Martine ChomentowskiDocteure en Sciences de l’Éducation
Coordinatrice du CASNAV, formatrice DAFOR
de l’académie de Paris
" Les enjeux de l'apprentissage en français langue seconde : comprendre le plurilinguisme précoce pour permettre la réussite des enfants allophones"
Les « emballements de l’oral »Les stéréotypesLa notion de culture est toujours dynamique
organisation du propos
1ère partie du propos : les constats
� qui sont les élèves que nous désignons comme « enfants de migrants »
� le corollaire enfant de migrants / échec scolaire est-il une réalité ?
� peut-on légitimement poser qu’à CSP égale les enfants de migrants seraient plus en difficulté que les autres en regard des apprentissages scolaires ?
� y peut-on (à définir !) quelque chose ?
2ème partie : les questions que font émerger les constatsquels liens entre la construction de la langue et l'élaboration des processus de pensée ?
� les apports de la psychanalyse et de la clinique transculturelle :langue maternelle et construction de l’identité
� les apports de la psycholinguistique et des sciences cognitives
� les apports de la linguistique : la didactique du FLE / FLS /FLSCO
Les constats
Dans une publication de l’observatoire des inégalités , qui constituait jusqu’à très récemment la seule recherche àpropos du corollaire enfants d’immigrés/échec scolaire, il apparaissait qu’à l’entrée en sixième, « les résultats obtenus aux évaluations nationales par les élèves dont les deux parents sont immigrés, se situent à un niveau identique àceux des élèves étrangers, soit près de dix points au dessous de la moyenne nationale ».
Observatoire des inégalités, « Les élèves étrangers à la peine », 31 janvier 2005
Spécificité des élèves Français Maths
Élèves de nationalité française 67,9% 65,3%
Élèves de nationalité étrangère 57,6% 54,6%
Ensemble 67,3% 64,5%
Élèves de parents français de naissance
68,3% 65,8%
Élèves dont la mère seule est immigrée
68,1% 65,5%
Élèves dont le père seul est immigré
65,9% 62,4%
Élèves dont les deux parents sont immigrés
58,6% 54,9%
En 1995,déjà, des recherches universitaires convergentes et Marie-Rose Moro nous alertaient
� retard de langage en français� très accentué au moment de l’entrée en 6ème
� difficultés installées comme autant de pôles de résistances
En 2003,l’analyse des évaluations PISA montre que, dans la plupart des pays, les enfants qui, à la maison, parlent une autre langue que la langue de l’enseignement ont de moins bons résultats scolaires, et ce dans tous les pays européens de l’étude OCDE.
et en 2008 le rapport « Éducation, migrations, inégalités et intégration en Europe » est publié par l'INRP
Le rapport « Éducation, migration, inégalités et intégration en Europe »
� Dans le cadre de la mise en œuvre de son programme de travail « Éducation et formation 2010 », la
Commission européenne a constitué un Réseau européen d’experts en sciences sociales de l’éducation et de la formation (NESSE). L’un des axes de travail de ce réseau porte sur « éducation, migration, inégalités, exclusion sociale ». Diverses problématiques peuvent être abordées : les différences linguistiques et culturelles entre domicile et école, le statut des parents immigrés et l’identité des migrants dans la société d’accueil. Le questionnement concerne aussi bien les nouveaux arrivants que les enfants de deuxième ou troisième génération. Quant à l’égalité des chances, elle se traduit aussi bien en termes d’accès à l’emploi (« intégration professionnelle »), d’offre de formation pour les migrants nouvellement arrivés, quel que soit leur âge, qu’en termes de résultats scolaires et, plus généralement, d’accès aux savoirs.
� Pourquoi certains enfants ou petits-enfants de migrants ne réussissent-ils pas à l’école ? Quelle est l’ampleur de cet « échec scolaire » ? A-t-il les mêmes fondements que celui des enfants de milieux défavorisés ? Et si non, pourquoi ? Cette situation, que nous abordons avec un regard français est-elle identique dans tous les pays de l’Union européenne ? Comment ces mêmes pays abordent-ils l’éducation et la socialisation des enfants de migrants ? Pourquoi se focalise-t-on sur les problèmes des enfants de la deuxième génération ? Jusqu’à quand un enfant est-il un enfant d’immigré ? Ne s’agit-il pas d’un ressenti qui perturbe les consciences aussi bien des familles, des élèves, des enseignants et de la société de manière générale ?
http://www.inrp.fr/vst
La résolution du parlement européen du 2 avril 2009 entérine cet état de fait et somme les gouvernements d'y remédier.
Elle met en avant une orientation excessive vers des filières spécialisées, signe possible d’un « biais culturel de diagnostic » et n’ayant pas forcément d’intérêt pour les élèves concernés
Elle propose des mesures pour mettre fin à l’échec scolaire des enfants de migrants. Ces mesures portent
� sur la nécessité de s'interroger sur l’inclusion des enfants de migrants et des minorités dans l’éducation ordinaire
� sur la nécessité d'une formation linguistique spécifique soucieuse d’éviter leur mise à l’écart.
� et par voie de conséquences, elles préconisent une formation adaptée des enseignants, prenant en compte cette diversitéinéluctable des apprenants (Field, Kuczera et Pont, 2007).
les questions que font émerger les constats quels liens entre la construction de la langue et l'élaboration des
processus de pensée ?
� Ce qui est vrai pour tous :ce ne sont ni les enseignants ni les orthophonistes qui apprennent à
parler à l'enfant. C'est un exercice de sa qualité d'humain et il y est invité d'abord par sa famille ( FLM /FLE /FLS)
les apports de la psychanalyse, de la clinique transculturelle, de la linguistique et de la psycholinguistique
langage et langue / le monde à petite dose
� Ce qui ne va pas de soi pour les enfants de migrants : quelques aléas dans la construction de la langue seconde non
médiatisée (écouter, entendre, intégrer, dire, raisonner (inférer), apprendre …)
Dès la maternelle, l'élaboration des processus cognitifs est fragilisée par l'absence de contenus et de procédures fiables.
Je regarde : je vois des serpents
Je regarde : je vois des serpents
Je regarde mieux : il y a des têtes et …
Je regarde mieux
1- perception / je vois des bonhommes
2- ils ne sont pas tous pareils
je regarde plus attentivement / plusieurs niveaux de tri
Et même pour penser la réalité, en 3D
Un second problème à trait à l'impact des formulations mal maitrisées
Car la part n'est pas toujours facile à faire entre ce qui relève de la notion ou du concept et ce qui ne renvoie qu'à l'expression.
�La construction des concepts est réellement mise à mal par des relais linguistiques précaires
un exemple : le concept de surfaceen CE2, en CM2
Dans la cour parterret ses une face. Une table ses une surface. C'est comme ici on est tout seul dans le déser. Une surface ses des routes enfin quelque choses dans se genre, je sais pas si peut être ses des objets
Une surface je ne ses pas quesqueses
Une surface du ne mer avec des pédalaus et des bateaux et le soleil
Je ne c'est pa ce que sa ve dir
Une surface c'est la France est ces pei
que veut dire surface ? une hauteur. Par quel mot je pourrais le remplacer ? haut
Surface signifie (pour moi)côté : par exemple un mur
Sur ce qu'on marcheLe plencher
L'effet : "Le renard et la cigogne"
En fait les problèmes rencontrés par les enfants semblent résider dans la trop lourde charge cognitive qu'impose la gestion simultanée
- de l'apprentissage de la langue seconde non médiatisé- et la rencontre de notions et de connaissances dont la
catégorisation ne peut être effective faute d'un véhicule linguistique et langagier efficient
les apports de la linguistique et de la didactique des langues.
Permettre aux enseignants de concevoir une pédagogie adaptée aux élèves bi/plurilingues précoces en les aidant à identifier
� les erreurs liées aux interférences culturellesTemps / espace /concepts
� les confusions liées à l'absence d'accompagnement phonétique et phonologique (sons et prosodie)
� les étapes liées aux interférences linguistiques certaines erreurs sont la marque d'une étape fondamentale de la
construction de la langue seconde. L'enfant essaie de transposer le système qu'il connait sans qu'aucune aide ne lui permette de partagerses hypothèses.
Si l'on accepte de considérer qu'il s'agit d'une problématique linguistique
� un changement de paradigme lié à une évolution générale des connaissances en sciences humaines -neurosciences, linguistique, psycholinguistique, didactique des langues … -
� une modification des politiques linguistiques• les travaux du conseil de l'Europe• le CECRL qui permet de penser le français comme une langue
vivante
� Des programmes issus de partages d'expériences entre différents pays d'Europe ou différents pays francophones
Le FLSCO"le français comme langue de scolarisation""du français et du français seulement" (Catherine Klein, iG de lettres)
Une interface simplifiée entre un objet extrêmement complexe (≠ empirisme)
et un utilisateur qui doit gravir tous les échelons - de l'apprentissage - à la pratique courante - vers l'expertise
De nouveaux outils
si on résume :pour les années à venir, "CAP sur le français de la scolarisation" :
Accompagner, enseigner, évaluer, se former
� Une période stimulante d'élaboration de nouveaux outils et de méthodologies pédagogiques
� Un renouvellement des pratiques pour les enseignants et les formateurs
� et la réussite scolaire du plus grand nombre d'élèves : les nouveaux arrivants, les enfants allophones et tous ceux pour lesquels la maitrise de la langue est un frein au plaisir d'apprendre
Je vous remercie de votre attention