Download - Livre Grangent - A. Bonard
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Pour une qualité des eaux retrouvée dans le barrage deGrangent et sur le fleuve Loire
Ouvrir la discussion et le débat
« Tu n’as pas à prévoir l’avenir, mais juste à le permettre »
Saint-Exupéry
FRAPNA Loire © 2010 tous droits réservés
Photos : Alain Bonard et Wikimedia Commons, sauf indiqué
Cartographies, illustrations, maquette et mise en page :
Roland Niccoli / Zoomacom | www.zoomacom.org
Imprimé sur papier 100% recyclé avec encres végétales
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SommaireRésumé
1/ Un constat préoccupant
2/ Deux choix possibles
3/ Attendre et laisser faire ?
4/ Agir et prendre le problème à bras le corps !
5/ Mettre à sec pour renaturaliser la Loire amont
Note personnelle
Sources
Remerciements
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58
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Avertissement
La rédaction très technique du document laisse apparaitre les origines de son auteur qui
a œuvré dans l’ingénierie des eaux pendant de nombreuses années.
Par certains côtés cette rédaction peut laisser à penser que les solutions évoquées sont
univoques.
D’un problème aussi complexe que celui de Grangent, ne peut en fait découler de solu-
tions qu’après une longue réflexion et l’étude de différentes possibilités, ici plus qu’ail-
leurs le champ est grand ouvert à l’intelligence collective.
Certes, depuis de nombreuses années, sur l’initiative des pouvoirs publics et de EDF, les
phénomènes d’eutrophisation de Grangent ont été étudiés par d’éminents scientifiques
qui ont tous déterminés l’origine du mal, mais qui n’ont pas été en mesure de proposer
de solution pour éradiquer le mal.
Aussi à la lecture du document il faut bien retenir l’intention de son auteur qui n’a
pour objectif que de réveiller les consciences, et qui ne prétend pas détenir la solution,
mais tout simplement dire : « oui, il est possible de résoudre le problème de Grangent,
ouvrons la discussion »
Saint-Etienne
Roanne
Montbrison
Feurs
Barrage de Villerest
Andrézieux
St-Just St-Rambert
Montrond-les-Bains
Loire
Barrage de Grangent
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Depuis 50 ans la retenue de Grangent accumule sédiments et polluants.
Tel qu’on l’imaginait à sa mise en service en 1958, le rêve d’un lac aux eaux pures source
de toutes activités ludiques ou reposantes (documents à voir à la cinémathèque de St
Etienne) est brisé depuis longtemps.
Bien sûr, on y fait du nautisme et il existe une baignade autorisée à St Victor, mais ce ne
sont que bien peu de choses et de forts aléas pèsent sur ces activités.
Le nautisme est souvent entravé par les flottants hétéroclites et la baignade est quelque
fois interdite, pour cause d’algues.
En fait, la qualité de l’eau est en cause, même si la norme maximum autorisée n’est pas
atteinte, ainsi le PCB dans la chair des poissons est de 6 picogrammes, la norme est à 8,
ainsi la baignade est en catégorie B, ainsi le taux de mercure est légèrement dépassé
et le taux de pesticides aussi, mais on se rassure comme on peut en comparant : au
Rhône, par exemple, où les PCB sont à plus de 2000, et dans les lagons bleus du Paci-
fique des baignades sont classées C ou D.
En fait, rien n’est vraiment mauvais mais rien n’est franchement bon, tout est médiocre,
et quand l’Europe va revoir les normes des eaux de baignade, adieu celle de Saint-Victor
(c’est pour dans peu de temps).
Bref, il y a un vrai problème de stockage de la pollution dans Grangent et ce stock date
de plusieurs décennies, c’est le cas pour ses 300 à 400 000 m3 de boues toxiques, et des
boues limoneuses évaluées à 5 millions de m3 riches en phosphore.
Résultat : chaque année apparaissent des algues qui couvrent la surface de l’eau d’un
tapis vert, lui donnant un aspect guère attrayant et éloignant du fleuve nombre de nos
concitoyens..
Par ailleurs, comme un spectre de malédiction, la vidange catastrophique de 1967 a
plongé les responsables dans la torpeur, depuis, personne n’ose parler de vidange de
Résumé
la retenue.
D’ailleurs nous parlerons de mise à sec pour éviter tout rapprochement avec
les visites décennales de sécurité du barrage, là n’est pas notre propos.
La pensée commune devient : « Laissons le temps faire son œuvre et tout s’arrangera »,
et on se justifie à l’aune de scientifiques bien pensants, qui disent que « peut être que
ça finira par s’arranger ! Il n’y à qu’à laisser les sédiments recouvrir les boues ».
Le délai est plus qu’improbable et en tous cas il se mesure en décennies voire en siècles
et ce raisonnement témoigne malheureusement, d’une méconnaissance des lois hydro-
dynamiques. Peut-on laisser cette chose immonde à nos enfants ? Si non, que peut-on
faire?
C’est la question que pose Alain Bonard dans le document détaillé ci-après, avec
la FRAPNA, le WWF et toutes les associations réunies au sein du Collectif Loire Amont
Vivante (CLAV).
Des solutions peuvent être proposées, et même si elles sont onéreuses, elles ne sont pas
irréalistes loin s’en faut.
En premier, il faut considérer qu’un simple barrage tel que Grangent serait inconcevable
aujourd’hui, le SDAGE et la règlementation Européenne s’y opposeraient.
La bonne solution serait de le démolir et d’en rester là, mais c’est une hypothèse qui
n’est pas politiquement envisageable; à défaut on pourrait le mettre aux normes,
c’est-à-dire faire un barrage transparent aux sédiments et à la migration du poisson,
mais ne rêvons pas !
Alors existe t il des solutions ?
Ne tremblons plus, arrêtons la peur du dragon : on peut vidanger le barrage de
Grangent sans inconvénient pour l’aval, et le document ci-après le démontre. En effet,
les techniques d’aujourd’hui le permettent.
On sait aujourd’hui faire des décanteurs lamellaires ultra-performants, et on sait
traiter les boues de manière réaliste. Un équipement tel que des décanteurs lamellaires
n’occuperait que 3 ha, il pourrait se situer en amont de St Just-sur-Loire, on pourrait
traiter les boues de manière réaliste et l’investissement serait raisonnable (probable-
ment autour de 5 millions d’euros). Il servirait ensuite dans bien des cas et pourrait
notamment, servir à amortir l’effet d’éclusée dû au turbinage hydroélectrique. Ainsi on
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serait en mesure de compenser l’effet du barrage à l’aval.
Nul doute que cette notion de compensation entre dans la modernité de notre façon
de penser ‘’environnement’’ ; mais nul doute non plus, que la compensation doive
s’exercer aussi bien en aval qu’en amont.
Ainsi nous pensons qu’il faut construire un piège à sédiments à l’amont. Bien sur il n’est
pas question de faire un nouveau barrage, mais un ouvrage intelligent, n’apparaissant
pas dans le paysage, car immergé la plupart du temps et proche d’une ligne de chemin
de fer, pour le transfert éventuel des sédiments piégés. Un lieu propice pourrait s’identi-
fier entre Semène et St Paul en Cornillon.
Les sédiments sont indispensables pour le rechargement morphologique du fleuve. Une
partie des sables récupérés pourrait faire l’objet d’une utilisation économique pour le
bâtiment qui souffre d’un manque de matériaux de cette qualité, pour assurer un équi-
libre économique global à l’opération.
Pour ce qui concerne la retenue elle-même, le plus grave est bien sur la question des
boues toxiques ( 3 à 400 000 m3 ) il faudra les extraire et y appliquer un traitement
approprié. Le sujet demande une étude circonstanciée, mais il n’est pas dit que ce soit
si compliqué. On peut même explorer des pistes d’emploi : sous-couches routières,
ou fabrication de parpaings, sous réserve d’une innocuité avérée des matériaux et d’un
contrôle très strict.
Reste le traitement des boues ‘’normales’’, elles sont les plus volumineuses ( 4 millions
de m3 ) et leur extraction suivie d’un traitement aurait de quoi effrayer, mais il est
possible de les enfouir, de les recouvrir ‘’in situ’’, ou de trouver une autre forme de
valorisation (agriculture? compost?). Ce sera un gros travail de terrassement dont les
entreprises de travaux publics peuvent se charger sans encombre, et à l’heure où l’on
parle d’une impérieuse nécessité de relancer l’économie ne faut-il pas y réfléchir ?
Ces traitements opérés, on peut espérer sans chimère que les eaux puissent redevenir
belles et agréables. La conscience prise ces dernières années fait que l’alimentation du
barrage n’est plus la même que d’antan :
- les rejets toxiques (de l’Ondaine notamment) n’existent plus,
- l’agriculture en pleine mutation actuellement va vers des pratiques plus durables,
voire biologiques,
- les stations d’épuration des collectivités sont désormais efficaces,
- Il existe des contrats de rivière sur l’Ondaine et la Semène,
et surtout, la prise de conscience pour la préservation de notre milieu naturel est entrée
dans les mœurs.
Les enjeux sont de taille :
- préserver le dernier fleuve sauvage d’Europe, ici, dans la Loire,
- pour ceux que l’économie préoccupe, développer le tourisme et un savoir faire d’entre-
prises.
Pour toutes ces raisons, les financements d’une telle opération doivent être nationaux
et Européens, ils s’inscrivent pleinement dans les objectifs du Grenelle de l’environne-
ment, du plan Loire et des actions à soutenir par les agences de l’eau.
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1 / Un constat préoccupant
Le barrage EDF de Grangent, construit entre 1954 et 1958 sur la Loire, en amont de St
Just-St Rambert est un ouvrage de 55 mètres de hauteur, qui stocke 57 millions de m3
d’eau et produit annuellement de 80 à 120 GWh d’électricité. C’est un des deux grands
barrages construit sur le fleuve dans le département de la Loire avec Villerest. Souvent
désigné par la presse et le grand public comme un « barrage poubelle ». Il pose des
problèmes écologiques particulièrement aigus depuis plusieurs décennies.
Ces problèmes se manifestent par :
1. Un effet de coupure morphologique du fleuve, qui a entraîné la disparition
des poissons migrateurs sur l’amont : le dernier saumon a été pêché en 1957 à Lavoûte-
sur-Loire
2. Une médiocre qualité de l’eau de baignade : les analyses font ressortir un
taux de coliformes en moyenne voisin de 2000 unités pour 100 ml alors que le taux
recommandé est de 500 .
3. Une concentration de polluants dans les êtres vivants : Les poissons,
présentent dans leur chair des doses de polluants, qui même s’ils sont en-deçà de la
norme autorisée actuelle, n’en sont pas pour le moins interrogatifs :
Développement de l’étude
Saumon atlantique (Salmo Salar)
présence de mercure (0.64mg/l) et de PCB (4.6 pico-grammes/kg/mat. grasse).
La pêche professionnelle, un moment pressentie sur la retenue, n’a pas été autorisée. La
situation n’est pas meilleure à Villerest. Elle est plus qu’inquiétante pour le Rhône.
4. Un problème d’eutrophisation : chaque été la surface de l’eau apparaît verte,
car l’eau est colonisée par des cyanobactéries dues aux excès de phosphates.
5. Une accumulation de boues dans le fond de la retenue : les volumes de
boues accumulées dans le barrage font l’objet d’évaluations très aléatoires, mais l’on
s’accorde à dire qu’il y a entre 4 et 5 millions de m3 de sédiments. Ces sédiments venant
de la Loire sont bloqués par le mur du barrage, qui n’est pas équipé d’un dispositif de
chasse.
Mais dans ces « sédiments » il y en a un certain volume, entre 300 et 400 000 m3 qui
sont chargés en produits toxiques dangereux, héritage du passé industriel de la
vallée de l’Ondaine.Malgré le fait qu’il n’y ait pratiquement plus d’activité industrielle depuis plus de 20
ans en amont du barrage, les eaux du barrage sont toujours d’aussi piètre qualité. Elles
ne vont pas en s’améliorant, malgré les grands progrès faits en matière d’épuration des
eaux résiduaires urbaines : station du Pertuiset, contrat de rivière Ondaine, stations
d’épuration sur la Haute-Loire.
Au moment où se met en place le processus pour organiser la vidange décennale de
l’ouvrage, qui aurait dû avoir lieu en 2009 et que l’on nous annonce pour 2012 (celle
de 1999 s’étant limitée à un examen par robot du mur de l’ouvrage), la question
aujourd‘hui posée est simple :
Faut il laisser cet état très dégradé en héritage à nos enfants ?
La réponse est bien évidemment : Non !, pour toute personne responsable,
tout au moins.
C’est aussi l’avis des associations réunies au sein du Collectif Loire Amont Vivante,
parmi lesquelles la FRAPNA, le WWF, la Fédération de Pêche de la Loire, le CDAFAL, etc.
Elles savent que la principale inquiétude n’est certainement pas la solidité du mur du
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barrage (pour ce faire elles font confiance à EDF et à la DREAL), mais qu’elle se rapporte à
l’état actuel du plan d’eau et de ce qu’il peut cacher.
2 / Deux choix possibles
La première solution : garantir la sécurité, examiner la solidité de l’ou-
vrage, ne rien faire et attendre.
La deuxième : assumer les conséquences négatives de l’ouvrage de
Grangent, et donc faire une remise en état en vue d’une reconquête
écologique de la retenue et de la Loire amont.
Cette opération doit être réalisée dans des conditions économiques et sociétales accep-
tables. Une solution possible, pour ce faire, est certainement une mise à sec.
Il convient de bien préciser que cette mise à sec pour dépollution est à dissocier de
Barrage de Grangent
la visite de sécurité réglementaire décennale obligatoire, des grands barrages celle de
Grangent est prévue pour 2012. Cette opération de sécurité était autrefois réalisée par
vidange, la dernière de ce type date de 1967 (ce fût une catastrophe)
Afin d’éviter toute confusion nous parlerons donc ‘’d’assec’’ et non pas de vidange.
3 / Attendre et laisser faire ?
Cette solution, qui se borne à faire en sorte que la sécurité de l’ouvrage soit garantie,
objectif totalement prioritaire au vu des dizaines de milliers de personnes qui vivent à
l’aval de l’ouvrage, est le choix qui a été fait depuis la vidange calamiteuse de 1968.
Nous ne doutons pas de la compétence des services d’EDF et de l’Etat pour garantir une
visite sécuritaire, même avec l’ouvrage en eau. Notre préoccupation est autre, c’est celle
de l’état écologique de la retenue et du fleuve Loire.
Elle s’appuie sur un certain nombre de travaux scientifiques qui disent : tout lac a
une vie, il est d’abord oligotrophe, ensuite mésotrophe puis il devient eutrophe et puis
se régénère, ou se comble et devient marais. Autrement dit en langage courant, l’eau
pure d’un lac de montagne se « contamine » naturellement par les sédiments et les
matières organiques. Evidemment selon l’environnement ces phénomènes sont plus ou
moins longs, certains lacs restent intacts, d’autres se comblent et disparaissent. Mais à
l’état naturel le processus se déroule à l’échelle de plusieurs siècles l’activité anthro-
pique développe ce phénomène à l’échelle d’une décennie.
On a souvenir du ‘’sang des bourguignons’’ du lac de Nantua au temps des guerres de
religions provoqué par une algue : l’Oscillatora Rubescens qui avait rougi complètement
la surface.
On peut également parler du lac d’Annecy, avec un recul aujourd’hui de plus de
30 ans. Au prix d’un effort financier colossal, Le lac en voie de contamination, a été
ceinturé par des collecteurs d’assainissement de façon à ce qu’il ne reçoive plus de
matière organique. L’opération a été une franche réussite : la baignade est de grande
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qualité, les sports nautiques sont attrayants. Il existe même aujourd’hui une école
de plongée subaquatique, c’est dire le niveau de transparence de l’eau. Paradoxale-
ment, on se plaint aujourd’hui d’un déséquilibre de la faune piscicole, les salmonidés
sont présents mais le poisson fourrage manque, à tel point qu’on envisage de laisser
quelques « fuites ».
Le problème de Grangent est tout autre, ce n’est pas un lac alpin et il n’est plus question
de la seule pollution qui entre, il est question de celle qui y est stockée. Les partisans du
« ne rien faire » ont comme approche de laisser les sédiments nouveaux qui arrivent
combler progressivement la retenue, recouvrir les sédiments pollués. Les polluants ne
pouvant plus ‘’théoriquement’’ remonter dans l’eau, L’eau de la retenue redeviendra
claire, il suffit juste que l’eau qui alimente l’ouvrage actuellement soit de bonne qualité.
Combien de temps faudra t il ?
Personne ne peut le savoir, mais les partisans du status quo (jusqu’à présent dominants)
avancent la durée de 50 ans. On peut pousser à l’extrême ce raisonnement simpliste :
avec la vitesse actuelle de comblement, le barrage accumulant 5 millions de m3 de sédi-
ments en 50 ans, vu qu’il contient 50 millions de m3, il sera plein dans 450 ans.
On pourra alors y faire un superbe terrain de golf…
Une répartition inégale des sédiments, pour certains très pollués
En fait la réalité est différente, les hydrauliciens étudient les lois de Stokes, ou « chute
des particules grenues », qui en fait, traduisent un bon sens accessible à tout le monde.
Lorsque un gros caillou charrié par un fluide en mouvement arrive dans une eau calme
il tombe de suite au fond, mais plus le caillou sera petit, plus il ira loin avant de se
déposer. Il faut donc beaucoup plus de temps à une particule de 1/10e de millimètre pour
se déposer qu’à un galet de 5 cm de diamètre.
Il faut des crues très importantes, comme la crue trentennale du 2 novembre 2008, pour
observer au Pertuiset un flot torrentiel susceptible d’entraîner de graves dégâts.
Mais il faut encore y réfléchir à deux fois, à savoir que si lors d’une crue des sédiments
venant de l’amont sont charriés par le flot, il n’est pas dit que les sédiments granuleux
« scellés » sur le fond depuis de nombreuses années soient remis en suspension.
Autrement dit, la plupart du temps, les cailloux et sables arrivant dans Grangent
vont se déposer entre Aurec et Saint-Paul en Cornillon, guère plus loin, et à l’em-
bouchure des affluents comme la Semène et l’Ondaine.
Par contre, les boues fines, les particules inférieures au dixième de millimètre qu’on
appelle les matières en suspension vont se déposer beaucoup plus loin, voire jusqu’au
mur du barrage. Ainsi, après une crue, on peut voir une eau de couleur ocre limo-
neuse, faite de particules fines, jusqu’au mur du barrage ; mais il y a bien longtemps
que les galets, les sédiments grossiers, les plus intéressants pour la reconstitution
du matelas alluvial, se sont déposés. Il faut aussi savoir que les polluants utilisent les
matières en suspension comme support.
Ainsi les polluants dissous dans l’eau, ont toutes les chances de se trouver agglomérés
par les matières en suspension et rejoindre le fond par effet de floculation.
En bref, il y a tout lieu de penser que les polluants gênants se trouvent dans des limons
fins plutôt à l’aval et qu’ils ne seront pas recouverts par les sables et graviers venant de
l’amont. Ce qui corrobore cette hypothèse, c’est que les fameuses algues apparaissent
d’abord et plutôt vers le mur de Grangent et la base nautique de St Victor, alors
qu’en amont du Pertuiset on n’en voit pas ou très rarement.
Le phosphore en excès régulièrement remis en suspension
Les limons fins peuvent être remis en suspension très facilement, soit par phénomène
de courants préférentiels provoqués par des crues ou par des vents qui créent des
mouvements hélicoïdaux de parois, soit, surtout par l’inversion des températures de
l’hypolimnion*, entre été et hiver.
C’est à ce phénomène qu’on attribue la montée et la descente du phosphore respon-
sable du développement des cyanobactéries. Ce phosphore est en stock dans les boues
limoneuses au fond de la retenue en hiver et quand les eaux se réchauffent il monte,
devient disponible pour la création de chlorophylle dont la synthèse est assurée par
l’énergie solaire. S’il fait beau on aura une explosion de cyanobactéries (bloom algal).
Ces divers types de bactéries ont la particularité de pouvoir fixer l’azote de l’air, si néces-
saire pour produire leurs protéines et sa chlorophylle, le seul facteur limitant à sa
* couche thermique la plus profonde d’un lac ou d’une mer fermée, toujours froide et à température peu variable ; elle est située selon la saison en dessous de 15 à 30 m de profondeur
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croissance est donc le phosphore.
A l’automne, une partie des bactéries vont dépérir en larguant de leur cytoplasme une
toxine (la microcystine) pouvant être mortelle par ingestion (ce qui s’est déjà produit
pour des canidés en d’autres lieux). Ce qui reste de ces bactéries, comprenant le phos-
phore qu’elles ont piégé, va redescendre. Elles entrent alors en léthargie, prêtes à se
réactiver le moment favorable venu, et grâce à leur faculté exceptionnelle de provi-
sionner du phosphore, elles pourront se développer très vite.
Au cours de l’hiver elles peuvent avoir été recouvertes par de nouveaux limons apportés
par le fleuve ; mais ces limons ne sont pas des sédiments compacts, ce ne sont qu’une
boue hydrophile très fluide, pour ainsi dire nuageuse, d’une densité pratique-
ment égale à celle de l’eau.
Les études faites sur ce sujet à l’INRA (Institut Scientifique de Recherche Agronomique )
de Thonon-les-Bains par jean François Humbert, ou à l’Université de Clermont-Ferrand
par Delphine Latour, démontrent que même enfouies sous la boue, ces bactéries
contenant le phosphore remontent en surface. Selon Jean Claude Leclerc, de l’Uni-
versité de Saint-Etienne, le phénomène peut se produire même avec des enfouissements
de l’ordre de 1 mètre à la faveur de fortes crues et des apports des ruisseaux latéraux.
Des apports qui se limitent enfin, mais une accumulation de
phosphore qui se poursuit
Avec un certain retard sur nos voisins, Suisses par exemple, notre pays vient de
prendre les mesures nécessaires pour limiter le rejet de phosphore dans les eaux, Ainsi
depuis le 1er juillet 2007 les lessives sont exemptes de phosphore. Mais l’industrie
en utilise toujours pour certaines activités, l’agriculture - celle qui n’a pas pris le tour-
nant de la durabilité - en épand toujours sur les sols. Le phosphore est toujours présent
dans les produits pour lave-vaisselles et dans certains produits pour collectivités.
Par ailleurs, le métabolisme humain fait que chacun d’entre nous en rejette.
Le phosphore n’est d’ailleurs pas à proprement parler un polluant mais est plutôt un
nutriment, et chaque être vivant en a besoin pour vivre, ainsi l’être humain doit ingérer
entre 0.5 et 1 gramme chaque jour et en rejette tout autant.
On évaluait globalement, en équivalent par habitant, le rejet à 4 grammes par jour;
aujourd’hui, compte tenu des efforts faits, on l’évalue à 3g, ce qui est encore trop (dans
ce cas, l’équivalent habitant inclue les activités économiques).
Même si l’on peut penser que l’arrivée de phosphore baisse quantitativement, le stock
aujourd’hui ne diminue pas. L’estimation de ce qui arrive dans la retenue est
aujourd’hui de 420 kg par jour. On peut penser tout au contraire qu’il aurait tendance
à s’enrichir, à la quantité près de ce qui est rejeté dans les eaux qui s’échappent du
barrage. Et, dans ce cas il ne s’agit que d’une part des phosphates solubles qui n’ont
pu être piégés avec les matières en suspension.
Il avait été demandé à l’agence de l’eau Loire-Bretagne que le point nodal en amont
du Furan, donc à proximité immédiate de l’aval du barrage, soit maintenu. Cela n’a
malheureusement pas été le cas, c’est regrettable car on aurait ainsi pu évaluer
avec précision, outre la part de pollution du Furan, les flux exacts rejetés à l’aval
du barrage. On peut estimer que ces flux ne sont pas considérables, et en tous cas infé-
rieurs à ceux provenant de l’amont du barrage : le phosphore continue donc de s’ac-
cumuler, piégé par les sédiments fins. Comme vous l’aurez compris : le phosphore
et les algues jouent au « yoyo » dans la retenue, et ce n’est pas demain que cela va
s’arrêter. Alors, à l’instant du Grenelle de l’environnement, est-il correct de laisser ce
problème à la génération qui arrive ?
Eutrophisation (photo René Fessy)
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4/ Agir et prendre le problème à bras le corps !
Face à un tel héritage, le Grenelle de l’environnement, qui reconnait l’importance des
questions écologiques, le rôle des ONG et l’obligation de générer des débats dans notre
pays, ne nous pousserait-il pas à agir ?
Tout d’abord, la résolution d’un tel problème dépasse le seul territoire stéphanois, le
seul bassin de la Loire, et le territoire Français.
Bien sûr on peut relativiser la gravité de la situation de Grangent eu égard à l’ensemble des
barrages de l’union Européenne. Partout en Europe, les problèmes posés par les grands
barrages sont comparables (fragmentation, blocage du transfert sédimentaire, dispari-
tion des poissons migrateurs, détérioration de la qualité de l’eau) mais aujourd’hui ces
problèmes ne peuvent plus être masqués par ce qu’apportent ces ouvrages aux sociétés
industrielles : énergie et réserves d’eau pour l’essentiel.
Ainsi, l’Europe a émis une directive en 2000 demandant l’atteinte d’une bonne qualité
des eaux à l’échéance de 2015, sachant que pour des masses d’eau profondément modi-
fiées, on pourra se contenter de l’atteinte d’un bon potentiel sans trop savoir du reste ce
que signifie exactement ce vocable.
Le nouveau SDAGE ( schéma directeur de gestion et d’aménagement des eaux) de l’agence
de l’eau Loire Bretagne a été voté le 15 octobre 2009, il couvre la période 2009-2015. Par
ailleurs, à l’initiative du Conseil Général de la Loire, un SAGE (schéma d’aménagement de
gestion des eaux), déclinaison du SDAGE, a vu le jour sur le département en 2007.
Il existe également un Plan Loire Grandeur Nature qui a reconsidéré en profondeur
la question de l’aménagement du fleuve, autour du concept de gestion durable de la
Loire. Ce plan a permis quelques innovations majeures, conquises de haute lutte envers
les pouvoirs établis. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, trois usines construites
à Brives-Charensac, en Haute-Loire, ont été relocalisées pour permettre l’élargissement
de l’espace de liberté et d’inondabilité de la Loire dans sa traversée de la ville, la crue
du 2 novembre 2008 en a démontré le bien fondé. De même, deux barrages EDF, Saint-
Etienne-du-Vigan et Maisons-Rouges ont été effacés pour laisser un peu plus de
chances au saumon et aux poissons migrateurs. Ies barrages de Vézins et de la Roche-
qui-boit sur la Selune, rivière de Normandie, ont aussi été démantelés
Notre pays démontre donc qu’à bon escient il peut savoir prendre des décisions pour une
bonne gestion des fleuves du XXIe siècle.
Toutes les structures et règlementations ne restent cependant que des outils, et rien ne
peut remplacer l’émotion et le ressenti de l’être humain. En effet, lorsque l’on regarde
la beauté et la richesse écologique inégalée de la Loire sur sa partie haute, depuis Ville-
rest, la plaine du Forez, Grangent et en remontant jusqu’au Gerbier de Joncs, on ne peut
pas imaginer que notre pays ne restaure pas globalement la continuité écologique d’un
territoire d’une qualité paysagère, écologique, culturelle unique. La Loire, dernier fleuve
sauvage de l’Europe dont une partie, entre Tours et Angers, est déjà classée au patrimoine
de l’humanité.
D’aucuns n’aiment pas le terme « sauvage » et font observer à juste titre, que la Loire a été
au cours des siècles passés, un axe fluvial largement anthropisé, exploité pour le transport
de marchandises diverses et notamment du charbon. Peut être faut il dire fleuve naturel,
mais sauvage permet de mieux visualiser le coté non maitrisé de ses crues et de ses étiages.
L’état des fleuves avec un débit supérieur à 350 m3/s en Europe
source : WWF Suède | 1990
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Un collectif au service du fleuve et de l’homme
En terme de méthode et d’intelligence collective, les ONG qui se retrouvent pour
la plupart au sein du Collectif Loire Amont Vivante (CLAV), proposent aux pouvoirs
publics l’indispensable médiation de la société civile.
Le Collectif avait déjà, en 1999, proposé aux pouvoirs publics de maintenir un groupe
de travail autour de Grangent, qui avait pris la forme d’une CLIC (Commission Locale
d’Information et de Concertation) pour anticiper les difficultés à venir. Cette structure
de concertation a été dissoute en 2001 par l’autorité préfectorale de la Loire. Sa réactiva-
tion est prévue pour 2011.
Travailler dans l’esprit du Plan Loire Grandeur Nature : que
faire pour les eaux de Grangent ?
De très nombreuses études ont été faites sur le sujet depuis 30 ans. Il n’est plus temps de
se réfugier derrière une prétendue méconnaissance pour étudier, étudier encore, étudier
toujours et bénéficier ainsi d’effets dilatoires, ce qui souvent est le cas.
Les problèmes posés par le barrage de Grangent font peur, c’est évident. Le spectre de
la vidange de 1967 plane dans tous les esprits, avec le colmatage de tous les captages
pour l’eau potable depuis Saint-Just-Saint Rambert, et même des effets négatifs
jusqu’à Gien et la destruction de l’équilibre écologique du fleuve sur 200 kilomètres .
Depuis 1968, EDF et les autorités sont anesthésiées, voire tétanisées par le risque, mais
cette attitude est-elle de mise à l’heure du Grenelle de l’environnement à l’heure ou la
population est de mieux en mieux informée et de plus en plus sensible, à juste titre, à
son environnement.
Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de vidanger Grangent pour s’assurer de la solidité du
mur, puisque aujourd’hui on sait faire avec des robots et des caméras et que le barrage
est surveillé en permanence par les techniciens d’EDF dont la compétence est reconnue.
Le problème ne se limite pas à celui de la sécurité de l’ouvrage.
Il est vrai que si l’on vidange on va trouver toutes sortes de choses gênantes : des
voitures des caravanes, des camions, des réfrigérateurs, des transformateurs, des vélos,
des télévisions, des pneus, des batteries, des machines à laver…. des dizaines de milliers
de macro déchets qui n’ont très certainement pas leur place dans une retenue, et il n’est
même pas improbable de trouver un cadavre !
Il est vrai que, durant l’opération, EDF va perdre la production d’électricité. Mais il faut
rappeler que notre pays est surcapacitaire en production d’électricité, exportant dans
les autres pays d’Europe, les réacteurs nucléaires sont bien de temps à autres arrêtés
pour plusieurs mois, voire une année pour les remises en état, et les rechargements de
combustible indispensables. A cet égard, que représente Grangent ?
Il est vrai que Grangent est précieux pour fabriquer de l’électricité en pointe, celle-
ci étant la plus recherchée au vu des conditions actuelles de production et d’usage de
l’électricité dans notre pays. Mais Grangent, qui produit suivant les années entre 80 et
au maximum 120 gigaWatts (de quoi alimenter une ville de 50.000 habitants environ),
ne représente que 2 millièmes de la production hydroélectrique et seulement 2 dix
millièmes de la production totale française (540 TWh en 2006) .
Si on arrête Grangent, nous ne vivrons pas dans le noir pour autant
Au contraire, cet arrêt, peut-être l’occasion de lancer, à l’échelle du territoire stéphanois,
et comme le permet la loi sur l’énergie POPE de juillet 2005, une étude sur la produc-
tion, l’utilisation de l’énergie électrique en cherchant de nouveaux gisements en la
matière (solaire, biomasse, éolien, géothermie) et en insistant sur l’indispensable
politique de sobriété et d’efficacité énergétique.
La centrale électrique géothermique de Nesjavellir, à Þingvellir, en Islande
25
Il est vrai qu’il y aura en conséquence un manque à gagner pour EDF, à évaluer préci-
sément (80 GWh x 11 centimes d’euros = 8 millions d’euros par an ?). C’est beaucoup
dans l’absolu, mais cela représente peu sur l’ensemble du territoire et EDF n’est pas la
seule partie économique en cause l’Etat, garant de l’intérêt général, étant de plus le
propriétaire de l’ouvrage, et des compensations doivent être recherchées. Plus délicat
pourrait être le manque à gagner en taxe professionnelle des communes riveraines soit
pour l’ensemble entre 400 000 et 500 000 euros pour une année. Est-ce si considé-
rable ? Rappelons, pour fixer des ordres de grandeur que le budget du Conseil Général
de la Loire est de 676 millions d’euros, celui de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne de
300 millions d’euros, dont 25 millions consacrés à la restauration des milieux
aquatiques. Il est vrai qu’un problème d’importance sera posé, celui de l’alimentation
en eau potable des communes qui s’approvisionnent à partir des eaux de Loire comme
Andrézieux-Bouthéon, St-Just-St-Rambert, Montbrison Feurs etc.
Il est donc évident que toute action sur la retenue de Grangent demande une sérieuse
préparation.
Une conséquence bénéfique pour l’approvisionnement en eau
potable?
En ce qui concerne l’alimentation en eau potable des communes de la Plaine du Forez,
ce serait peut-être le moment de résoudre la déficience du sud du département de la
Loire en ce domaine. En effet, est-il concevable que certaines prises d’eau se fassent
carrément à découvert dans le lit du Fleuve ? Est-il également sûr, de s’approvisionner
sur le canal du Forez qui coule à ciel ouvert ?
Cette eau, déjà de piètre qualité en temps normal (pesticides > 1 microgramme/litre),
Canal du Forez à Montbrison
coule à ciel ouvert. Elle est très vulnérable à toute contamination ou pollution acci-
dentelle, en particulier d’origine agricole. Les traitements de cette eau sont coûteux,
mais en plus les algues donnent à l’eau potable un mauvais goût que l’on ne sait pas
traiter correctement. On augmente les doses de chlore et, dans ce cas, l’eau n’a pas de
qualité gustative suffisante pour le consommateur, qui se rabat sur l’eau en bouteille.
Cette pratique qui pèse sur le pouvoir d’achat, augmente considérablement l’empreinte
écologique liée à l’eau (fabrication du plastique, transports, retraitement des déchets
avec une part de recyclage encore très insuffisante) et c’est une atteinte au bon sens:
l’arrivée de l’eau potable au robinet de chaque Français a été un progrès considérable.
Si l’on veut persister dans le système actuel il faudra avoir recours pour la production
d’eau potable à des techniques sophistiquées, comme l’ultrafiltration, solution chère et
très consommatrice d’énergie. L’économie que l’on aura faite en ne voulant pas recourir
à des investissements à priori plus chers se répercutera sur des frais d’exploitation,
combien plus onéreux sur le long terme.
A Bouthéon, on dispose d’une arrivée d’eau potable d’excellente qualité issue du réseau
stéphanois. Elle est amenée par une conduite de 400 mm de diamètre, actuelle-
ment totalement sous-employée pour des raisons commerciales. le forfait étant de
400 000 m3 par an, elle est limitée à cette utilisation. Cette eau issue du réseau d’eau
potable de Saint-Etienne est d’une excellente qualité, son débit capable est de l’ordre
de 150 litres par seconde soit 13000 m3 jour, ce qui représente la possibilité de
desservir de 60 à 80 000 habitants. Par ailleurs il est toujours possible, si cette quan-
tité ne suffisait pas, d’installer une autre conduite à partir de St Etienne, pour un coût
estimatif de 300 000 euros le kilomètre, soit un total de 6 millions d’euros pour
l’alimentation de Montbrison, un investissement loin d’être inaccessible d’autant qu’on
alimenterait au passage d’autres communes Bonson, Sury etc. Enfin on résoudrait la
sécurité d’approvisionnement qui est une carence d’une partie du sud de ce départe-
ment. Il ne faudrait bien sûr pas supprimer ce qui existe actuellement, car la sécurité
(interconnexion) est d’avoir plusieurs sources d’approvisionnement, ce qui est prôné par
toutes les autorités sanitaires.
L’eau sera d’excellente qualité et de plus d’une qualité surveillée par des services
compétents. Si ce projet est mené à terme , on ne peut que s’en réjouïr.
27
*Il faut se référer à cet égard, à la vidange parfaitement réussie du barrage de Kernansquillec, sur le Léguer, dans les Côtes d’Armor, préalable à l’effacement du barrage, en 1996. Les 30 000 tonnes de boues, pour la plupart des sédiments fins, retenues derrière ce petit barrage de 16 mètres de hauteur ont été inertées, stabilisées sans aucun dommage pour la rivière et les activités à l’aval de l’ouvrage : pisciculture, captages.
Vidanger la retenue : et l’aval ? Que faire des boues ?
Peut on faire une vidange de barrage sans dégât et à un coût acceptable pour la collecti-
vité ? Il y a quelques années non, aujourd’hui, oui*.
En effet il y a quelques décennies, les services de l’équipement avaient étudié la possi-
bilité d’installer des décanteurs à l’aval du barrage en amont de St-Just-St-Rambert sur
Loire. Il s’agissait de la technique de l’époque, des décanteurs classiques dont la charge
superficielle était limitée à 1 ou 1,5 mètre/heure. Aujourd’hui la technique mise au point
s’appelle la décantation lamellaire qui autorise des vitesses de passage 10 à 20 fois supé-
rieures. Si on construisait de tels décanteurs à l’aval du barrage, ils pourraient encaisser
jusqu’à 80 m3 par seconde pour 3 unités dont les dimensions seraient de 50 mètres
par 100 mètres et l’ensemble de l’installation avec tous les accessoires mobiliserait une
surface de 3 hectares environ.
Trois unités permettraient de maîtriser l’efficacité pour des débits modulables entre 15
et 80 m3/s. L’évacuateur de fond du barrage n’a qu’un diamètre de 2 mètres, en consé-
quence sous la charge maximum des 50 m d’eau du barrage, son débit maximum ne
peut excéder ces 80 m3/s. Ces ouvrages seraient donc efficaces avec les boues minérali-
sées, ce qui est le cas à Grangent et même avec les boues à tendance colloïdales comme
pourraient l’être certains dépôts qui se situent contre le mur du barrage.
Contrairement à des idées reçues, ce n’est pas parce qu’on ouvrirait, progressivement, la
vanne de fond que les 4 millions de m3 de sédiments s’évacueraient.
C ette problématique a été prise en compte et une opération est en cours de réalisation, consistant en la pose d’un hydrant de
600 mm de diamètre depuis Saint-Etienne. La capacité d’une telle conduite est de 300 l/s ( voire jusqu’à 400 l/s maxi ), c’est donc un doublement de la capacité de desserte offerte, et même triplement si l’on garde l’ancienne conduite. Soit la desserte de 200 000 équivalents-habitants. Tout le sud Forez, et même Montbrison, pourra être alimenté.
Cela va à l’encontre des phénomènes hydrodynamiques qui montrent que, lorsqu’on
ouvre une telle vanne il se forme en amont de la vanne ( soit du mur du barrage )
un cône d’aspiration. C’est-à-dire qu’on évacue une faible quantité de sédiments en
formant un canyon qui va en s’amenuisant sur l’amont. On a pu le constater « de visu »
sur l’embouchure de l’Ondaine lors de la vidange partielle de 2001.
On ne va en conséquence pas récolter 4 millions de m3 dans les décanteurs, mais par
contre, on va recevoir l’eau sale et boueuse chargée en matières en suspension qui se
trouve derrière le mur. Les décanteurs vont permettre de séparer l’eau de la boue et
rejeter à la Loire une eau propre, claire qui ne risquera pas de colmater quoi que
ce soit.
Le problème qui reste posé est celui de la quantité et de la qualité de ces boues que
l’on va récupérer. Quel volume de boues va-t-on récupérer dans le fond des décan-
teurs lamellaires ? EDF a fait des relevés bathymétriques qui devraient permettre une
Les emplacements possibles pour implanter
des décanteurs sont soit en rive gauche sur des
terrains vierges, soit en rive droite à
l’emplacement de friches industrielles.
Saint-Victor-sur-Loire
barrage de Grangent
Saint-Just Saint-Rambert
Principe de fonctionnement d’un décanteur lamellaire
29
évaluation. L’estimation actuelle est une hauteur de boues de 8 mètres, si par précau-
tion on porte cette hauteur à 10 mètres, le volume, dans le fond du barrage serait de
l’ordre de 330 000 m3.
30 camions de boues par jour ?
A ce stade, il faut entrer dans le domaine des concentrations en matières sèches. La boue
est composée de matières solides dites sèches en solution dans l’eau, ces matières sont
intimement liées à l’eau. On dit qu’elles sont hydrophiles, leur aspect est une boue
d’une densité voisine de celle de l’eau, tout le travail d’un traiteur d’eau sera d’arriver à
séparer l’eau des matières sèches, ce n’est pas chose facile, on a recours à des adjuvants
comme de la chaux, du chlorure ferrique, ou des polymères pour casser la structure
hydrophile. Ensuite il faut avoir recours à des procédés mécaniques, filtres presses ou
centrifugeuses. Ainsi au cours du traitement, la boue se concentre en matières sèches ;
à l’arrivée la concentration est de quelques millièmes, après décantation de 1 à 2%
après traitement mécanique de 20 à 30% et même 45% ( la centrifugation, le procédé le
plus employé, procure entre 25 et 30% ), ce n’est qu’après incinération qu’on aura des
cendres sèches sans humidité, qui aux matières volatiles près, représentent la valeur de
la matière sèche.
La nouvelle station du Porchon traitera environ 60 000 m3 de boue par an, soit
11 000 tonnes de matière sèche ( c’est la production de St Etienne depuis une ving-
taine d’année ). Ces boues ont donc à l’entrée du traitement de boues une concentra-
tion de l’ordre de 20% (200 mg/litre aux ajouts de floculant près).
Dans les décanteurs installés sous Grangent, cette concentration serait inférieure à 1%
(1%= 10g/l). Admettons donc que les boues sortant de Grangent présentent les mêmes
caractéristiques, Grangent n’étant somme toute qu’un vaste décanteur. 300 000 m3 à 10
g/l de matière sèche, soit 10 kg par m3 représentent 3 000 tonnes de matières sèches
à rapprocher des 11 000 tonnes annuelles du Porchon, même si on prend une
grande marge de sécurité on est nettement inférieur à la moitié d’une année au
Porchon.
Cependant, la boue récoltée sur le fond d’un décanteur, fusse-t-il lamellaire, n’est
qu’à 1% ou 2% de matière sèche, il faudra donc installer un traitement sur place.
Celui-ci bien sûr, n’a pas besoin d’être sophistiqué, il n’est pas question de construire
un deuxième Porchon. Mais un traitement sur place peut consister à mettre seulement
en œuvre des centrifugeuses. avec adjonction de polymères ( le fabricant mondial de
polymères se trouve à Andrézieux-Bouthéon ) Il existe des unités mobiles installées sur
camion. Leur performance aujourd’hui s’approche de 30% de matières sèches (boues
minérales). Donc, avec 3 000 tonnes de boues sèches à évacuer, il faudra en fait évacuer
environ 10 000 m3, soit avec une marge de sécurité, une base de 15 000 m3 : environ
500 camions au total. Ce chiffre n’est pas considérable : 15 à 20 jours de vidange,
cela fait 30 camions par jour, ce qui ne surchargera par les routes du département et
ne devrait pas représenter une charge financière et carbone excessive.
Quel avenir pour les boues ?
Le devenir de ces boues dépendra de leur qualité. Si elles ne présentent pas d’élé-
ments toxiques au-delà des normes elles pourraient être utilisées en agriculture. Si elles
contiennent du phosphore et si on y ajoute de la chaux, ce pourrait être un fertili-
sant de qualité pour les sols qui ne sont pas déjà saturés en phosphore naturelle-
ment. Si elles présentent des toxiques, il reste l’incinération. Une unité d’incinération
innovante a été créée au Porchon, avec récupération de chaleur et production d’élec-
tricité, le problème de leur incinération peut être traité à l’échelle de la communauté
de St Etienne Métropole. Ce ne devrait pas être une surcharge insurmontable pour le
Porchon qui est conçu avec un certain confort d’exploitation.
31
Mais il y a de fortes chances pour que la toxicité ne se révèle pas, ou seulement sur une
partie. Avec ces décanteurs, non seulement on assure une protection de la Loire aval
au moment de la vidange, mais on peut aussi l’assurer de manière pérenne, et même
lorsqu’on abaisse seulement le plan d’eau, ou lorsque l’on a des crues limoneuses.
Que faire en cas de crue ?
Une objection faite à la vidange est celle d’une crue pendant l’opération. En effet si
pendant que le barrage est « à sec », il survient un orage ou une crue plus longue,
toutes les boues répandues sur la surface mise à nue risquent d’être entraînées avec un
désastre pour l’aval.
Rappelons que le débit maximum octroyé par la vanne de fond ne peut être supérieur
à 80m3/s. Les décanteurs lamellaires seront parfaitement opérationnels. Le barrage va se
remplir normalement, jouant le rôle d’écrêteur .
Grangent lors de la crue du 02 Novembre 2008
Admettons que l’on en soit au seuil critique des 10 mètre de hauteur d’eau restante : il
reste encore 50 millions de m3 de creux. Les résultats seraient les suivants :
Petite crue annuelle : 250 m3/s temps de remplissage : 3 jours
Crue moyenne : 600 m3/s temps de remplissage : 1 jour
Crue exceptionnelle : 1000 m3/s temps de remplissage : 15 heures.
A Bas en Basset, les statistiques évaluent la crue décennale au maxi instantané de
1200 m3/s et de 630 m3/s en moyenne sur 24 heures.
Cela laisse du temps pour réagir, d’autant que la Plan Loire a mis en place un réseau
d’alerte et d’annonce qui permet aujourd’hui d’anticiper de près de 24 heures sur un tel
événement.
P our répondre à certaines réprobations d’un public peu au fait des questions hydrauliques, il est à noter que pour une crue tout à fait
exceptionnelle du type de celle connue le 1er novembre 2008 dont le débit maximum a été de 3031 m3/s et dont le volume transité sur 22 heures à été de l’ordre de 150 millions de m3 le potentiel du barrage n’est que de 3 heures. En fait le calcul est un peu plus compliqué, car il faut tenir compte du débit de fuite et du débit de crue qui varie. Mais en tout état de cause, l’impact de Grangent est très limité.Sur cette fameuse crue, d’après les calculs le délai eût pu être de 10 heures au maximum, mais en laissant s’échapper pas loin de 2000m3/s ce qui aurait déjà été dommageable pour l’aval. Même Villerest qui a été conçu pour, et qui a fonctionné comme prévu a laissé filer 1800 m3/s.Ce qui prouve bien que la solution ‘’barrage’’ n’est pas la bonne pour résoudre le problème des crues, et qu’il est avant tout important de stopper l’urbanisation en zone inondable.
Grangent : barrage écrêteur ?
33
Le plan de sauvetage en cas de crue est à étudier avec soin
Remettre en suspension de 4 millions de m3 à 1% de matière sèche de boues, avec un
remplissage rapide de la retenue, aux sédiments en cours de déstabilisation,est un
danger réel, soit un poids de 40 000 tonnes de matière sèche, rapporté à 50 millions
de m3 du barrage, représentant une concentration moyenne de 800 mg/l de matière en
suspension, qui ne saurait donc être tolérable pour les êtres vivants tant à
l’intérieur qu’à l’aval de la retenue.
On reconnait que cet argument avancé par les partisans du « ne rien faire » est un argu-
ment valable qui interpelle. Ce scénario est cependant un scénario extrême.
En conséquence, l’éventualité de crues soulève le problème de la période la plus favo-
rable pour agir. En général la vidange des barrages se fait l’hiver, dans notre région les
crues récentes les plus dévastatrices ont eu lieu :
- le 21 septembre 1980 (3 300 m3/s à Bas en Basset)
- les 2 et 3 décembre 2003 pointe à 1700 m3/s et 2e pointe à 900 m3/s
- le 2 novembre 2008 pointe à 3031 m3/s.
La pire, celle de 1846, eu lieu en Octobre ainsi que celle de 1907. Celle de 1866 est arrivée
en Septembre, mais celle de 1856 en… Mai.
Ces inondations impressionnantes tendraient à dire que la fenêtre dont on dispose, est
de fin décembre à fin avril, soit seulement 4 mois pleins, ce qui est peu. Il faudra donc
une préparation minutieuse. Il paraît néanmoins évident que l’été (le fonctionnement
de la base nautique compliquant la question) et l’automne ne semblent pas les meil-
leurs moments. Commencer fin décembre et se donner 4 mois... un défi !
Vidanger : remobiliser les sédiments grossiers, sécuriser les boues toxiques
Rappelons qu’à l’aval de Grangent, la Loire présente un déficit de sédiments grossiers.
Son lit s’est enfoncé de 2 mètres en moyenne, provoquant un désastre écologique,
économique, humain grandissant avec l’incision du lit :
Qui se baigne encore dans le fleuve ? Qui profite de ses plages aujourd’hui disparues ?
La Loire n’a pas besoin des limons fins qui passent encore par les vannes. Les sédiments
qui lui manquent sont ceux que l’on appelle les sédiments mobilisables, les graviers,
sables et galets dont, on peut dire, que ceux de la grosseur d’une balle de golf sont
ceux qui font le plus défaut.
Le problème des eaux à la sortie du barrage étant traité, on n’a pas résolu le problème
des 4 millions de m3 de boues contaminées par les cyanobactéries, et des 350 000 m3
chargés de toxiques divers. Seule une mise à sec totale ou au moins poussée jusqu’à 10m
au pied du barrage permettra à minima de se rendre compte de visu de l’ampleur du
problème.
EDF a fait de nombreuses études, en a commandité d’autres, dont une étude remar-
quable de Mme Salançon en 1991. Mais….
Le métier que l’Etat a confié à EDF en 1946 ( décision du Conseil National de la Résis-
tance : nationalisation des 1800 producteurs qui existaient alors ) est de produire
de l’électricité. L’entreprise s’y est employée avec succès.
Si Grangent est pollué, ce n’est pas uniquement le fait de l’obstacle que représente
l’ouvrage et de la seule responsabilité d’EDF, mais bien celle de la collectivité au sens
large : Entreprises, Etat, Collectivités, Citoyens.
Des études bathymétriques et des prélèvements par carottage ont été réalisés. Beaucoup
Big Jump 2010 à Saint-Just Saint-Rambert
35
n’ont pas été communiquées aux divers acteurs, ce qui montre l’étendue du travail
à accomplir pour coopérer sur un sujet aussi difficile. Mais des progrès arrivent,
des études complémentaires dans le cadre du SAGE sont en cours, les représentants
des associations de protection de la nature y participent activement et le Collectif Loire
Amont Vivante a financé, grâce à un mécenat de la Caisse d’Epargne au WWF, une étude
confiée à l’ARALEP ( Application de la Recherche A l’Expertise des Pollutions ) et dispo-
nible au CLAV, sur l’impact du fonctionnement actuel de Grangent sur les êtres vivants
du fleuve.
Il nous parait cependant très difficile d’évaluer l’ampleur d’un désastre sans le constater
de manière sûre, donc de visu. Peut-être même que notre perception « occulte »
actuelle nous porte à imaginer un « scénario catastrophe » excessif.
La réalité est peut être bien moins dramatique : quoiqu’il en soit, il faut savoir que les
études actuelles faites en dessous du miroir ont certainement des déficiences.
Un seul carottage a-t-il ramené de l’acier ou de l’aluminium ? Et pourtant… des véhi-
cules et des caravanes gisent sur le fond.
L’image ci-dessus étant révélatrice, il serait peut-être temps de se poser la question de
savoir comment on peut résoudre le problème de tous les objets hétéroclites amenés à
chaque crue.
Déchets flottants après une crue à Grangent
Tous ces détritus et autres encombrants, se trouvent agglutinés contre le mur du barrage,
colmatant les grilles des conduits d’aspiration des turbines, induisant une perte d’ex-
ploitation pour EDF et des difficultés de nettoyage.
On a recours ensuite, à la barge de nettoyage, aux allers et venues incessantes et dont le
malheureux grappin est bien dérisoire devant l’ampleur du désastre. Pendant ce temps
interminable, mis à nettoyer, la navigation est interdite, ce qui suivant la saison, peut
annihiler toute velléité de rendre le site attractif au tourisme.
Récupérer les déchets en amont de la retenue
En fait, une grande proportion des détritus ne vient pas des rives du barrage, mais de
l’amont, il en est ainsi de nombre de troncs d’arbres et de caravanes, déracinées d’un
camping bien connu, de Bas-en Basset. Ne pourrait-on pas combiner un système d’arrêt
en amont, avec le système de récupération des sédiments ?
En fait, un ouvrage combiné situé par exemple entre Saint-Paul et Semène, n’est
peut-être pas judicieux, car en temps de crue le fleuve en cet endroit, a un courant très
rapide et tout ouvrage indurait dans ces circonstances, une queue de remous propre a
déclencher des inondations préjudiciables. Dans ce cas, de plus, les détritus arriveraient
avec une force telle qu’ils seraient à même de détruire tout ouvrage, fût-il même d’une
construction la plus robuste qui soit.
Il faut attendre que le flot se calme, pour pouvoir concevoir un ouvrage efficace, et pour
ce faire, suivant mes calculs, il faut que la profondeur du barrage soit d’environ
30 mètres. Ceci nous porte assez loin, entre le Pertuiset et St-Victor probablement.
L’endroit n’est pas absurde, l’ancienne voie de chemin de fer permettrait un accès
confortable pour l’évacuation, proche du centre d’enfouissement de Borde-Matin, et il
n’est pas interdit de penser qu’avec l’évolution des préoccupations environnementales,
on puisse rétablir la voie ferrée et évacuer les détritus par le rail.
37
Autre question : d’où provient le mercure détecté dans la chair des
poissons? Comment peut-on se débarrasser de ces cyanobactéries ?
Les scientifiques ont beaucoup appris sur la composition et le métabolisme des algues,
mais la phase opérationnelle est pour l’instant dans les limbes. Un accès à sec, même s’il
ne permettra pas tout, facilitera grandement la tâche.
Ces êtres primitifs qui existaient il y a plus de 100 millions d’années ont survécu aux
dinosaures et se sont toujours adaptés à leur environnement. Faudrait-il les recouvrir,
afin de les priver de lumière ?
Les boues, floues, infestées de Microcystis, sont plutôt à l’aval, les sédiments solides
plutôt à l’amont. Peut-être peut-on recouvrir les premieres par les seconds ? Chantier
impressionnant que la mise en œuvre de bulldozers sur 350 hectares, mais chantier
endroit pressenti
Saint-Victor-sur-Loire
barrage de Grangent
Chambles
simple et que l’on sait faire, à condition d’évaluer, ce qui est nouveau, les consom-
mations de pétrole et le coût carbone de l’opération… On peut aussi améliorer
le système en faisant au préalable une excavation, dans un lieu à déterminer, pour y
enfouir les boues polluées, et les recouvrir d’une membrane polyéthylène opaque,
après les avoir stabilisées à la chaux vive. Ces procédés ont été envisagés pour
d’autres barrages.
Ce processus n’est pas évident à réaliser, surtout pour s’affranchir de l’arrivée d’eau
permanente du fleuve, on a cependant une chance : l’ancienne prise d’eau du canal
du Forez située en amont de St-Victor, celle-ci en l’état actuel devrait permettre de
détourner 5 m3/s, ce qui est peu certes, mais probablement qu’avec quelques aménage-
ments on peu faire beaucoup plus. A cet égard, une maquette remarquable exécutée
par Monsieur Mazencieux de St Victor est très instructive.
Et puis, si on réalise le piège à sédiments au préalable vers St-Paul en Cornillon, on
pourra s’en servir pour amortir le débit d’une petite crue, et puis on n’est pas obligé de
réaliser l’enfouissement dans le lit même du fleuve, à cet égard l’ile de Grangent sépare
bien la vallée en 2 thalwegs.
Plus ardu est le problème des boues toxiques.
île de Grangent
39
Les boues réellement toxiques : quelles quantités ?
L’état actuel des connaissances les évalue entre 300 et 400 000 m3. Elles se seraient
déposées à l’embouchure de l’Ondaine. Les services du Conseil général avaient envi-
sagé un moment de les extraire par succion et de les utiliser en talus ou remblais sur
des zones industrielles en création dans la vallée de l’Ondaine. Les ONG n’ont pas eu
communication du dossier et il leur est donc difficile d’en apprécier la pertinence. Il y est
possible que ces sédiments ne soient pas d’une toxicité rédhibitoire pour pouvoir ainsi
être réemployés.
Cette impression est corroborée par ce que l’on a pu apercevoir lors de la
vidange partielle de 2001. L’Ondaine s’était tracée un canyon dans les accu-
mulations des sédiments en provenance du passé industriel, et l’on pouvait
constater des strates de différentes couleurs reflétant les activités industrielles
au cours des âges. Certaines strates étaient franchement noires, faisant penser
aux schlamms dues à l’extraction du charbon. D’autres, rougeâtres, de type
scories d’aciéries, contenant certainement des toxiques tels que le fer et le manga-
nèse.
On peut rapprocher cette impression de l’étude du peuplement piscicole, on ne trouve
pas trace dans la chair des poissons des métaux lourds très toxiques auxquels on aurait
pu s’attendre, compte tenu du passif métallurgique : ni chrome, ni cadmium ni nickel
(ce dernier est soluble et donc il est normal qu’il ait disparu)
Seule ombre au tableau, on trouve un peu de PCB ( Polychlorobiphényles, aussi appelé
pyralène ou biphényle ), à un dosage faible par rapport au Rhône ou à la Seine. Plus
inquiétant, on trouve du mercure, dont il ne semble pas qu’on ait pu en cerner l’ori-
gine, même si à la sortie du centre d’enfouissement de Bordes Matin à Roche-la-
Molière, on en détecte dans les analyses de contrôle.
L’extraction de ces sédiments toxiques pose le problème de leur destination : les enfouir
‘’in situ’’ comme les autres boues ? Les envoyer en décharge de classe 1 ? Laquelle ?
Ce sera très coûteux ( 15 000 camions pour 300 000 m3 ), car ces sédiments ne sont pas
des boues, la quantité extraite étant égale à celle qu’il faut évacuer. Il vaudrait
certainement mieux trouver un traitement approprié, en fixant les toxiques : on pour-
rait manufacturer des parpaings en béton en incorporant les sédiments avec des sables ?
Ce procédé a déjà été utilisé avec les mâchefers de mines ou d’aciéries, il donnait des
produits de très grande solidité et durée, mais il a été abandonné essentiellement à
cause du poids de ces parpaings qui renchérissaient le coût de la manutention, celle-ci
est aujourd’hui assistée par des moyens mécaniques.
On peut penser également aux techniques routières excessivement consommatrices de
granulats, et dont la difficulté est de constituer des sous-couches compactes faisant
bloc. Les mâchefers de mines ont justement cette propriété de constituer des conglo-
mérats compacts et on été utilisés abondamment sous les voiries de Saint-Etienne
comme couches anticontaminantes ou encore en couches de remblais. Les chaussées
ainsi constituées sont particulièrement stables. Le procédé a été abandonné parce que
les schistes employés étaient agressifs vis-à-vis des conduites d’eau potables enterrées
sous les chaussées. Mais les grandes routes n’abritent pas ce genre d’équipement et les
schistes employés à Saint-Etienne l’étaient à l’état brut. Il serait possible de les adoucir
avec un liant comme du ciment, de la chaux ou à définir. De toute manière, ce liant
est indispensable pour bloquer les polluants éventuels comme les métaux lourds.
Mettre à sec en protégeant le poisson et les divers êtres vivants
Autre objection à la vidange, que deviendra le poisson lors de l’à sec ? Sur les petites
étendues d’eau, on fait une pêche électrique et on redéploye ce poisson en d’autres
lieux. Ici il est bien évident que devant la masse piscicole présente, évaluée à 20 tonnes
environ, un tel procédé atteindrait vite ses limites. Il faudra l’utiliser dans la mesure du
possible, mais incontestablement on va vers une forte mortalité. Si on attend le dernier
moment le poisson va être piégé dans les boues et mourir d’anoxie ( privation d’oxy-
gène ). Il faudra donc installer, avec l’aide d’un pêcheur professionnel spécialisé, un
piège à poissons à l’amont du culot vaseux, de façon à en récupérer le plus possible.
Aujourd’hui, ces opérations sont courantes.
La faune de Grangent en effet ne comporte pas d’espèces en voie de disparition, ni
d’espèces emblématiques, saumons, anguilles, aloses et lamproies marines étant depuis
41
longtemps interdits de séjour. En 1954, on a ‘’oublié’’ d’installer la passe à poissons
pourtant obligatoire, la Loire étant classée comme rivière à migrateurs… Par contre, il
existe des espèces exogènes, comme des silures, dont la présence de plus en plus
reconnue comme problématique sur le grand fleuve, pourra être en partie éliminée.
La mise en œuvre de mesures compensatoires semble bien difficile à imaginer, mais
on peut penser, qu’une solution consiste dans le ‘’timing’’ d’exécution des diffé-
rents ouvrages préconisés. On peut, par exemple baisser le niveau du barrage jusqu’à
permettre la construction du prébarrage immergé à Saint-Paul-en-Cornillon.
Une fois celui-ci construit, on pourrait le mettre, et le laisser en eau, pendant que l’on
procède aux travaux de dépollution sur le reste de la retenue. Ainsi le poisson capturé
dans l’opération pourrait être reversé derrière le mur du prébarrage.
Il est à noter que l’étude du peuplement piscicole de mai 2007 met en évidence une
masse piscicole bien plus abondante en amont du Pertuiset qu’en aval, ce qui est
plutôt favorable dans la manœuvre.
En corollaire, la mise à sec pourrait être l’occasion, pour la communauté ligérienne, de
renforcer le projet de restauration des populations de poissons migrateurs sur la Loire
amont. On peut penser à ce qui se fait pour l’instant sur le bassin de la Garonne :
Les poissons sont remontés par camion en amont du dernier barrage à la montaison, et
Silure ( silurus glanis )
les juvéniles, capturés à la dévalaison, transférés également par camion à l’aval, dans
l’attente de solutions plus pérennes.
Un transfert exemplaire des sédiments vers l’aval, dans l’esprit du
Plan Loire Grandeur Nature, qui amorce l’élan de restauration de
la Loire amont
Le problème de Grangent est complexe. C’est pourquoi il s’agit d’un problème qui
dépasse le seul territoire ligérien, qui touche à un enjeu national de gestion des grands
ouvrages et de restauration des fleuves, un enjeu de dimension européenne, comme l’a
pointé dès 2000 la Directive Cadre sur l’Eau, qui oblige à aller vers le « bon état écolo-
gique » des masses d’eau.
Depuis plusieurs années, les collectivités, les acteurs de la société civile, parmi d’autres,
ont pris cette question à bras le corps. Sous leur impulsion, la lutte pour restaurer la
qualité de l’eau, avec par exemple la volonté de supprimer les apports en phosphates.
Cette lutte est bien engagée, il y en a déjà bien moins dans les eaux de surface. Il n’y a
plus d’industries qui rejettent sans traitement leurs effluents, les collectivités sont pour-
vues de stations d’épuration qui globalement fonctionnent bien. Il faut cependant aller
plus loin.
Il est nécessaire, il est possible, de vidanger sans causer de dommages irréversibles à
l’aval, nous l’avons vu. Il restera par contre le problème du transfert régulier des sédi-
ments grossiers qui, faut-il le rappeler, manquent cruellement à la Loire Forézienne.
Comment faire, sachant que, sous d’autres cieux, les autorités agissent pour stopper
43
l’incision du lit ? Sur le Rhin supérieur, les Allemands déversent depuis des années
environ 200 000 tonnes de matériaux issu de la roche massive pour pallier le
blocage sédimentaire lié à l’artificialisation du lit à l’amont. Il faut s’en inspirer pour
la Loire amont.
Il pourrait par exemple être possible de construire un ouvrage immergé, dans la partie
amont de la retenue. Ce mur, noyé quand le niveau de la retenue atteindrait la cote
420 l’été, devrait laisser migrer les poissons, ne pas nuire au nautisme. A l’annonce
d’une crue, en ouvrant les vannes de superficie de Grangent, on abaisserait le niveau, le
barrage immergé retenant les sédiments mobilisables venant de l’amont. Il serait ensuite
possible, par un dispositif approprié, d’extraire ces sédiments et de les remettre aux
endroits déficitaires dans la plaine du Forez (voir schéma page 42). Pour choisir un
endroit efficace, ne pas apporter de gène a la population, être proche d’un système de
transport, il faudrait privilégier un lieu en amont de St-Paul-en-Cornillon, dans la gorge
juste vers le débouché du tunnel du chemin de fer. Il existait à cet endroit un graviériste
et il subsiste des vestiges d’embranchement SNCF. Ce lieu, en aval de la Semène, est assez
proche de l’arrivée de la Loire, sur la queue de remous du barrage où l’on peut constater
des dépôts graveleux d’importance lorsque le niveau est abaissé.
Saint-Victor-sur-Loire
barrage de Grangent
Chambles
Saint-Paul-en-Cornillon
Le Pertuiset
Unieux
Endroit pressenti pour l’ouvrage, en amont de Saint-Paul-en-Cornillon
En cas de sécheresse
Vanne mobile
AmontAval
socle béton
sédiments
En temps normal
En cas de crue
AmontAval
AmontAval
Principe de fonctionnement de l’ouvrage imaginé
45
Il faudrait aménager la réglementation par arrêté préfectoral pour autoriser un gravié-
riste à extraire tout ou fraction des dépôts. Une étude précise dans le cadre du SAGE
Loire Amont n’a pas été acceptée par la CLE, l’estimation grossière est donc de 10 000 m3
par an (1 à 2 wagons par jour), ce qui n’est pas considérable, mais reste intéressant
pour une entreprise privée, dont l’intérêt commercial pourrait permettre de ménager les
fonds publics. Le département manque cruellement de granulats fins de rivières utilisés
en maçonnerie pour faire des enduits et des travaux fins, il est donc obligé d’importer
ces matériaux d’autres départements. (Les granulats recherchés sont d’une granulomé-
trie comprise entre 1 et 20 mm.) Une importante partie des sédiments d’une dimension
plus importante (au minimum 40 mm) serait à reverser à l’aval.
L’entreprise, avec une convention d’exploitation passée avec l’Etat, EDF et l’Eta-
blissement Public Loire, vendrait sable et granulats très recherchés et transporterait les
graviers qui nous intéressent jusqu’à la Loire Forézienne. L’étude de rentabilité reste à
faire, sachant que certains graviéristes ne seront probablement pas indifférents à cette
proposition.
Ce ‘’pré-barrage’’ devra être de conception parfaitement étudiée car, si dans les circons-
tances habituelles, c’est-à-dire des débits de crues annuelles, il ne posera pas de
problème, pour les crues exceptionnelles du type de celles du 2 novembre 2008, il risque
de constituer un obstacle pouvant provoquer une forte remontée de la ligne d’eau et
donc des inondations subséquentes sur Semène au lieu dit : les Ollagnières.
Le ‘’pré-barrage’’ devra donc être du type effaçable, comme ceux de Feurs ou de
la navigation à Roanne, mais avec une technique différente. On peut penser à celle
employée pour la protection de la lagune de Venise (projet MOSE [acronyme de MOdulo
Sperimentale Elettromeccanico, « module expérimental électromécanique »]).
Ceci est bien-sûr indispensable pour les crues, mais on pourra aussi réguler le plan
d’eau amont indépendamment du niveau du barrage de Grangent proprement dit. Cette
possibilité présentera un autre avantage. En effet, dans le cadre des études menées par
le SAGE un sujet d’inquiétude est celui de concilier les différentes utilisations qui sont
faites de Grangent : hydroélectricité, irrigation et production d’eau potable, avec la
préservation du milieu naturel dans la Loire. Il faut pour se faire 3 m3/s dans le canal
du Forez et 4 m3/s dans la Loire. Hors, en période de sècheresse sévère il n’arrive que
5 m3/s à Bas-en-Basset. L’étude ARALEP propose par ailleurs un débit réservé augmenté
à 12 m3/s entre Novembre et Juin, pour faciliter la reproduction des espèces dans la Loire
aval.
Ces évènements qui n’ont bien sûr pas lieu tous les ans, mais quand ils se produisent,
une solution consiste à baisser le niveau de la retenue. Un abaissement d’un mètre
permet d’assurer un soutien pendant un mois environ (le règlement du canal du Forez
prévoit d’ailleurs cette disposition). Cette pratique est d’un inconvénient mineur pour
la base nautique de Saint-Victor, et un aménagement pourrait être trouvé pour la
baignade. Mais au niveau de Semène, la Loire se retrouve dans ses conditions d’étiage
fort, qui risquent de perturber certaines activités touristiques.
Le ‘’pré-barrage’’ en période de sècheresse, maintenu en position relevée, permettra
donc de pallier cet inconvénient.
47
5 / Mettre à sec pour renaturaliser la Loire amont
Il y a vraiment très peu de chance pour que la situation aille en s’améliorant si l’on ne
fait rien.
Lorsque l’on discute avec certains riverains, on peut avoir l’impression d’une acceptation
sociale de l’état actuel, vécu comme une fatalité, exactement comme le Stéphanois qui
s’était habitué , sans contester l’état de fait, à voir un Furan charrier ses eaux ‘’grises’’.
Pour certains, laisser les choses en l’état « épargnera bien du souci », des efforts et de
l’argent. Le confort des édiles et de l’administration sera préservé, d’autant qu’il y a
bien d’autres sujets de préoccupations.
Une approche grandit, centrée autour de la question de Grangent et de la restauration
écologique du fleuve. L’existence du Collectif en témoigne.
Une vidange partielle?
Cette question a déjà été bien étudiée par les services du Conseil Général notamment en
ce qui concerne les sédiments toxiques déposés au bec de l’Ondaine, et cette solution a
des partisans dans le monde des écologistes.
En effet si elle s’avérait viable, l’hécatombe prévisible pour les poissons et le risque de
pollution en cas de crue seraient évités.
En ce qui concerne les boues toxiques, dont on dit qu’elles sont stockées à l’embouchure
de l’Ondaine, on pourrait en effet mettre en œuvre une barge équipée d’une aspiratrice
de fond qui pourrait aspirer ces boues et récupérer en surface les sédiments séparés de
l’eau très facilement par une simple décantation.
Ce dispositif est couramment employé en archéologie sous-marine, mais on observe que
ce procédé est employé dans des eaux claires et que l’embout de succion est piloté par
des plongeurs.
Vu la turbidité* de l’eau dans Grangent La turbidité désigne la teneur d’un liquide en
* La turbidité désigne la teneur d’un liquide en matières qui le troublent.
matières qui le troublent, il n’est pas évident de pouvoir agir ainsi, il faudrait donc
un pilotage automatique de l’appareillage de fond, par radar probablement, mais
comment peut on faire pour définir la programmation de l’automatisme, il faut avoir
une connaissance fiable de la bathymétrie. Sous réserve de vérification, d’acquisition
des compétences nécessaires, c’est une solution qui parait possible.
Les volumes à traiter seront identiques à la solution mise à sec, toutefois l’incertitude
sur le relevé bathymétrique devrait imposer une marge conduisant à quelques volumes
supplémentaires.
On peut envisager d’opter pour une solution mixte :
Vidanger partiellement, jusqu’à une cote permettant la découverte du bec de l’Ondaine,
ce qui a déjà été pratiqué, et l’on pourrait ainsi accéder à sec aux sédiments toxiques, ce
qui simplifierait grandement l’extraction.
Mais aura-t-on accès à la totalité du stock ? et en ce qui concerne la production élec-
trique, elle sera interrompue.
Résoudre le problème des boues toxiques, le barrage étant en eau, totalement ou
partiellement, est donc possible, mais on n’aura pas résolu le problème de l’eutrophisa-
tion, pour ce faire il faut agir sur les autres boues stockées en aval.
Boues de Grangent à Saint-Victor-sur-Loire
49
L’extraction des boues hydrophiles, le barrage étant en eau, est
elle envisageable ?
il faut rappeler qu’il s’agit de boues hydrophiles très difficiles à séparer de l’eau. Par
ailleurs les carottages pratiqués laissent augurer, qu’en l’état, ces boues occupent un
volume considérable, à la presqu’ile du Châtelet par exemple un carottage met de la
boue en évidence sur une hauteur de plus de 4 mètres.
Alors qu’il est probable que si on abaisse le plan d’eau, jusqu’à mettre à sec cet endroit,
l’espèce de galette faïencée et noirâtre que l’on obtiendra après dessèchement n’occu-
pera que quelques centimètres d’épaisseur.
Il semble donc que monter une usine sur une barge, capable de disposer des équipe-
ments nécessaires pour aspirer, décanter, floculer et enfin centrifuger pour dessécher à
25% de matières sèches, n’est pas réaliste en l’état des techniques disponibles.
L’ampleur de la tâche est telle, que l’usine pourrait probablement être en action
pendant plusieurs années avant que son effet ait pu être efficace.
Par ailleurs le traitement étant très long, et les nuages de boues étant susceptibles de
se déplacer en fonction du courant, du vent et des autres phénomènes aléatoires, il n’y
aura aucune garantie de savoir ce qui a été réellement fait.
Ce traitement exige donc une rapidité d’exécution dont la compatibilité avec un process
‘’en eau’’ reste à démontrer.
Et Villerest ?
Effectivement se préoccuper seulement de Grangent est certainement un peu réduc-
teur. La Loire dans la plaine du Forez est très affectée, notamment au niveau de son
hydromorphologie, mais Grangent n’en n’est pas le seul responsable, l’exploitation
des granulats dans le lit même du fleuve dans les années 1960 est fautive, avec des
centaines de milliers de tonnes de précieux matelas alluvionnaire exporté hors du lit
du fleuve, de même la pollution apportée par l’agglomération Stéphanoise n’a pas été
sans conséquence sur la qualité des milieux piscicoles. Le fleuve avait malgré tout une
certaine capacité d’autoépuration dans les gorges avant Roanne, qui s’est trouvée anni-
hilée par la construction du barrage de Villerest, mis en eau en 1984.
‘’Bis repetita placent’’, et pourtant le fleuve n’avait pas besoin d’un deuxième fléau,
mais barrage il y a et les mêmes causes produisant les mêmes effets, nouveau stock de
tous les polluants il y a donc on a un 2e Grangent à traiter dans le département.
Le problème est il le même ?
En partie, il est plus grave car il est à l’aval de St-Etienne, et à l’aval de la plaine du
Forez et son activité agricole, il contient donc des boues, des métaux lourds, des PCB et
reçoit des nitrates et des pesticides.
En été, il est aussi vert que Grangent, avec quelques différences, la souche Microcystis-
Aeruginosa n’étant pas tout à fait la même, disent les spécialistes, en 2007 il était tout
vert, alors que Grangent était peu affecté.
Barrage de Villerest
51
En partie, il laisse plus d’espoir car il est conçu avec des vannes de fond plus efficaces
pour l’évacuation des substances phosphorées, la nouvelle station de Saint-Etienne
est maintenant en fonctionnement, et il n’a pas de stock de boues toxiques.
D’autre part, il est géré par l’Etablissement Public Loire, et la contrainte environnemen-
tale est à même d’être mieux entendue.
En bref, Villerest est aussi un méga-problème dont la solution passera en partie par l’ex-
périence acquise sur Grangent, mais dont il faudra tenir compte des spécificités.
Une faisabilité tributaire d’une acceptation sociale à tous niveaux
L’existence du Collectif Loire Amont Vivante, l’action de la FRAPNA et du WWF en
témoignent, la conscience de la nécessité de réparer des milieux aquatiques malmenés
grandit. Le désir de sortir la tête du sable, de ne plus laisser l’inertie gouverner l’avenir
de la Loire amont est devenu un fait social.
Certes, agir demandera du courage, beaucoup d’efforts, d’ouverture d’esprit, de chan-
gements dans les pratiques. Les élus et divers responsables devront expliquer, raisonner,
clarifier et les divers services administratifs seront peut-être au bord de l’épuisement.
Il faudra rechercher des financements, monter des dossiers pour Paris, pour Bruxelles,
recevoir le Conseil Régional, les Ministres, expliquer, démontrer et convaincre, faire face
au doute.
Mais une opération de cette envergure fera aussi travailler les chercheurs, les univer-
sitaires, les ONG, les grandes écoles, les bureaux d’études, les entreprises, les
collectivités, les diverses institutions, les bailleurs de fonds publics, les banques.
Tout cela est parfaitement dans l’esprit et la lettre du Grenelle de l’Environnement
voulu par le Président de la République, comme cela est déjà dans l’esprit et la lettre du
Plan Loire Grandeur Nature.
Nous nous devons de construire cette trame verte et bleue, ce réseau de corri-
dors écologiques dont l’Europe a besoin et la Loire Amont a son rôle à jouer dans ce
mouvement.
C’est le rôle et le devoir des ONG, comme elles l’ont fait dans les années 80 pour empê-
cher le bétonnage de la Loire à Serre-de-la-Fare et ailleurs, comme elles le font depuis
les années 90 pour obtenir l’effacement du barrage EDF de Poutès-Monistrol, sur le
Haut-Allier, afin de sauver le saumon atlantique.
Au moment où l’Europe oblige les Etats membres à restaurer leurs rivières, à lancer
d’ambitieuses actions de sobriété énergétique et à développer d’autres sources d’éner-
gies renouvelables pour produire de l’électricité
53
Contestation sur le site de Serre-de-la-Fare - 1988 / 1989
Écopôle du Forez, entre Feurs et Montrond-les-Bains (photo François Boléat)
55
Faut il mettre à sec Grangent ?
Note personnelle :
Si vous avez eu le courage de lire ce mémoire dans son intégralité, je vous en remercie,
certaines démonstrations peuvent en effet paraître absconses et/ou rébarbatives.
Je fais cette proposition car au cours de différents conférences et colloques, j’ai pu
observer que le problème des algues avait été décortiqué par les scientifiques jusque
dans les moindres recoins de leur ADN, mais que jamais personne n’avait proposé de
solutions pour résoudre le problème.
Concrètement, sur la Loire Amont, hormis la construction de la station d’épuration de
Saint-Etienne avec 15 ans de retard, ce qui pour le moins aurait du être une préoccupa-
tion majeure des pouvoirs publics, n’est peut-être pas encore arrivé à terme.
C’est pour ce faire que j’ai rédigé ce document sous forme d’une proposition de solu-
tions. Je n’ai pas la prétention de détenir « la solution », mais je voudrais faire prendre
conscience et faire réfléchir. Même si j’ai parfaitement conscience que les partisans du
confort intellectuel auront tôt fait de classer ce document au rang des utopies, ce serait
dommage de confirmer encore une fois que l’on à tort quand on a raison trop tôt.
Alain BonardFrapna Loire / Collectif Loire amont vivante
Représentant des usagers à la CLE et au bureau du SAGE
· Redonner vie aux rivières de la Loire Amont
Collectif Loire Amont Vivante - 2009
· Rendre transparent le barrage de Grangent
CDAFAL - conférence sur les phosphates - 2008
· Hydrobiologie de la Loire entre le barrage de Grangent et
Balbigny
ARALEP - rapport Mars 2010
Sources
57
7, Place Maréchal-Foch
42000 Saint-Etienne
www.loireamontvivante.fr
Maison de la Nature - 4, rue de la Richelandière
42100 Saint-Etienne
www.frapna-loire.org
1, Carrefour de Longchamp
75116 Paris
www.wwf.fr
8, rue Crozatier
43000 Le Puy en Velay
www.rivernet.org/loire/soslv/soslv_f.htm
2/3 rue Charles de Gaulle
42000 Saint-Etienne cedex 1
www.loire.fr
Remerciements
Collectif Loire Amont Vivante
FRAPNA Loire
WWF-France
SOS Loire Vivante
Conseil Général de la Loire (formation dans le cadre du SAGE)
Remerciements particuliers, pour leurs conseils et leur relecture
Martin Arnould, Jean Claude Leclerc, Claude Bournicon, Philippe Peyroche
42
Associations Familiales Laiques
« L’utopie est la vérité de demain »
Victor Hugo
59
FRAPNA Loire
4 rue de la Richelandière42100 Saint-Etienne
04 77 41 46 60www.frapna.org
Pour une qualité des eaux
retrouvée dans le barrage
de Grangent et sur le fleuve Loire
Propositions pou
r une q
ualité d
es eaux retro
uvée d
ans le b
arrage de G
rangen
t et sur le fleuve Loire | Alain
Bonard
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