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L’évolution psychiatrique 78 (2013) 599–613 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original Au-delà de la peau, un regard porté. . . L’échographie et la pulsion scopique machinique Beyond skin, a worn look. . . Ultrasound and the machinic scopic drive Guillemine Chaudoye a,, Hélène Riazuelo b a Psychologue clinicienne, Chargée d’enseignement, université Paris Ouest Nanterre La Défense, A2P-CLIPSY (EA 4430), 200, avenue de la République, 92001 Nanterre cedex, France b Psychologue clinicienne, Maître de conférences, université Paris Ouest Nanterre La Défense, A2P-CLIPSY (EA 4430), 200, avenue de la République, 92001 Nanterre cedex, France Rec ¸u le 3 juin 2012 Résumé Tout au long de la grossesse, la femme enceinte va pré-investir puis investir le futur enfant, le sentir, le ressentir, se le représenter, puis le voir, le regarder, le montrer. À mesure que la femme enceinte ressent l’enfant qu’elle porte, son récit et ses fantasmes le concernant se font riches et voluptueux. L’étayage corporel est important et par l’introduction de l’échographie, il va alors pouvoir s’appuyer sur cette image, sur ce regard porté au-delà de la peau, tant dans le processus d’investissement du bébé, qu’au niveau des représentations qui en sont les signes. Un processus de création psychique vient alors soutenir le processus de « création biologique » et, pas à pas, l’enfant est là, dans sa réalité, au-delà du ventre maternel. L’image échographique aide donc à la fantasmatisation, dans un travail de création psychique, mais parfois, elle peut aussi mener au gel de cette même fantasmatisation, à « l’arrêt sur image » de ce travail de création devenu prisonnier d’une folie maternelle mortifère. En effet, du côté de la destructivité, de la désintrication pulsionnelle, l’image échographique peut se fétichiser et devenir traumatique, comme cela sera montré dans le cas d’une patiente appelée Marie. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Grossesse ; Échographie ; Pulsion scopique machinique ; Fantasme ; Fétiche ; Traumatisme psychique ; Étude théorique ; Cas clinique Toute référence à cet article doit porter mention : Chaudoye G, Riazuelo H. Au-delà de la peau, un regard porté. . . L’échographie et la pulsion scopique machinique. Evol Psychiatr 2013;78(4): pages (pour la version papier) ou URL [Date de consultation] (pour la version électronique). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Chaudoye). 0014-3855/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.06.006

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L’évolution psychiatrique 78 (2013) 599–613

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Article original

Au-delà de la peau, un regard porté. . . L’échographie etla pulsion scopique machinique�

Beyond skin, a worn look. . . Ultrasound and the machinic scopic drive

Guillemine Chaudoye a,∗, Hélène Riazuelo b

a Psychologue clinicienne, Chargée d’enseignement, université Paris Ouest Nanterre La Défense, A2P-CLIPSY (EA4430), 200, avenue de la République, 92001 Nanterre cedex, France

b Psychologue clinicienne, Maître de conférences, université Paris Ouest Nanterre La Défense, A2P-CLIPSY (EA 4430),200, avenue de la République, 92001 Nanterre cedex, France

Recu le 3 juin 2012

Résumé

Tout au long de la grossesse, la femme enceinte va pré-investir puis investir le futur enfant, le sentir,le ressentir, se le représenter, puis le voir, le regarder, le montrer. À mesure que la femme enceinte ressentl’enfant qu’elle porte, son récit et ses fantasmes le concernant se font riches et voluptueux. L’étayage corporelest important et par l’introduction de l’échographie, il va alors pouvoir s’appuyer sur cette image, sur ce regardporté au-delà de la peau, tant dans le processus d’investissement du bébé, qu’au niveau des représentationsqui en sont les signes. Un processus de création psychique vient alors soutenir le processus de « créationbiologique » et, pas à pas, l’enfant est là, dans sa réalité, au-delà du ventre maternel. L’image échographiqueaide donc à la fantasmatisation, dans un travail de création psychique, mais parfois, elle peut aussi mener augel de cette même fantasmatisation, à « l’arrêt sur image » de ce travail de création devenu prisonnier d’unefolie maternelle mortifère. En effet, du côté de la destructivité, de la désintrication pulsionnelle, l’imageéchographique peut se fétichiser et devenir traumatique, comme cela sera montré dans le cas d’une patienteappelée Marie.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Grossesse ; Échographie ; Pulsion scopique machinique ; Fantasme ; Fétiche ; Traumatisme psychique ; Étudethéorique ; Cas clinique

� Toute référence à cet article doit porter mention : Chaudoye G, Riazuelo H. Au-delà de la peau, un regard porté. . .

L’échographie et la pulsion scopique machinique. Evol Psychiatr 2013;78(4): pages (pour la version papier) ou URL[Date de consultation] (pour la version électronique).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Chaudoye).

0014-3855/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.06.006

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Abstract

Throughout pregnancy, the pregnant woman pre-invests then invests the future child, feels it, to representhim, and see, watch the child. As the pregnant woman feels her unborn child, her story and her fantasiesabout him become rich and voluptuous. Shoring body is important and the introduction of ultrasound, itwill then be able to rely on this image, on this look beyond the skin, both in the investment process of thebaby, that level representations are the signs. A psychic creation’s process supports the process of “creatingorganic” and, step-by-step, the child is there, in reality, beyond the womb. The ultrasound image is thereforehelping to fantasizing, in a psychic creation’s work, but sometimes it can also lead to freezing of the samefantasizing, to “freeze frame” of this creative work became a prisoner of madness maternal lethal. Indeed,the side of the destructiveness, the ultrasound image can become a fetish and a trauma, as will be shown inthe case of a patient named Mary.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Pregnancy; Ultrasound; Machinic scopic drive; Fantasy; Fetishization; Psychic trauma; Theorical study;Clinical study

De la découverte de la grossesse à l’accouchement, la femme enceinte pense, imagine, sereprésente l’enfant à naître. Tout au long de ce processus, elle va pré-investir puis investir lefutur enfant, le sentir, le ressentir, se le représenter, puis le voir, le regarder, le montrer. À mesureque la femme enceinte ressent l’enfant qu’elle porte, son récit et ses fantasmes le concernantse font riches et voluptueux. L’étayage corporel semble important [1], tant dans le processusd’investissement du bébé, qu’au niveau des représentations qui en sont les signes. L’enfant bougedans le ventre, prend une place, il existe. Peu à peu, il devient vivant, il a un corps, un sexe,peu à peu son identité se crée. De ce ressenti, naît une première rencontre, les prémices d’unerelation en devenir, qui va se construire pas à pas. Aux premières sensations corporelles vontse lier les premières représentations, puis, ces premières sensations vont se préciser, elles vontprendre forme : la forme des contours d’un corps que l’on regarde lors de l’échographie, la formed’un « corps dans un corps » [2], celle d’un autre qui se différencie. Un processus de créationpsychique vient alors soutenir le processus de « création biologique » et, pas à pas, l’enfant est là,dans sa réalité, au-delà de la peau maternelle.

Cependant, comme nous le verrons dans le cas d’une patiente appelée Marie, alors que l’imageéchographique peut aider à la fantasmatisation, dans un travail de création psychique, elle peutaussi mener au gel de la fantasmatisation, à « l’arrêt sur image » de ce travail de création devenu pri-sonnier d’une folie maternelle [3] mortifère. En effet, du côté de la destructivité, de la désintricationpulsionnelle, l’image échographique devient traumatique et se fétichise.

1. Un regard porté sur l’histoire

1.1. Une lecon d’anatomie : entre médecine, pensée magique et représentations artistiques

Aller au-delà de la peau, limite entre le dedans et le dehors, enveloppe refermant les secretsde la vie et des origines, intrigue et crée du fantasme. Dès le paléolithique, l’homme dissèquedes animaux pour manger, se vêtir, s’armer et créer des outils mais il dissèque aussi pour voir etconnaître ce qui était jusqu’alors invisible et inconnu. Déjà le corps est convoité, représenté dansla peinture et la sculpture et des fantasmes se créent sur l’intérieur caché de ce corps énigmatique,devenu l’objet de pensées magiques mais aussi celui des premières curiosités médicales. Les

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découvertes de sépultures datant du néolithique, ont fait la preuve d’actes de trépanations et cespremières dissections semblent alors avoir eu, au-delà du rituel, des fins thérapeutiques [4]. Au filde l’histoire, l’intérêt pour l’anatomie est grandissant et des médecins égyptiens au iiie siècle avantnotre ère, procédèrent à la vivisection des corps de condamnés à mort afin de mieux comprendrele fonctionnement du corps humain. Interdite par la suite dans le droit romain [5], la dissection ducorps humain est entendue comme une profanation et est alors remplacée par celle de l’animal.

Mais peu à peu, la dissection du corps humain réapparaît et se trouve représentée par le dessinet la peinture. La chair est dessinée et exposée au regard, au-delà de sa peau, le corps est regardé,étudié et montré. La Renaissance et les travaux entre autres, de Léonard de Vinci et d’AmbroiseParé, en sont des exemples.« Ce n’est rien de feuilleter les livres de gazouiller, de caqueter enchaire de la chirurgie, si la main ne met en usage ce que la raison ordonne. »1

Connaître le corps dans les profondeurs de sa chair devient nécessaire à la science médicaleen général et à l’essor de la chirurgie en particulier. Le corps peut désormais être soigné, pansé,cautérisé. Le cadavre devient un objet d’étude à des fins thérapeutiques mais aussi artistiques.Difficilement acceptées, les autopsies se faisaient publiquement et en présence de représentantsde l’Église et des autorités civiles. Certains médecins, face à la pénurie de cadavres, dans le but demieux connaître l’anatomie humaine, de mieux se la représenter, devaient mener des expéditionsnocturnes afin de récupérer les corps de suppliciés. De tout temps objet de curiosité, le corps anotamment dans les religions, aussi été l’objet d’une grande ambivalence. Enveloppe charnelle,il est à la fois « Temple de l’esprit »2, pouvant être le représentant de l’incarnation divine, àprotéger et dont il faut prendre soin et à la fois le siège de maladies, d’une sexualité impure, uncorps animal et diabolique, un corps à distinguer de l’âme, dont il faut se méfier et que l’on doitdompter. Devenu progressivement curiosité médicale, le corps se transforme progressivement enobjet d’investigations scientifiques. L’apparition de la radiographie à la fin du xixe siècle en estun exemple. Elle permet pour la première fois d’aller au-delà de la limite de la peau et de voir àtravers le corps sans l’ouvrir, sans le disséquer. Le rayon X, découvert en 1895, par le Professeurallemand Wilhelm Röntgen, qui recut le prix de Nobel de physique pour cette découverte, futalors largement utilisé dans le monde médical, en France notamment, par Antoine Béclère. Lesouvertures des premiers services de radiologie furent nombreuses et beaucoup de recherchescontribuèrent à améliorer la technique afin de la rendre moins dangereuse pour le corps humain.

Le corps se détache alors peu à peu de sa dimension humaine. Il se « déshumanise » pourdevenir une « machine » à explorer et à comprendre, une machine avec sa mécanique que l’ondissèque, un corps machinique, un corps automate. Malgré ce contexte, ce sont ces travaux quiont marqué les premiers temps de la médecine moderne et le corps déjà curiosité médicale, devintau même moment une curiosité artistique.

1.2. Voir au-delà de la peau : la question des origines

À mi-chemin entre intérêts scientifiques et intérêts artistiques, les travaux de Léonard deVinci tendent, au-delà de la compréhension du fonctionnement du corps humain, à parfaire lareprésentation du corps. La dissection des cadavres par les peintres, comme Antonio del Pollaiuolo,a alors pour but de donner une représentation picturale des plus fidèles de l’anatomie humaine[6]. Mué par le désir scopique de voir, le projet de traité anatomique de Léonard de Vinci montre

1 Citation d’Ambroise Paré datant de 1529, lors de son entrée en tant que compagnon chirurgien à l’Hôtel Dieu.2 Formule de Saint-Paul (54 de notre ère) dans la Première épître aux Corinthiens, Nouveau Testament.

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une grande méticulosité dans la représentation du corps. Afin d’être au plus près d’une formecorporelle globale, les différentes planches anatomiques montrent un travail de représentation parcouches successives. Le corps est disséqué, morcelé et des feuillets consécutifs représentant lesos, les organes et les muscles, des morceaux de corps puis le corps tout entier, sont ainsi dessinéset donnent au regard, la possibilité d’accéder aux entrailles jusque-là, invisibles à l’œil. Le regardperce la limite qu’est la peau et le corps devient transparent.

« Cette représentation est aussi importante pour le bon dessinateur que la dérivation desmots latins pour les grammairiens, car celui qui ignore quels sont les muscles produisanttel ou tel mouvement dessinera mal les muscles des figures dans leurs mouvements et leursactions. »3

Marqué par le souci de comprendre le fonctionnement des muscles et des organes afin demieux se représenter le corps dans son ensemble, cet engouement manifeste pour le réalismeanatomique laisse aussi entendre un intérêt latent pour la question des origines, au même titre queconnaître « des mots latins pour les grammairiens ». En filigrane la question est de savoir d’oùnaît le mouvement afin de le représenter au mieux. Mais au-delà du mouvement, cette questionsoulève surtout celle de la genèse de l’existence.

2. Un regard porté sur l’existence

2.1. Entre corps et machine, une pulsion scopique machinique : l’échographie

Au-delà de la chair, donc, le mystère des origines fait jour et l’Étude anatomique du fœtus dansl’utérus (œuvre de 1510) de Léonard de Vinci, dessin représentant un fœtus de quatre mois dansle ventre maternel, en est l’illustration.

Ces travaux de Léonard de Vinci représentant ce qui, jusqu’alors, n’était pas représentable,semblent prendre leurs sources dans cette énigmatique question qui est « d’où viennent lesenfants ? », où se mêlent des désirs de voir et de connaître : voir cet enfant à naître au-delà de lapeau maternelle, apprendre à le connaître, se le représenter et lui donner une identité.

Des premières études sur la propagation des ondes dans le lac Léman, de Jean-Daniel Colladon,en 1828, en passant par les premières analyses de propagation des ultrasons dans l’eau et de leurréflexion (écho) de Paul Langevin, qui aboutiront à la création du SONAR en 1910, les recherchessur l’utilisation des ultrasons vont se multiplier. Cette technique va progressivement être utiliséeen médecine et mener en 1950, aux premiers examens ultrasonographiques du cœur et du sein.En 1972, avec la création de la European Federation of Societies for Ultrasound in Medicine andBiology, l’utilisation de l’ultrason à visée diagnostique, va connaître un véritable essor dans lemilieu médical et permettre en 1974, l’apparition de l’échographie obstétrique menant désormaisau plus près de la vie in-utéro.

Dans la continuité alors, de la question sur l’origine des enfants et du lien qui s’opère entrele désir de voir et le désir de connaître, l’échographie est une « machine à voir » sans ouvrir lapeau dans la réalité. Elle permet de regarder d’abord en deux puis en trois dimensions, le fœtus entemps réel, d’en conserver l’image, et le montrer. Elle opère au cours du xxe siècle, une mutationdu regard sur le corps. « L’imagerie a fait surgir une vie antérieure du corps, qui fait pencher

3 Note accompagnant le dessin des nerfs partant des vertèbres cervicales ; 1505–1508. In: Zöllner F. Léonard de Vinci,tout l’œuvre peint et graphique, ([6], p. 400).

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l’embryon vers l’individu » ([7], p. 64). Aller au-delà de la limite du ventre maternel et percerson secret laisse percevoir l’importance de la pulsion scopique devenue épistémophilique, aussiappelée pulsion de connaître. La pulsion scopique ou pulsion de regarder a, dès les origines deson travail, intéressé Freud. Avant même de donner au regard une place dans sa métapsychologie,Freud s’y est penché lorsque son intérêt pour l’hystérie a débuté. Au commencement le voirétait fonctionnel selon Freud : il se liait au désir de recherche, d’observer et était donc, danscette conception, un moteur de la science et un outil du chercheur. Il en vient ensuite, avec lacontribution de Charcot, à s’intéresser à des symptômes comme l’hémi-anesthésie classique avecdes troubles typiques du champ visuel et du sens de la couleur. Il met alors en avant, un voirdépassant largement la simple fonctionnalité. Il s’agit désormais d’un voir imaginaire, aveugle,un voir psychique, un désir de voir, un voir inconscient. Puis, pour la première fois, Freud introduitle concept de pulsion scopique, Schautrieb, dans Les Trois essais sur la théorie sexuelle [8]. Liantalors la dimension active du voir à la dimension passive de l’être vu, la pulsion scopique estdéfinie comme une pulsion partielle4 pouvant être pervertie quant à son but et rattachée à unorgane sensoriel qui est l’œil. Le voir devient « la voie par laquelle l’excitation libidinale estla plus fréquemment éveillée » ([8], p. 66) et l’œil, une zone érogène, source de ce « plaisir deregarder-et-de-s’exhiber » ([8], p. 85), acquérant un rôle organisateur, avec un objet, un but et unesource érogène.

Soutenu par la pulsion scopique, le désir de voir au-delà de la peau, de rendre transparent le corpsde la mère sans l’écorcher et de rendre visible un fœtus jusque-là invisible, œuvre particulièrementlors de la grossesse. Ces désirs de voir et de connaître, se lient, se délient et peuvent parfois setélescoper aux représentations parentales. Il ne s’agit plus de dissection du corps dans la réalité,mais d’une dissection scopique et fantasmatique, étayée par une « pulsion scopique machinique ».

L’échographie, « machine à voir », est une technique consistant en la réflexion de faisceauxd’ultrasons dirigés sur les tissus fœtaux et créant ainsi une image. L’utilisation de l’échographiependant la grossesse permet de vérifier l’état de développement du fœtus apportant des informa-tions sur sa morphologie au cours de sa croissance.

Cet acte devenu « banal », est cependant loin d’être anodin, comme il le sera montré avec Marie,notre patiente. Les enjeux psychiques sont grands pour les parents, que le médecin annonce desanomalies ou qu’il donne des informations sur le bon développement du fœtus. L’échographiemène fréquemment au fantasme de donner un accès plus direct au fœtus, mais aussi à l’intérieur desoi, à un sexe caché, comme le soulignera une patiente : « Ce qui est étrange dans cette expérience,c’est d’abord de voir un être en soi, mais au-delà c’est de se voir soi à l’intérieur. »

Ce que nous nommons « pulsion scopique machinique » en œuvre lors de l’expérience écho-graphique, semble se lier à la question du secret et donc, à ce qui est finalement dévoilé del’intimité de la relation unissant la femme enceinte à son futur enfant. Le regard alors porté de lamère, du père, du médecin entre autre, sur le fœtus, lève alors le secret et dévoile cette intimité.L’investissement parental de cet enfant à venir s’en trouve ainsi transformé et les fantasmes évo-luent. Le futur enfant existe autrement désormais. Il est visible, regardable et il est dorénavantpossible de partager son image, de la montrer.

La notion de secret travaillée par Winnicott [9], est définie « comme un lieu écarté (secretum),ce qui ne peut être révélé, un mystère. Parmi les non-dits, seuls certains sont reconnus par le sujetcomme participant d’un secret et gardés activement cachés » [10].

4 Il est important de souligner que c’est la première fois que Freud utilise le terme de « pulsions partielles » en oppositionaux « pulsions totales ».

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Pour une femme enceinte, maintenir le secret autour de son enfant peut alors avoir pour fonctiond’écarter les regards, de le protéger, pour le laisser grandir à l’abri et de le rendre ainsi intouchable.L’intime intouchable du lien unissant future mère et futur enfant, devient un secret précieux, « duregistre du sacré, c’est-à-dire l’intouchable, le secret, ce qui échappe à la pensée rationnelle, ceque l’on a du mal à se représenter et qui, peut-être, n’est pas représentable » [11].

Le secret serait alors une enveloppe protectrice. Mais derrière l’enfant, il semble qu’il y ait unautre secret à cacher : celui de sa conception, avec le sexuel, la scène primitive et les fantasmesinfantiles. Ainsi, « le corps est cause du secret dans sa double référence pulsionnelle : auto-conservative et sexuelle, amoureuse et haineuse. Si le secret du corps concerne ce qui du côtédu corps nous échappe : fonctionnement de notre propre corps, corps de l’autre, sexualité de cetautre, scène primitive dont nous sommes issus, il constitue alors pour une part une réponse auxthéories sexuelles infantiles dont il est le moteur, réponse dont la particularité est de rester cachée àl’autre » [12]. Au secret se joint l’intime que l’on tente de protéger vis-à-vis de l’extérieur mais cesecret peut aussi avoir une fonction de pare-excitant face à des angoisses archaïques et œdipiennes([11], p. 17). En définissant ainsi la notion de secret, on se rend compte également du plaisir quel’on peut ressentir à garder ou à partager un secret. Il permet peut-être également de développerchez la femme enceinte une capacité à se tourner vers son monde interne.

Cependant le secret peut également s’avérer être un frein à l’élaboration fantasmatique lors dela grossesse. Lorsqu’il devient un « non-dit », le secret favorise la création de « cryptes », commel’ont décrit Abraham et Torok, [13] enrayant tout travail de deuil, comme nous le verrons chezMarie. La levée du secret paraît donc ici nécessaire. Œuvrant à une mutation identificatoire, lalevée du secret permet l’inscription du futur enfant dans une filiation.

Le secret touche à l’intime comme nous le disions et notamment à celui de la scène primitive.Période de réactualisation des fantasmes infantiles, la grossesse fait rejouer les scénarii de l’enfantenfoui dans cet adulte qui va devenir à son tour parent. Posant entre autre la question des origines,la grossesse est un moment de remaniements psychiques, nécessitant un retour comme le souligneBydlowski, vers l’écho à la « voix personnelle de la mère » [14], à son narcissisme. Importantmoment d’élaboration, « il est important de chercher avec la femme à quel moment de sa vied’enfant, à quelle émotion de la petite fille d’autrefois, l’état de grossesse vient ainsi donnerla parole » [14]. Entrant ainsi en résonance, la grossesse favorise la résurgence de fantasmesinfantiles, menant au réveil de conflits autour de la séparation et à la nostalgie de cet enfant dupassé : « Lors de cette gestation biopsychique, les jeunes impétrants, construisant le nid, traversentune intense reviviscence de leurs conflits de séparation des plus archaïques aux plus élaborés »[15].

Dans les premiers temps, l’enfant à naître existe essentiellement pour la mère au travers de sonressenti corporel, car une grossesse semble d’abord perceptible dans les changements corporels etphysiologiques qu’elle engendre. Les premières représentations autour du futur enfant paraissentsouvent floues et d’abord liées aux transformations du corps : « Mes premières impressions audébut de ma grossesse ? J’avais des nausées et je voyais mon corps changer progressivement.Le bébé, je n’y pensais pas encore vraiment. Je me voyais surtout malade, comme si j’avaismangé quelque chose de mauvais ». En lien parfois, comme chez cette patiente, à des fantasmesd’incorporation, teintés d’ambivalence, les premières représentations peuvent être marquées pardes mouvements d’identifications narcissiques. Les fantasmes autour de cet enfant à venir viennenten effet faire écho aux fantasmes infantiles liés à l’enfant du passé qu’était le futur parent, commepour le revitaliser, le faire renaître.

En partie aliénantes, les identifications narcissiques à l’objet perdu, liées donc à un mouvementmélancolique, sont aussi le sédiment nécessaire à la constitution de l’objet qu’est l’enfant à naître,

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ancré dans une histoire, une filiation, nécessaire à la différenciation. Soutenu par le langage, avantmême l’apparition du voir, le secret se lève peu à peu, par la mise en mots de ces premièresidentifications. Missonnier, souligne à ce propos, à quel point le futur enfant ne peut se résumeren cette « incarnation du narcissisme parental », et montre « combien le travail du virtuel aboutitprogressivement, en fin de grossesse, à une authentique préfiguration de l’altérité objectale del’enfant à venir. À travers l’interrelation anténatale parents/fœtus, le continuum de ce travail, cette« œuvre » [1] de « préparation » objectale correspond à la partition parentale de la relation d’objetvirtuelle » [15].

Puis, lors de l’échographie, le regard porté sur le fœtus menant à la perception visuelle d’ « uncorps dans un corps », continue et étaye ce mouvement de différenciation. Dépassant ainsi lesprocessus d’incorporation, marquant toujours davantage l’inscription dans une histoire, le voiréchographique, comme nous le verrons par la suite, semble pouvoir aider à l’internalisation decet objet ainsi qu’aux identifications introjectives qui en sont devenues le support.

2.2. L’échographie : identité de l’enfant, identité du parent

L’échographie soutenue par les paroles du médecin est un regard porté sur un autre différencié.Le voir ainsi étayé par le langage vient à la fois soutenir le processus de tiercéisation de la relationet contenir l’organisation narcissique de l’enfant à venir. Elle est un temps de remaniement dela construction narcissique et identitaire de l’enfant au travers du langage et du regard porté surlui par ses parents. Elle est un temps, qui, de part la présence de l’autre, participe à la formationde la fonction de sujet. En cela, elle est un temps pendant lequel les identifications parentales,en tant qu’étayages aux premiers temps de la constitution narcissique de l’enfant, mûrissent.C’est précisément autour de cette question de la construction identificatoire chez le parent et chezl’enfant que va être introduite la fonction du stade du miroir de J. Lacan.

Ce jeu de regards sur l’image du fœtus lors de l’échographie marque la complexité des enjeux àce moment du premier contact visuel. Mais ce contact est unilatéral, il n’est pas encore partagé avecl’enfant. L’enfant est ainsi scruté sans que lui ne participe en retour. Il est cependant intéressantde souligner, que cette image agit tant dans la construction identitaire et narcissique de l’enfantque dans celle du parent à venir. Du côté de l’enfant, nous nous trouvons semble-t-il, en-decà dustade du miroir [16], à l’origine des trois étapes qui le constituent. Il s’agit d’un temps premier,central dans la constitution narcissique du futur enfant, un temps dépendant de la capacité du futurparent à investir sa parentalité. Du côté du parent, nous nous situons dans la prolongation, voirela réactualisation du stade du miroir, car en tant qu’identification comme le souligne J. Lacan, cestade, est à comprendre comme « la transformation produite chez le sujet, quand il assume uneimage » [16]. C’est dans ce sens donc, que nous introduisons ce concept du côté des futurs parents,au regard des transformations identificatoires résultant de cette rencontre visuelle ; transformationsparticipant aux futurs processus d’identification de l’enfant à venir. Ces premiers regards portéssur le fœtus en formation semblent donc aider à l’élaboration des identifications parentales ainsiqu’à celle de l’enfant à venir. Ces premières images de l’enfant ne vont donc pas interrompre lafantasmatisation parentale, mais lui donner une couleur nouvelle et la soutenir. Elles semblentétayer l’élaboration de cette expérience identificatoire fondamentale qu’est le stade du miroir,nécessaire à la construction de ces deux Je.

Du côté des parents, à l’image de l’assomption jubilatoire [16] du petit enfant qui voit sonimage pour la première fois dans le miroir, la première rencontre visuelle avec le fœtus sembleparfois se faire dans cette même excitation, ce même affairement moteur :

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« Quand je l’ai vu pour la première fois, je n’ai pas pu m’empêcher de m’agiter sur la table,j’étais excitée, je voulais toucher cet écran, comme pour caresser mon bébé » expliquera unepatiente qui dira par la suite qu’elle ne pouvait plus se contenter de l’image, elle voulait désormaistoucher le corps de son bébé. Une forte excitation, une jubilation telle que l’a travaillée J. Lacan,peut donc accompagner l’image échographique Cette jubilation serait donc à entendre comme lesprémisses d’une organisation du moi du sujet en tant que parent et de la première organisation dumoi de l’enfant.

Marquant ainsi visuellement l’existence de l’enfant à venir, l’image échographique deviendraitune surface de projection des identifications parentales, soutenant le processus de constructionidentitaire de part et d’autre de la relation. Désormais étayés visuellement, les investissements àla fois narcissiques et objectaux sur l’enfant semblent se consolider, aidant en retour l’élaborationde l’identité parentale et menant donc à « la maturation de la parentalité » [15,17]. Missonnierajoute que « l’image et plus largement le cadre échographique, en offrant un miroir matériel etpsychique du processus évolutif de la parentalité, joue un rôle de catalyseur » qui peut aller dansle sens de la dynamique du processus de parentalité ou au contraire le paralyser [18].

La capacité du futur parent à se souvenir, et se penser en tant que bébé de ses propres parents,participe de cette maturation. Devenir mère serait aussi pouvoir se représenter en tant que bébéde sa propre mère, porté par elle, ressenti par elle, vu par elle :

« À l’occasion de sa grossesse, la femme saine retrouve ce stade primitif expérimentépendant sa petite enfance, l’ancien nourrisson qu’elle a été, lié aux soins, et dont le souvenirdirect peut être considéré comme perdu du fait du refoulement primaire. La réminiscencede ce stade d’unité à deux va donner le ton de la relation que la femme va développer avecsa grossesse, puis avec son bébé » [19].

Héritage de la préoccupation maternelle primaire [20] de sa propre mère, l’identité maternelleserait issue entre autres, des vestiges laissés par le regard posé sur elle, en tant qu’enfant du passédevenu femme enceinte : le regard d’une mère suffisamment bonne, désormais internalisée. Il s’agitd’un regard comme le souligne Winnicott [21], nécessaire à l’éveil et au maintien narcissique del’enfant, qui selon Lacan, une fois l’aliénation à sa propre image dépassée, passe de Je à Sujet[16].

L’imagerie échographique semble donc participer du processus à se penser parents et aiderles futurs parents à s’adapter peu à peu à un bébé de plus en plus vivant à leurs yeux, du faitde l’irruption d’un réel dans la création fantasmatique parentale. En tant que préparation à larencontre avec l’enfant réel [22], l’échographie semble comme rendre « extérieur » le fœtus,permettant une première rencontre visuelle entre le fœtus à la mère qui, jusque-là, le ressentaitde l’intérieur, le ressentait dans son corps propre. Mais l’image échographique, cette pulsionscopique machinique ouvre aussi à une première rencontre scopique avec le père et permet lamise en marche des premiers processus identificatoires. À l’image de cet homme qui lors dela première échographie, reconnaîtra chez son futur bébé, les mêmes cheveux bouclés que lui, lenouveau regard porté sur l’enfant à venir, devient alors pour le père, un support visuel étayantses représentations et ses identifications, aidant à l’enrichissement de la création fantasmatique.L’échographie présentifie donc le fœtus qui continue, progressivement, à trouver une place ausein de la famille.

Ainsi à l’inverse d’une interruption volontaire de fantasmes [22], l’échographie peut enrichirla production fantasmatique et poser la question de l’existence de l’autre ainsi que celle de sapropre existence.

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3. Un regard porté sur l’absence, un regard porté sur la perte

3.1. Une image ayant fonction de structure encadrante ?

Avant l’apparition de l’échographie, le fœtus n’était connu de ses parents que par le vécusensoriel, corporel, créant par ce ressenti, une représentation fantasmatique. Aujourd’hui, lorsde l’échographie, l’image donne de nombreux renseignements sur le sexe, le développement,la santé et l’apparence du bébé. Le corps sexué du fœtus fait alors irruption dans l’imaginaireparental. L’image échographique se confronte à l’image fantasmatique et vient parfois la téles-coper, réaménageant, comme il l’a déjà été souligné, la dynamique fantasmatique. Le cours desévénements scopiques s’en trouve redirigé. Cet effet-image [2] est ainsi essentiel à la constructionfantasmatique de l’enfant à venir. Ce voir sur le fœtus va venir transformer le psychisme de lamère et « redéfinir les contours fantasmés-rêvés qui accompagnent la grossesse et construisent lelien » [2].

Comme nous venons de le dire, ces images fantasmatiques ont à la fois, dans cette constructionidentitaire du bébé et du parent, des enjeux narcissiques et objectaux, qui trouvent leurs originesdans les traces perceptives et mnésiques laissées lors de ces premières expériences de satisfactiondu futur parent. Voir l’enfant, le rend visiblement existant et renvoie aussi à l’éventualité de sonabsence. Comme le souligne Freud, le désir est issu d’un mouvement régrédient vers ces tracesperceptives et mnésiques [23]. Dans cette quête d’une identité perceptive, le regard posé surle fœtus mène, lorsqu’il n’est plus accessible, à la recherche d’une satisfaction hallucinatoire,possible origine d’un travail de création : « Une fois passée l’échographie, je l’ai vu différemment,j’ai pu le voir comme un enfant qui allait avoir sa vie, devenir adulte. . . j’imaginais sa vie sansmoi » dira une patiente.

Aidant à la maturation du désir, l’irruption de l’image remanierait donc le fantasme de complé-tude et de fusion, fréquent dans les premiers temps de la grossesse, car l’image souligne un peuplus la réalité de l’existence de l’enfant en tant qu’autre différencié, objet de désir. En effet, lasatisfaction issue des ressentis corporels, puis de la perception visuelle, a laissé des traces mné-siques à l’origine de ce désir. Le mouvement régrédient, à l’origine du désir, doit normalementêtre inhibé quant à son but et faire un détour vers l’objet maternel de la réalité afin de permettrede penser l’existence de l’objet malgré son absence. Ce détour permet ainsi de pouvoir concevoirque l’objet existe ailleurs, en dehors, dans la réalité. Si nous pensons la question du désir du côtéde la mère, l’image échographique permettrait ce détour vers l’objet-fœtus. Ce détour par l’imagesoutiendrait alors le désir maternel, qui résulterait de la capacité de la mère à se représenter, malgrél’absence, l’existence de son futur bébé. L’image échographique serait donc une image soutenantla capacité de désir, une image devenue du côté de la future mère, le cadre de l’hallucinationnégative [24] de l’enfant à venir. Il s’agirait d’une image ayant fonction de structure encadrante[24], favorisant le passage des identifications narcissiques aux identifications introjectives, aidantdonc à l’internalisation de l’objet. Comme l’a définie Green, la structure encadrante est le résultatde l’intériorisation du cadre maternel issue de cette trace laissée par la mère qui a porté l’enfantet qui est désormais absente. Elle est le cadre soutenant l’hallucination négative de la mère, entant que « fondement de la catégorie de l’absence ».

« La mère est prise dans le cadre vide de l’hallucination négative et devient structure enca-drante pour le sujet lui-même. Le sujet s’édifie là ou l’investiture de l’objet a été consacrée. »[24]

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Cette expérience visuelle aurait ici deux fonctions : celle de réactiver chez la future mère latrace internalisée du cadre de sa propre mère qui l’a portée et celle de poser les fondements d’unestructure encadrante chez le futur enfant : « Quand nous avons décidé d’avoir un enfant, j’ai senticomme une envie irrépressible de me voir moi en tant que bébé. Je voulais que ma mère me donnedes photos de moi à ma naissance, de moi avec elle. »

Cette machine à voir créerait un support, un cadre sans miroir étayant l’hallucination néga-tive, visant à l’élaboration de nouvelles représentations et à un travail de création. L’hallucinationnégative, issue de cette première expérience visuelle, édifie un « espace potentiel, blanc » [25]nécessaire à la création de représentations et à l’investissement d’objets nouveaux. L’image écho-graphique étayée par les mots du médecin, soutient le travail de symbolisation des parents. Elleest une surface de projection blanche où les affects se mobilisent, permettant ainsi la mise enplace de représentations là où il n’y avait jusqu’alors, principalement que des éprouvés.

Mais qu’en est-il lorsqu’il est impossible de faire de cette image le support du désir ? Que sepasse-t-il lorsque cette image, à défaut de devenir cette structure encadrante, sidère, freine voireinterrompt le processus de fantasmatisation ? Du côté de la destructivité, donc, la pulsion scopiquemachinique serait traumatique.

3.2. Pulsion scopique machinique et traumatisme : une image fétiche

En quête d’informations, en recherche d’éventuelles anomalies, l’échographiste explore. Maisau-delà de cette recherche effective, la pulsion scopique machinique est dirigée vers et dans leventre de la femme qui n’est donc plus protégé du regard. Son précieux secret est désormais percé.Cette « machine à voir », ce désir scopique transperce ce lieu jusque-là intouchable de « fabricationde vie » et va au-delà en scrutant à l’intérieur de ce « trou noir » énigmatique, effractant ainsi« l’antique terre natale » [26] du petit d’homme [2]. Ce voir médical viendrait donc « transgresserl’énigme du sexe de la femme en tant qu’origine du monde » [2], elle le dissèque. L’image peutainsi être Monstrance [27], possible signe avertisseur d’une menace, l’image mon(s)tre comme lesouligne C. Masson. En tant que dissection scopique, l’image échographique met à nu, forcant àvoir, elle peut être sidérante. Elle peut devenir un « traumatisme échographique » [19], à l’origined’une blessure narcissique du côté de la mère mise face à l’éventualité d’une anomalie fœtale.

« Par traumatismes échographiques, j’entends les blessures narcissiques que la mère peutsubir du fait de déclarations liées à des constatations échographiques plus ou moins patholo-giques, blessures narcissiques qui attaquent l’empathie naturelle à un stade où la jeune mèrene peut pas se réparer par les autres perceptions sensorielles (comme prendre l’enfant dansses bras, réagir à sa voix, à son odeur, etc.). On voit là les dangers potentiels du diagnosticanténatal. » [19]

Vouant alors toute fantasmatisation à l’échec, l’image traumatique a donc un effet sur l’appareilpsychique et notamment sur l’organisation fantasmatique. Le processus de fantasmatisation peutse trouver alors interrompu par l’effraction d’un voir machinique accompagné d’un discours« scientifique » très souvent énigmatique pour les parents. L’image percue comme vraie, l’imagepercue comme réelle, se transforme alors en image fétiche, expression du déni de la perte, commenous le verrons avec Marie et modifie le travail psychique en réorganisant alors l’imaginaireparental.

« Nous observons aujourd’hui une sorte de fétichisation de l’image qui la place avant lapensée, avant la réflexion, avant l’affectivité et avant la parole qui peut relier l’ensemble.

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Le discours de l’échographiste est à la fois celui de la connaissance, du savoir, et celui dela compréhension de l’affectivité. » [28]

À partir d’un intense vécu sensoriel, la mère fantasme son bébé et en construit une représenta-tion. La présentation du fœtus par imagerie, la réalité scopique imposée par la machine vient alorssuspendre un temps, ce rêve de et sur l’enfant à venir : l’image réelle se télescopant à l’imagefantasmatique. Si l’effraction n’est pas physique, elle peut être psychique : l’échographie se vivantalors comme une intrusion à l’intérieur de soi et favorisant de facon plus ou moins importantedes angoisses de perte, de mort, des fantasmes agressifs à l’encontre de l’enfant à venir : « monventre est comme du papier de soie ». Une patiente évoque à ce sujet sa peur d’appuyer tropfort sur son ventre et d’écraser son enfant, d’en faire « un œuf sur le plat ». Voir l’enfant ne faitpas seulement preuve de son existence, mais signe aussi la possibilité de sa disparition, commenous le disions précédemment. L’image présentée lors de l’échographie peut alors rendre, dansle fantasme maternel, cette enveloppe trop poreuse pour pouvoir protéger l’enfant. Du côté dela destructivité, certaines patientes peuvent alors parler de sentiment d’accouchement précoce,d’autres de béance, de dépossession ou encore de vidage, comme le dit cette même patiente :« Quand on regarde une échographie, ca ressemble à un entonnoir. . .comme si le bébé d’un couppouvait disparaître, être aspiré par le bas. »

Derrière ces fantasmes ambivalents, l’idée sous-jacente renvoie à celle d’une enveloppe insuf-fisamment contenante, transpercée, à l’image d’un Moi-peau troué [29].

Les avancées techniques de l’échographie portent donc en elles de nombreux questionnementsquant à la création et aux origines, mais elles animent aussi les premiers processus de séparation.Le fœtus prend forme visuellement, il devient « ce corps dans un corps », il a désormais une imageque l’on regarde et que l’on peut partager avec d’autres. L’image ainsi partagée, peut désormaisse parler et le langage, fonction étayante de cette représentation scopique, semble annoncer lespremiers temps de la triangulation.

L’intimité de la relation privilégiée entre la future mère et son futur enfant peut se trouver alorsinterrompue par la réalité scopique, comme le dira cette patiente : « Cela m’a fait bizarre à 5 moisde le voir ainsi, j’étais contente et émue et en même temps j’ai eu l’impression que c’était troptôt que je n’étais pas tout à fait prête . . . c’était comme s’il était déjà un peu là aux regards detous alors que j’aurais aimé le garder encore un peu au chaud un peu plus longtemps. »

Prémices donc d’une première séparation, la réalité scopique peut à certains moments, devenireffractante, vécue comme un premier déchirement traumatique. Comme une prise de conscience,l’échographie vient à ce moment, parasiter ce désir maternel de fusion lié très souvent à desfantasmes d’auto-engendrement, comme l’évoque une patiente : « À partir du jour où j’ai suque j’étais enceinte, je l’ai imaginée. . . forcément c’était une fille, forcément ses cheveux étaientblonds et ses yeux bleus. Je ne pouvais pas penser cet enfant autrement. . . cet enfant, c’était moi. »

3.3. Le déni de l’absence, le déni de la perte : échographie et destructivité

Pour achever ce travail, nous parlerons de Marie. Alors que, comme nous l’avons vu,l’échographie médiatise le travail de création, elle peut aussi s’avérer être dans certains cas,un frein au processus d’élaboration et participer à la destructivité. Muée par une pulsion scopiquemachinique, l’image peut aussi être sidérante, traumatique. Le cas de Marie s’inscrit dans la dou-loureuse expérience d’un accouchement d’un enfant mort-né et cette « machine à voir » a été, untemps, un obstacle à l’acceptation de la perte, à la possibilité du deuil. Elle avait comme figé dansun fantasme d’immortalité, comme « encrypté », l’enfant disparu [13].

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Lorsque Marie, patiente de 42 ans, vient pour la première fois, son concubin l’a quittée.Elle est dans une grande colère. Marie se présentait les premières fois, froide et extrêmementdistante, arc-boutée sur la haine que lui provoquait le départ de son concubin. Tous ses inves-tissements venaient accabler cet homme, clairement défini comme le mauvais objet. Impossiblepour elle de l’appeler autrement que « l’autre ». En boucle, cette haine envahissait tout l’espacethérapeutique, rendant difficile tout travail. Elle était sur le devant de la scène thérapeutique,là, implacable, tonitruante, comme pour dissimuler autre chose, autre chose d’indicible, unsecret.

Un jour, brutalement, une phrase fit irruption dans la séance et vient lever un secret : « Voussavez je n’ai pas un enfant, j’en ai deux. . .vous savez pendant longtemps j’ai senti le bébé dansmon ventre, je l’avais vu, il ne pouvait pas être mort ». Ce secret, une fois révélé, permit uneavancée dans le travail thérapeutique. Le secret ainsi levé permettait le partage et la mise en motsdes éprouvés de la patiente. Marie expliquera que les échographies étaient normales. Jusqu’aujour où, à huit mois de grossesse, les médecins ont découvert que le fœtus était mort et qu’il fallaitfaire accoucher la patiente. « C’était inimaginable, je l’avais vu en vie. Après l’accouchement,je continuais à porter mes vêtements de grossesse, tout le monde pensait que j’étais folle, jel’étais d’ailleurs, je continuais à penser que j’étais enceinte ». Aux prises avec un déni de laperte de son enfant, l’échographie semble avoir à ce moment là, empêché Marie d’élaborer cettemort. Elle l’avait vu vivant ce bébé et l’avait fantasmé puis, plus rien, le « trou noir » comme elledira. L’image de ce fœtus en vie faisait effraction dans le processus de deuil, le sidérant : « je nepouvais faire autrement que de m’accrocher à cette image, comme pour me dire : ce n’est pasvrai, c’est un cauchemar, je vais me réveiller ». Comblant la lacune laissée par cette disparition,dans un déni de la perte, l’image était la preuve sidérante d’un enfant non mort car non né, vivant àl’intérieur d’elle-même, dans un fantasme d’incorporation, un enfant « encrypté » dans son ventredevenu tombeau. Issue de cette mort impensable, la lacune laissée par cet enfant faisait alorsretour dans l’espace thérapeutique, sous forme de fantôme. Œuvrant à la déliaison, dans un refusidentificatoire, ce fantôme rendait difficile toute acceptation de la perte, tout travail de deuil :

« Le fantôme qui revient hanter est le témoignage de l’existence d’un mort enterré dansl’autre. [. . .] Il n’a pas d’énergie propre [. . .] il poursuit en silence son œuvre de déliai-son. Ajoutons qu’il est supporté par des mots occultés, autant de gnomes invisibles quis’appliquent à rompre, depuis l’inconscient, la cohérence des enchaînements. » [13]

Dans sa forme la plus implacable, l’hallucination négative venait ici amorcer le clivage, qui,en tant que « mécanisme anti-traumatique » [25], avait pour but la survie psychique. Dans unrejet radical, toute forme de vie autour de la patiente était forclose : son fils aîné, son concubin,son travail. Marie se trouvait face à l’impossibilité de mener ce double deuil : deuil de cet enfantmort-né, mais deuil aussi de sa vie de couple. La haine à l’encontre de son conjoint, en tantqu’investissement au négatif, était le signe avertisseur d’une pathologie du deuil [13]. Au-delà dela haine du conjoint, venait émerger celle du couple, devenu à son tour « tombeau » de l’enfantdisparu.

« Je ne pouvais plus supporter que le père de mes enfants existe, il était de trop, je le haïssais. . . »Marie semblait alors prisonnière d’une folie maternelle [3] mortifère avec son bébé mort-né,

une véritable passion au sens premier du terme, une insoutenable souffrance.Très rapidement dans le fil associatif, à la haine à l’encontre du concubin, mauvais objet, vint

s’ajouter celle ressentie pour ses propres parents : « Mes parents, c’est bien simple, j’en ai l’imaged’un couple monstre ». Son discours faisait l’effet d’une déferlante anéantissant toute forme devie sur son passage. Toute triangulation devenait source de profondes angoisses.

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Un « trou noir ». . . ce terme revint plusieurs fois au fil des séances, le trou noir de cette mortprématurée mais le trou noir aussi de son enfance « je n’ai pas de souvenirs. . . je ne me souviensmême pas avoir déjà vu mes parents ensemble, si ca se trouve ce ne sont même pas mes parents ».Dans un mouvement d’identification narcissique, à la cécité face à la perte de son enfant vint selier la cécité autour de sa propre histoire et de ses origines. Marie se trouvait niée dans sa propreexistence, sans plus aucune structure encadrante, prise dans un « désengagement subjectal » [25].Cette absence d’identité, cette absence d’appartenance à une histoire transgénérationnelle, venaitici geler toute possibilité à la fois de fantasmatisation autour de la scène primitive dont l’enfantest issu et toute possibilité d’élaboration œdipienne.

La scène primitive était devenue un « trou noir » dans la chaîne de représentation. Imagemanquante, elle marquait l’effroi [30] face à l’« avant » de sa propre existence.

La scène primitive ne pouvait être pour Marie, objet de fantasme. Elle était devenue une scèneinvisible, traumatique dans sa fonction à représenter un début et une fin. Dans la brutalité de sesreprésentations [31], la scène originaire avait donc pour la patiente une dimension traumatique.Au-delà des fantasmes originaires que l’enfant met en place pour donner un sens à cette scèneprimitive, cette dernière dans son lien à la mort, venait ici, pour cette femme, blesser un narcissismeprimaire tout-puissant. Le rejet des origines de sa propre existence, venait alors comme faire échoà un fantasme d’immortalité. Le travail thérapeutique s’attacha à comprendre l’impact de l’imageéchographique, devenue fétiche, dans un déni de la perte et dans la réactivation d’un fantasmed’immortalité. Au rejet des parents unis dans cette scène originaire, venait se lier le rejet du pèrede l’enfant perdu. Dans un fantasme d’auto-engendrement, la patiente avait rejeté le père, cet autremauvais, comme pour nier l’acte d’amour à l’origine de la grossesse. La grossesse était ainsi figéedans un temps qui ne s’écoulait plus et comme un « arrêt sur image », hors du temps, cette imageéchographique fétichisée à laquelle elle s’était tant attachée, venait alors sceller l’existence d’unbébé non mort car non né.

Le travail avec cette patiente fut un long accouchement, aboutissant finalement à la mise autravail de ce double deuil. Le tournant dans la thérapie a pu s’opérer grâce à la mise en sens durejet qu’exprimait Marie, à l’encontre de ses parents unis dans sa conception. Parlant peu à peu desa souffrance ancienne, mais extrêmement actuelle dans le transfert, liée à la séparation brutaleet précoce de ses parents, Marie commenca à pouvoir les distinguer. Jusque-là parents combi-nés, « couple monstre », il lui devenait possible d’en concevoir des représentations différenciées.Parents séparés, ils pouvaient désormais se retrouver ensemble dans le fantasme d’une scène pri-mitive contenante et organisatrice. Cette scène primitive n’était plus un maillon manquant de sonexistence faisant écho à « ce trou noir » laissé par la perte.

« C’est marrant, j’ai l’impression que pour la première fois, j’accepte d’être la fille de mesparents. »

En tant que « fille de ses parents », pouvant désormais s’inscrire dans une filiation, Marie putse heurter à ses désirs œdipiens marqués de son ambivalence. Le travail de deuil avait semble-t-ildébuté et il devenait perceptible dans son discours quand « l’autre » parti, est devenu « le pèrede ses enfants » qu’elle avait désiré. Cette rupture d’abord niée, a peu à peu été investie d’aborddouloureusement puis avec nostalgie. Le départ de cet homme a mené Marie à se représenter sonabsence, à le faire exister. Accédant à l’ambivalence, cet autre mauvais était devenu « un pèreavec quelques qualités », rendant désormais possible la triangulation. Lors de la thérapie, pourmener à cette ambivalence, beaucoup de mots ont été posés sur cette image fétiche, entendue àla fois en tant que « preuve » de la réalité de l’existence de cet enfant non mort à laquelle il étaitdifficile de renoncer, et aussi en tant qu’image de haine, objet de souffrance et de persécution.Comme l’échographiste, traduisant l’image, la rendant accessible au regard des parents, le travail

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thérapeutique a été alors de donner du sens à cette image traumatique. Le sens fut de mener letravail du côté d’une hallucination négative non plus « trou noir » et destructrice, mais comme lepoint d’ancrage d’un possible travail de création, un « espace blanc » afin d’activer le désir. Mariepouvait désormais supporter l’idée qu’elle avait aimé le père de ses enfants, qu’elle l’avait désiréet que cet enfant perdu était issu de cet amour. Elle put reparler de cette première fois où elle avaitvu son bébé en bonne santé, vivant. Elle avait désormais internalisé cette image, elle l’avait, par lamise en mots et en sens, métabolisée et se l’était appropriée, dans un mouvement d’identificationintrojective. Devenue une voie d’accès à la parentalité, cette image n’était plus une image fétiche.Elle faisait sens en permettant une transformation dans les processus identificatoires. Cette image,moins effrayante, moins sidérante et moins traumatique, était devenue l’image de leur enfant désiréet disparu dont Marie prononca pour la première fois le nom : Sarah, petite fille désormais inscritedans une histoire, désormais inscrite dans une filiation et dont Marie acceptait enfin d’être la mère.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références

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