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Les Animateurs socioculturels et de loisirs :morphologie d’un groupe professionnel
(1982-2005)
Francis Lebon
avec la collaboration deEmmanuel de Lescure
Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaireÉtablissement public du ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
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Directeur de la publication : Hervé Mecheri, directeur de l’Institut national de lajeunesse et de l’éducation populaire
Responsable éditorial : Jean-Claude Richez, responsable de l’Unité de larecherche, des études et de la formation
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Les Animateurs socioculturels et de loisirs :
morphologie d’un groupe professionnel (1982-2005)
Francis Lebon, sociologue, chargé de recherche à l’INJEP (UREF)
avec la collaboration de Emmanuel de Lescure, sociologue,
maître de conférences à l’université Paris XII (Erté REV)
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Remerciements
La préparation de ce rapport a été le fruit de plusieurs collaborations. Nous
souhaitons exprimer notre reconnaissance à l’égard de Léa Lima (INJEP et
Observatoire national des métiers de l’animation et du sport – ONMAS)
dont les relectures et les conseils ont été précieux. Nous avons bénéficié
des remarques stimulantes et des encouragements amicaux de Chantal de
Linares (INJEP) et de Guy Truchot (ministère de la Jeunesse, des Sports et
de la Vie associative). Nous avons aussi profité de l’aide inestimable
d’Apolline de Lassus. Enfin, nous tenons à exprimer notre gratitude à Jean-
Claude Richez (INJEP) qui a encouragé et soutenu cette recherche.
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Sommaire
Introduction : un groupe professionnel en voie de professionnalisation ? ............................................................................. 9
Les discours sur la « professionnalisation » : un travail de légitimation............ 14 De l’intérêt du traitement des données de l’enquête Emploi (INSEE)............... 21
1. Multiplication et féminisation des agents de l’animation .............27 1.1. La croissance des effectifs est-elle terminée ?........................................ 27 1.2. De plus en plus de femmes..................................................................... 29 1.3. Une population restée jeune ................................................................... 31 1.4. Des secteurs d’activité publics, associatifs et sociaux............................ 33
2. Origines sociales et formation.......................................................39 2.1. Des niveaux d’études très variés ............................................................ 39 2.2. Les filières suivies .................................................................................. 47 2.3. Des origines sociales « moyennes » ....................................................... 50
3. Entre précarité et flexibilité ...........................................................57 3.1. L’ampleur des temps partiels.................................................................. 58 3.2. Une forte proportion d’emplois précaires du secteur public .................. 65 3.3. La sous-estimation du chômage ............................................................. 68 3.4. Des salaires dispersés et généralement peu élevés ................................. 71
Conclusion : un groupe professionnel ouvert et segmenté ..................83 Pourquoi l’animation n’est-elle pas une « profession à statut » ? ...................... 84 Une profession intermédiaire et précaire............................................................ 86 Diversité dans l’animation.................................................................................. 88
Bibliographie ........................................................................................95
Annexes ..............................................................................................109
Liste des graphiques et tableaux.........................................................117
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Introduction : un groupe professionnel
en voie de professionnalisation ?
Ce rapport correspond à la phase exploratoire et descriptive d’un projet où nous souhai-
tons étudier la dynamique des « nouvelles professions ». Il s’appuie sur une recherche
en cours qui, amorcée en mars 2006, a fait l’objet d’une publication1 et de deux com-
munications au congrès de l’Association française de sociologie, à Bordeaux, en sep-
tembre 2006.
Qui sont les animateurs professionnels (sexe, âge, origines sociales) ? Quels sont leurs
niveaux de formation ? Quels types de filières ont-ils suivis ? Quelles sont leurs condi-
tions d’emploi ? Comment ont évolué ces différentes caractéristiques ? L’originalité de
cette étude est précisément d’adopter un point de vue diachronique qui met au jour les
transformations du groupe professionnel. La morphologie a, en effet, pour objet
d’étudier la façon dont se distribue une population, sa composition par sexes, par âges,
etc., ses changements de forme, ses mouvements dans le temps et dans l’espace. La fo-
calisation sur les animateurs devrait permettre, par la suite, d’envisager une problémati-
que sur les nouvelles professions sanitaires et sociales, leur lien à l’école (qui paraît
1 Francis Lebon, Emmanuel de Lescure, « Des “nouvelles professions” entre précarité et flexibilité : animateurs so-cioculturels et formateurs d’adultes (1982-2002) », Regards sociologiques, n° 32, université de Strasbourg, décembre 2006.
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fragmenté), leur position intermédiaire dans les hiérarchies sociales et professionnelles
(qui semble incertaine), etc.
Situés entre les secteurs de l’éducation, de la culture et du social, les animateurs partici-
pent de l’extension et de l’élargissement des activités éducatives vers des lieux, des pu-
blics, des âges de la vie que n’avait pas ou peu investis l’Éducation nationale.
L’animation, qui propose notamment une critique pédagogique du monde scolaire, a
d’abord appartenu à des activités religieuses ou vocationnelles et n’est devenue un mé-
tier que dans les années 1960. Les activités d’animation ont alors peu à peu été définies
comme des activités professionnelles (de façon tardive par rapport aux autres profes-
sions sociales), en particulier dans les foyers de jeunes travailleurs (FJT) et les maisons
des jeunes et de la culture (MJC). Depuis la fin des années 1960, l’animation et les ani-
mateurs sont d’ailleurs l’objet d’un certain nombre de thèses de doctorat, en particulier
au cours des années 1970 (cf. Annexe 1, p. 109).
Le mouvement de « professionnalisation » façonne le double caractère de l’activité
d’animation qui peut s’exercer en amateur ou de façon professionnelle. Il se traduit par
l’émergence de rhétoriques professionnelles manifestant l’existence et la reconnaissance
de cette « nouvelle profession ». Mais une grande partie des activités reste cependant le
fait de non-professionnels. En effet, l’animation socioculturelle a ceci de particulier
qu’elle fait appel à un nombre important de jeunes occasionnels, ce qui alimente les
controverses. Comment assurer la continuité (ou non) de la fonction d’animation ? Faut-
il recourir aux professionnels « permanents » ou aux « bénévoles » ? Quelles places
doivent occuper les différentes catégories d’animateurs : « occasionnels », « non-
professionnels », « volontaires », etc. ? Ces questions récurrentes, et l’ « effet de flou1 »
qu’elles permettent, traversent le secteur d’activités depuis près de 50 ans.
Une étude publiée en 1974 évoque une « nouvelle profession hétérogène » qui, marquée
par la « précarité de l’emploi », se caractérise par des tâches variées et différents ni-
1 Pierre Bourdieu utilise cette expression en référence à « l’indétermination des critères et des principes de hiérarchi-sation » qui caractérise le champ universitaire français (Pierre Bourdieu, Homo academicus, Paris, Éditions de Mi-nuit, 1984, p. 33).
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veaux de responsabilité1. La même année, une autre enquête, éditée par le FONJEP
(Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire)2, décrit une population
jeune et masculine (dont un tiers a un père cadre moyen) employée dans les associa-
tions. L’embauche semble s’inspirer d’une « logique domestique » faite de liens per-
sonnels et de confiance3 : elle a donné lieu à « l’envoi d’une lettre » (39 %) ou à
un engagement verbal (11,5 %). En 1972, 90 % des animateurs travaillent plus de
40 heures par semaine et près de la moitié gagne moins de 1 600 F par mois (soit
l’équivalent, en pouvoir d’achat, à 1 335 € de 2005). Un grand nombre d’entre eux
(70 %) disent vouloir quitter l’animation avant 45 ans. L’activité apparaît donc comme
une profession « de transition », « mal définie4 ». Dans les années 1970, la Ligue fran-
çaise de l’enseignement et de l’éducation permanente, qui milite alors pour un « corps
unique d’éducateurs » rattaché au ministère de l’Éducation, relève que l’animateur pro-
fessionnel travaille « le plus souvent au petit bonheur et sans garanties quant à son ave-
nir » ; c’est une profession « de passage5 ». Aujourd’hui, les discours insistent sur le
processus de professionnalisation.
Depuis cette période, l’institutionnalisation du métier et les éléments de sa reconnais-
sance ont-ils eu un effet sur les conditions d’emploi des individus, à une période où la
forme dominante du travail à temps plein et à durée indéterminée est concurrencée par
l’émergence de formes d’emplois « atypiques » (temps partiel, travail temporaire,
contrat à durée déterminée, etc.) ? Qu’en est-il de la « réelle actualité », proclamée, de la
« professionnalisation des animateurs depuis 19816 », alors que le sport s’est déjà affir-
1 Centre de formation professionnelle et de promotion sociale pour animateurs-éducateurs, « Les Amitiés sociales », Étude sur la profession d’animateur-éducateur, Rennes, 1974. L’enquête repose sur une cinquantaine de questionnai-res et une trentaine d’entretiens. 2 Gabriel Vessigault, avec la collaboration de Colette Dartois, Unité et Diversité de la fonction d’animateur socio-éducatif : enquête du FONJEP, Paris, 1974. 3 Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la justification : les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1987. Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999. En 2005, le recrutement des ani-mateurs semble laisser une place importante à l’initiative personnelle et aux relations sociales (Graphique 44, p. 111). 4 Gabriel Vessigault, Unité et Diversité de la fonction d’animateur socio-éducatif, op. cit., p. 30. 5 Guy Gauthier, Michel Tricot, Animation et Animateurs, Paris, Ligue française de l’enseignement et de l’éducation permanente, 1975, p. 129. 6 Jean-Pierre Augustin, Jean-Claude Gillet, « La Professionnalisation des animateurs socioculturels : atouts et incerti-tudes », in Pierre Guillaume (textes réunis par), La Professionnalisation des classes moyennes, Talence, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996.
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mé comme « une entité bien établie1 »et que la professionnalisation de l’action cultu-
relle se renforce2 ?
Combien d’animateurs professionnels ? En considérant les animateurs, on est d’emblée confronté à une diversité de statuts qui rend leur dénombrement difficile. Dans les offres d’emploi publiées par exemple, les désignations des agents chargés de « la fonction d’animation » sont nombreuses et, parfois, ne contiennent pas le terme « animateur », en particulier lorsque le niveau de diplôme exigé est élevé3. Les publications confondent souvent le nombre d’individus qui se déclarent animateur profes-sionnel et le nombre d’emplois dans l’animation, c’est-à-dire d’une part les salariés, d’autre part les occupations qui sont définies et rémunérées de façon très diverses en fonction des secteurs d’activité, notamment en termes de durée. Enfin, les emplois d’animateurs sont parfois amalga-més avec tous les emplois ou tous les salariés de la branche. En 1982, le rapport de Marcel Davaine (délégué général du FONJEP) pour le ministère du Temps libre estime le nombre d’animateurs à 25 0004. En 1987, l’Observatoire des programmes d’animation (créé en 1982), qui mène une enquête consacrée aux emplois et aux pratiques pro-fessionnelles dans six régions, cite une source UNEDIC comptabilisant, en 1982, 271 000 sala-riés5. L’Observatoire des professions de l’animation, dirigé par Francine Labadie, arrive, en 1990, à deux millions d’animateurs en élargissant la définition aux diverses activités du « temps libre » (dont 350 000 emplois dans la branche professionnelle de l’animation socioculturelle). Le chif-fre de deux millions est atteint en additionnant les emplois des secteurs de l’animation, du sport, de la culture et du tourisme6. Dans le prolongement, suite à une demande des partenaires so-ciaux de la branche professionnelle de l’animation socioculturelle, Francine Labadie, à partir des données UNEDIC et des codes APE (activité principale exercée) des employeurs, dénombre 346 098 salariés en 19907. À partir d’une enquête menée auprès des départements et de divers établissements, le Service des statistiques, des études et des systèmes d’information (SESI) du ministère des Affaires so-ciales dénombre pour la première fois les « animateurs sociaux » en 1992 (hôpitaux, établisse-ments sociaux et d’hébergement des personnes âgées). Il inventorie 1 010 emplois en 1984, 1 824 en 1986, 2 145 en 1988, 2 575 en 1990, 2 770 en 1991, 2 400 en 19928. Une rupture dans
1 Jacques Defrance, « L’Autonomisation du champ sportif 1890-1970 », Sociologie et Sociétés, vol. XXVII, n° 1, printemps 1995, p. 16. 2 Vincent Dubois, La Politique culturelle : genèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin, 1999, p. 239-275. 3 Salih Akin, Olivier Douard, « Qui sont les animateurs aujourd’hui ? », in Olivier Douard (dir.), Dire son métier : les écrits des animateurs, Paris, L’Harmattan, 2003. 4 Marcel Davaine, Les Métiers de l’animation : rapport au ministre du Temps libre, Paris, La Documentation fran-çaise, 1982, p. 8-9. Marcel Davaine, inspecteur de la Jeunesse et des Sports, est ancien délégué régional des CEMEA. 5 Secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé de la Jeunesse et des Sports, Les Professionnels de l’animation, tome 1 : Les Emplois et les Pratiques professionnelles, Paris, La Documentation française, 1987, p. 63. 6 Secrétariat d’État chargé de la Jeunesse et des Sports, Le Temps et rien d’autre : étude prospective des activités de temps libre à l’horizon 2010, Paris, La Documentation française, 1990, p. 50. Il s’agit d’une « étude prospective » réalisée par l’Observatoire des professions de l’animation en collaboration avec Futuribles International. 7 La même source relève un effectif de 298 301 en 1986. En 1990, 43 % des effectifs relèvent de l’APE « autres ser-vices fournis à la collectivité ». En outre, les emplois comptabilisés ne correspondent pas tous à des fonctions d’animation (secrétaires, etc.). Francine Labadie, L’Emploi dans la branche professionnelle de l’animation socio-culturelle au 31/12/1990, ministère Jeunesse et Sports / OPA, novembre 1991. 8 SESI, Documents et Statistiques : les professions sociales et éducatives en 1991, n° 163, décembre 1992. SESI, Documents et Statistiques : les professions sociales et éducatives en 1992, n° 191, décembre 1993. Bernard Nozières, « Les Professions sociales et éducatives », Informations rapides, n° 33, février 1993.
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la série intervient ensuite en raison de la prise en compte d’une nouvelle source de données. Ainsi, en 1994, le SESI recense 2 423 animateurs mais arrive à 23 161 « animateurs sociocultu-rels » en comptabilisant les animateurs des communes, des régions et des centres sociaux1. Avec la même méthode, le nombre total d’emplois est de 31 039 en 19962. À l’aide d’une dizaine de sources statistiques pour décrire les « professions sociales », la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du même ministère recense 37 000 anima-teurs en 1998 (« estimation minimale3 »). En utilisant l’enquête Emploi, mais à partir des libel-lés d’emplois en clair (données non diffusées) et sans tenir compte des activités de loisirs4, elle dénombre 46 700 animateurs en 1993, 54 000 en 1998, 59 600 en 20025. La brochure Animateur socioculturel éditée en 1997 par le Centre d’information et de documen-tation jeunesse (CIDJ) estime que « le marché du travail de l’animation compte plus de 400 000 salariés6 » dont la moitié serait recrutée avec des contrats à durée déterminée. En 1999, le CIDJ estime que « 11 000 entreprises emploient un effectif de 600 000 animateurs, représentant 92 000 équivalents temps plein. Pour gagner sa vie, il faut donc multiplier les employeurs7 ». En 1999, Jean-Marie Mignon avance le chiffre de 120 000 animateurs : « Si l’on additionne de façon approximative et avec prudence les 75 000 animateurs de la branche de l’animation so-cioculturelle [éducateurs sportifs exclus], les 31 000 animateurs territoriaux, un ou deux milliers d’animateurs des fonctions publiques d’État et hospitalières, les quelques centaines qui travail-lent dans le secteur privé commercial et les milliers d’emplois jeunes, on ne doit pas être trop éloigné d’un effectif total de plus de 120 000 animateurs8. » En 2000, Jean-Pierre Augustin et Jean-Claude Gillet évaluent « le nombre d’animateurs et d’éducateurs sportifs salariés (quasi-permanents) entre 150 000 et 200 000 personnes9. » L’Observatoire de la fonction publique territoriale estime les effectifs d’animateurs à 67 710 au 1er janvier 200510. À partir de l’analyse des données de la base Uniformation (12 000 cotisants), organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) pour le financement de la formation profession-nelle, une enquête recense, par extrapolation au niveau de la branche animation, environ 140 000 salariés en 2005 (hors personnel pédagogique occasionnel et, bien sûr, hors secteur pu-blic)11. La branche des centres sociaux, des établissements d’accueil petite enfance et des asso-ciations de développement social local compte, en 2005, environ 50 000 salariés (employés au moins une journée dans l’année) qui représentent environ 16 000 équivalents temps pleins12. Même si elles ne sont pas toujours sociologiquement construites et contribuent à composer une réalité sociale qu’elles sont censées mesurer, ces statistiques reflètent et traduisent de diverses
1 Murielle Monrose, « Les Professions sociales et socio-éducatives au 1er janvier 1994 », Informations rapides, n° 87, mars 1997. 2 Murielle Monrose, « Les Professions sociales et éducatives en 1996 », Informations rapides. Premiers résultats, n° 8, juin 1998. SESI, « Les Professions sociales et éducatives en 1996 », Documents statistiques, n° 301, avril 1998. 3 Emmanuel Woitrain, Études et Résultats, n° 79, septembre 2000. 4 Informations communiquées par Benoît Tudoux, auteur de l’enquête, le 15 janvier 2007. 5 Dominique Beynier, Benoît Tudoux, « Les Métiers du travail social hors aide à domicile », Études et Résultats, n° 441, novembre 2005. 6 Actuel CIDJ, n° 2.493, juillet-août 1997, imprimé par le CIDJ, p. 2. 7 CIDJ, Animateur socioculturel, Paris, CIDJ, 1999, p. 4 (Les Carnets Information Jeunesse). 8 Jean-Marie Mignon, Le Métier d’animateur, Paris, La Découverte et Syros, 1999, p. 113. 9 Jean-Pierre Augustin, Jean-Claude Gillet, L’Animation professionnelle : histoire, acteurs, enjeux, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 113. 10 Observatoire de la fonction publique territoriale, Tendances de l’emploi territorial : note de conjoncture, n° 10, janvier 2006. 11 Rémi Debeauvais, Romain Loth, Marie Pussier, Résultats de l’enquête auprès des entreprises de la branche ani-mation, Observatoire des métiers de l’animation, rapport final, mars 2006, p. 36. 12 Environ 62 % des 37 000 salariés de la branche (hors salariés des centres de loisirs en CDD et / ou de l’annexe 4) sont des animateurs. Observatoire emploi formation, Note de cadrage emploi 2005, novembre 2006, p. 3-4.
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façons l’existence et les représentations du groupe social des animateurs professionnels. Il s’agit ainsi de réparer une injustice en faisant reconnaître l’existence d’un groupe jusque-là passé sous silence1. Si ces « données » participent d’un travail de légitimation des animateurs (donner une place aux animateurs dans la statistique contribue à leur donner une place dans la société), concourent-elle, pour autant, à l’unité communautaire du groupe ?
Les discours sur la « professionnalisation » : un travail de légitimation
Aujourd’hui, il existe des guides aux métiers de l’animation, spécialisés2 ou non3. Plu-
sieurs codes du ROME (Répertoire opérationnel des métiers et des emplois), édité sur
Internet par l’Agence nationale pour l’emploi, correspondent au métier d’animateur4.
D’après l’enquête sur les besoins en main-d’œuvre (BMO), l’animation socioculturelle
figure parmi les 20 métiers les plus recherchés en 20055.
En dépit d’un poids numérique remarquable (cf. 1. 1., p. 27), ce groupe professionnel
n’en est pas moins incertain. Son unité fait problème. La littérature qui lui est consacrée
oscille entre trois positions.
La première est indifférente au thème de la professionnalisation. Elle considère bien
qu’un processus séculaire amène les « métiers de l’État providence » (du sanitaire-
social et de l’éducatif-culturel)6 à s’organiser en profession, mais elle ne prête pas une
grande attention à la structuration des groupes professionnels. Elle préfère s’intéresser à
la restructuration des classes populaires par l’immigration7, aux processus sociaux qui
1 Sur le travail sociohistorique de construction des collectifs, cf. Luc Boltanski, Les Cadres : la formation d’un groupe social, Paris, Éditions de Minuit, 1982. 2 Cf. par exemple le numéro 1 du Journal de l’animation (septembre 1999) qui comprend un dossier « Métiers de l’animation. Quelles formations ? » Jean-Pierre Nucci, Guide des métiers de l’animation, Paris, Vuilbert, 2001. Alain Langlacé, Animateur dans le secteur social et médico-social, Paris, Éditions ASH, 2004. Office national d’information sur les enseignements et les professions, Les Métiers de l’animation et du social, ONISEP, 2005. Fré-dérique Letourneux, Les Métiers de l’animation, Paris, L’Étudiant, 2007. 3 Marie-Noëlle Valls-Lacroix, Praticiens du secteur sanitaire et social, qui êtes-vous ? Guide et réflexions pour un choix : assistant(e) de service social, animateur(trice) socioculturel, éducateur(trice) spécialisée..., (préf. de Guy Jobert), Paris, Éditions ouvrières, 1989. Claude Lesaulnier, Les Métiers du secteur social, Paris, Bayard, 1990. Do-minique Lallemand, Les Métiers du secteur social, Paris, Le Monde Éditions, 1994. 4 Tous les codes commençant par 2313, mais aussi le 23211, le 23112, etc. 5 Laurent Pouquet, Bernard Ernst, Point’statis, n° 10, avril 2005. 6 Dominique Schnapper, « Les expériences vécues dans quelques métiers de l’État providence », in Pierre Michel Menger (dir.), Les Professions et leurs Sociologies : modèles théoriques, catégorisations, évolutions, Paris, Éditions de la MSH, 2003, p. 199-216. 7 Olivier Masclet montre que la petite élite scolaire formée par les animateurs « militants des cités » s’use du fait de sa non-reconnaissance, voire du mépris dont elle se sent l’objet. En d’autres termes, le Parti communiste et ses repré-sentants locaux semblent méconnaître les porte-parole issus de l’immigration, généralement exclus du champ politi-que local. Olivier Masclet, La Gauche et les Cités : enquête sur un rendez-vous manqué, Paris, La Dispute, 2003.
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ont pour objet de produire des conduites conformes à la norme (« contrôle social1 »,
conversion des habitus2), ou, plus prosaïquement, à la fonction d’animation, à la démo-
cratie culturelle3, à la politique de la Ville4 ou à la prévention de la délinquance5.
La seconde, que l’on pourrait qualifier d’optimiste, considère que ce groupe profession-
nel est solidement constitué. Elle argue du fait que des conventions collectives ont été
signées et des formations mises en place. Ainsi, les « principes généraux » agréés par
l’État en 1970 pour le statut des personnels professionnels d’animation socio-éducative
sont considérés comme « l’acte de naissance de “la Profession d’Animateur”6 ». En
1978, Michel Simonot considère, en examinant la place du bénévolat, que la « profes-
sionnalisation s’est considérablement accrue depuis quelques années7 ». Pierre Besnard,
pour qui la « professionnalisation [est] inéluctable », estime même, en 1985, que « la
profession d’animateur est une réalité8 ». En 1991, l’accroissement constant des effec-
tifs d’animateurs est, selon Francine Labadie, « la marque d’une professionnalisation
accrue dans ce secteur d’activité, d’une part parce que les services fournis autrefois par
des bénévoles tendent à l’être de plus en plus par des professionnels, d’autre part parce
que les mesures prises par les pouvoirs publics et en particulier à un niveau local ont
permis la création de nouveaux emplois permettant de répondre à une demande sociale
1 Les professionnels, mandataires des classes dominantes, sont dans ces théories les agents d’un contrôle social sur les populations par l’inculcation d’une culture légitime implicite. Ainsi, pour Marc Mangenot, qui évoque le « sens caché de l’animation socioculturelle », les animateurs professionnels, en dépit des luttes menées par certains (« mouvement de mars 1971 », grève au Centre national de formation des animateurs de l’UFCV), « remplissent une fonction so-ciale de gardiens de l’idéologie et d’exutoire ». Marc Mangenot, Des animateurs se rebiffent, Paris, Éditions universi-taires, CEPREG (Centre de perfectionnement de responsables de groupes), 1973, p. 174. Cf. aussi Jean-Pierre Augus-tin, François Dubet, « L’Espace urbain et les Fonctions sociales de l’animation », Les Cahiers de l’animation, n° 7, 1975. Pour une mise en perspective, cf. Robert Castel, « De l’intégration sociale à l’éclatement du social : l’émergence, l’apogée et le départ à la retraite du contrôle social », Revue internationale d’action communautaire, n °20/60, automne 1988, p. 67-77. Michel Chauvière, « Les Professions du social : compétences ou qualifications ? », in Jacques Ion (dir.), Le Travail social en débat[s], Paris, La Découverte, 2005, p. 122-124 (Alternatives sociales). 2 Sur la conversion d’habitus déviants en habitus conformes au métier d’animateur dans le cadre d’un BAFA organisé par les Francas et la Protection judiciaire de la jeunesse (ministère de la Justice), cf. Isabelle Coutant, Délit de jeu-nesse : la justice face aux quartiers, Paris, La Découverte, 2005, p. 195-233. 3 Ainsi de Joffre Dumazedier, même s’il note que « la professionnalisation de l’animation est le résultat d’une évolu-tion que d’autres formes d’éducation ou de travail social ont subi avant elle ». Joffre Dumazedier, « Préface », in Geneviève Poujol, Profession : animateur, Toulouse, Privat, 1989, p. 7. 4 Jacques Donzelot, L’État animateur : essai sur la politique de la ville, Paris, Esprit / Le Seuil, 1994. 5 Marwan Mohammed, Laurent Mucchielli, « Des jeunes face à VVV », in Didier Lapeyronnie (dir.), Quartiers en vacances. Des opérations Prévention Été à Ville Vie Vacances, 1982-2002, Paris, Éditions de la DIV, 2003, p. 165-184. 6 Pierre Besnard, L’Animation socioculturelle, Paris, PUF, 1985 (1re éd. en 1980), p. 101. 7 Rolande Dupont, Suzanne Pacalin, « Interview de Michel Simonot », Pour, n° 59, mars-avril 1978, p. 19. 8 Pierre Besnard, L’Animation socioculturelle, op. cit., p. 99-100.
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non satisfaite auparavant1 ». Dans le même esprit, Jean-Claude Gillet, qui anime le
« Réseau international de l’animation », considère, en 2006, qu’il ne faut pas « occulter
le renforcement de la professionnalisation des animateurs attestée par les évolutions sta-
tistiques et les observations de terrain2 ». De même, Jean-Pierre Augustin estime qu’un
constat de « forte croissance de la professionnalisation3 » s’impose. Pour les tenants de
cette position qui le plus souvent réunit des personnes œuvrant dans ce champ, ce métier
existe et met en œuvre des savoirs autonomes constitués autour d’un champ de pratique.
Reste alors seulement à démontrer l’utilité sociale de cette profession et à défendre son
autonomie4.
La troisième position est plus circonspecte, voire pessimiste. C’est celle qui semble la
mieux fondée empiriquement. Dans cette perspective, le groupe professionnel ne consti-
tue pas ou seulement difficilement une profession entendue comme une collectivité or-
ganisée, avec ses règles, ses procédures de reconnaissance et ses carrières. Certains au-
teurs considèrent qu’il y a bien un processus de professionnalisation mais que son issue
est aléatoire et ils font état de freins et d’avancées5. D’autres se limitent à dresser un
constat objectif et observent que la diversité des conditions d’exercice et la variété des
profils d’emplois interdisent toute analyse en terme de profession6, qu’une forte division
du travail distribue les individus dans des positions inégales et segmente les groupes
professionnels7. De même, l’identité professionnelle fait problème. Elle apparaît éclatée
et fragile, tiraillée entre les divers univers institutionnels dans lesquels s’exercent les
activités : action culturelle, politique de l’emploi, tourisme, secteurs social, scolaire,
1 Francine Labadie, L’Emploi dans la branche professionnelle de l’animation socioculturelle au 31/12/1990, op. cit. 2 Jean-Claude Gillet, L’Animation en questions, Paris, Érès, 2006, p. 11 et p. 49. 3 Jean-Pierre Augustin, « Loisirs et Société : un nouveau rapport au travail », in Vers les métiers de l’animation et du sport : la transition professionnelle, Jean-Pierre Augustin (dir.), Observatoire national des métiers de l’animation et du sport, Paris, La Documentation française, 2006, p. 19. 4 Jean-Claude Gillet, Animation et Animateurs : le sens de l’action, Paris, L’Harmattan, 1995. Jean-Pierre Augustin, Jean-Claude Gillet, L’Animation professionnelle, op. cit. 5 Geneviève Poujol, Guide de l’animateur socioculturel, Paris, Dunod, 1996, p. 194-195. Jean-Marie Mignon, La Lente Naissance d’une profession : les animateurs, de 1944 à 1988, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Pierre Guillaume, université Bordeaux III, volume 1, 1998, p. 404-411. 6 Chantal Guérin, « Une profession d’animateur est-elle possible ? », Les Cahiers de l’animation, n° 22, 4e trim., 1978. 7 Jean-Marie Mignon, Le Métier d’animateur, op. cit., 1999.
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sportif, du handicap, du troisième âge, etc. En outre, le métier est « poreux1 » car les
animateurs sont attirés par les univers auxquels ils participent. Ainsi, le personnel des
centres de vacances et de loisirs est composé d’étudiants qui envisagent (dans une logi-
que de préqualification) d’autres métiers, en particulier l’enseignement et le travail so-
cial2. Même lorsqu’elles mettent l’accent sur des processus émergents, les thèses défen-
dues par ces auteurs restent prudentes et n’aboutissent pas à la mise en évidence d’une
identité professionnelle solidement installée. Le plus souvent, ils décrivent une profes-
sion « en construction », « à définir3 » dont l’identité reste fragile. Nous serions donc
face à une situation paradoxale : ce groupe professionnel existe bel et bien et regroupe
un nombre conséquent d’individus. Mais son identité est instable et il est faiblement ins-
titué si bien qu’il apparaît comme un ensemble flou et incertain.
En effet, la prudence s’impose car ce « processus de professionnalisation », avéré à
l’échelle du siècle4, semble ne jamais aboutir. L’UFCV (Union française des centres de
vacances et de loisirs) annonce en 1964, à l’occasion de l’ouverture de son école
d’animateurs de loisirs, la naissance d’une « véritable nouvelle profession5 ». Dans un
ouvrage publié en 1969, Gabriel Vessigault évoque longuement « la naissance d’une
nouvelle profession6 ». Dans l’introduction d’une enquête menée en 1971 auprès de
1 221 stagiaires de l’INEP (Institut national d’éducation populaire), Raymond Labourie
considère que « le secteur socio-éducatif tend aujourd’hui à développer la professionna-
lisation de ses animateurs par la reconnaissance de qualifications et de diplômes7 ». En
1 Selon l’expression utilisée par Lise Demailly pour qualifier le métier de formateur. Lise Demailly, « Une spécificité de l’approche sociologique française des groupes professionnels : une sociologie non clivée », Savoirs, Travail et Société, vol. 2, n° 2, 2004, p. 107-128. 2 Gérard Neyrand, Profil et Devenir des stagiaires BAFA, Paris, CEMEA, août 1993. 3 Geneviève Poujol, Profession : animateur, op. cit., p. 147. Les actes du colloque de Limoges, publiés en 1991, re-prennent le titre de l’ouvrage de Geneviève Poujol. Profession animateur ? : actes du colloque de Limoges, les 5 et 6 avril 1991, organisé par la direction régionale Jeunesse et Sports du Limousin, Marly-le-Roi, Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, 1991. 4 On peut en trouver les prémices au XIXe siècle. Christine Rater-Garcette (préface de Michel Chauvière), La Profes-sionnalisation du travail social : action sociale, syndicalisme, formation 1880-1920, Paris, L’Harmattan, 1996. 5 « Pourquoi des animateurs de loisirs ? », Revue de l’Union française des centres de vacances et de loisirs, n° 14, juin 1964, p. 14-15. 6 Conseil de l’Europe, Gabriel Vessigault, Le Statut et la Formation des cadres de jeunesse, Conseil de la coopération culturelle, Strasbourg, 1969, p. 23-71. 7 Raymond Labourie, « Préambule », in Hervé Drouard, Raymond Labourie, Annie Oberti, Geneviève Poujol, Le Public d’une institution socio-éducative : profils sociologiques, attitudes à l’égard de la formation, opinions à l’égard du secteur socio-éducatif, enquête de l’INEP, 1970-1971, Documents de l’INEP, n° 1, INEP, 1973, p. 3.
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2000, Éric Robinet estime encore que l’animation est « en cours de professionnalisa-
tion1 » mais que le processus « n’est pas encore terminé2 ».
De plus, la frontière séparant « optimistes » et « pessimistes » est elle-même incertaine.
Les auteurs ont généralement en commun une référence implicite ou explicite au mo-
dèle fonctionnaliste des professions et évaluent le degré de professionnalisation par
l’examen des critères définissant les « professions établies3 ». Ce modèle est également
repris par les fractions intellectuelles des milieux de l’animation4. Fixant un horizon at-
tendu, il sert d’étalon et permet de définir ces professions comme des professions en
devenir ; la littérature spécialisée en atteste. Le double usage, savant et politique, du
modèle crée une confusion. Le fait qu’il soit en même temps un outil permettant de dé-
crire un processus dans les travaux sociologiques et une perspective idéale dans les rhé-
toriques professionnelles en altère les vertus descriptives. Son attrait et sa prégnance le
font alors apparaître comme un mythe qui exerce une « véritable fascination5 » à la fois
sur certains agents des groupes professionnels et certains chercheurs en sciences socia-
les. Normatif, l’usage du terme « profession » est donc un jugement de valeur et de
prestige.
1 Éric Robinet, « L’Identité professionnelle des animateurs », Agora Débats Jeunesse, n° 22, 4e trim. 2000, p. 113-124. 2 Éric Robinet, « Les Ressources des animateurs au travail », Agora Débats Jeunesse, n° 36, 2e trim. 2004, p. 33. 3 Jean-Michel Chapoulie, « Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels », Revue française de sociologie, XIV, 1973, p. 86-114. La sociologie anglo-saxonne et fonctionnaliste des professions s’est fondée sur une distinction nette entre les deux types d’activité que constituent les « professions » et les « occupations ». Elle s’est particulièrement attachée à l’étude de ce que Jean-Michel Chapoulie nomme les « professions établies », notamment les médecins et les avocats, soit les professions qui ont pu développer un certain nombre de caractéristiques relevant du « modèle professionnel ». Selon Chapoulie, la définition de ces caractéristiques s’est faite sur un « large accord ». « 1. Le droit d’exercer suppose une formation professionnelle longue délivrée dans des établissements spécialisés. 2. Le contrôle des activités professionnelles est effectué par l’ensemble des collègues, seuls compétents pour effec-tuer un contrôle technique et éthique. La profession règle donc à la fois la formation professionnelle, l’entrée dans le métier et l’exercice de celui-ci. 3. Le contrôle est généralement reconnu légalement, et organisé sous des formes qui font l’objet d’un accord entre la profession et les autorités légales. 4. Les professions constituent des communautés réelles dans la mesure où, exerçant leur activité à plein temps, n’abandonnant leur métier qu’exceptionnellement au cours de leur existence active, leurs membres partagent des “identités” et des intérêts spécifiques. 5. Les revenus, le prestige, le pouvoir des membres des professions sont élevés : en un mot ils appartiennent aux frac-tions supérieures des classes moyennes. » 4 En dépit d’une certaine proximité des chercheurs à leur terrain, aucun n’a adopté des critères strictement indigènes (qu’il aurait été possible de définir à l’aide d’entretiens avec des animateurs ou par l’analyse de documents) pour mesurer la professionnalisation. 5 Georges Benguigui, « La Définition des professions », Épistémologie sociologique, n° 13, 1972, p. 108.
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Ainsi, on trouve dans l’article de Chantal Guérin, en 1978, une illustration excellem-
ment menée de la sociologie fonctionnaliste des professions. Elle conclut : « Il semble
qu’il n’y ait, au moment présent, aucune chance que se constitue une profession
d’animateur, aucune des conditions requises ne semblant remplie ni en voie de l’être1. »
Geneviève Poujol rappelle les déterminants d’une profession à partir d’un article de
Jacques Hédoux sur les formateurs d’adultes2. « D’après ces critères, la profession
d’animateur est loin d’être arrivée au terme de son institutionnalisation3. » Jean-Marie
Mignon, en citant Geneviève Poujol, reprend à son tour le même extrait de Jacques Hé-
doux et examine les « fondements de la profession ». Il estime qu’ils ont, dans le cas des
animateurs, « quelque chose d’incomplet ». Il reste, entre autres, « une déontologie à
affirmer4 ». La multiplication et la diversification des métiers « n’entraîne pas un pro-
grès de la professionnalisation5 ». Selon Jean-Pierre Augustin et Jean-Claude Gillet, « la
fonction d’animation est en voie de professionnalisation », même si « la profession
d’animateur est encore une profession floue, difficile à circonscrire, mal assise ». Ils
examinent ensuite le « processus de professionnalisation » au regard des « caractéristi-
ques d’une profession et [de] leur traitement dans le groupe professionnel des anima-
teurs6 ». Il paraît évoluer de façon positive : « Que de chemin parcouru en 30 ans dans
la légitimation d’une spécificité professionnelle7. »
S’il faut prendre au sérieux les discours tenus sur l’animation et les animateurs, puis-
qu’ils contribuent à la consolidation du groupe professionnel, les données de l’INSEE
permettent une observation objective, distanciée et sur le long terme, même si les règles
de la « communication statistique » sont complexes (Graphique 1).
1 Chantal Guérin, « Une profession d’animateur est-elle possible ? », art. cit., p. 53. Ce numéro des Cahiers de l’animation s’intitule « Professions d’animateurs ? ». Cf. aussi François Védélago, « Les Travailleurs sociaux : incer-titudes et limites du processus de professionnalisation », in Pierre Guillaume (textes réunis par), La professionnalisa-tion des classes moyennes, op. cit. 2 Jacques Hédoux, « Formateur d’adultes », in Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, Paris, Nathan, 1994. 3 Geneviève Poujol, Guide de l’animateur socioculturel, op. cit., p. 194. 4 Cette prise de position est également partagée par Éric Robinet, « L’Identité professionnelle des animateurs », art. cit., p. 124. 5 Jean-Marie Mignon, Le Métier d’animateur, op. cit., p. 28-32. 6 Jean-Pierre Augustin, Jean-Claude Gillet, L’Animation professionnelle, op. cit., p. 113-119. 7 Ibid., p. 134.
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Graphique 1. Schéma de la « chaîne » statistique
Source : Dominique Merllié, « La Construction statistique », in Patrick Champagne, Rémi Lenoir, Dominique Merllié, Louis Pinto, Initiation à la pratique sociologique, Paris, Dunod, 1989, p. 157.
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De l’intérêt du traitement des données de l’enquête Emploi (INSEE)
Les données produites par l’INSEE sont rarement utilisées pour décrire la population
des agents de l’animation1. Si l’on peut mettre en question la capacité du niveau le plus
fin de la nomenclature des professions à décrire les groupes professionnels2, tant son
architecture est complexe3, elles répondent à une « ambition raisonnable4 » et conser-
vent un avantage certain sur d’autres enquêtes. En effet, pour répondre à nos interroga-
tions sur les conditions d’emploi des individus, par leur caractère général et objectivant,
et en l’absence d’autres statistiques d’emploi, les données de l’INSEE offrent une occa-
sion inégalée de mise à distance des rhétoriques qui structurent les discours tenus par les
groupes professionnels. Issues d’enquêtes nationales représentatives, elles permettent de
saisir la population d’un groupe professionnel dans son ensemble et ne se cantonnent
pas à la description d’un seul de ses segments. Alors que la plupart des études quantita-
tives procèdent par une entrée institutionnelle et se limitent de fait aux salariés travail-
lant dans les organismes spécialisés dans l’animation5, les données de l’enquête sur
l’emploi (qui existe depuis 19506) permettent d’observer l’ensemble des actifs déclarant
exercer cette profession. Elles résultent d’une enquête directe et non du traitement de
sources administratives éparses7.
Elles prennent en compte la dimension subjective de l’appartenance à un groupe profes-
sionnel. Elles excluent les agents qui ne souhaitent pas (ou qui ne pensent pas à) se re-
connaître dans la profession (notamment certaines gardiennes d’enfants, les étudiants8,
1 Seul Michel Rousseau utilise le recensement de 1990 en « données de cadrage » de son étude. Michel Rousseau, Les Emplois de l’animation en Île-de-France : étude prospective régionale 1995-1997, Paris, La Documentation fran-çaise, 1997, p. 19-25. 2 Alain Chenu, « La Descriptibilité statistique des professions », Sociétés contemporaines, n° 26, 1997, p. 109-136. 3 Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les Catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte, 1996. 4 Même si les discordances, selon le mode de codage, concernent un tiers des emplois. Françoise Cédo, Alberto Lo-pez, « Codifier la PCS à 4 Chiffres : une ambition raisonnable ? Analyse d’un flou statistique sur la relation forma-tion-emploi », INSEE-Méthodes : actes des journées de méthodologie statistique, 2002. 5 Michel Simonot, Les Animateurs socioculturels : étude d’une aspiration à une activité sociale, Paris, PUF, 1974. Secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé de la Jeunesse et des Sports, Les Professionnels de l’animation, tome 1 : Les Emplois et les Pratiques professionnelles ; tome 2 : Qualifications individuelles et Itinéraires profes-sionnels, Paris, La Documentation française, 1987. Tariq Ragi, « Animateurs : formations, emplois et valeurs », Ago-ra Débats Jeunesse, n° 36, 2e trim. 2004, p. 10-21. 6 Dominique Goux, « Une histoire de l’enquête Emploi », Économie et Statistique, n° 362, 2003. 7 Alain Desrosières, « Enquêtes versus registres administratifs : réflexions sur la dualité des sources statistiques », Courrier des statistiques, n° 111, septembre 2004. 8 D’ailleurs, pour certains d’entre eux, travailler avec les enfants est associé au plaisir, aux loisirs, et non à l’emploi. Les élèves et les étudiants de 15 ans ou plus sont normalement comptabilisés parmi les inactifs.
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les enseignants, etc.) et dépendent donc de la reconnaissance sociale des groupes classés
et des ressources langagières disponibles pour les dénommer1. Si la cristallisation d’une
identité professionnelle sur un nom est flottante, si les appellations de professions que
déclarent leurs titulaires dans les questionnaires sont instables et conduisent parfois à
des codifications très différentes2, « la tâche du statisticien-nomenclateur, comme
l’indique Laurent Thévenot, a ses contraintes particulières. Il a à rendre des comptes sur
les objets qu’il prétend classer : il doit produire une définition opératoire. L’information
dont il dispose consiste en déclarations d’appellations de professions auxquelles
s’ajoutent des réponses à quelques questions fermées complémentaires qui peuvent
constituer des critères de définition3 ».
De plus, les données de la statistique officielle fournissent des séries suffisamment lon-
gues et constantes pour appréhender l’évolution de la morphologie des groupes profes-
sionnels. Bien que moins riches et précises que les informations issues de questionnaires
ponctuels pouvant prendre en compte toute la spécificité de leur objet, elles ouvrent des
possibilités d’analyses diachroniques indispensables à l’étude de la dynamique de ce
groupe ; en même temps, elles permettent d’en percevoir les fractures et d’en interroger
l’unité. Enfin, elles facilitent la comparaison avec d’autres groupes professionnels.
1 Francis Kramarz, « Déclarer sa profession », Revue française de sociologie, vol. XXXII, n° 1, 1991, p. 3-27. 2 Laurent Thévenot, « Le Flou d’appellation et de chiffrement dans les professions de santé », in « Les Catégories socioprofessionnelles et leur Repérage dans les enquêtes », Archives et Documents, n° 38, Paris, INSEE, 1981. 3 Laurent Thévenot, « À propos d’une définition des couches moyennes et de la nouvelle nomenclature des profes-sions et catégories socioprofessionnelles », Revue française de sociologie, n° XXIV-2, avril-juin 1983, p. 318.
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Les animateurs professionnels et la « fonction d’animation » Si l’on se réfère aux activités, à « l’animation globale » ou à la fonction d’animation, elles dé-passent alors, bien sûr, les seuls animateurs professionnels. Mais dans cette perspective élargie, les stratégies de valorisation sont courantes et la définition du champ d’action relève d’un cer-tain flou pour s’étendre parfois à l’ensemble des activités sociales. Ainsi, pour Pierre Besnard, en 1980, l’animation « concerne l’ensemble de la vie quotidienne et des fonctions sociales qu’elle pénètre et dynamise car elle est partout, comme la vie même1 ». Selon Joffre Dumaze-dier, la fonction d’animation, depuis les années 1980, « a envahi plus ou moins la quasi-totalité des institutions dans leurs rapports avec le public2 ». Il faut prendre au sérieux ces définitions de l’animation qui l’assimilent à l’idée même de société ou, pour le moins, à un travail sur « le lien social », car il s’agit, par une sorte de montée en généralité, d’une stratégie d’élévation sociale de « l’objet » et de ses promoteurs. Outre son utilité idéologique, ce type de prises de position (une sorte de fonctionnalisme militant) s’appuie cependant sur des éléments objectifs : l’animation est aussi l’affaire des bénévoles et des « volontaires » ; on peut estimer qu’elle connote un « style pédagogique », qu’elle désigne des projets de transformation sociale ou un espace de pratiques et de savoirs ; diverses carrières professionnelles « passent » par l’animation ; des cadres du travail social issus de l’animation, s’ils ne se revendiquent plus ani-mateurs, restent attachés au métier, etc.
Le code des catégories socioprofessionnelles (CSP), objet de négociations, a été mis en
œuvre par l’INSEE lors du recensement de 1954. Cette nomenclature multidimension-
nelle combine plusieurs logiques qui concernent le métier, l’origine et le niveau des re-
venus, le secteur d’activité, la durée et le type de formation, la position hiérarchique, la
séparation entre salariés des entreprises privées et ceux de la fonction publique. En
1954, le code distingue, au sein du groupe des cadres moyens, les « Instituteurs, servi-
ces médicaux et sociaux ». En 1962, les « Services médicaux et sociaux » s’imposent
comme une catégorie particulière au sein du groupe, « signe de l’importance nouvelle
alors acquise par les diverses professions paramédicales et sociales3 ».
En 1968, le Code des métiers4 classe un Animateur (centre culturel, centre social) et un
Moniteur (centre social) dans la sous-rubrique « Autres » du code de chiffrement des
1 Pierre Besnard, L’Animation socioculturelle, Paris, PUF, 1980, p. 23. 2 Joffre Dumazedier, « Préface », in Geneviève Poujol, Profession : animateur, op. cit., p. 7. 3 Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les Catégories socioprofessionnelles, op. cit., p. 28. 4 Code des métiers : index alphabétique détaillé, Paris, Imprimerie nationale, 1968.
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assistantes sociales (89.72)1. La véritable reconnaissance des métiers de l’animation par
la statistique officielle date de 19752. En effet, l’INSEE, en utilisant le Code des métiers
pour le dépouillement du recensement, distingue alors, parmi les « Cadres moyens »,
des Professionnels de l’animation culturelle (code 89.04)3 dans les Services sociaux
(89), des Animatrices scolaires intégrées à la catégorie Enseignants de l’enseignement
primaire et technique court et assimilés (90.03), des Animateurs (ou moniteur) de centre
social intégrés à la catégorie Éducateur spécialisé, moniteur de centre social (89.17), des
Animateurs de formation continue (90.02)4. Que les animateurs soient d’abord assimilés
aux assistantes sociales, puis certains d’entre eux aux instituteurs et aux éducateurs spé-
cialisés, indique leur proximité avec l’école et le travail social. En 1978, le CEREQ
(Centre d’études et de recherches sur les qualifications) distingue, dans le Répertoire
français des emplois, « l’Animateur socioculturel » du « Responsable de secteur pour
des activités socioculturelles5 ».
En 1982, le nouveau code vise à articuler les nomenclatures de professions et catégories
socioprofessionnelles. L’INSEE place alors les « Animateurs socioculturels et de loi-
sirs » (43.33) dans la catégorie « Professions intermédiaires de la santé et du travail so-
cial » (43)6 qui se substitue, pour partie, aux « Services médicaux et sociaux » (42) qui
étaient intégrés au groupe des « Cadres moyens » (classe 4)7. Cette catégorie « Profes-
sions intermédiaires de la santé et du travail social », qui représente, en 2000, 3,7 % de
la population active et rassemble pour moitié des infirmières, fait partie du groupe des
professions intermédiaires (environ 20 % de la population active en 2000). La catégorie
1 Le Code des catégories socioprofessionnelles de 1962 (4e édition) mentionne cependant la catégorie « Employée de garderie d’enfants, de crèche, de pouponnière » (code métier 86.84) au sein de la catégorie socioprofessionnelle des « Autres personnels de service ». 2 Par ailleurs, concernant l’ANPE, en 1974, le secteur n° 37 du ROME, « Services sociaux, services récréatifs, cultu-rels et sportifs » était « non traité ». En 1975, une fiche mentionne « l’animateur socio-éducatif » puis plusieurs en 1976 : animateur (tourisme-loisirs), technicien d’animation (tourisme-loisirs), animateur socio-éducatif, chef anima-teur (tourisme-loisirs), animateur socioculturel du ministère de l’Agriculture, moniteur d’enfants (tourisme-loisirs). 3 Animateur (ou moniteur) de centre culturel, de maison de jeunes, de foyer, de centre de vacances ; Animateur so-cioculturel ; Directeur de centre culturel, de maison de jeunes, de foyer, de centre de vacances ; Directeur de station (de tourisme) ; Directeur (d’office de tourisme). 4 Code des métiers, Paris, INSEE, 1975. 5 Répertoire français des emplois, cahier 8 : Les Emplois types des activités sociales, socioculturelles et de conseil, Paris, La Documentation française, 1978. 6 Les animateurs sont alors habituellement classés parmi les « travailleurs sociaux ». Cf. Jacques Ion, Jean-Paul Tri-cart, Les Travailleurs sociaux, Paris, La Découverte, 1984. 7 Par ailleurs, cette nomenclature ne reconnaît plus qu’une classe de cadres, les « Cadres et professions intellectuelles supérieures ».
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43.33 agrège trois professions « typiques » (Animateur culturel, Animateur socio-
éducatif, Directeur de maison de jeunes) et vingt « professions assimilées » relativement
dissemblables : Animateur de bibliothèque enfantine, animateur de travaux manuels,
Conseiller d’éducation populaire, Directeur de centre culturel, Moniteur de colonies de
vacances, Permanent de mouvement de jeunesse, etc.
Depuis la rénovation de la nomenclature en 20031, les animateurs socioculturels et de
loisirs sont regroupés dans la catégorie 435b qui exclut les cadres2. À présent, ceux-ci
relèvent, au sein des professions intermédiaires de la santé et du travail social, de deux
nouvelles catégories. Les « Cadres de l’intervention socio-éducative » (434a, 37 000
individus en 2005) comprennent des « Responsables de services3 » et quelques assimi-
lés (Directeurs de centre social, de foyer de jeunes travailleurs ou de maison d’enfants)
auparavant intégrés aux animateurs. Les « Directeurs de centres socioculturels et de loi-
sirs » (435a, 12 000 individus en 2005) « dirigent des entreprises ou des institutions
chargées d’élaborer et de mettre en œuvre des projets d’animation ». Ils rassemblent les
« Directeurs d’établissement social ou médico-social » et des assimilés autrefois parmi
les « Animateurs » (Directeurs de centre culturel ou de maison de jeunes). Les profes-
sionnels qui assurent des tâches d’encadrement, d’expertise ou de direction ne font donc
plus partie du même ensemble, à l’exception de deux professions assimilées : les
« Conseillers d’éducation populaire » et les « Permanents de mouvement de jeunesse ».
Ainsi, le directeur de maison de jeunes, une des « professions les plus typiques » de
l’ancienne catégorie 43.33, n’est plus comptabilisé parmi les animateurs.
En étudiant les caractéristiques des individus qu’il regroupe et des emplois dans les-
quels ils travaillent, soit leur marché du travail, nous tenterons d’observer les effets de
la structuration du groupe professionnel sur les populations qui le composent. Nous
nous inscrirons ainsi dans la perspective ouverte par la sociologie de l’emploi et appré-
henderons la professionnalisation comme l’organisation progressive du métier en car-
1 Cette rénovation a été engagée en 1996. Jean-David Fermanian, « La Rénovation de la nomenclature des profes-sions et catégories socioprofessionnelles », in Pierre-Michel Menger (dir.), Les Professions et leurs Sociologies, op. cit., p. 75-81. 2 Il faudrait étudier les luttes pour les classements sociaux qui ont abouti à ce résultat. 3 Responsable de service social ou éducatif ; Conseiller socio-éducatif des collectivités locales ; Responsable de cir-conscription, etc.
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rière1. Auparavant, nous décrirons le volume de la population et sa distribution en fonc-
tion des indicateurs habituels des déterminants sociaux, avec les variables sexe, âges,
statut matrimonial, origines sociales, niveaux de formation, etc.
La taille de l’échantillon limite la précision de la mesure des évolutions. C’est pourquoi
des moyennes mobiles sur 3 ans ont parfois été utilisées pour quantifier les résultats.
Une moyenne mobile (appelée aussi « moyenne glissante ») est un indicateur qui fait la
moyenne sur un certain nombre de périodes (ici 3). Elle permet de montrer une tendance
et de relativement s’affranchir de données erratiques ou ponctuellement aberrantes.
1 Pierre Naville, « L’Emploi, le Métier, la Profession », in Georges Friedmann, Pierre Naville (dir.), Traité de socio-logie du travail, vol. 1, Paris, Armand Colin, 1961, p. 237.
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1. Multiplication et féminisation
des agents de l’animation
1.1. La croissance des effectifs est-elle terminée ?
Depuis 1975, les effectifs d’animateurs vont croissant (Graphique 2). Selon le recense-
ment, les animateurs sont passés de 46 643 à 100 750 individus entre 1982 et 1999
(x 2,2), et, pour l’enquête Emploi, de 49 494 en 1983 à 110 447 en 2002 (x 2,2). Les
deux enquêtes présentent une même tendance à l’explosion des effectifs. Les animateurs
socioculturels constituent donc aujourd’hui un groupe professionnel important. Cette
augmentation est bien supérieure à celle de la catégorie dans laquelle ils sont intégrés :
entre les recensements de 1982 et 1999, les effectifs des professions intermédiaires de
l’enseignement, de la santé, de la fonction publique et assimilées n’ont augmenté que de
35 %1.
Cette évolution semble suivre trois étapes, trois âges de l’animation : après deux pério-
des de forte croissance dans les années 1980 (1982-1988) et 1990 (1989-1999), la popu-
lation stagne depuis 2000, la courbe présentant la forme d’une asymptote, autour de
110 000. En effet, en ajoutant aux « Animateurs socioculturels et de loisirs » les quel-
ques milliers de directeurs (centres sociaux, FJT, MJC) exclus de cette catégorie des
1 Taux calculé à partir de Thomas Amossé, « L’Espace des métiers de 1990 à 1999 », INSEE Première, juillet 2001.
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animateurs depuis 2003, on arriverait à environ 110 000 individus entre 2003 et 2005.
Un plateau à 110 000 animateurs se serait ainsi stabilisé depuis l’année 2000. Par ail-
leurs, l’acmé de 1999, s’il n’est pas un accident statistique, pourrait résulter des em-
plois-jeunes1. En expansion depuis les années 1960, le groupe professionnel des anima-
teurs subirait-il à présent un tassement de ses effectifs ?
Quatre fois moins nombreux que les assistantes maternelles, environ quatre fois moins
que les instituteurs et professeurs des écoles réunis, les animateurs sont, en 2004, autant
que les éducateurs spécialisés2 ou les formateurs3, et deux fois plus nombreux que les
assistants de service social.
Graphique 2. Les effectifs d’animateurs selon différentes sources (1975-2005)
10 000
30 000
50 000
70 000
90 000
110 000
130 000
1975
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Recensement 1975
Recensements 1982-1990-1999
Enquêtes Emploi
Enquêtes Emploi, avec, à partir de 2003, les directeursde centres socioculturels et de loisirs (PCS 435a)
Source : INSEE, enquêtes Emploi. Tous les tableaux et graphiques suivants ont pour source l’enquête Emploi.
Cette multiplication, qui renvoie à un « phénomène urbain4 » (Graphique 45, p. 112)
puisque environ la moitié des animateurs résident en Île-de-France, en Rhône-Alpes ou
1 En effet, selon une enquête de la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’Emploi), un quart des embauches, entre 1998 et 2001, se font sur des emplois d’animation. Vanessa Bellamy, « Nouveaux Services emplois jeunes en 2001 : tassement des créations de postes et des embauches », Pre-mières Informations et Premières Synthèses, DARES, n° 46.1, novembre 2002. 2 Les éducateurs spécialisés sont plus nombreux que les animateurs si on leur adjoint les 20 000 moniteurs éducateurs et les 25 000 éducateurs techniques spécialisés, moniteurs d’atelier. 3 Sans les 20 000 cadres spécialistes de la formation. 4 Louis Wirth, « Le Phénomène urbain comme mode de vie », in L’École de Chicago, Yves Grameyer, Isaac Joseph (textes traduits et présentés par), Paris, RES Champ urbain, Aubier, 1990.
-
29
en Provence-Alpes-Côte d’azur, ne s’est pas faite sans bouleversements. On constate,
entre autres, une féminisation du groupe professionnel1.
1.2. De plus en plus de femmes
Le sexe est un déterminant des statuts, notamment dans la famille, à l’école et dans
l’emploi. En France, le taux de féminisation de la population active s’élève à environ
46 %. La féminisation du groupe professionnel des animateurs croît fortement depuis le
milieu des années 1990 (Graphique 3). Les femmes représentent 56 % des animateurs
en 1982 ; en 2002, près des trois quarts (71 %) des membres du groupe sont des fem-
mes, un taux de féminisation semblable à celui des professions de la santé et du travail
social. En effet, en 2002, les femmes sont presque à parité (47,2 %) dans les professions
intermédiaires mais elles atteignent 76,9 % des professions de la santé et du travail so-
cial. Les professions qui ont créé, par ailleurs, en net, le plus d’emplois pour les femmes
entre 1982 et 1999 sont celles d’assistante maternelle et de travailleuse familiale2.
Graphique 3. Des femmes et des hommes (1982-2005)
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
70 000
80 000
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
hommes
femmes
1 Par ailleurs, la part des « Français de naissance », qui tend à baisser (97 % en 1982, 92 % en 2002), est semblable à celle de l’ensemble de la population active (les étrangers sont en proportion plus importante parmi les ouvriers et les employés de service). En 2004, 10 % des animateurs sont nés à l’étranger. 2 Thomas Amossé, Olivier Chardon, « La Carte des professions (1982-1999) : le marché du travail par le menu », Données sociales 2002-2003 : la société française, Paris, INSEE, p. 215-223. Seules 7 % des assistantes maternelles (une profession d’employée peu qualifiée) ont moins de 35 ans.
-
30
Les femmes sont particulièrement présentes parmi les 15-24 ans (79,1 %) et parmi les
35 ans et plus (72,4 %). La proportion inférieure de femmes dans la tranche d’âge des
25-34 ans (65,7 %) laisse à penser qu’une petite partie d’entre elles abandonnent alors le
métier au profit d’un autre emploi ou/et du rôle de mère. Si généralement, lorsqu’arrive
un enfant, les interruptions sont de courte durée, les moins diplômées et les travailleuses
précaires sortent davantage du marché du travail. En outre, parmi les ajustements possi-
bles, la baisse du temps de travail reste l’affaire des mères1.
L’institutionnalisation de la profession va donc de pair avec la féminisation. Dans les
années 1970, les animateurs sont des (jeunes) hommes, 78 % d’après l’étude du FON-
JEP2, 77 % selon une enquête effectuée en 1976 et 1977 en Dordogne et dans les Bou-
ches-du-Rhône pour le compte de la Délégation à la recherche scientifique et technique
(DGRST)3. Pourquoi, alors, la féminisation ? Sans doute en raison d’une autre défini-
tion du métier. Avec l’expansion des « loisirs », l’encadrement des enfants est l’objet, à
compter des années 19604, d’une redéfinition créatrice. Elle se traduit par l’amorce
d’une professionnalisation d’activités traditionnellement féminines, la transformation
des garderies (maternelles) en centres de loisirs et des gardiennes en « animatrices5 ».
Il faut se placer dans le long terme pour examiner les modifications de la structure de
l’emploi des femmes. Depuis le milieu du XIXe siècle, les ouvrières représentent environ
le quart de la population active féminine, mais, en un peu plus d’un siècle, les paysan-
nes et les domestiques sont supplantées par les employées et les cadres, le basculement
intervenant vers 1960, quand s’amorcent la tertiarisation et la féminisation du salariat6.
Ainsi, les « bonnes », évoquées par Karine Vasselin, sont devenues « gens de maison »
1 Ariane Pailhé, Anne Solaz, « Vie professionnelle et Naissance », Population et Sociétés, bulletin mensuel de l’INED, nº 426, septembre 2006. 2 Gabriel Vessigault, Unité et Diversité de la fonction d’animateur socio-éducatif, op. cit., p. 30. 3 Pierre Moulinier, « L’Animation un métier pas comme les autres », Pour, n° 59, mars-avril 1978, p. 13. 4 Raymond Mège, L’Animateur de loisirs collectifs, Paris, Éditions du Centurion (Bonne Presse), 1961. 5 Francis Lebon, « Des “mamies tricoteuses” aux animatrices de centres de loisirs maternels (1970-1973) », colloque Histoire des cadres de jeunesse et d’éducation populaire (de 1918 à 1971), 22 novembre 2003. À paraître en 2007, in Françoise Tétard, Valérie Brouselle, Jean-Paul Egret (dir.), Paris, La Documentation française. Alors que le patro-nage vise la période de l’enfance que Durkheim appelle la « seconde enfance », celle de l’école primaire où l’enfant commence à sortir du cercle familial, le centre de loisirs, contemporain de la généralisation de l’école maternelle, est le témoin d’une action sociale qui s’étend sur toute la période de l’enfance. 6 Olivier Marchand, Claude Thélot, Deux siècles de travail en France, Paris, INSEE, 1991, p. 184-185.
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31
puis « femmes de ménage1 » et, insensiblement, selon le contexte d’exercice de
l’activité, « assistantes maternelles » ou « animatrices », en dépit du discrédit porté sur
le travail des femmes issues des classes populaires dans ce secteur2. Cette apparition
témoigne de l’émergence de nouvelles fonctions dans le mouvement de recomposition
de la division du travail3. Les professions s’établissent en effet en se démarquant les
unes par rapport aux autres. Ainsi, les infirmières, qui exercent un métier fortement
marqué par l’héritage religieux, ont pu définir le cadre de leur profession par rapport
aux médecins, en amont, et aux filles de salles (« aides-soignantes »), en aval, en reven-
diquant le caractère « soignant » et « éducatif » de leur rôle, par opposition aux fonc-
tions de ménage proprement dites4.
1.3. Une population restée jeune
L’âge, construction culturelle en jeu dans la définition des différentes étapes du vieillis-
sement social, se réfère à la division sociale du travail. L’animation apparaît comme un
jeune métier, exercé par les jeunes, pour les jeunes. Depuis 1982, la moyenne d’âge des
animateurs oscille entre 32 et 34 ans, ce qui ancre la profession du côté de la jeunesse
(la moyenne d’âge des enseignants, par exemple, est de 42 ans), dans un contexte où
l’allongement des transitions professionnelles et la prolongation du temps des expérien-
ces tendent à repousser toujours plus tard l’âge d’accès à un plein statut adulte. La forte
décroissance des effectifs après 32 ans constitue un signe des difficultés à poursuivre
une carrière dans cette profession5, même si l’on sait par ailleurs que le passage des jeu-
nes par des emplois peu qualifiés est une règle assez générale quand on démarre dans la
vie active6.
1 Karine Vasselin, « Faire le ménage : de la condition domestique à la revendication d’une professionnalité », in La Révolution des métiers, Françoise Piotet (dir.), Paris, PUF, 2002, p. 77-98. 2 Ainsi, en 1959 : « Les femmes qui se proposent pour garder des enfants le font souvent parce que leur santé ne leur permet pas d’assurer un véritable travail professionnel. » Marie-Madeleine Réty, « Que font les enfants le jeudi ? », Éducateurs, Éditions Fleurus, n° 80, 1959, p. 135. 3 Geneviève Latreille, La Naissance des métiers, 1950-1970 : études psychosociales, Lyon, PUL, 1980. 4 Jacques Saliba, Brigitte Bon-Saliba, Brigitte Ouvry-Vial, Les infirmières, ni nonnes, ni bonnes, Paris, Syros, 1993. Françoise Acker, Anne-Marie Arborio, « Infirmière et Aide-Soignante » in Dominique Lecourt (dir.), Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, PUF, 2004, p. 646-652. 5 En effet, les taux d’activité des Français dépassent les 80 % entre 25 et 54 ans. 6 Catherine Béduwé, « L’Emploi non qualifié dans les trajectoires professionnelles de jeunes débutants », in Domini-que Méda, Francis Vennat (dir.), Le Travail non qualifié : permanences et paradoxes, Paris, La Découverte, 2005, p. 269-281.
-
32
En 2002, les moins de 35 ans représentent environ les deux tiers de la population. Près
du quart de la profession est âgé de 25-29 ans (23 %), une proportion équivalente aux
45 ans et plus (20,4 % ; Graphique 4). La part des animateurs les plus jeunes (15-
24 ans), qui a baissé entre 1988 et 2000 (de 30 à 19 %), représente 28 % du groupe en
2005 (Graphique 5).
À l’examen de la répartition par âge et par sexe, les animateurs ressemblent aux ven-
deurs (en habillement, produits de beauté, fleurs, ameublement), serveurs de restaurant,
agents des services commerciaux des transports de voyageurs et du tourisme1
(Graphique 14, p. 46).
Graphique 4. Pyramide des âges (2002)
20 000 15 000 10 000 5 000 0 5 000 10 000
15-19 ans
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35-39 ans
40-44 ans
45-49 ans
50-54 ans
55 ans et plus
Nombre d'individus
Femmes
Hommes
1 Certaines autres professions « jeunes » sont davantage féminines : coiffeuses, caissières, agentes et hôtesses d’accueil. Données enquête Emploi 2004.
-
33
Graphique 5. Évolution de la part des 15-24 ans,
des 25-39 ans et des 40 ans et plus (1984-2005)
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
40 %
45 %
50 %
55 %
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
15 à 24 ans25 à 39 ans40 ans et plus
De quelle nature est le clivage générationnel à l’intérieur du groupe des animateurs ? La
nouvelle nomenclature de 2003 cristallise la division du travail entre jeunes animateurs
et cadres de l’animation : les 40 ans et plus représentent la majeure partie des directeurs
de centres socioculturels et de loisirs (70 % en 2004) qui sont, par ailleurs, au deux tiers
des hommes jusqu’en 2004. En d’autres termes, les hommes relativement âgés parais-
sent encadrer les jeunes animatrices. Mais cette fracture au sein du monde de
l’animation entre les âges et les sexes existe-t-elle au niveau local et à l’échelle d’un
employeur ? La répartition est-elle homologue ?
1.4. Des secteurs d’activité publics, associatifs et sociaux
Les nomenclatures d’activités et de produits ont été élaborées en vue de faciliter
l’organisation de l’information économique et sociale, avec une finalité statistique. Elles
se construisent à partir du code « activité principale exercée » (APE) attribué par
l’INSEE (au moment de la création de l’entreprise) et notamment utilisé pour détermi-
-
34
ner le champ d’application des conventions collectives1. Il n’existe pas de codes
d’activités spécifiques à l’animation, ce qui constitue un obstacle à la visibilité de ce
secteur. De plus, des activités d’animation sont mises en œuvre par des établissements,
comme les collectivités locales, dont ce n’est pas la mission première. Rappelons ce-
pendant que nous nous intéressons ici aux secteurs d’activités des animateurs, sans
chercher à dénombrer les établissements qui auraient une activité d’animation.
D’après les classes à deux chiffres de la nomenclature d’activités et de produits (NAP)
de 1973, plus de 90 % des animateurs, au cours des années 1980, relèvent, par ordre dé-
croissant, des activités suivantes : Services récréatifs, culturels et sportifs (environ un
quart), Administration générale (environ un quart), Service divers fournis à la collectivi-
té, Service des hôtels, cafés, restaurants, Services d’action sociale, Action sociale, En-
seignement. À un niveau plus détaillé de l’activité des employeurs, « l’administration
locale » occupe le premier rang (Graphique 6 et Graphique 7).
Graphique 6. Nomenclature d’activités et de produits (NAP),
niveau 600, effectifs (1984-1989)
-
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
1984 1985 1986 1987 1988 1989
Administration locale (collectivitéslocales)
Services fournis à la collectivité :diverses associations
Gestion d’équipements socio-éducatifs : MJC, foyers ruraux, etc.
Établissements pour l’enfanceprotégée, handicapée ou inadaptée
Installations d’hébergement àéquipements développés
Organismes locaux d’action sociale :centres sociaux, caisse des écoles,etc.Établissements pour personnes âgées
Services rendus par les servicesextérieurs des autres administrations
Services des foyers d’étudiants et dejeunes travailleurs et des résidencesuniversitaires
1 Les codes APE ne sont pas identiques à la NAF. Ainsi, le champ d’application de la convention collective men-tionne les codes « Associations culturelles socio-éducatives et de loisirs » (9616 et 9623), « Uniquement les centres de vacances et de loisirs » (6712), « Uniquement les auberges de jeunesse » (6713), etc.
-
35
Graphique 7. Nomenclature d’activités et de produits (NAP),
niveau 600, pourcentages (1984-1989)
0%
5%
10%
15%
20%
1984 1985 1986 1987 1988 1989
Administration locale (collectivitéslocales)
Services fournis à la collectivité :diverses associations
Gestion d’équipements socio-éducatifs : MJC, foyers ruraux, etc.
Établissements pour l’enfanceprotégée, handicapée ou inadaptée
Installations d’hébergement àéquipements développés
Organismes locaux d’action sociale :centres sociaux, caisse des écoles,etc.
En 1993, l’INSEE a mis en place la nouvelle nomenclature d’activités française (NAF),
découpée en cinq niveaux à partir d’une codification s’effectuant sur quatre positions
(trois chiffres et une lettre). En 2002, en combinant les troisième et quatrième niveaux
(60 et 220) de la NAF, l’activité principale des employeurs des animateurs relève de six
grands domaines : l’administration générale (26 %), les activités associatives (21,8 %),
la santé et l’action sociale (21,7 %), l’enseignement et la formation (9 % dont 6,2 %
dans l’enseignement maternel et élémentaire), les activités récréatives, culturelles et
sportives (13 %, dont 3,9 % d’activités liées au sport et 2,1 % à la gestion des salles de
spectacles), des moyens d’hébergements de courte durée (4,3 %)1. Mais au niveau le
plus fin (cinquième niveau), qui comprend 700 classes, il semblerait que les collectivi-
tés locales progressent en valeur relative (Graphique 8, moyenne mobile sur trois ans à
partir de 1993).
1 Centres et villages de vacances, gîtes, foyers d’étudiants, foyers de jeunes travailleurs, etc.
-
36
Graphique 8. Principales NAF (%), niveau 700 (1993-2005)
-
5
10
15
20
25
30
35
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Administration publiquegénérale
Organisations associativesn.c.a.
Autres formes d'actionsociale
Enseignement primaire
Autre hébergementtouristique
Autres activités sportives
Crèches et garderiesd'enfants
Accueil des personnesâgées
Tableau 1. Définitions des principales NAF des animateurs, niveau 700
Organisations associatives non classées ailleurs Militante ou à caractère culturel et récréatif
Administration publique générale États, régions, département, communes
Autres formes d’action sociale
Coordination, animation et orientation en matière d’action sociale des administrations ; actions socio-éducatives en milieu ouvert à destination des enfants, adolescents, adultes et familles ; activités d’administration générale et de collecte des organismes d’action sociale ou caritative à compétence générale ou spécialisée (par exemple : Croix-Rouge, Médecins sans frontières, œuvres d’adoption)
Enseignement primaire Enseignement préscolaire (maternelles) et enseignement élémentaire
Crèches et garderies d’enfants Cette classe comprend aussi les activités des assistantes maternelles
Autre hébergement touristique Maisons familiales, centres et villages de vacances, cen-tres de vacances pour enfants et adolescents, gîtes
Gestion de salles de spectacles Concerts, théâtres, music-halls, maisons de la culture, etc.
Autres activités sportives Activités de promotion et d’organisation d’activités et de manifestations sportives Accueil des personnes âgées Hospices, maisons de retraite, logements foyers, etc.
La nomenclature d’activités française a été révisée en 2003 (elle le sera de nouveau à
compter de janvier 2008 afin de favoriser les comparaisons internationales). En 2004,
-
37
l’activité économique de l’établissement de l’emploi principal des animateurs (NAF en
16 postes) relève des Administrations (56 %), des Services aux particuliers (19 %) et du
secteur Éducation, santé, action sociale (19 %). Dans la NAF en 36 postes,
l’établissement procède des catégories suivantes : Administration publique (34 %), Ac-
tivités associatives et extraterritoriales (22 %), Santé, action sociale (15 %), Activités
récréatives, culturelles et sportives (14 %), Hôtels et restaurants (4 %), Éducation (4 %).
Depuis 1982, la majorité des animateurs (entre 50 % et 60 %) travaillent pour un éta-
blissement public. En 2004, les catégories juridiques de l’entreprise sont d’abord la
commune (pour un tiers des individus) et l’association déclarée (un tiers). Comparée
aux années 1970, la part des employeurs associatifs semble en forte décrue. En 1973,
une enquête du FONJEP menée auprès de 5 000 animateurs révèle que pour 90 %
d’entre eux, l’employeur est une association1. À présent, le clivage majeur qui distingue
communément dans le monde social les fonctionnaires des salariés du privé2 concerne
donc peu les animateurs. En outre, si 96 % des animateurs exercent, en 2005, leur pro-
fession pour un seul employeur (est-ce un effet de l’enquête Emploi ?)3, le statut de ce
dernier semble parfois incertain si l’on en croit l’importance de la troisième modalité
(16 %) constituée par les « Sans objet (n’a pas d’emploi) ou non renseigné (échec
d’identification avec le répertoire SIRENE4) ». Ce dernier point s’explique sans doute
par le caractère mixte et hybride (public / privé) des conditions d’exercice du groupe
professionnel. En effet, l’initiative « privée » se conjugue souvent au financement mu-
nicipal par une sorte de pratique libérale du service public. Par ailleurs, près de 5 % des
animateurs (n= 4 671) ont un employeur dont l’activité est commerciale (société à res-
ponsabilité limitée, SA, etc.).
1 Gabriel Vessigault, Unité et Diversité de la fonction d’animateur socio-éducatif, op. cit. 2 François de Singly, Claude Thélot, Gens du privé Gens du public : la grande différence, Paris, Dunod, 1989. 3 En 2004, en Alsace, à partir des données DADS (déclarations annuelles de données sociales, qui permettent d’appréhender les situations de multisalariat), la direction régionale de l’INSEE estime que plus d’un tiers des 7 700 animateurs salariés travaillent simultanément ou successivement pour plusieurs employeurs. Jacques Trautmann, Rachel Levy, Sébastien Mainhagu, Myriam Niss, Marie-Claude Rebeuh, avec la collaboration de Mayette Gremillet, Les Métiers de l’animation en Alsace, étude pour la direction régionale et départementale de la Jeunesse et des Sports d’Alsace et du Bas-Rhin, mars 2007, p. 29. 4 Il s’agit, pour au moins un tiers d’entre eux, des contractuels de l’État ou des collectivités locales.
-
38
-
39
2. Origines sociales et formation
L’augmentation continue de la scolarisation a bouleversé les enjeux de la division du
travail et donc des carrières professionnelles possibles. L’école joue à présent un rôle
déterminant dans l’accès aux positions sociales et professionnelles, en particulier dans
les classes moyennes où elle est la base de hiérarchisation de la qualification profes-
sionnelle. Le diplôme, qui peut constituer une norme de recrutement, conditionne
l’accès à l’emploi, même s’il n’est pas défini comme une condition légale d’exercice.
2.1. Des niveaux d’études très variés
Les animateurs ont un niveau général de formation supérieur à celui de la population
active1. En 1982 comme en 2005, environ les trois quarts des animateurs (de 60 à 80 %
sur toute la période) ont un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. La proportion de
ceux qui possèdent le bac et plus (Graphique 9) est plus basse que celle des professions
intermédiaires (54 % contre 65,5 % en 1999).
1 Comparaison sur les 25-49 ans en 2002. L’écart est cependant moins net si l’on ne prend en considération que les jeunes. En effet, en 2004, dans la population active âgée de 25 à 34 ans, le pourcentage de bacheliers ou plus est de 54,3 % parmi les hommes (65 % chez les animateurs) et de 68,3 % parmi les femmes (65 % chez les animatrices).
-
40
Graphique 9. Possède le bac ou plus (1982-2005)
40%
45%
50%
55%
60%
65%
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
La physionomie de la courbe, sous forme de « V », indique une tendance surprenante.
Dans un contexte de massification de l’enseignement secondaire et supérieur, la part des
bacheliers et diplômés du supérieur de notre population s’effondre jusqu’en 1993.
Comment expliquer cette baisse ?
En valeur absolue, le nombre des « bacheliers et plus » progresse peu jusqu’en 1993 (de
24 000 à 34 000 individus) alors que le nombre de ceux qui n’ont aucun diplôme ou un
diplôme inférieur au bac augmente fortement (18 000 en 1982, 45 000 en 1993). À par-
tir de 1994, le nombre de « bacheliers et plus » croît plus fermement. Pour expliquer cet
afflux d’agents peu diplômés, on peut émettre l’hypothèse que les nombreux organis-
mes créés dans les années 1980 et 1990 avec la vocation de remettre le pied à l’étrier de
jeunes en voie d’exclusion ont utilisé l’animation comme voie d’insertion profession-
nelle.
-
41
Graphique 10. Diplôme le plus élevé obtenu (1982-2005)
-
5 000
10 000
1