l'approfondir.

L'Atlas de la Zone Franc aborde, sans prétendre à une illusoire exhaustivité, des

sujets très divers qu'il n'est pas accoutumé d'associer dans un même ouvrage. Les thèmes choisis

l'ont été pour rendre le lecteur sensible à une réalité aux multiples facettes. Les questions monétaires y

côtoient l'économie et la société, l'environnement et l'histoire, la culture et le développement : la

monnaie sort ainsi du mystère qui la nimbe d'ordinaire et prend un sens nouveau au contact de la terre

et des hommes.

(extrait de l'avant-propos)

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QUEL AVENIR POUR L'ECONOMIE AFRICAINE ?

Sous la direction de Jean-Claude BERTHELEMY

OCDE, "Séminaires du centre de développement", 1995, 184 p.

ISBN : 92-64-24647-9

Quelles sont les perspectives économiques de l'Afriques subsaharienne, en proie à

une crise et un malaise profonds malgré les efforts de développement déjà entrepris ? Repenser les

stratégies de développement à long terme est aujourd'hui une nécessité. Cette série d'articles analyse

les principaux obstacles que rencontrent les économies subsahariennes, que ce soit en termes de

facteurs de croissance, de compétitivité internationale, de marché du travail, de coopération régionale,

de conflits ou d'instabilité politique. L'ambition de cette publication est de stimuler de nouvelles

recherches dans ces domaines, afin que puissent être définies pour l'avenir de nouvelles lignes

d'action plus efficaces.

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PRESENTATION DE LA REVUE REGION ET DEVELOPPEMENT

I - LES MOTIFS

1.1. L'importance du problème Le développement est un des problèmes fondamentaux à l'échelle mondiale.

L'économie du développement, à travers différentes approches, s'est progressivement constituée

comme un domaine scientifique d'étude des mécanismes du développement et a pu contribuer à

appuyer sur des bases plus rationnelles les politiques et les programmes d'action et de coopération

économiques des organismes internationaux. Longtemps négligées, les préoccupations régionales et

urbaines ont pris aujourd'hui une dimension importante, reconnue dans les analyses et les politiques

du développement avec la mise en place d'institutions décentralisées dans les pays du Tiers-Monde, le

lancement de programmes de développement local, des actions engagées pour une répartition plus

équilibrée des populations et une meilleure utilisation des territoires.

1.2. L'originalité d'une revue spécialisée Il existe des revues de langue française et anglaise, de large audience et de qualité,

qui traitent soit de l'économie du développement soit de science régionale en général, mais aucune

revue scientifique française ou multilingue n'a, à notre connaissance, pris l'option de traiter

spécifiquement le croisement des deux domaines "économie du développement - économie régionale

et urbaine". Le manque est regrettable car les travaux sur la question sont ainsi disséminés et souvent

mal circonscrits, les expériences et les méthodes, la définition et l'évaluation des politiques, rarement

directement confrontées. Les différents travaux menés par les auteurs français et étrangers en la

matière méritent d'être réunis, rapprochés, fédérés dans une publication périodique spécialisée. Une

telle revue, en apportant une réflexion scientifique approfondie dans l'approche spatiale du

développement, pourra exercer un puissant effet de levier : en assurant une meilleure collecte et une

mise en valeur des travaux, en étant le carrefour des informations pour les experts et les praticiens en la matière et une base de référence.

II - OBJET ET CONTENU DE LA REVUE

Cette revue est consacrée aux différents aspects socio-économiques du développement régional.

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Les domaines d'analyse abordés seront notamment : la dimension spatiale du

développement, la croissance et les disparités socioéconomiques régionales, la localisation des

activités, l'aménagement du territoire, les communications, l'environnement, le développement rural, le

fonctionnement des marchés locaux de l'emploi, le logement, les villes et les réseaux urbains, les

migrations, les systèmes d'information régionale, la modélisation régionale et les études d'impact,

l'analyse des projets, la compétitivité et le potentiel technologique des régions, les politiques, les

institutions et les stratégies du développement régional, les finances et le développement local, les

zones franches ...

Les articles pourront traiter d'aspects théoriques, d'économie appliquée et

d'expériences concrètes du développement régional. Les articles seront en majorité en langue

française, certains en langue anglaise et espagnole. Un résumé trilingue important accompagnera

chaque article. Un des buts importants de la revue est de diffuser en priorité dans les pays en

développement les méthodes et les outils d'analyse du développement régional.

SOMMAIRE DU N° 1 (SPECIAL MAROC)

Articles

Maurice Catin "Les mécanismes et les étapes de la croissance régionale"

Abdeslem Bouhia, Maurice Catin et Mohamed Mouime "Le modèle intégré national-régional de l'économie marocaine (MINARE)"

Michel Mignolet et Stéphane Guiot "Politiques régionales et coût du capital : un outil d'évaluation"

Steve Bazen et Gilbert Benhayoun "Relation salaire-éducation au Maroc"

Mohamed Bougroum et Patrick Werquin "Les jeunes diplômés chômeurs dans la région de Marrakech"

Michael Storper "Territorial Development in the Gobal Learning Economy : the Challenge to Developing Countries"

Notes et documents

Mohamed Benlahcen Tlemcani "Le secteur des transports au Maghreb"

Catherine Pivot "Quelques ouvrages sur le Maroc"

La revue "Région et Développement" est diffusée par L'Harmattan - 7, rue de l'Ecole Polytechnique - 75005 PARIS

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JOURNEES SCIENTIFIQUES "CRISES, PAUVRETE ET CHANGEMENTS DEMOGRAPHIQUES

DANS LES PAYS DU SUD" (Ouagadougou, Burkina Faso, 13-15 novembre 1996)

Ces journées scientifiques sont organisées par le Réseau Démographie de l'Université

des réseaux d'expression française (UREF) en collaboration avec l'UERD (unité d'enseignement et de

recherche en démographie) de l'Université de Ouagadougou.

Comité d'organisation : Banza BAYA (chercheur à l'UERD), Georges COMPAORE

(directeur de l'UERD), Francis GENDREAU (chercheur à l'ORSTOM, coordonnateur du réseau

Démographie), Richard MARCOUX (chercheur à l'Université de Montréal), Jean POIRIER (chercheur

à l'UERD), Dominique TABUTIN (professeur à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve).

OBJECTIFS

De nombreux pays vivent des situations de "crises" dont les causes et les

conséquences sont diversifiées (économiques, sociales et culturelles) et qui s'accompagnent souvent

de conflits (politiques, ethniques ou religieux). Parallèlement la pauvreté s'étend ou au moins se

maintient.

La croissance démographique est souvent considérée comme une cause du sous-

développement, des crises et de la pauvreté : il convient d'examiner le bien-fondé de cette assertion à

la lumière des théories et des données empiriques récentes. Ces notions de "crise" et de pauvreté

sont en effet utilisées pour expliquer certains phénomènes démographiques : augmentation de la

mortalité, recul de la nuptialité, accroissement de la taille des ménages urbains, baisse de la fécondité,

augmentation des migrations de personnes déplacées et réfugiées, ralentissement de l'urbanisation.

Les stratégies collectives, communautaires ou individuelles s'adaptent et peuvent conduire selon les

cas à une accélération ou à un ralentissement des transitions démographiques, ou même à un

maintien des régimes anciens.

L'objectif des journées scientifiques est de scruter le bien-fondé de telles hypothèses.

La question fondamentale est la suivante : quelles sont dans les pays du Sud, les interrelations entre

les crises actuelles, la pauvreté et les régimes démographiques au niveau tant sociétal que familial ?

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PROPOSITIONS DE THEMES

1- Perspectives générales et théoriques : concepts, état de la littérature, perspectives

historiques, discours idéologiques.

2- La démographie, cause des "crises" ? Est-elle à l'origine de la hausse du

chômage ? de la dégradation de l'environnement ? de la "bidonvillisation" ? de la disette et de la

famine ? de la déscolarisation ? des conflits et des guerres ?

3- La pauvreté à l'origine des changements démographiques ? Freine-t-elle ou

accélère-t-elle les modifications de comportement ? Déclenche-t-elle ou bloque-t-elle la transition de la

fécondité ? Accroît-elle ou réduit-elle les migrations ?

4- Quelles politiques de santé et de planification familiale face aux crises et à la

pauvreté ? Y a-t-il crise des politiques de population ? Quels sont leurs effets véritables dans un

contexte de crise ? Peuvent-elles contrer les effets négatifs de la pauvreté ?

APPEL A COMMUNICATION

Les chercheurs intéressés sont invités à proposer une communication sur l'un des

thèmes suggérés et à envoyer un résumé d'une page à l'une des adresses indiquées ci-après. Le

comité d'organisation des Journées sélectionnera les projets de communication début 1996. Les textes

définitifs des communications devront parvenir avant le 30 septembre 1996.

POUR PLUS DE RENSEIGNEMENTS

Pour obtenir un bulletin de pré-inscription et toute information complémentaire, s'adresser à :

Georges COMPAORE, Directeur de I'UERD, B.P. 7118, Ouagadougou, BURKINA FASO

Tél. (226).36.21.15 ; Fax : (226).36.21.38

Francis GENDREAU, CICRED, 66 bis av. Jean Moulin, 75014 Paris, FRANCE

Tél. : (33.1).42.18.20.19 ; Fax : (33.1).42.18.21.65

Nathalie HULOT, UREF, Bureau Européen, 4 place de la Sorbonne, 75005 Paris, FRANCE

Tél. : (33.1).44.41.18.18 ; Fax : (33.1).44.41.18.19

INSEE AI DG 12 1995